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Timbal Pierre-Clément, Metman Josette. Évêque de Paris et chapitre de Notre-Dame : la juridiction dans la cathédrale au
Moyen Âge. In: Revue d'histoire de l'Église de France, tome 50, n°147, 1964. pp. 47-72.
doi : 10.3406/rhef.1964.1729
http://www.persee.fr/doc/rhef_0300-9505_1964_num_50_147_1729
la A
cohabitation
Notre-Dameentre
de Paris,
l'évêque
comme
et ledans
Chapitre
bien d'autres
soulevait,cathédrales,
au Moyen
âge, de nombreuses difficultés. Le service divin devait les unir
et leurs statuts respectifs établissaient entre eux les liens d'une
souhaitable harmonie : le Chapitre élisait l'évêque et recevait
son serment de fidélité 1 ; l'évêque désignait les chanoines 8
et installait le doyen qu'ils avaient élu. L'émulation dans
l'accomplissement de fonctions qui s'exerçaient en un même lieu allait
cependant se traduire fatalement en concurrence et celle-ci
dégénérer trop souvent en conflit 8.
Dans certains diocèses, le Chapitre était seul maître de la
cathédrale, où l'évêque faisait quelque peu figure d'invité, et un
privilège d'exemption lui assurait une complète indépendance 4,
pagnée d'un autre relevé des charges et des profits de la chévecerie, non
daté, qui en diffère assez sensiblement pour que la comparaison soit
intéressante (n° 1 bis). Des renseignements sur le fonctionnement effectif de la
chévecerie, malheureusement sporadi jues, sont donnés par des extraits,
faits au xvue siècle, des comptes rendus à l'évêque Pierre d'Orgemont entre
1384 et 1407 (LL 270, ff. 308-313).
7. Au xme siècle (cf. LL 78, p. 353), les fêtes doubles sont au nombre
de 28 (plus 6 octaves), les fêtes semi-doubles au nombre de 16 ; elles ne sont
pas fixées de façon immuable : en mai 1263, l'évêque Renaud de Corbeil
accepte, à la suite d'une fondation, d'élever au rang de semi-double la fête de
sainte Marie l'Égyptienne (LL 76, p. 300, signalé par Guérard, t. II, p. 254)
et le règlement de la marguillerie, datable de 1311-1316 environ, parle des
« doubles et demi doubles de nouvel instituez et doresnavant a instituer »
(A. Vidier, « Les marguilliers laïcs de Notre-Dame de Paris (1204-1790) »,
dans les Mèm. de la Soc. de l'hist. de Paris et de l'Ile de France, t. XL, 1913,
p. 336).
8. Cf. Vidier, op. cit., p. 164 sq. Ces fondations étaient administrées par
le Chapitre et nous sommes mal renseignés sur les dépenses qu'elles pouvaient
impliquer pour la chévecerie.
9. Pour les fêtes semi-doubles il doit y avoir dix cierges autour de l'autel
et sept sur la « panne », pour les fêtes doubles treize autour de l'autel et
seize sur la « panne », à la charge de l'évêque.
Chaque église avait, sur ce point, sa propre coutume. A Tours
l'archevêque et les dignitaires du chapitre, qui devaient conjointement, pour
les « O », fournir le luminaire et donner une potatio à tous les chanoines et
clrecs de la cathédrale, décident, en 1233, d'abolir cette mauvaise coutume
et de faire tourner cette prestation à l'accroissement du luminaire, tant
pour les « O » que pour les autres fêtes de l'année (Bibl. nat., nouv. acq.
lat. 1183, p. 200-201).
10. La panne ou poutre de gloire, qui subsiste dans bien des églises rurales,
n'était pas forcément en bois ; à Notre-Dame de Paris, il en existait plusieurs :
entre le chœur et l'autel, dans la chapelle de la Sainte-Croix (Guérard,
t. I, p. 93), plus tard sur le jubé (la « range », cf. infra, p. 62), sans compter
les pannes mobiles (à l'époque de Noël, était installée provisoirement quedam
panna lignea ad ponendum cereos ; cf. Vidier, op. cit., p. 398, d'après L 463,
n° 83, a. 1283) ; la « grande panne », entre le chœur et l'autel, est dite penna
ferrea ou régula ferrea au xme siècle (LL 270, p. 353 ; cf. Du Cange, V**
Penna et Régula) et il est vraisemblable de la reconnaître dans la « traverse
dorée » dont nous parle un texte de 1587 (cf. Th. et D. Godefroy, Le
Cérémonial françois, 1649, t. II, p. 988).
11. Guérard, t. II, p. 404 (1245). La recommandation du légat ne supprima
pas les abus, puisque le Chapitre se plaindra en 1368 de la qualité des cierges,
laits de mala cera et turpi (LL 107, p. 155).
