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DU PROCESSUS DU CLIENT AU PROCESSUS THÉRAPEUTIQUE :

une critique du modèle du processus et de la théorie des adaptations de personnalité

Keith Tudor, Mark Widdowson, José Grégoire

Institut français d'analyse transactionnelle | « Actualités en analyse


transactionnelle »
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2011/2 N° 138 | pages 1 à 28
ISSN 1377-8935
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DU PROCESSUS DU CLIENT AU
PROCESSUS THÉRAPEUTIQUE :
une critique du modèle du processus et de la
théorie des adaptations de personnalité

Les auteurs proposent une analyse critique du processus de modélisation présenté par Kahler1 et de
la théorie des adaptations de personnalité présentée par Kahler et Capers2, Kahler3, Ware4 et Joines
& Stewart5. En particulier, ils contestent l'affirmation de Joines et Stewart concernant le fait que
le narcicisme ne peut être considéré comme une adaptation de la personalité et militent pour une

L
conceptualisation cohérentee de la personalité incluant les adapatations narcisisque et borderline.

e modèle du processus a été introduit par Taibi Kahler


dans les années 1970 à partir de recherches cliniques qui
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l’ont conduit à distinguer des patterns de comportement
séparés vus comme des manifestations fonctionnelles du contre-
scénario. Dès 1974, il avait distingué six patterns comportant un
driver et le comportement d’inhibition correspondant : les hyper-
réactifs, les addicts du travail, les adeptes du doute, les
manipulateurs, les désapprobateurs et les rêveurs6. Kahler n’a pas
publié de suite les résultats de ses recherches, mais il a donné des
exposés à ce sujet et en a discuté avec plusieurs collègues, parmi
lesquels Paul Ware7. Ces échanges portaient aussi sur les liens de
ces patterns avec différents aspects de l’A.T. : drivers, scénarios,
jeux psychologiques, rackets, injonctions, mythes et rôles. Dans
un article plus récent publié sur internet8, Kahler aborde la question :
jusqu’à quel point ce modèle est-il ou n’est-il pas de l’analyse
transactionnelle ?
Par la suite Ware9, en s’appuyant sur une partie du travail de Kahler
sur le mini-scénario et sur l’apport de Shapiro10 sur les styles
névrotiques, a distingué six applications cliniques qu’il appelle
indifféremment les types, les caractéristiques ou les adaptations
de personnalité. Ces vocables désignent et décrivent certaines
formes d’adaptations que les personnes adoptent face à leur
environnement familial, culturel ou sociétal, sur la base de différents Keith Tudor,
messages en provenance de leurs parents ou d’autres adultes qui T.S.T.A.,
ont été importants pour eux. Dans son article, Ware introduit six Sheffield, Royaume-Uni.
types de personnalité, qu’il dénomme : schizoïde, hystérique,
obsessionnel-compulsif, paranoïde, antisocial et passif-agressif. Il Mark Widdowson,
fait référence aux troubles de la personnalité du D.S.M.-III11 et T.S.T.A.,
ajoute en une phrase que "les autres types repris par le D.S.M.-III Glasgow, Royaume-Uni.

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Keith Tudor et Mark Widdowson

ne semblent pas décrire des adaptations liées à des personnalités


clairement définies"12, sans apporter aucun argument pour étayer
cette affirmation.
Aussi bien le modèle du processus que la théorie des adaptations
de personnalité bénéficient dans certains cercles transactionnels
d’une audience étendue et d’une acceptation favorables. En 2002,
Joines et Stewart y ont consacré un ouvrage intitulé Personality
adaptations: a new guide to human understanding in psychotherapy and
counselling13. Ils énumèrent cinq propositions-clés qui sont le
fondement du système :
- il existe six adaptations de personnalité fondamentales,
- elles sont universelles,
- chaque personne est dotée (au moins) d’une adaptation de survie
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et d’une adaptation pour agir dans son milieu14,
- l’adaptation de survie se développe en vue de prendre soin de
soi lorsque la confiance en l’entourage s’effondre, tandis que
l’adaptation pour agir dans son milieu vise à satisfaire des attentes
familiales,
- la connaissance de ces adaptations peut servir de guide au
thérapeute pour établir rapidement l’accordage, pour cibler ses
interventions et pour éviter de se trouver bloqué par les défenses
du client.
Nous reconnaissons les points forts du modèle du processus qui,
selon nous, sont les suivants :
- utilisé conjointement avec l’apport de Ware15 sur les adaptations
de personnalité, il encourage les thérapeutes à observer leurs clients
de près et à prendre en compte leurs comportements observables
en tant que manifestations de leurs processus internes,
- il les invite à réfléchir à la manière dont ils construisent leurs
interventions,
- il leur fournit un cadre de référence conceptuel non seulement
pour comprendre les processus de leurs clients, mais aussi pour
gérer leurs propres angoisses,
- il oriente leur réflexion vers les dynamiques sous-jacentes et vers
les aspects de la croissance qui, au niveau structural, pourraient
être importants dans les problèmes des personnes.
Bien que ce soient là, à notre point de vue, des aspects importants
du modèle du processus, nous croyons que tous ces bénéfices
peuvent s’obtenir par des voies qui conviennent mieux à une

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Du processus du client au processus thérapeutique

approche humaniste de la thérapie et qui prennent pleinement en


compte l’unicité de chaque client et de chaque relation entre client
et thérapeute. Dans cette perspective, nous sommes partisans de
moins se centrer sur le diagnostic que le thérapeute établit à propos
du client, pour accorder plus d’attention au processus de celui-ci
et à la réflexion du thérapeute sur sa contribution personnelle à
la thérapie.
D’un autre côté, le modèle du processus et la théorie des adaptations
de personnalité comportent selon nous plusieurs aspects
problématiques :
- ils tentent de fournir des adaptations de personnalité une
compréhension complète et exhaustive,
- ils sont par trop simplistes,
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- ils sont en même temps trop compliqués,
- ils ne prennent pas en compte les recherches récentes sur la
croissance du bébé et de l’enfant,
- ils relèvent d’une démarche diagnostique et prescriptive,
- ils incitent à considérer le client isolément, indépendamment de
son entourage et de son milieu.
Le présent article élabore les critiques ci-dessus et, chemin faisant,
relève diverses incohérences de la théorie. En fin de parcours, il
s’attache plus particulièrement au narcissisme et à la question de
l’adaptation de personnalité narcissique, dont Joines et Stewart16
rejettent l’existence. Mais avant tout cela, il nous faut clarifier

D
brièvement la terminologie relative à la personnalité.

ans le langage des professionnels et dans le langage courant, La terminologie


il existe une multiplicité de termes concernant la de la
personnalité :
"personnalité" :
- "disposition", que Allport définit comme « le matériau brut pour
le développement de la personnalité »17, traits, troubles,
- "habitude" ou "disposition acquise", adaptations,
- "tempérament", terme qui remonte à la physiologie médiévale styles
qui distinguait quatre "humeurs cardinales" : sanguine, bilieuse,
phlegmatique et mélancholique,
- "caractère", terme d’habitude associé à des qualificatifs tels que
"bon" ou "mauvais", "fort" ou "faible",
- "caractéristiques", que Cartwright et Graham décrivent comme K. Tudor
« des traits distinctifs et relativement stables d’une personne, qui M. Widdowson

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Keith Tudor et Mark Widdowson

ont toutes chances de se manifester dans certaines circonstances »18.


La psychiatrie moderne, elle, distingue les "traits" et les "troubles"
de personnalité. Selon le D.S.M.-IV-R, « les traits de personnalité
sont des patterns durables de perception, de relation et de pensée
à propos de l’entourage et de soi-même, qui se manifestent dans
une large gamme de contextes sociaux et personnels. Ce n’est que
lorsque ces traits sont complètement rigides, mal adaptés aux
situations et causes de handicaps fonctionnels graves ou de désarroi
subjectif qu’ils constituent des troubles de personnalité »19.
L’Association Psychiatrique Américaine, d’autre part, n’utilise pas
le terme "adaptation de personnalité" qui, généralement, désigne
une caractéristique habituelle et un pattern d’adaptation auxquels
la personne revient lorsqu’elle est soumise au stress. Ces définitions
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nous permettent de représenter ces trois aspects de la personnalité
sous forme d’un continuum (cf. figure 1).
Joines et Stewart20, eux aussi, considèrent les adaptations et les
troubles de personnalité comme faisant partie d’un continuum,
dans lequel ils n’incluent pas les traits de personnalité, et qu’ils
considèrent comme allant du "positif" au "négatif" (fig. 2), ce
dernier terme étant pour eux équivalent à "dysfonctionnel". De
tels qualificatifs sont à notre avis simplistes et problématiques,
dans la mesure où ils véhiculent un jugement négatif vis-à-vis des
personnes qui présentent un trouble de personnalité.
À différents moments, plusieurs autres théoriciens ont introduit
des termes divers pour décrire les niveaux de fonctionnement de
la personnalité. Le modèle plus récent de Johnson21, qui se fonde
sur une approche développementale, propose un continuum de
développement structural qui inclut, dans l’ordre, le « trouble de
personnalité », la « névrose de caractère » et le « style de caractère ».
Ce dernier terme nous paraît préférable à "adaptation" car, si nous
admettons que les personnes présentent des aspects stables qui
ne sont pas des "troubles" au sens précis du terme et qui, pour
une partie au moins d’entre eux, peuvent être sains, ces aspects ne
peuvent par définition être dénommés "adaptations". Mieux vaut
les décrire, avec Johnson, comme des "styles" fonctionnels, c’est-
à-dire comme des manières de gérer le monde à travers
l’organisation de l’organisme ou du Soi. C’est ce que représente
la figure 3.

