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Collectivités locales: LIBRES INTERROGATIONS SUR L'ORGANISATION ET LA LIBRE

ADMINISTRATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES LOCALES


Author(s): Jean-Marie PONTIER
Source: La Revue administrative, 47e Année, No. 277 (JANVIER FEVRIER 1994), pp. 61-70
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40769960
Accessed: 20-06-2016 21:07 UTC

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Elle réalise également une percée chez les PEGC, en n'est plus en rapport avec une représentation monoli-
obtenant 22,1 % des voix aux élections des CAPA de ce thique des personnels concernés.
corps. Il n'existe plus aujourd'hui une fonction enseignante
Mais, contrairement à ce qui est constaté dans le pre- indifférenciée, mais plusieurs types de métiers d'ensei-
mier degré, le SE-FEN ne réussit pas à « coller •» à la FSU, gnants. Les professeurs de lycée professionnel n'ont
puisqu'il n'obtient que 11 % des suffrages totaux du sans doute pas le même statut social que les profes-
second degré, étant distancé par le SGEN-CFDT, qui seurs agrégés, et le métier d'instituteur en milieu rural
représente 13 % des suffrages exprimés pour l'élection n'est sûrement pas comparable à celui d'instituteur à
des CAPN et 10,59 % des suffrages exprimés pour les Mantes-la-Jolie...
élections des CAPA des PEGC.
3) Les enseignants du second degré ont vu dans les
Les raisons que l'on peut avancer pour expliquer la mesures de revalorisation de la fonction enseignante
fin du « monopole » syndical constaté lors de ces élec- engagées à la fin des années 1980, avec le soutien de la
tions professionnelles de décembre 1993 sont mul- FEN, davantage une politique de nivellement par le bas
tiples, et chacune des organisations concernées aura les qu'une véritable reconnaissance de leurs mérites parti-
siennes. Mais, en résumé, il semble que les conclusions culiers et de leurs diplômes.
suivantes peuvent être tirées : L'entrée des instituteurs dans la catégorie A de la
1) L'exclusion du SNES par la FEN a certainement été fonction publique, les intégrations massives dans le
mal ressentie par toute une frange de la population corps des professeurs certifiés, ont à cet égard été, sans
enseignante qui y a vu à la fois un coup porté à l'unité doute, mal comprises par les intéressés.
syndicale, et la manifestation d'un bureaucratisme auto- Historiquement, les élections professionnelles de
ritaire des anciens dirigeants de la FEN soucieux, sous 1993 auront donc marqué une étape importante du
le prétexte de conflits de fond, de conserver la main syndicalisme enseignant. Les prochains mois nous per-
mise sur leur empire syndical ; mettront de vérifier s'il en résulte bien un affaiblisse-
2) L'émergence de « catégories d'enseignants », ayant ment de son action, ou, pourquoi pas, une vision nou-
chacune ses spécificités et ses revendications propres, a velle de la « cogestion » du système éducatif.
conduit à l'apparition d'un corporatisme syndical, qui Thierry DURAND

Collectivités locales
UBRES INTERROGATIONS SUR L'ORGANISATION
ET LA UBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES LOCALES

Point n'est besoin de rappeler le changement qu'a terroger sur cette jurispaidence et se demander si cette
apporté l'institution, par la Constitution de 1958, du dernière n'est pas en train de détruire, en même temps
Conseil constitutionnel, ni l'intérêt de ce changement, que sa crédibilité, l'édifice qu'elle avait constant, en se
avec, pour la première fois dans notre histoire, la prononçant sur plusieurs questions d'une manière qui
consécration d'un véritable contrôle de constitutionnali- ne peut, au minimum, que soulever la perplexité. Deux
té et toutes les conséquences qui en ont découlé, avec décisions, rendues à deux années et demi d'intervalle,
l'émergence d'un « bloc de constitutionnalité » (1) et invitent même à se demander si le juge constitutionnel
l'avènement subséquent d'un véritable principe de ne fait pas l'inverse de ce à quoi l'on serait tenté de s'at-
légalité. La jurisprudence constitutionnelle a été parti- tendre en vertu d'une jurisprudence qui, pour discu-
culièrement novatrice en ce qui concerne les collectivi- table qu'elle pût être, n'en avait pas moins une cohé-
tés locales, avec la définition progressive d'un droit rence. En effet, avec la décision 250 DC du 9 mai 1991
constitutionnel local jusque là inexistant. Si le principe et celle du 13 janvier 1994, le juge constitutionnel
de libre administration des collectivités locales figurait donne le sentiment de procéder, d'une part, à un
dans la Constitution, il n'était pas évident d'en discerner assouplissement critiquable des règles institutionnelles,
le contenu, dont on pouvait même se demander s'il d'autre part à un durcissement tout aussi contestable de
existait, avant que le juge constitutionnel n'en précisât l'exigence égalitaire.
les contours. Le Conseil constitutionnel a donc fait faire
de grands progrès au droit des collectivités locales en le
L'assouplissement critiquable des règles institu-
« juridicisant » et en lui donnant une dimension constitu- tionnelles
tionnelle qu'il n'avait pas. Mais on peut aujourd'hui s'in-
En donnant une extension considérable à la catégori-
sation, le Conseil constitutionnel opère un revirement
(1) La paternité de l'expression, aujourd'hui passée dans le langage
courant, revient au doyen L. Favoreu dans ses commentaires des de jurisprudence qui ne peut que susciter des questions
décisions du Conseil constitutionnel. sur le champ d'application de la différenciation.

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LA REVUE ADMINISTRATIVE

L'extension de la catégorisation ries de collectivités territoriales qui ne comprendraient


