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1COM Comité international de l’ICOM pour la muséologie ICOM International Committee for Museology 20° anniversaire / 20th birthday / 20° aniversario MM cS A MUSEOLOGIE ET MEMOIRE MUSEOLOGY AND MEMORY MUSEOLOGIA Y MEMORIA symposium 19-29 juin / June / junio 1997 Paris - Grenoble - Annecy (France) preprints ICOFOM Study Series Tsis) 2:7 | icom ICOFOM France ‘ 97 Muséologie et Mémoire Museology and Memory Museologia y Memoria Henri Matisse Remember \938 dessin (Collection privée) 19-29 juin 1997 XIXe Conférence annuelle de PICOFOM 20° anniversaire 19-29 June 1997 XIXth Annual Conference of ICOFOM 20th birthday 19-29 junio 1997 XIX* Conferencia annual del ICOFOM. 20° aniversario Muséologie et Mémoire - Museology and Memory - Museologia y Memoria Paris-Pierre-de-Bresse-Grenoble-Annecy | + Cette conference a recu le soutien de This conference has received support from Esta conferencia ha recibido el apoyo de Ministére des affaires étrangéres, Ministare de la coopération Ministére de ta culture, Direetion des Musées de France de recherche des musées de France Comité frangais de VICOM ‘+ Nous remercions également We also thank. Agradecinos también a Ecole du Louvre ‘Musée dauphinoi Musée de Grenoble Musée de It Révolution (Vi Musée-Chateau d’Annecy Musée de la cloche i Annecy Ecomusée de la Bresse bou # Notre reconnaissance va aux conférenciers We are grateful to the lecturers: Agradecinos a los conferenciantes Jean-Christophe Bailly, Alban Bensa, Pascal Convert, Jean Davallon, Jean et aux artistes, ‘and to the artists, ya los artistas ierre Buraglio, Dominique Evrard, Jean-Michel Frouin et les artistes du 91 quai de la Gare, Biko Koyama et Kazuko Iwashima, Dauphine Sealbert de Giratdo Pour le voyage en Bourgogne (29 juin-Ler juillet), nous tenons é remercier For the excursion in Burgundy (29 June-1 July), we want fo thank: Para el gird en Borgogna (29 junio-I Julio), querinos agradecer a + Organisation / Organisacin ilde Bellaigue, André Desval ‘vee l'aide de / with the help of /con el ayudo de Claudia Corvi Mora, Nadine Fattouh, Nada Ghandour, Nadia Siméon, éléves de muséologie de VEcole du Louvre, et Pamela Scalbert Ménanteau pour les traductions et pour Vimpression Vaimable concours de / printing thanks to /impresién con el concurso de Wer (DAG ) et J.-P. Janakiewiex (Service de Vimprimerie) Ministére de la culture +» Michel Menu ICOFOM - France 1997 19 - 29 juin / 19 - 29 June / 19 - 29 de junio Symposium MUSEOLOGIE ET MEMOIRE MUSEOLOGY AND MEMORY MUSEOLOGIA Y MEMORIA Programme / Program Introduction ‘Martin SCHARER (Suisse) Présentation ‘Wolfgang KLAUSEWITZ (Allemagne) The first historical phase of ICOFOM ~ a review with personal reflections Léte pattie / part 1 ‘Mathilde BELLAIGUE, André DESVALLEES, Michel MENU (France) ‘Mémoires / Memories Jean-Christophe BAILY (France) _Résurgences Georges DIDI-HUBERMANN (France) La demeure (apparentement de l'artiste) Dominique EVRARD (France) artiste s'exprime sur son travail Jean-Pierre MOHEN (France) Musées et « arts premiers » 2éme partie / part 2 : SymPostuM - communications / basic papers Mathilde BELLAIGUE, André DESVALLEES, Michel MENU (France) ‘Muséologie et Mémoire T Vinventaire de l’existant et les traces de Vhistoire the inventory of the existent and traces of history el inventario de lo existente y Ios rastros de la i TOMA, Y. (France) En cas d'oubli, pridre dl'en faire part AP BUREN, J. (Suéde) The collective memory and the art museum DUFRENE, B. (France) Comment Beaubourg a créé la mémoire de l'art du XXe sitcle FERDI, S. (Algérie) Comment sont ressenties par les Algériens les antiquités de Jeurs musées : Le cas de Tipasa MAIRESSE, P., RAGNL, F. (Belgique) Préservation ou mémoire ? SHAH, A. (Inde) Frozen in time and space: museunt and memory WASSERMANN, F. (France) Mémoire et histoire : un difficile dialogue 3 n B 19 28 27 33 35 4B a7 3 60 Vimage de l’existant et la res be ‘ution de la mémoire the image of the existent and the restitution of memory la imagen de lo existente y ta restitucién de la memoria BARBE, N., THIERRY, A. (France) BOUCHER, .-N. (Canada) CURY, M. X., RIZZI, C, (Brésil) DE LA BROISE, P. (France) KAPLAN, F. (USA) LAISHUN, A. (Chine) MARANDA, L. (Canada) MAROEVIC, 1, (Croatie) PEISA, O. (Finlande) PRIOSTI, 0. M. (Brésil) ROLLAND-VILLEMOT, B. (France) SCALTSA, M. (Gréce) ‘VIEREGG, H. (Allemagne) YOUNG, L. (Australie) Paradigme scientifique et muséographie, ou comment « d'une forge il ne reste qu'un few » Performuse : un langage éclaté @ la croisée des arts dinterpréiation et de a muséologie Beyond the exhibition: a reflection about museologtcal communication Liimerpréiation du patrimoine industriel : une mémoire sélective - Le cas du Creusot Conquests, colonialism and memory (abstract) Can we see the light on the other side of the Moon? The Museum as Memory The role of museality in the preservation of memory Reminiscences and memories De la terre de Piracema jusqu'ét |'Ecomusée du « Quarteirao », a portion de Santa Cruz pour le rachat, la conservation et la restauration de la mémoire nationale La conservation et la restauration du patrimoine industriel, Jes limites de la muséographie Sculpture in Thessaloniki: expression of ideologies The significance of memory to museums Pioneers, villagers and folk: history and memory in ‘Pioneer Museums" in Autralia mr Vexpérience de la mémoire the experience of memory la experiencia de la memoria ARAUIO, M., BRUNO, C. (Brésil) BELLAIGUE, M., MENU, M, (France) CELUS, C. A. Halti) DECAROLIS, N. (Argentine) FARIALLA CORREIA .. (Brésil) GANASCIA, J.-G. (France) COLLIER, C. (Argentine) RISNICOFF DE GORGAS, M(Argentine) Muses en la busqueda de la memoria / Museums in search of SCHEINER, T. (Brésil) SIEPMANN, F. (Allemagne) SOLA, T. (Croatie) STRANSKYZ. (Rép. tchéque) SURDIC, B. (Yougoslavie) VAREILLE, &, (France) La mémoire comme élaboration du présent : réflexions sur le séminaire - La muséologie brésilienne et 'TCOM ~ convergences ‘ou désaccords ? ‘Muséologie et les formes de ta mémoire Liesclavage au musée : chronique d'un refoulement ‘Memoria para el porvenir / Memory for the future Social memory and museum institution: thinking about the (re)interpretation of cultural heritage Les jardins de mémoire Albert Kahn Les musées au service des trois dimensions de la mémotre gestuelle, orale et écrite the lost memory Mémoire et musée : expressions du passé, regards de l'avenir Mnemosyne in the technological civilisation ~ A silhouette of the ‘museum in the age of vitualization The Kiss of Mnemosyne The Ontology of memory and museology Experience from memory - Experience for memory La mémoire, objet et méthode de recherche en muséologie 4 87 Oy 103 284 1 17 120 106 134 143 49 154 159 167 1B 182 190 202 212 224 207 236 245 263 269 27 278 ICOFOM France 1997 \ | | PROGRAMME (19 JUIN - 29 JUIN 1997) veudi 19 juin \ 15-19 aboratoire de recherche des muses de France - LAME (Louvre) : accueil, enregistrement. Visite du Laboratoire. ®partirde 18h Visite de la Chapelle Saint-Symphorien (Saint-Germain-des-Prés) de Pierre Buraglio, avec lartiste et Mme Noelle Chabert, conservateur du Musée Zadkine (Pari). 2030 Diner en commun Mémoire du vivant : visite de la Galerie de I'Evolution (Museum national d'Histoire naturelle), M. Michel Van Praet, professeur au MNHN, chargé de la programmation de la Galerie de Paléontologie 14h30 ‘Mémoire écrite : visite de la nouvelle Bibliotheque nationale de France, ‘Mme Jacqueline Sanson, directrice de Timorimé et de Taudiovisuel 17h Artistes et mémoire : Jean-Michel Frouin (réalisation « TY2 ») et les artistes du 91 quai de la Gare 20h Diner en commun | imanche 22 10h ‘Mémoire de la France : Centre historique des Archives nationales : | Visite exceptionnelle des Galeries Louis-Philippe et Napoléon Ill. M. Jenn, D’ G* t Aprés-mii libre | } lundi 23, 9h 30 Visite de Observatoire de Paris, Mmes Laurent et Debarbat 4h Mémoire et restauration, visite de atelier central de restauration de la Bibliothaque nationale (manuscrits anciens), Mme Véronique Tomé. 16h Retour aux hétels ; i9h vi on a Vente iTGV Chi 21 hag Arrivée. Diner et logement & Chalon PIERRE-DE-BRESSE mardi 24 gn Car pour Pierre-de-Bresse. Mémoires d’un territoire : MM. Pierre Joxe, président, Dominique Riviére, directeur : accueil, déjeuner en commun, visite de 'Ecomusée de la Bresse bourguignonne et de ses antennes (St-Germain-du-Plain - antenna agricole, Lounans - musée de Imprimerie) 7h Car pour Grenoble Diner et logement & Grenoble © GRENOBLE mercredi 25 10h Archéologie et histoire d'une région : Saint-Laurent de Grenoble, Musée de la Résistance, M. Jean-Claude Duclos, conservateur en chef 13h Vizille, déjeuner Musée de la Révolution frangaise, M. Alain Chevalier, conservateur du musée Grenoble, soirée culturelle feud 26 Colloque Muséologie et Mémoire iventaire dé Vexistant et les traces de thistore < ‘Session 2: L image de Vexistant et la restitution de la mémoire (1) ‘Session 2 | image de fexistant et la resttutioni dea mémoire (2). ‘experience de famémoire (1) = Session 3 Llexpénence de la mémoire (2). ius6é de Grenoble. Réunion Encyclopaedia muse logis! MistoKge Car pour Annecy. Musée do la cloche et fonderie, Déjeuner-croisiére sur le lac Visite du Chateau-musée, Réunion ‘administrative ICOFOM ‘Temps libre dans le Vieil Annecy. Réception per la Ville d’Annecy 20h Diner d’adioux et des 20 ans de J"ICOFOM au chateau, concert de cor des Alpes. Logement 4 Annecy dimanche got ‘TGV pour Paris - Gara de Lyon (11 h 38) ou 9h30 Car pour Macon ICOFOM France 1997 | PROGRAM (19 JUNE- 29 JUNE 1997) | 2am Memory of the living world: visit of the Galerie de Evolution (Museum. national dhistoire naturelle), M. Michel Van Pract 2.30pm Written stemory. visit of the new Bibliotheque nationale de France, Mme Jacqueline Sanson, director of print and audiovisual department 5.00 Artists and memory: Jean-Michel Frouin (« TY2 » realisation) and the artists'group of 91 quai de la Gare. Dinner together Sunday 22, 10- 12am France's Memory: Centre historique des Archives nationales, exceptional visit of the Galeries Louis-Philippe and Napoléon Ill pm free time Monday 23 930 am Visit of the National Observatory, Mmes Laurent and Debarbat. 2-4pm Momory and conservation: vsit ofthe conservation department of the Bibliotheque nationale, Mme Véronique Tomé. 4pm Back to the hotels 7pm i n (Paris) atthe Sf th a at the 9.48pm ‘Arrival. Supper and night in Chalon 5pm + GRENOBLE Wednesday 25 13h Bus to Pierre-de-Bresse: Memory of a Territory: MM Pierre Joxe, president, Dominique Riviere, director. Welcome, lunch together. Visit of the Ecomusée. de la Bresse Bourguignonne and its antennas: Saint-Germain-du-Piain (egricuiture), Louhens (museum of printing) Bus to Grenoble Archaeology and history of a region: Saint-Laurent de Grenoble, Musée Résistance, Jean-Claude Duclos, chief curator Vizille, lunch ‘Musée de la Révolution francaise, M.Alain Chevalier, curator of the museum Grenoble, soirée culturelle, &.01am or 9.30. am Bus to Annecy. Musée de la cloche (bells foundry) Boat-crulse lunch on Annecy Lake Visit to the Chateau-musée, M.William Saadé, director. ICOFOM business meeting Free time in the ancient city Party offered by the Mayor. Farewell dinner / ICOFOM 20th birthday party, concert Night in Annecy ‘TGV to Paris-Gare de Lyon (arrival: 11. 38 am) Departure by bus to Burgundy Introduction Wn INTERNATIONAL COMMITTEE FOR MUSEOLOGY * COMITE INTERNATIONAL POUR LA mUSEOLOGIE MUSEOLOGIE ET MEMOIRE Le symposium scientifique de la Conférence annuelle 1997 de I'ICOFOM en France traite d’un sujet muséologique central: notre mémoire. Un truisme, au moins a premiére vue, Le musée, n’est-il pas simplement mémoire? Et, par conséquence, la muséologie, n’est-elle pas simplement la science de la mémoire, de la fagon par laquelle ’héritage est “mis en mémoire”? ‘Mais: D'oi vient I’idée de garder cet héritage? A quelle fin? Que faire avec cette masse de réserves de mémoire du monde entier? Augmenter la mémoire et la garder en sécurité, ceci représente-t-il unique tache du musée? Et: Les musées, sont-ils les souls liewx de mémoire? Et finalement (ou principalement): Qu’est-ce, la mémoire? Des biens matériels seulement? ‘Oui, Ja muséologie est la science de la mémorisation, n’importe ot, n'importe quand. Mais le musée comme institution n’est qu'un cas particulier. Un cas particulier trés important, certes, ne représente+-il pas le seul lieu de mémoire professionnel pour les choses créé par la société? Notre symposium se propose de mettre le musée et ses activités principales - collectionner et communiquer la mémoire - au centre de ses débats, mais de transgresser aussi les limites du musée et de placer V’interrelation entre muséologie et mémoire dans un contexte beaucoup plus large. Nous explorerons le processus de la mémorisation et lexpérience de la mémoire de ‘méme que la réflexion sur ces phénoménes, ceci aussi avec une ouverture bien nécessaire vers Ie futur. ICOFOM Study Series 27 publie les articles pour ce symposium. La variété trés riche de contributions du monde entier sont distribuées & l’avance - conformément aux traditions ICOFOM approuvées -, ceci pour permettre une discussion fructueuse pendant notre symposium, Mes remerciements les plus chaleureux sont adressés & Mathilde Bellaigue, André Desvallées et Michel Menu qui préparent notre conférence avec autorité, attachement et efficacité. Martin RScharer Président de 'ICOFOM u ICOFOM INTERNATIONAL COMMITTEE FOR MUSEOLOGY + COMITE INTERNATIONAL PUUR LA MUSROLOGIE MUSEOLOGY AND MEMORY This scientific symposium of the 1997 ICOFOM annual conference in France deals yet again with a core museological problem: the preservation of things past A straightforward enough topic, at least at first sight, After all, isn't a museum just a storehouse of the past? And, hence, isn't museology simply the science of conserving and protecting our cultural and natural heritage - of committing it, so to speak, to a "memory facility’, a museum? Even if this is our main concem, other questions arise: Where did the idea of preserving our heritage come from, and what is the purpose? And how are we to manage such huge repositories of the past scattered all over the world? Are the only tasks of a museum to augment and safeguard evidence of the past? ‘Are museums the only storehouses of the past? Last, but by no means least, what exactly do we understand by the past and our memories of it? Are we talking about material objects only? Yes, museology is the science of conserving reminders of the past - anywhere, any time. The ‘museum as an institution is simply a special case, albeit it a very important one as museums are the only establishments officially and professionally conceived and created by society to hhouse material history. ‘This symposium will place the museum and its chief activities - collecting and communicating historical exhibits - at the centre of its debates, while transcending the bounds of the museum to put the interrelationship between museology and reminders of the past in a rmuch broader context, We shall explore the mnemological process and the experience of remembering, as well as reflecting on these phenomena, always with our sights set firmly on the future. ‘The papers comprising this symposium are published in ICOFOM Study Series 27. In keeping, with hallowed ICOFOM tradition, the rich variety of contributions from all over the world are distributed in advance to allow fruitful discussion during the symposiun. ~~ ‘My warmest thanks go to Mathilde Bellaigue, André Desvallées and Michel Menu, who have prepared this conference with authority, dedication and efficiency. Martin R. Schérer President of ICOFOM. 