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Du processus du client au processus thérapeutique

Traits de Adaptations de Troubles de


personnalité personnalité personnalité

Fig. 1 - Le continuum de personnalité

Positif Négatif
Adaptations de personnalité Troubles de personnalité

Fig. 2 - Le continuum de personnalité d'après Joines et Stewart

Traits de Styles de caractères ou Adaptations de Troubles de


personnalité de personnalité personnalité personnalité
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Fig. 3 - Le continuum de personnalité lorsqu’on inclut les styles de personaité

L’idée qu’un ensemble d’énoncés théoriques puisse fournir une Critiques


explication complète de quoi que ce soit, en l’occurrence de la concernant le
personnalité humaine, se fonde sur le mythe de l’explication
universelle, selon lequel n’importe quoi peut s’expliquer par une modèle du
théorie unique. Cette idée, jadis très répandue en philosophie et processus et la
en théologie, fait encore l’objet de récents débats en linguistique théorie des
et en géographie, ainsi que dans l’étude des droits de l’homme.
Pour certains, elle peut s’avérer rassurante, un peu comme la
adaptations de
croyance en un Dieu omniprésent et tout-puissant. Pour d’autres personnalité
cependant, elle se fonde sur une croyance mythique et exagérément La théorie renvoie au
englobante, ce qui incite à des symbioses malsaines d’où la pensée mythe de l’explication
est absente22. universelle
Ce genre d’explications universelles a partie liée avec des systèmes
de classifications qui tentent de cataloguer et de classer tous les
phénomènes. La théorie des adaptations de personnalité23 est
précisément un système de classification fermé de ce type.
Remarquons que ce n’est pas le cas du D.S.M.-IV, puisque celui-
ci laisse une place ouverte pour un « trouble de personnalité sans
autre spécification ». De nos jours pourtant, l’idée d’une explication
valable pour toute chose est souvent considérée comme plus ou
moins surannée et relevant de la pensée "moderne" ; dans l’histoire
des idées celle-ci, par suite d’un changement de paradigme, a été K. Tudor
supplantée par une pensée relativiste "post-moderne" qui, dans M. Widdowson

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Keith Tudor et Mark Widdowson

le cadre de la psychothérapie, est caractérisée par des perspectives


relationnelles.
En outre, l’universalité de la théorie des adaptations de personnalité
est contredite par la présence de catégories incomplètes et
changeantes, sans compter que les manières de concevoir ces
catégories varient d’après les auteurs24. Comme on l’a vu, les
adaptations de personnalité de P. Ware25 ne correspondent pas au
classement des troubles de personnalité du D.S.M.-III : il en résulte
que ni sa théorie ni celle, postérieure, de Joines et Stewart26, ne
donnent de place aux personnalités schizotypiques, borderline,
narcissiques, évitantes ou dépendantes. On peut apprécier le
contraste avec l’apport de Millon27, qui les intègre.
À cela s’ajoute que le D.S.M.-IV28 ne comporte plus le trouble de
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personnalité passive-agressive. Ce changement n’a pas suscité
d’écho dans les publications transactionnelles sur les adaptations
de personnalité, à l’exception d’une mention chez Joines et Stewart,
qui réagissent à cette "suppression" en une phrase : « Nous croyons
que [le trouble de personnalité passive-agressive] doit continuer
à être inclus dans cette liste »29. Ils étayent cette affirmation par
leur expérience clinique et renvoient à des recherches qui,
malheureusement, sont toutes antérieures au changement en
question. Dans le D.S.M.-IV-R, l’Association Psychiatrique
Américaine considère que le trouble de la personnalité passive-
agressive (ou "négativiste"), de même que le trouble de la
personnalité dépressive, requièrent des recherches plus complètes,
pour lesquelles elle indique des axes et des critères.
Les explications universelles reposent sur la psychologie de la
certitude. Celle-ci, ou plutôt l’impression de certitude apparente,
peut rassurer ; cependant, comme le dit un proverbe chinois :
« Bien que l’incertitude soit inconfortable, il est ridicule d’être
certain ». La certitude et sa recherche ferment des possibilités et
inhibent le processus de mentalisation, qui comporte une
investigation continue où l’autre est sans cesse gardé à l’esprit30 :
il est clair que cette investigation et cette manière "d’être avec"31
ne peuvent comporter aucune certitude. Or, des recherches de
plus en plus nombreuses mettent en lumière toute l’importance
de cette capacité de mentalisation et de cette fonction réflexive ;
elles montrent aussi que son absence, ou une déficience de son
fonctionnement, se retrouvent dans toute une gamme de
pathologies psychologiques. Le "paradigme de la certitude" limite
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Du processus du client au processus thérapeutique

donc le potentiel de contact, d’investigation, d’accordage et


d’empathie32, ainsi que l’émergence et la co-création de possibilités
relationnelles, éventuellement inédites, tant au niveau du processus
que de son aboutissement.
Sous l’influence de la formation médicale personnelle de Berne,
bien des aspects de l’A.T. sont fondés sur le modèle médical du
diagnostic et du traitement, ainsi que sur la conception médicale
de la guérison, dans laquelle l’exactitude du diagnostic conditionne
la spécificité du traitement, qui apporte une guérison "certaine".
Le modèle du processus en est un exemple classique. Selon ce que
nous avons constaté, il est spécialement populaire chez les
formateurs, qui se sentent souvent rassurés par sa structure en
raison du cadre empreint de "certitude" qu’elle fournit au travail
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thérapeutique. Certes, ceci peut être utile pour aider les thérapeutes
à réduire leur angoisse et, de ce fait, à contenir celle de leurs clients,
mais il n’empêche qu’à notre avis, le fait qu’un thérapeute soit
"certain" pose toujours problème.
L’impression subjective de certitude peut réduire l’angoisse du
thérapeute, tout particulièrement peut-être chez les thérapeutes
en formation, car elle donne la sensation de saisir ce qui se passe.
Par contre, elle ne l’aide pas à contenir son angoisse de ne pas
savoir, et finalement son angoisse de l’inconnu. Beaucoup de
thérapeutes, particulièrement des thérapeutes expérimentés,
relatent que plus ils apprennent, plus ils réalisent qu’ils ne savent
pas. Pour nous, la capacité de tolérer l’incertitude et de contenir
l’angoisse existentielle qui l’accompagne, chez soi comme chez
l’autre, constitue pour les thérapeutes un savoir-faire important.
Le modèle du processus, lui, les invite à observer des micro-
comportements et à prendre ceux-ci en compte en tant que
manifestations d’un changement interne chez le client. Selon le
thérapeute et sa manière de travailler, ceci peut être rassurant, voire
aidant ; néanmoins, céder à la tentation d’en tirer des conclusions
trop rapides peut amener des diagnostics prématurés basés sur
des informations insuffisantes.
Selon notre expérience, ce sentiment de certitude et de prévisibilité
se brise souvent lorsque le thérapeute constate des exceptions à
la règle ou voit ses clients réagir ou se comporter différemment
du pattern prédit par le modèle. L’angoisse qui en résulte chez lui
a sur la thérapie un impact destructeur dans deux cas fréquents : K. Tudor
si l’incertitude l’angoisse tellement qu’il ressent le besoin de M. Widdowson
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Keith Tudor et Mark Widdowson

renforcer la structure et du même coup la "certitude" ; ou s’il


méconnaît les éléments qui indiquent que le modèle ne fonctionne
pas dans ce cas particulier et tente d’y faire rentrer le client de
force. Ces deux réactions sont à nos yeux anti-thérapeutiques.
La séduction du De plusieurs façons, la théorie des adaptations de personnalité et
simplisme le modèle du processus sont trop généraux et tombent dans le
simplisme.
Tout d’abord, ils ramènent l’ensemble des processus humains à
six et seulement six patterns fondamentaux, ou à sept si l’on y
ajoute le "cyclique" récemment réintroduit par Kahler33. Une telle
réduction ne peut refléter avec précision la complexité, la subtilité
et le degré d’élaboration du développement de chaque personne,
pas plus qu’elle ne prend pleinement en compte l’impact important
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des modes d’expression culturelle. Toute croissance et tout
comportement sont marqués par les cultures et doivent être
considéré dans le contexte de celles où la personne vit et a grandi.
Kahler34 affirme que, dans toutes, on observe les mêmes drivers
et que, de ce point de vue, ils sont universels. Nous rejetons cette
espèce de neutralité culturelle en même temps que les notions
sous-jacentes d’identité ou d’équivalence ; plus généralement
d’ailleurs, nous mettons en question la justesse et l’efficacité de
toute inférence d’un thérapeute à propos du processus interne
d’une personne d’une autre culture. Ceci ne veut pas dire que les
modèles et les théories ne soient pas susceptibles d’être traduits,
mais que beaucoup se perd dans le processus de traduction ; en
tant que praticiens transculturels, il est donc impératif que nous
soyons conscients des problèmes qu’il pose et du danger inhérent
à toute supposition a priori.
En deuxième lieu, dans son utilisation la plus fréquente, le modèle
du processus semble aller de pair avec une confusion entre drivers
et contre-scénario ; beaucoup d’analystes transactionnels paraissent
d’ailleurs avoir abandonné la description de ce dernier pour
s’attacher exclusivement aux comportements drivers. Dans leur
Manuel d’analyse transactionnelle, Stewart et Joines définissent le driver
comme « une, parmi cinq séquences distinctives de comportements,
qui se déroulent durant une période d’une demi-seconde à quelques
secondes et qui sont la manifestation fonctionnelle d’un contre-
scénario négatif »35. Un diagnostic fondé sur un driver ne considère
donc que la dimension comportementale et fonctionnelle et, de

