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Concours IRA 3ème concours 2013

(épreuves en février 2014)

Epreuve d’admissibilité

Corrigé 1
(Thème : L’Etat, garant de l’égalité des chances)

Pierre Gévart
Vous disposez de trois heures pour mener à bien la note sur dossier. Il s’agit d’une note de synthèse .

Trois heures, cela vous permet d’organiser ainsi votre temps :

 Prise de contact avec le sujet : 10 mn


 Dépouillement du dossier : 1 heure
 Recherche de problématique et plan : 10 mn
 Rédaction de la note : 1h30
 Relecture et réserve de temps : 10 mn

Exploitation de la mise en situation :

Rappel : Vous êtes chargé de préparer l’intervention du haut fonctionnaire chargé de présider la
commission « discrimination positive » d’une conférence interministérielle sur l’égalité des chances. A
cet effet, il vous est remis un dossier dont vous donnerez une synthèse qui puisse servir de support à
un découpage en ateliers.

S’il s’agit d’une note de synthèse, ainsi que le précise la seconde phrase, celle-ci s’accompagne d’une
mise en situation qui justifiera l’utilisation d’un en-tête administratif. On ne vous précise pas le poste
que vous occupez, pas plus que le grade. Cependant, à l’évidence, vous êtes placé en administration
centrale. En effet, c’est à ce niveau que va pouvoir être organisée une « conférence »
interministérielle. On pourrait même supposer que, comme pour un « comité » interministériel, celui-
ci soit présidé par le Premier ministre, en l’occurrence par le Secrétaire général du gouvernement, ou
un de ses adjoints. Ce haut-fonctionnaire va prononcer une introduction aux travaux de la
conférence, qui regroupe donc des représentants de plusieurs ministères.

Ensuite on vous précise la commande qui vous est faite : une synthèse du dossier qui pourra servir de
base à un découpage de la conférence en atelier. C’est dès l’introduction qu’il faudra le préciser.

Analyse de la liste des documents

Document A : Les premiers pas de la La discrimination positive pour Cela peut constituer un
discrimination positive en France - Le l’entrée dans l’enseignement bon document d’entrée, à
Monde.fr | 16.12.08 – 1 page supérieur lire pour mieux
comprendre le sujet
Document B : Discrimination positive L’article a le mérite d’aborder Avec 5 pages et 25
en France, par Marie Boéton – Études, au moins deux thèmes : celui paragraphes, le document
Revue de culture contemporaine, des discriminations liées au est un peu long pour être
Tome 398, 2003/2 – 5 pages nom ou aux origines, et celui document pivot, mais on
de la discrimination positives peut le tenter.
liée à la parité
Document C : Note sur les Zones Un aspect particulier est ici Document trop restreint
d’Education prioritaire, rédigée par envisagé. dans son champ pour
Baptiste Villenave - Ecole normale faire un document
supérieure / Séminaire de discussion pivot. Par ailleurs, il faut
et de réflexion politiques. Séances du ne pas trop s’y attarder,
7 et du 14 novembre 2002 - 3 pages le lire « en diagonale »

Document D : DISCRIMINATION Ici encore, une approche très Ne pas trop donner de
POSITIVE : Comparaison France / partielle place à cette
Etats-Unis - Respect mag, 19 AVRIL, comparaison
2013 - www.respectmag.com – 1 page
Document E : Extrait de la revue Un article fouillé et riche, mais Ce ne peut être un
« Pouvoirs » N° 111 – novembre 2004 qui n’envisage que l’approche document pivot : trop
– 5 pages « géographico-politique de la long, trop partiel, et
Ville » de la question déjà ancien

Document F : Déclaration des Droits Incontournable, attachée à la Mais attention : ne pas se


de l'Homme et du Citoyen de 1789 – 1 constitution. limiter à l’article premier,
page l’article 10 et la seconde
partie de l’article 6 sont
également ici pertinents.

Document G : Charte de la diversité Un autre aspect : les Ce document vient en


en entreprises – 2010 – 1 page discriminations à l’emploi dans fait enrichir le sujet
le secteur privé.

