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CONTRIBUTION DE LA LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL

AUX ÉTATS GÉNÉRAUX DES NOUVELLES RÉGULATIONS NUMÉRIQUES


FÉVRIER 2019

Proposition n°1 : Introduire des mesures de blocage immédiat et temporaire de sites


ou contenus illicites pour lutter contre le piratage des contenus sportifs
Alors que le piratage des contenus audiovisuels est en baisse (-8%, voir étude Ernst and Young 2018
et étude ALPA 2018), celui sur les contenus sportifs est en recrudescence en raison de la généralisation
des accès haut débit et du développement du streaming, notamment sur les smartphones et tablettes.
La traque de sites de streamings de sports en direct, qui n’émettent que pendant 90 minutes n’exige
pas les mêmes outils que ceux de la lutte contre le piratage de la musique ou des films. Les pirates
sont très réactifs et contournent facilement les obstacles. L’introduction d’un nouveau mécanisme
juridique permettant au juge d’ordonner le blocage des sites ou contenus illicites s’impose pour lutter
contre ce phénomène.
Une menace pour l’ensemble de l’économie du sport
La perte de valeur des contenus sportifs
La qualité des contenus sportifs est le résultat d’importants investissements dans l’organisation et la
promotion de manifestations sportives. Or le piratage affecte l’exclusivité, et donc la valeur même des
contenus vendus aux chaînes de télévision.
La perte de recettes liée au piratage est estimée à 500 millions d’euros par an pour les diffuseurs.
La possibilité de visualiser des matchs gratuitement en direct entraîne une perte d’abonnés pour les
chaînes payantes, une diminution de la capacité à acquérir des droits pour le diffuseur et une baisse
des recettes pour l’ayant droit.
Un manque à gagner pour la collectivité
Le piratage ne menace pas seulement les clubs professionnels mais toute la chaîne de valeur
des droits sportifs, y compris le sport amateur. En effet, les ligues sportives assument une large
part du financement du mouvement sportif en France grâce aux bénéfices économiques tirés de la
vente des droits. Les pirates, eux, ne reversent rien à la collectivité.
A titre d’exemple, la Ligue de Football Professionnel (LFP) verse plus de 38 millions d’euros chaque
année au titre de la taxe Buffet pour financer le sport amateur, et ce montant passera à 60 millions
d’euros à partir de 2020. Par ailleurs, la LFP verse chaque année à la Fédération Française de Football
20 millions d’euros pour financer le football amateur (30 millions d’euros à partir de 2020).
Pour l’Etat, le marché de l’illégal (tout type de contenu audiovisuel) se traduit par une perte fiscale de
430 millions d’euros par an, principalement due à la non perception de la TVA. Les territoires bénéficient
également du dynamisme du sport amateur par le soutien à certains secteurs d’activité (gestion des
équipements sportifs, tourisme et hôtellerie).
Les obstacles à la lutte contre le piratage
Aujourd’hui, la lutte contre le piratage se heurte à différents types de problèmes :
- Temporalité : lorsque les ayant-droits demandent à des plateformes ou serveurs de retirer les
contenus diffusés illégalement, celles-ci le font en général après la fin du match. Or, dans le
sport, la valeur des droits est consumée à la fin de la retransmission en direct ;
- Volume : depuis le début de la saison 2018/2019, les cinq matchs de Ligue 1 les plus piratés
ont donné lieu à près de 1200 flux pirates, dont 6% via Facebook (données Canal +). Le
piratage peut atteindre jusqu’à 20% de l’audience totale sur un soir de match. Selon
Médiamétrie, entre 1,5 et 2 millions d’internautes consultent chaque mois des sites pirates de
sport ;
- Puissance de frappe : les sites pirates bénéficient de ressources financières importantes
(principalement tirées de la publicité) qui leur permettent d’engager des frais de justice pour
faire appel des décisions de condamnation et repousser leur exécution ;
- Territorialité : lorsque les ayant-droits attaquent des sites ou des plateformes en dehors de
l’Union européenne, leurs actions sont encore plus limitées ;
- Anonymat des pirates.
Renforcer l’arsenal juridique français
La méthode la plus efficace pour lutter contre le piratage des contenus sportifs reste le blocage
en amont de l’accès aux sites ou contenus pirates par les FAI (fournisseurs d’accès à internet).
Au Royaume-Uni, depuis 2017, le juge ordonne aux FAI de bloquer une liste de serveurs de streaming
pour la durée effective des matchs, pendant toute la saison de ligue anglaise. Les ayant-droits
contribuent à ce mécanisme en collectant l’information et en la fournissant aux FAI, en mettant en
œuvre des technologies de reconnaissance des contenus - finger printing - et de vérification, de l'usage
de ces contenus sur Internet. Cette ordonnance dynamique et limitée dans le temps est très efficace et
limite la consommation de streaming illégal. D’autres pays tels que le Portugal et le Danemark ont
également mis en œuvre des solutions dynamiques pour lutter contre le phénomène.
En France, bien que la loi sur le Sport du 1er mars 2017 encourage les parties prenantes à conclure
des accords pour lutter contre le piratage, les acteurs du numérique et les FAI sont réticents et aucun
accord n’a été signé ou n’est en passe d’être signé.
Le rapport ‘Bergé’ d’octobre 2018 (Rapport de la mission d’information sur une nouvelle régulation de
la communication audiovisuelle à l’ère numérique) a préconisé un mécanisme de blocage immédiat par
lequel un magistrat ou une autorité indépendante (la Hadopi par exemple), agissant de sa propre
initiative ou à la demande des titulaires de droits, serait fondé à prendre une décision rapide et
immédiatement exécutoire pour une durée limitée dans le temps. La sanction n’interviendrait que dans
un second temps, dans le cadre d’une procédure distincte initié par les ayants droits.
En l’état de la législation, le juge considère qu’une telle mesure de blocage dynamique n’est pas
possible. Il est donc indispensable de réviser et de renforcer l’arsenal législatif permettant de
lutter contre le piratage afin d’y intégrer la problématique spécifique du ‘live streaming’ illégal,
en nous inspirant de nos voisins européens. La lutte contre le piratage ne pourra pas se faire
sans le concours des FAI pour identifier les sites pirates et obtenir les autorisations judiciaires.
Les ayants droits et les diffuseurs continueront pour leur part à mener des actions
technologiques (détection, notifications) et judiciaires.
D’autres mesures doivent être également étudiées en complément :
- Renforcement des mesures techniques de protection,
- Développement d’une méthodologie d’identification des sites et serveurs dont l’activité
principale est de diffuser des contenus sans autorisation,
- Communication et d’éducation auprès du grand public,
- Déréférencement des sites pirates par les régies publicitaires etc.

