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Revue Économie, Gestion et Société N°13 décembre 2017

LE CAPITAL THEORIQUE : COMMENT S’EN SERVIR POUR LA


BONNE GOUVERNANCE FISCALE ?

Par

Younes ETTAHRI

Professeur à l’ENCG de Tanger, Université Abdelmalek Essaadi.

&

Naoual QUECHICHI

Chercheur à l’ENCG de Tanger, Université Abdelmalek Essaadi.

Résumé :

Face à un contexte en pleine effervescence marqué par le passage obligatoire aux


téléprocédures, les entreprises marocaines se voient vouloir s’attaquer plus que jamais aux
bonnes pratiques de la gouvernance fiscale. Cependant, ces dernières se trouvent perdues face
à une pléthore de théories. Faute de banaliser ces soubassements théoriques, et de se contenter
des pratiques ponctuelles et conjoncturelles, cela ne fera que traiter le symptôme au lieu de la
racine du mal, les parties prenantes laissent par-là les choses empirer, alors qu’il y avait
possibilité de trouver une issue.
En effet, plusieurs questions intriguent aussi bien les contribuables que les professionnels de
la fiscalité : comment naviguer dans cette zone de turbulence ? Laquelle des théories est la
plus serviable dans ce contexte ? S’agit-il d’un dosage opportun de ces théories combinées à
la fois ? Comment s’en servir pour la bonne gouvernance fiscale?
Il est temps de prendre le taureau par les cornes, le présent travail vise à fournir des pistes sur
les pratiques de la bonne gouvernance fiscale, en se référant à l’ingéniosité des théoriciens, et
en essayant de repenser l’appréhension de leur trésor théorique : La théorie de l’agence, la
théorie du signal, la théorie des jeux, la théorie partenariale, la théorie de l’économie des
coûts de transaction...
S’inspirer de l’essentiel de ces théories en vue d’élaborer un modèle conceptuel qui illustre les
différentes combinaisons possibles des bonnes pratiques de gouvernance fiscale a été notre
préoccupation principale.

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Revue Économie, Gestion et Société N°12 décembre 2017

Mots-clés : Soubassements théoriques, gouvernance fiscale, modèle conceptuel, référentiel.

THEORETICAL CAPITAL: HOW TO USE IT FOR GOOD FISCAL


GOVERNANCE?

Abstract:

Faced with a booming context marked by the compulsory passage of teleprocedures,


Moroccan companies are willing to tackle more than ever the good practices of fiscal
governance. However, these companies are lost in the face of a plethora of theories. If we do
not trivialize these theoretical foundations, and be content with punctual and cyclical
practices, this will only treat the symptom instead of the root of the evil, and the stakeholders
will there by makethings worse to find a way out.
Indeed, several questions intrigue both the taxpayers and the professionals of the taxation:
How to navigate in this zone of turbulence? Which of the theories is most helpful in this
context? Is this a timely mix of these combined theories at a time? How can it be used for
good fiscal governance?
It is time to take the bull by the horns, this work aims to provide insights into the practices of
good fiscal governance, referring to the ingenuity of theorists, and trying to rethink the
apprehension of their theoretical treasure: Theory of the agency, signal theory, game theory,
partnership theory, the theory of the economy of transaction costs...
Much of this theoretical approach to developing a conceptual model that illustrates the various
possible combinations of good governance practices has been our main concern.
Keywords: Theoretical foundations, fiscal governance, conceptual model, repository.

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Introduction

A l’ère de la flagrance fiscale, la fiscalité est devenue un paramètre nécessaire de la gestion de


toute organisation. Il n’en demeure pas moins que le paramètre fiscal reste peu souvent
appréhendé en sciences de gestion. Ainsi, les travaux de nature fiscale sont curieusement rares
dans la discipline qui a précisément vocation à étudier l’organisation, ce qui constitue un vaste
et riche terrain, particulièrement fertile. Alors le professeur Lamb reconnaissait(1999) affirme
que les travaux de recherche en fiscalité n’ont pas encore atteint la masse critique 1, les
professeurs Shackelford et Shevlin (2001) concluent que les recherches en sciences de gestion
intégrant la fiscalité entrent dans leur période d’adolescence, même si leur caractère
nécessairement transdisciplinaire constitue un obstacle certain à leur développement, dans la
mesure où elles se situent aux confluents de la comptabilité, du droit et de la finance 2.C’est
grâce aux travaux sur la gouvernance que cet obstacle est surmonté. Ces derniers sont
marqués par le double sceau de la transversalité, en recoupant plusieurs disciplines, et de
l’interdisciplinarité, en établissant des relations entre elles.

D’ailleurs, ils ont suscité un intérêt croissant, depuis quelques années. Les scandales
financiers survenus au tournant des années 2000 ont, sans conteste, contribué à accroître et
raffermir l’intérêt à développer et amplifier ces travaux, à raison qu’on perçoit souvent la
gouvernance comme étant un élément clé de l’appareil réglementaire destiné à prévenir, ou
tout au moins réduire, l’incidence de tels scandales.

De leur côté, les entreprises marocaines en particulier les petites structures, se heurtent le plus
souvent à des obstacles relatifs à la gouvernance fiscale .A l’égard de ce constat, On se
demande si les dirigeants d’entreprises, lors de leur gouvernance fiscale, considèrent le capital
théorique comme un soubassement qui pourra leur servir.