Document H : Extrait de la brochure La discrimination positive à Il s’agit ici d’un simple


« PEI – Le programme d’ouverture l’entrée dans les IRA complément du
sociale pour votre réussite dans le document A
supérieur » - IEP de Lille – Chiffres
2011 – 2012 – 3 pages

Le Plan

On l’a vu, le plan constitue donc le découpage en ateliers. On peut ici en envisager quatre :

- Le bilan de la politique de la Parité

- Le bilan des actions sur base socio-géographique

- Les risques et dérives de la discrimination positive

- Les pistes de réflexion

Cela pourrait donner cette annonce de plan :

« Si, en matière de lutte contre la discrimination liée au sexe, la France avec la Parité, va plus loin que
l’affirmative action des Etats-Unis, l’exclusion constitutionnelle de toute identité de groupe l’a
conduite à adopter des politiques de discrimination positive à base territoriale (1). Cependant, ces
politiques trouvent leurs limites, et ne parviennent pas à éliminer certains risques, Un certain nombre
de pistes de réflexion peuvent cependant être ouvertes pour y remédier (2). »

Proposition de corrigé :
Conférence interministérielle sur la Date (celle du jour)
discrimination positive
Cabinet du Président

Note pour le Président de la Conférence

Objet : Introduction à la conférence sur la discrimination positive en France

Référence : Allocution d’ouverture

Suite à votre demande, vous trouverez ici une proposition de texte pour l’introduction à la conférence
interministérielle sur la discrimination positive en France, dont vous êtes le Président.

La non-discrimination est au cœur de la déclaration universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen,


de 1789. Ce texte, partie intégrante de la Constitution de la République, commence par affirmer, dans
son article premier, l’égalité des droits. Il renforce cette exigence, pour l’accès aux emplois publics par
son article 6, dans lequel il exclut toute autre distinction que « celle de leurs vertus et de leurs
talents ». Enfin, à l’article 10, il précise que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même
religieuses » (nous soulignons). Pourtant, plus de deux siècles après l’élaboration de la déclaration,
force est de constater que les citoyens ne sont pas tous égaux devant la société. De plus, si la
déclaration de 1789 ne fait pas mention des femmes, l’égalité à laquelle elles ont droit est aujourd’hui
encore à construire. La France a donc décidé de se doter d’un certain nombre d’outils correcteurs des
effets des discriminations, passant pour cela par des « contre-discriminations », pour lesquelles on
parle de « discriminations positives ».

Si, en matière de lutte contre la discrimination liée au sexe, la France avec la Parité, va plus loin que
l’affirmative action des Etats-Unis, l’exclusion constitutionnelle de toute identité de groupe l’a
conduite à adopter des politiques de discrimination positive à base territoriale (1). Cependant, ces
politiques trouvent leurs limites, et ne parviennent pas à éliminer certains risques, Un certain nombre
de pistes de réflexion peuvent cependant être ouvertes pour y remédier (2). Ce découpage sera celui
sur lequel nous mènerons ensuite nos travaux en ateliers.

1. Si, en matière de lutte contre la discrimination liée au sexe, la France avec la Parité, va plus
loin que l’affirmative action des Etats-Unis, l’exclusion constitutionnelle de toute identité de
groupe l’a conduite à adopter des politiques de discrimination positive à base territoriale

Les Etats-Unis, qui sortaient d’une période de discrimination raciale active, ont voulu « gommer » à
marche forcée les effets de celle-ci en menant une politique de discrimination positive fondée sur la
représentation des différents groupes ethniques, notamment dans les universités. Il s’agit de
« l’affirmative action », dans laquelle sont instaurés des « quotas », matérialisés en particulier par des
conditions de résultats différentes pour intégrer l’enseignement supérieur. La France selon les cas,
s’est inspirée de cette politique, ou s’en est démarquée.
a. Le Bilan de la Politique de la Parité (Atelier A)