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Du processus du client au processus thérapeutique

ce fait, reste en deçà de l’exigence bernienne36 pour qui les aspects


comportementaux, sociaux, historiques et phénoménologiques
doivent tous être pris en compte. Il en résulte que la vision du
diagnostic véhiculée par le modèle est par définition unidimen-
sionnelle, car elle néglige les éléments relationnels et intra-
psychiques. Réduire l’analyse du contre-scénario à un groupe de
cinq patterns de comportements est ainsi réducteur et restrictif,
et laisse de côté les informations importantes que cette analyse
fournit souvent quant à la mise en place du scénario de la personne.
Enfin, d’autres théoriciens parlent d’autres types de personnalité.
Millon, par exemple, en distingue quinze, mais en même temps il
met en garde contre ce genre de catégories : « Nous avons la
conviction ancrée que les catégories diagnostiques qui composent
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notre nosologie, par exemple celles du D.S.M.-IV, ne constituent
ni des notions décrivant des troubles distincts, ni des facteurs
statistiques séparables ; au contraire, ce sont de brillantes fictions,
des distinctions arbitraires qui, bien souvent, peuvent tromper les
jeunes thérapeutes et les inciter à des interventions trop
comportementales ou, pire encore, à des simples applications d’un
manuel »37. Nous pensons que c’est exactement ce qui se passe
fréquemment avec le modèle du processus. Contrairement à Kahler
et à Joines et Stewart, Millon prend en compte la complexité de
la personne : « Lorsqu’on regarde un patient dans sa totalité, on
peut se trouver en face d’un tableau déconcertant, sinon chaotique,
de par la multiplicité des possibilités qu’il présente ; celle-ci peut
amener le jeune clinicien même le plus motivé à se rabattre sur
une vision du monde plus simple et plus facile à gérer »38. Au lieu
de favoriser une vision holistique de la personne et une perspective
complexe sur l’existence, le modèle du processus et la théorie des
adaptations de personnalité induisent les thérapeutes en erreur en
proposant une perspective réductrice et simpliste de la personne
et du processus diagnostique, qu’ils assortissent d’une méthode
de traitement du genre "manuel".
Dans ce contexte, nous pensons intéressant de faire référence à
un projet d’orientation des révisions des systèmes psychiatriques
de classification diagnostique qui bénéficie du soutien de
l’Association Psychiatrique Américaine, de l’Organisation Mondiale
de la Santé et des institutions nationales américaines de santé. Ce
projet énumère plusieurs sujets de questionnement à propos des K. Tudor
approches fondées sur des classements en catégories, particu- M. Widdowson

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Keith Tudor et Mark Widdowson

lièrement en ce qui concerne les troubles de la personnalité :


-1. l’application du système conduit-elle à un nombre excessif de
cas appartenant à la fois à deux ou plusieurs catégories ?
-2. couvre-t-elle l’ensemble des cas ?
-3. les catégories sont-elles hétérogènes ?
-4. les limites entre catégories sont-elles arbitraires et instables ?
-5. le système a-t-il un fondement scientifique suffisant ? »39.
Particulièrement en ce qui concerne les troubles de la personnalité,
le projet en question propose que l’on abandonne les modèles
énumérant des "troubles" spécifiques pour se tourner vers des
modèles à plusieurs dimensions.
La confusion par la Si la perspective générale des modèles en question est à la fois trop
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complication générale et simpliste, dans la pratique cependant ils s’avèrent
compliqués et sources de confusion. C’est spécialement le cas si
on se sert du tableau présenté par Joines et Stewart et qu’ils
dénomment « matrice d’évaluation »40. Dans notre pratique de
formateurs, les étudiants relatent fréquemment qu’en pratique,
lorsqu’ils se trouvent en interaction avec un client, ils la trouvent
lourde à manier et qu’ils éprouvent des difficultés à mémoriser les
comportements drivers, les séquences de Ware et les canaux de
communication. Cette complexité s’accroît encore lorsque l’on
considère tel ou tel client comme présentant deux, voire trois
adaptations de personnalité. Théoriquement, le thérapeute est
alors sensé se souvenir des séquences prescrites et des canaux
correspondant à chacune d’elles et passer de l’une à l’autre selon
celle que le client met en avant à ce moment-là, ce qui est une
interprétation. Pour nous, il suffit de suivre pas à pas sa manière
de se présenter et sa façon de ressentir ce qu’il vit, de sorte que
l’ajout de séquences prescrites d’avance ne fait que compliquer la
thérapie.
À chaque adaptation de personnalité, le modèle fait correspondre
un problème scénarique fondamental et, chez Ware41 et Joines et
Stewart42, un plan de traitement spécifique. Mais il n’explique pas
comment travailler efficacement dans le cas de deux plans de
traitement contradictoires, dans le cas par exemple d’une personne
dont l’adaptation pour agir dans son milieu est histrionique, ce qui
implique une séquence "Ressenti-Pensée-Comportement", et dont
l’adaptation de survie est schizoïde, ce qui requiert "Compor-
tement-Pensée-Ressenti". Selon Joines et Stewart43, le thérapeute

A.A.T. - N° 138
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Du processus du client au processus thérapeutique

devrait alors en permanence repérer celle qui domine chez le client


et intervenir en conséquence de la manière la plus adéquate. Ceci
semble bien saper la pertinence du modèle. Nous affirmons que
suivre la personne et entrer en relation avec elle en fonction de
l’instant présent est au centre de tout travail thérapeutique et qu’il
est inefficace et inutilement compliqué de se plier à des formulations
rigides.
Ajoutons un mot sur le chapitre de Joines et Stewart intitulé « Les
interactions entre adaptations de personnalité ». Ils s’y attèlent à
la tâche contradictoire et incohérente de décrire les attirances
interpersonnelles entre adaptations de personnalité, ce qui les
conduit à affirmer à la fois que "les semblables s’attirent" et que
"les contraires s’attirent"44. Si l’on se rappelle que chaque personne
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présente au moins une adaptation de survie et une adaptation pour
agir dans son milieu, chacune correspondant à une "porte ouverte"
et à une "porte piégée", il semble que, finalement, n’importe quelle
combinaison est possible. Il en résulte un modèle de l’interaction
humaine et de l’attrait entre personnes qui est d’un côté trop général
et trop simpliste, mais de l’autre exagérément compliqué.
Venons-en au point suivant : la théorie des adaptations de Une vue sous-
personnalité n’est pas confirmée par les recherches sur la croissance développée du
de l’enfant45, que Joines et Stewart46 citent, mais qu’ils ne prennent développement
pas en compte.
Les auteurs, nous l’avons vu, introduisent les notions "d’adaptation
de survie" et "d’adaptation pour agir dans son milieu" et expliquent
ainsi leur différence : « L’adaptation de survie se développe en vue
de prendre soin de soi lorsque la confiance en l’entourage
s’effondre ; l’adaptation pour agir dans son milieu vise à satisfaire
des attentes familiales »47. Ils font explicitement le lien entre leur
théorie et le modèle épigénétique et psychosocial d’Eric Erikson48.
Selon eux, les adaptations de survie (schizoïde, antisociale et
paranoïde) sont des réactions à la première bifurcation ou à la
première crise psychosociale, qui oppose la "confiance fonda-
mentale" à la "méfiance fondamentale" et qui se joue entre la
naissance et l’âge de 18 mois. En ce qui concerne les adaptations
pour agir dans son milieu (passive-agressive, obsessionnelle-
compulsive et histrionique), ils en situent le développement entre
18 mois et 6 ans, sans faire de distinction entre les deux stades qui,
chez Erikson, marquent cette période : autonomie / honte (de 18 K. Tudor
mois à 3 ans) et initiative / culpabilité (de 3 à 7 ans). En outre, M. Widdowson
Avril 2011 - Débats & controverses
11
Keith Tudor et Mark Widdowson

étant donné que les attentes familiales perdurent à tout le moins


tant que l’enfant reste à la maison, il est étrange, et une fois de plus
incohérent, que Joines et Stewart ne prennent pas en compte les
autres stades de l’enfance et de l’adolescence selon Erikson :
activité / infériorité (de 7 à 12 ans), et identité / confusion d’identité
et de rôle (de 12 à 18 ans).
Plus généralement, toute pathologie tire son origine à la fois du
fait que le jeune enfant développe une stratégie pour préserver
l’attachement et le contact avec les adultes qui prennent soin de
lui (l’aspect « agir dans son milieu » de Joines et Stewart) et du fait
qu’il cherche à comprendre et à donner un sens existentiel à son
environnement (l’aspect "survie"). Et en effet, dès le début de sa
vie, bien avant l’âge de 18 mois, le jeune enfant déduit avec précision
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de son expérience que, s’il veut que son entourage réagisse posi-
tivement, il doit se comporter de la manière que les adultes
attendent. En ce sens, c’est pour "survivre" que nous agissons
selon les attentes de notre "milieu", de sorte que ces deux aspects
de notre mode d’être se trouvent inextricablement liés, car c’est à
travers les modalités de l’être-avec que le jeune enfant fait
l’expérience du monde, dans un contexte intersubjectif et
relationnel49. Par conséquent, séparer les adaptations entre "survie"
et attentes du "milieu" n’est pas cohérent avec la pensée actuelle
à propos de la croissance du bébé et de l’enfant. On pourrait aller
plus loin : puisque les drivers sont des manifestations d’un processus
interne où la personne rejoue un contre-scénario dont elle fait
dépendre sa qualité d’être "OK" au niveau conditionnel (« Je suis
OK si… »), chacun d’eux représente une manière spécifique de
préserver la relation avec les parents ; en ce sens, tous sont donc
des manifestations ou des variantes de « Fais plaisir ».
Ensuite, la théorie affirme que toute personne a deux adaptations,
voire plus, car ailleurs, Joines et Stewart écrivent que « chaque
personne a au moins une adaptation de survie et une adaptation
pour agir dans son milieu »50. Une personne pourrait donc avoir,
disons, trois des six adaptations du système, soit la moitié des
possibilités qu’il admet, ce qui non seulement vide de leur sens à
la fois le diagnostic et le système, mais aussi empêche l’efficacité
de la thérapie qu’ils prétendent favoriser. Les auteurs ajoutent que
toute adaptation supplémentaire oriente la personnalité dans sa
direction, tout en maintenant que « chaque personne est unique
dans l’utilisation qu’elle fait de ce style particulier »51. Sur l’unicité