Notre problématique dont nous venons d’exposer les éléments saillants se rapporte à une
tentative de montrer comment l’héritage théorique peut agir sur la gouvernance fiscale des
entreprises ? Et si les entrepreneurs en sont conscients ?

1
« Taxation research as accoutingreserch », dans Interdisciplinary research in taxation : research approches and
bibliographic survey, The Institue of Chartered Accountants in England and Wales, Center for Business
Performance, mai.
2
« Empirical tax research in accounting », Journal of Accounting and Economics, vol.31

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Notre objectif dans le présent travail était de répondre à deux questions principales.
Premièrement, nous nous sommes demandé si le capital théorique favorise la gouvernance
fiscale. Deuxièmement, et si la réponse s’avérait positive, il est intéressant de savoir si les
entreprises marocaines, dans leur gouvernance fiscale, tiennent compte des soubassements
théoriques fiscaux et dans quelles mesures ? Cependant, il faut signaler que la réponse à la
deuxième question nécessite une étude empirique.

A force de constater que le tissu économique national est majoritairement constitué de petites
et moyennes entreprises, nous a permis de conclure que ces dernières ne régissent pas de la
même manière à l’égard de l’exploitation rationnelle du capital théorique-fiscal, on trouve,
celles qui en tiennent compte lors de certaines prise de décisions de gestion fiscale mais de
manière très timide, alors que d’autres le considèrent encore comme une futilité, et aussi on
trouve une partie considérable qui l’ignore , et ce pour plusieurs raisons. Donc, la négligence
ou les insuffisances d’exploitation des arguments théoriques de la part des entreprises sont
parentes, ce qui nous pousse à vulgariser les soubassements théoriques, et à démystifier leur
rôle dans la bonne gouvernance fiscale.

Concernant la méthodologie poursuivie, elle consiste à analyser les relations


d’interdépendance ou de causalité entre le capital théorique et les pratiques des entreprises en
matière de la gouvernance fiscale.

D’abord,nous avons rappelé en grosso modo le cadre conceptuel relatif à la gouvernance


fiscale au sein de l’entreprise. Puis, nous avonsprésenté une analyse des théories traitant la
variable fiscale et leur apport à la gouvernance fiscale. L’idée est de fournir un concentré de
théories pour développer la gouvernance fiscale des entreprises. En parallèle, nous avons
essayé d’expliquer comment se servir des arguments théoriques fiscaux vers la voie de la
bonne gouvernance fiscale. Autrement dit, ressortir des enseignements de l’ingéniosité des
théoriciens en la matière, et les exploiter dans les bonnes pratiques de la gouvernance fiscale.

Certes, le capital théorique accorde une pléthore des théories qui à leur tour placent
l’entreprise en face des choix mitigés. Avant de cerner l’ingéniosité des théoriciens, il est
nécessaire au préalable de définir les concepts relatifs à la gouvernance fiscale au sein de
l’entreprise.

1. Le cadre conceptuel :

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Les mutations économiques actuelles caractérisées par la faillite de multiples entreprises


remettent profondément en cause les systèmes de gouvernance des entreprises. Ces différentes
faillites montrent ainsi la fragilité des systèmes de gouvernance. Toutefois, le terme fait
l’objet de controverses tant pour sa définition que sur la différence entre le gouvernement et la
gouvernance d’entreprise.

Caby,F (2002) ; Martinet, A.-C et Silem, A(2005) Le gouvernement d’entreprise est la


traduction de "Corporategovernance" désigne l’organisation du pouvoir au sein d’une
entreprise visant un meilleur équilibre entre les instances de direction, les instances de
contrôle et les actionnaires ou sociétaires.

Le gouvernement d’entreprise recouvre l’ensemble des mécanismes organisationnels qui ont


pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit,
qui « gouvernent » leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire.

Pour l’organisation internationale, le gouvernement d’entreprise fait référence aux relations


entre la direction de l’entreprise, son conseil d’administration, ses actionnaires et d’autres
parties prenantes, il détermine également la structure par laquelle sont définis les objectifs de
l’entreprise ainsi que les moyens de les atteindre et d’assurer la surveillance des résultats
obtenus3.

Martinet, A-C et Silem, A. (2005) La gouvernance d’entreprise est le mécanisme de contrôle


interne (par le conseil d’administration, conseil de surveillance), externe (par les fusions et
acquisitions) et direct (par les propositions des actionnaires envoyées aux dirigeants)
permettant d’orienter et d’évaluer la gestion d’une société par ses dirigeants.

Caby et Hirigoyen (2001) La gouvernance est constituée du réseau de relations liant plusieurs
parties dans le cadre de la détermination de la stratégie et de la performance de l’entreprise4.

Bancel,F (1997) Le débat sur la gouvernance des entreprises repose sur l’hypothèse suivante :
parce qu’ils sont capables de s’affranchir des différents mécanismes mis en place pour les
contrôler, les dirigeants d’entreprises sont en mesure de s’attribuer des rentes au détriment des
actionnaires et des autres partenaires de l’entreprise ».

3
Prinipes de gouvernement de l’entreprise, 2004.
4
La création de valeur, Economica, 2001 ; cf.aussi Economies et Sociétés, Série « Economies et Sociétés .Série
« Economie de l’entreprise », n°19, 10/2008, numéro coordonné par le professeur Perez sur « La gouvernance de
l’entreprise » et plus particulièrement son introduction.