50 P.-C. TIMBAL ET J. METMAN
interdit tout prélèvement de l'évêque sur les biens laissés aux églises exemptes
et sur les dons faits à la fabrique des autres églises pour le luminaire et les
reliefs des obsèques (cf. Bernard, op. cit., p. 189 sq.).
19. « Les marguilliers laïcs de Notre-Dame de Paris (1204-1790) », dans
les Mém. de la Soc. de l'hist. de Paris..., t. XL (1913), p. 117-402, et t. XLI
(1914), p. 131-345.
20. Guérard, t. I, p. 88 (1204), et t. III, p. 407.
21. Guérard, t. III, p. 417 (1328).
22. Ces profits donnent lieu ailleurs à des conflits avec les marguilliers
clercs, que l'on ne rencontre pas à Notre-Dame : le chevecier de l'église Saint-
Merry, commis par le chapitre de Notre-Dame, décide, le 29 septembre 1376,
que les marguilliers clercs n'y ont pas le droit de se saisir du « drap de mort »
ni de prendre 5 sous parisis pour chaque drap, ce ^profit appartenant
exclusivement aux marguilliers lais (L 584, n° 24).
23. Guérard, t. II, p. 414.
24. Voir supra, n. 20.
25. Guérard, t. I, p. 93. Le texte est évidemment interpolé, puisqu'il fait
état de la fête de la Susception de la Croix (en août), qui ne date que de 1241 ;
la chose est d'autant plus remarquable qu'au xive siècle les marguilliers
continuent coutumièrement à garder le « remenant des IX pointes » et du
ÉVÊQUE DE PARIS ET CHAPITRE DE NOTRE-DAME 53
33. Les marguilliers ne prétendent plus guère qu'au drap mortuaire, mais
ils n'y renonceront pas jusqu'à la fin de l'Ancien régime : en 1790, ils
s'adresseront à la Constituante pour être indemnisés en cas de suppression de leur
office et de ses profits, parmi lesquels ils mentionneront le droit au drap
mortuaire (Vidier, op. cit., 1913, p. 173).
34. Etienne Tempier révéla son intention dès son accession au siège
episcopal : le 7 octobre 1268, après qu'il eût prêté le serment d'usage (« Ego,
talis Parisiensis episcopus, juro super hec sacrosancta evangelia me servaturum
jura Ecclesie Parisiensis »), le doyen du Chapitre lui dit : « Domine, capitu-
lum dicit qicod, appellations jurium, libertates et consuetudines approbate
eomprehenduntur » et Etienne Tempier répondit : « Bene volo quod se exten-
dant ad ea que se debent extendere, nec intelligo me teneri donec scivero » (LL 78,
p. 363 et 367, imparfaitement publié par Guérard, t. I, p. 168).
35. Cet appel extrajudiciaire est formé au moyen d'un libelle présenté
au juge a quo et lui demandant de se dessaisir de 1'afTaire au profit du juge
supérieur en délivrant des lettres dimissoires ou « apôtres » (cf. H. Morel,
Le recours au roi dans les pays du sud~ouest de la mouvance aux XIIIe et
XIVe siècles ; l'appel a gravamine et la simple querelle et leurs origines romano-
canoniques, 1955, p. 16 sq.).
Le 11 juillet 1272, le procureur du Chapitre formule son appel entre les
mains de l'ofilcial episcopal (L 463, n° 70) et le réitère le même jour (ibid.,
n° 71) devant les officiaux des trois archidiacres du diocèse (Paris, Brie et
Josas).
36. 10 août 1272, Guérard, t. III, p. 246, n° CCCXXXV : le Chapitre ne
conserve que la connaissance du vol de chandelles commis par un de ses
suppôts ; Û est précisé, d'autre part, que la vente des chandelles, interdite
à l'intérieur de l'église par l'ordonnance du légat de 1245, doit être libre
sur le parvis, ni l'évêque ni le Chapitre n'ayant le droit d'y percevoir des
taxes ou d'y concéder des bancs à des marchands.
ÉVÊQUE DE PARIS ET CHAPITRE DE NOTRE-DAME 55
Reconstitution
(Bibliothèque
Intérieur du
denationale,
chœur
Notre-Dame
et Cabinet
du jubé
au des
xive
par Estampes.)
Viollet-le-Duc.
siècle,
Porte
rouge
Porte
Porte Saint
du Etienne
Cloître
0 o O O o
o O a o
47. Issu d'une grande famille limousine, Guillaume de Chanac est aussi
attentif au maintien de son autorité spirituelle qu'à celui de ses droits
seigneuriaux ; cf. G. Clément-Simon, « Documents sur Guillaume de Chanac,
évêque de Paris et patriarche d'Alexandrie », dans Bull, philol. et hist., 1903,
p. 49-59.