A.A.T. - N° 138
12
Du processus du client au processus thérapeutique

de chaque personne, nous ne pouvons qu’être d’accord, et c’est


précisément sur cet arrière-fond que nous proposons l’idée que,
pour les thérapeutes, traiter chaque client de manière individualisée,
en s’abstenant de toute formulation prescriptive, est à la fois, plus
réaliste, plus humaniste et plus adéquat.

Joines et Stewart ajoutent qu’il est utile de connaître « comment


chaque adaptation prend contact, résout les problèmes et se protège
lorsqu’elle se sent menacée »52. Ici encore, nous sommes convaincus
qu’il est effectivement utile de savoir comment une personne prend
contact, résout ses problèmes et se défend, mais que cette
investigation doit se faire de manière individualisée et relationnelle,
car chaque personne a ses propres patterns adaptatifs, qui ne
correspondent nécessairement ni à l’un des six types de
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personnalités de base, ni à l’une ou l’autre de leurs combinaisons.
Un aspect important de l’influence que Berne a exercée sur l’A.T., Les dangers du
surtout dans ses applications en psychothérapie et en guidance, diagnostic
est l’approche typique du modèle médical : diagnostic → traitement
→ guérison. Cette métaphore et cette terminologie ont de
nombreuses répercussions d’un côté sur la structure de pensée, le
rôle et le pouvoir du clinicien, de l’autre sur le client qui, dépouillé
de son pouvoir propre, devient un objet passif de diagnostic.
Plusieurs analystes transactionnels ont cependant défendu des
positions opposées. Le premier est Steiner, qui s’est engagé dans
l’approche que, avec d’autres, il a dénommée « psychiatrie radicale »
ou « thérapie radicale », et qui affirme : « l’aliénation est l’essence
de toutes les conditions psychiatriques... ; tout diagnostic établi
selon le mode psychiatrique constitue une aliénation, à moins qu’il
ne s’agisse clairement de troubles organiques »53. Après lui, les
Goulding ont intitulé leur recueil d’articles de 1978 The power is in
the patient54. Clarkson, dans son ouvrage Transactional analysis
psychotherapy: an integrated approach55, élabore le dossier à charge du
diagnostic ; il est vrai qu’elle a par la suite adopté une approche
quelque peu traditionnelle. Dans une publication de 1997 sur la
conscience de classe dans la thérapie, Tudor56 a développé le thème
de l’aliénation en s’inspirant de la psychiatrie radicale et du
marxisme ; plus récemment, il a traité de la psychothérapie elle-
même comme aliénation57. Cependant, il est difficile de savoir
jusqu’à quel point cette perspective radicale, voire anti-psychia- K. Tudor
trique, est enseignée dans les formations à l’A.T. ; en dépit de ce M. Widdowson

Avril 2011 - Débats & controverses


13
Keith Tudor et Mark Widdowson

courant, celle-ci reste largement et profondément conservatrice


et conformiste dans son approche des personnes et de leurs
problèmes. En-dehors de l’A.T., on peut également prendre
connaissance des réflexions originales de Sanders58 contre la
médicalisation de la détresse humaine.
L’accent sur le diagnostic dans le modèle du processus et la théorie
des adaptations de personnalité pose une série de problèmes :
- Incohérence : Joines et Stewart59 décrivent les adaptations comme
« saines », alors que leur diagnostic a pour but de définir une
approche de la pathologie.
- Limitation : comme il a été dit, leur modèle et leur théorie se basent
sur le diagnostic des comportements drivers et donc sur une
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observation limitée au comportement, ce qui ne prend pas en
compte les trois autres aspects du diagnostic complet des états du
moi selon Berne60. Le fait de se centrer de manière quasi micro-
scopique et obsessionnelle sur des comportements spécifiques ne
convient pas à des clients dotés de souplesse et d’aisance dans
plusieurs styles de communication et d’expression.
- Méconnaissance : En tant qu’analystes transactionnels, nous
connaissons bien ce mécanisme par lequel les personnes ignorent
de manière sélective soit certains stimuli, soit leur importance ou
signification61 ; il sert, comme on le sait, à protéger un cadre de
référence qui, par définition, échappe à la conscience62. Situer très
vite la ou les adaptations de personnalité d’un client au cours de
la première ou des quelques premières séances peut amener le
thérapeute à méconnaître les informations non conformes au
pattern ou à la description de l’adaptation qu’il a tout d’abord
perçue. Il nous est arrivé trop souvent d’entendre en supervision
des bandes enregistrées provenant de clients auxquels la personne
en formation, souvent dès la première séance, avait attribué au
client telle ou telle adaptation de personnalité, alors qu’à l’écoute
de la bande ce diagnostic s’avère peu fondé, voire pas fondé du
tout, parce que entre-temps la personne en supervision a méconnu
de nombreux indices d’autres diagnostics possibles qui ne
concordaient pas avec son cadre de référence concernant cette
personne. Outre que cette approche constitue une méconnaissance
de celle-ci et que, au pire, elle entretient un système diagnostique
fermé, elle conduit à de graves lacunes au niveau de l’accordage
empathique et limite sérieusement les options ouvertes au

A.A.T. - N° 138
14
Du processus du client au processus thérapeutique

thérapeute pour entrer en relation avec le client.


- Caractère partiel : dans son analyse des « portes de la thérapie »
correspondant à chaque adaptation de personnalité, Ware63 se
montre partiel dans la mesure où il fonde ses séquences sur trois
aspects seulement du comportement humain : comportement,
ressenti et pensée. Cette théorie favorise une trichotomie inexacte
de l’expérience humaine et, de plus, incite à croire que ces trois
aspects s’excluent l’un l’autre, alors qu’à tout moment ils opèrent
simultanément. Il en résulte une théorie rudimentaire, rigide et
encline aux formules. En se conformant aux diverses séquences
de Ware, les thérapeutes limitent leurs options d’intervention, leur
propre pensée et les possibilités relationnelles qui s’offrent à eux
vis-à-vis de leurs clients. Ceci est à l’opposé des thérapeutes qui
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trouvent aidant de suivre instant après instant leur client dans sa
dynamique quelles que soient les défenses, très élevées ou très
réduites, auxquelles il est aux prises à ce moment-là.
- Imprécision : tout modèle médical du diagnostic vise à la précision
et s’en targue ; il échoue donc s’il s’avère imprécis. C’est bien ce
que nous constatons dans le modèle dans le cas du processus dit
« schizoïde », car à notre avis ce qu’il en est dit correspond plutôt
à une personnalité évitante. Une telle erreur de diagnostic est
grave : elle peut conduire à traiter de manière erronée, on pourrait
dire à mal traiter, les clients qui sont véritablement schizoïdes. Le
modèle préconise vis-à-vis d’eux des interventions directives et
comportementales, une approche qui est contre-indiquée dans
leur cas puisque leur dilemme fondamental est la tension entre
leur désir de relation et leur peur d’être contrôlés et dominés. Les
interventions directives renforcent ce type de vécu et, par suite,
le pattern relationnel des personnes qui présentent véritablement
un processus schizoïde64.
Le modèle du processus et la théorie des adaptations de Le système fait
personnalité, ainsi que la manière dont ils sont utilisés, envisagent abstraction du
unilatéralement et de manière non aidante l’individualité de la contexte où vit la
personne (« Je ne suis pas OK - Tu es OK ») en situant sa pathologie personne
uniquement au niveau de son processus intrapsychique, sans
prendre en compte les contextes sociaux, culturels ou inter-
actionnels. D’un autre côté, ils réifient la compétence du thérapeute
(« Je suis OK - Tu n’es pas OK ») et l’incitent à jouer « Psychiatrie »
ou, dans la terminologie du modèle, « Détective » : en effet, ils K. Tudor
élaborent un diagnostic à partir de ce que fait le client et non à M. Widdowson
Avril 2011 - Débats & controverses
15
Keith Tudor et Mark Widdowson