Si, selon la conception traditionnelle qui avait cours qu'une unité », le juge ajoutant que « telle a été l'inter-
avant 1958, les collectivités locales étaient représentées prétation retenue par le législateur lorsque, en métro-
par les communes, les départements et les territoires pole, il a donné un statut particulier à la ville de Paris,
d'outre-mer. Sous la Vème République, la jurisprudence et, outre-mer, il a créé la collectivité territoriale de
constitutionnelle, interprétant le texte constitutionnel, a Mayotte ». Cette analyse est ici parfaitement défendable
été amenée à faire un certain nombre de différencia- sur le plan juridique, car il n'y a aucune objection à ce
tions. La décision du 9 mai 1991 sur la Corse est difficile qu'une catégorie ne comprenne qu'une unité.
à rattacher à ce qui paraissait constituer un ensemble Cette catégorisation présente un certain nombre
cohérent. d'avantages, notamment celui de permettre une certai-
ne souplesse dans l'organisation territoriale de la
France. L'histoire de notre pays montre en effet com-
L'admission acceptable de la diversification catégo-
rielle bien furent le plus souvent difficiles, au point de ne
pouvoir être tentées et de demeurer à l'état de schémas,
Le Conseil constitutionnel a reconnu l'existence de
ou d'échouer face à une coalition d'intérêts divergents
catégories de collectivités locales (ou territoriales, le mais unis pour la circonstance, les réformes des collec-
juge n'attachant pas de conséquences à une distinction tivités locales. L'enracinement, plus que respectable, de
qui, cependant, peut être faite et ne manque pas d'inté- certaines de nos collectivités dans l'histoire s'accom-
rêt) (2). La catégorie désigne, au sens courant et non pagne aussi d'une sorte de raidissement ou de rigidifi-
point philosophique, les différentes espèces d'un cation de l'organisation administrative. L'institution
même genre (3), le genre étant ici celui des collectivités d'une nouvelle catégorie de collectivités territoriales
locales.
peut être (elle ne l'est pas nécessairement) une solution
Certaines catégories étaient présumables, parce que à une revendication politique ou à un problème de
procédant d'une histoire préexistante, en même temps société. Il est certain que l'institution des régions, sur
que consacrées par la Constitution. Ce sont les com- laquelle il est possible d'avoir encore des vues diffé-
munes, les départements, ainsi que les territoires rentes (6), a représenté une nouveauté considérable
d'outre-mer, toutes catégories directement énoncées dans notre système administratif. Mais, si tout cela reste
par la Constitution, ce qui supprime toute discussion de l'ordre de l'acceptable, voire, diront certains, de
quant à leur existence qui ne peut, en tant que catégo- l'inévitable pour les régions, il n'en est plus de même
rie (4), être éventuelleemnt supprimée que par voie pour les développements qui résultent de la décision
d'une révision constitutionnelle. La catégorisation à du 9 mai 1991.
laquelle s'est livré le juge constitutionnel a pris une
double signification. D'une part le Conseil constitution-
La consécration discutable du particularisme institu-
nel a admis, bien que cette interprétation ne résultât tionnel
pas avec la force de l'évidence du texte constitutionnel,
que l'expression de l'article 72 « Toute autre collectivité La décision 290 DC du 9 mai 1991 (7) a été au centre
territoriale est créée par la loi » devait s'entendre d'un débat médiatique en même temps que juridique et
comme sous-entendant le terme de catégorie (5). Il en politique important, mais qui ne nous intéresse pas ici
directement dans la mesure où il concerne les notions
résulte qu'à côté des catégories constituionnelles de
collectivités territoriales, il existe, potentiellement, un de « peuple français » et de « peuple corse », cette der-
nombre indéfini de catégories législatives de collectivi- nière expression de la loi ayant été censurée par le
Conseil constitutionnel. Mais cette même décision com-
tés territoriales, le législateur pouvant, à son gré, créer
de nouvelles catégories. D'autre part, dans sa décision porte un autre volet, celui qui est relatif à la consécra-
138 DC du 25 février 1982, le juge constitutionnel tion par le juge du particularisme institutionnel de la
déclare que la disposition précitée de l'article 72 de la région de Corse (8). Examinant en effet l'organisation
Constitution « n'exclut nullement la création de catégo- administrative de la région prévue par la loi, le juge
constitutionnel déclare que « cette organisation spéci-
(2) V. J. Bourdon, J.-M. Pontier, J.-C. Ricci, Droit des collectivités fique à caractère administratif de la collectivité territo-
locales, PUF, Thémis, 1987, p. 104 et s.
(3) II faut observer que, selon A. Lalande, ce sens courant va « à (6) Les débats et controverses sur la région sont exposés in J.-M.
rebours de son sens scolastique ». Pontier, « La région »», chap. 1er Le statut de la région, La région,
(4) L'on sait que cela n'exclut pas la suppression, au sein de la Encyclopédie Benoit Collectivités locales, p. 1710 et s.
catégorie, d'une ou plusieurs unités par une norme autre que la norme (7) L. Favoreu et L Philip, GDCC, 7ème éd.. p. 754.
constitutionnelle. Une commune peut même disparaître à l'issue d'une
(8) L'expression « particularisme institutionnel >» est utilisée par B.
procédure d'expropriation (CE Ass., 10 mai 1968, Commune de
Genevois dans son article « Le contrôle de la constitutionnalité du
Brovès. Ree. 297, conci. Dutheillet de Lamothe).
statut de la collectivité territoriale de Corse », RFDA 1991, n° 3, mai-juin
(5) V. le commentaire de L Favoreu. RDP 1982, p. 1259. 1991, p. 407 et s., p. 416.

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riale de Corse ne méconnaît pas l'article 72 de la notion de catégorie, difficilement contestable puisque
Constitution ». Cette affirmation laisse subsister bien des le Conseil parlait d'un « droit commun applicable à l'en-
questions. semble des régions » ou d'un « droit commun de l'orga-
Le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur nisation communale » (12) emportait celle d'unité caté-
avait fait usage de son pouvoir, qui lui a été reconnu en gorielle, L. Favoreu et L. Philip préférant parler d'identi-
1982, de créer une catégorie nouvelle de collectivité té institutionnelle (13). Pour que la notion de catégorie
territoriale. C'est ce que laisse supposer les considé- ait un sens, il faut en effet que cette catégorie soit iden-
rants par lesquels le juge rappelle que le législateur, tifiable à partir d'un certain nombre d'éléments, de
d'une part peut, agissant sur le fondement des articles « signes de reconnaissance » de l'appartenance (14). La
34 et 72 de la Constitution, créer une nouvelle catégorie jurisprudence constitutionnelle avait fixé des éléments
de collectivité territoriale, même ne comprenant qu'une distinctifs de chaque catégorie de collectivités territo-
unité, d'autre part doit se conformer aux règles et prin- riales. « De l'ensemble de cette jurisprudence, dont la
cipes de valeur constitutionnelle, et notamment au cohérence ne peut être contestée, il ressort que, d'après
principe de libre administration des collectivités territo- le Conseil constitutionnel, l'indivisibilité de la
riales. La catégorie « régions - est ainsi confrontée à cer- République suppose que les collectivités territoriales
taines turbulences. Déjà, en effet, cette notion apparais- soient organisées selon un schéma institutionnel com-
mun » (15). En admettant la différenciation institution-
sait aux contours flous puisque faisant l'objet d'une
définition variable : on peut comprendre, parce qu'il ne nelle, le Conseil constitutionnel paraît gommer d'un
s'agit pas d'une notion consti tu tionnellement protégée, coup toute cette jurisprudence : comment pourrait-on
et que l'on se trouve dans le cadre des territoires parler encore d'unité catégorielle ou d'identité institu-
d'outre-mer, pour lesquels la Constitution prévoit une tionnelle s'il est consti tu tionnellement possible d'accep-
« organisation particulière », que le législateur appelle ter cette diversité ? Mais s'il n'existe plus de semblable
« région ■ une subdivision à l'intérieur d'un territoire (9). exigence, ou si (thèse de certains) elle n'a jamais existé,
Mais il existe aussi une catégorie « régions •• créée par le que signifie alors la notion de catégorie ? Si l'on peut
législateur lui-même et dont il devait résulter, selon la faire à peu près ce que l'on veut au sein d'une catégo-
jurisprudence du Conseil constitutionnel, des « règles rie, la notion de catégorie perd tout son intérêt puis-
constitutives » communes à l'ensemble des collectivités qu'elle est vidée de son contenu. Mais la notion de
de la catégorie. On ne peut que s'étonner, également, catégorie était le substratum de toute la construction
de voir reconnaître par le Conseil la spécificité de la jurisprudentielle relative aux collectivités territoriales. Si
Corse alors que l'on avait cru pouvoir déduire de la tout est possible » pour le législateur parce qu'il n'existe
décision 138 DC du 25 février 1982 que la constitution- plus de catégorie identifiable par des éléments relative-
nalité de la loi relative à la Corse était subordonnée à la ment précis ou discernables, alors les développements
similitude des institutions de cette région à celle des jurisprudentiels d'aujourd'hui sont frappés d'une singu-
régions que le législateur venait de créer et dont toutes lière précarité, l'observateur ne rencontrant que des
les modalités d'organisation comme des compétences formes fantasmagoriques qui s'évanouissent là où il
n'étaient pas encore définies... En réalité, si certains avait cru déceler des lignes de force et des construc-
tions cohérentes.
estiment qu'il y a continuité jurisprudentielle, c'est au
contraire d'un revirement jurisprudentiel qu'il s'agit bel
et bien (10), et qui soulève problème. L'imprécision sur la portée de la différenciation
C'est une remise en cause de l'unité catégorielle que Les questions que soulève la décision du 9 mai 1991
se livre le Conseil constitutionnel. Un commentateur
sont relatives d'une part aux dimensions organiques,
particulièrement autorisé de la jurisprudence constitu- d'autre part au champ d'application de la différencia-
tionnelle peut écrire : « le Conseil constitutionnel tion institutionnelle.
semble vouloir tout reprendre à zéro et donne une
interprétation neuve des textes constitutionnels appli-
cables aux collectivités territoriales » (11). Il semblait
résulter de la jurisprudence constitutionnelle que la
(12) V. toutes les références de ces décisions rappelées par L.
Favoreu dans son commentaire précité.
(9) Décision 196 DC du 8 août 1985, GDCC précité, p. 626, AJDA (13) Cette identité est cependant récusée par une partie de la
1985. p. 605, note L. Hamon. doctrine. Pour D. Rousseau, « le Conseil n'a jamais posé comme une
(10) V., pour l'exposé des deux thèses, et la démonstration du exigence l'identité institutionnelle des collectivités locales »
revirement, L. Favoreu et L. Philip, GDCC précité, p. 766 et s. (« Chronique de jurisprudence constitutionnelle », RDP 1992, p. 37
et s., p. 77).
(11) L. Favoreu, Commentaire de la décision « Statut de la Corse »»
(14) V. J. Bourdon, J.-M. Pontier, J.-C. Ricci, Droit des collectivités
du 9 mai 1991, Rev. fr. de droit const., 1991, p. 305 et s., p. 311. V.
aussi, dans le même numéro, les commentaires de Th. Renoux et A. territoriales, op. cit., p. 1 14 et s.
Roux. (15) L. Favoreu et L Philip, observations sous CC 290 DC du 9 mai

