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Éditions
de la
Sorbonne
Les mutations de l’écriture | François Nicolas
Les enjeux
logiques de
l’écriture
musicale et de
ses mutations en
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cours
François Nicolas
p. 11-42
Texte intégral
« La matière moderne a la structure de la
lettre1. »
Jean-Claude Milner
1 Le solfège, plus spécifiquement l’écriture proprement
musicale de la musique, constitue le cœur même de la
musique, un cœur qu’on dira logique s’il est vrai qu’il y
va d’une aptitude logique de la musique à faire monde.
2 Les mutations en cours de l’écriture musicale doivent
donc être évaluées à hauteur de cette disposition : il en
va de la logique musicale même, non de simples
transformations techniques.
*
3 La première chose à prendre en compte est qu’il existe
plusieurs manières d’écrire la musique (de la coucher
par écrit), mais qu’une seule d’entre elles mérite d’être
dite musicale – soit le solfège comme nom propre de
cette écriture musicale de la musique.
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Le chiffre informatique
12 L’écriture informatique s’intéresse au matériau sonore
généré par une exécution musicale donnée, et il l’inscrit
selon la même logique qu’il inscrit tout autre matériau
sonore : grosso modo, on « enregistre » et code le son
musical avec les mêmes techniques qu’on enregistre et
code le bruit d’un moteur ou le discours d’un orateur.
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4. La réforme de Rousseau
15 L’idée de Rousseau est que ressaisir la note sous le signe
du chiffre permettrait de rationaliser un solfège devenu
bien compliqué et disparate et par là, de simplifier son
apprentissage.
« J’en appelle à l’expérience sur la peine qu’ont les
écoliers à entonner6. »
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D’autres chiffres
20 On comprend que pour Rousseau les chiffres ne vont pas
être les mêmes que ceux de l’écriture informatique :
celle-ci n’utilise que des 0 et des 1 qui pourraient tout
aussi bien être inscrits comme a et b, x et y, ou α et β
puisqu’ils ne désignent nulle quantité, n’inscrivant que
la différence de deux places.
21 L’écriture chiffrée de Rousseau utilise par contre
l’éventail des chiffres 0, 1, 2... 7 et les convoque au titre
même des nombres qu’ils désignent (comme lettres de
nombres donc) ; voir figure 1 page 15.
22 Cette réforme est mise en œuvre au nom de principes
qui logiquement nous intéressent car ils pointent – en
les critiquant – certains enjeux proprement logiques du
solfège.
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Non naturel
23 Il y a d’abord que pour Rousseau le solfège n’est pas
« naturel ». À cette époque (1742-1743), pour Rousseau
le « naturel » en musique ne renvoie pas encore à la
« Nature », mais s’attache explicitement au vieil ordre
arithmétique de la musique :
« la musique naturelle, c’est-à-dire la musique par
chiffres14. »
« Rien n’est si naturel que l’expression des divers sons
par les chiffres de l’arithmétique15. »
Guy d’Arezzo16
25 Rousseau, en ce point, est lucide et conséquent : le
premier responsable de cette complication non
« naturelle » est celui qui l’a amorcée, Guy d’Arezzo.
« Il n’est pas aisé de savoir précisément en quel état
était la musique quand Gui d’Arezze s’avisa de
supprimer tous les caractères qu’on y employait, pour
leur substituer les notes qui sont en usage
aujourd’hui. [...] Ce qu’il y a de sûr, c’est que Gui
rendit un fort mauvais service à la musique et qu’il est
fâcheux pour nous qu’il n’ait pas trouvé en son
chemin des musiciens aussi indociles que ceux
d’aujourd’hui17. »
« Il convient « de ramener [la musique] à sa première
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Unification de l’alphabet
27 Rousseau mobilise en ce point un paradis perdu grec où
musique et mathématiques partageaient le même
alphabet :
« Les Grecs [ne] se servaient des lettres de leur
alphabet [pour exprimer les rapports entre les sons]
que parce que ces lettres étaient en même temps les
chiffres de leur arithmétique19. »
« Il faut ramener [la musique] à sa première
simplicité20. »
La lettre de silence
30 Relevons un autre trait marquant de son projet :
Rousseau concentre son attaque sur la manière bariolée
dont le solfège écrit le silence pour proposer de tout
ramener drastiquement au seul chiffre du nul :
« On sait combien de figures étranges sont employées
dans la musique pour exprimer les silences22. »
« Les silences n’ont besoin que d’un seul signe pour
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38 par
39 Ut │1, . , 3│
40 ce qui « économise » la redondance tenant à une double
écriture de la mesure : à la fois littérale (3/4) et
spatiale28 :
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de l’alphabet langagier
42 À la différence des écritures de la musique avec des
chiffres, on peut envisager d’écrire la musique avec les
lettres courantes de l’alphabet ordinaire, ce qui va
engager une tout autre conception de ce qui de la
musique doit être écrit.