Proposition n°2 : Adopter une réponse coordonnée au niveau européen pour lutter
contre le piratage en ligne
Le piratage en ligne ne connaissant pas de frontières, il est indispensable d’adopter une
approche européenne commune pour lutter plus efficacement contre ce phénomène. L’Union
européenne (UE) devrait mener une réflexion plus poussée sur le rôle des différents acteurs
(ayant-droits, intermédiaires, diffuseurs) et sur les outils permettant d’assurer le respect des
droits de propriété intellectuelle à travers les différents Etats membres.
La directive sur le commerce électronique qui protège les prestataires intermédiaires de l’internet a été
adoptée il y a déjà près de 20 ans. Dans le même temps, le rôle et les capacités de ces intermédiaires
ont considérablement évolués, tandis que le piratage a pris son essor. Une révision de cette directive
s’impose donc. La LFP invite l’Etat français à jouer un rôle proactif auprès des institutions européennes
pour l’ouverture et la conduite de ce débat.
L’UE pourrait également proposer un mécanisme de reconnaissance des ordonnances délivrées dans
d’autres Etats membres pour les mêmes contenus illicites. A titre d’exemple, le blocage du site Pirate
Bay dans 13 Etats membres a nécessité de satisfaire à 13 règles de preuve différentes.
En outre, les organisateurs d’événements sportifs ne bénéficient pas aujourd’hui de la même
reconnaissance et protection dans les pays européens. La création d’un droit voisin européen offrirait
aux organisateurs de compétitions sportives une base légale harmonisée pour agir en leur nom propre
contre le piratage des retransmissions sportives, en particulier hors de leur territoire national. Ce droit
viserait à protéger la « première fixation » des manifestations sportives, au moyen par exemple d’une
référence aux articles 7 de la directive 2006/115/CE (droit de location et de prêt et à certains droits
voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle) et aux articles 2 et 3 de la
directive 2001/29/CE (harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la
société de l'information).