12 ‘The First Historical Phase of ICOFOM - a Review with Personal Reflections WOLFGANG KLAUSEWITZ - Germany ‘The nomen novum " Graesse in Dresden. Furthermore, this term was rather often used in France during the twenties and thirties of this century. But after the foundation of ICOM about 50 years ago, no International Committee for Museology as created. For years the ICOM headquarters and different committees were of opinion that the field of fuseologie” with a first try ofa concept was created almost 120 years ago in 1878 by ‘museology is covered already by different scopes of activities like conservation, education, training and some ‘other branches of this organization. But in different countries there were several museologists asking wether all those special fields and relevant tasks of museums could be regarded as a specific profession with a scientific background or whether these museological activities are just practical museum work - muséologie pratique. FFor the discussion of these questions Professor Hermann Auer, President of the German National Committee of ICOM and former treasurer of ICOM, organized in cooperation with Unesco an international seminar with the title "Muscologie” 1971 in Manich. Besides some German lecturers covering a broad spectrum of museological aspects there were also presented reports from Belgium, the Netherlands, Poland and Swizzerland. During this ‘meeting Hermann Auer proposed definitions for the theoretical and practical museology with the scientific ‘backgrounds of both fields. Compared with this, Georges Henri Rivitre, official representative of ICOM, described the following activities as characteristics for museology: history of museums, the réles of museums in the society and as protectors of cultural heritage, research in museums including interdisciplinary scientific ‘work and theoretical museological research, conservation, design and piesentation of museum objeets, the use of audiovisual technics, the different forms of communication, the organization of museums, internal evaluation of the work of museums and at last special education ofthe museum staff as well as museological ‘teachings at universities. The most important information given by M. Raymonde Frin, redacteur en chef du Journal Muséum de "Unesco, was the projected publication of an handbook on museology by I'Unesco, Despite the fact thatthe readings of this iret international ICOM meeting on museology were published by Auer, the results were never utilized ot even evaluated by any later museological meeting, at least not officially The first formation of museological concepts within the ICOM headguaters was strongly promoted by Professor Jan Jelinek as President from 1971 to 1977. But when the Executive Committee of ICOM decided - against the opinion and votings of several intemational Committees to‘create the international Committee for Museology during the General Conference 1977 in the Soviet Union it was a pare political decision. During this Conference Jan Jelinek was elected as President of the new Committee which later received the abbreviation ICOFOM. M, Jacques Manoury, Conservateur Adjoint de la Direction des Musées de France, was elected 2s Secretary of the committee. But atthe beginning of the next year Professor Jolinek rang me up and asked ‘whether I would be able to act as Secretary during the legastative period until 1980, as’M. Manoury was unable to overtake this task. At that time I had not only my own job as deputy director of the Senckenberg Museum, bout I was also much engaged as President of the German Muscums Association. Despite these facts | accepted for three reasons: (1) Jan Jelinek was my colleague and friend, (2) The President promised me the help of his 13 secretary for museology, Mrs. Vera Slana, who indeed improved to be an excellent assistent. (3) I was really interested to find out whether the museology is areal scientific discipline or not As this question was very unclear at the beginning of the work of the brand-new committee its members decided during the first meeting in Leningrad, besides some other topics, to start with the realization of two plans: to perform during the next General Conference of ICOM a special exhibition which should demonstrate the different fields and tasks of museology (this display was never realized), and to develop a teaching program and system of museology for special courses at universities, colleges and related institutions. But before this task could be realized the committee had to find out: what is museology and how it could be defined. For President Jelinek as a natural scientist the different fields of research and the classical scientific work at, ‘museums were the main tasks of museology. Therefore, research and scientific work were the subjects of the first annual meeting 1978 in Poland. During this well organized conference some profound readings were given, but a real answer to the principle question of @ concept and 2 theory of museology was missing. We were informed about several so-called museclogical activities at different Potish universities, but in reality these teachings were museographical instructions for prospective museum officers and technicians. In Torun we even visited an Academy for Museology at the University, but it turned out to be an institution for the practical fields ‘of museums and exhibitions including the restauration and reproduction of art works. The resutt of this meeting was the impression that there seems not to exist any real concept and especially theoretical base for museology as a scientific disciptine. Therefore, under Vinos Sofka's supervision an editorial board was founded 10 elaborate working papers on those fundamental museological problems In the next year, 1979 ICOFOM assembled at Torgiano in Ombria near Peruggia in Italy, Invited by margravin Grazia Marchetti Lungarotti, the members were meeting in a real noble environment, staying in a castle with a Vine-Museum, surrounded by white-gloved servants and provided with delicious dishes and tasty vino santo, But the results for the special museology were again rather disappointing as the interpretations of a concept ‘vere very difforent, Awraam Razgon from the Historical Museum in Moscow for instance defended the opinion that the history of museums isthe base of museology, while Andreas Grote from Berlin acted as pleader for the ‘museum perdagogics as its most important part. The uncertainty of the committee and the missing ofa clearly defined theoretical concept was expressed by the aim to find and develop systems of cooperation and ‘coordination with other committees and related institutions is respect to qiéstions and tasks of museological relevance. This search for help from other committees sounded lke a discontinuation ofthe try to reach the ‘original goal. On the other hand, an important result ofthe debate was Vinos Sofka's proposal to create Working Papers as an own international journal of ICOFOM to have a place forthe publication of different opinions and its discussions as well as fr the development of the theoretical base of museology, but also forthe clarificaton of the question whether it is an own scientific discipline or just flowery teri for practical museum tasis, This proposal was accepted by the committee, At the same time an Editorial Board forthe projected Journal was elected 4 ‘This Journal would not be the frst publication of [COFOM as the readings of both meetings were published by Jan Jelinek and Vera Stana in two brochures under the titles Passibiliies and limits in scientific research ‘ppical for the museums (1978) and Sociological and Ecological Aspects in Modern Museum activities in the Light of Co-operation with Other Related institutions (1979), both published in Brno. Before a very depressive period followed, some of the charter members left the committee. The first delegate ‘was Madame Irina Antonova, the polyglot grand lady (wiho, as we found out several years later, could also be @ very tough politico-cultural commissar). When she left she said to me: "M. KI., vous devez augmenter le ée, Cest nécessaire ettrés, ts important”. As I was rather pessimistic about the special results of this committee at that time and as I believed that museology never seems to become a specific scientific discipline { id not try to realize her proposal to enlarge ICOFOM, but I decided not to renew my activities after the ending ofthis legislative period. At the close of these rather active three years of seeking, but not yet finding the real answer, there commenced ‘a news period for the committee as Vinos Sofka realized the publication of volume 1 of the Museological ‘Working Papers. The "Ieitmotiy" ofthis first edition was the principle question of ICOFOM "Museotogy - science or just practical museum work. For this purpose the editorial board members Jensen, Klausewitz, Razgon and Sofka had written their attempts of concepts of the museotogy, while some leading muscologists gave very different answers and partly contradictory comments Despite these stimulating activities the following two years were of almost total inaction, In 1980 Mrs. Vera Stana quitted her job as Professor Jelineks assistant for ICOFOM, what after my opinion and experience was a ‘great loss for the committee, Two years later the President resigned from the chairmanship. ICOFOM was on the way of dissolution, With the annual meeting, 1982 in Paris the decline was stopped and the recovery of the committee commenced thanks to Vinos Sofka's very creative activities. He assembled learned and experienced museologists as experts ‘and was able to get the necessary financial funds, especially for the publications, During the following years ICOFOM was undergoing a very suecessfl golden season under his auspices. Owing to Vinos' results I became an advocate for the museology as a scientific discipline Résumé: Dans ce rapport sur histoire de Comité international de ICOM pour ta muséologie pendant la premire Législature, la raison de fa fondation de ce comité en 1977 est mentionnée. De plus les deux conférences en 1978 et 1979 avec les différents essais sans succes de trouver un concept et une base théorétique sur la muséologie comme une discipline de science sont décrits. Vers la fin de cette période edn 1980 le journal "Documents de travail sur la Muséologie’ etait fonds. Cette publication et, aprés une phase de déclin, fa conférence a Paris en 1982 devenaient le commencement d'une époque couronnée du succés et trés fructueuse de NICOFOM. Premiére Partie Part one MEMOIRES « Peut-on décrire une expérience de mémoire ? Qu’est-ce qui signe la mémoire dans une image du passé ? Soudain un parfum ?.... » Jacques Roubaud Musée et mémoire nous semblent si proches, voire presque synonymes, qu’on peut se demander pourquoi aborder ce theme en muséologie. On verra pourtant que toutes les communications qui composent ce recueil attestent de la grande actualité et des multiples aspects de la mémoire que Paul Valéry définissait comme I’ « avenir du passé ». En 1995, lors de la réunion de VICOFOM a Stavanger, quand ce sujet fut choisi pour le colloque de 1997 en France, le monde occidental rentrait dans l'ére de commémoration de la fin de la 2e guerre mondiale. Ces commémorations nous interrogent sur le temps et la relation que nous entretenons avec lui. Mais nous savons que le projet commémoratif se situe a lopposé méme de la réflexion historique. I] n’est pas inopportun alors d’analyser comment le musée aborde la mémoire. Aujourd’hui, en France, elle est au premier plan avec la question des « MNR » (Musées Nationaux Récupération : il s’agit des biens confisqués par Voccupant allemand et récupérés par I Etat frangais). La encore - de méme que pour le débat des « arts premiers » abordé plus loin - la muséologie aurait, selon nous, a prendre position. Le philosophe frangais Paul Ricoeur rappelle d’ailleurs qu’oub! et pardon ne sauraient coexister, car le pardon exige la mémoire L'une de nos préoceupations, lors de la préparation de ce colloque Muséologie et Mémoire, fut de Vouvrir par une approche véritablement plurielle du théme, car nous savons tous par expérience que la mémoire est entretissée de notre histoire personnelle, d'événements publics, de sensations, d'émotions, de connaissances acquises et d'imagination. Dans le champ culturel, les innombrables références 4 la mémoire faites par-les.podtes.et Jes artistes dans.teurs-oeuures deviennent 4 leur tour sources de résonances. Tl semble que le nombre aujourd'hui de plus en plus grand de ces références tend a mettre en accusation la pauvreté sémantique de Vinformation dans le monde fictif des images, la vacuité de sa surabondance, son fréquent non-sens ainsi que l'appauvrissement des mémoires personnelles face au développement d'un culte patrimonial croissant. La réflexion sur la mémoire ne saurait done relever de la seule approche intellectuelle ; la conscience des résonances émotionnelles et l'approche sensible sont par essence complémentaires et indispensables. Or qui mieux que les artistes - qu'ils soient poétes, plasticiens, compositeurs etc - est A méme de saisir globalement les deux dimensions essentielles de la mémoire, A savoir le temps et l'espace, et de les exprimer ? Ne sont-ils pas, souvent de 19 maniére souterraine, les garants les plus fervents de la mémoire ? L'investissement total de leur subjectivité dans Ia création, leur sensibilité au temps qui passe sur les choses, et ce qwils en expriment dans leur ocuvre, en sont la preuve. Faut-il rappeler enfin que I'historien médigviste Georges Duby qui avait, parallélement a son travail d’historien, une intime fréquentation de l'art contemporain et des artistes, disait que histoire n'est rien sans la subjectivité de la mémoire ? Crest pourquoi le travail que nous ménerons ensemble est introduit par Kintervention de personnes dont la recherche et Ia pratique s'exercent dans d'autres domaines que la muséologie ou le seul travail de musée. Ainsi avons-nous sollicité les interventions orales de Jean-Christophe Bailly!, écrivain, et de Pascal Convert? artiste plasticien, leur demandant de témoigner de leur démarche de créateur dans laquelle la mémoire est largement impliquée, De méme avons-nous sollicité un texte d’un autre artiste, Yann Toma (ISS 27). Parallélement, il nous a semblé également important, pour nos amis de l'ICOFOM ainsi que pour nos collégues du Laboratoire de recherche des musées de France que nous avons voulu associer de prés A cette manifestation, qu'une exposition légére stinstalle dans le Laboratoire. Les photographies de Dominique Evrard 3 que notre directeur Jean-Pierre Mohen a exceptionnellement accepté d'accueillir dans ces lieux, sont done les témoignages sensibles de la place de la mémoire dans oeuvre des artistes. Par ailleurs cette diversité de regards qui peut concerner tous les musées - archéologie, ethnologie, histoire, art ... - nous rend conscients des différences qui existent entre la démarche créatrice ct Ia pratique muséale, et cela pour tenter éventuellement de les associer. Pour l'artiste, dans son appréhension de "la réalité totale, indivise du monde" (Ernst JOnger), le temps de la création est un temps rassemblé - ou dilaté - pleinement reconnu : le temps qui passe sur les choses, leur usure, son empreinte, leur disparition. L'artiste travaille sur les déchets, sur la perte. Son oeuvre constitue la mise en accusation ou, au contraire, la célébration du temps qui passe. Elle se situe dans I'intemporalité. De méme l'imaginaire abolit espace - ou en magnifie les distances - donnant a l'art sa dimension d'universalité. A Vopposé, le musée, par sa démarche logique de recherche et de conservation, cherche & annuler les effets du temps sur les objets et les oeuvres. II collecte les vestiges, en évite la disparition et les transmet aux futures générations. Puis il déroule des chronologies, il évoque et situe les distances, marquant la diversité des civilisations, des cultures et de leurs témoins. L'autre question qu'il nous a paru important d’aborder en ouverture de notre colloque, et l'on verra que la mémoire y est impliquée, est celle du débat actuel en France des arts premiers que, jusqu'a il y a peu, on appelait arts primitifs, débat auquel le Comité international pour la muséologie ne saurait fester étranger. En effet, A l'initiative du président de 1a République, il a été décidé d'agrandir et de réaménager totalement le Musée de I'Homme a Paris pour y déployer les collections d'ethnographic lointaine et en souligner la dimension esthétique. Jean-Pierre Mohen, archéologue 4, fera le point sur ce débat. 