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Droit à la

déconnexion

Le droit à la déconnexion, au delà des


textes de loi, est un principe selon lequel
un salarié est en droit de ne pas être
connecté aux outils numériques
professionnels (téléphone portable,
emails, etc.) en dehors des horaires de
travail : congés, temps de repos, week-
end, soirée, etc.
La France est le premier pays[1] à avoir
intégré le droit à la déconnexion dans les
textes de loi, dans le cadre de la loi El
Khomri (appelé plus communément "loi
Travail"). Depuis le 1er janvier 2017, le
droit à la déconnexion oblige les
entreprises de plus de 50 salariés à
trouver un accord d’entreprise sur la
gestion de la disponibilité des employés
en dehors des horaires du travail.

Historique 
Contexte

En 2016, une étude[2] estimait à 37 % le


nombre d'actifs utilisant
quotidiennement des outils numériques
professionnels en dehors de leur temps
de travail, et à 62 % le nombre de ceux
estimant nécessaire d'instaurer des
règles pour limiter ce phénomène. De
plus, l'instauration de telles mesures de
régulation était également préconisée
par le rapport sur l'impact de la
transformation numérique au travail.

Origine(s) 

Il faut remonter à une décision de la Cour


de cassation en 2013 pour voir
apparaître une première ébauche de
texte sur ce sujet. En effet, à la suite de
l’invalidation de l’accord sur le forfait
jours de la branche SYNTEC, les
partenaires sociaux ont révisé cet accord
le 1er avril 2014. La Cour de cassation
avait souligné dans son arrêt les
éléments suivants : « toute convention de
forfait en jours doit être prévue par
accord collectif dont les stipulations
assurent la garantie du respect des
durées maximales de travail ainsi que
des repos, journalières et
hebdomadaires » et « que le droit à la
santé et au repos est au nombre des
exigences constitutionnelles ».

Dans le nouvel avenant[3], signé en avril


2014, le SYNTEC précisait dans l’article
4.8.1, une obligation de déconnexion :
« l’effectivité du respect par le salarié des
durées minimales de repos implique pour
ce dernier une obligation de déconnexion
des outils de communication à
distance ».

La disposition de la Loi Travail s’appuie


donc sur cet avenant de la SYNTEC en
l’élargissant à toutes les branches.

Application(s)
En France

Voté dans le cadre de la loi Travail, dans


le nouvel article L2242-8 du Code du
travail, ce droit à la déconnexion est
entré en vigueur au 1er janvier 2017.
Ce droit est inscrit dans la loi de la
manière suivante[4] :

I. - L'article L. 2242-8 du code


du travail est ainsi modifié :

1° Le 6° est complété par les


mots : « notamment au moyen
des outils numériques
disponibles dans l'entreprise ; »

2° Il est ajouté un 7° ainsi


rédigé :
« 7° Les modalités du plein
exercice par le salarié de son
droit à la déconnexion et la
mise en place par l'entreprise
de dispositifs de régulation de
l'utilisation des outils
numériques, en vue d'assurer le
respect des temps de repos et
de congé ainsi que de la vie
personnelle et familiale. A
défaut d'accord, l'employeur
élabore une charte, après avis
du comité d'entreprise ou, à
défaut, des délégués du
personnel. Cette charte définit
ces modalités de l'exercice du
droit à la déconnexion et
prévoit en outre la mise en
œuvre, à destination des
salariés et du personnel
d'encadrement et de direction,
d'actions de formation et de
sensibilisation à un usage
raisonnable des outils
numériques. »

II. - Le I du présent article


entre en vigueur le 1er
janvier 2017.
Il concerne les entreprises de
plus de 50 salariés. Afin
d'assurer le respect des temps
de repos et de congés ainsi que
l'équilibre entre vie
professionnelle et vie privée, les
entreprises concernées devront
mettre en place «des
instruments de régulation de
l'outil numérique».

Dans le cadre de leur négociation


annuelle «égalité professionnelle et
qualité de vie», elles devront désormais
traiter du droit à la déconnexion. À défaut
d'accord, l'employeur devra élaborer une
charte définissant les modalités de
l'exercice du droit à la déconnexion.
Aucune sanction n’est prévue en cas de
non-respect de cet accord. Si le salarié
décide de porter une affaire de ce genre
au conseil de prud’hommes, il doit
apporter la preuve que son temps de
repos n’a pas été respecté.

Par la loi n°2018-771 du 5 septembre


2018 article 107, l'article L2242-8 du
Code du travail devient l'article L2242-
17[5]. Les alinéas cités ci-dessus restent
inchangés.

En Allemagne
Du côté de l'Allemagne, certaines actions
ont déjà été mises en place depuis
quelques années.

L’entreprise Volkswagen a choisi une


méthode radicale[6]. En 2011, à la suite
d'une action du syndicat IG Metall, le
groupe automobile a imposé à 1000
salariés (non managers) un blocage des
serveurs de communication (pour les
salariés ayant un smartphone
professionnel) entre 18h15 et 7h du
matin. Aujourd'hui cette mesure est
étendue à plus de 3000 salariés. Depuis
que cette mesure a été mise en place,
des contournements ont été notés, des
salariés passant par des canaux de
communications personnels, non
sécurisés.

D’autres sociétés allemandes comme


Daimler-Benz ou BMW, ont adopté des
systèmes technologiquement
contraignants allant même jusqu'à la
destruction automatique de mails en cas
d’absence.