Proposition n°3 : Renforcer la responsabilité des plateformes dans la lutte contre les
discours haineux et discriminatoires
En raison de sa forte médiatisation, le football est malheureusement souvent la caisse de résonance
de la violence sociale et du racisme, dans les stades et sur les réseaux sociaux. Mais le football, pas
son impact sociétal, peut aussi contribuer à construire une société plus juste. La LFP, à travers son
activité et ses compétitions, s’engage à lutter contre tout comportement raciste, sexiste, homophobe,
antisémite ou discriminatoire. Elle a déjà mis en œuvre un grand nombre d’actions de prévention et
répression (sanctions disciplinaires, dépôts de plaintes, consignes aux arbitres, signature d’une charte
contre le racisme en 2004, campagnes de sensibilisation, ateliers au sein des centres de formation
etc.). La LFP est actuellement en discussion avec la LICRA (Ligue Internationale contre le Racisme et
l’Antisémitisme) afin de conclure un partenariat, qui sera notamment construit autour de
l’accompagnement de la LFP par la LICRA à la gestion des discours de haine exprimés sur les réseaux
sociaux.

Aujourd’hui, la distinction juridique entre les éditeurs de contenu pleinement responsables et les
hébergeurs et intermédiaires techniques est à l’origine de la croissance des discours de haine sur les
réseaux sociaux. Ces réseaux sociaux sont soumis à une responsabilité allégée, car reconnus comme
des hébergeurs au sens de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie
numérique. Cela signifie que les responsables des réseaux sociaux ne peuvent pas voir leur
responsabilité civile engagée s’ils n’avaient pas connaissance du caractère illicite du message posté
par un internaute ou s’ils ont agi promptement pour retirer le contenu publié dès lors qu’ils ont pris
connaissance de son caractère illicite. Cela n’est pas suffisant. La diffusion massive sur ces réseaux
du tag raciste, antisémite et homophobe visant Kylian Mbappé en est la preuve.
Une réflexion doit donc être urgemment engagée pour étendre les responsabilités des plateformes, sur
le modèle de la nouvelle législation allemande votée l’été dernier. Celle-ci vise à sanctionner plus
durement les messages d’incitation à la haine (insultes, appels à la violence ou propagande terroriste
par exemple) et à responsabiliser les hébergeurs de ces contenus. En France, le rapport ‘Avia’ visant
à renforcer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet, appelle ainsi à la création d’un statut
particulier d’opérateur de communication au public en ligne, regroupant les réseaux sociaux et moteurs
de recherche de grande taille. Il propose de préciser que pour ces plateformes, le retrait devra intervenir
dans les 24h maximum à compter de la réception de la notification. Cette réflexion doit évidemment
aller de pair avec un débat plus large sur la révision de la directive sur le commerce électronique qui
protège les intermédiaires internet.

La LFP assure la gestion des activités et le développement du football professionnel en France. En vertu d’un
Protocole d’Accord Financier signé avec la Fédération Française de Football, la LFP est titulaire des droits
d’exploitation des compétitions qu’elle organise (Ligue 1, Ligue 2 et Coupe de la Ligue). A ce titre, nous
commercialisons ces droits d’exploitation, notamment l’exploitation audiovisuelle (y compris dans l'environnement
en ligne). Notre site : www.lfp.fr
Contact : Julien Taieb, Directeur des Affaires Juridiques et Publiques : julien.taieb@lfp.fr

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