'y.C. Bailly a publié entre autres Description d'Olonne, Bourgois, 1992 ; L'Apasiraphe muette, Hazan, 1997 ; Le Propre dh Tangage, vovage au pays des noms communs, Le Seuil, 1997 2 Cf. plus loin le texte de G. Didi-Hubermann 3 Cf. plus loin le texte de D. Evrard et aussi Part de 'Ombre, photographies de D, Evrard, textes de JL. Daval, Mark di Suvero, Richard Nonas, éd. Skira, Genéve, 1993. Dans oe domaine, JP, Mohen a publié Les Riles de 'au-deld, éd. Odile Jacob, Paris, 1996. 20 t Nous savons que dans les pays of les religions gardent une expression symbolique vivante 5, des objets transmetteurs de ces symboles, enjeux d'une mémoire vive et le plus souvent empreints d'une valeur esthétique certaine (cf. Michel Leiris) continuent d’étre vécus dans leur fonction, a leur place d'origine ce qui justifierait d’exiger qu'ils échappent au musée. Mais de tels objets ont été le plus souvent arrachés, volés, confisqués par les colonialismes et Ia domination exercés par les pays riches. Leur retour est a l'ordre du jour désormais, non sans problémes. Alban Bensa®, anthropologue, spécialiste de la culture kanak de Nouvelle-Calédonie, ow la domination frangaise l'avait trop longtemps ignorée, a accepté de témoigner de la création en cours du Centre culturel Jean-Marie-Tjibaou, prés de Nouméa. Il est ainsi, avec I'architecte Renzo Piano, I'un des deux acteurs soucieux de revaloriser la mémoire et la culture kanak et de faire reconnaitre la dignité de ce peuple. Enfin, comme lors de chacune de nos réunions, un état de la muséologie et de son enseignement sera présenté par le professeur Jean Davallon, de l’Université de Saint-Etienne. Nous tenons 4 remercier trés vivement ces intervenants d'avoir accepté de nous rejoindre en prenant la parole ou en présentant leurs oeuvres, car leurs interventions ne manqueront pas d'enrichir les débats de I'ICOFOM. Mathilde Bellaigue, André Desvallées, Michel Menu avril 1997 5 Cf. nos débats sur le theme Mustologie et Ar (Rio de Janciro, 1996) © A. Bensa a notamment publié les ézits de JM. Tjibaou, leader de Tindépendace kanak (assassiné cn 1989), sous le titre La Prisence Kanak, 64. Odile 1006, Pais, 1996. 21 MEMORIES “Can experience be described from memory? What sets its mark on memory in a picture of the past? Suddenly a fragrance?” Jacques Roubaud Museum and Memory seem so close to us, almost synonymous, that we can wonder why we approach this theme in museology. Nevertheless, we can see that ail the papers presented in this volume show how timely the multiple aspects of memory are, that Paul Valéry described as “the future of the past.” In 1995, during the ICOFOM meeting in Stavanger, when the subject was chosen for the 1997 symposium in France, the’ western world entered an era of ‘commemoration of the end of the Second World War. These commemorations question us about time and what our relation to time is. But we know that memorial projects are just the opposite of historical considerations. It is not untimely to analyse how museums approach memory. Today in France memory is on top of the agenda with the question of "MNR” (National Museums Recuperation: goods that were confiscated by the German occupier and recuperated by the French State). Here again ~ just as in the debate on “first ari” addressed later — museology should, according to us, take a stand. Paul Ricoeur, the French philosopher, reminds us that forgiving and forgetting cannot coexist, because forgiveness requires memory. While we were preparing this symposium on Museology and Memory, one of our preoccupations was to open a truly plural approach to this theme, because we all know from experience that memory is interwoven with our own personal history, public events, feelings, emotions, acquired knowledge and imagination. In the field of culture, the innumerable references to memory made in their work by poets and artists become, in turn, a source of resonance. It seems that the increasing number of references to memory would incriminate the semantic poverty of information in the fictional world of images, the vacuity of its over abundance’ and often its meaninglessness, as well as the impoverishment of personal memories, while on the other side we have the increasing development of a cult of patrimony. Our thoughts on memory should therefore not arise only from an intellectual approach: awareness of emotional reverberations and a sensible approach are by their very essence complementary and indispensable. Who better than artists - whether poets, visual artists, composers, etc. — are Prepared to grasp globally the two essential dimensions of memory, that is to say time and space, and 10 express them? Are they not, in an often underground manner, the most fervent guarantors of memory? The total investment of their Subjectivity in the creation of their work, their sensitivity 10 time that passes over 22 things, and how they express it, are proof enough. Should we call to mind the medievalist historian Georges Duby who, at the same time as he worked as an historian, had close contacts with contemporary art and artists, saying that history is nothing without the subjectivity of memory? This is why the work which we will undertake together is introduced by papers by people who do their research and practice in fields other than museology or only museum work, Thus we have solicited oral presentations from Jean-Christophe Bailly!, writer and poet, and Pascal Convert?, visual artist, asking them (o explain the broad involvement of memory in their creative process. In the same way, we have asked for a paper from another artist, Yann Toma (ISS 27) In parallel action, it seemed to us equally important for our ICOFOM friends, as well as for our colleagues of the Research Laboratory of the Museums of France whom we wished t0 associate closely with this event, to have a small exhibition in the Laboratory. The photographs of Dominique Evrard which our director Jean- Pierre Mohen exceptionally accepted to receive on these premises, are perceptible evidence of the place of memory in the work of artists In addition, this diversity of approaches concerns all museums — archaeology ethnology, history, art ... — and makes us realise the differences which exist between the creative process and museum practice, in order to eventually associate the two. For the artist, in his grasp of the "total, indivisible reality of the world” (Ernst Singer), the time of creation is time assembled - or dilated - fully recognised: time which passes over things, their wear, their imprint, their disappearance. The artist works with litter, with loss. His work is an accusation, or rather a celebration of passing time. It is placed in timelessness. The same way imagination abolishes space - or magnifies distances — giving art its universal dimensions. Just the opposite, museums, in their logical action of research and conservation, try to cancel the effects of time on objects and works. They collect the remains, avoid their disappearance and transmit them to future generations. And then they unfold chronologies, call up and locate distances, mark the diversity of civilisations, of cultures and their evidence. Another question which it seemed to us important to address at the opening of our symposium, and where we can see that memory is involved, is the current debate in France regarding first art which, until recently, was called primitive art, a debate where the International Committee for Museology cannot remain aloof. At the initiative of the President of the Republic, it was recently decided to enlarge and completely reinstall the’ Musée de I’Homme tm Paris to display the collections of remote ethnography and emphasise their aesthetic importance. Jean-Pierre Mohen, archaeologist 7, will bring us up to date on this debate. We know that in countries where symbolic religious expression is still alive’, the objects which transmit these symbols, invested with living memory and most often marked with a definite aesthetic value (cf. Michel Leiris), are still living in their 1 J..C. Bailly has published, among others, Description d’Otonne, Bourgoi dtu langage, voyage au pays des noms communs, Le Seu, 1997 2 Cf see futherthe text of G. Did-Hulbermann 5 In this field J-P. Mohen has published Les Rites de au-deta, editions Odie Jacab, Pais, 1996, Cr our discusions on Museology and Art (Rio de Janeiro, 1996) B 1992 ;L'Apostrophe muewe, Hazan, 1997 : Le Propre function, in their original place, which justifies demanding that they should not be put into @ museum. But these objects are most ofien pulled up, stolen, confiscated by colonialism and the domination exerted by rich countries. Their return is now on today's agenda, but not without problems. Alban Bensa>, anthropologist, specialist of Kanak culture of New Caledonia, where French domination ignored it for too long, accepted to speak about the Cultural Centre Jean-Marie-Tjibaou, near Nouméa, He is, along with the architect Renzo Piano, one of the two actors intent on bringing to our attention the value of Kanak memory and culture, and recognising the dignity of these people. Finally, as with each of our ICOFOM meetings, the state of the art of museology and its teaching is on the agenda. This year Professor Jean Davallon, of the University of Saint Etienne will address this issue. We wish to thank warmly each one of our contributors who has accepted to join us by speaking or presenting papers, as their contributions will greatly enrich ICOFOM debates. Mathilde Bellaigue, André Desvallées, Michel Menu April 1997 > A. Bensa has published the writings of J-M. Tjibaou, Kanak independence leader (assassinated in 1989), under the ttle La Présence Kanak. editions Odile Jacob, Paris, 1996. 24 Résurgence Jean-Christophe Bailly C’est du fond lointain des cours de géographie du lycée que surgit la résurgence, selon un schéma en coupe incluant le cheminement souterrain de l'eau jusqu’a son retour a Pair libre, en aval. Mais par-dela ce schéma et ce qu’il permettait de vague réverie [...] la résurgence s’impose comme une allégorie ou comme un modéle du souvenir. Se souvenir en effet n’est rien d’autre que laisser ressurgir ce qui plus ou moins longtemps et perfois trés longtemps fut enfoui. Fluide comme l'eau, le souvenir, de l’impression qui le forme jusqu’a la sortie qui le retrouve en passant par la grotte oil il stagne, respecte intégralement le schéma de la résurgence : nous serions donc comme un versant, une terre en pente, et comme le promeneur qui la descend et & qui toute remontée est interdite. Le seul accés que nous ayions vers VPamont, c’est par I’entremise de ce qui a dévalé en nous ou comme au dessous de nous que nous I’apercevons. L’amont disparu conservé a l’abri dans la descente puis revenant, tel est le souvenir --pseudo-retour, résurgence. En aval Pimpression est avalée : elle entre en nous, sous notre terre, dans notre grotte. [...] Mais cette impression ne devient pas aussitét souvenir, il lui faut d@abord patienter dans une sorte de sas, plus ou moins longtemps. Cet état intermédiaire du passé qui n’est. pas encore réalisé comme souvenir, nous ‘le mesurons lorsqu’il advient que nous ayions & nous souvenir de quelque chose de récent : bien souvent cela demande un effort et se présente comme une véritable lacune, mais surtout, ce que nous parvenons alors A extraire n'a pas encore la qualité ou la teneur du souvenir proprement dit. Bt c'est lorque V'impression a été forte ou terrible et - justement - inoubliable, que la difficulté est la plus grande. Tl en va ainsi, notamment, pour le temps de forage qui est celui du deuil. [...] Cette vie du souvenir resemble structurellement a Poubli, de l’oubli elle a tous les traits. Et ici le modéle géographique se maintient et se serre ; la mémoire apparait comme un bain, citerne enclose ou, mieux, réseau de lacs souterrains communiquant tous entre eux et capables a la fois de tout retenir et de libérer a n’importe quel moment une parcelle de leur savoir. Entreposés dans ce réseau, les souvenirs y flottent, sans attaches. Loin d’étre rangés chronologiquement selon leur ordre d’entrée, ils se croisent, se télescopent, s’en vont, reviennent comme des bancs de poissons cellulaires - certains gobant les autres, d’autres formant entre eux des chaines, d’autres encore tombant tout au fond, Ici l’archiviste est endormi, ou bien réve, ou bien nage, mais commé le « nageur aveugle 5 de Max Ernst. Les souvenirs, comme on le sait, reviennent, soit 4 la faveur d’une impression extérieure donnée par le présent, soit au sein d’un état de reléche ou de réverie qui les laisse remonter, comme par une buse. Mais 4 la différence de l’eau rendue par la résurgence, qui demeure identique aprés son séjour souterrain, I’image donnée avec le souvenir n'est jamais intacte : il y a une mémoire du souvenir qui n’est pas celle, localisable, de 'impression originaire, mais celle du bain ot il a séjourné. Le souvenir se souvient de la mémoire et en est imprégné. Tandis que les images de réve sont comme des poissons encore tout humides et obscurs, celles de la réverie ont été filtrées, et celles que I’on fait revenir par une nécessité du discours sont comme séches. Mais & aucun moment et quelle que soit |” importance du filtrage, le souvenir n'est le retour pur et simple de ce qu’il fut, et c’est pourquoi, 25 statutairement si je puis dire, il confine a [illusion tandis que formellement il se déroule comme un film : non seulement en partie effacé ou sans mise au point, mais surtout saturé de fondus-enchainés imprévisibles, agrégeant parfois ce qui fut proche mais souvent aussi formant des chaines continues avec des éléments disparates, comme en un montage dont nous ne serions pas les maitres. Inépuisable, on le sait, est le flux de cette résurgence. Malgré les abimes qu’elle cétoie, nous la considérons la plupart du temps comme un bonheur : parce qu’avec elle le temps se délite de la menace de I’événement, comme aiguillé sur une piste secondaire qui est 4 la fois une autre vie et une immortalité feinte. Que cette piste soit aussi celle de 1°écriture, que toute écriture comporte le plaisir de la répétition et soit en un sens résurgence, ce serait Ia sans doute une évidence facile a tracer méme si Marcel Proust, le plus exercé des pilotes de cette piste secondaire, n’avait pas existé - n’existant, semble-t-il, que pour que le « lac de mémoire », d’antique formation et plutdt sombre, puisse miroiter sous la lumiére étale du temps retrouvé (Le Propre du langage, voyage au pays des noms communs. Le Seuil, 1997) As we remember from our far away school geographic diagrams, water surges from underground, then runs towards open air, flowing through lakes, sleeping in caves, then flowing down again. The author compares it with the course of memories. They escape from chronology, from any order, surging out of a feeling, of a state of idle thinking. Then, different in that from the water that remains the same all through its course, remembrances, when re-appearing, are never exactly the same as they originally were, but seem impregnated by memory itself. Writing may involve the pleasure of repetition, of that resurgence bringing to light the dark "lake of memory”. 