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Les aspects organiques de la différenciation institu- limites ? Est-il possible, ainsi, d'avoir une organisation
tionnelle locale où l'exécutif serait élu directement au suffrage
L'admission de la différenciation, revient à la ques- universel direct ? Selon L. Favoreu, la formule utilisée
tion de savoir jusqu'à quel point, organiquement, on par le Conseil constitutionnel (le conseil est élu par l'as-
peut aller, c'est-à-dire quelles sont les différenciations semblée « en son sein », relève le juge) exclut une telle
admissibles, et de ce fait quelles incidences cela peut-il possibilité. Mais si telle est la position du Conseil, on
avoir sur les relations entre les organes. n'en perçoit guère les justifications, car on voit mal en
quoi un exécutif élu directement par le peuple mettrait
Organiquement, la spécificité de la collectivité de la en échec les conditions de la constitutionnalisation
Corse se marque par l'existence d'un conseil exécutif
posées par le Conseil constitutionnel. De la même
doté de pouvoirs propres et responsable devant l'as-
manière, on peut se demander pourquoi la différencia-
semblée. Une double particularité est donc admise par
tion institutionnelle ne permettrait pas de justifier l'exis-
le juge. La première est celle d'un exécutif collégial. En
tence, parmi les organes de la collectivité locale, d'un
soi, rien ne paraît s'opposer, en effet, à l'existence d'un
troisième organe, comme par exemple une commission
tel exécutif, d'autant que, lors des discussions qui ont
à côté d'un exécutif unipersonnel et disposant d'attribu-
eu lieu en 1982, certains parlementaires avaient déjà
tions propres.
proposé, sans succès à l'époque, que l'exécutif départe-
mental fût ainsi organisé (16). L'exécutif collégial n'est
guère dans la tradition française, mais il est vrai que Le champ d'application du principe de différencia-
cela n'est pas un argument et que cette forme d'organi- tion
sation locale existe dans d'autres pays, notamment aux
La question est donc, puisque le principe de différen-
Etats-Unis d'Amérique du nord. Il est donc possible ciation est consacré par le Conseil constitutionnel, de
d'admettre, sans trop de difficultés, cette différencia-
savoir quel est son champ d'application. La question est
tion, certains peuvent même la trouver souhaitable. La
en fait double, elle se pose d'abord à l'égard des caté-
question de la responsabilité est plus délicate, bien gories de collectivités territoriales, elle se pose ensuite à
que, là aussi, elle ait été suggérée en 1982 par les parle- l'intérieur de chaque catégorie.
mentaires communistes. La responsabilité dont il s'agit
ici n'est pas, ou plus, la responsabilité administrative, La différenciation institutionnelle est-elle possible
pour toutes les catégories de collectivités territoriales
mais une responsabilité politique. Cette responsabilité
(quel que soit le sens que l'on donne à ce terme) ? Telle
politique s'inscrit parfaitement dans la jurisprudence du
Conseil constitutionnel de 1982 qui fait dits élections est, au fond, la question qui découle de cette décision
du Conseil constitutionnel. On laissera de côté les terri-
locales des élections politiques. Mais on ne saurait dire
toires d'outre-mer qui, en vertu de la Constitution, dis-
que l'organisation locale en sort clarifiée, on peut pen-
ser, au contraire, que cela accentue l'ambiguïté. Car, posent d'une « organisation particulière •», laquelle peut
évidemment emporter dtts différences institutionnelles,
d'un côté, les choses se passent comme s'il s'agissait
d'organes administratifs, prenant des décisions adminis- les suggèrent même (17). La Corse faisait partie, jusqu'à
tratives, soumises au contrôle de légalité, administratif la décision de 1991, de la catégorie « régions » et il est
par le préfet, juridictionnel par le juge administratif et, certain que le juge constitutionnel a admis que le légis-
lateur extraie de cette catégorie une collectivité, la col-
de l'autre, l'on a affaire à des organes politiques,
lectivité de Corse, pour l'ériger en collectivité à statut
puisque les élections sont qualifiées comme telles, et
spécial. La question de savoir si, au sein de cette caté-
une responsabilité dont on voit mal comment la quali-
fier autrement que politique, donc comparable à la res-
gorie, d'autres collectivités peuvent bénéficier du
ponsabilité du gouvernement devant le Parlement. même traitement, être « sorties >» de la catégorie pour
être érigées en collectivités distinctes, sera examinée
Cette ambiguïté est gênante, la collectivité prenant l'al-
lure, selon l'angle sous lequel on la regarde, tantôt ensuite. Il suffit d'observer, pour l'instant, que le juge
constitutionnel a déjà admis cette possibilité d'extrac-
d'administration locale et tantôt d'un organe politique.
tion par le législateur d'une unité au sein d'une catégo-
Par ailleurs, si, dans le cas de la Corse, une telle orga- rie pour la faire entrer dans une autre catégorie. Le
nisation locale est conforme à la Constitution, d'autres
même raisonnement, c'est-à-dire la possibilité d'ériger
formes d'administration locale ne sauraient-elles pas, une collectivité d'une catégorie en une catégorie dis-
identiquement, être reconnues comme acceptables au tincte, est-il applicable aux catégories « communes » et
regard d'un encadrement dont on discerne mal les « départements » ? Si rien dans la décision du Conseil

