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Le sens de la liberté
Actes du colloque tenu dans le cadre des
Vingt et unièmes Entretiens
du Centre Jacques Cartier
Louise Arbour
Salah Basalamah
Alain Bauer
Gregory Baum
Pierre Bosset
Dorval Brunelle
Marie-Françoise Labouz
Georges Leroux
Peter Leuprecht
Giorgio Malinverni
Christian Philip
Michel Robert
Paule-Monique Vernes
pul
Les Presses de l’Université Laval reçoivent chaque année du Conseil des
Arts du Canada et de la Société d’aide au développement des entreprises
culturelles du Québec une aide financière pour l’ensemble de leur programme
de publication.
www.pulaval.com
INTRODUCTION
Le sens de la liberté
Il n’y a point de mot qui ait reçu plus de différentes
significations, et qui ait frappé les esprits de tant de
manières, que celui de liberté.
Montesquieu
Entre le fort et le faible
entre le riche et le pauvre
entre le maître et le serviteur
c’est la liberté qui opprime
et la loi qui affranchit.
Lacordaire
J’
ai l’honneur et le plaisir d’ouvrir le colloque sur «Â€Le sens
de la libert逻.
Hommage à Bronislav Geremek
En ouvrant ce colloque, j’ai le triste devoir de rendre un
hommage appuyé et ému à un grand absent, Bronislav Geremek,
qui nous a quittés en juillet dernier, victime d’un tragique accident
de la route. Il avait accepté de prononcer la conférence d’ouverture
pour laquelle il avait choisi comme titre€: «Â€L’Europe et l’idée de
la libert逻.
Bronislav Geremek était un grand intellectuel, un historien
réputé qui est devenu par son engagement politique un acteur
inf luent de l’histoire. Il incarnait les bouleversements et
déchirements du 20ème siècle. Il séduisait par son extraordinaire
érudition et son intégrité morale. C’était un homme exceptionnel,
courageux combattant de la liberté au sens le plus noble du terme.
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le sens de la liberté
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peter leuprecht – introduction
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peter leuprecht – introduction
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le sens de la liberté
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Mot d’ouverture
L’
ampleur du sujet sur lequel on vous propose de réfléchir
pendant les deux prochains jours dans le cadre du colloque
« Le sens de la liberté » m’a quelque peu surprise et
estomaquée. Je n’ai aucune ambition de vous éclairer sur tous les
volets qui sont au programme et mes quelques mots d’introduction
seront modestes. Je tenterai donc de partager avec vous une
approche qui reflète les préoccupations que j’ai eues au cours de
ma carrière.
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louise arbour – mot d’ouverture
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Conférence d’ouverture
Les libertés en contexte
Préliminaires
J
e tiens à remercier les organisateurs, et tout particulièrement
mes collègues Josiane Ayoub et Peter Leuprecht, de la
confiance qu’ils m’ont témoignée en m’invitant à prononcer la
conférence d’ouverture du colloque€«Â€Le sens de la libert逻.
L’honneur qui m’échoit est d’autant plus lourd à porter que je
prends ici la place d’un invité de marque, Bronislaw Geremek, mort
dans un accident d’auto, le 28 juillet dernier, une perte d’autant
plus cruelle qu’il avait été aux premières loges de l’histoire le jour
où Solidarnosc et Lech Walesa avaient remporté un triomphe
électoral parfaitement imprévisible qui devait, de proche en
proche, c’est-à-dire à la suite des bouleversements intervenus en
cascade en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Allemagne de l’Est,
bouleversements qui culmineront avec l’exécution du couple
Ceaucescu en Roumanie, en décembre de cette année-là, conduire
à l’événement majeur des 70 dernières années, l’implosion de
l’URSS et du bloc socialiste.
Dans son homélie, publiée dans la livraison du 25 septembre
du New York Review of Books, Adam Michnik, l’éditeur en chef
du quotidien Gazeta Wyborcza de Varsovie (fondé en mai 89
dans la foulée des Accords de la Table ronde qui devaient paver
la voie à la tenue d’élections libres en Pologne pour la première
fois en 40 ans), a écrit€:€«Â€Miraculeusement épargné par la Shoah,
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1. Idem.
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1. Idem.
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result&resnum=8&ct=result#ppa45,m1
1. Ce qui est une autre façon de synthétiser la thèse développée par
Francis Fukuyama, dans La Fin de l’histoire.
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1. Idem, p. 269.
2. Idem.
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1. Cet ensemble de pays avait été désigné comme le€«Â€tiers monde€» par
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que les politiques de privatisation des services publics menées par les
gouvernements provinciaux ont joué et continuent de jouer à cet égard.
Et ils citent à ce sujet les propos tenus par Stephen Harper, par la suite
premier ministre du Canada, alors qu’il était président de la National
Citizens Coalition€: “(W)hat we clearly need is experimentation – with
market reforms and private delivery options within the public system.
And it is only logical that, in a federal state where the provinces operate
the public health care systems and regulate private services, that
experimentation should occur at the provincial level.”
1. Voir Beyond abyssal thinking. En ligne€: http://www.eurozine.com/
articles/2007-06-29-santos-en.html
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Libertés et Valeurs
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Libertés et Religions
L
a liberté a une importante signification religieuse dans le
Nouveau Testament€: Jésus nous y annonce la vérité, et
cette vérité nous apporte la liberté (Jean 8 :€31). Ce n’est
pas de cette liberté théologique que veux parler. Mon allocution
a plutôt comme sujet la liberté civile et ses quatre dimensions la
liberté religieuse, la liberté d’expression, la liberté de réunion et
la liberté d’association. En tant que droit humain fondamental,
la liberté est un élément constitutif de la démocratie et donc un
produit de la modernité.
Pour les grandes religions du monde, la modernité a représenté
un grand défi. Les religions étaient profondément incarnées dans
des sociétés féodales ou aristocratiques où obéissance et fidélité
aux seigneurs étaient une exigence fondamentale. Le catholicisme,
lui aussi, s’est opposé de façon vigoureuse à la modernité. Les
papes ont condamné la liberté religieuse et les autres droits
civils€; ils voulaient plutôt que l’État protège l’Église catholique
et réprime les hérétiques et les athées. Dans des pays européens,
les Églises protestantes qui étaient religions d’État, se sont elles
aussi opposées à la liberté religieuse. Ce furent les protestants
minoritaires, marginalisés dans leur pays et organisés dans des
Églises libres, qui ont défendu la liberté religieuse et accueilli la
séparation de l’Église et de l’État comme une libération. Exposées
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gregory baum – la liberté et les religions
1. http€ ://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/speeches/1995/
october/documents/hf_jp-ii_spe_05101995_address-to-uno_fr.html
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gregory baum – la liberté et les religions
1. www.religionspourlapaix.org/
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1. Samuel Huntington, The Clash of Civilisations and the New World Order
(New York€: Simon & Schuster, 1996.
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gregory baum – la liberté et les religions
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1. Arvind Sharma, ed., Part of the Problem, Part of the Solution (Westport,
Ct : Praeger, 2008) 24-29.
2. Op. cit., 80-84.
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gregory baum – la liberté et les religions
1. Gregory Baum. Étonnante Église (Montréal€ : Fides/Berllarmin,
2006)171-187.
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Le sens de la liberté vu d’une
perspective musulmane
L
es caractéristiques de la liberté, à partir d’une perspective
religieuse et musulmane, tiennent en trois éléments€:
a) l’universalité de sa valeur,
b) la conscience de sa limite, et
c) son fondement spirituel.
Dans ce qui suit, nous avons la prétention de proposer à travers
ces trois dimensions, vues dans une perspective musulmane, une
réflexion qui se veut plutôt générale, qui devrait dépasser cette
dernière et rejoindre les intelligences humaines, quelles qu’en
soient les affiliations.
Mais commençons tout d’abord par faire état des perceptions
qu’on a de l’Islam et de l’absence de liberté dont on l’accuse, par
exemple€:
• Les femmes sont soumises et subalternes, etc.