26 , | , A propos de Pascal Convert : La demeure (apparentement de l’artiste) Georges Didi-Huberman Porte Nous poussons une porte blanche, et s*ouvre devant nos yeux espace d'une demeure dont nous ne pouvons prévoir I’extension, l’agencement ni le plan (le plan spatial ou le plan stratégique). Un plan, cela s*appréhende de haut, comme dans le jeu d’échees ou comme lorsque nous cherchons un trésor a l’aide d’une vieille carte. Mais, ici, lorsque nous abordons I’exposition de cette oeuvre encore jamais montrée de fagon si extensive, nous sommes @ méme le lieu ol elle nous impose ses conditions de regard, nous adhérons trop a sa nouveauté pour en prévoir l'enjeu, la fin, Tant mieux. Cela nous obligera a éprouver notre regard dans son temps réel, qui est le temps de la surprise, du dessaisissement, et done a ne pas préjuger trop de ce que nous y verrons. Pascal Convert est un jeune artiste, comme on dit. Cette expression, le critique dart volontiers l’emploie pour ne point s’en inquiéter, ou pour peu lui demander : il lui suffit généralement de cautionner en quelques lignes ce qui, dans le « jeune artiste », d’abord procéde de ses ainés - c’est-a-dire de "histoire de l'art - , et ensuite « promet » pour l’avenir - l'avenir de l’histoire de I’art - au titre de quelque nouveauté, thématique ou bien stylistique. L Facade avec toiture 11 y avait autrefois, sur une falaise abrupte de la céte des Basques, a Biarritz, trois demeures abandonnées ensemble, trois demeures aux noms étranges ou bien communs, c’est selon : Itxasgoity (ce qui signifie A peu prés « la maison de 1a- haut» ou « au-dessus de la mer»), Argenson, Belle-Rose. Pascal Convert les a découvertes en compagnie de Didier Malgor, vers 1983, dans la plaisir enfantin de franchir quelques palissades, d’ignorer les panneaux « Danger! », et d’entreprendre la toute une série d’explorations initiatiques évoquant le Stalker de Tarkovsky. Ces demeures ruinges étaient ressenties, littérairement et visuellement, comme de grands squelettes-vides.: il.n?y avait plus rien a Iintérieur, tout-avait été dévasté, Des bréches dans le sol faisaient voir I’océan battant, tout en bas, et par temps de tempéte les embruns envahissaient tout I’espace ouvert aux vents violents. Un lieu ruiné, done, un lieu en état de chute constante et inexorable. Mais aussi, et dans le méme mouvement de pensée, un liew généalogique, un lieu oit les familles vécurent et se détruisirent devant la mer, suscitant chez les deux amis une sorte de curiosité fiévreuse et systématique A I’égard du site, prenant corps dans un véritable « état des lieux » topographique, géologique - méme le fond marin, le gouffre faisant face aux falaises, fut interrogé - prosopographique et généalogique. Ce qui fascinait I’artiste dans cette architecture littéralement ouverte, c'est que les carcasses imposantes faisaient le cadre - I’écrin labyrinthique et décharné - d'un 27 spectacle vide, un spectacle du vide. Perchées en haut de la falaise, les trois demeures ne donnaient a voir, pour qui y pénétrait, que leur propre déréliction architecturale et le pan frontal d’un ciel mélé d’océan. Ne voir a travers ces fenétres sans vitres que le bleu océan, c’était, dans les propres termes de Pascal Convert, ne voir qu’un « plan vide » sans « aucun effet de perspective ». La trouée du lieu, étrangement, frontalisait le visible. II n’y avait 4 voir qu’un fond, qu’un front d’azur évoquant, imposant - aussi bien verticalement qu’horizontalement, la réside une grande part du trouble suscité par cette expérience - la perte a perte de vue Puis, les villas ont é&é détruites, érasées, écrasées dans le plan de la falaise. Ne resteront & jamais que des traces - vestiges, fragments prélevés 4 temps, image, croquis, notes écrites, souvenirs - téinoignant de ces demeures chues, de cette chute témoignant elle-méme, mais muettement, d’une faute ou d'un drame dont nous ne saurons jamais rien. Le pourquoi de toute cette ruine, qui certainement nous regarde intimement, mais ne se voit nulle part. Ne restera d’abord, dans le travail de I’artiste, qu'un acte de la découpe, comme \inscription optique réversible (en positif ou en négatif), Vinscription rémanente d’un profil perdu. La découpe, acte élémentaire du dessin - celui que suggére le contour indiciaire d’une ombre sur un mur, ou bien la déchirure pratiquée par Marcel Duchamp dans un papier, en guise d’autoportrait -, permet d’éléver verticalement ce qui va se retirer ou s’effondrer. Ou plutot, la découpe chez Pascal Convert éléve verticalement ce qui s'est déja effondré, et c’est 1a une fagon d’indiquer que le dessin s’oriente non pas vers la présence, mais vers Vabsence, non pas vers la description du visible, mais vers un travail visuel de la mémoire prenant acte d’une disparition.« Il n’y a pas d’objet mais des formes découpées qui produisent une transparence. Les formes découpées que jutilise sont des frontiéres visuelles. I n’y a pas dépassement de V’objet, peut-étre un dépassement de Ia vision, une possibilité de voir hors-champ tout en restant dans le champ ». Salon avec lamb l.1 On peut alors imaginer que "Appartement - comme toute demeure, aprés tout - protégerait 1a quelque secret généalogique, que |’artiste serait peut-étre le dernier & pouvoir formuler : il met en scéne le liew d'un secret, ce qui ne signifie pas, bien str, qu’il sache le résoudre ou qu’il veuille nous le dévoiler. Replige sur son secret constitutif, sur son-« intimité» et son caractére « privé » ~ téfectif - a l'exeés, la demeure de Pascal Convert prend le temps, dans le temps de sa transformation, de construire sa mémoire opacifiée. Le lieu de dépét ou de « déposition » de sa mémoire. Cela donne a toutes ces oeuvres un caractére de révoir mélancolique confronté 4 la mémoire comme a sa limite méme - c’est-a-dire confronté & une structure d’oubli, bel Crypte tl 28 Dans ces objets, dans ces lieux de mémoire généalogique qui ne cessent de se dédoubler, comme pour approfondir, mais aussi comme pour dévoyer le contenu de cette mémoire, Pascal Convert tresse subtilement deux modalités hétérogénes de la réminiscence. Elles recouvrent plus ou moins les deux sens possibles que nous pourrions donner au mot d’histoire : il y a d’un cété I’histoire immense et extensive des objets qui s’engendrent les uns les autres dans les temps des civilisations, des communautés ; il y a de I’autre cété une histoire absolument resserrée, intense, une histoire - une autobiographie - qui oriente tout depuis son obscurité méme et son refus 4 se raconter. C’est ainsi que nous devrons (le jour of nous pourrons faire I’ histoire » de cette ocuvre) dialectiser constamment les références réfléchies que Pascal Convert développe a I’égard d°autres oeuvres dont il assume le legs - par exemple celui du minimalisme de Tony Smith, de Donald Judd ou de Robert Morris = avec une implication de ce legs dans le legs absolument charne! et proche, le legs muet d’expériences ou d’événements privés, mémorables ou oubliés. bl Porte [el La demeure réinventée de Pascal Convert ne manifeste elle-méme ni nostalgie, ni goat de l’archaisme (voire de l’archétype). Mais elle travaille, de fagon absolument moderne et non régressive, sur une temporalité d’anachronisme, un temps qui n’est pas le sien. Moyennant quoi, elle enchasse cet anachronisme dans une grande question généalogique, la question que tout artiste s’est posée ou se posera a quelque moment, sur le temps des siens. 29 About Pascal Convert : The abode (apparent kinship of the artist) Georges Didi-Huberman Door We push a white door, and the space of an abode opens up before our eyes. We cannot anticipate how large it is arranged, or how it is planned (either spatially or strategically). Plans are best understood from above, like a game of chess, or when ‘you go treasure-hunting with an old map. Here however, when we approach the exhibition of this work - hitherto never shown this comprehensively - we are right in the thick of the place, where the work dictates its conditions to the onlooker, and we cling too closely to what is novel about it, thus failing to foresee both its challenge and its end. All well and good. This will force us to experience the way we look in the eye's real time, which is the time of surprise and relinquishment, and, accordingly, not make any overly hasty judgement about what we see in it. Pascal Convert is a young artist, as they say. Art critics readily use this expression because they do not need to lose any sleep over it, or tax it too hard. As a rule, all the art critic need do is lend his approval, in just a line or two, to what, in the "young artist”, issues first and foremost from his seniors - in other words, from art history «, and subsequently what "promise" it holds for the future - the ‘future of art history, that is - by way of something novel, be it thematic or stylistic. bod Facade with roof Once upon a time, on a sheer cliff on the Basque coast, near Biarritz, there were three abodes, left derelict together, three abodes with strange or rather ordinary names, depending on your point of view: Itxasgoity (which, losely translated, means "the house up there"), Argenson, and Belle-Rose. Pascal Convert came upon them with Didier Malgor, in 1983 or thereabouts. Like romping lads, they scaled a few fences, paid no heed to the “Danger!” signs amd embarked on-a-whole series of initiatory explorations redolent of Tarkovsky's Stalker. Those ruined abodes were experienced and absorbed, both in a literary and a visual way, like large, empty skeletons. There was nothing left inside them. Everything had been ransacked. Gaping holes in the floor offered glimpses of the ocean pounding away far below. And when storms blew in, spindrift swept up and filled all the rooms, now exposed to the fierce winds, A ruined place, then. A place in a state of on-going and relentless collapse. But also, and in the same train of thought, a genealogical place, a place where families once lived, and went to rack and ruin by the sea. All this stirred in the two friends, a sort of frenzied and systematic curiosity about the site, which took the form of a 30 veritable « inventory » cum « statement of state of repair », at once topographical and geological - even the sea-bed, the abyss beyond the cliffs, was examined -, at once descriptive - prosographical - and genealogical. What really caught the artist's eye, in this literally open architecture, was the fact that the impressive hulks formed the frame - the gaunt and labyrinthine case - of an empty spectacle, a spectacle of the void. Perched on the top of the cliff, all the three abodes offered anyone venturing inside them was their own architectural dereliction and the seaward section of sky merging with ocean. Seeing just the blue ocean through those unpaned windows was, in Pascal Convert's own words, seeing no more than an "empty plane" without any "perspectival effects". Oddly enough, it was the breach in the place which turned what could be seen into something frontal. All there was to see was a backdrop, an azure front conjuring up and imposing loss, as far as ihe eye can see - vertically every bit as much as horizontally, wherein resides much of the confusion prompted by this experience. The villas were then destroyed, obliterated, and flattened, becoming one with the cliff. All that will remain, forever, is traces - vestiges, fragments removed in the nick of time, images, sketches, jottings and recollections -, so much evidence of those fallen abodes, of that fall itself attesting, albeit mutely, to an error or drama which we shail never know anything about. Such are the whys and wherefores of all this ruination, which certainly closely concerns us, but is actually nowhere to be seen. All, firstly, that will remain in the artist's work is an act of cutting out, like a reversible optical inscription (positive or negative), the residual inscription of a lost silhouette. The section, which is an elementary act of drawing - an act which suggests the tell-tale outline of a shadow on a wall, or alternatively the tear made by Marcel Duchamp in a sheet of paper, masquerading as self-portraiture - helps to raise vertically what is about to subside or collapse. Or rather, the section, in Pascal Convert's work, raises vertically what has already collapsed. This is a way of indicating that the drawing is aimed not at presence, but rather at absence; not at a description of what is visible, but at a visual work, undertaken by the memory, recording a disappearance. "There is no object; the sectional forms that I use [...] are visual boundaries. The object is not challenged. It could be that vision is challenged, that there's a possibility of seeing beyond the field of vision, outside the frame, while at the same time remaining within it." J Drawing-room with wood-panelling Lod oH So it is possible to imagine that the Apartment- like any abode, after all - might he protecting within it some genealogical secret, which the artist would possibly be the very last person to be able to formulate. He sets the stage for the site of a secret, which, needless to add, does not mean that he might be in a position to solve it, or that he might feel inclined to reveal it to us. Turned inward upon the secret that constitutes it, and upon its "intimacy" and its excessively "private" - defective - character, Pascal Convert's abode takes its time, within the period of its transformation, 10 construct its opacified memory. The place where the deposit or deposition of his memory is made. This lends all these works a character of 31 melancholic dream-box, confronted with memory and its very limit alike - in other words, confronted with a structure of oblivion. ful Crypt bod In these objects, in these places of genealogical memory which are forever being duplicated, as if to deepen but also to mislead the content of this memory, Pascal Convert subtly weaves two heterogeneous forms of reminiscence. They more or less cover the two possible meanings that we can earmark for the word history: on the one hand, there is the immense and extensive time of the civilizations of communities. On the other hand, there is an absolutely contracted and intense history, a history - an autobiography - that steers everything, from its very obscurity and its refusal to recount. It is thus that we should (the day when we can make the "history" of this work) constantly render dialectic the carefully considered references that Pascal Convert develops in relation to other works whose legacy he assumes - for example, the minimalism of Tony Smith, Donald Judd and Robert Morris - with an involvement of this legacy in the absolutely carnal legacy at hand, the mute legacy of private, memorable or forgotten experiences and events, bol Door Lod The abode re-invented by Pascal Convert itself shows neither nostalgia nor a taste for archaism (or even archetype). But it works, in an absolutely up-to-date and non-regressive way, on a temporality of anachronism, a time which is not his. Whereby, it sets this anachronism within a major genealogical question, the question that all the artists have posed themselves at some moment or other, about the time of their kin, 32 Dominique Evrard, artiste photographe, & propos de son travail : « Mon travail photographique est un acte @ la fois instinctif et réfléchi - instinctif lorsque les choses et les lieux que je photographie viennent @ moi par surprise, comme surgissant frontalement, sans recherche ni provocation de ma part, simplement je les trouve sur ma route - réfléchi parce que tout mon passé comme mes choix esthétiques me poussent A déclencher non pas pour capter un instant fugitif et fragile mais pour saisir un temps immuable et définitif, I] s'agit pour moi de faire des photographies du temps de tout tomps, d'objets et de licux de tout liew. Les photographies de ruines romaines ou des excroissances rocheuses du désert ne me parlent pas du passé, de la mémoire de Rome ou de I'usure par le vent et le sable du désert. Elles sont des formes émouvantes et impassibles qui pénétrent mon intimité, des champs de réve propices a la contemplation et a la médita hors du temps et de toute situation puisque justement de tous les temps et de toutes les situations Je déclenche l'appareil non pas pour me souvenir de "comment ga a été", mais plus naivement pour "voir ce que cela donne" en photographie. La photo une fois tirée ne m'évoque plus alors ni le moment ni les circonstances de la prise de vue, elle existe en soi comme un nouvel objet autonome, "hors mémoire”, qui me procure un plaisir infini et sans cesse renouvelé sans commune mesure avec ce que j'ai vu dans mon viseur. La recherche de photographies n'est plus importante, -seule.compte-la- présence de leur réalité. Finalement, peut-étre mon travail se construit-i] contre la mémoire - ou plutét entre ses interstices comme dans les mailles d'un filet - et que seuls les objets ont une mémoire mais que nous ne la connaitrons jamais. » 33 Dominique Evrard, photographer, (talks) about his work My photographic work is both an instinctive and thougtful act : - instinctive when things and places I photograph come to me unexpectedly, as though they appeared in front of me, without me searching for or creating the circumstances to meet them, I