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Lannoo,K (1994)Longtemps considérée d’abord comme un outil de contrôle des dirigeants,


ensuite comme un système par lequel les sociétés sont dirigées et contrôlées.

Donc la gouvernance d’entreprise suscite de nombreuses polémiques tant sur le plan théorique
matérialisées par des controverses autour de la différence entre gouvernement d’entreprise et
gouvernance d’entreprise, que sur le plan des pratiques de gestion qui ne sont pas
universelles.

Depret, M.H et A. Hamdouch, A (2004) approfondissent la réflexion théorique sur la


gouvernance d’entreprise en intégrant l’incertitude. La recherche effrénée de profit fait en
sorte que les entreprises ne tiennent plus compte du risque malgré le fait que le risque zéro
n’existe pas. Et par conséquence, Le manque de garanties et la spéculation effrénée des fonds
de pension sont à l’origine des erreurs d’appréciation des principaux chefs d’entreprises
américains.

Cependant, il faut remarquer que le rapport entre la fiscalité avec la gouvernance n’est pas
évident au premier abord ; c’est pour cela, Taly (2009) Dans quel compartiment de la
gouvernance et des régulations faut-il placer la fiscalité : du côté de la responsabilité sociale
ou la maitrise des risques ? La fiscalité à l’heure actuelle s’est conférée un rôle qui va bien au-
delà de la « simple » détermination d’une base d’imposition, en interférant sur la gouvernance
même des organisations.

1.1. La gouvernance fiscale :

L’intérêt grandissant à la gouvernance fiscale revient à plusieurs dysfonctionnements dont


souffre l’entreprise :

En premier lieu, l’influence fiscale n’est pas négligeable, quel que soit le stade de
développement de l’entreprise. Certes, l’incidence fiscale n’est peut être pas déterminante,
mais l’ignorer conduit à un raisonnement trop restrictif et à une analyse dépourvue de toute
possibilité d’optimisation de la gestion. Pareil à l’Etat, il est certain que la fiscalité est un
instrument de la politique de l’entreprise, qui a ses propres objectifs et sa propre rationalité, en
introduisant des distorsions dans les choix.

En second lieu, le manque de la responsabilité fiscale, ce qui signifie c’est l’heure de savoir si
la perte issue d’un détournement de fonds pouvait ne pas être déductible au motif d’un
mauvais fonctionnement de ses organes de contrôle interne.

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En dernier lieu, l’absence d’une formalisation, selon une étude de Ernst & Young de 2006,
67% des directeurs fiscaux indiquent ne pas avoir encore de stratégie fiscale formalisé ; seuls
15% de ceux ayant procédé à une première formalisation sous forme de charte, de description
de mission, voire de politique fiscale du groupe, obtiennent la validation de ce document par
leur conseil d’administration avec le niveau de prise de risque toléré.

Hervé Bidaud5 « La flagrance fiscale met en évidence l’importance de la gouvernance fiscale,


en d’autres termes l’organisation d’une fonction fiscale performante6 ».

De ce qui précède, il s’avère nécessaire de se poser la question suivante : Que recouvre ou


recouvrerait en fait la gouvernance fiscale ?

1.2. Les objectifs de la gouvernance fiscale :

D’ailleurs, la fonction fiscale de l’entreprise se trouve au cœur du processus fiscal, elle


constitue le pivot autour duquel s’articule l’ensemble des décisions comptables et financières
de l’entreprise. Cette fonction a considérablement évolué au cours des quinze dernières
années, en présentant une dimension de plus en plus internationale, financière, stratégique, et
transversale. Dépendante de son environnement, elle doit à la fois répondre aux attentes
internes et affronter le foisonnement législatif et réglementaire, dans ses dimensions nationale
et communautaire, avec ses contraintes mais aussi ses opportunités. Pour respectivement y
faire face et les saisir, une véritable organisation est nécessaire ; elle l’est pour assurer une
sécurité juridique bien comprise mais aussi pour bénéficier pleinement de la liberté de gestion
accordée. C’est cette liberté qui peut inciter les entreprises à opter pour le « grand large » des
montages fiscaux internationaux  dans le cadre de planifications fiscales agressives, dont il
convient de bien cerner les contours aux confluents de l’analyse juridique et de la morale. De
telles planifications sont au demeurant facilitées par la véritable concurrence fiscale qui s’est
instaurée entre les Etats en lien avec leur propre stratégie de développement. De telles
pratiques posent à la fois le problème de la définition des outils de lutte contre les schémas les
plus abusifs, pour placer cette liberté sous surveillance, mais aussi celui de la responsabilité
sociale des entreprises et des acteurs de leur gouvernance au regard notamment du recours

5
Conseiller fiscal de sociétés françaises internationales et multinationales pour leur activité den France et à
l’étranger.
6
International TaxReview, vol.10, 2006. Lamy Opérations fiscales de l’entreprise. « La fonction fiscale dans
l’entreprise : Les nouveaux défis ».CCIP/Association fiscale internationale, 21/03/2005.