• L’être humain est déterminé et ne possède pas de libre-
arbitre (le fameux fatalisme dont affuble traditionnellement
l’Islam…)
• Les injonctions de la charia sont telles qu’on ne peut en
déroger sous peine de sanctions corporelles…
• La liberté d’expression n’existe pas en Islam. La preuve en
est les fatwas lancées à tort et travers depuis celle, illustre,
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salah basalamah – liberté et perspective musulmane
2. Limite
L’autre dimension d’une bonne compréhension de la liberté,
toujours considérée à partir d’une conception musulmane, mais
en même temps désireuse de s’inscrire dans le champ plus large
de l’universel, est celle de la limite.
Qu’est-ce qu’une limite€? Tout d’abord, ce n’est pas le contraire
de la liberté, mais sa relativisation. En fait, la limite de la liberté
constitue la condition même de la pratique de la liberté, puisque
nous avons vu plus haut que toute action ne peut être considérée
morale que dans la seule mesure où elle est libre. On peut donc
supposer que si la responsabilité morale a besoin de liberté pour
exister, cela veut dire que la liberté elle-même trouve sa propre
valeur dans sa limite ou de sa bonne gestion.
Je suis libre si je peux dire à un moment donné que je ne
peux plus l’être en raison du sens moral que je dois m’efforcer
de posséder en même temps. En fait, mon sentiment de liberté
provient de ma capacité de faire des choix, cet instant de décision
où je suis en mesure de dire tantôt «Â€oui€» et tantôt «Â€non€». Au
fond, responsabilité et liberté, conçues de cette manière, sont
interdépendantes, voire consubstantielles.
L’Iislam, de ce point de vue-là, insiste beaucoup sur la
dimension de responsabilité individuelle dans sa manière d’affirmer
la liberté. En effet, prenons l’exemple de l’émission de ce qu’on
appelle en arabe une fatwa, c’est-à-dire un avis juridique qui
est, dans quasi-majorité des cas, sollicité par un demandeur. Les
avis juridiques peuvent être émis pour trancher une décision
personnelle dans l’application d’un élément de la pratique religieuse
en fonction de circonstances particulières ou encore pour décider
de la validité juridique ou de la conformité d’une transaction
sociale ou commerciale pour laquelle on n’a pas de précédent
codifié. Lorsqu’un juriste musulman émet ce genre de discours
juridique, il est non seulement adressé de manière circonscrite
et individuelle, mais la personne concernée par la fatwa n’est
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Liberté et multiculturalisme
Sans multiculturalisme
peut-il y avoir libert�
A
voir choisi cette problématique pour ce colloque peut
surprendre. Elle m’apparaît cependant naturelle car
sans multiculturalisme peut-il y avoir liberté€? Même si
la vie collective rend nécessaire d’accepter certaines contraintes,
cela doit-il signifier partager les valeurs de la société au sein de
laquelle nous vivons€ ? Peut-on être libres si nous n’avons pas
la possibilité, même minoritaires dans une société donnée, de
respecter et d’exprimer la culture de la communauté qui est la
nôtre€? Et au plan international la mondialisation qui caractérise
ce début du XXIème siècle peut-elle être compatible avec la liberté
si mondialisation signifie uniformité€ ? L’histoire le montre€: la
domination et le refus de la diversité conduisent toujours à des
conflits tant au plan interne qu’international.
Qu’entendre par multiculturalisme€? Le dictionnaire Larousse
indique que c’est «Â€la coexistence de plusieurs cultures dans une
société, un pays€ ». Et «Â€ multiculturel€ » signifie «Â€ qui relève de
plusieurs cultures différentes€». Multiculturalisme implique donc
l’idée de diversité, de diversité culturelle et, complément de cette
dernière, de diversité linguistique.
Le défi est ainsi de savoir comment concilier, au nom de la
liberté, la reconnaissance du droit au multiculturalisme et les
limites à établir pour que s’institue une coexistence de cette
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christian philip – multiculturalisme et liberté
en français. Quoi qu’il en soit (et c’est pour moi le plus important
et le côté positif de la querelle) ce débat a au moins le mérite de
montrer que la diversité culturelle est devenue un élément auquel
se réfère le droit international. Il est sain, quelque conclusion que
l’on tire des dispositions du Protocole de Londres, de s’interroger
pour savoir si ce traité est ou non conforme au principe de diversité
culturelle. Puissions-nous désormais avoir un tel débat sur tous
les grands traités internationaux à venir€!
Par ailleurs, nous retiendrons un dernier exemple, celui de
l’Union européenne qui devrait être, par la diversité même des
États la constituant, un cadre exemplaire pour donner corps au
multiculturalisme. Où en est-on€?
Côté positif€: l’article 151 du traité européen depuis Maastricht
place la politique culturelle dans les compétences de l’Union
européenne. La reconnaissance par le traité de Maastricht de la
citoyenneté européenne a entraîné cette extension, la culture en
étant un élément évident. Et quoi de plus positif que la devise
proposée pour l’Union par le projet de traité constitutionnel
«Â€Unie dans la diversit逻€? L’Europe, par ses acquis depuis plus de
cinquante ans, montre que nous avons su construire des politiques
communes sans remettre en cause l’identité des États membres, en
rendant compatibles compétences communes et diversité nationale
(et même régionale).
Côté négatif€ : nos concitoyens considèrent que l’Europe ne
respecte pas assez la diversité. La crise sur la ratification du
projet de traité constitutionnel montre qu’ils trouvent l’Union
trop centralisée, trop technocratique, pas assez transparente.
Concrètement aussi, l’article 151 n’a pas permis des actions
importantes, visibles pour les citoyens au plan culturel. Surtout
l’Union a un problème quant à la pratique des langues et comment,
sans le multilinguisme, donner corps à la diversité culturelle€ ?
En droit, il n’y a pas de critique à apporter. L’Union reconnaît la
langue de chacun comme langue officielle. Mais dans la pratique,
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chacun sait que nous allons vers un usage de plus en plus dominant
de l’anglais. Si les réunions officielles donnent lieu à traduction
dans toutes les langues, des raisons pratiques de rapidité et de
coût ne le permettent pas dans la vie quotidienne des institutions
européennes. Les infractions au régime linguistique sont de plus
en plus nombreuses. Il y a 20 ans, près de 60 % des documents
initiaux de la Commission étaient rédigés en français, à peine
plus d’un quart aujourd’hui. Au Conseil, la situation est encore
plus défavorable. Certes l’élargissement est un facteur rendant
plus difficile l’utilisation de langues toujours plus nombreuses,
mais en même temps il rend encore plus nécessaire le respect du
multilinguisme pour permettre à tous les citoyens européens de
s’approprier l’Europe. Par exemple, comment pour un Parlement
national s’exprimer sur le respect ou non de la subsidiarité par un
projet d’acte communautaire s’il ne dispose pas dès l’origine d’une
version de cet acte dans sa langue nationale€ ? Comment faire
connaître l’Europe par les Européens si les informations publiées
sur les sites Internet des institutions et organismes de l’Union
ne sont pas disponibles dans l’ensemble des langues officielles€?
Voilà deux exemples qui montrent combien la diversité culturelle
a besoin de moyens juridiques pour être vécue.
L’Europe n’a pas su non plus aller assez loin pour développer
l’apprentissage de plusieurs langues européennes par tous les
jeunes Européens. L’exemple de l’Espagne est clair. Elle a
rendu obligatoire une deuxième langue étrangère. En 1998,
250€000 élèves apprenaient le français, près d’un million et demi
aujourd’hui. On peut faire des progrès rapidement si on le veut.
L’Europe a su par contre inciter nos étudiants à aller de plus
en plus nombreux vivre une période d’études dans un autre pays
membre. Cela entraîne une vraie révolution culturelle et c’est le
meilleur vecteur pour que la diversité culturelle soit réalité. Mais
nous sommes encore loin d’avoir pu généraliser cette mobilité.