simply find them on my way, - thougiful because my past as well as my aesthetic choices make me release the shutter not to catch a fugitive and fragile instant but to seize an unchanging and final moment. For me it is a matter of producing photographs of time from all times, objects and places from all places. Pictures of Roman ruins or rocky outgrowths in the desert do not tell me about the past, the memory of Rome or about wear caused by sand and wind. They are moving and impassive forms that touch my inmost self: dreaming spaces propicious to contemplation and meditation, outside time and all situations, because from all times and all situations. I take the picture not to remember "how it was" but for a more naive reason to see "what could turn out" if I used photography. Once the picture is made it will no longer ‘make me think either of the moment or the circumstances of the shot; it exists by itself like a new object, “outside memory", giving me infinite pleasure, for ever renewed, that cannot possibly be compared with what I saw through the viewfinder. The search for photographs is no longer relevant, only the presence of their reality counts. Finally, my work is perhaps built against memory.or rather between its interstices like in a net's mesh - and only objects have a memory, but we shall never know it, Musées et « arts premiers » Jean-Pierre Mohen. Le débat qui anime les spécialistes des musées aussi bien que les ethnologues ot que les politiques a propos des « arts premiers » n'est pas nouveau. Si l’actualité sur ce sujet semble si présente c’est que ce débat atteint aujourd’hui une dimension universelle qui ne concerne plus telle ou telle partie géographique du monde mais une vraie relation entre ce que nous sommes dans notre projet quotidien et ce que nous héritons d'un passé a la fois étranger et intime. Voyons comment nous sommes passés de la découverte curieuse des arts premiers au XVIlle siécle a cette interrogation fondamentale et modéle sur la muséographie. Plusieurs phases apparaissent dans I’évolution de la muséographie des arts premiers, qui correspondent a des conceptions précises de l’ethnographie, abondamment illustrées dans de nombreux ouvrages, et a la vision d’un monde occidental qui s’est progressivement mondialisé 1) - La découverte naturelle de l'autre - le cabinet de curiosité. La rencontre avec des humanités différentes de la n6tre, lors des grands voyages d’exploration, de La Pérouse a Cook dans le Pacifique, s’accompagne de constitution de collections comme celle que réalise en 1748 Duhamel du Monceau pour le roi Louis XV. Le sentiment généralisé est que ces.« peuples, éloignés par les temps et par les lieux » nous renseignent sur un état « primitif » de notre propre humanité. La présentation des objets, trés décorative et symétrique, s*inspire des trophées. Un siécle plus tard, ce choc émotionnel donne naissance, avec Boucher de Perthes, a une démarche géologique qui introduit une notion réelle du temps, celle de la préhistoire, La présentation des silex et des os préhistoriques garde Vordonnancement de la panoplie. 2) - La vision taxinomique, propre aux sciences naturelles, permet, a la fin du XVIIle sigcle et dans la premiére moitié du XIXe siécle, de classer les objets «primitifs » et de les dénommer. Le meilleur exemple de cette tendance est la présentation du Pitt Rivers Museum 4 Oxford. La forme de l’objet, sa typologie, sa valeur esthétique et fonctionnelle sont prises en compte dans des vitrines didactiques et des catalogues dont le but est une maitrise intellectuelle de la variété des collections et de ses catégories. 3) - L’évolutionnisme, d’abord défini avec ies éires vivants, est appliqué, dans ta deuxiéme partie du XIXe sigcle aux collections d’art primitif. L'idée que celles-ci représentent les étapes successives du développement de I’humanité, étapes figées pour certaines sociétés « non évoluées », trouve une justification dans le systéme des trois Ages défini dés 1836 par le danois Chr. Thomsen, a partir de 1’examen des séries archéologiques du musée national de Copenhague. Selon lui, ’humanité était passée par un Age de pierre, un Age du bronze et un Age du Fer. Henri du Cleuziou écrit en 1887 : « Tout cela est logique et naturel. Apras s*étre servi de ses ongles, de ses dents, de ses pieds, de ses mains, l'homme primitif s'est servi de branches d'arbres, de morceaux de bois et de pierre ». Ainsi, les objets des Iles Marquises ou de I'lle de Paques appartiennent-ils au premier stade ; ceux d’Amérique pré- 35 colombienne sont du deuxiéme stade ; |'Age du Fer correspondant aux périodes historiques. Dans ces expositions, 1a nature du matériau est mise en valeur. 4) - Lanthropologie comparée ou relativiste # été mise au point autant par Frantz Boas que par Marcel Mauss. Celui-ci a voulu avec Henri Hubert, du Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, créer une salle d’archéologie comparée a laquelle ils ont travaillé un quart de sitcle (jusqu’en 1927, date du décés d’H. Hubert). Leur but était de constituer I’« histoire ethnographique de |’Europe et de I’humanité», a partir des collections prestigieuses et royales comme celle de la Pérouse qui était alors au Musée de la Marine (iles Marquises) ou non moins intéressantes que celles de Piroutet (N°"® Calédonie) | Ils introduisent la notion de contexte technologique adapté a un mode de vie de chasseur, de pasteur, d’agriculteur, d’artisan ete. qu’ils croisent avec l’évolution historique. 5) - L’anthropologie confirmée du XXe sidcle selon l’analyse de James Clifford, commence dés le début du siécle avant I’engouement des artistes pour ce qu’il est convenu d’appeler « l'art primitif » - l'exemple de Picasso est bien connu avec Vintroduction dans le tableau Les Demoiselles d’Avignon de 1907, des formes inspirées de « statues négres». A la méme époque, Picasso explore aussi la sculpture ibérique antique qu’il imite dans des autoportraits. L’art « primitif », tribal ou antique, prend alors tout son sens « occidental ». I! acquiert, une valeur dite « universelle » qui n’est en fait qu’une restriction appauvrie, résolument non- ethnographique, de 1a forme de ces objets. Les surréalistes les utilisent aussi pour explorer selon leur propre démarche les étrangetés de 1’ame humaine. C’est 4 New York que se rassemblent pendant la guerre artistes et anthropologues, André Breton et Claude Lévi-Strauss. En 1984, I’exposition du MOMA, « Primitivism in Twentieth Century Art » fait apparaitre l’ambiguité de la frontiére entre art et science, entre esthétique et anthropologie. L’art du début du XXe sidcle, cherche de nouvelles expressions et de nouvelles forces dans ce qu’il est désormais convenu @appeler «Wart primitif ». Les conséquences peuvent étre ces dérives qui aboutissent a utiliser les « fétiches » primitifs en série, comme matériau, Mais quelques réussites d’expositions consacrées un style ou a une région ont été de grandes découvertes. 6) - L’idéologie de l’exposition internationale de-1937 est directement lige aux idées du Front Populaire que Paul Rivet et Georges Henri Riviére vont appliquer au tout nouveau Musée de l’Homme qui vient d’abandonner le concept de !’Exposition coloniale de 1930 et vient d’étre rebaptisé. Ils affirment que l'étude de I’homme est globale et que les frontiéres entre I’ethnographie, l’archéologie et la préhistoire sont « absolument artificielles ». Le message politique est clair, dans le titre comme dans la muséviogiey que «+*hamanité-est'un tout indivisible, non seulement dans lespace, mais aussi dans le temps » (P. Rivet, 1948). Une grande période commence pour I’ethnologie, faite surtout de missions, en Afrique, en Amérique du Sud, en Océanie, en Asie Les enquétes sur le terrain sont attentives ; elles sont les sources de nombreux ouvrages, de Marcel Griaule, Germaine Dieterlin, de Michel Leiris, de Claude Lévi- Strauss, de Maurice Leenhardt, de Victor Segalen ete... D’autres anthropologues comme Margaret Mead ct Bronislay Malinowski accomplissent des missions similaires a travers le monde. La recherche du contact intime avec les sociétés étudiées est de plus en plus exigeante. Si bien que surgit un doute terrible exprimé par exemple par M. Leiris : Pourquoi I’anthropologie n’est-elle 'apanage que des seuls occidentaux ? Quelle 36 | ( Iégitimité possédent-ils pour mener a bien des enquétes qui ne sont que partielles et qui ne peuvent avoir que peu de prise sur une réalité vivante collective et dynamique ? Des objets, collectés et envoyés dans les musées, sont accompagnés de films (Jean Rouch) et de bandes sonores. Témoins de leurs sociétés d’ origine, ils deviennent en méme temps nos propres fétiches (ceux de l’anthropologue puis ceux du visiteur d’exposition et du lecteur des compte-rendus des missions). Ces objets ont un pouvoir de fixation de nos propres artifices et doutes et ne servent plus seulement & édifier ou a informer. Ils rentrent dans une démarche herméneutique. L’exposition du Musée de I’Homme (telle qu’on le voit encore en 1997) illustre cette approche sensible. 7) - L'anthropologie structuraliste a été appliquée par Cl. Lévi-Strauss, davantage sur les structures de la parenté et sur les mythes, c'est-d-dire 4 partir d'une analyse trés linguistique de la société, que sur les évolutions des techniques dont s*est plutot occupé André Leroi-Gourhan. Les incidences sur la muséographie ont sans doute été importantes. I] convient de constater que peu de grandes expositions ou de grands musées ont illustré dans ce domaine la période comprise entre 1960 et nos jours. Le Musée des arts et traditions populaires du Bois de Boulogne a Paris, congu par G. H. Riviére est peut-étre le plus proche d’une vision structuraliste des sociétés. Celle-ci, dans ce cas précis, est apparue comme figée et Vévolution actuelle va dans le sens de la réintégration de la dimension historique. A. Leroi-Gourhan avouait la fin de sa vie qu’il aurait aimé avoir eu I’occasion de s'exprimer muséographiquement, ce qu'il a esquissé & Nemours. La pensée structuraliste est sans doute aussi a ’origine du Musée d' Anthropologie de Mexico, ot la démarche intellectuelle rejoint le sentiment identitaire. Mario Vasquez y superpose au niveau archéologique et histoire, un parcours géographique ethnographique, et contemporain. 8) - Le dialogue avec les intéressés eux-mémes, c’est-d-dire avec les représentants des sociétés étudiées devenant acteurs historiques de leur identité, expression culturelle hériti¢re du passé mais adaptée a I’actualité, s’impose aussi bien en Australie avec |’aborigéne Marcia Langton qu’aux Etats-Unis, avec I’Indien Navajo, Harry Walters. Tous deux revendiquent les objets entrés dans les musées sous prétexte que dans ces lieux de culture figée, ils ont perdu leur fonction historique, religieuse, sociale qu’eux seuls peuvent leur rendre. Cette attitude n’est pas non plus sans ambiguité et le procés Mashpee, en 1976 aux Etats-Unis, en illustre bien les divers aspects. Le Conseil Tribal des Wampanoag de Mashpee, ville indienne du Cap Cod, constitué en société anonyme, entamait alors une action auprés du Tribunal fédéral pour récupérer 8000 hectares de terre et retrouver son identité indienne. On sait maintenant que de nouvelles formules muséographiques sont mises au point, 4 partir-sans-doute d'expériences “du type desécomusées ot les hommes gardent leur role culturel, ou a partir des centres d’interprétation of toute forme histoire est intégrée, pour que certains de ces objets soient le point de départ de nouvelles occasions (cérémonies le plus souvent) de vie de relation et de réintégration du passé mythique. Cet élargissement du réle du musée, et cette conception plus élaborée de I’animation sociale et culturelle ouvrent des perspectives prometteuses. Se pose alors de maniére plus claire, le probléme de la mission initiale du musée, lieu de reconnaissance certes et d’approfondissement de notre propre héritage culturel, mais aussi lieu de rencontre et de découverte de Vautre. Cette double mission ne peut étre regue par les individus de la méme manitre. C’est la raison pour laquelle le musée doit étre a l’écoute de ses publics, 37 mais doit aussi rester une institution collective A dimension universelle, telle que la Révolution frangaise I’a défini il y a deux siécles. Dans la mission identitaire et 1a mission universelle, le musée, au contraire du temple qui adore une image intemporelle, offre 1a possibilité d°approfondir la relation individuelle ou collective avec le temps congu comme producteur des richesses et des échecs de I"humanité dont chacun porte en soi une part d’héritage. La rénovation du Musée de I’Homme est aujourd’hui confrontée a cette double mission du musée. Trois suggestions semblent pouvoir favoriser l’évolution de cette grande institution : - la démarche scientifique 4 propos des oeuvres ou de toute documentation réunie au cours des missions (échantillons, films, photographies, dessins, notes, ete...). Btudier, classer, conserver peut garantir une certaine objectivité de la richesse des collections. - la mise en valeur de la mémoire des collections dans le contexte de leur constitution. Les sélections des objets, l'information qui les concerne, la personnalité des ethnologues sont marqués par leur temps, dans un domaine od Vévolution des idées a été rapide. - le dialogue avec les pays concernés, devenu une régle d’or ; pour de nouvelles campagnes d’acquisition, d’expositions permanentes ou temporaires, pour des travaux communs sur le terrain, pour des colloques ou toute autre forme d’animation. La notion d’« arts premiers » devrait elle aussi susciter le débat entre les artistes, tous de traditions millénaires, au sein des civilisations de 1’humanité, avril 1997 38 Museum and primitive arts Jean-Pierre Mohen The debate existing presently in France between museologists, ethnologists and politicians about primitive arts, is not new, The museography of those artifacts has gone through various stages, according to the successive approaches of ethnography. 1. Curiosity cabinets issued from the long exploration travels in the Pacific Ocean gave birth to the constitution of collections. "Peoples far away in time and space" bring us information about the primitive state of mankind. Those collections were, at that time, presented in a decorative and symmetrical way (XVITIth c.) 2. The taxonomic vision, specific to the sciences of nature, led to the classification and didactic display of objects, as in the Pitt Rivers Museum in Oxford (XIXth c.) 3. In 1936, evolutionism finds its justification in Chr. Thomsen's definition of the Three Ages of Man (Stone, Bronze and Iron), and in valorising the nature of the materials in exhibitions (XIXth c.) 4. Comparative anthopology was the concern of Frantz Boas and Marcel Mauss. Until 1927, the latter, together with Henri Hubert (Musée des Antiquités nationales) wanted to present the “ethnographic history of Europe and mankind", using such prestigious collections such as La Pérouse's (Musée de la Marine) 5. As soon as the beginning of the XXth c., anthropology met the artists! eagerness for what was then called "primitive arts” (see Picasso and Les Demoiselles d'Avignon). Surrealists used them too to explore the strange aspects of human soul. During the second world war, they meet in New York with the anthropologists (André Breton with Claude Lévi-Strauss). Then the ambiguity between art and science, esthetics and anthropology is marked (see the exhibition, Primitivism in Twentieth Century Art, New York, MOMA). 6. The ideology of the International Exhibition of 1937, in Paris, was directly related to the ideas of the Front populaire, which Paul Rivet and Georges Henri Riviere are going 10 apply to the creation of the Musée de U'Homme. They assert that man has to be studied globally and that "mankind constitutes an indivisible whole not only through space, but also through time" (P.Rivet 1948) During that period, researches on the field are carefully conducted, such as those of Marcel Griaule, Germaine Dieterlin, Michel Leiris, Claude Lévi-Strauss, Maurice Leenhardt, Victor Segalen etc. as well as Margaret Mead's and Bronislaw Malinovski's. But Michel Leiris rises a keen question: why should anthropology only be the fact of western people? 