Alors que l’égalité entre les hommes et les femmes est affirmée par la Constitution, force est de
constater que, dans les faits, celle-ci n’est pas encore réalisée. Le parlement français est, en Europe,
un de ceux où les femmes sont encore le moins représentée, leur part dans la haute fonction publique
reste minoritaire, ainsi que dans les instances de direction des grandes entreprises, et en matière de
rémunération, un écart sensible reste perceptible, entre hommes et femmes, pour le même niveau de
responsabilité. C’est la raison pour laquelle, allant plus loin qu’une attention soutenue au respect des
textes proscrivant la discrimination sexuelle, la France s’est dotée d’un appareil de textes instaurant
au contraire une discrimination de correction, et donc positive. Ainsi, les partis politiques sont-ils
tenus, sous peine d’amendes, de présenter en même nombre des candidats et des candidates aux
élections, ainsi, dans les recrutements dans la haute administration, est-il désormais fait obligation de
respecter cette parité. Il s’agit réellement d’un quantum, ici de 50%.

Cependant, si l’existence de deux sexes différents, permettant la fixation de ce quantum n’est pas
discutée, il n’en va pas de même des distinctions liées aux origines ethniques.

b. Le bilan de la discrimination positive à base territoriale (Atelier B)

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, quand elle instaure l’égalité, le fait entre les
individus. Elle exclut toute autre distinction que celle qui se fonde sur les « vertus et [les] talents ». Il
en résulte que des concepts opérationnels aux Etats-Unis, comme ceux de groupes ethniques ou de
groupes raciaux n’ont aucun sens en France, et ne peuvent donc servir de base à une action de
discrimination positive. Cependant, il apparaît que ces concepts jouent dans la société civile pour
limiter l’accès aux responsabilités, notamment des personnes issues de l’immigration. On parle alors
de diversité. Le constat de la présence différentielle de ces exclus des responsabilités dans des zones
géographiques dites à difficultés a cependant permis de développer une discrimination positive sur
critères socio-géographiques. Celle-ci s’est d’abord développée, dès 1982, autour des différences de
résultats constatés entre des collèges distribuant pourtant le même enseignement. Il s’est alors agi de
donner aux collèges « en difficulté » des moyens renforcés, à l’intérieur de « Zones d’Education
Prioritaires », les ZEP. Les résultats, s’ils ne gomment pas toutes les différences, sont jugés positifs.
Dans le même temps, la « Politique de la Ville » s’est mise en place, cette fois autour de quartiers
sensibles, en encourageant, notamment par des mesures fiscales, l’installation d’acivités dans ces
quartiers. Nous verront que les résultats sont ici davantage contrastés. Enfin, sur la base de critères à
la fois sociaux et géographiques, de grandes écoles, des universités, des écoles du service public ont
organisé un recrutement adapté de jeunes en provenance des zones en difficulté, avec un certain
succès.

Ainsi donc, la France pratique des politiques de discrimination positive. Cependant, celles-ci trouvent
un certain nombre de limites, et rencontrent des risques de dérive.

2. Cependant, ces politiques trouvent leurs limites, et ne parviennent pas à éliminer certains
risques, Un certain nombre de pistes de réflexion peuvent cependant être ouvertes pour y
remédier
Même si, globalement, les politiques de discrimination positive enregistrent des résultats, il reste à
leur égard un certain nombre de critiques qui poussent à chercher des voies d’amélioration.

a. Les limites et les risques des politiques actuelles (Atelier C)

Par nature, toute politique publique rencontre des obstacles, et génère des effets pervers. Il n’en va
pas autrement pour les politiques de discrimination positive. Ainsi, concernant la mise en place de la
parité en politique, le résultat de celle-ci aux élections les plus récentes est loin d’être probant. Si les
partis politiques sont désormais astreints à présenter les candidats des deux sexes en proportions
égales, la tentation est encore grande d’établir cet équilibre en positionnant des candidates sur des
circonscriptions « perdantes », ou encore simplement d’intégrer le montant de l’amende au coût de la
campagne, faisant ainsi un choix avantages/inconvénients n’allant pas dans le sens souhaité. Aux
élections municipales, l’alternace obligatoire d’hommes et de femmes sur les listes de candidature ne
s’applique pas dans les communes de moins de 3500 habitants, les plus nombreuses. Enfin,
concernant la haute administration, l’application systématique de la parité pourrait poser un jour la
question d’un choix contraire à la constitution, si l’argument du sexe l’emportait sur celui des
compétences.