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Concevoir juridiquement la
liberté dans une
société multiculturelle
É
crire le nom de la liberté n’est pas l’apanage du poète. Les
juristes aussi écrivent le nom de la liberté sur leurs pages
blanches, car il leur est demandé, comme aux philosophes,
d’en déterminer le sens. Il est vrai que leur perspective n’est pas
celle des philosophes, qui s’interrogent directement sur la nature
ou sur les fondements de la liberté€; apparemment plus modestes,
les juristes «Â€recherchent plutôt comment la liberté est reconnue
dans l’organisation politique et sociale€ »1. Mais est-il vrai que
les juristes ne jouent qu’un rôle sèchement descriptif€? Dans nos
sociétés rationalisées, «Â€ désenchantées€ », soumises au contrôle
judiciaire de la constitutionnalité des lois, ne demande-t-on pas
souvent aux juristes et particulièrement aux juges de construire
(d’autorité) le sens de la liberté, pour ensuite en fixer la portée et
en aménager l’exercice€? Le sens ordinaire du mot – la possibilité
d’agir sans contrainte2 – se révèle alors peu utile. En effet, ce qui
est recherché alors, ce n’est pas le sens générique du mot liberté,
mais son sens axiologique€ : à quoi sert la liberté€ ? La réponse
que donne le juge à cette question influence la conception de la
liberté qu’il mettra de l’avant et, inévitablement, la manière dont
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1.╇ V. les arrêts Saumur c. Ville de Québec, [1953] 2 R.C.S. 299 et Chaput
c. Romain, [1955] R.C.S. 834, relatifs à la liberté de religion. Dans
Saumur, le juge Rand s’exprime ainsi (à la p. 327)€: «Â€From 1760 […] to
the present moment religious freedom has, in our legal system, been
recognized as a principle of fundamental character. €»
2.╇ «Â€2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes €:
a) liberté de conscience et de religion€;
b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression,
y compris la liberté de la presse et des autres moyens de
communication€;
c) liberté de réunion pacifique€;
d) liberté d’association.€»
3.╇ «Â€7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne€;
il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes
de justice fondamentale.€»
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1.╇ «Â€ 1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits
et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par
une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la
justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et
démocratique.€»
2.╇ R. c. Big M Drug Mart, [1985] 1 R.C.S. 295 (par. 95).
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Les tribunaux doivent être guidés par des valeurs et des principes
essentiels à une société libre et démocratique, lesquels comprennent,
selon moi, le respect de la dignité inhérente de l’ être humain, la
promotion de la justice et de l’égalité sociales, l’acceptation d’une grande
diversité de croyances, le respect de chaque culture et de chaque groupe
et la foi dans les institutions sociales et politiques qui favorisent la
participation des particuliers et des groupes dans la société 1.
Ici la perspective n’est plus vraiment celle de l’individualisme
exacerbé et presque romantique qui sous-tendait les énoncés de
Big M Drug Mart, mais une conception de la liberté qui n’exclut
pas, comme nous pourrons bientôt le vérifier, l’intervention des
pouvoirs publics, particulièrement lorsqu’il s’agit de favoriser
l’exercice de la liberté des faibles, ou encore de protéger les faibles
contre la liberté des forts. Comme l’a souligné Andrée Lajoie,
la description d’une société libre et démocratique qu’on peut
lire dans l’arrêt Oakes laisse voir, dans le discours des juges de la
Cour, une volonté de se rapporter à une conception historique
particulière de l’État, celle de l’État-providence tel qu’il existait
au Canada (quoique déjà affaibli) dans les années quatre-vingt 2.
Il conviendrait sans doute d’ajouter, à cette façon de décrire la
représentation que la société canadienne se fait de son identité
sociopolitique, l’importance que le discours judiciaire accorde
aux droits constitutionnels des minorités ainsi qu’aux politiques
multiculturalistes, autres piliers de la psyché canadienne comme le
laissent entendre non seulement le passage précité de l’arrêt Oakes
mais bien d’autres arrêts de la Cour 3.
1.╇ Oakes, j. en chef Dickson, par. 64). Les italiques sont de nous.
2.╇ Andrée Lajoie, Jugements de valeurs – Le discours judiciaire et le droit
(Paris, P.U.F., 1997), à la p. 80.
3.╇ La protection des droits des minorités est considérée par la Cour
suprême comme un principe constitutionnel fondamental au même
titre que le fédéralisme, la démocratie et la primauté du droit€: voir le
Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217 (par. 79 à 82).
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1.╇ M. Coutu, op. cit. à la p. 169. L’ironie de la situation n’a pas échappé
à un commentateur aussi caustique qu’Harry Arthurs. Voir€: “The Right
to Golf€: Reflections on the Future of Workers Unions and the Rest of
Us under the Charter”, (1988) 13 Queen’s L.J. 17.
2. Renvoi relatif à la Public Service Employees Relations Act, par. 81 (j.
en chef Dickson).
3.╇ Par exemple€: Ken Norman, “Freedom of Peaceful Assembly and
Freedom of Association (Section 2(c) and (d))”, dans G.-A, Beaudoin
et E. Ratushny (dir.), The Canadian Charter of Rights and Freedoms, 2ème
éd. (Toronto, Carswell, 1989), à la p. 248€: “As for the reading given to
section 2(d) by McIntyre J., one is left with a narrow American gloss
on the status quo ante of the Charter”.
4.╇ Voir, entre autres€: Hunter c. Southam, [1984] 2 R.C.S. 145€; Singh
et al. c. M.E.I., [1985] 1 R.C.S. 177€; Renvoi relatif à la Motor Vehicle
Act (C.-B.), [1985] 2 R.C.S. 486€; R. c. Therens, [1985] 1 R.C.S 613€;
R. c. Swain, [1991] 1 R.C.S. 933€; R. c. Stinchcombe, [1995] 1 R.C.S.
754€; Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration),
2002 CSC 1€; Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007
CSC 9.
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1.╇ Arrêts Irwin Toy et Butler, précités. Cette déférence est exprimée en
termes pudiques mais clairs dans Irwin Toy€: «Â€lorsque les tribunaux sont
appelés à contrôler les résultats des délibérations du législateur, surtout
en matière de protection de groupes vulnérables, ils doivent garder à
l’esprit la fonction représentative du pouvoir législatif€».
2.╇ Comité pour la République du Canada c. Canada, [1991] 1 R.C.S. 139€;
Ramsden c. Peterborough (Ville), [1993] 2 R.C.S. 1084 [Ramsden].
3. Ramsden à la p. 1102.
4.╇ T.U.A.C., section locale 1518 c. KMart Canada, [1999] 2 R.C.S.
1083.
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1.╇ R. c. Malmo-Levine, [2003] 3 R.C.S. 571 (au par. 85, citant€: Godbout
c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844 au par. 66).
2.╇ N. Des Rosiers, op. cit. aux pp. 138-139.
3. En particulier€ : Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de
l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3€ ; Ahani c. Canada (Ministre de la
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pierre bosset – la liberté dans une société multiculturelle
des formes d’État qui leur sont sous-jacentes, à une réalité encore
plus complexe.
2. La liberté dans une société multiculturelle€:
une problématique encore mal appréhendée par le droit
Avec la problématique multiculturelle, ce sont les particularismes
religieux, ethniques ou linguistiques individuels, bien entendu,
mais aussi les appartenances collectives qui font irruption dans le
champ du droit, sollicitant de manière inédite sa capacité de donner
un sens à la liberté. Il n’est pas certain que les paradigmes libéral
et social que nous venons de décrire épuisent toutes les façons
par lesquelles il peut appréhender cette question. Car, si individu
et société restent les protagonistes essentiels de ce débat sur le
sens de la liberté, les appartenances collectives d’ordre religieux,
ethnique ou linguistique compliquent l’équation, brouillant les
repères universalistes traditionnels (libéraux ou sociaux). En
1985, l’entrée en vigueur de l’article 15 de la Charte canadienne,
garantissant l’égalité, introduira dans cette équation une nouvelle
variable, la discrimination. Dès lors, «Â€ [d]’autres valeurs vont
entrer en scène, véhiculées par un courant de pensée distinct
et assez éloigné du libéralisme, notamment par sa valorisation
d’une certaine solidarité sociale d’abord à caractère universaliste,
[mais] évoluant ensuite vers la réparation d’injustices séculaires
subies par certains groupes1€ ». L’analyse de la jurisprudence de
la Cour suprême révèle, à notre avis, la difficulté de gérer ces
divers paradigmes d’une manière cohérente, vu l’absence d’une
perspective d’ensemble intégrant, dans la réflexion juridique, les
dimensions aussi bien individuelles que collectives de la liberté.
Le droit puise simultanément à plus d’un paradigme€ pour
aborder ces questions. Une perspective nettement «Â€ libérale€ »
a prévalu, jusqu’à maintenant, pour ce qui est de préciser les
contours de la liberté religieuse€; elle s’est traduite par la priorité
1.╇ A. Lajoie, op. cit., p. 61-62.