partir de ce qui se passe entre lui et le thérapeute, autrement dit


de ce que tous deux co-créent en termes de relation ou jeux
psychologiques co-transférentiels. Joines et Stewart65 reconnaissent
eux-mêmes que les exemples classiques de jeux psychologiques
cités comme caractéristiques de chaque adaptation de personnalité
sont incorrects, mais ce point reste l’un des aspects les moins
développés ou intégrés de leur travail.
Le modèle et la théorie en question se situent tous deux dans le
cadre d’une "psychologie à une personne"66, puisqu’ils se centrent
sur le client et sur son fonctionnement mental interne, en
l’occurence sur la manière dont il s’adapte à son entourage. C’est
bien ce qu’écrit Klopstech : « les psychologies "à une personne"
voient l’individu comme un système relativement clos qu’elles
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décrivent en termes intrapsychiques »67. Nous ne voulons pas dire
que Joines et Stewart se désintéressent de l’impact des transactions
du thérapeute avec le client ; cependant, ils recommandent « d’éviter
de susciter » chez celui-ci « des comportements drivers »68. À notre
avis, ceci n’est possible que si le thérapeute est complètement
neutre et inexpressif, ce qui représente un processus « Sois fort »
et est à notre avis aussi indésirable qu’impossible. Tel quel, le
modèle du processus ne laisse aucun espace ni à l’analyse et à
l’utilisation des réactions transférentielles qui se jouent dans la
thérapie, ni à l’utilisation thérapeutique de l’expression personnelle
du thérapeute. Sa position est donc proche de celle de la psycha-
nalyse ancienne qui, selon Stark69, est elle aussi une "psychologie
à une personne", qui minimise la subjectivité et les intentions du
thérapeute parce qu’elle les considère comme des interférences
dans le développement de l’analyse.
Les modèles du processus et des adaptations de personnalité sont
mécaniques ; ils se basent sur une vue réductrice de la personne
qui, au lieu d’être reconnue comme un être complexe dans une
perspective holistique, se trouve réduite à la trilogie "compor-
tement, pensée, ressenti". Nous les citons intentionnellement dans
cet ordre, qui correspond à celui des fréquences des "portes de
contact" chez Ware70 : trois adaptations pour le comportement,
deux pour la pensée, une pour le ressenti. Si on l’applique à lui-
même, le modèle des adaptations de personnalité est donc en un
certain sens schizoïde ou, dans notre terminologie, évitant ! Et si
l’on présuppose une distribution égale des adaptations de
personnalité dans la population, la théorie aboutit à considérer les

A.A.T. - N° 138
16
Du processus du client au processus thérapeutique

stratégies comportementales comme prédominantes. Selon notre


expérience, ceci serait carrément faux, car cela ne correspond ni
à ce que la plupart des clients amènent, ni à la manière dont ils le
présentent.
Dans le modèle du processus, le diagnostic se fonde avant tout
sur le "repérage" des comportements drivers, et c’est le thérapeute
qui l’opère. Cela fait de celui-ci non seulement un expert concernant
le comportement du client, mais un détective, sans compter qu’un
tel diagnostic reste partiel et que le comportement, pris isolément,
pourrait bien être le moins fiable des quatre aspects requis pour
le diagnostic d’un état du moi. La métaphore du « détective » est
révélatrice : le client est-il donc un délinquant ou un criminel ?
Que se passe-t-il lorsque le thérapeute estime avoir suffisamment
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d’indices ? Combien de ceux-ci suffisent à établir une "intime
conviction" ? Notre expérience est que les thérapeutes qui se fient
au modèle du processus peuvent être amenés à développer
indûment, à partir d’une information lacunaire, une "conviction"
prématurée concernant la structure et les dynamiques internes de
leurs clients, et même à la considérer comme une "certitude".
Du fait que la théorie des adaptations de personnalité donne aux
adaptations la prééminence sur l’impact qu’exerce l’entourage sur
la personnalité de l’individu, elle méconnaît entre autres la
perspective socio-psychologique de l’A.T., qui met à l’avant-plan
les relations de la personne. Le modèle du processus semble
également méconnaître que des différences au niveau de l’entourage
ou de l’environnement externe peuvent modifier la manière dont
une personne se présente. Voici un exemple : une femme se présente
comme déprimée, s’exprime peu et manifeste peu d’affect. S’il
applique le modèle du processus, le thérapeute est donc enclin à
lui attribuer un driver « Sois fort » et une adaptation de personnalité
schizoïde ; cependant, à plus ample informé, il découvre qu’elle
est victime de violences conjugales et que sa défense dépressive
lui sert à gérer la situation71.
Si nous adoptons vis-à-vis du modèle lui-même une approche
relationnelle et transactionnelle, nous nous interrogerons sur ce
que le thérapeute qui l’applique invite chez ses clients. Autrement
dit, si nous considérons ce modèle comme un stimulus, quelle est
la réaction ? Nous pensons que, en général, il invite le client à se K. Tudor
conformer à l’investigation du thérapeute et à s’adapter au M. Widdowson
« repérage » accompli de l’extérieur.
Avril 2011 - Débats & controverses
17
Keith Tudor et Mark Widdowson

Finalement, le modèle est incongruent au niveau du terme


"adaptation de personnalité" lui-même. Dans le contexte de la
thérapie, le terme "adaptation", tel que nous le comprenons,
s’applique paradoxalement dans les cas où une personne se ressent
comme incapable de "s’adapter" véritablement au monde externe,
ce qui impliquerait qu’elle fasse montre d’une grande souplesse
pour changer de style en fonction des situations. On pourrait dire
que les adaptations multiples permettent une telle souplesse : plus
il y a d’adaptations, plus on rit. Cependant, la théorie affirme que,
dans les situations où « la confiance de la personne en son entourage
s’effondre »72, elle active son adaptation de survie, ce qui
précisément implique un manque relatif de souplesse et
"d’adaptabilité". En fait, si l’on se trouve sous l’emprise de blocages
ou de fixations, on ne "s’adapte" pas, on ne négocie pas avec son
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entourage, et on ne reconnaît pas les autres comme des entités
séparées dotées de leurs ressenti, comportement, pensée et

A
physiologie personnels.

L’adaptation de yant développé plusieurs critiques du modèle du processus


personnalité et de la théorie des adaptations de personnalité, nous tournons
à présent notre attention vers le cas particulier du narcissisme, que
absente du Joines et Stewart73 excluent de leur théorie. Dans ce qui va suivre,
système : une notre propos n’est pas d’ajouter au modèle une catégorie de plus,
omission mais de mettre en lumière une autre incohérence importante. Le
incohérente trouble de la personnalité narcissique n’est peut-être pas aussi
fréquent que d’autres74, mais il est considéré comme une
caractéristique de notre temps, spécialement dans nos sociétés
occidentales d’abondance ; en outre, il constitue dans le milieu
thérapeutique un problème, qui affecte à la fois les collègues75 et
les clients76. Ce phénomène clinique et culturel et toutes ses
manifestations méritent donc toute notre attention.
Joines et Stewart77 affirment que, dans le trouble de la personnalité
narcissique, la personne fait montre « au niveau de la survie » d’une
combinaison d’adaptations paranoïde et antisociale. Pour eux
cependant, les structures narcissiques et borderline sont « d’une
espèce différente »78 des six adaptations de personnalité et ne
peuvent s’ajouter à leur liste. Nous résumons et réfutons ci-dessous
leurs arguments.
« Le narcissisme n’est Les auteurs écrivent : « la personne qui présente un trouble de la
pas sain » personnalité borderline ou narcissique ne fonctionne pas sur un

A.A.T. - N° 138
18
Du processus du client au processus thérapeutique

mode que l’on puisse raisonnablement considérer comme "sain",


ce qui constitue une différence fondamentale entre eux et les six
adaptations de personnalité »79. Trois objections prévalent contre
cette thèse.
- D’abord, Joines et Stewart ne se montrent ni précis ni équitables.
Ils renvoient eux-mêmes à l’oeuvre de Kohut80, qui parle du
« narcissisme sain ». Si d’autre part l’on pense à la plupart des
politiciens et des acteurs, de même qu’à certains éminents
psychothérapeutes, il est tout-à-fait admissible de les considérer
comme narcissiques au sens plénier du terme. Que nous aimions
ou non leur style, leurs idées, leur politique ou leur pratique, ils
fonctionnent néanmoins fort bien, trop bien diront certains, et il
est donc raisonnable de les considérer comme "sains", du moins
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au même degré qu’un comptable obsessionnel-compulsif peut
être "sain". Ronningstam81 dénomme « aspects extraordinaires du
narcissisme » les processus internes de ces personnes qui, selon
lui, ont un Surmoi particulier doté de normes exceptionnellement
élevées et inhabituelles82.
- En deuxième lieu, les auteurs ne comparent pas des choses
semblables : ils devraient comparer les troubles de personnalité
narcissique et borderline non pas avec les adaptations, mais avec
les autres troubles de personnalité qui en sont des modalités
spécifiques : par exemple, le trouble de personnalité schizoïde est
une modalité de l’adaptation schizoïde, etc.
- Enfin, ils sont incohérents sur deux fronts. En premier lieu, ils
parlent d’un côté de "traits" narcissique et borderline, de l’autre
de "troubles" de la personnalité, mais refusent de reconnaître
quelque part entre ces deux extrêmes une adaptation narcissique
ou borderline. Le D.S.M.-IV-R83, lui, élabore la distinction entre
traits et troubles de personnalité de façon claire et cohérente,
identique pour tous les diagnostics. En dépit de leur cadre de
référence, le « continuum de la santé mentale, qui va de ce qui est
complètement sain à ce qui est totalement dysfonctionnel »84,
Joines et Stewart n’agissent pas ainsi ; d’ailleurs, cette notion de
« continuum » est elle-même criticable, comme l’a montré l’un
d’entre nous85. En second lieu, alors que pour eux « les différents
types de troubles de la personnalité correspondent aux noms
traditionnels... des six adaptations de personnalité »86, on ne voit
pas pourquoi la correspondance ne pourrait pas être à double sens, K. Tudor
ce qui ferait correspondre une adaptation de personnalité à tous M. Widdowson
Avril 2011 - Débats & controverses
19
Keith Tudor et Mark Widdowson