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aux paradis fiscaux ou à d’autres manœuvres frauduleuses établies pour fuir les obligations
fiscales, en adoptant des stratégies de free-rider susceptibles d’être contraires à l’intérêt
général.
Plus précisément, la gouvernance fiscale couvre le pilotage du taux effectif d’imposition, la
maîtrise des risques fiscaux, le renforcement des questions fiscales au sein de l’entreprise et
par conséquent des liens et des processus réguliers d’échanges avec le comité d’audit et ou le
conseil d’administration, bien plus associés que par le passé à ces questions.
1.3. La performance en matière de la gouvernance fiscale :
Si la régularité fiscale, qui va de pair avec une gestion du risque fiscal, se présente à
l’évidence comme un pré-requis par rapport à l’élaboration d’une politique fiscale de
l’entreprise, il s’agit de manière toute aussi évidente d’un pré-requis qu’il n’est pas
nécessairement commode de maîtriser et de contrôler.
Cette prévention nécessite, en réalité, une évaluation globale du processus fiscal afin
d’optimiser le pilotage de l’organisation. L’organisation se doit de le réviser régulièrement,
pour s’adapter à un environnement réglementaire en évolution constante, et par conséquent
ses modes opératoires. Un audit fiscal régulier pour faire le point sur la pertinence des choix
fiscaux de l’entreprise en fonction de sa situation et de sa structure trouve là tout son intérêt.
Chadefaux et Rossignol ( 2006) Le recueil des informations sur la nature et l’étendue du
risque encouru permet, par ce double examen de régularité et d’efficacité, d’établir un bilan
de santé fiscal, un diagnostic fiscal, élément de diagnostic général de l’organisation. La
démarche peut présenter deux objectifs complémentaires : l’un offensif pour éviter une
surimposition, l’autre défensif pour détecter et anticiper les risques fiscaux, surtout s’ils
découlent de dispositifs hasardeux ou tout au moins audacieux. Elle aboutit éventuellement à
la mise en place d’une chaîne de contrôle interne fiscal qui regroupe alors des procédures de
contrôle interne spécifiques établies à partir d’une cartographie du risque fiscal. L’existence
d’une telle cartographie est précieuse non seulement au niveau de la direction fiscale de
l’entité mais aussi de ses instances dirigeantes (conseil d’administration et comités d’audit et
des risques) et sa mise en place constitue en soi un véritable instrument de pilotage fiscal pour
la société qui s’en dote dans la mesure où, globalement, le contrôle fiscal interne permet en
fait de :

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 Assurer la conformité aux lois et aux réglementations fiscales en vigueur (maîtrise de


la technique fiscale) ;
 Produire une information fiscale de qualité vis-à-vis de l’administration fiscale ;
 Assurer un pilotage fiscal efficace de l’entreprise grâce à la mise en place
d’indicateurs ;
 Assurer la fiabilité, l’efficacité et la traçabilité des opérations et de la documentation
afin d’attester de la fiabilité des chiffres fiscaux : calcul de l’impôt, des provisions
pour impôt, suivi des flux intra-groupe en fonction des politiques de prix de transfert ;
 Sécuriser l’outil informatique qui doit ainsi être en mesure de capter les évolutions et
suivre les méthodes fiscales retenues.

1.4. La responsabilité fiscale :

L’environnement de l’entreprise évolue rapidement, de même la compétition féroce entre les


entreprises oblige celles-ci à être toujours performante.
La fiscalité a cessé d’être une affaire réservée aux seuls directeurs fiscaux ; en revanche, c’est
au conseil d’administration avec l’aide d’experts internes et externes, de formuler une
stratégie fiscale qui, bien entendu, prend en compte l’objectif de maîtriser la charge fiscale
d’impôt, mais l’intègre dans une perspective plus large pour tenir compte des différentes
parties concernées (Etat, salariés, etc.). En d’autres termes, même si l’objectif est bien de
maximiser le résultat pour l’actionnaire en optimisant la charge d’impôt, le conseil
d’administration doit évaluer si cet objectif est en phase avec la préservation de l’image du
groupe.
Après avoir présenté un éclairage succinct sur les concepts relatifs à la gouvernance fiscale
des entreprises, on va passer à exposer les soubassements théoriques, et à démystifier leur rôle
dans la bonne gouvernance fiscale.

2. L’ingéniosité des théoriciens :


2.1. La théorie d’agence :

Sachant que la gouvernance fiscale s’intéresse au pilotage du taux effectif d’imposition, afin
de maîtriser la charge globale d’impôt. C’est pour cette raison, nous avons adopté la théorie
d’agence pour expliquer la gestion fiscale des résultats. Autrement dit, nous avons essayé

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d’exploiter les arguments théoriques inspirés de la théorie de l’agence dans un nouveau