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le sens de la liberté
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le sens de la liberté
1.╇ «Â€27. Toute interprétation de la présente Charte doit concorder avec l’objectif
de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel
des Canadiens.€»
2.╇ «Â€[L]’art.€27 et l’engagement envers une vision multiculturelle de notre
nation doivent être pris en considération car ils soulignent l’importance
capitale de l’objectif d’éliminer la propagande haineuse de notre société.
[…] Parmi [les facteurs précisant le sens de l’art 27], j’adopte expressément
le principe de la non-discrimination et la nécessité de prévenir les attaques
contre les liens qu’un individu entretient avec sa culture€»Â€:«Â€ R. c. Keegstra,
précité à la p. 757 (j. en chef Dickson). Voir également€: Canada (Commission
des droits de la personne c. Taylor, précité€; et Ross c. Conseil scolaire du District
n° 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825.
3.╇ Charte des droits et libertés de la personne du Québec, L.R.Q., c. C-12€;
Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), c. H-6. Des lois
équivalentes existent dans toutes les provinces canadiennes. Précisons que
la Charte québécoise est bien davantage qu’une loi antidiscriminatoire
puisqu’elle garantit également les libertés fondamentales, des droits
politiques, des droits judiciaires et certains droits économiques et
sociaux.
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jeunes qui lui sont confiés des chances égales de réalisation de soi et de
réussite€» (à la p. 13).
1.╇ Yves Lafontaine, «Â€ Égalité et pluralisme dans les institutions
publiques€: le rôle de la Commission des droits de la personne€», dans
F. Gagnon, M. McAndrew et M. Pagé (dir.), Pluralisme, citoyenneté et
éducation (Paris, L’Harmattan, 1996), p. 228. L’auteur était président
de la Commission des droits de la personne du Québec.
2.╇ Pierre Noreau, «Â€Le droit comme vecteur politique de la citoyennet逻,
dans M. Coutu et al. (dir.), Droits fondamentaux et citoyenneté - Une
citoyenneté fragmentée, limitée, illusoire€? (Montréal, Thémis, 2000), pp.
323-359. Pour une analyse plus élaborée, par le même auteur, du rapport
des groupes minoritaires au droit€: P. Noreau, Le droit en partage€: le
monde juridique face à la diversité ethnoculturelle (Montréal, Thémis, 2003),
particulièrement aux pp. 27-113.
3.╇ José Woehrling, «Â€ L’obligation d’accommodement raisonnable
et l’adaptation de la société à la diversité religieuse€», (1998) 43 R.D.
McGill 325, à la p. 401.
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le sens de la liberté
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pierre bosset – la liberté dans une société multiculturelle
Conclusion
La concurrence des paradigmes qui président à la détermination
du sens de la liberté illustre bien la difficulté d’une entreprise
qui, dans l’absolu, équivaut probablement à vouloir résoudre le
problème de la quadrature du cercle€: la liberté n’a de «Â€sens€», en
fait, que dans le cadre d’une conception donnée de l’être humain,
de la société et des institutions, au sein desquelles l’État occupe
évidemment une place centrale, notamment dans le rééquilibrage
des rapports sociaux. Le droit doit nécessairement se situer par
rapport à ces enjeux, car il n’est autre qu’une construction humaine
et politique. Les paradigmes auxquels le droit a recours témoignent
de cette difficile recherche, que le caractère multiculturel de nos
sociétés rend d’autant plus ardue qu’aux paradigmes universalistes
traditionnels (libéral et social), tend alors à se superposer un
paradigme communautaire dont les conséquences concrètes
peuvent se révéler difficilement conciliable avec les idéaux
universalistes.
Nous souhaiterions esquisser ici les contours de que serait une
réflexion juridique sur le «Â€sens de la libert逻 qui serait informée
par la notion de droits culturels, une notion qui permettrait peut-
être d’intégrer ces divers paradigmes dans une relation moins
conflictuelle€ ; ou, si l’on préfère, dans une vision globale des
droits fondamentaux, tenant compte de l’indivisibilité et de
l’interdépendance des droits1. Les droits culturels pourraient bien,
en effet, servir de concept intégrateur dans une réflexion sur le
sens de la liberté dans une société multiculturelle. Au centre des
droits culturels, se trouve l’idée suivant laquelle «Â€non seulement
universalité et diversité ne s’opposent pas, mais se nourrissent
113
le sens de la liberté
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pierre bosset – la liberté dans une société multiculturelle
(art. 17, 31)€; la Convention relative aux droits des personnes handicapées,
Doc. N.U. A/61/611 (2006) (art. 24, 30). Pour un survol de la plupart
de ces textes€ : Jean Dhommeaux, «Â€ Culture et droits culturels dans
les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme€», dans
(Coll.), Diversité et droits culturels (Paris, Agence intergouvernementale
de la Francophonie, 2002), p. 112.
1.╇ Voir€: Stephen A. Hansen, “The Right to Take Part in Cultural Life€:
Toward Defining Minimum Core Obligations”, dans A. Chapman et
S. Russell (dir.), Core Obligations€: Building a Framework for Economic,
Social and Cultural Rights (Anvers, Intersentia, 2002).
2.╇ Mylène Bidault, «Â€ Ce que déclarer des droits culturels veut
dire€ », (2008-2009) 7 Droits fondamentaux [en ligne€ : www.droits-
fondamentaux.org].
3.╇ Par exemple, voir€ : Lovelace c. Canada, constatations du Comité
des droits de l’homme des Nations Unies en vertu de l’article 5(4) du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Doc. N.U.
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1.╇ Voir€: Pierre Bosset, «Â€Être nulle part et partout à la fois€: réflexion
sur la place des droits culturels dans la Charte des droits et libertés de
la personne€», dans A.-R. Nadeau (dir.), La Charte québécoise€: origine,
enjeux et perspectives (Cowansville, Yvon Blais, 2007), p. 81-107.
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LiBerté et
Institutions démocratiques
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LE POINT DE VUE DU JUGE
L
es liens qu’entretiennent les institutions démocratiques
et la liberté sont nombreux et variés. Pour ma part, en
ma qualité de juge à la Cour européenne des droits de
l’homme, j’aimerais d’abord relever que l’article 3 du Statut du
Conseil de l’Europe fixe comme but de cette organisation le respect
de l’État de droit, des droits de l’homme et de la démocratie.
Une référence expresse à la démocratie figure ensuite dans le
Préambule de la Convention européenne des droits de l’homme.
Ainsi, son considérant quatre réaffirme-t-il le profond attachement
des États-membres «Â€aux libertés fondamentales qui constituent
les assises-mêmes de la justice et de la paix dans le monde et dont
le maintien repose essentiellement sur un régime véritablement
démocratique, d’une part, et, d’autre part, sur une conception
commune et un commun respect des droits de l’homme dont ils
se réclament€».
Le lien entre libertés fondamentales et régime démocratique se
traduit dans la Convention européenne des droits de l’homme de
plusieurs manières. Dans le bref laps de temps qui m’est imparti,
j’ai choisi de mettre l’accent sur trois points€ : le principe de la
légalité€ ; l’indépendance des tribunaux et la clause «Â€ dans une
société démocratique€» qui figure notamment au § 2 des articles
8 à 11. Faute de temps, j’ai, de manière délibérée, omis de traiter
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le sens de la liberté
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giorgio malinverni – le point de vue du juge
aux pouvoirs qui menacent le plus les libertés, avant tout le pouvoir
exécutif et l’administration. Comme on peut le constater, il existe
ainsi un lien étroit entre le principe de légalité et le principe de la
séparation des pouvoirs. Le principe de la légalité s’adresse aussi
aux juges, auxquels il incombe de respecter ces exigences. Mais
il s’adresse aussi au législateur, en prévoyant que la loi doit être
claire et précise.
c) La principale finalité du principe de la légalité consiste
en ceci que le pouvoir exécutif et son administration ne peuvent
prendre des décisions en dehors du cadre que leur prescrit le
législateur. Il vise également à éviter des inégalités de traitement,
dès lors que la loi doit s’appliquer de la même manière à toutes les
personnes se trouvant dans la même situation. Le principe de la
légalité tend également à protéger les justiciables contre l’arbitraire.