les troubles de la personnalité. Par conséquent, affirmer que les


structures narcissique et borderline se manifestent uniquement
au niveau des troubles est un argument entaché d’illogisme.
Par ailleurs, les auteurs récusent plusieurs autres théoriciens qui
parlent de "traits" et de "styles" narcissiques87, sans avancer aucun
argument contre eux. En passant, il est intéressant de constater
combien les publications d’A.T. sur le narcissisme sont rares. Elles
ne comportent que sept articles relativement récents sur le sujet,
ceux de Persi, Lederer, McFarren, Heiller, Haethcote et Little88.
Parmi eux, Heiller89 critique explicitement l’exclusion des
pathologies borderline et narcissique par Joines et Stewart.
« La différence entre Selon Joines et Stewart, « cette différence dans le niveau de
troubles et adaptations fonctionnement de la personne adulte découle d’une différence
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de personnalité est au niveau développemental »90. Ils reconnaissent donc un élément
d’ordre commun dans les décisions anciennes de ceux qui présenteront
développemental » par la suite soit une adaptation, soit un trouble ; la différence
provient pour eux du fait que dans ce dernier cas « le "prix" payé
par l’enfant pour sa survie est bien plus lourd »91. Voilà un argument
bien étrange et, encore une fois, incohérent si on le compare à leur
conception de l’aspect développemental des trois adaptations de
survie, la schizoïde, l’antisociale et la paranoïde (voir plus haut).
Leur théorie nie que les structures borderline ou narcissique
puissent être elles aussi considérées comme des adaptations de
survie alors que, d’après eux au moins, elles ne sont pas plus
anciennes que le stade « confiance ou méfiance de base » d’Eric
Erikson, stade qui va de la naissance à 18 mois et est aussi, d’après
eux, l’époque de la mise en place des adaptations de survie. Ils
n’avancent non plus aucun argument développemental cohérent
qui pourrait étayer l’idée que ces structures sont plus « lourdes »
que, par exemple, un processus schizoïde.
Nous ne détaillerons pas ici comment les recherches dans les
neurosciences et la psychologie de la croissance nous aident, en
tant que thérapeutes, à distinguer de mieux en mieux les aspects
importants du champ interpersonnel dans la prime enfance : notre
propos n’est pas de discuter des origines anciennes des troubles
du Soi, mais de nous interroger sur l’utilité de la théorie des
adaptations de personnalité dans le contexte de notre expérience
humaine.

A.A.T. - N° 138
20
Du processus du client au processus thérapeutique

Joines et Stewart proposent l’idée que les troubles de la personnalité


représentent « des patterns chroniques et mal adaptés pour gérer
le stress en passant à l’acte vis-à-vis de l’entourage... ou en "passant
à l’acte vers l’intérieur" en agissant contre son propre corps »92 ;
ce dernier aspect concerne les cas où les symptômes comportent
des atteintes au corps, des conduites alimentaires aberrantes ou
l’ingestion de substances diverses. Sur une telle base, il est bien
difficile d’établir la différence entre troubles et adaptations de
personnalité. Il est impossible que des personnes qui présentent
« uniquement » des adaptations de personnalité n’interagissent pas
d’une manière ou d’une autre avec leur entourage lorsqu’elles se
trouvent sous stress. Les éléments spécifiques inclus par Joines et
Stewart dans leur description de chaque adaptation énumèrent
bien des patterns de « passages à l’acte » dans des « domaines
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caractéristiques de difficultés », des particularités corporelles et
des problèmes physiques, mais ces éléments montrent simplement
que chaque adaptation de personnalité comporte son pattern
particulier pour agir sur l’entourage et, on peut le présumer, sur
soi-même. Ainsi, l’argument que les troubles de personnalité
diffèrent sur ce point des adaptations ne tient pas.
Selon ces auteurs, « les six adaptations de personnalité représentent
chacune la meilleure option qui était disponible à la personne dans
le contexte où elle vivait en tant que bébé ou enfant »93. Ceci non
plus ne diffère en rien de n’importe quel autre aspect du scénario,
car la théorie de celui-ci intègre en long et en large l’idée que nous
faisons du mieux que nous pouvons94. On pourrait donc affirmer
que toutes les formes de pathologies, y compris celles qui sont
fixées ultérieurement dans les troubles de personnalité, représentent
la meilleure option de la personne pour faire face à son
environnement à cette époque. Les auteurs n’avancent donc rien
de convaincant pour montrer en quoi les adaptations de
personnalité résultent d’un processus développemental spécifique,
différent de ceux qui conduisent aux troubles de la personnalité.
Dans leur chapitre intitulé « Une perspective développementale »,
Joines et Stewart95 émettent une série d’hypothèses concernant
des comportements de parentage qu’ils considèrent comme des
causes partielles des différentes adaptations. Ces hypothèses sont
extrêmement limitées et ne comportent pas de discussion théorique
qui les soutienne. Un exemple : selon eux, l’étiologie de l’adaptation K. Tudor
schizoïde réside dans un parentage hésitant, alors qu’un grand M. Widdowson

Avril 2011 - Débats & controverses


21
Keith Tudor et Mark Widdowson

nombre de publications théoriques affirment que le vécu du jeune


enfant qui développe une structure schizoïde est d’être objet de
haine96.
L’incohérence de la théorie des adaptations de personnalité se
manifeste également au niveau du diagnostic, dans son insistance
sur le comportement driver. Ceux-ci sont des manifestations
fonctionnelles de toute une série de messages du contre-scénario,
qui est en général considéré comme lié aux stades verbaux de la
croissance, lorsque l’enfant cherche avant tout à se conformer aux
instructions de ses parents pour préserver son sentiment d’être
OK au niveau conditionnel ; c’est pourquoi on le considère comme
un élément plus récent du scénario. Selon le Manuel d’A.T. de
Stewart et Joines97, il se met en place entre 3 et 12 ans. Il en
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résulterait, selon leur théorie elle-même, que seules les personnes
présentant des adaptations histrioniques et obsessionnelles-
compulsives pourraient incorporer leur contre-scénario dans leur
adaptation, puisque les adaptations de survie sont antérieures. Ceci
met en question la fiabilité du comportement driver en tant
qu’indicateur diagnostique des autres adaptations de personnalité.
Nous pensons quant à nous que le contre-scénario commence à
se former en réaction à des transactions et des interactions non
verbales entre le jeune enfant et ceux qui s’occupent de lui dès les
stades anciens de la croissance préverbale, entre autres parce que
la distinction entre "verbal" et "non verbal" est plus ou moins
arbitraire. En ce sens, les drivers ne sont que des confirmations
et des affirmations à l’âge verbal de ce que l’enfant "sait" déjà.
Cette perspective établit en outre un lien entre la conception
traditionnelle des drivers en tant que manifestations fonctionnelles
du contre-scénario et une conception plus récente qui y voit un
moyen de comprendre la structure et le développement de la
personnalité98.
« Les structures Selon Joines et Stewart, « les structures borderline et narcissique
narcissiques et ne peuvent être rangées d’aucune manière significative sur la
borderline ne cadrent "matrice de l’évaluation" »99. Tout comme l’argument de Kahler
pas avec la "matrice de auquel nous avons fait allusion plus haut, ceci renvoie au caractère
l’évaluation" » fermé du système : le fait que deux structures ne peuvent être
intégrées à un diagramme préexistant ne constitue pas en soi un
argument pour affirmer qu’elles n’existent pas. En fait, affirmer
qu’elles ne peuvent y être « rangées d’aucune manière significative »

A.A.T. - N° 138
22
Du processus du client au processus thérapeutique

et en conclure que de ce fait elles doivent être rejetées comme non


pertinentes pourrait être considéré comme un exemple de la
méconnaissance dont nous avons parlé. C’est plutôt le contraire :
si une théorie, un modèle ou un diagramme ne peuvent incorporer
des données supplémentaires, il est peut-être temps de mettre la
théorie en question et de les revoir fondamentalement, ou de les
abandonner. Comme Rogers et Wood l’écrivent : « D’abord vient
l’expérience, ensuite la théorie »100.
Kernberg101 et Masterson102 ont tous deux élaboré, à l’intérieur
des pathologies borderline, un continuum de fonctionnement
allant de "fort bon" à "médiocre". Parmi les analystes transac-
tionnels, Haykin103 et Moiso104 font une distinction similaire ; ils
discernent dans les troubles borderline et narcissique une structure
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"clivée" particulière, qu’ils mettent en diagrammes et analysent.
Haykin, sans traiter explicitement des autres troubles de la
personnalité, propose même l’idée que cette structure clivée forme
le substrat de tous les autres développements de personnalité et
que les autres pathologies ont pour fonction de "recouvrir" les
clivages dans l’état du moi Enfant. L’effet débilitant de cette
superposition de pathologies peut varier : elle peut permettre à la
personne un fonctionnement de haut niveau ou, à l’autre extrême,
la handicaper gravement. Les positions de Kernberg et de
Masterson renforcent elles aussi l’idée que les conséquences de la
pathologie borderline s’étagent tout au long d’un continuum et
que les personnes qui ont une structure de ce type peuvent
fonctionner efficacement dans une série de situations et à différents
niveaux repérables par le clinicien et par le client lui-même. Ceci
est cohérent avec le continuum de la personnalité de la figure 3.
Dans leurs ouvrages, aussi bien Kernberg que Masterson énumèrent
une série de problèmes et de processus développementaux liés
aux structures borderline et narcissiques. En fait, nombre de
psychothérapeutes pensent qu’il est presque impossible qu’une
personne puisse traverser les différents stades de la croissance
sans qu’il demeure en elle un niveau plus ou moins élevé de
problèmes borderline ou narcissiques. Si on les suit, il est logique
de penser qu’un grand nombre de personnes présentent certains
aspects de ces deux structures et, en fait, développent une
adaptation narcissique ou borderline qui leur permet d’agir et de
réagir d’une manière habituellement considérée comme saine et K. Tudor
hautement fonctionnelle. Johnson105 et McWilliams106, de même M. Widdowson