Controverse(s)
D’après un sondage de L’Ifop en juillet
2017, 78 % des cadres consultent encore
leurs mails et SMS professionnels hors
de leurs temps de travail. En effet, on
peut observer que le droit à la
déconnexion est une mesure
difficilement applicable dans le monde
dans lequel nous vivons aujourd’hui, pour
plusieurs raisons[7].

Tout d’abord, à cause de l’apparition de


nombreuses plateformes de
communication rapide et facile telles que
les portables, e-mails, réseaux sociaux
(etc.). Ces dernières sont devenues des
éléments indispensables dans la vie de
tous les jours, autant au travail que hors
de ce dernier. De ce fait, il est difficile de
savoir faire la différence entre la vie
privée et la vie professionnelle. Puisque
les outils de communication sont les
mêmes dans les deux cas. Il est difficile
d’éviter de répondre à un appel
professionnel durant des congés sachant
qu’on a quand même un rôle important à
jouer dans l’entreprise. Avoir un poste
dans une entreprise c’est surtout devoir
entretenir une certaine culture du
présentéisme. Autrement dit de faire
preuve de réactivité dans
l’immédiat, c’est cela qui construit notre
valorisation et notre existence dans une
entreprise.

 D’autre part, certains métiers ne


permettent pas ce droit à la déconnexion,
du fait d’une nécessité d’être joignable de
manière permanente. Par exemple, un
cadre qui travaille à l’international doit
être disponible pour répondre aux
collaborateurs qui se trouvent aux quatre
coins du monde, malgré le décalage
horaire. De plus, la vie de chacun devient
de plus en plus rythmée par le travail. En
effet le travail est, pour la plupart, une
priorité à laquelle on doit s’adapter.

 Selon Jean-Noël Chaintreuil, spécialiste


des questions de Ressources Humaines,
cette loi se trompe de cible. Selon lui, il
ne faut pas empêcher juridiquement
l’envoi de mails ou de SMS après une
certaine heure : cela montre une
déresponsabilisation de l’employé vis-à-
vis de son travail. L’hyper-connexion n’est
selon lui pas un problème : ce sont les
mauvais managers, forçant leurs
employés à travailler en dehors de leurs
heures officielles de travail, qui sont
pointés du doigt[8].

 L’hyper-connexion peut même parfois


s’avérer essentielle à faibles doses
lorsque l’employeur a un besoin lors
d’une mission urgente. En plus de cette
analyse, une observation
complémentaire peut être faite :  les
activités de l’entreprise sous cette loi
vont être limitées et cette dernière va se
retrouver prisonnière des horaires qui lui
sont imposées ce qui peut avoir des
effets extrêmement néfastes pour une
entreprise.
Une récente étude menée par Le Monde
compilant les premiers dispositifs mis en
place par de grandes entreprises, ayant
anticipé la Loi Travail, dresse un bilan
mitigé. En effet, dans une société
mondialisée, restreindre l’envoi de mail
aux heures légales peut constituer un
frein lorsque l’on converse avec d’autres
pays. Pour autant, ce droit semble
nécessaire pour maintenir son efficacité
au travail sur le long terme.

Lien avec le "digital labor"

Comme le temps de repos des salariés


ne pourra plus être occupé par des
sollicitations professionnelles (répondre
à des e-mails, par exemple), une part non
négligeable de ces salariés devrait
passer encore plus de temps sur des
réseaux sociaux comme Facebook,
YouTube ou Twitter. Or, le contenu ajouté
sur les réseaux sociaux, que ce soit du
contenu multimédia, ou simplement des
"likes" sont autant de données captées
par les plateformes qui font la valeur de
celles-ci, ou qui peuvent être utilisées
pour entraîner et améliorer leurs
algorithmes[9]. Ainsi, une possible
activité professionnelle liée à un emploi
rémunéré pourrait être remplacé par un
travail numérique, faiblement rémunéré
dans le cas de services de micro-travail
(comme le Turc mécanique d'Amazon),
voire non rémunéré dans le cas des
médias sociaux.

Références
1. « Le droit à la déconnexion des
salariés français : une première en
Europe », Franceinfo, 3 janvier 2017
(lire en ligne , consulté le
3 décembre 2017)
2. « Enquête sur les Pratiques
Numériques en 2016 » , sur eleas.fr,
2016
3. « Avenant de révision de l'article 4
du chapitre 2 de l'accord national du
22 juin 1999 » , sur syntec.fr,
1er avril 2014
4. « Loi n°2016-1088 du 8 août 2016
relative au travail » , sur
www.legifrance.gouv.fr, 10 août 2016
(consulté le 18 décembre 2017)
5. « Code du travail article L2242-17 » ,
sur Légifrance, 10 juin 2019
(consulté le 10 juin 2019)
6. Céline Mordant, « Droit à la
déconnexion : ce que font (ou pas)
les entreprises pour lutter contre
l’invasion des mails
professionnels », Le Monde,
14 mars 2016 (lire en ligne )
7. « Droit à la déconnexion : une
mesure difficilement applicable »,
Libération.fr, 22 août 2017 (lire en
ligne , consulté le
16 novembre 2017)
8. « «Le droit à la déconnexion va créer
plus de stress au travail» », FIGARO,
4 janvier 2017 (lire en ligne , consulté
le 16 novembre 2017)
9. « Le droit à la déconnexion, une
vraie-fausse bonne idée »

Compléments
Droit à l'oubli

Portail du droit
Portail des entreprises
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Dernière modification il y a 3 mois par BluesyPete

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