48. Il refuse de remettre au Chapitre deux de ses écuyers qui se sont rendus
coupables de violences dans le chœur de l'église (K 1029, n° 4, 13 décembre
1334).
49. Évêque et Chapitre comparaissent devant la Cour ut coram tractato-
ribu8 à eux députés par le roi (Xu 7, f° 11 v° et f° 22, 14 janvier et 18 février
1335, n. st.). Pour n'avoir laissé que peu de traces, l'intervention de juges
royaux, au titre de « traicteurs esleuz », dans les différends touchant des gens
d'Église semble cependant avoir été assez répandue : les doyen et Chapitre
de Chartres se voient réserver en 1336 le bénéfice de cette antiqua consue-
tudo (Ord., t. IV, p. 178) et, en 1367, le roi reconnaît de nouveau qu'ils ne
sont tenus de plaider en Parlement « fors comme par devant traicteurs de
leur cause » (Ord., t. V, p. 26) ; en 1373, c'est l'archevêque de Tours qui fait
état du même privilège (XlA 23, f° 27 v°, 28 mars 1373, n. st.).
De telles réserves ne doivent cependant pas faire illusion, car cette pratique
constitue, en réalité, un des moyens employés par le pouvoir royal pour
faire accepter la compétence de sa Cour en matière ecclésiastique (étudiée
en dernier lieu par F. Cheyette, « La justice et le pouvoir royal à la fin du
Moyen âge français », dans la Revue historique de droit, 1962, p. 373-394).
EVÊQUE DE PARIS ET CHAPITRE DE NOTRE-DAME 59
62. LL 78, p. 11, publié partiellement par Guérard, t. III, p. 267 ,et
intégralement par J. Viard, Documents parisiens du règne de Philippe VI
de Valois, t. I (1899), p. 296, n° 191.
63. La cause étant pendante au Parlement, des lettres royaux devaient
autoriser l'arbitrage, mais il est surprenant que le roi n'ai donné que le
31 décembre 1335 l'ordre au Parlement d'arrêter la procédure et n'ait con-,
firme la sentence que six mois plus tard (JJ 70, n° 305, publié par Viard,
eod. l.). Ces longs délais laissent présumer l'hésitation de l'une ou l'autre
partie à se soumettre à la sentence et on peut penser qu'il s'agit de l'évêque,
puisque l'approbation royale est de peu postérieure à sa disgrâce passagère
dont les motifs demeurent obscurs (cf. XlA 8846, f° 167, 24 avril 1337 : le
roi, qui avait garni le Parlement de parents et amis de l'évêque de Paris,
« lequel evesque s'est porté envers nous et nos genz autrement que deue-
ment, qui nous vient a grant desplaisir », mande de « mettre hors... des diz
offices touz ceulz dudit lignage, affins ou acointés dudit evesque »).
64. Les lingots d'or ou d'argent, les statuettes de métal précieux et les
tableaux appartiendront à la fabrique ; les ivoires et les étoffes d'or ou
d'argent reviendront à l'évêque ; les « cœurs d'or ou d'argent » seront
partagés.
65. Cette disposition permet de sanctionner, le 22 novembre 1417, un
chanoine de Saint-Denis du Pas qui s'est permis de prendre des chandelles
devant la statue de Notre-Dame (LL 112, p. 177).
66. La sentence renvoie au Pastoral et, plus précisément, à une
ordonnance prise conjointement par l'évêque et le chapitre en 1211 (Guérard,
t. I, p. 92).
67. Correction de Viard ; Guérard avait lu in altare.
68. Cf. supra, n. 43.
62 P.-C. TIMBAL ET J. METMAN
69. Guy Baudet ajoute qu'il n'a pas d'information suffisante pour
décider du sort du luminaire placé dans l'église lors de la chevalerie des fils de
rois ou de barons et se réserve de compléter sa sentence sur ce point.
70. Depuis le début du xive siècle, en effet, le jubé coupe les fidèles du
sanctuaire et les cantonne davantage dans la nef, où, à l'entrée du chœur,
la statue de la Vierge retient leurs prières et aussi leurs offrandes. L'évêque
ne peut rester indifférent à une telle évolution et obtient de participer aux
reliefs du luminaire placé devant 1' « Image Notre-Dame », bien que celle-ci
soit située en dehors de sa juridiction traditionnelle.