En matière de correction géographique. Loin de gommer les perceptions, certes inconstitutionnelles,


de différences ethniques, les politiques fondées sur la géographie urbaine introduisent le risque d’une
nouvelle discrimination, cette fois fondée sur le label « ZEP » ou « Quartier sensible ». De même,
l’approche globale peut engendrer des effets de marge : des individus subissant une discrimination de
fait mais habitant en dehors des zones bénéficiaires sont ainsi laissés pour compte, alors que au
contraire, l’inscription d’un élève dans une classe ZEP peut laisser entrevoir l’accès à des filières
d’intégration facilitée. Enfin, s’agissant des classes supérieures, telles Sciences Po Paris, les mesures,
pour être acceptables, doivent porter sur des accès supplémentaires, et non pas des accès prioritaires
à effectif constant.

b. Des pistes de réflexion pour l’avenir (Atelier D)

Il devient donc nécessaire d’aller plus loin. En matière de parité, l’accent doit sans doute être mis aussi
sur la formation initiale. En effet, en dehors des lourdeurs socio-professionnelles, les filles sont encore
découragées, y compris lors du processus d’orientation de suivre les filières d’excellence. Il est
nécessaire non seulement de travailler à faire disparaître ces lourdeurs, mais encore sans doute
d’effectuer auprès des élèves filles un travail d’information et de motivation leur permettant d’évacuer
une certaine autocensure. Cela permettra d’ailleurs à terme d’évacuer également le risque d’une
inégalité liée au sexe cette fois appliquée aux hommes. Sans doute aussi, comme pour toute politique
doit-on anticiper la réussite de celle-ci pour éviter les effets de balancier.

En matière de discrimination socio-géographique, certaines voix se font entendre pour regretter ce


qu’elles désignent comme un certain « conservatisme » français, en demandant que soient reconnus
dans le cadre de la République des groupes ou des communautés d’origine. C’est bien entendu
inacceptable, en contradiction avec les fondements même de notre culture politique, administrative
et humaine. Par ailleurs, la France est un des pays du Monde où les mariages mixtes sont les plus
nombreux. Faudrait-il demander aux enfants de choisir entre le groupe ou le communauté du Père et
celle de la mère ? On perçoit tout de suite l’absurdité d’une telle proposition. En revanche, il est des
critères rattachables à la personne qui ne sont pas substantiellement liés à l’origine : niveau de renu,
durée du chômage, etc. Sans doute est-ce dans cette direction qu’il convient désormais aussi de
travailler. En particulier, la critique est faite de la faible obligation faite aux entreprises d’employer
préférentiellement des personnes originaires des quartiers où elles s’installent. La charte de bonne
conduite des entreprises ne constitue en rien un effort cohérent de discrimination positive. Ici encore,
les mesures fiscales liées à la situation vis-à-vis de l’emploi vont-elles dans le bon sens.

Conclusion

La France est donc un pays qui pratique des politiques de discrimination positive, selon des modalités
adaptées aux différentes situations, et dans le respect des règles constitutionnelles. Nous aurions
d’ailleurs pu y inclure les politiques en faveur des handicapés. Comme toute politique publique, celles-
ci suscitent des critiques, souvent justifiées, et favorisent quelques effets pervers. On doit cependant
être satisfait du caractère globalement positif de ces actions, menées dans le strict respect de nos
principes fondamentaux. Vouloir aller plus vite en saccageant les institutions est porteur de
davantage de risques que de promesses. Ceci ne dispense toutefois pas d’une réflexion poussée pour
améliorer encore les dispositifs, celle que vous allez mener dans les différents ateliers.

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