Avril 2011 - Débats & controverses


23
Keith Tudor et Mark Widdowson

que l’Union Américaine des Organisations Psychanalytiques107,


définissent tous le niveau de fonctionnement du trouble borderline
comme une aggravation pouvant survenir dans n’importe quelle
personnalité. Joines et Stewart108, qui admettent en général le
continuum de la personnalité, situent le trouble borderline comme
de loin plus handicapant du point de vue relationnel que les
adaptations les plus lourdes. Ici encore, ils comparent des entités
de natures différentes : on ne peut accepter en général une différence
entre adaptations et troubles de personnalité sans considérer que
n’importe quelle adaptation de personnalité est moins handicapante

P
que n’importe quel trouble de personnalité.

Conclusion our qu’une théorie soit utile en pratique, elle doit être vérifiable,
elle doit pouvoir être testé et de plus solide. Si l’A.T. doit se
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développer, ses tenants ne doivent pas uniquement élaborer de
nouvelles théories à la lumière de l’expérience et de la recherche
actuelles, mais aussi revoir, réviser et, lorsque c’est nécessaire,
rejeter toute théorie dépassée, surannée, opprimante ou agressive.
En ce qui concerne les milieux transactionnels, nous estimons
cependant qu’en général les praticiens et les étudiants n’osent pas
formuler leurs critiques ou leurs désaccords109, et que s’ils le font,
ils rencontrent trop souvent non pas des réactions ouvertes, enga-
geantes, dialogales et allant dans le sens du progrès, mais au contraire
des attitudes défensives et réactionnaires.
Pour nous résumer, nous avons critiqué dans cet article le modèle
du processus et la théorie des adaptations de personnalité pour
plusieurs raisons : ils tentent de fournir une explication universelle
pour des processus complexes et sans cesse changeants ; tous deux
sont à la fois simplistes, et exagérément et inutilement compliqués ;
ils ouvrent la porte aux pires excès du diagnostic par le thérapeute ;
enfin, ils renforcent une approche centrée sur l’individu isolé plutôt
que sur la personne vivant dans un contexte. En outre, ils font du
client un objet d’investigation et du thérapeute un détective ou un
technicien ; ce faisant, ils extraient celui-ci du contact et de la
relation avec le client, ce qui limite la prise en considération d’aspects
importants du processus du client.
Si nous voulons élaborer un tableau cohérent des adaptations et
des troubles de personnalité, il n’y a aucune raison de nous abstenir
de repérer, s’il y a lieu, d’autres drivers, injonctions, canaux de
communication ou scénarios se manifestant au niveau du processus.

A.A.T. - N° 138
24
Du processus du client au processus thérapeutique

Il est clair qu’il reste pas mal à faire notamment dans trois domaines :
la distinction entre traits et adaptations ; l’introduction d’adaptations
correspondant aux autres troubles de personnalité tels que les
troubles schizotypique, évitant et dépendant ; l’intégration des
apports des neurosciences et de la psychologie de la croissance
avec l’évolution du scénario. Tudor a contribué à ce travail en
décrivant un sixième driver, qui constitue un aspect important du
développement d’une adaptation narcissique110.
Au contraire des modèles dont nous avons discuté, nous sommes
convaincus que la thérapie porte sur les relations et sur le travail
dans le champ relationnel co-créé par le client et le thérapeute.
Comme l’écrivent Summers et Tudor, « la relation thérapeutique
est plus puissante que la puissance (ou l’impuissance) du thérapeute
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ou du client pris isolément. Ce principe fournit un cadre de
référence théorique qui accentue la dimension du "nous" dans la
relation thérapeutique en tant que support de la croissance et du
changement de l’être humain. Il rappelle aussi l’importance du
contexte culturel où s’insèrent les deux personnes et le champ »111
qu’ils créent ensemble.
Traduit par José Grégoire.
Traduit et reproduit avec autorisation de l’I.T.A.A. Paru dans le T.A.J.,
38, 3, juillet 2008, pp.218-232 : « From client process to therapeutic
relating : A critique of the process model and personality adaptations ».
© I.T.A.A. (tous droits réservés).
NOTES ET RÉFÉRENCES C.A.T., 4, pp. 264-273.
5 JOINES, V., & STEWART, I., Personality
1 KAHLER, T., Drivers: The key to the process script.
adaptations: A new guide to human understanding in
T.A.J., 5(3), 1975, pp. 280-284. KAHLER, T., Scripts: psychotherapy and counselling. Lifespace Publishing, 2002.
Process vs. content. T.A.J., 5(3), 1975, pp. 277-279. N.D.E. : l’ouvrage de Joines et Stewart n'est pas publié en
KAHLER, T., Transactional analysis revisited. Human français. Toutefois, il est possible de retrouver les idées de
Development Publications, 1978. KAHLER, T., Process Joines concernant les adaptations dans son article A.A.T.,
therapy in brief. Human Development Publications, 1979. 47, 1988, pp. 99-110. C.A.T., 8, pp. 132-141.
KAHLER, T., The process communication model seminar 6
"Overreactors, workaholics, doubters, manipulators,
manual. Taibi Kahler Associates, 1996.
disapprovers, daydreamers". Dans un vocabulaire plus
2 KAHLER, T., & CAPERS H., Le mini-scénario
récent, les personnes chez lesquelles ces patterns sont
(orig. T.A.J. 1974), A.A.T., 4, 1977, pp. 163-180. dominants sont plus souvent dénommées respectivement :
C.A.T., 2, pp. 41-58. « empathiques, grands travailleurs, persévérants, promoteurs,
3 KAHLER, T., Personality pattern inventory validation rebelles et rêveurs ».

studies. AR: Kahler Communication, 1982. 7 Cf. KAHLER, T., The process therapy model and the
4 WARE, P., Types de personnalité et plan thérapeutique process communication model. 2002, le 31 juillet 2007 à

(orig. T.A.J. 1983), A.A.T., 28, 1983, pp. 156-165. l’adresse

Avril 2011 - Débats & controverses


25
Keith Tudor et Mark Widdowson

http://www.taibikahlerassociates.com/PTMvsPCM.html l’adresse http://www. millon.net/content/intervention.htm


8 Ibid. 28 American Psychiatric Association, D.S.M.-IV-R, ouvr.

9 WARE, P., art. cité (n. 4). cité (n. 19).


10 SHAPIRO, D., Neurotic styles. Basic Books, 1972. 29 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5), p.

11 American Psychiatric Association, Diagnostic and 107.


30 FONAGY, P., GYORGY, G., JURIST, E., &
statistical manual of mental disorders (D.S.M.-III). Publié
par les auteurs, 1980. TARGET, M., Affect regulation, mentalization, and the
12 WARE, P., art. cité (n. 4), A.A.T., p.157. C.A.T., development of the self. Kamac Books, 2004.
31 STERN, D.N., The interpersonal world of the infant:
p.265. N.D.T. : outre les six troubles de la personnalité
homologues des adaptations de personnalité mentionnées, le A view from psychoanalysis and developmental psychology
D.S.M.-III mentionnait les troubles de la personnalité (ed. révisée). Basic Books, 1998.
dépendante, évitante, narcissique et borderline. 32 ERSKINE, R.G., MOURSUND, J.P., &

13 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5). TRAUTMANN, R.L., Beyond empathy: A therapy of
14 "Performing adaptation". N.D.T. : "to perform" signifie contact-in-relationship. Brunner/Mazel, 1999.
33 KAHLER, T., art.cité (n. 7).
à la fois "accomplir une action" et "jouer une pièce de théâtre".
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15 WARE, P., art. cité (n. 4). 34 KAHLER, T., Addendum à l’article de 1974 : The

16 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5). Miniscript. 1999, le 11 août 2008 à l’adresse http://
www.itaa-net.org/TAJNet/articles/kahler-miniscript-
17 ALLPORT, G.W., Becoming: Basic considerations for
addendum.html
a psychology of personality (orig. 1955). Yale University 35 STEWART, I., et JOINES, V., Manuel d'analyse
Press, 1983, p. 24.
transactionnelle (orig. 1987). InterEditions, 1991, p. 380.
18 CARTWRIGHT, D.S., & GRAHAM, M.J., Self-
36 BERNE, E., Analyse transactionnelle et psychothérapie
concept and identity: Overlapping portions of a cognitive
(orig. 1961). Payot, 1975.
structure of self. Dans : R.S. Levant & J.M. Shlien (Eds.),
37 MILLON, T., personalized... art. cité (n. 27),
Client-centered therapy and the person-centered approach
(pp. 108-130). Praeger, 1984, p. 110. paragraphe 3.
19 American Psychiatric Association, Diagnostic and 38 Ibid., paragraphe 4.

statistical manual of mental disorders (D.S.M.-IV-R) 39 SIMONSEN, E., & WIDIGER, T.A., Introduction.