71. Guérard donne la leçon erronée a primo inferiori gradu.
72. Ce partage territorial sera durable, puisqu'au xvne siècle C. Le Maire,
Paris ancien et nouveau (1685), t. I, p. 147, en atteste le maintien : « Tout
c© qui s'appelle le chœur en l'église de Paris est distingué en trois parties,
dont la première est le grand autel et son circuit depuis les degrez qui servent
à y monter, et cette place est en la jurisdiction de M. l'Archevesque. La seconde
partie est depuis le mesme degré jusques à la chaire archiépiscopale et jusques
à l'autre chaire qui lui est opposée : cet espace comprend ce qui est entre
les deux petites portes pour entrer et aller à l'autel et cette place est en
la jurisdiction commune de M. l'Archevesque et du Chapitre, par
prévention de l'un à l'autre... La troisième partie est depuis la grande porte du
chœur du costé de la nef et sous le crucifix jusques au bout des sièges des
ÉVÊQUE DE PARIS ET CHAPITRE DE NOTRE-DAME 63
n° 89.
23, L5 avril)
464, n°et 75
pour
; il lesen ordinations
sera de même,
(L 496,
en n°
1384,
24, pour
3 juin).
le synode (L 496,
En janvier 1389, deux bulles de Clément VII précisent que la collation
des ordres, la célébration des synodes etc., non plus que de récents conflits de
juridiction, ne peuvent préjudicier à l'exemption (L 365, n08 38 et 39).
90. Cf. supra, p. 56.
91. Pour le duc de Berry, il s'agissait d'une messe chantée à un autel
portatif installé devant la statue de Notre-Dame : une part du profit casuel
fut reconnue à l'évêque. Dans le cas du duc de Bretagne, il s'agissait de
l'autel de pierre érigé à demeure près de la statue et l'évêque accepta de
se désister de sa demande, tout en maintenant ses doits à l'égard des dons
de la famille royale.
92. LL 76, p. 377 ; un résumé en français est donné dans l'Inventaire
de Sarrazin (LL 81, p. 281) et une analyse est publiée par Guérard, t. III,
p. 283, d'après une expédition délivrée le 26 septembre 1435 au nom du
roi Henri VI.
ÉVÊQUE DE PARIS ET CHAPITRE' DE NOTRE-DAME 67
105. L 465, n° 26 (5 avril 1432, n. st.) : le Parlement ayant été saisi d'une
complainte par le Chapitre, l'évêque accepte la recréance faite à celui-ci,
abandonnant ainsi la position qu'il avait défendue en 1381 (cf. supra, n. 74).
106. L 467, n° 36 A (11 février 1569) : le Chapitre décide de faire garder
le chœur pendant les offices par trois francs-sergents, dont deux seront placés
à l'entrée du chœur du côté de la nef et le troisième du côté du chevet,
spécialement chargé de surveiller la voie transversale et les deux portes
latérales.
107. Cf. supra, p. 62 et n. 72.
108. Le 30 décembre 1415, le Chapitre dépêche trois chanoines à la «
poursuite » de l'évêque de Clermont, qui a emporté la croix d'argent placée sur
le corps du duc de Guyenne (LL 112, p. 85).
C'est évidemment à la demande du Chapitre que Guillaume Petit, évêque
de Troyes, déclare devant notaires en 1519 qu'il ne prétend, ni à titre de
confesseur du roi ni à titre de prédicateur, à aucun droit sur les parements
de velours placés autour de la chaire lors des obsèques de Louis XII et de
celles de l'empereur Maximilien (L 466, n° 18). La question n'avait pas cessé
d'être actuelle, puisqu'en 1422 et 1461 de graves querelles avaient éclaté
à Saint-Denis pour la possession du poêle qui recouvrait le cercueil de
Charles VI et celui de Charles VII (J. Huizinga, Le déclin du Moyen âge,
1948, p. 57-58).
109. En 1419, le chevecier doit amender pour avoir fait reprendre après
un
f° 335 service
v°). le luminaire dont le relief appartenait au Chapitre (LL 270,
110. Le 1er juin 1360, il cite le chevecier devant lui ex officio au sujet des
torches allumées en l'honneur du nouvel archevêque de Rouen et de son
successeur au siège de Beauvais (LL 106 A, p. 254). Le 26 août 1393, c'est
l'évêque lui-même qui est invité à s'expliquer au sujet de la diminution des
fournitures incombant à la chévecerie lors de certains anniversaires (LL 108 A,
p. 14).
111. Accord confirmé en Parlement : L 464, n° 141 (14 août 1394) ; il
ne semble pas que l'évêque ait mis beaucoup d'empressement à exécuter
cet accord, puisque ce n'était pas encore chose faite au début de 1398 (cf.,
dans L 464, une procuration de l'évêque datée du 3 janvier 1398, n. st.,
qui a été utilisée pour réunir les pièces 45 à 55).
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