7. Claude Lévi-Strauss and André Leroi-Gourhan apply structural anthropology to kinship, myths and techniques. During the period 1960- 39 today, few museums express it, with the exception of the Musée national des arts et traditions populaires, conceived by Georges Henri Riviere. Its conception then seems fixed and the present evolution goes towards the reintegration of the historic dimension in it. That structuralist approach is the origin of the Anthropology Museum of Mexico, where Mario Vasquez adds to archaeology and history geographical, ethnographical and contemporary aspects. 8. Finally, there appears the necessity of a dialogue with the studied people themselves (Marcia Langton in Australia, Harry Walters in the USA) Today, new museographical conceptions, such as ecomuseums and interpretation centers, enlarge the role of the museum towards social perspectives: the museum is not only a place to acknowledge and deepen the notion of cultural inheritance, but it becomes a place for the meeting and dicovering of the other. That is why the museum should stay near its publics and also remain a collective institution with a universal dimension, such as it was defined by the French Revolution, two centuries ago. Today, the renovation of the Musée de I'Homme is facing that double mission. Three suggestions could help it: - the sctentific approach as a guarantee of the objectivity of the collections, - the valorising of the memory of the constitution of the collections, - the dialogue with the countries which are concerned through works conducted in common on the field. The concept of "primitive arts" should also give rise to debates among artists as they all belong. to millenary traditions from the different civilisations of mankind. Deuxiéme Partie Part two SYMPOSIUM a ICOFOM - France 1997 19 juin - Ler juillet : 20e anniversaire de l'ICOFOM COLLOQUE MUSEOLOGIE ET MEMOIRE En 96, au Brésil, nous avons exploré le théme Muséologie et art. C'est dire que la muséologie s'est trouvé confrontée, entre autres, au phénoméne de la création et, en ce sens, a l’innovation, En 97, nous abordons le thtme Muséologie et mémoire. Mais n’est-ce pas un pléonasme de parler de musée et de mémoire, dans la mesure ou I'une des missions du musée est justement de conserver les vestiges signifiants de notre passé ? Est-ce dire pour autant que la muséologie ne se trouverait associée, dans le cas présent, qu’au passé et 4 ses témoins ? Le partage du théme en trois sous-thémes, couvrant respectivement les domaines testimonial (objets et / ou documents, cf. colloque 94-Chine) politique et éthique, épistémologique, vise A nous permettre d’aborder le sujet de fagon interdisciplinaire et exhaustive, d’envisager la mémoire en liaison avec te présent et le futur. Rappelons qué I'ICOFOM aborde le patrimoine dans sa globalité, matériel et immatériel (collections, sites, monuments, paysages, célébrations, rites, etc). - La perception individuelle et / ou collective de la mémoire - Recenser, collecter, préserver les fonds de la mémoire : les traces matérielles et immatérielles avec leur contexte. - Choix, et urgences, de sauvegarde et restitution des témoignages (cas extrémes de destruction du patrimoine, de négation ou de falsification de la mémoire) - La restauration et ses limites, le danger de « muséification » - Les expressions publiques de la mémoire (expositions, monuments ete...) i" 4: Wexpéri i - La mémoire et I'imaginaire - Essence et sens de la mémoire Pindividu et Ia société mémoire-refuge ou mémoire active qui modélent M, Bellaigue, A. Desvallées, M. Menu Paris, septembre 1996 43 CONFERENCE MUSEOLOGY AND MEMORY - June 19th - 29th : 20th birthday of ICOFOM In 1996 in Bazil, we examined the subject of Museology and Art. Museology was confronted with, amongst others, the phenomenon of creation, and, in that sense to innovation. In 1997, we tackle the subject of Museology and Memory. But is it not a pleonasmn since one of the tasks of the museum is in fact to keep the significant vestiges of our past ? Does that mean then that museology should only be associated to the past and its witnesses? ‘The subject will be subdivided into 3 sub-topics which will cover respectively testimonial (objects and 1 or documents ; soe Conference 94 - China), politcal and ethical, epistemological fields. This subdivision will help us to approach the subject in an interdisciptinary and exhaustive manner, to consider memory being linked to the present and to the future Let us remember that ICOFOM approaches heritage as a whole, materially and immaterially (collections, sites, landscapes, celebrations, rites, traditions, etc.) = Individual and / or collective perception of memory ~ Making the inventory of, collecting, and protecting the contents of memory : material and immaterial traces and their context. = Choice, and emergencies, of safeguard and restitution of testimonies (extreme cases of destruction of heritage, negation and falsification of memory) ~ Restoration and its limits, the danger of « museification » - Public expression of memory (exhibitions, monuments, etc.) ears zi -Memory and imaginary Essence and sense of memory : memory-refuge or active memory shaping man and society. CONFERENCIA MUSEOLOGIA Y MEMORIA - 19-29 de junio: 20avo aniversario del ICOFOM En 96, en Brasil, exploramas el tema Muscologia y Arte. Es decir que la muscologia se encontro confrontada, entre otros, al fenomeno de la creacion, yen este sentido a la innovacton. En 1997, trataremos el ema Museologia y Memoria. Pero no es acaso una redundancia ya que una ‘mision det museo es jusiamente conservar Ios vestigios de importancia de nuestro pasado ? Quiere decir entonces que la museologia se veria asociada en este caso, solo al pasado y a sus testigos? La division del tema en tres sub-temas que cubren respectiviamente las areas del testimonio (objetos y / © documentos ; ver a Conferencia 94-China), de la politica y la ética, de la epistemologia, tiene como objetivo anudarnos a tratar el tema de manera interdisciplinaria y exhaustiva, considerar la memoria liada al presente y al fturo, Recordemos que el ICOFOM trata al patrimonio en su totalidad, material ¢ inmaterial (colecciones, sitios, monumentos, paisajes, celebraciones, rites, radiciones, etc.) + La percepcion individual y/o colectiva de la memoria - Enumerar, recolectar, preservar los fondos de la memoria : los rastros materiales e inmateriales junto asus contextas. : ‘Sub-tema 2: [a imagen de io existente y la restitueion de la memoria = Bleccion, y urgencias, por la proteccion y la restitucion de testimonios (caso extremo de la destruccion del patrimonio, de negacion o de falsficacion de a memoria... = La restauracion y sus limites, el peligro de ta « museificacion » - Expresiones publicas de la memoria (expasiciones, monumentos, et.) ‘Substema 3 : la experiencia de la memoria ~ La memoria y lo imaginario - Exencia y sentido de la memoria : memoria-refugio o memoria activa que modelan al individs y a la sociedad. ‘M, Bellaigue/ A. Desvallées /M. Menu, sept 1996 44 I l’inventaire de l’existant et les traces de l’histoire the inventory of the existent and traces of history el inventario de lo existente y los rastros de la historia > 46 Yann TOMA EN CAS D'OUBLI, PRIERE D'EN FAIRE PART L'ABRI de I'Usine OUEST-LUMIERE Muséologie et Mémoire L'ABRI qui jadis nous assurait le salut est aujourd'hui devenu un véritable sanctuaire. Les traces d'une histoire collective en voie de disparition se terrent comme des rats apeurés par le bruit des hommes. Les dératiseurs ne sont d'ailleurs pas trés loin. SOUVENONS-NOUS DE L'AERO-SURPRESSEUR ! AERATION DE L'ABRI - Au bout d'une heure I'air devient difficilement respirable dans un abri étanche. Méme si ce dernier est d'une capacité égale en métres cubes a ‘tois fois le nombre de personnes qu'il peut admettre, lair est vicié par le gaz carbonique (30 litres dégagés par personne et par heure). Etant donné le coftt extrémement élevé des filtres, pour avoir de lair pur, on peut prendre de lair, soit par une cheminge désaffectée, soit par une tuyauterie spécialement confectionnée, de 16 métres de hauteur environ. Cette prise doit avoir environ 100 m/m de diamétre par apparcil. Un appareil "AERO-SURPRESSEUR" répartira judicieusement |'air ainsi aspiré dans fabri. Si ce demier est étanche comme il se doit, il faut prévoir une ‘tuyauterie d'évacuation du gaz carbonique, a ras du sol, du c6té opposé A la soufflerie, en évitant le plus possible les zones neutres. SURPRESSION DE L'ABRI - Si solides que soient les abris, il y a lieu de ¢raindre l'intrusion des gaz. En mettant 'abri en surpression d'air, il est impossible que les gaz y pénétrent. De méme qu'une cuve d'eau déborde quand elle est pleine, un abri peut "déborder" si on y insufile de lair sous faible pression, sans génet ni trop refroidir. La surpressioti réalisée par les appatéils est de 5'a 10 ml Un registre ou une soupape hydraulique empéchera l'intrusion des gaz par la ‘tuyauterie d'évacuation du gaz carbonique si l'appareil était temporairement arrété, ECLAIRAGE - si !AERO-SURPRESSEUR" fonctionne par électro- surpresseur quand il y a du courant, il est prévu en cas de panne un systtme de sécurité qui permet de faire marcher, par un seul homme, le ventilateur au moyen d'une poignée rotative, Pour pallier le manque de lumiére, est branché sur notre appareil une petite dynamo qui donne le courant suffisant pour remplir l'abri d'une douce clarté qui permet lopérateur de continuer paisiblement son travail. 47 OUEST-LUMIERE... L'Usine fut construite en 1900 sur le site de I'ancien chateau de Puteaux. Sa premiére génératrice produisait du courant électrique de 3000 volts et assurait la distribution publique de I'électricité aux communes proches de louest parisien. Des milliers d'ouvriers fréquentaient 4 lépoque le quai De Dion Bouton de Puteaux. Les cheminées fonctionnaient en permanence. Liindustrialisation devait apporter & "homme les fondations d'une société plus juste et moins contraignante ‘A présent, I'Usine a subi le méme sort que la plupart des sites industriels de la région parisienne, Les ouvriers ont disparu, La centrale électrique nest plus qu'un tas de gravats. Un terrain vague a remplacé les bitisses de Gustave Eiffel. Les restes de 'Usine ont é1é emportés par les bulldozers. Le lieu est abandonné, plongé dans le silence... L'ame de I'Usine a pourtant surmonté cette terrible épreuve. Exhumée de I'ABRI antiaérien et des greniers que personne ne visitait plus, la mémoire du lieu survit et le coeur de OUEST-LUMIERE continue @ battre. La transmission de la mémoire s'opére aujourd'hui autrement. Les objets exhumés conservent en eux le souvenir des gestes du passé. Un flux impalpable s'est transmis au gré des rencontres, tissant un réseau souterrain hors-champ. La Préfecture de police rappelle quill est du devoir des propriétaires de faire effectuer dans leurs caves classées abris des intercommunications avec les caves voisines. Ainsi, en cas d'écroulement de l'immeuble au cours d'un bombardement, le sauvetage des occupants sera grandement facilité. Le président de la délégation spéciale A. BERTRAND, le 31 mai 1944. DERATISATION ET CHLOROFORMISATION La mémoire est piégée comme un rat. Les murs blancs ont remplacé les poisons d'antan et s'étendent inexorablement, effagant le passage des anciens. Au siécle dernier, c'était le temps des grandes aventures, on partait aux quatre coins du globe pour le bien de "Vhumanité", Des témoignages photographiques de cette période subsistent encore, mais trés peu sen soucient. La phototheque du Musée de lhomme constitue "la plus belle collection en France dimag *exotiques'"', Ce qui fut jadis un exploit. PARTIR A L'AVENTURE) est: banalisé et out Les daguerréotypes des frtres Bisson, recouverts d’épaisses couches de poussiére, témoignent pourtant des débuts de l'anthropologie... Ces objets, méme siils sont délaissés, sont néanmoins protégés par l'enceinte du musée. Songeons aux multiples joyaux qui sommeillent dans les. souterrains inexplorés des Ve et Vle arrondissement de Paris. Partons a la recherche de ces trésors inestimables. Devenons des explorateurs! 'Michel GUERRIN, Les morveilles délaissées de la phototheque di Musée de Vhomme, journal Le Monde du ‘mercredi 16 avril 1997, p.22, 48 En exhumant notre passé par nos propres moyens, nous assurerons ainsi le renouvellement de 'oxygéne. Nous sommes tous des SURPRESSEURS. Le temps n'a pas tout englouti. Tous aux ABRIS! Mais ne nous y terrons pas. Au contraire, profitons de ses réseaux pour briser les armes de l'anesthésie générale! Si la Préfecture de police ne se prive pas pour rappeller 4 tout moment quels sont les devoirs auxquels le citoyen doit se plier, quels doivent étre les devoirs des institutions culturelles? Que faire lorsque le patrimoine est dilapidé et mis A sac avec la bénédiction des responsables locaux ct pour la plus grande satisfaction des promoteurs? Quelle est notre mission et notre part de responsabilité? Le passé est une partie de nous-mémes, la plus essentielle peut-étre. Tout le flot qui nous porte, toute la séve qui nous vivifie nous vient du passé. Qu'est-ce qu'un arbre sans racine? Qu'est-ce qu'un peuple sans son passé? Victor HUGO Les dératiseurs n'ont pas d'état d'ame. Sous prétexte d'agrandir une voie publique, ils détruisent le temple des travailleurs. Les anges exterminateurs de I'ére cybernétique annoncent sournoisement une Apocalypse culturelle, Tout le monde a le droit a la culture, alors créons une culture de masse. Cela ne vous rappelle rien? La destruction des traces du passé est une vieille histoire?. Nombreux sont ceux qui ont compris que I'éradication des symboles forts de notre histoire devait asseoir I'architecture du pouvoir. La dératisation systématique de notre passé serait aujourd'hui un élément indispensable & la mise en place d'espaces cloisonnés entre les individus. Le rapport virtuel ne pourrait de ce fait devenir universe! qu'a partir du moment ot Je pouvoir des multinationnales réussirait & déjouer les associations collectives. En détruisant la mémoire collective ou en la déournant, on "chloroformise" le passé pour mieux contrOler le présent et le futur. Le chloroforme (CHCIs) peut dissoudre des substances (chimie) ou anesthésier de individus (chirurgie et médecine). Ce produit peut étre également utilisé par les brigands de grands chemins. Contre l'endormissement, le faire-part a le pouvoir de faire réagir progressivement le sujet. Il agit comme un électro-choc puissant. Lorsqu'il est artistique, il sladresse aux zones sensibles de notre étre profond. Ainsi, que ce soit au niveau littéraire, poétique, musical, pictural, sculptural, il met individu devant ses responsabilités. En réunissant les particularités de I'électricité ambiante, il s‘agit de réactiver la loi d’'Ohm au service de la Révolution pour que notre mémoire subsiste: une mémoire LIBRE et en MOUVEMENT. - . Au diable les commémorations! Sauvons le passé pour créer! Liobjet nest pas un mémorial, c'est le langage des “anciens" tourné vers le regard des ‘vivants", Il parle pour qu'on se souvienne. Les enjeux de la reconstruction de 'ABRI de TUsine OUEST-LUMIERE deviennent de ce fait universels. L'ABRI de I'Usine est comme un de l'histoire et son existence nous impose un regard en arriére. Il permet au visible et & invisible de se c6toyer. 