Si elle n’était pas liée par la loi, l’administration échapperait en
effet à tout contrôle. Enfin, le principe de la légalité favorise
la sécurité juridique, dans ce sens qu’il rend l’activité étatique
prévisible et permet aux particuliers d’adapter leur comportement
en conséquence.
d) Face à la multiplicité des notions de loi existant dans les
différents États membres du Conseil de l’Europe, la Cour a très
tôt dû donner sa propre définition de la notion de loi. Celle-ci est
donc une notion autonome, dans ce sens qu’elle est définie par la
Cour, et ne correspond pas nécessairement aux définitions qui
sont données de cette notion dans les différents États parties à la
Convention.
Pour qu’une loi corresponde aux exigences formulées par la
Cour, elle doit remplir un certain nombre de conditions.
La première est l’accessibilité, qui veut que les citoyens puissent
prendre connaissance de la loi. Cette première condition exige
normalement que la loi soit publiée. Dans certains cas, toutefois,
lorsque les destinataires de la loi sont peu nombreux (par exemple
les personnes détenues dans une prison), la publication peut se faire
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le sens de la liberté
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giorgio malinverni – le point de vue du juge
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le sens de la liberté
par la loi exclut donc les tribunaux d’exception, qui doivent être
distingués des tribunaux spéciaux, qui sont normalement prévus
par la loi. Souvent controversés, les tribunaux militaires ne sont
fondamentalement pas remis en question. Chaque justiciable a le
droit d’être jugé par le tribunal compétent rationae personae, loci,
temporis et materiœ.
e) Le principe de la publicité des débats a pour but de
permettre à l’opinion publique de vérifier que le procès se déroule
de manière correcte, en ouvrant la salle d’audience au public et à
la presse. L’importance de ce principe dans un État démocratique
est telle qu’il est interdit d’y déroger, sauf pour des raisons
impérieuses.
3. Le rôle de la clause «Â€nécessaire dans une société
démocratique€»Â€dans la technique
des restrictions aux libertés
a) Dans le système de la Convention, il convient d’abord
de distinguer entre les droits qui ne sont susceptibles d’aucune
restriction, et ceux qui peuvent être limités. Au nombre des droits
qui ne peuvent d’aucune manière être restreints figurent par
exemple les articles 3 (interdiction de la torture), 6€§Â€2 (principe
de la présomption d’innocence) et 7 (pas de peine sans loi). Il s’agit
de droits pour lesquels aucun intérêt public ne saurait justifier que
l’on y apporte des restrictions. Ces droits sont parfois appelés droits
absolus. Les autres droits (parfois appelés droits relatifs) peuvent
être restreints selon deux techniques différentes€ : la première
consiste en une liste énumérative et exhaustive des motifs de
restriction. On retrouve ces techniques par exemple aux articles 4
et 5. La deuxième technique, que l’on retrouve au § 2 des articles
8 à 11, est celle d’une clause générale. Aux termes de cette clause,
les libertés qui y sont consacrées ne peuvent être limitées que si
elles reposent sur une base légale, poursuivent un but légitime, et
sont nécessaires dans une société démocratique.
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giorgio malinverni – le point de vue du juge
Giorgio Malinverni
Juge à la Cour européenne des droits de l’homme
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Limites de la Liberté
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Restrictions permises des libertés
dans la jurisprudence de la cour
européenne des droits de l’homme1
L
a question de l’ingérence des États contractants dans
l’exercice des libertés garanties par la Convention
européenne des droits de l ’homme et des libertés
fondamentales (ici la Convention) et celle du contrôle juridictionnel
de la Cour européenne des droits de l’homme (ici Cour européenne
ou la Cour) sur les mesures nationales de restriction des libertés
sont de tout temps au cœur des interrogations des politiques et
des juristes, de la doctrine et des juges. Mais qui sont vraiment
aujourd’hui les gardiens du Temple, se demande-t-on, au cœur
d’une société européenne en mutation€? Le sujet est vaste, complexe
et contreversé€; la jurisprudence plus qu’abondante€; la doctrine
foisonnante, qu’il s’agisse des commentaires d’arrêts, œuvres
des spécialistes du droit de la Convention ou des contributions
théoriques, à l’égard desquelles ce propos, bien qu’à visée presque
pédagogique, est pourtant largement redevable.
C’est assez dire qu’une délimitation de cette communication
s’impose. Elle pourrait être dictée par l’intitulé retenu par les
1.╇ Les arrêts cités sont accessibles sur le site en ligne du Conseil de
l’Europe et de la Cour, avec leur numéro de requête€ : http://www.
echr.coe.int/echr et dans Les Grands arrêts de la Cour européenne des
droits de l’ homme, sous la direction de F. Sudre, J.P. Marguénaud,
J. Adriantzimbazovina, A. Gouttenoire, M. Levinet, P.U.F, 3ème édition,
2005, cités ici GACEDH
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1.╇ F. Sudre, op. cit., p. 209 qui note que le Comité international des
droits de l’homme applique ce critère matériel à la différence de la Cour
Interaméricaine des droits de l’homme
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1.╇ Depuis lors sur fond de crise entre les kemalistes présents dans
la magistrature et l’armée et les conservateurs islamiques, la Cour
Constitutionnelle turque a annulé le 5/6/2008 par 9 voix contre deux,
pour violation du principe de laïcité, la loi constitutionnelle votée le
7/2/2008 qui aurait autorisé le port du voile islamique dans les universités,
conformément au vœu du parti de la justice et du développement (AKP)
au pouvoir, contre qui une enquête a été ouverte par la Cour en mars pour
«Â€ activités anti laïques€».La Cour Constitutionnelle turque a finalement
rejeté en juillet 2008 d’une courte majorité la demande d’interdiction de
l’APK. En France, le Conseil d’État dans un arrêt du 27/6/2008, rejette
la requête d’une marocaine mariée à un citoyen français, contestant le
refus d’octroi de la nationalité française. Le Conseil d’État se fonde
sur le Code civil et le défaut d’assimilation autre que linguistique,
considérant que la requérante qui «Â€ possède une bonne maîtrise de la
langue française, a cependant adopté une pratique radicale de sa religion,
incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française,
et notamment avec le principe d’égalité des sexes€ ». La requérante
observait des pratiques salafistes, portait la burqa et vivait recluse. Selon
une anthropologue du fait religieux, ancien membre du Conseil français
du culte musulman, Dounia Bouzar, «Â€ être choqué par une burqa, c’est
respecter l’Islam, puisque cela revient à s’étonner et à être persuadé que
la religion musulmane ne peut édicter ce type de conduite archaïque.
Relier la burqa à une ’pratique’ de l’Islam, c’est valider la définition de
l’Islam des intégristes et renforcer leur pouvoir€» in le Journal Libération
du 18/7/2008.
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1.╇ Pour une mise en cause de la distinction opérée par la Cour depuis
l’arrêt Oto-Preminger-Institut c. Autriche du 25/11/1994 (A.295-A,
RUDH 1994 p 441), entre les contestations «Â€gratuites et offensantes€»
d’opinions religieuses et celles qui participent d’un intérêt général,
F. Rolin, http://frederic-rolin.blogspirit.com/archive/2006/02/07Cedh.
Dans l’arrêt Von Hanover c. Allemagne, GACEDH p. 401, la Cour dans
son arrêt du 24/6/2004, malgré la notoriété de la princesse Caroline de
Monaco, juge que les juridictions allemandes ont eu tort de se fonder
exclusivement sur la notion de «Â€ personnalité absolue de l’histoire
contemporaine€ » pour protéger, en l’occurrence la presse people au
détriment de la vie privée de la requérante, alors que celle-ci n’exerce pas
de fonction officielle et qu’il n’y a pas lieu à débat d’intérêt général.
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Liberté et sécurité
P
arler des limites de la liberte dans un colloque sur ce meme
principe est toujours difficile.
Pour un criminologue, le sujet est aussi complexe que
pour un philosophe selon qu’on se place du point de vue des
victimes, des auteurs ou de la société qui a le monopole, par
l’intermédiaire de ses élus, de codifier le droit pénal, expression
de l’opinion du moment.
On pense être une peu le père fouettard de la fête.
D’autant que le criminologue a une relation fort peu morale
avec les criminels. Une relation quasi incestueuse. Sans eux, nous
n’aurions pas de travail, et sans nous ils ne seraient pas reconnus.