La tablature traditionnelle
43 Écrire la musique à la lettre alphabétique va impliquer
de mettre l’accent non plus sur le résultat sonore (généré
par le jeu instrumental) mais, à l’inverse, sur le geste
musicien qui l’engage. C’est écrire la musique selon la
logique traditionnelle d’une tablature : celle qui désigne,
le plus souvent graphiquement, comment jouer d’un
instrument pour matérialiser telle note dans tel
instrument.
Tablature informatique
45 Il s’agira par exemple de l’écriture d’un patch
informatique : celui-ci consigne la série des opérations
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obtenu.
Écriture narrative
49 On peut entreprendre le même type de narration à
propos cette fois des gestes mêmes du musicien. C’est ce
qu’un certain nombre de compositeurs ont cru devoir
entreprendre dans les années 60, débouchant ainsi sur
ce qu’on a pu appeler des partitions verbales.
50 Stockhausen n’a pas échappé à cette tentation
(musicalement nihiliste32), en particulier dans le recueil
Aus den sieben Tagen qui a constitué en 1968 le coup
d’envoi de son vaste tournant idéologico-musical.
51 Pour exemple, nous pouvons prendre « l’écriture »
intégrale de la seconde pièce du recueil, Unbegrenzt,
pour ensemble33, en date du 8 mai 1968 (Cf. la figure 3).
FIGURE 3 :*
« Joue un son avec la certitude de disposer d’un temps
et d’un espace infinis »
52 Difficile de se tenir plus loin de l’écriture musicale
conquise depuis d’Arezzo !
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92 gravure :
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Un fatras
97 Il faut d’abord prendre mesure du point relevé par
Rousseau : le solfège se présente effectivement comme
un fatras invraisemblable. On y mélange toutes sortes de
signes – nous allons dans un instant tenter d’y mettre un
peu d’ordre –, le plus souvent sans guère d’explications
et sans que jamais un plan rationnel d’ensemble n’en
soit présenté.
98 Cet amas disparate de signes, de lettres de toutes
natures (chiffres, lettres alphabétiques, notes), de
figures et de dessins engage aussitôt la question
suivante : en quoi fait-il un ? En quoi est-il légitime de
récollecter un tel amoncellement sous le nom de
solfège ? Bref, existe-il un solfège musical ou existerait-il
plutôt une liasse non brochée de solfèges ?
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118 —p
119 — hautbois
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noté.
ce qui s’écrit,
ce qui se note (faute de pouvoir s’écrire),
ce qui n’est pas inscrit (le « non-dit », ni écrit ni
noté, considéré comme allant de soi).
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Rythme et timbre
130 Si l’on remarque qu’à l’autre extrémité, ce qui de la
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Crise du solfège
139 Il est clair que le solfège traverse aujourd’hui une crise
que l’on dira de croissance plutôt que de dégénérescence
et qu’une telle crise se traduit subjectivement chez le
musicien par une crise de confiance dans le solfège lui-
même : à la fois dans la validité de la vieille note mais
surtout dans le principe même d’un solfège et donc dans
la nécessité d’un noyau dur d’écriture proprement
musicale.
140 Bien des compositeurs se retrouvent en première ligne
dans cette entreprise de déconstruction de l’écriture
musicale. C’est dire que cette crise n’est pas un
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épiphénomène.
141 La crise actuelle du solfège désoriente :
Surcharge de la partition
142 Du côté de la surcharge, l’accumulation de signes
inscrits comporte au moins les trois aspects suivants.
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Une hétérogénéisation
145 Deuxième déplacement du curseur, cette fois entre noté
et non-inscrit : les notations prolifèrent en sorte
d’inscrire soit ce qui restait avant non-dit (modes de
jeux, etc.), soit ce qui, étant nouveau, doit être dit.
146 J’en prendrai pour seul exemple les nouvelles notations
qu’il m’a fallu inventer pour désigner dans Duelle le jeu
de la Timée (nouveau dispositif conçu à l’Ircam pour
projeter musicalement les sonorités
56
électroacoustiques ), cf. la figure 17
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Notes
1. Libertés, lettre, matière (Conférence du Perroquet numéro 3,
juin 1985 ; p. 7.)
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Auteur
François Nicolas
© Éditions de la Sorbonne, 2013
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