contexte d’analyse où la décision de gestion fiscale dépend de la relation entre l’entreprise,
l’administration publique et les autres parties prenantes.
Jensen et Meckling (1976) définissent la relation d’agence comme un contrat par lequel une
ou plusieurs personnes ont recours aux services d’une autre personne pour accomplir, en leur
nom, une activité quelconque. L’agent est considéré capable de la mieux gérer que ne le ferait
le principal ; il est supposé posséder davantage d’informations ou des compétences requises
que son ou ses mandant (s). Il peut ainsi profiter de la liberté qui lui est contractuellement
accordée pour gérer les affaires mandatées dans une logique qui lui est plus favorable.
Vu sous cet angle, et en rejoignant l’idée de Mitnick (1993), nous proposons d’étudier, tout
d’abord, la relation entre l’entreprise et l’administration fiscale dans le cadre de la théorie
d’agence où le principal (l’administration fiscale) délègue à l’agent (l’entreprise), l’obligation
de la détermination du résultat fiscal afin de calculer le montant de l’impôt dû. Ainsi,
l’entreprise est tenue en vertu d’un contrat implicite qui la lie avec l’administration d’acquitter
sa contribution fiscale. Toutefois, en étant opportuniste, elle peut chercher à maximiser sa
valeur en minimisant le montant de l’impôt à acquitter, tout en étant conforme à la loi.
Donc à travers cette relation entreprise - Administration fiscale, elle révèle que les intérêts
divergents surgissent : L’administration fiscale veut maximiser le budget de l’Etat à travers
ces prélèvements fiscaux, contrairement à l’entreprise qui cherche à alléger l’impôt dû.
Le principal met en place un système déclaratif sur la base des états financiers, qui pousse
l’entreprise à réaliser son obligation fiscale en dévoilant ses informations. Toutefois,
l’entreprise va établir des états financiers conformes qui minimisent le résultat et respecte les
choix comptables. La gestion fiscale des résultats est l’une des techniques adoptées par
l’entreprise pour maximiser son résultat net.
En se référant à la théorie d’agence, Watts et Zimmerman (1978) pionniers de la théorie
politico-contractuelle, ont montré que les dirigeants ont tendance à choisir les normes
comptables qui minimisent le résultat pour des considérations fiscales, en précisant toutefois,
qu’une telle tendance reste tributaire de la nature de la pression politique qu’elle subit.
Pour ce qui est de la relation entreprise-autres parties prenantes, la théorie de l’agence postule
qu’au sein de l’entreprise dans laquelle il y a séparation de propriété entre les actionnaires
(apporteurs de capitaux) et le dirigeant (gérant de ces capitaux), les conflits peuvent aussi

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surgir. En effet, l’agent (dirigeant de l’entreprise) qui agit pour le compte du principal
(actionnaire) peut ne pas avoir la même vision que son mandant.
Finet (2005) estime que les dirigeants ont principalement une vision à long terme de
l’entreprise du fait de la relation contractuelle qui les lie à l’entreprise (leur objectif étant de
se maintenir à la tête de la direction et de maximiser leur niveau de rémunération), tandis que
les actionnaires ont fondamentalement une vision à court terme (leur objectif étant la
maximisation de leur investissement le plus rapidement possible).
Gérer le résultat vers la baisse permet de minimiser l’impôt et, par conséquent, de maximiser
le résultat net actuel. La minimisation du résultat comptable ne constitue pas un problème
pour les actionnaires s’ils sont bien informés de l’origine de cette diminution. Cette
connaissance est principalement tributaire de la structure de capital. En effet, en présence d’un
actionnariat concentré, les problèmes d’asymétrie d’information diminuent.
Tout comme les actionnaires, les créanciers constituent des parties prenantes avec des
relations contractuelles. La théorie de l’agence se propose ainsi d’étudier la relation entre les
actionnaires et les créanciers. La gestion de résultat vers la baisse peut compromettre les
intérêts des créanciers dans la mesure où elle peut engendrer la violation d’une clause
restrictive dans le contrat d’endettement. Le niveau d’endettement de l’entreprise peut aussi
influencer la propension des entreprises à gérer le résultat.
Ainsi, en s’appuyant sur la théorie de l’agence, la structure de propriété et le niveau
d’endettement peuvent aussi expliquer la pratique de la gestion fiscale des résultats par les
entreprises, qui est l’une des composantes de la gouvernance fiscale.

2.2. La théorie du signal 

Alors que la théorie du signal est fondée sur l’existence d’une information incomplète et
asymétrique entre les différents individus qui sont concernés par la vie de la firme. Ainsi que
l’a démontré Akerlof (1970), l’asymétrie d’information sur un marché entraine des problèmes
de risque moral et de sélection adverse. Pour résoudre ces problèmes et améliorer le
fonctionnement des marchés, les agents économiques vont utiliser des signaux véhiculant
l’information.

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En conclut par là, que le faite de se doter des outils de communication efficace, que ce soit au
sein de l’entreprise, ou entre le groupe et les filiales, est l’une des étapes de la mise en place u
la gouvernance fiscale.
Ajoutons à cela, la pratique de la gouvernance fiscale consiste aussi à s’engager sur l’état des
risques fiscaux ; or l’étude du risque fiscal des entreprises peut trouver son fondement
théorique dans deux théories : La théorie des jeux et la théorie partenariale de la gouvernance.
Plusieurs études antérieures ont eu recours à la théorie des jeux pour modéliser le
comportement de l’entreprise et de l’administration fiscale à l’égard de l’impôt. Cette théorie
postule l’existence d’un jeu entre ces deux acteurs. La transposition de cette théorie dans le
cadre de l’étude du risque fiscal semble ainsi être appropriée. La plupart des études se basant
sur cette théorie a été menée dans le contexte anglo-saxon.