Or ils ont un besoin considérable de reconnaissance.
Entre la liberté du plus fort, puis des plus nombreux, on ne
peut que constater un fait€:€«Â€la liberté absolue est une contrainte
absolue€».
Revenons dont au texte fondateur, la DDHC de 1789, «Â€En
présence et sous les auspices de l’Etre suprême, les droits suivants
de l’Homme et du Citoyen sont reconnus€:
Art. 1er. -
Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.
Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité
commune.
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le sens de la liberté
Art. 2. -
Le but de toute association politique est la conservation des
droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la
liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.
Art. 3. -
Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans
la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui
n’en émane expressément.
Art. 4. -
La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à
autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a
de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société
la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être
déterminées que par la Loi.
Art. 5. -
La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la
Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être
empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne
pas€».
En bref, le texte de référence répond parfaitement à la question
en fixant des limites€: «Â€pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas a
autrui€ ». Et c’est la Loi, expression de la volonté générale, qui
résout les contentieux éventuels.
La liberté révolutionnaire de 1789 est donc d’abord une liberté
régulée.
Il s’agit de définir une indépendance sous contraintes, dans
tous les domaines. La volonté est donc restreinte, qu’il s’agit de
sa vie personnelle, de l’éducation de ses enfants, de la gestion des
altérités subies en dehors du foyer.
Bergson rappelait, dans un tout autre registre, que€: «On appelle
liberté le rapport du moi concret à l’acte qu’il accomplit» (Essai
sur les données immédiates de la conscience).
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Table ronde
sur
les limites de la Liberté
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Présentation
A
vant d’écouter nos panélistes sur le sujet d’aujourd’hui,
permettez-moi de faire quelques remarques préliminaires
sur le rôle des tribunaux dans la gouvernance des États
modernes, et plus particulièrement au Canada.
Cette question doit préoccuper les juges, mais aussi les avocats,
les juristes et même le grand public.
En fait, les tribunaux sont devenus partie prenante dans la
gouvernance des états développés et modernes.
Toutes les questions socio-économiques controversées qui
divisent la société se retrouvent sur la table des tribunaux. Les
exemples sont tellement nombreux qu’il est impossible d’en faire
une liste exhaustive.
L’état du droit sur l’avortement a été déterminé par l’affaire
Morgentaler, sur l’euthanasie par l’affaire Sue Rodriguez, sur le
meurtre par compassion par l’affaire Latimer et la légalité du
mariage entre personnes de même sexe par des arrêts des Cours
d’appel et de la Cour suprême du Canada.
On peut mentionner quelques exemples plus récents€:
Le Renvoi sur la procréation assistée. Les mesures qui relèvent
du droit criminel et les autres mesures régulatoires relevant de la
bioéthique, sont-elles de compétence fédérale ou provinciale€?
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michel robert – les limites de la liberté / présentation
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LIBERTÛ RELIGIEUSE
ET LIBERTÛ DE CHOIX
LA DÛCONFESSIONNALISATION SCOLAIRE
AU QUÛBEC
ET L’ARTICLE 41 DE LA CHARTE
DES DROITS ET LIBERTÛS
D
ans son essai le plus récent, Liberty of conscience, la
philosophe américaine Martha C. Nussbaum propose une
intéressante discussion des limites de la liberté religieuse
aux États-Unis1. Passant en revue l’histoire constitutionnelle
du principe d’égalité, elle met en relief l’importance du XIVème
amendement de la Constitution américaine, interdisant au
gouvernement d’endosser une religion particulière, ou de
promouvoir la religion à l’encontre de la non-religion. Malgré que
ce principe ait été lui-même le fruit de la réflexion européenne sur
la tolérance et la liberté religieuse depuis les écrits de John Locke,
la tradition du respect égal de toutes les croyances ne s’implanta
que très progressivement en Amérique au cours du dix-neuvième
siècle. Martha Nussbaum rappelle comment le domaine du libre
exercice de la religion a conduit à la notion d’accommodement
raisonnable et son étude met en lumière les nombreuses étapes du
progrès vers un respect intégral de la liberté de conscience. Dans
ce tableau, nous sommes surtout confrontés au défi de la protection
des convictions minoritaires contre les prétentions des religions
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1.╇ J’ai présenté moi-même un tel argument dans mon essai, Éthique,
culture religieuse et dialogue. Arguments pour un programme. Montréal,
Fides, 2007.
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La pire des lois vaut-elle mieux que
le meilleur des maîtres€?
L
orsque Rousseau écrit dans la 8ème Lettre de la Montagne€:€«Â€la
pire des lois vaut encore mieux que le meilleur des maîtres,
car le maître a des préférences arbitraires et la loi n’en a
jamais.€», il entend par loi une déclaration de la volonté générale
sur un sujet d’intérêt commun et par maître le maître d’esclave.
Il maintient le sens premier d’eleutheria des grecs et de libertas
des romains pour qui la liberté se définissait comme absence d’
esclavage qui consiste à vivre à la merci d’autrui «Â€ C’est un extrême
malheur d’être le sujet d’un maître duquel on ne peut jamais être
assuré qu’il soit bon puisqu’il est en sa puissance d’être mauvais
quand il voudra .€» (La Boétie, Contr’un).
La liberté dont se réclame Rousseau n’est pas la liberté négative
dont parlera plus tard Isaah Berlin (qui l’a trouvée, entre autres,
chez B. Constant), entendue comme non interférence, absence de
toute immixtion d’autrui dans ma sphère d’action. La liberté pour
Rousseau est une liberté que j’appellerai républicaine, entendue
comme absence de domination, une liberté qui pose ses propres
réquisits institutionnels.
Liberté politique et indépendance s’excluent mutuellement,
c’est la loi qui permet de sortir des impasses de l’indépendance
en nous libérant des rapports réels de dépendance matérielle qui
nous lient les uns aux autres. Il s’ensuit une critique radicale de la
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paule-monique vernes – la pire des lois...
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parce qu’ils sont mutuels et leur nature est telle qu’en les remplissant
on ne peut travailler pour autrui sans travailler aussi pour soi.€»
Ce lien de l’obligation et de la mutualité est le pendant inversé
de l’impossibilité de promettre d’obéir€: On ne peut promettre
d’obéir, on ne peut que s’engager mutuellement€; la mutualité est
inscrite dans l’obligation et non pas le seul consentement, car le
consentement est dans la résidence€: en principe, on peut toujours
s’en aller.
La liberté de chacun comme autonomie, comme obéissance
à la loi qu’il se prescrit à lui-même, fonde la possibilité d’un
monde moral, cette liberté, si elle en reste à elle-même, ne ferait
que consacrer ce à quoi elle s’oppose, elle ne ferait qu’entériner
la violence diffuse dans la société, c’est pourquoi l’obéissance-
contrainte réapparaît dans le cercle politique.
N’est-il pas de situations où l’on préférerait un maître, a
fortiori un bon maître, à cette obéissance-contrainte à laquelle on
a consenti ? C’est lorsque l’État est sans visage, qu’il ne procède
plus après débats et votes d’apparat, par des lois s’adressant à des
citoyens mais par notes de service destinées à quelques milliers
de fonctionnaires. Ce n’est pas le seul cas de l’État totalitaire
mais aussi celui de l’État démocratique dans des situations dont
le paradigme pourrait être les avis de mobilisation. À propos de la
mobilisation générale du 3 août 1914 Alain écrit, dans Le Citoyen
contre les pouvoirs€:
Nous cherchions une décision et nous trouvons une circulaire
recommandée€... la forme de cet ordre effrayant mérite attention,
l’administration y a mis sa marque. L’État se montre ici sans
visage, comme il est. C’est à peu près comme si on nous avait
dit ceci€: Pour des raisons administratives et conformément aux
3600 circulaires antérieures, la plupart confidentielles, toutes les
libertés sont suspendues et la vie des personne de moins de 50 ans
n’est plus garantie.
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paule-monique vernes – la pire des lois...
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paule-monique vernes – la pire des lois...
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paule-monique vernes – la pire des lois...
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le sens de la liberté
218
Les Auteurs
L
ouise Arbour, c.c., ll.l , ll.d (hon), a récemment
terminé son mandat à titre de Haut Commissaire des
Nations Unies aux droits de l’homme. Elle a servi en cette
qualité de 2004-2008.