(16) Les groupes communistes au Parlement s'étaient, notamment, (17) Mais, en ce qui concerne les départements d'outre-mer, L.
prononcés en ce sens. V. J.-M. Pontier, « Le nouveau département », in
Favoreu estime, dans son commentaire précité à la RFDC que «
La nouvelle décentralisation sous la dir. de F. Moderne, Sirey 1983, p. l'article 73 de la Constitution est en quelque sorte « gommé >• et qu'il
271 et s., plus sp. p. 276 et s.
n'y a plus lieu de s'en préoccuper •» (art. précité p. 312).

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constitutionnel n'indique clairement cette possibilité, sant une semblable différenciation au profit de ces
rien ne l'exclut non plus, pour autant, bien entendu, deux régions. Il se trouve que le gouvernement a oppo-
que la collectivité en question présente une spécificité sé une fin de non-recevoir à une demande présentée
suffisante. Certes, la catégorie « régions » est une catégo- par des parlementaires alsaciens (20). Il est dommage
rie législative, alors que les catégories « communes » et que l'on n'ait pas de réponse à la question de savoir ce
« départements » sont des catégories constitutionnelles, que dirait le juge s'il pouvait être saisi, par l'une de ces
et la liberté du législateur est plus étendue à l'égard de régions, d'un refus du gouvernement de déposer un
la première qu'à l'égard des secondes. Mais les exi- projet de loi tendant à établir un statut spécifique... Le
gences constitutionnelles à l'égard de ces catégories problème, au demeurant, pourrait se poser pour
sont limitées, la différenciation institutionnelle ne pour- d'autres régions dont l'identité culturelle, pour être
rait être regardée comme mettant en cause le principe moins nette que celle des deux régions précitées, pour-
de libre administration, au contraire elle peut être ana- rait être revendiquée, et est revendiquée effectivement.
lysée comme en étant une expression. Par conséquent Quant au développement économique il s'agit d'un cri-
on voit mal sur quel fondement le Conseil pourrait s'ap- tère, ou plutôt d'un facteur, si vague, si étirable dans le
puyer pour refuser à une collectivité de l'une de ces sens que l'on désire, qu'il pourrait facilement être utilisé
deux catégories constitutionnelles le bénéfice de la dif- pour justifier un traitement particulier de la plupart des
férenciation institutionnelle si elle présentait une spéci- régions françaises, à l'exception de quelques unes qui
ficité suffisante. apparaissent (aux autres, car aucune région n'a évidem-
ment le sentiment d'être actuellement dans une situa-
Jusqu'à quel point la différenciation institutionnelle
est-elle possible à l'intérieur d'une catégorie ? S'agissant tion privilégiée) plus favorisées que les autres. A ce
des régions, la différenciation est-elle possible pour titre, le Limousin, le Centre, mais aussi d'autres régions,
d'autres collectivités que la Corse ? Le Conseil constitu- pourraient revendiquer un statut particulier. Et, comme
tionnel a semble-t-il pris en considération (18) l'identité précédemment, il serait quelque peu oiseux de cher-
culturelle et le développement économique pour cher un seuil en dessous duquel seulement un statut
admettre cette différenciation. La question est donc de particulier serait justifié. Et si l'on estime que, dans la
savoir si ces deux « critères » ou justificatifs n'existent décision du Conseil, ces deux éléments doivent être
que dans le cas de la Corse ou se retrouvent également réunis simultanément pour justifier cette différencia-
dans d'autres collectivités. La réponse ne fait guère de tion, on les trouve réunis dans le cas de la Bretagne au
doute, si l'on prend ces deux critères de manière isolée. moins. C'est dire que, dans le cas des régions, il n'existe
En ce qui concerne l'identité culturelle il faut rappeler aucune bonne raison de ne pas reconnaître un statut
que les pouvoirs publics ont insisté, lourdement même, particulier à d'autres régions que l'ex-région de Corse.
sur l'identité culturelle, jusqu'à la présumer dans des Le Conseil constitutionnel est-il prêt à s'engager sur la
cas où manifestement elle n'existe pas, en ce sens voie d'un double statut possible des régions, un peu
qu'elle n'est pas un donné de départ, sa réalisation comme en Italie où l'on trouve des régions à statut ordi-
considérée comme éventuellement souhaitable étant naire et dus régions à statut spécial ? Mais la France
une autre question (19). Mais il est non moins clair n'est pas l'Italie, ainsi que cela fut dit et répété en 1982
au Parlement.
qu'un certain nombre de régions autres que la région
de Corse présentent effectivement une identité culturel- La décision du Conseil constitutionnel du 9 mai 1991
le. Pour deux régions au moins, la région Alsace et la ouvre la porte à toutes sortes de variations, à l'extensi-
région Bretagne, le fait est patent. Cette identité cultu- bilité quasi-indéfinie de la particularité institutionnelle,
relle résulte à la fois de l'histoire, de la géographie, et sous les seules limites du respect d^s exigences du
peut-être même d'autres facteurs qui renforcent les pré- deuxième et du troisième alinéa de l'article 72 de la
cédents. Pour ces deux cas on ne saurait, faisant une Constitution, et du principe d'égalité, qui précisément
comparaison qui serait pour le moins étrange, établir pose problème si l'on admet qu'il n'y est pas porté
une sorte d'échelle des identités culturelles d'où il atteinte par la création d'une collectivité à statut parti-
résulterait que, pour la Corse, cette identité justifierait culier à partir du moment où il existe des éléments de
une différenciation institutionnelle et l'exclurait pour particularisme (21). On ne voit pas pourquoi, en effet,
l'Alsace et la Bretagne. Rien ne dit, il est vrai, que le l'on ne pourrait pas prendre en considération un cer-
Conseil constitutionnel invaliderait une loi reconnais- tain nombre de facteurs spécifiques. Pourquoi s'en tenir

(18) V. en ce sens D. Rousseau, Chronique de jurisprudence


(21) B. Genevois écrit, dans son article précité, que « le principe
constitutionnelle, RDP 1992, p. 37 et s., p. 73 et s.
d'égalité devant la loi implique que le création d'une collectivité à statut
(19) Sur la question de l'identité culturelle des régions V. J.-M. particulier, qui se différencie du régime institutionnel de droit commun,
Pontier, La région, op. cit. soit justifiée par des éléments de particularisme » un tel statut
(20) V. les refus opposés par le ministre de l'Intérieur à certaines particulier trouvant une justification « toujours au regard d'une
demandes in J.-M. Pontier, La région, Encyclopédie Benoit des appréhension concrète du principe d'égalité tenant compte de la
diversité des situations »>.
collectivités locales, précitée.