2Voir istoire du vandalisme de Louis REAU, Robert Laffont, Paris, 1994, 49 "LE DECELEUR DE GAZ" Sil est reconnu que les gaz ne se propagent qu'a quelques metres au-dessus du sol, il pourrait arriver, si invraisemblablement que cela paraisse, qu'une bombe & gaz tombe & proximité de la prise d'air supérieure ou qu'une fissure, par éclat ou accident, soit provoquée dans le tube aspirant. Pour avoir la certitude absolue et totale que V'air insufflé pour ventiler et surpresser TABRI est rigoureusement pur, "un déceleur de gaz" placé en dérivation sur la tuyauterie de refoulement, peut étre fourni avec l'appareil. Il est constitué par une boite étanche revétue intérieurement dun vernis spécial, de dimensions approximatives 500XS00X83 mim, Sa partie centrale, vitrée sur Vavant, contient une série de dix papiers chimiquement préparés qui devront étre humidifiés & chaque alerte, dont 9 correspondent aux gaz connus é ce jour et & un dixiéme pouvant survenir, La non variation de ces "éprouvettes" correspond a un état de sécurité. En cas contraire, la fermeture des deux vannes prévues sur !'AERO-SURPRESSEUR fait persister cette sécurité Le déceleur doit avoir son dégagement hors de l'ABRI? L'Usine touche le domaine de 'immémorial. Nous sommes tous des ouvriers & la quéte de leur origine. Une intercommunication s'est établi un jour a Lascaux comme dans bien des cavernes. C'était & l'aube de notre civilisation. A la lumidre des flammes, des motifs ont surgi, tels des apparitions. Les souterrains sont toujours la. Rien n'a changé. A lair libre, les maladies vertes, blanches, jaunes .se développent sur tous les vestiges du passé et, contrairement A Lascaux, on ne fait RIEN pour empécher leur action, Si l'échange était possible & Lascaux, il ne 'est plus dans sa fidéle mais pale copie. "A Lascaux, ce qui, dans la profondeur de la terre, nous égare et nous transfigure est la vision du plus lointain."* L'ABRI révéle une magie particuliére, il est la boite noire que Robert Daumal et Gilbert Lecomte, grands prétres de la revue Le Grand Jevé utilisérent pour mener a bien leurs expérimentations. L'ABRI de I'Usine ouvre les portes de I'Absolu.... Le retour & lorigine doit étre une priére tournée vers le futur. Les catacombes ne recélent pas que des morts. Les vivants doivent eréer I'événement pour réactiver la chaux vive (CaO) qui est en eux. Pour Hannah Arendt "événement illumine son propre passé mais ne peut jamais en étre déduit". La "femme modeme" met en lumitre un monde od le “chloroformé" ne peut plus réagir. L'électro-choc est done vital, Renommer, est réanimer, pratiquer une opération apte a faire resurgir le fragment et a exposer aux yeux de ceux qui ont oublié. Tirer de loubli, c'est lire un & un tous les noms des disparus. Georges Pérec connait bien ce probléme: "Dire cé qui est 1a devant ses yeux, le coucher sur le papier, cest faire résonner les noms des absents; la seule urgence c'est de nommer pour sauver de 'oubli"6 Il fant, comme Pérec, s'adonner & la dispersion, quadriller le vide pour le remblayer. C'est alors que le gaz est 4 tous les étages, Notice du "Déceleur de gaz” de Michel HUGLO (maison fondée & Amiens en 1925) datant de 1943 et ‘découverte & OUEST-LUMIERE.. George BATAILLE, La peinture préhistorique Lascaux ou la naissance de drt, KIRA, Paris, 1955, p.11. SMichel RANDOM, Le Grand Jeu, Deno8l, Paris, 1970, tome I et I ‘Philippe LEJEUNE, La mémoire et 'obligue, Hachette, Paris 1978. 30 I 2° 3° 4° AUX GAZES atteints par une: ACTION IRRITANTE Faire boire du lait concentré non sueré (4 cuillerées a soupe) mélangé de la magnésie légére (1 cuillerée a soupe). ACTION SUFFOCANTE Calmer la toux d'une perle d'éther toutes les dix minutes. ACTION VESICANTE Metire dans les yeux quelques gouttes de solution de bicarbonate de soude a 25 gr. par litre d'eau. i ACTION TOXIQUE Eau froide sur la nuque - Eviter la syncope en couchant le gazé. L'ABRI de I'Usine OUEST-LUMIERE est un acteur fondamental de la conservation du patrimoine de I'industrialisation de ce siécle. Demriére ses murs blafards, une action souterraine a pu se développer et croitre au fil des années. L'Usine extra-muros irradie aujourd'hui et entre en résonance avec d'autre liewx du passé. Le travail de la mémoire est un investissement politique. Lorsqu’on touche de prés un lieu sous pression, on sexpose a une explosion de gaz. La mémoire est a l'image de la nitroglycérine. (C3Hs[NOsLa]3): formule chimique de la mémoire! AVERTISSEMENT: Si on ne tente pas de la comprendre, elle partira en fumée. Si on la respecte, elle peut faire traverser des montagnes, La sensibilisation de la population est un lément ineontournable afin de mettre en place une réflexion globale visant encourager la préservation des traces du passé. Le bouche & oreille a dans ce domaine une place stratégique. Les cheminées d'usine fument encore secrétement, il suffit de les regarder... 31 Yann Toma is a young artist who spent some time working inside an electric plant, creating his works with some of the industrial materials (such as electric bulbs for instance) . Being so familiar with it he could attend the progressive dismantlement of the factory and its being pulled down. He tried to save not only some materials - which he exposed later integrated in his specific arrangements - but also many elements of what constitutes the social, technical and economical memory of the world of work. To him the destruction of some symbols of the past goes hand in hand with the establishment of political power. The « manifesto » published in ISS 27 appeals to the necessity of preserving testimonies of such history of labour and social struggles. 92 The Collective Memory and the Art Museum Jan af Burén, ‘The Swedish National Art Museums, Statenskonstmuseer, Box 16176, 10324 Stockholm (Suede) ‘Summary -The communication deals with collective memory, cultural heritage, cultural value and ‘art museums. First there are some examples of collective memory in art muscums. The second part shows how the concept of collective memory, as it can be seen in art museum, can be compared with the concept of cultural heritage. In the third part a model of the relation between memory and value will be presented. In the different forms of the art museum the importance of the collective memory varies. The collective memory, short-term or long-term, is only one of the factors that give the art ‘museum its raison d’éire. There are two more factors, art as cultural heritage and the role values play. The museum is a meeting point of these factors. Each visitor carries with him his private experiences as well as his share of the collective experiences and memories out of which he creates values. In the museum the private value system of the visitor is confronted with that‘of the museum professionals through the exhibited items of the collections. This is very evident in the art museum. Résumé - Les objets de cette communication sont la mémoire collective, heritage culturel, la valeur culturelle et le musée d'art. Premiérement quelques exemples de la mémoire collective dans les musées d'art. La dewxidme partie montre que la notion de I'heritage culture! peut étre comparée anec la notion de la mémoire collective, comme on la peut voir dans le musée d'art. En suite un modele de Ja relation entre mémoire et valeur est présenté. Dans les formes différentes du musée dart l'importance de la mémoire collective est variée. La mémoire collective, de courte ou de longue durée, est seulement un des facteurs qui donnent la raison d’étre au musée d'art. Iy a dewx autres facteurs, l'art comme heritage culturel et le réle que jouent les valeurs, Le musée est le lieu de rendez-vous de ces facteurs. Chague visiteur a ses propres expériences qui est en méme temps une art des expériences et mémoires collectives dont il erée des valeurs. Dans le musée le systéme des valeurs privées du visiteur est confronté avec celui des professionels duu musée par les objets exposés, ce qui est trés évident aux musées d'art. 3 In this communi 1 want to present some thougts on collective memory, cultural heritage, cultural value and art museums, First I want to give some examples of collective memory in art museums. Then I shall follow some lines of thought related to the art museum as a space of memory. So in the second part I try to give some answers to the question of how the concept of collective memory as it can be seen in art museum can be compared with the concept of cultural heritage. In the third part I shall present a model of the relation between memory and value. Art museums are very different, from small to big, from one man’s museums to universal survey museums’, from local art muscums to national art museums. The one man’s museum, or as it is called, the artist's museum, is by definition a commemoration ofa single artist and his or her ceuvre. Every work of art in the collection functions as a memory of the artist.” At the opposite end we have the universal survey museum, often a national museum of great prestige. A typical artist's museum is the Zorn Museum in the Swedish province of Dalecarlia, Anders Zorn ‘was born in the community of Mora in 1860 as an illegitimate son of a German brewer. He was raised by his grand parents, His evident artistic talent was early recognized and he was sent to the Royal Academy of Art in Stockholm where he specialized in portraits in water colours and became a virtuoso. After some years he left the Academy and went to London where he started an international career. He soon began to paint in oil colours and to make etchings. For the World Exhibition 1893 in Chicago he was appointed curator of the Scandinavian art exhibition. From now on he was one of the ‘most successful portrait painters in the USA with two presidents among his clients and he earned a fortune which he invested in his house at his birth place Mora and in a collection of art. Throughout his career he spent the summers in Sweden, in Mora or on his sailing boat along the Swedish coasts where he painted nudes placed in the nature. After his death 1920 a museum was built, which was donated to the Swedish people together with his house, his collections of objects and timber houses from the old culture of Dalecarlia, In Sweden Anders Zorn is the paradigm of an established great artist. His collections are a great tourist attraction, But what is it the visitors are coming to see? The collection of European paintings is mediocre. The collection of his own works is not among the best. Still there are thousands of people every summer day. I think that the visitors are celebrating the memory of a cultural hero. This ‘memory consists mainly of two parts. The first is the success story of the artst’s life, the other related to that Zorn formulated a part of a national identity where the longing for summers is an essential part. In my opinion this means that Anders Zorn is a part of the contemporary Swedish collective memory. In contrast to this one-man museum stands Nationalmuseum in Stockholm, The building was designed by the German architect Friedrich August Stiller and was inaugurated in 1866. The collections are systematized in two directions, one after schools and the other after materials. You can always coipare Swedish art with the art of the est of Europe” alonig'two different dimensions of aesthetic value. When looking at Swedish works of art there is a tendency to have weaker criterias for the aesthetic quality compared with looking at European art. This means that a Zor can be seen equally important as a Manet only because he is one of the foremost Swedish painters. And this is not only because he has entered the Swedish collective memory. Anders Zorn is also a part of the ‘Swedish cultural heritage which has a higher regional value in Sweden than in the French or European cultural heritage. However, there is one form of the art museum wholly dedicated to the collective memory, the portrait gallery. The Swedish National Portrait Gallery is situated in the old Castle of Gripsholm, built mainly in the 16" and 17" centuries and in itself a national symbol. In the 16th century the king Gustaf Vasa brought together the first Swedish art collection in the castle but the methodical collecting of portraits started in the middle of the 17" century when the queen Hedvig Eleonora, born princess of Schleswig-Holstein, begun to collect portraits of her European relatives. In 1755 the first printed catalogue was published, listing the collections room after room. 1822 the collection was officially appointed a national portrait gallery intended as a "Pantheon of notable Swedish men and women.” It is still a living collection with new acquisitions of old and contemporary portraits every year. A national portrait gallery is mainly collected on other qualifications than aesthetic. The basic principle is that the portrayed persons should represent an activity or a group of people of national interest. The collection at the Castle of Gripsholm can be divided in two basic groups. The first consists of portraits of the royal families from the house of Vasa to the house of Bemadotte. The second group is the prominent Swedes, in older times the members of the nobles families, in modern ‘times distinguished citizens from different levels of the society. The common factor is that all models for the portraits can be seen as actors in a memory theatre, a form of national mnemonic technique. ‘Many of the portrayed persons are still parts of a Swedish collective memory, whereas others, no onger a living part of the collective memory, instead have become a part of the Swedish cultural heritage. Probably the most complicated form of the art museum is the museum of modern art. It can be an exhibition hall for the art market, contemplation room for the connoisseur, or arena for the contemporary artists. In the one end it is a growth zone for the collectioning of art and art forms, in the other end it houses the cultural heritage of modern art. If it does not live intensely in the contemporary society it will atrophy. If it is not solidly founded or a deep knowledge of the art history it will lack seriousness. ‘The museum of modern art in Stockholm, Modema museet, is in the process of becoming a new house designed by the Spanish architect Rafael Moneo. The mixture of the collection is the usual one with a broad spectrum of national and international art from this century. From the point of view of the collective memory, the museum is more interesting than the mother institution, the Nationalmuseum, because many of the public have experiences of the artists, either personal or through media. For instance Picasso lived until 1973 so everyone who is bom before the middle of the 1950ies has been contemporary to this artist. Many Swedes have personal memories of many of the ‘Swedish artists or have friends who have. I think that we can speak of sort of a collective short-term memory here. The content of the short-term memory is moved to the long-term memory by processes governed by different values, aesthetic or cultural. 2 During the years of 1993 and 1994 the Swedish museum system was investigated by a government commission. The report, published in 1994, was called. Memory. and Education.’. The mission was to develop a new organisation for the Swedish national museums, but this task made it necessary for the commission to investigate the theories and concepts on which the museum system is resting. On the question "Why do we have museums?” the answer was that the mission of the museums is to be an essential part of the collective memory of the society.’ The authors of the report refers to Pierre Nora, who has defined the collective memory as the remaining of the past in the lived reality of groups, of what these groups make of the past. His definition is very wide and is perhaps best understood when compared with historical memory working with scientific tools. As I see it, the construction of the 35 collective memory is very much governed by those interests dominant in a community at a given historical situation.’ It is even possible to look at these interests as intentional.