2.3. La théorie des jeux :

Elle joue un rôle important dans l’analyse de nombreuses situations en matière fiscale. Il
convient tout d’abord de donner un éclairage sur cette théorie, ainsi que sur ses domaines
d’application.
Pénard (2007) La théorie des jeux constitue un outil d’analyse des comportements humains.
Elle permet de décrire et d’analyser de nombreuses relations économiques et sociales sous la
forme de jeux stratégiques. Un jeu stratégique se caractérise par un ensemble de règles de jeu
spécifiant les joueurs (deux joueurs ou plus), les choix ou les stratégies pouvant être adoptés
par chacun d’eux, la séquence des décisions prises et enfin l’utilité que chaque joueur retirera
à la fin du jeu pour chaque combinaison de choix possibles.
Gliz (2010) Cette théorie peut être définie comme un cadre conceptuel d’analyse de la
décision où cette interaction stratégique entre les décideurs est centrale pour la compréhension
de l’issue finale.
Selon Guerrien (2002) L’hypothèse fondamentale de la théorie des jeux est celle qui stipule
que chacun cherche à maximiser ses gains quelle que soit la façon dont ils sont mesurés.
Yildizoglu (2003) La théorie des jeux propose des modèles qui sont des représentations très
abstraites des situations réelles.

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Dans ce sens, Thepot (1998) définit l’équilibre comme un ensemble de stratégie (une par
joueur), chaque joueur individuellement doit s’en tenir à sa stratégie d’équilibre dont il n’aura
jamais intérêt à s’écarter, s’il admet que les autres en font autant.
Fellingham et Neuman (1985) Les domaines d’application de la théorie des jeux sont
multiples (l’économie, la science politique, le marketing, la finance, la comptabilité…). Plus
spécifiquement, cette théorie a été utilisée dans l’évaluation du risque d’audit.
En matière du risque fiscal, deux acteurs principaux se sont impliqués. Il s’agit de l’entreprise
et de l’administration fiscale. Cette dernière constitue un actionnaire diffus n’ayant pas de lien
contractuel avec l’entreprise mais qui dispose d’un pouvoir de contrôle et de sanction qui peut
dépasser même celui des actionnaires majoritaires.
L’entreprise procède à la fin de chaque exercice au calcul de son résultat fiscal et au dépôt de
la déclaration annuelle de l’impôt sur les sociétés. Sur la base de cette déclaration et en faisant
recours à d’autres sources informationnelles, l’administration fiscale peut procéder au
contrôle du contribuable pour vérifier le bien-fondé du résultat fiscal déclaré. Ce contrôle peut
conduire, le cas échéant, à la détection du risque fiscal du contribuable et à des sanctions. Ces
dernières peuvent dépasser la sanction fiscale pour impacter la performance financière de
l’entreprise ainsi que sa réputation.
Afin de mieux comprendre l’interaction ainsi que les comportements des deux acteurs, il est
utile de recourir à la théorie des jeux. Cette théorie représente ces comportements sous la
forme d’un jeu, dans lequel une décision prise par l’un des deux joueurs dépend de la décision
prise par l’autre joueur. L’utilité de cette théorie est justifiée dans la mesure où la décision de
contrôle de l’administration fiscale et l’issue de ce contrôle dépendent dans une grande
mesure de la décision de déclaration des entreprises. Cette décision de déclaration dépend à
son tour de la stratégie fiscale de l’entreprise sachant que cette stratégie peut être entachée de
risques. Ce sont les risques fiscaux qui influencent ainsi la décision et l’issue du contrôle de
l’administration fiscale.
Afin de combler les insuffisances de cette théorie, il s’est avéré qu’il est indispensable de
recourir à la théorie partenariale de la gouvernance. Cette théorie permettra de prendre en
considération le rôle joué par certains acteurs internes et externes dans la résolution du
problème de gouvernance lié à la présence du risque fiscal.

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2.4. La théorie partenariale de la gouvernance :

La théorie partenariale de la gouvernance est au cœur de l’étude de la problématique du risque


fiscal. Cette théorie met l’accent sur l’existence d’un problème de gouvernance lié à la
présence de ce risque et soulève le rôle de plusieurs acteurs internes et externes à l’entreprise
dans la résolution de ce problème et donc dans la gestion de ce type de risque.
Une présentation de la théorie partenariale de la gouvernance s’avère au début indispensable.
La problématique du risque fiscal a été examinée au regard de la théorie actionnariale de la
gouvernance.
2.4.1. Risque fiscal et gouvernance actionnariale :
Dans ce cadre, Desai et Dharmapala (2008) soulignent que la séparation de la propriété et de
la gestion est à l’origine d’un problème de gouvernance lié à l’impôt. En effet, la nature
incomplète des contrats et du contrôle crée le champ de l’opportunisme managérial. Schön
(2008) ajoute que contrairement à la situation du contribuable individuel, les aspects
différents de la vie fiscale ne sont pas concentrés dans la main d’une seule personne. Tandis
qu’une personne physique doit payer des impôts sur son propre revenu et sa richesse, doit
déposer sa propre déclaration fiscale et doit payer sa propre part d’impôts, dans le contexte de
l’entreprise, les responsabilités sont dispersés, menant ainsi à un comportement opportuniste,
à des conflits principal-agent, au problème de l’aléa moral…
Selon Desai et Dharmapala (2006), les décisions sur la planification fiscale risquée sont prises
par les dirigeants. L’analyse de ces décisions est faite dans le cadre d’agence, selon lequel les
dirigeants peuvent tirer des bénéfices privés à travers un détournement de rentes par exemple.
La planification fiscale demande de la complexité et de l’obscurcissement pour éviter sa
détection. Ces caractéristiques sont de nature à favoriser l’opportunisme managérial. Dans une
étude récente, Desai et Dharmapala (2008) ont donné un exemple pour mieux illustrer
l’interaction entre la planification fiscale et l’opportunisme managérial. Selon les auteurs, un
dirigeant d’entreprise peut créer plusieurs entités dans des paradis fiscaux. Ces entités
fournissent des moyens pour réduire la charge fiscale. Le détail des structures et des
transactions faites avec ces entités ne peut pas être donné pour éviter la détection par
l’administration fiscale et la remise en cause des bénéfices déclarés. Cette asymétrie
d’information peut permettre au dirigeant de s’engager dans des activités nuisibles aux
actionnaires. Les entités situées dans les paradis fiscaux peuvent faciliter la manipulation du

