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LE DOCUMENT DE LA SEMAINE

Trois porte-clés, plusieurs


sacs, un jeu de cartes, des polices
d'assurance, quelques manuels...

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d'oeil aux conditions matérielles. Aux salaires,
d'abord. Une constatation s'impose : le terro-
risme n'enrichit pas. Ou si peu, au moins pour
*

les grandes organisations. Les petites, qui se


rapprochent parfois de bandes de hors-la-loi,
offrent, elles, quelques bricoles glanées dans la
société de consommation. 11 arrive que les mem-
bres des petites « o » prélèvent d'eux-mêmes un
pourcentage lors d'un hold-up d'autofinance-
ment : « Sur les quatorze millions, je gardai
pour moi un million cinq cent mille .lires »,
avoue Barbone aux' magistrats.' Ou qu'ils
s'offrent des vacances avec les sous de l'organi-
sation : c'est ainsi que Marco Donat Cattin,
d'après son coéquipier Sandalo, se serait payé
en juillet 1979 une' croisière sur un yacht pour
un montant d'un million et demi de lires déro-
bées à Prima Linea. Les Brigades ronges, en
revanche, se montrent extrêmement pointilleuses
sur les problèmes d'argent. En 1979; révélera
Peci, chaque « régulier » recevait une paye de
250 000 lires par mois — soit 'environ
1 250 F (6). Pas de loyer, certes, puisque l'Orga-
nisation s'en' chargeait, ni de frais professionnels
puisque l' « O » remboursait les dépenses justi-
fiées. Mais tout de même ! Il était courant, con-
tinue Peci, que les familles abandonnées par le
clandestin pour rejoindre les rangs de la lutte
armée soient aidées financièrement par « O ».
Et qu'en cas d'arrestation, enfin, les B.R. paien
tous les frais de dépense : toujours les• mêmes
avocats, d'ailleurs, Giuliano Spazzali; son frère
Sergio, condamné pour trafic d'armes, Giannino
Guiso, Edoardo Arnaldi, qui s'est suicidé en
1980. En somme, comme dans une entreprise
familiale japonaise, le salarié 13.R. est pris en
charge de sa naissance professionnelle jusqu'à sa
mort civile. 250 000 lires par mois, c'est sans
doute peu, mais c'est aussi un grand symbole
la garantie d'une vraie vie de prolétaire. Un
ouvrier débutant dans la métallurgie ne gagne
t-il pas, à la même époque, sensiblement plus d
double ?
Tournons-nous vers la police. Que découvre
t-elle 'de révélateur en débarquant dans 'un
cache terroriste ? 'Le quotidien « Lotta conti
nua » a publié, à titre d'exemple, sur huit page
.

et sous le titre « Interiors », l'inventaire de


objets trouvés dans la base de Valerio Morucc
et Adriana Faranda au moment de leur arresta
tion, le 30 mai 1979 à Rome. Edifiant. De
monceaux d'armes, bien sûr. Des • fiches, de
journaux, des comptes divers, des notes de frais
Une valise de petit bricoleur (tenailles, tourne
vis, colle, papier de verre), du matériel pour fal
sifier les cartes d'identité, mais.aussi de l'argent
d'innombrables chéquiers, 'et même diver
comptes 'à la Caisse d'épargne. Trois porte-clé
avec quarante-neuf clés, plusieurs sacs (marron
noir, beige), un jeu de cartes de poker, des poli
ces d'assurance pour différentes voitures, qttel
ques manuels de guérilla dont, en français, « le
Explosifs et le Moyen de les utiliser », une boit
de la Croix-Rouge destinée aux premiers soin
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(6) &allia Libera, alors trésorière de la colonne romaine
révèle qu'en 1980 le budget de la colonne était de 15 million
de lires par trimestre : des salaires passés à 300 000 lires pa
Mois, la location de quatre ou cinq appartements
Manifestation d'autonomes 150 000 lires par mois, les frais d'un atelier de réparation de
armes pour 1 500 000 lires, ta diffusion des tracts et Vachat d
vêtements pour 200 000 lires par mois.

122 Samedi 18 septembre 1982

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