(orig. 1994). Publié par les auteurs, 2000, p. 630. Dans : T.A. Widiger, E. Simonsen, P.J. Sirovatka, &
20 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5). D.A. Regier (Eds.), ouvr. cité (n. 24). (pp. xxv-xxxiii),
21 JOHNSON, S, Character styles. Norton, 1994. p. xxvi.
40 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5).
22 Cf. par ex. DAWKINS, R., The God delusion. Bantam
41 WARE, P., art. cité (n. 4)
Books, 2006.
23 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5). 42 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5).

KAHLER, T., Transactional... ouvr. cité (n. 1). WARE, 43 Ibid.

P., ouvr. cité (n. 4). 44 Ibid., p. 161.


24 Cf. WIDIGER, T.A., SIMONSEN, E., 45 STERN, D., ouvr. cité (n. 31). STERN, D., Le monde
SIROVATKA, P.J., & REGIER, D.A., Dimensional interpersonnel du nourrisson (orig. 1985). P.U.F., 1989.
models of personality disorders: Refining the research agenda 46 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5).
for DSM-V. American Psychiatric Association, 2006.
47 Ibid., p. 4.
25 WARE, P., art. cité (n. 4).
48 ERIKSON, E.H., Enfance et société (orig. 1950),
26 JOINES, V. & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5).
Neuchâtel, Delachaux-Niestlé, 1974.
27 MILLON, T., Disorders of personality. Wiley, 1981.
49 STERN, D., Le monde..., ouvr. cité (n. 45).
MILLON, T., Towards a new personology: An evolutionary
50 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5),
model. Wiley, 1990. MILLON, T., Personalized
psychotherapeutic intervention. 2001, le 31 juillet 2007 à p.4. Italiques des auteurs de l'article.

A.A.T. - N° 138
26
Du processus du client au processus thérapeutique

51 Ibid., p. 105. 72 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5), p.
52 Ibid., p. 105. 29.
53 STEINER, C., Radical psychiatry: Principles. Dans 73 Ibid.

: J. Agel (Ed.), The radical therapist (pp. 3-7). Ballantine 74 American Psychiatric Association, D.S.M.IV-R., ouvr.

Books, 1971, p. 5. cité (n. 19).


54 GOULDING, R.L., & GOULDING, M.M., The 75 PEPPER, R.S., The senior therapist's grandiosity:

power is in the patient (P. McCormick, Ed.). TA Press, Clinical and ethical consequences of merging multiple roles.
1978. Journal of Contemporary Psychotherapy, 21(1), 1991, pp.
55 CLARKSON, P., Transactional analysis psychotherapy: 63-70.
An integrated approach. Routledge, 1992. 76 SELIGSON, A.G., The narcissistic therapist meets a

56 TUDOR, E., Being at disease with ourselves: Alienation narcissistic patient. Journal of Contemporary Psychotherapy,
and psychotherapy. Changes, 22(2), 1997, pp, 143-150. 22(3), 1992, pp. 221-224.
57 TUDOR, K., & WORRALL, M., Person-centred 77 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5), p.

therapy: A clinical philosophy. Routledge, 2006. 228.


58 SANDERS, P., Why person-centred therapists must 78 Ibid., p. 226.
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reject the medicalisation of distress. Self & Society, 34(3), 79 Ibid., p. 227.

2006, pp. 32-39. 80 KOHUT, H., The analysis of self: A systematic approach
59 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5). to the psychoanalytic treatment of narcissistic personality
60 BERNE, E., ouvr. cité (n. 36). disorder. International Universities Press, 1971. Cf.
61 Cf. SCHIFF, J.L., e.a., Cathexis reader: Transactional OPPENHEIMER, A., Kohut et la psychologie du Self.
P.U.F., 1996.
analysis treatment of psychosis. Harper & Row, 1975.
81 RONNINGSTAM, E.F., Identifying and
62 Cf. SCHIFF, A.W., & SCHIFF, J.L., Passivité (orig.
understanding the narcissistic personality. Oxford University
T.A.J. 1971), A.A.T., 3, 1977, pp. 121-128. C.A.T.,
Press, 2005.
2, pp. 139-146.
82 Cf. TUDOR, K., "Take it": A sixth driver. T.A.J.,
63 WARE, P., art. cité (n. 4).
38, 2008, pp. 43-57.
64 LITTLE, R., Processus schizoïdes : travailler avec les
83 American Psychiatric Association, D.S.M.IV-R., ouvr.
défenses de l’état du moi Enfant replié sur lui-même (orig.
cité (n. 19).
T.A.J. 2001). A.A.T., 136, 2010, pp. 30-49.
84 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5), p.6.
YONTEF, G., Psychotherapy of schizoid process. T.A.J.,
31, 2011, pp. 7-23. 85 TUDOR, K., Mental health promotion: Paradigms and

65 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5). practice. Routledge, 1996. TUDOR, K., Mental health
66 STARK, M., Modes of therapeutic action. Jason promotion. Dans : I.J. Norman & I. Ryrie (Eds.), The
art and science of mental health nursing: A textbook of
Aronson, 2000.
principles and practice (pp. 35-65). McGraw Hill/Open
67 KLOPSTECH, A., The bioenergetic use of a
University Press, 2004.
psychoanalytic conception of cure. Bioenergetic Analysis, 86 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5), p.
11(1), 2000, (pp. 55-67) p.55.
107.
68 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5), p.
87 OLDHAM, J.M., & MORRIS, L.B., Personality
139.
self-portrait: Why you think, work, love. and act the way
69 STARK, ouvr. cité (n. 66).
you do. Bantam Books, 1990. JOHNSON, S., ouvr. cité
70 WARE, P., art.cité (n. 4). (n. 21). MILLON, T., Personality-guided therapy. Wiley,
71 HOLLAND, S., Defining and experimenting with 1999.
88 PERSI, J., Les jeux psychologiques de "Tireur d'élite":
prevention. Dans : S. Ramon & M. G. Giannichedda
(Eds.), Psychiatry in transition (pp. 125-137). Pluto Press, la compétition narcissique entre thérapeutes (orig. T.A.J.
1988. 1992), A.A.T., 73, 1995, pp. 38-48. LEDERER,
A., La défense narcissique de "l'Enfant non désiré" (orig.

Avril 2011 - Débats & controverses


27
Keith Tudor et Mark Widdowson

T.A.J. 1997), A.A.T., 94, 2000, pp. 73-78. C.A.T., England. 13 avril 2007.
7, pp. 176-182. LEDERER, A., The unwanted child's 110 TUDOR, K., "Take it"... art.cité (n. 82).
narcisistic defense revisited. T.A.J., 28, 1998, pp. 347- 111
SUMMERS, G., et TUDOR, K., Une analyse
349. McFARREN, C., Narcissisme : "Je suis OK - tu
transactionnelle co-créative (orig. T.A.J. 2000). A.A.T.,
n'es pas OK" (orig. T.A.J. 1998). A.A.T., 103, 2002,
100 (pp.137-154), p.138.
pp. 118-123. HEILLER, B.R., Narcissism and T.A.
Transactions, 2, 2004, pp. 39-46. HEATHCOTE, A.,
Applying transactional analysis to the understanding of
narcissism. T.A.J., 36, 2006, pp. 228-234. LITTLE,
R., Treatment considerations when working with pathological
narcissism. T.A.J., 36, 2006, pp. 303-317.
89 HEILLER, art.cité (n. 88).

90 JOINES, et STEWART, ouvr.cité (n. 5), p.227.

91 Ibid., p.227.

92 Ibid., p.107. « Acting out… acting in ».


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93 Ibid., p.228.

94 Cf. WOOLLAMS, et BROWN, 1978.

95 JOINES, et STEWART, ouvr.cité (n. 5).

96 Par ex. JOHNSON, ouvr. cité (n. 21).

97 STEWART, et JOINES, ouvr. cité (n. 35).

98 Cf. TUDOR, art. cité (n. 82).

99 JOINES, et STEWART, ouvr.cité (n. 5), p. 227.

100 ROGERS, C.R., & WOOD, J.K., Client-centered

theory: Carl Rogers. Dans : A. Burton (Ed.), Operational


theories of personality (pp. 211-258). Brunner/Mazel,
1974, p. 211.
101 KERNBERG, O., Borderline conditions and

pathological narcissism. Jason Aronson, 1975.


102 MASTERSON, J.F., Psychotherapy of disorders of

the self. Brunner/Mazel, 1988.


103 HAYKIN, M., Type casting: The influence of early

childhood experience upon the structure of the child egostate.


T.A.J., 10, 1980, pp. 354-364.
104 MOISO, C., Transfert et états du moi (orig. T.A.J.

1985), A.A.T., 41, 1987, pp. 23-30. C.A.T., 6, pp.


93-100.
105 JOHNSON, S., ouvr. cité (n. 21).

106 McWILLIAMS, N., Psychoanalytic diagnosis.

Guilford Press, 1994.


107 Alliance of Psychoanalytic Organizations, Psycho-

dynamic diagnostic manual. Auteurs, 2006.


108 JOINES, V., & STEWART, I., ouvr. cité (n. 5).

109 Cf. TUDOR, K., On dogma. Paper presented at the

Institute ofTransactional Analysis Conference, York,

A.A.T. - N° 138
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