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bénéfice, en créant des véhicules de réalisation de gains sans permettre aux investisseurs de
comprendre leurs origines. Elles permettent aussi un détournement de fonds en autorisant des
transactions internes non totalement déclarées.
Dans le même ordre d’idées, les stratégies fiscales agressives sont définies par Garbarino
(2008) comme le comportement des gestionnaires fiscaux qui exploitent l’écart comptabilié-
fiscalité pour faire avancer leurs propres intérêts, créant ainsi des conflits entre dirigeants et
actionnaires.
Pérez (2009) D’autres acteurs sont des parties prenantes à l’entreprise soit par l’existence d’un
contrat soit par l’effet que pourrait avoir cette activité sur son environnement. Le problème de
gouvernance lié à l’action managériale devient plus complexe. L’intérêt a été ainsi déplacé de
la théorie actionnariale vers la théorie partenariale de la gouvernance.

2.4.2. Risque fiscal et gouvernance partenariale :


L’intérêt et le rôle de l’administration fiscale dans la gestion des risques fiscaux des
entreprises sont ignorés dans l’approche actionnariale de la gouvernance. Les mécanismes de
contrôle signalés dans la littérature se focalisent sur la relation d’agence actionnaire-dirigeant.
Or, l’administration fiscale constitue un acteur principal avec l’entreprise dans l’étude de la
problématique du risque fiscal. Ce partenaire possède une part dans le bénéfice des entreprises
et dispose d’un pouvoir de contrôle qui dépasse même celui des actionnaires majoritaires. Ce
pouvoir peut conduire les entreprises soit à payer plus d’impôt dans le but d’éviter les conflits
soit à des effets inverses en dehors de tout contrôle.
L’étude du risque fiscal doit reposer ainsi sur l’approche partenariale de la gouvernance en
mettant l’accent sur le rôle du système de gestion de ce risque dans la protection des intérêts
de toutes les parties prenantes, y compris ceux de l’administration fiscale. Cette dernière a
comme intérêt l’obtention du montant correct d’impôt. Or, en présence d’un risque fiscal
pour l’entreprise non ou mal géré, l’intérêt de ce partenaire sera lésé dans la mesure où il ne
va pas recevoir le montant exact d’impôt. Aussi, selon Sikka (2010), la recherche du profit
exige pour les diligents d’équilibrer les intérêts des diverses parties prenantes y compris
l’obligation de payer des impôts à l’Etat et à la société.

2.5. La théorie de l’acte anormal de gestion et la théorie de l’abus de droit.

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Scholes et Wolfson (1996) Les garde-fous légaux permettent à l’autorité fiscale de demander
aux contribuables si les transactions dans lesquelles ils se sont engagés n’ont pas quelque
chose de louche. Ainsi, l’administration fiscale utilise souvent la théorie de l’acte anormal de
gestion mais elle peut aussi mobiliser celle de l’abus de droit à cette fin.
Par principe de liberté de gestion, Cozian (2008) L’administration n’a pas à s’immiscer dans
la gestion de l’entreprise. Elle n’exerce pas la mission d’un auditeur ou d’un contrôleur de
gestion et elle n’a donc pas à porter de jugement sur la qualité ou les résultats, même
médiocres de la gestion financière.
Selon Serlooten (2001) Personne ne peut reprocher à l’entreprise d’avoir, pour l’obtention
d’un même résultat, dépensé plus qu’elle n’aurait pu le faire en choisissant un autre moyen.
Tout contribuable est libre de choisir la voie la plus onéreuse et donc, en augmentant ses
dépenses, de diminuer le bénéfice imposable.
Duhem et Jammes (1996) Le droit à l’erreur est reconnu aussi et la réalisation de mauvaises
affaires n’est pas toujours synonyme d’acte anormal de gestion. L’administration fiscale ne
peut pas rectifier un résultat fiscal sur la base d’une mauvaise politique commerciale et
financière.
En conséquence, ni l’administration, ni les juges n’ont le droit de se mêler des décisions de
gestion des groupes de sociétés, dès lors qu’elles n’enfreignent pas la réglementation.
Toutefois, Choyakh (2008) ce droit n’est pas absolu ; les groupes doivent savoir que la
recherche d’une intention frauduleuse de réaliser des économies d’impôt peut être sanctionnée
par l’acte anormal de gestion.
De ce fait, la théorie de l’acte anormal de gestion constitue la première limitation au principe
de liberté de gestion. Lorsque l’administration fiscale considère qu’un acte est anormal, il
reste à identifier qui supporte la charge de preuve.
Selon Duhem et Jammes (1996) La théorie de l’acte anormal de gestion ne résulte d’aucun
texte légal, elle est le fruit d’une construction jurisprudentielle.
Leveneur (2011) La notion de l’acte anormal de gestion permet à l’administration fiscale
d’écarter la déduction des dépenses qui ne sont pas engagées dans l’intérêt de l’entreprise et
de réintégrer les dépenses litigieuses dans les résultats de l’exercice au cours duquel elles ont
été constatées en comptabilité.

