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La Marginalisation Économique de La Région
La Marginalisation Économique de La Région
MouhcineFikri, comme les autres pêcheurs d’Al Hoceima, n’avait plus de titre professionnel.
Mais ni la police, ni la douane, ni les services des pêches ou vétérinaires ne les empêchaient
d’avoir une activité normale de pêcheur . Ils pouvaient commercer sans avoir à payer de
droits et subir de contrôles sanitaires. Et cela arrangeait bien tout le monde. Autant les
pêcheurs qui pouvaient essayer de gagner leur vie que l’État qui évitait ainsi que cette partie
de la population ne sombre encore plus dans la pauvreté. Toutefois, à l’approche de la
COP22, la grande conférence climatique de l’ONU, qui se tenait en novembre dernier à
Marrakech, l’État s’était mis en tête de faire, momentanément, respecter les règles. Pour
une question d’image. Voilà pourquoi Mouhcine Fikri s’est fait contrôler. Les premières
contestations ont lieu en septembre 2016, où plusieurs Rifains se rassemblent pour
manifester contre l'état des routes, notamment à Beni Hadifa où Nasser Zefzafi se met en
avant pour la première fois pour dénoncer les mauvaises infrastructures du Rif. Cependant,
l’événement majeur et déclencheur du mouvement est la mort, le 28 octobre 2016 à Al
Hoceïma, du poissonnier Mohcine fikri.
Au début, les autorités ignorent le mouvement, estimant sans doute qu’il s’éteindrait de lui-
même. Mais, devant sa persistance et son extension, elles sont obligées de réagir, . Tandis
que dans les drapeaux présents, on retrouve le drapeau de la République du Rif mais pas
celui du Maroc. Apres une forte mobilisation l’Etat se sent menacé ou bien les intérêts des
acteurs. Le pouvoir a cherché à diviser et isoler la mobilisation pensant que le temps jouerait
en sa faveur. En réalité, La contestation a dévoilé une crise de la façade démocratique, de
ses relais institutionnels, des dispositifs hégémoniques des dominants .Les partis du système
largement discrédités, n’ont aucune assise sociale autre que clientéliste. Associés à la
gestion d’un système répressif, corrompu, leurs discours ne sont que la mise en forme des
injonctions du ministère de l’intérieur. La crise politique n’a pas commencé ces derniers
mois, mais la mobilisation l’a fait apparaitre ouvertement.
Mais deux autres initiatives ont retenu l'attention: la fin de la visite effectuée à Al Hoceïma
par «la Moubadara d'Al Hoceïma», une initiative menée par une dizaine de membres de la
société civile, académiciens et intellectuels, qui se sont déplacés dans la région, entre le
lundi et le jeudi de la semaine dernière, pour enquêter sur le hirak, et encourager un
dialogue entre celui-ci et les autorités locales.
Toutes les parties ont été contactées durant cette visite, autorités locales, élus, familles des
prisonniers, prisonniers, et des jeunes du Mouvement de protestation toujours en activité…
«L'objectif étant de rétablir la confiance, engager le dialogue, car il y a un véritable
malentendu entre la population et les autorités qu'il faut dissipe, Une autre initiative pour
apaiser la situation provient cette fois-ci du président de la région Tanger-Tétouan-Al
Hoceïma, Ilyas El Omari. Pointé du doigt par nombre de députés, dont ceux du PJD, comme
ayant failli à son rôle dans la gestion de cette crise, le patron du PAM sort de sa réserve et
annonce la tenue le 16 juin d'un «symposium national» sur les protestations d'Al Hoceïma. Y
sont invités syndicalistes, députés, membres du gouvernement, Conseil national des droits
de l’Homme, Conseil économique, social et environnemental, familles des prisonniers,
universitaires, et la Coordination européenne de solidarité avec le mouvement rifain.
Le pouvoir cherche à créer des espaces de médiation visant à faire croire que le dialogue est
possible. On a vu fleurir les initiatives, les prises de positions, les pétitions appelant « au
dialogue »pour abaisser les tensions et trouver des solutions communes dans l’intérêt de la
stabilité et du pays . Reste que l’objectif visé n’est pas la réponse aux revendications des
masses mais de gagner du temps, de diviser le mouvement et de remettre en selle des pare
chocs protégeant le pouvoir central et diluant ses responsabilités. Il s‘agit de refuser les
officines politiques, les pseudos dialogues avec les marionnettes du pouvoir, les médiations
et relais du système. Les demandes sociales et démocratiques doivent être orientées vers le
pouvoir réel et les véritables centres de décisions.
Tout est possible mais rien n’est certain. Le pouvoir s’appuie sur ces différences pour éviter
que l’incendie se propage, le roi Mohammed VI dans ses derniers discours, avait vertement
critiqué les membres du gouvernement. Soucieux de ne pas voir se reproduire d’autres
mouvements de protestations similaires à celui en cours dans le Rif, déjà cet été, plusieurs
ministres avaient été privés de vacances par le roi et sommés de se rendre en urgence dans
les zones concernées par les plans de développement. Ce qui est impressionnant dans ce
mouvement, le Hirak, c’est sa capacité à mobiliser pratiquement l’ensemble de la population
non seulement dans la ville d’Al Hoceima, mais dans toute la région. C’est aussi son souci de
s’auto-organiser, loin des récupérations possibles de tous les corps constitués,
administration, partis, syndicats, associations.
Ce n’est sans doute pas un hasard si, après des mois de tergiversations, le pouvoir qui avait
reconnu les défaillances de la gestion de la région, limogé quelques ministres et hauts
fonctionnaires coupables d’inaction, de corruption ou de prévarication.