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à la seule identité culturelle ? La spécificité peut résulter tion. La jurisprudence, tant administrative que constitu-
de bien d'autres facteurs. On ne voit pas pourquoi l'on tionnelle, précise donc, à chaque situation nouvelle,
refuserait à certaines régions une spécificité provenant l'applicabilité du principe d'égalité et les cas dans les-
de leur enclavement, ou à certaines communes une quels il peut être écarté, cas qui se ramènent à l'intérêt
spécificité, déjà consacrée par la loi, pour les com- général et à une différence appréciable de situation.
munes de montagne par exemple. Ainsi, sauf à exiger Entre l'Etat et les collectivités territoriales, il n'y a pas
une spécificité « suffisante » qui ne serait que l'expres- égalité mais prééminence du premier sur les secondes,
sion de l'arbitraire du juge, on ne voit pas comment on
cette prééminence résultant notamment de ce fait que
pourrait refuser à la plupart des collectivités territoriales l'intérêt poursuivi par les collectivités territoriales
une spécificité appelant ou justifiant un régime particu- locales, s'il est un intérêt public, est cependant un inté-
lier, celui de la collectivité territoriale à statut spéci- rêt subordonné à l'intérêt public national que l'Etat est
fique. Ceci équivaudrait d'abord à une récusation de présumé, seul, assurer et qu'il doit, au surplus, faire res-
toute une partie de notre histoire, celle qui a instauré pecter, ainsi que l'a rappelé solennellement le Conseil
l'uniformité, depuis 1789. C'est également difficilement
constitutionnel en 1982. Le principe d'égalité trouve
conciliable avec la décision de 1994 qui, au contraire, naturellement à s'appliquer aux collectivités territo-
fait triompher le principe d'égalité et l'absolutisme.
riales, c'est-à-dire, au premier chef, entre les catégories
de collectivités territoriales et, au sein d'une catégorie,
Le durcissement de l'exigence égalitaire entre les collectivités territoriales de la catégorie. Le
Conseil constitutionnel avait ainsi déclaré, dans sa déci-
Le principe d'égalité n'a rien de nouveau ni d'origi-
nal. Depuis plusieurs décennies il a alimenté une abon- sion 138 DC du 25 février 1982 que rien ne permettait
dante jurisprudence à travers, notamment, la catégorie
de dire que le régime applicable à la région de Corse
serait dérogatoire au droit commun applicable à l'en-
des principes généraux du droit développés par le juge
semble des régions et que rien ne permettait donc d'af-
administratif et les principes constitutionnels dévelop-
pés par le Conseil constitutionnel. Mais la décision du firmer que le principe d'égalité n'avait pas été respecté.
12 janvier 1994 soulève des interrogations nouvelles Il reste que les exceptions traditionnelles au principe
d'égalité doivent s'appliquer aux collectivités territo-
par une utilisation contestable du principe d'égalité et
par une indéniable restriction de la libre administration riales comme aux autres personnes. Les catégories de
des collectivités locales.
collectivités territoriales se trouvant dans des situations
différentes, le principe d'égalité ne trouve pas inélucta-
blement et automatiquement à s'appliquer entre des
La controversable utilisation du principe d'égalité par collectivités locales appartenant à des catégories diffé-
le iuge constitutionnel rentes : ce qui vaut pour les régions ne vaut pas néces-
Si le principe d'égalité est sans conteste un principe sairement identiquement pour les communes et les
qui s'impose tant aux pouvoirs publics qu'à l'autorité départements.
administrative, son application au texte sur les condi- Il est certain, comme le remarquent les auteurs (23),
tions de l'aide aux investissements des établissements que le principe d'égalité est de plus en plus souvent
d'enseignement privés par les collectivités territoriales invoqué par les requérants, et sanctionné par le juge.
est extrêmement discutable.
Mais ce principe d'égalité, instrument d'une politique
jurisprudentielle, peut être utilisé de manière contes-
table, car pouvant justifier toute décision (24).
L'incontestabilité du principe d'égalité
Affirmation politique et aussi philosophique qui com-
mande notre système politique et constitue comme une La discutable interprétation du principe d'égalité
trame de notre histoire depuis deux siècles, le principe appliqué à l'enseignement
d'égalité a une face juridique que l'on retrouve à la fois Avant d'examiner les réponses apportées par le
dans toutes les branches du droit public et, en droit Conseil constitutionnel aux dispositions législatives
administratif comme en droit constitutionnel, dans prévoyant la possibilité pour les collectivités locales
chaque domaine régi par l'un de ces deux droits (22). d'attribuer des subventions d'investissement aux éta-
Le principe d'égalité est, selon les situations, fondement blissements d'enseignement privés sous contrat, il
d'une obligation ou limite à l'action. Si le principe
d'égalité s'impose ainsi aux pouvoirs publics sa formu- (23) V. D. Rousseau Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p.
lation en tant que telle exclut de pouvoir l'invoquer 326 et s. ; D. Turpin, Contentieux constitutionnel, op. cit., § 282 et s., p.
sans en préciser le champ et les conditions d'applica- 320 et s.

(24) Le commentaire le plus clair et le plus convaincant, jusqu'à


présent, est celui de L. Favoreu, Loi Falloux : « les conséquences d'une
(22) Sur le principe d'égalité, V. l'ouvrage classique de P. Delvolvé, jurisprudence »», (1) « Le retour des Jacobins >», Le Figaro M janvier
Le principe d'égalité devant les charges publiques, LGDJ 1969. 1994, et (2) « Vers une recentralisation ». Le Figaro 18 janvier 1994.