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Bissy et Dedeurwaerder (2012) l’optimisation fiscale devient illégitime en cas d’abus de droit,
en présence d’un montage organisé dans le seul but de violer l’esprit de la loi et échapper au
paiement de l’impôt.
Cozian (2008) explique clairement la différence entre les deux notions en indiquant qu’il ne
devait pas y avoir confusion entre l’abus de droit et l’acte anormal de gestion. Ce dernier est
un acte de perversion financière qui appauvrit l’entreprise en enrichissant indûment une tierce
personne. Il recouvre en droit des sociétés tout acte contraire à l’intérêt social. L’abus de droit
est au contraire un acte de perversité fiscale. Il repose sur un exercice de prestidigitation
juridique réalisant une évaporation fiscale. Il enrichit l’entreprise au détriment du Trésor
Public.

Conclusion

A partir de l’exploitation approfondie des soubassements théoriques-fiscaux, nous pouvons


confirmer que le capital théorique favorise la gouvernance fiscale relative à la sphère de
l’entreprise, autrement dit, il « gouverne » sa conduite en matière fiscale :

La théorie d’agence nous renseigne sur les intérêts divergents entre les deux agents :
Entreprise-Administration fiscal ou actionnaires –créanciers, ou dirigeants-actionnaires, et
que l’entreprise doit maximiser son intérêt, ce qui signifie qu’elle doit optimiser ses charges
fiscales tout en étant dans le cadre de la régularité. En se servant de la marge de manœuvre
dont elle dispose en droit fiscal, et tout en utilisant les techniques d’optimisation.

La théorie du signal insiste sur la nécessité de véhiculer des signaux entre les agents pour
surmonter l’asymétrie d’information. Et assurer par là une bonne gouvernance en matière de
la fluidité des relations et d’informations entre les différents agents appartenant à la firme.

L’utilité de la théorie des jeux est justifiée dans la mesure où la décision de contrôle de
l’administration fiscale et l’issue de ce contrôle dépendent dans une grande mesure de la
décision de déclaration des entreprises, qui dépend à son tour de la stratégie fiscale de
l’entreprise. Ce qui préconise les entreprises à améliorer leur efficacité décisionnelle en
matière fiscale et aussi à développer leur gestion fiscale.

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Pour ce qui est de la théorie actionnariale de la gouvernance, nous éclaire sur le rôle des
mécanismes de gouvernance dans la réduction des conflits d’intérêts entre les actionnaires et
les dirigeants à savoir : l’incitation à la rémunération, et le faite de réduire l’asymétrie de
l’information avec la préservation de la surveillance.
Concernant la théorie partenariale de la gouvernance, nous informe sur le changement de
posture de la part de l’administration fiscale, elle fallait la considérée comme un partie
prenante, et par conséquent la protection des intérêts de toutes les parties prenantes, y compris
ceux de l’administration fiscale.
Finalement, la théorie de l’acte anormal de gestion et celle de l’abus de droit constituent des
garde-fous pour la régularité des transactions engagés au sein d’une entreprise, ou dans un
groupe de sociétés.

I. Bibliographie :

1. Charreaux, G., Couret, A., Joffre, P., Koenig, G., Montmorillon, B. (1987). De
nouvelles théories pour gérer l’entreprise. Editions Economica, 151 pages.
2. Depret, A., Hamdouch, A. (2009). Gouvernance d’entreprise. Edition De Boeck, 216
pages.
3. Derbel, F. (2009). Les groupes de sociétés : cadre réglementaire, impératifs de
transparence et de la bonne gouvernance. Séminaire sur l’analyse du risque des
groupes le 27 février 2009,20 pages.
4. Ghertman, M. (2004). Stratégie de l’entreprise : Théories et actions. Editions
Economica, 271 pages.
5. Guedrib, M. (2013). Impact des mécanismes internes de gouvernance sur le
risquefiscal : une étude menée dans le contexte tunisien. Thèse de doctorat en sciences
de gestion. Université de Franche-Comté, 373 pages.
6. Jarboui, A. (2008). Impact des mécanismes de gouvernance sur la stratégie de
diversification des groupes tunisiens. Revue Mangement & Avenir. N°17 : pp. 83-104.
7. Kartochian, S.L. (2010). Théories des organisations. Editions Lextenso, 159 pages.
8. Negra, S. (2004). La problématique de la gouvernance dans les groupes de sociétés en
Tunisie. Mémoire pour l’obtention du diplôme d’Etudes approfondies en management
à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion, 227 pages.

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9. Omri, A., Hakim, F., Triki, F. (2009). Impact de l’audit externe sur la qualité du
résultat comptable : Cas des entreprises tunisiennes cotées. Revue gouvernance
automne 2009 : pp.1-19.

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