Mme Arbour, une ressortissante canadienne, a débuté une
carrière universitaire en 1974€ ; en 1987, elle devint professeur
agrégé et vice-doyenne au Osgoode Hall Law School de
l’Université York à Toronto, Canada. En décembre 1987, elle fut
nommée à la Cour suprême de l’Ontario (Haute Cour de justice)
et, en 1990, à la Cour d’appel de l’Ontario. En 1995, Mme Arbour
a été nommée commissaire pour mener une enquête sur la prison
pour femmes de Kingston, en Ontario.
En 1996, elle fut nommée par le Conseil de sécurité des Nations
Unies à titre de procureur en chef pour les Tribunaux pénaux
internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda. En 1999, elle
devint juge à la Cour suprême du Canada.
Mme Arbour est diplômée du Collège Regina Assumpta,
Montréal (1967)€ ; et a complété un LL.L. (avec distinction) à
la Faculté de droit de l’Université de Montréal en 1970. Elle fut
admise au Barreau du Québec en 1971 et au Barreau de l’Ontario en
1977. Mme Arbour a reçu une trentaine de doctorats honorifiques
de différentes universités ainsi que de nombreux prix et médailles.
Elle est membre de nombreuses associations professionnelles et
219
le sens de la liberté
S
alah Basalamah est titulaire d’une licence et d’une
maîtrise en littérature française moderne (Paris 3),
d’un Diplôme d’études approfondies en «Â€ Lexicologie,
terminologie multilingue et traduction€» (Lyon 2), d’un Master
en droit de la propriété intellectuelle (Pierce Law) et d’un€Ph.D
en traductologie sur le droit de la traduction (UdeM). Entre 2002
et 2005, il est chargé de cours à l’Université de Montréal, où il a
enseigné, à la maîtrise, au programme d’Études internationales,
et au premier cycle, en traduction. Depuis 2005, il est professeur
adjoint à l’École de traduction et d’interprétation de l’Université
d’Ottawa.
↜Ses intérêts de recherche€sont€: la traductologie€; la philosophie
de la traduction; l’éthique et le statut du traducteur€; le rapport
de la traduction au droit (d’auteur) et au politique€ ; les études
postcoloniales€; la langue et la traduction coraniques€; les figures
de l’exil (spirituel) dans les littératures arabophone et francophone€;
la pensée musulmane occidentale médiévale et contemporaine€;
etc.€
Un des membres fondateurs du groupe de recherche Poexil
(www.poexil.umontreal.ca), Salah Basalamah est notamment
l’auteur de plusieurs articles scientifiques en traduction, en droit
d’auteur, en littérature de l’exil et en islamologie, de même qu’il
contribue dans la presse francophone québécoise et canadienne
autour des questions d’actualité liées à la présence musulmane en
Occident.
220
les auteurs
A
lain Bauer détient un Diplôme d’études supérieures
spécialisées (DESS) de politiques publiques et gestion
des organisations de l’Université PARIS€I. Il a été Chargé
d’enseignement à l’Institut de criminologie de Paris (université Paris
II-Panthéon Assas), aux universités Paris€I Panthéon Sorbonne et
Paris V-René Descartes, à l’Ihesi, au Centre national de formation
judiciaire de la gendarmerie nationale, à l’université Paris II-
Panthéon Assas, Senior Research Fellow Center of Terrorism du
John Jay College of Criminal Justice à New York (Etats-Unis), à
l’Académie de police criminelle de Chine, à l’Université de Droit
de Pekin, à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris et au
Centre national de protection et de prévention.
Il est Président-directeur général d’AB Associates SA depuis
1994, de Versant SA depuis 1998. À l’Institut Alfred Fournier, il
est administrateur depuis 2003 et Secrétaire général depuis 2007.
Monsieur Bauer est aussi secrétaire général de l’Institut de relations
internationales et stratégiques (Iris) depuis 2004,de l’Institut
national des hautes études de sécurité (Inhes) depuis 2004 et
président du conseil d’orientation de l’Observatoire national de
la délinquance depuis 2003. Il est aussi membre de nombreux
comités et conseils de direction.
Il est auteur ou coauteur de nombreux €livres, articles et de
chapitres de livres.
221
le sens de la liberté
222
les auteurs
G
regory Baum est professeur émérite à la faculté de
sciences religieuses de l’université McGill et est détenteur
d’un doctorat en théologie de l’université de Fribourg
en Suisse (1956). Il a été nommé peritus (expert) au secrétariat
de l’unité chrétienne du concile Vatican II. Avant d’enseigner
à l’université McGill en 1986, M. Baum a été, pendant 28 ans,
professeur de théologie à St.Michael’s College de l’Université de
Toronto. Il est l’auteur de plusieurs livres. Son dernier sera publié
bientôt€: The Theology of Tariq Ramadan: A Catholic Perspective.
P
ierre Bosset est professeur de droit public au
Département des sciences juridiques de l’Université du
Québec à Montréal (UQAM). Titulaire de maîtrises en
droit et en relations internationales, il a d’abord œuvré dans le
milieu communautaire, avant d’entrer à la Commission des droits
de la personne du Québec, où il a exercé les fonctions de conseiller
juridique, puis de directeur de la Recherche et de la Planification
stratégique. À ce titre, il fut l’auteur de nombreuses études sur
la discrimination, la liberté d’expression, les droits économiques
et sociaux comme «Â€parents pauvres€ » de la Charte québécoise
des droits et libertés, ainsi que sur l’aménagement juridique de
la diversité culturelle et religieuse dans toutes ses dimensions, y
compris celles de la laïcité et de l’accommodement raisonnable.
C’est à ce titre qu’il fut, notamment, l’auteur des avis officiels de la
223
le sens de la liberté
224
les auteurs
225
le sens de la liberté
M
arie-Françoise Labouz est professeure de droit
public international et européen et titulaire d’une
Chaire Jean Monnet à l’Université de Versailles.
Elle est aussi professeure invitée à la Chaire Jean Monnet de
l’Université de Montréal (1999). Madame Labouz a publié aux
Editions Bruylant, Le Partenariat de l’Union européenne avec les pays
tiers (dir. 2000)€; Intégrations et identités nord américaines vues de
Montréal (dir. 2001, Actes d’une université d’été sous sa direction
à l’université de Montréal 1995/2000)€ ; Droit communautaire
européen général (2003)€ ; La diversité culturelle en question(s)/
cultural diversity in question(s) (codir. avec Mark Wise, 2005)€ ;
L’Union européenne élargie aux nouvelles frontières et à la recherche
d’une politique de voisinage (codir. avec Christian Philip, Panayotis
Soldatos, 2006). Elle a collaboré notamment à la Revue Québécoise
de droit international, à la Revue de droit de McGill, aux travaux
de la Chaire Jean Monnet , de l’Institut d’études européennes de
Montréal.
G
eorges Leroux est professeur émérite au Département
de Philosophie de l’Université du Québec à Montréal,
où il a enseigné de 1969 à 2006, Georges Leroux est
d’abord connu comme helléniste. Il est membre de l’Académie
des Lettres du Québec. Collaborateur au journal Le Devoir,
il s’intéresse aux grands dossiers culturels contemporains.
Engagé dans la promotion de la laïcité scolaire, il a travaillé à
l’élaboration du nouveau programme d’Éthique et de culture
religieuse (Éthique, culture religieuse, dialogue. Arguments pour
un programme, Fides, 2007). Membre du comité conseil de la
Commission sur les pratiques d’accommodement reliées aux
différences culturelles, il intervient sur divers sujets d’éthique et
d’éducation. Son récent livre (Partita pour Glenn Gould. Musique
226
les auteurs
P
eter Leuprecht a enseigné aux Universités de
Strasbourg et de Nancy ainsi qu’à l’Académie de droit
européen de Florence. Professeur au Département des
sciences juridiques de l’UQAM et professeur à la Faculté de
droit de l’Université McGill dont il a été le doyen de 1999 à
2003, Monsieur Leuprecht s’est spécialisé dans les domaines
du droit international et des droits de la personne. Dès 1961, le
jeune diplômé de l’Université d’Innsbruck (Autriche) amorce
une brillante carrière au Conseil de l’Europe. Il y restera jusqu’en
1997 après avoir été, entre autres, secrétaire du Comité des
ministres, directeur des Droits de l’Homme et Secrétaire général
adjoint (poste électif). Conseiller au Ministère canadien de la
Justice de 1997 à 1999, membre du Comité des «Â€ Sages » qui
a préparé le programme d’action sur les droits de la personne
pour l’Union européenne de l’an 2000, monsieur Leuprecht€€a€
aussi€€été €représentant spécial du Secrétaire général des Nations
Unies pour les droits de la personne au Cambodge de 2000 à
2005. Il a été directeur de l’Institut d’études internationales de
Montréal de 2005 à 2008.€
Peter Leuprecht est lauréat du Prix du civisme européen
(1991) et du Human Rights Award of the Lord Reading Law Society
(2001).