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convient de relever le contexte dans lequel cette déci- nistration ne saurait permettre aux autorités locales de
sion a été rendue, contexte fait d'une sensibilité parti- mener leur propre politique, de résister ou de s'oppo-
culière à tout ce qui concerne l'enseignement mais plus ser à l'application d'une liberté ou d'un droit fondamen-
spécialement les rapports entre l'enseignement public tal » (27). Mais l'utilisation par le juge de cette exigence
et l'enseignement privé. Un contexte fait d'une sem- est ici très discutable. D'une part, il ne s'agit pas du
blable sensibilité à la question posée a déjà déterminé, tout, comme dans la décision de 1985 précitée, de s'op-
en 1975, une jurisprudence, sur laquelle le juge est poser à l'exercice d'une liberté, pour lequel cette exi-
revenu, qui, si elle avait quelques fondements, n'était gence paraît logiquement avoir été posée. L'objectif est
pas celle que la logique eût conduit normalement à de faire en sorte que cette liberté soit favorisée et non
adopter. Il n'est pas exclu qu'un tel contexte ait exercé entravée, et le texte allait en ce sens en donnant une
quelque influence sur la solution adoptée. possibilité d'aider et non une possibilité de s'opposer.
La décision du Conseil comporte plusieurs aspects. L'exigence relative aux conditions d'application d'une
Le premier, qui n'a guère attiré l'attention de ceux qui loi est donc utilisée par le juge à contre-temps et à
contestaient le principe d'une aide des collectivités contre-courant de sa jurisprudence antérieure. D'autre
locales à l'enseignement privé, est précisément la part, cette utilisation est d'autant plus discutable qu'il
reconnaissance de la constitutionnalité d'une telle aide : s'agit en l'espèce d'une liberté qui est la liberté de l'en-
« le législateur peut prévoir l'octroi d'une aide des col- seignement c'est-à-dire d'un domaine qui est déjà extrê-
lectivités publiques aux établissements d'enseignement mement encadré, l'article 27-3 de la loi du 22 juillet
privés selon la nature et l'importance de leur contribu- 1983 ayant prévu que les formations offertes par les
tion à l'accomplissement de missions d'enseignement. » établissements d'enseignement secondaire sous contrat
Cette reconnaissance ne peut surprendre, non pas seu- subventionnés doivent être compatibles avec les orien-
lement parce qu'elle résulte de la liberté de l'enseigne- tations définies par le schéma prévisionnel des forma-
ment mais parce que, s'agissant d'un service public, qui tions, ainsi que le constate d'ailleurs le juge (28). On
ne change ni de nature, ni de degré (25), il est admis peut donc considérer, en tout état de cause, que les
depuis longtemps par le juge administratif que des per- « conditions essentielles d'application » préexistaient au
sonnes privées peuvent gérer un service public et rece- texte censuré, étaient précisées par ledit texte en son
voir, dans cette gestion, des aides de la collectivité article 3, et que cette exigence était largement satisfaite.
publique. Le cadre que constituent « la nature et l'im- Si l'on compare à d'autres domaines, on se rend
portance de leur contribution », s'il est susceptible de compte que le juge a eu une interprétation beaucoup
donner lieu à interprétation, peut être compris comme plus comprehensive, alors même qu'une suspicion
faisant référence à la politique définie par l'Etat, c'est-à- (inexistante dans le domaine de l'enseignement) planait
dire les priorités retenues par ce dernier, ce qui n'est sur l'intervention des communes en ces domaines.
guère contesté. Dans la loi du 2 mars 1982, le législateur a prévu que
Un second point limite immédiatement cette possibi- « Lorsque son intervention a pour objet de favoriser le
lité. La liberté du législateur étant reconnue, les disposi- développement économique, la commune peut accor-
der des aides directes et indirectes dans les conditions
tions que ce dernier édicté « ne sauraient conduire à ce
que les conditions essentielles d'application d'une loi approuvant le Plan », sans que le juge constitutionnel y
relative à la liberté de l'enseignement dépendent de trouve à redire (29). Il est évident, cependant, que dans
décisions des collectivités locales et, ainsi, puissent ne une commune de semblables aides peuvent être accor-
pas être les mêmes sur l'ensemble du territoire ». Le dées (et ont été effectivement apportées), dans des pro-
Conseil constitutionnel reprend là un principe déjà portions ou une mesure parfois importantes, alors que
dans telle autre commune aucune aide n'est attribuée.
posé précédemment (26). L'affirmation pourrait donc
être entendue comme un simple rappel. Au surplus, on Les bénéficiaires éventuels ne se trouvent pas dans une
ne discutera pas du bien-fondé d'un tel principe, qui situation égalitaire en ce qui concerne leurs chances
correspond effectivement à notre système politique et d'obtenir ces aides, ces dernières n'étant pas jugées
constitutionnel. Ce principe signifie bien, ainsi que le contraires au principe d'égalité, affirmé par l'alinéa pré-
cédent de la même loi.
rappelle D. Rousseau, que « le principe de la libre admi-
Un troisième point est l'affirmation selon laquelle
(25) Ceci doit être rappelé car, lors de la manifestation du 16 janvier
1994 à Paris, certains responsables ont fait valoir qu'il existait une
(28) La loi n° 94-51 du 21 janvier 1994 relative aux conditions de
différence entre « le » service public, que seules les personnes
l'aide aux investissements des établissements d'enseignement privés
publiques assumeraient, et l'activité d'enseignement assurée par les
par les collectivités territoriales conserve d'ailleurs cette disposition
personnes privées. Ceci n'est pas conforme au droit et il est regrettable
dans son article 3 non censuré.
que de telles erreurs puissent être propagées.
(29) On ne peut considérer la précision « dans les conditions
(26) CC 84)185 DC, 18 janvier 1985, Recueil p. 36.
approuvant le Plan » comme une garantie que ne comporterait pas le
(27) D. Rousseau. Droit du contentieux constitutionnel, texte censuré par le Conseil constitutionnel, ces conditions, vagues au
Montchrestien, 2 éd. 1991, p. 196. demeurant, ne figurant que dans la loi de plan intérimaire.

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« les aides allouées doivent, pour être conformes aux plusieurs établissements privés, que l'on peut supposer
principes d'égalité et de liberté, obéir à des critères confessionnels et de confession différente, pour rendre
objectifs ». Ainsi, selon le juge, les aides doivent être possible une telle situation. Celle-ci n'est sans doute
conformes à ces deux principes. L'annulation pronon- pas inenvisageable mais ne représente, aujourd'hui
cée ne faisant référence qu'au non respect de l'égalité, qu'une hypothèse parmi d'autres. Tout aussi hypothé-
on en déduit que le principe de liberté était, lui, respec- tique est la situation plus favorable dans laquelle pour-
té. Que l'aide doive répondre à des critères objectifs raient se trouver placés des établissements publics. Si
correspond au respect du principe d'égalité, sans quoi l'on entre dans la ronde des hypothèses possibles, alors
ce dernier n'aurait guère de sens, et le Conseil constitu- effectivement, là aussi, « tout est possible ». Il faut sim-
tionnel a déjà eu l'occasion d'affirmer cette exigence, plement rappeler qu'actuellement, dans la plupart des
lorsqu'il a déclaré que l'exonération des biens profes- cas, ce sont les établissements d'enseignement privés
sionnels de l'impôt sur les grandes fortunes n'était pas qui se trouvent dans une situation moins favorable que
contraire au principe d'égalité devant les charges les établissements publics (31).
publiques dès lors que le législateur « a fondé son La décision du Conseil constitutionnel soulève enfin
appréciation sur des critères objectifs et rationnels » une question, celle du champ d'application de l'inter-
(30). Mais si cette exigence est fondée, son application diction de financer au-delà des limites de la loi Falloux
est surprenante. Car, dans les cas précités, il s'agissait
les investissements des établissements d'enseignement
d'une intervention de l'Etat, dont on pouvait admettre privés, interdiction qui résulte de l'annulation de l'ar-
que les critères d'intervention fussent posés par le légis- ticle 2 de la loi. En d'autres termes, cette interdiction
lateur et non par le pouvoir réglementaire. Dans le
s'applique-t-elle à la région ? La loi Falloux, que le texte
texte soumis au Conseil, la compétence était attribuée déféré au Conseil entendait modifier, ne visait évidem-
aux collectivités locales. En annulant la disposition de
ment pas les régions puisque celles-ci n'existaient pas.
la loi qui donnait la possibilité de financer les investis-
La loi Falloux, dans ses limitations d'intervention, est-
sements à ces dernières, le Conseil constitutionnel pré-
elle opposable aux régions ? Dans leur chronique de
sume donc, à l'avance, que lesdites collectivités, soit jurisprudence sur une décision du Conseil d'Etat
n'établiront pas des critères objectifs et rationnels, soit
concernant un litige opposant un département à l'Etat,
sont incapables d'établir de semblables critères. Il est
à propos de la décision du Conseil générai dudit dépar-
obligatoirement sous-entendu que de tels critères ne
tement de subventionner la construction de collèges
seront pas adoptés. C'est là une position curieuse dont
privés, les auteurs, s'interrogeant sur la portée de la loi
il faudra déduire une certaine conception des collectivi-
Falloux, déclaraient à propos des régions : « En l'absen-
tés locales et de leurs rapports avec l'Etat.
ce de texte contraire, c'est donc la liberté qui devrait
Un autre point est, selon le juge, l'absence de garan- prévaloir (32). >» Et, appelé à se prononcer sur la délibé-
ties destinées, d'une part, à « assurer le principe d'égali- ration par laquelle un conseil régional avait décidé
té entre les établissements privés sous contrat se trou- d'accorder une participation aux dépenses d'investisse-
vant dans des situations comparables », d'autre part à ment et d'équipement des établissements privés d'en-
«« éviter que des établissements d'enseignement privés seignement général sous contrat, le Tribunal adminis-
puissent se trouver placés dans une situation plus favo- tratif de Rouen a constaté que la loi Falloux « énumère
rable que celle des établissements publics, compte tenu limitativement les collectivités territoriales auxquelles
des charges et des obligations de ces derniers ». La pre- elle s'applique ; qu'ainsi les dispositions précitées qui
mière affirmation est curieuse, puisque, d'une collecti- organisent les modalités de versement de subventions
vité à l'autre, les établissements seront nécessairement aux établissements privés d'enseignement secondaire
placés dans des situations différentes, à moins que le ne sont pas applicables à la région qui ne figure pas au
juge n'ait extrapolé en imaginant la situation qui pour- nombre des collectivités énumérées par la loi ; que, dès
rait être celle d'une commune dans laquelle il y aurait lors, ces dispositions ne sauraient interdire à la région
d'accorder des subventions d'équipements et de fonc-
tionnement aux lycées privés » (33). Mais dans une
(30) Décision n° 83-164 du 29 décembre 1983 sur la loi de finances décision du 10 novembre 1993, Préfet de la région Ile-
pour 1984, en particulier l'article 19-VI-1 relatif à l'impôt sur les grandes de-France, le Conseil d'Etat a estimé que la loi Falloux
fortunes.
était applicable aux régions. Dont acte. En consacrant
(31) La jurisprudence récente offre une illustration de cette situation
une lecture extensive du texte qui ne s'imposait pas, le
à propos d'un service public qui n'est certes pas le service public de
l'éducation, mais qui lui est étroitement lié, le service de ramassage
scolaire V. CE. 19 juin 1992, Département du Puy-de-Dôme c/M. Marc
Bouchon, avec les conclusions du commissaire du gouvernement. (32) Chron. de jurisprudence E. Honorât et E. Baptiste, AJDA 1990,
Pochard, RFDA 1993, p. 689 et s. Le commissaire du gouvernement p. 562.
relève à ce propos : « aucune règle n'oblige le département à assurer (33) Trib. adm. Rouen, 1er déc. 1992, Jolly, Ree. Lebon p. 624, V.
un égal accès à l'enseignement privé par rapport à l'enseignement aussi J.-M. Pontier, « La région », précitée, p. 1762-53 et s., § 175, et
public >». mise à jour n° 27, §174-1 75.

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Conseil d'Etat a adopté l'interprétation la moins libérale artifice que l'on parvient à un tel constat (36). En
et la moins « décentralisatrice >». recherchant une conciliation que l'on ne peut éviter,
l'on fait triompher un principe aux dépens d'un autre
L'exigence éealitaire. facteur de réduction de la
(37). Même si l'on refuse le terme de hiérarchisation,
décentralisation
l'un des principes s'efface, pour la circonstance, devant
l'autre. C'est alors un véritable système de « principes à
II est difficile d'échapper à la conclusion que le éclipses », que l'on risque de consacrer, volens noleizs,
Conseil constitutionnel vient, par sa décision du 13 jan- et qui est encore moins satisfaisant que l'acceptation
vier 1994, de donner une interprétation très restrictive d'une hiérarchie entre ces principes.
des « droits et libertés » que le législateur, dans un
Comment pourrait-on éviter de dire que, dans la
moment de liesse, avait cri accorder aux collectivités
territoriales. Cela résulte de deux considérations. décision du 13 janvier 1994, le principe d'égalité l'em-
porte sur le principe de libre administration dt^s collec-
tivités locales ? Il s'agit bien, ici, d'une mise en regard
Le risque d'absolutisation du principe d'égalité (38) des deux normes, et le juge estime que le principe
Le risque d'absolutisation du principe d'égalité pro- de libre administration ne peut faire échec à ce qu'il
vient de la hiérarchisation des normes constitution- considère comme étant le principe d'égalité. Certes, le
nelles qui résulte de cette décision et de l'instrumentali- principe de libre administration a été délimité, canton-
sation du principe d'égalité qui peut se produire. né par le juge. Il est clair, en effet, que ce principe n'est
pas un principe de libre gouvernement. Il s'inscrit et se
Bien que l'idée d'une hiérarchie interne c'gs normes
comprend dans le cadre d'un Etat unitaire. Mais le prin-
de droit constitutionnel ne soit reçue qu'avec réticence
cipe d'égalité paraissait être d'un autre ordre. Il n'est
par une partie de la doctrine, et qu'elle ne soit, pour
pas un principe constitutif de l'Etat, mais d'un régime,
des raisons aisément compréhensibles, évidemment
la République française. En le mettant sur le même plan
pas affirmée explicitement par le juge, sa réalité s'impo-
que l'unité de la République, le Conseil constitutionnel
se, môme lorsqu'elle est voilée. La hiérarchisation au
en fait un principe incantatoire utilisable en fonction
sein d'un ensemble de normes de valeur identique, si
dtds circonstances et de nature à justifier n'importe quel-
elle peut paraître déroutante, n'a rien d'étrange. le annulation.
D'ailleurs, ainsi que le font observer L. Favoreu et L.
Philip, en Allemagne comme en Italie, on admet sans
difficulté l'existence d'une telle hiérarchie (34). En La recentralisation (39)
France même, D. Turpin s'interroge sur la « hiérarchisa- La jurisprudence du 13 janvier 1994 est, quelles
tion des normes constitutionnelles » et s'il constate l'ab-
qu'aient été les intentions de leurs auteurs, centralisatri-
sence de hiérarchie formelle, estime qu'il y a une ce par les conséquences qu'il faut tirer logiquement de
ébauche de hiérarchie matérielle (35). Les auteurs qui ce fléchissement du principe de libre administration
nient toute hiérarchisation entre les normes constitu-
devant le principe d'égalité.
tionnelles parlent de « conciliation », et l'on admettra
Certes, une objection est possible sur la signification
volontiers que le juge recherche systématiquement
et la portée de la décision. Celle-ci porte sur l'enseigne-
cette conciliation, y compris lorsque cette dernière
ment, et le treizième alinéa du préambule de la
paraît douteuse. En tout état de cause, le problème est
Constitution de 1946 vient immédiatement à l'esprit :
simplement déplacé. Il est tout de même difficile d'ad-
« L'organisation de l'enseignement public gratuit et
mettre que la Déclaration de 1789 et le Préambule de
laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat ».
1946, qui procèdent de philosophies très différentes
Certains sont tentés d'en déduire que les restrictions
pour ne pas dire opposées, sont nécessairement com-
perceptibles dans la décision du Conseil concernent un
patibles et conciliables. Ce n'est qu'au prix d'un certain
domaine particulier où la décentralisation est limitée, et