G
iorgio Malinverni est diplomé en droit de
l’Université de Fribourg (Suisse) et de l ’Institut
universitaire de hautes études internationales de Genève.
Il a enseigné le droit constitutionnel et le droit international
des droits de l’Homme à la Faculté de droit de l’Université de
227
le sens de la liberté
C
hristian Philip est diplômé de l’Institut d’études Politiques
de Paris en 1968 et Docteur en Droit de l’Université Paris
II en 1973.
Il débute sa brillante carrière en octobre 1970 comme assistant
à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques du Mans. Il
sera nommé professeur à la Faculté en 1977 et Doyen en 1979. Il
a été Président de l’Université du Mans de 1979 à 1983. Pendant
cette période, il est admis (7e) au concours d’agréation de Droit
public en 1976, membre du jury du concours d’entrée à l’E.N.A.
(1982) et nommé professeur à l’Université Jean Moulin (Lyon
III) en 1982.
Monsieur Philip a été élu au CNESER en juin 1983 et membre
de sa section permanente de 1983 à 1986. Il a été directeur du Centre
de Documentation et de Recherche Européennes et responsable du
D.E.A. “Droit Communautaire” à l’Université Lyon III de 1984
à 1988 et à nouveau de 1996 à 2008. Il a été membre du jury du
concours d’accès au cycle préparatoire de l’E.N.A. en 1984 et 1985
et chargé de mission à l’AUPELF- Association des Universités
Partiellement ou Entièrement de Langue Française de 1985 et
1986. Monsieur Philip a été nommé Directeur des Enseignements
Supérieurs au Ministère de l’Éducation Nationale en 1986, nommé
228
les auteurs
229
le sens de la liberté
L
’honorable J. J. Michel Robert, C.P., C.R., B.A., LL.L.
est diplômé du Collège Ste-Marie, Montréal, B.A. en
1958 et de l’Université de Montréal, LL.L. en 1961 et à
l’Université McGill, Cours d’admission au Barreau en 1962. Il a
été admis au Barreau du Québec le 3 juillet 1962.
Monsieur Robert a été associé principal de Robert, Dansereau,
Barré, Marchessault et Lauzon à Montréal de 1968 à 1990 puis
avocat associé de Langlois Robert de 1990 à 1995. Il a été nommé
membre du Comité de surveillance des activités de renseignement
de sécurité de 1991 à 1995. L’honorable J. J. Robert a été nommé
juge puîné à la Cour d’appel du Québec le 9 mai 1995 et nommé
Juge en chef du Québec le 25 juin 2002.
Monsieur Robert a aussi été bâtonnier au Barreau du Québec de
1974 à 1975 et président de la Fédération des professions juridiques
du Canada de 1976 à 1977. Monsieur Robert a été membre du
Conseil Associé du barreau canadien de 1975 à 1982 et du Corps
École des Officiers canadiens de 1956 à 1960. Il a été chargé de
cours en responsabilité extra contractuelle et en droit judiciaire
privé, faculté de droit, Université de Montréal de 1970 à 1980.
Monsieur Robert a été Lieutenant de la Réserve supplémentaire
dans le Corps Royal canadien des communications en 1960.
L’honorable J. J. Michel Robert est auteur et co-auteur de
plusieurs livres et articles.
Nommé C.R. en décembre 1982 il est aussi Judicial
Fellow, American College of Trial Lawyers depuis 1987. Il
est aussi membre de l’Association du barreau international,
de la Corporation professionnelle des conseillers en Relations
industrielles du Québec.
Dans le cadre de sa carrière politique, l’honorable J. J. Michel
Robert a été assermenté au conseil privé le 5 décembre 1991 par le
Très honorable B. Mulroney. Il a été président des jeunes libéraux
du Canada de 1963 à 1965. Il a été membre de la Commission
royale sur l’union économique et les perspectives de développement
230
les auteurs
P
aule-Monique VERNES est Professeur émérite de
philosophie moderne et politique dans le département de
philosophie de l’Université de Provence, vice–présidente de
la chaire de l’UNESCO d’étude des fondements philosophiques
de la justice et de la société démocratique. Elle est l’auteur d’études
sur la mondialisation et les zones de non-droit qu’elle engendre, de
travaux sur la pensée des philosophes politiques et en particulier
de JJ Rousseau (Les illusions de la communauté, la ville, le fête et
la démocratie, ouvrage couronné par l’Académie Française). Ses
livres récents ont été écrits en collaboration avec Josiane Boulad–
Ayoub, Descartes révolutionnaire et Aux fondements théoriques de
la représentation politique. Sa dernière monographie est parue, en
2008, aux PUL, Méfiez-vous de ces cosmopolites...
231
Page laissée blanche intentionnellement
Table des Matières
Introduction
Peter Leuprecht
Le sens de la liberté.............................................................. 7
Hommage à Bronislav Geremek.................................................... 7
Pourquoi un tel colloque€? ................................................... 8
Quelle libert�............................................................................... 8
Quelle loi€?..................................................................................... 9
Droits humains, mondialisation
et idéologie panéconomique. .............................................11
Louise Arbour
Mot d’ouverture................................................................ 13
Conférence d’ouverture
Dorval Brunelle
Les libertés en contexte....................................................... 17
Préliminaires...................................................................... 17
Les libertés en contexte...................................................... 19
1. L’ordre d’après-guerre...................................................26
2. Comment penser le système des droits
dans l’après-guerre froide€?............................................... 32
3. Retour sur la conjoncture..............................................37
Quelques pistes de réflexion en guise de conclusion........... 41
Libertés et Valeurs
Libertés et religions
gregory baum
La liberté et les religions..................................................... 47
La thèse .............................................................................48
Le catholicisme...................................................................48
Les autres religions............................................................. 50
233
le sens de la liberté
Liberté et multiculturalisme
Christian Philip
Sans multiculturalisme peut-il y avoir libert�.................. 69
I. Pas de liberté sans respect du multiculturalisme
dans chacun de nos États....................................................70
II. Pas de liberté sans multiculturalisme
au plan international........................................................... 74
Pierre Bosset
Concevoir juridiquement la liberté dans une société
multiculturelle................................................................... 81
1. Entre individu et société€:
les sens axiologiques de la liberté....................................... 84
2. La liberté dans une société multiculturelle€:
une problématique encore mal appréhendée par le droit...101
Conclusion........................................................................ 113
234
table des matières
Limites de la liberté
Marie-Françoise Labouz
Restrictions permises des libertés dans la jurisprudence de la
cour européenne des droits de l’homme.............................. 135
I. La problématique des restrictions permises...................137
1) De la logique binaire à la logique de gradation€?.............. 138
2) La Cour européenne, objet de suspicion des politiques
et des juristes........................................................................ 140
3) L’ingérence de l’État permise sous conditions ................ 142
4) La marge nationale d’appréciation et l’exigence
de proportionnalité............................................................... 144
5) La variabilité des paramètres de la marge
et de la proportionnalité....................................................... 146
II. L’illustration récente.................................................... 149
1) En présence du consensus, la marge nationale
est par principe étroite ......................................................... 149
2) Même en présence du consensus, la marge nationale peut
être large .............................................................................. 153
3) En l’absence de consensus, la marge nationale est largepar
principe................................................................................. 156
4) Même en l’absence du consensus, la marge nationale peut
être étroite............................................................................. 166
5) Le conflit d’objets et de normes ...................................... 167
Alain Bauer
Liberté et sécurité............................................................. 173
235
le sens de la liberté
236