(34) GDCC. p. 823, § 70. (38) D. Rousseau parle, dans son ouvrage (op. cit., p. 111), d'une
(35) D. Turpin, Contentieux constitutionnel, PUF, coll. Droit « mise en balance >» concrète des principes constitutionnels. Mais dans
fondamental, p. 77 et s. § 65 et s. une mise en balance le fléau penche d'un côté, l'équilibre, instable par
définition, n'est obtenu que par une action de correction.
(36) D. Turpin note, avec prudence et nuance, que le juge
constitutionnel semble avoir « marqué jusqu'à présent une certaine (39) Le terme est emprunté à L. Favoreu dans son article « Vers une
préférence pour les principes libéraux de 1789 par rapport aux recentralisation >», précité.
principes socialisants de 1946 » (« Contentieux constitutionnel », op. (40) On ne discutera pas ici du sens du mot « Etat >• dans le texte du
cit., p. 301). préambule, ce terme étant susceptible de deux interprétations, dont
(37) La thèse de la conciliation n'exclut d'ailleurs pas la l'interprétation large peut inclure les collectivités locales à côté de
hiérarchisation : le préambule de 1946 complète, suivant le préambule l'Etat.

de 1958, la Déclaration de 1789. Si le premier ne peut pas contredire (41) V. les analyses de J.-C. Douence, notamment son article « La
cette dernière n'est-ce pas que, lorsqu'il le pourrait, il s'efface devant décentralisation du système éducatif », in Les nouvelles compétences
elle, révélant ainsi la suprématie de la Déclaration ? locales, sous la dir. de F. Moderne. Economica 1985, p. 201 et s.

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qu'il serait hasardeux ou erroné d'en tirer des conclu- mentaire de cette décision du Conseil constitutionnel,
sions sur le principe de libre administration qui ne que la liberté d'enseignement n'est pas seule en cause,
serait pas affecté parce que pas véritablement concerné et que le raisonnement du Conseil peut s'appliquer à
(40). Que la décentralisation ait été fort limitée par le d'autres libertés. Il est évident, fait-il remarquer, et l'on
législateur en 1982 est incontestable, c'est probable- ne peut que souscrire, que la liberté d'association ne
ment le domaine où cette décentralisation est le plus s'applique pas de manière égale sur tout le territoire :
limitée, puisqu'elle exclut tout l'aspect pédagogique et « Chacun sait que les collectivités territoriales subven-
une grande partie de l'aspect financier (41). Mais préci- tionnent tout à fait librement, et sans respecter de quel-
sément, il paraît difficile de s'appuyer sur le rôle privilé- conques critères objectifs, les innombrables associa-
gié de l'Etat, pris au sens strict, pour justifier cet enca- tions existantes ou qui se créent » (43). Cela vaut aussi,
drement des collectivités locales car l'habilitation accor- écrit L.Favoreu, pour le droit à la protection de la santé,
dée par la loi et annulée par le juge portait sur le seul la liberté d'entreprendre, le droit à la culture. Ce dernier
point ayant fait l'objet d'une décentralisation : les ali- est particulièrement topique : comment oserait-on pré-
néas II et III de l'article 14 modifié de la loi du 7 janvier tendre que ce droit s'exerce également sur tout le terri-
1983 relative à la répartition de compétences entre toire lorsque l'on sait les écarts, qui deviennent parfois
l'Etat, les communes, les départements et les régions des abîmes, entre certaines régions du territoire et la
disposent que le département « a la charge des collèges », capitale ? Ce sont les inégalités qui, ici, sont flagrantes,
que la région « a la charge des lycées » et que chaque et ce ne sont certainement pas les riches équipements
catégorie de collectivités assure, pour les établisse- dont a été dotée depuis quelques années la capitale (et
ments dont elle a la responsabilité, « la construction, dont on peut soutenir, d'ailleurs, que leur réalisation
l'équipement, les dépenses d'entretien et de fonction- était justifiée) qui vont compenser cette inégalité,
nement ». La dispositon censurée portait sur les « sub- aggravée au contraire (44). S'il ne s'agit pas seulement,
ventions d'investissement » que les collectivités locales de la part du Conseil constitutionnel, d'une formule
pouvaient attribuer. Cela entrait donc bien dans les res- incantatoire ou d'une décision d'espèce que d'autres
ponsabilités, si limitées, remises aux collectivités décisions corrigeraient rapidement, ce qui traduirait
locales, autant dire que ces responsabilités de l'Etat une regrettable soumission à des facteurs circonstan-
sont exclusives et supprimer les dispositions existantes ciels, c'est une véritable hypostasie du principe d'égali-
des lois de décentralisation pour que les principes au té dont il s'agit. On pourrait craindre alors, dans ce cas,
moins soient cohérents (42). Par ailleurs, les formules qu'une telle prétention à la totalité du principe d'égalité
utilisées par le Conseil constitutionnel sont suffisam- constitue une contrainte insupportable en même temps
ment larges pour pouvoir s'appliquer à d'autres qu'elle stérilise les efforts des particuliers comme des
domaines que l'enseignement. Il résulte de la décision collectivités pour innover, stimuler les initiatives et
du Conseil que le principe de libre administration est encourager la liberté des personnes.
mis en échec, ici par l'uniformité des conditions d'exé-
cution des lois relatives à l'enseignement, mais peut- Jean-Marie PONTIER
être aussi dans d'autres domaines. Professeur à l'Université de Droit
d'Economie et des Sciences
L. Favoreu fait observer fort justement, dans un com-
d'Aix-Marseille

(42) La sollicitation, par l'Etat, des collectivités locales, qui ne s'y (43) L. Favoreu, « Loi Falloux : les conséquences d'une
refusent pas, pour tous les ordres d'enseignement, y compris jurisprudence (2). Vers une "recentralisation" », Le Figaro 18 janvier
l'enseignement supérieur pour lequel il est admis sans discussion que 1994.
les collectivités locales ne disposent d'aucune compétence ni (44) Certains s'étaient ainsi interrogés, à l'époque, sur la « Cité des
d'aucune responsabilité, atteste l'hypocrisie des intéressés mais sciences » de la Villette, estimant qu'une vingtaine de petits centres, en
surtout de l'Etat ou, en termes plus mesurés, le décalage entre les province, auraient été préférables à un établissement parisien
textes et la réalité.
prestigieux.

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