® ‘That means that the content of the collective memory is not passively formed. It is the result of an active process in communities. Factors of interest in those processes are ways of legitimizing and idealizing expectations in a community.” Collective memory is, at the same time, very different from our own individual memories and also strikingly alike. When we remember something as individuals itis because our earlier experiences are stored in the brain. Somehow the units of memory are organized into shapes from which itis possible to recollect earlier experiences. These processes are influenced by what information is accessible for the moment. Memory is an essential property for the survival of both individuals and communities. ‘The great main difference is the process and place of storing. Memory means different things: ‘© acapacity to remember (to have a good/bad memory) a place for storing experiences (the brain; libraries, archives, museums) the content of a storage for memory 1 process for storing and remembering earlier experiences a remembered experience and information (yesterday I saw a yellow submarine, Charles XII ‘was a great king) ‘The capacity of remembering is important for the survival of both individuals and communities. The decisive difference between them is to be found in the process and place of storing. In the individual this takes place in the brain. The community must use external memories as printed texts, pictures or information technologies stored in libraries, archives or museums. One of the functions of memory is that a mental system on the bass of memories is able fo construct representations for an inner model which can serve as reference in our perception and in our communication.* That means, for instance, that a museum as one of the places of the memory of the society, participates in the | creation of self representation of this society. Tn the muscological debate "hertage” has been a frequent theme. The cultural heritage consists of| remnants which are all artefacts.’ There are different definitions of cultural heritage: "The general lexical notion of cultural heritage | General matters of culture taken over by a people or undetermined field of action of the cultural heritage| community ftom preceding generations "The general ideological notion of cultural heritage | Matters of culture which functions as a common frame oF| determined field of action ofthe cultural heritage reference for a people or a community taken over from preceding generations ‘The cultural heritage is defined as something that people have taken over from preceding generations. The first definition is more general and open than the second and the second definition can be viewed as a special case of the first. I think that it is also possible to consider these two definitions as a sort of hierarchical pair, where the lexical definition contains the significance of a determined field of action. The next pair of definitions defines the content ofthe cultural heritage: The material or physical cultural heritage | Examples: rune-stones and runes, buildings, the cultivated including objects landscape and works of art (as material objects) The immaterial or mental cultural heritage |Examples: Inherited moral norms and scientific world including the spiritual heritage and ideas views, most forms of practical knowledge and works of art (as ideas), traditional customs of food, Protestant moral of| work, most forms of practical knowledge 56 The notions of cultural heritage and collective memory can be used in two ways, as physical or ‘mental. This pair of notions does not normally have a direct relation to each other, except in the case of certain object-related ideas such as practical knowledge. When you speak of something belonging to the cultural heritage you can use any of these precisions. ‘There are very tight links between the notions of cultural heritage and collective memory. Works of art can be a part of the cultural heritage as a representative of the valued concept of art, an artistic ‘ceuvre, school or movement. Considered as a memory a work of art can appear in different forms: Object ‘Nature ‘Reasons/Criterias ‘objects belonging to the cultural [the work of artas object ‘most older works of art and all museum heritage {physical heritage) objects ‘objects belonging to a national [the work of artas object Thow the object became a part of national history (physical heritage) history, ¢ ¢ war trophy ‘objects made by a certain artist | the work of art as object eminence of this mere work or (physical heritage) recognized importance of the artist ‘objects having belonged to a the work oFart as object importance of previous owner certain person (physical heritage) ‘@ work of art representing a] the work of art as representation | importance of the model certain person (mental heritage) ‘@ work of art representing | the work of art as fepresentation [battles, murders of kings or other important moments of a national | (mental heritage) important personages history @ work of art representing | ihe work of art as representation | importance of the monuments g castles, important monuments or sites | (mental heritage) places of historical moments belonging to a national history or athe cultural heritage ‘@ work of art representing [ihe work of arias experience | imporlance of personal experience something that awakes a memory | (mental representation) in the conscience of the beholder Ina broad sense you mean nearly the same thing when you speak of the cultural heritage of a nation or the collective memory of a society. I think that the main difference between speaking of cultural heritage or collective memory is a different emphasis, The common factor in the notion of the cultural heritage is that it consists of physical or mental artefacts of the past, So when speaking of some item of the cultural heritage, even of a literary text, you will always consider it in this aspect of being an artefact. It is more complicated in the case of memory since it can be a representation, a process or a storage which is a physical place. In the last case the notion of cultural heritage coincides with the notion of collective memory. When artefacts are physical objects they are not themselves memories bbut they can be transmitters of memories. When they are mental objects, ideas, they must be ‘transmitted to us as memories. The next step is to say that when physical objects are used as evidences of the cultural heritage, they must be combined with, or referred to, a reconstruction of a cultural context. Sometimes this reconstruction can be identified as a memory itself , but it is not evident that it always can be seen in that way. To sum up, a work of art belonging to the collective memory is connected with still living individual memories in a community. In most cases it is also a part of the cultural heritage. But to say that a work of art belongs to the cultural heritage does not imply that it also belongs to the collective memory of a community. 57 ‘When an object of the cultural heritage is brought to a museum and becomes a museum object the aura of values around it changes,'° Experiences and memories meet each other: Individual memories MORAL. VALUES Indi experiences Collective experiences EXPERIENTIAL, PROXIMITY ‘VALUES. VALUES Collective memories Two processes of evaluation are of immediate interest here. One is started when a memory {influences an evaluation of an experience. My memory of the portrait of Louis-Francois Bertin by Ingres influences my experience of any other portrait of a self-confident man, The other is represented by the opposite one, when an experience influences an evaluation of a memory. My own experiences of meeting self-confident men helps me understand Ingres’ portrait, In these processes several types of values are brought to the fore. Contemplating a museum object means above all that ‘we use values of knowledge, moral, experience and proximity. Knowledge values embraces all values connected with judgements concerning perception and understanding. Moral values concer judgements about what is right or wrong, fit or unfit. The hedonistic group of values I call experiential values in order to mark their importance in the museum experience. The last group is concerned with the instrumental interest of society to keep museums. call them proximity values because they are grown out of collective experiences connected to a common community, region or nation. We have seen that in the different forms of the art museum the importance of the collective memory varies. The collective memory, short-term or long-term, is only one of the factors that give the art museum its raison d'étre. I have pointed to two more factors, art as cultural heritage and the role values play. The museum is a meeting point of these factors. Each visitor carries 38 with him his private experiences as well as his share of the collective experiences and memories ‘out of which he creates values. In the museum the private value system of the visitor is ‘confronted with that of the museum professionals through the exhibited items of the collections. This is very evident in the art museum. | wish to thank professor Sven Sandstrim for his valuable comments 1. This term was invented by Carol Duncan and Alan Wallach, "The Universal Survey Museum", Art History Vol 3 [No 1980, pp 448-468 2. The memory function of images was recognized very early. Thomas Aquinas wrote that there are "ethrefold reason forthe institution of images in the Church: fist, forthe instruction of the unletered, who might leam from them as if from books; second, so thatthe mystery ofthe Incamation and the examples of the saints might remain in memory by being daily represented to our eyes; and third, to excite the emotions which are more effectively aroused by things seen than by things hear” Quatation from David Freedberg, The Power of Images, Chicago-London (The University of Chicago Press) 1989, p 162 and note 3 on p 470 13. Minne och bildning: Museemas uppdrag och organisation, muscutredningens betinkande SOU 1994:51 4. Op cit, p 20. The original text is found in Jooques Le Goff etal, La Nouvelle Histoire, Pars 1978, p 398f: "En premitre approximation, la mémoire collective est le souvenir, ou Peasemble de souvenirs, consents ou non, d’une experience vécue e/ou mythifiée par une collectvité vivante de 'identitt de laquelle le sentiment du passé fit partie intégrante.” ..”La oémoire collective, globalisante et sans fontire, floue et lescopante, reléve de fa croyance qui n'assimile que ce qu la confore elie-méme.” 5. Most people believe thatthe primary mission of a museum is to keep objects, in vitrines, on walls or in store- Tooms. But tis can never be the fundamental task. The primary mission of a museum must be to establish or give evidence to values and keep them living. In this meaning the objects are merely agents of values. Among the most important valued properties of museum objects is thir function as memories ofthe past. In my opinion the function 1s memory is socially constructed and memorics can.be considered as culturally emergent entities which are physically embodied in the museum objects. This view does not affect the daily work inthe museum with the objects but it means alot when you look atthe whole orgensation. For the concept of pnysically embodied cultural entities see Joseph Margolis, "Works of Art as Physically Embodied and Culturally Emergent Entities”, British Journal of Aesthetics vol 16 1974 no 3 pp 187-196 6. See Anthony Giddens, New Rules of Sociological Method. A Positive Critic of Interpretative Sociologies, London (Hutchinson & Co Ltd) 1976, p 76. Giddens defines as ‘intentional "any act which an agent knows (believes) can be ‘expected fo a particular quality or outcome, and in which this knowledge is made use by of the actor in order to produce this quality or outcome”. Giddens means that an agent do not have to be capable of formulating the knowledge he applies as an abstract proposition. That means thatthe agent does not need to be conscious of the interests governing the purposive or intentional act. 7. beliefs and wishes 8. See Peter Gardenfors and Christan Balkenius, "Vari finns det inga riktiga robotar?” Fungslande information, Stockholm (Natur och Kultur) 1996, pp 96-106 {9 See Svante Beckman, "Om kultrarvets visen och virde”, Modemisering och kulturary: Esster och uppsatser, (red Jonas Anshelm), Stockhoim/Stehag (Brutus Ostiings bokfBrlag Symposion) 1993, pp 61-124 10. For the notion of aura, see Walter Benjamin, Das Kunstwerk im Zetalter seiner technischen Reproduaierbarteit, Frankfurt am Main (Suhrkamp Veriag) 1963. The way of constructing the model I have borrowed from Svante Beckman, op cit. Comment Beaubourg a créé la mémoire de | art du XXéme siécle Bemadette Dufféne Université Grenoble il, Place Doyen-Gosse, 38031 Grenoble (France) Résumé - La fermeture temporaire de Beaubourg pour travaux peut amener a se demander quelle serait aujourd'hui notre mémoire de l'art du XX@me siecle si le Centre n’avait jamais existé. L'ancien Palais de Tokyo avait ignoré les avant-gardes et n ‘avait retenu que les artistes de l'Ecole de Paris assimilés IEcole francaise par excellence. Au moment du transfert & Beaubourg, Pontus Hulten et son équipe ont redéfini ta notion d'art du XXeme siécle en le Saisant débuter en 1905 et en adoptant une vision élargie de Wart dans laquelle V'identité culturelle est comprise comme la contribution francaise au patrimoine mondial et non pas seulement comme une propriété culturelle nationale, De ce fait il donne un profil entigrement nouveau @ la collection : les artistes des avant-gardes (notamment les Surréalistes) trouvent leur Place dans les collections ainsi que les Constructivistes et les jeunes artistes : la collection est & la fois mémoire rétrospective et mémorisation active. L'accrochage des collections qui incite le visiteur & l'activisé et les expositions sont autant de moyens pour constituer la mémorisation de Vart du XXeme siecle. Beaubourg being temporarily closed for renovation one may wonder what our memory 61 the ‘twentieth century art would be today if the Center Georges Pompidou had never existed. The old Palais de Tokyo (the former museum of modern ari) ignored avant-garde art and only displayed works that could be linked to the Paris School of art (Ecole de Paris) identified with the French School. When the collections were transferred to Beaubourg, Pontus Hulten and his team ‘redefined the notion of twentieth century art : they situated its beginning in 1905 and adopted a ‘broader conception of art, considering France's cultural identity as the country's contribution to the international heritage rather than its own property. Thus, the collection gains an entirely new profile : works by avant-garde artists (especially the Surrealists) find their place in the collections, as well as the Constructivists and younger artists : the collection becomes both etrospective memory and active memorisation. The displaying of the collections, which incites the visitor to be active, and the exhibitions held at Beauboug are as many ways to build up the ‘memorization of twentieth century art ‘interrogation qui nous sert de titre se fonde sur un postulat: le premier Beaubourg (1977- 1981) a joué un réle déterminant dans la mémoire qu’on a, quelques années du deuxitme millénaire, de l'art du XXéme siécle. Elle suppose de prendre en compte la définition du Département d’arts plastiques an moment du transfert du Musée national d'art modeme au Centre Georges Pompidou (1977). t y a une corrélation étroite entre I'institution et la mémoire qu'elle développe. C’est en fonction de la sélection qu’un musée opére qu’ll définit son identité et erée ‘une histoire de l'art. Si en faisant cette sélection pour la collection le musée d’art contemporain donne une dimension historique aux oeuvres et jouc ainsi le méme réle que les autres musées, il le fait dans des conditions sensiblement différentes ; I"histoire ne peut Iui servir de garant, son principal effort est “en temps réel”: il s'agit essentiellement de documenter l'art conternporain et, am lieu de se fonder sur une histoire déja la, de 'écrire. ‘Quelle mémoire de l'art le Département d’arts plastiques a-til instaurée? Quels dispositifs ont permis la mémorisation de l'art du XXéme sidcle? C’est en explorant la collection, les intentions qui ont présidé & sa constitution, 1a maniére dont la collection a profité de I'exposition dans les débuts de Beaubourg que I’on peut mesurer vingt ans aprés |’influence de cet instrument culturel. ‘Ces nouveaux rapports entre l'art et la maniére dont il est documenté ont bouleversé la pratique des professionnels et la vision que le grand public avait de I’art en France dans les années soixante-dix. 1) A quel point la mémoire dépend de la collection ‘C'est par la collection que se forme en amont la mémoire que le grand public, voire le public des spécialistes, a de l'art et par tout ce qui constitue aujourd’hui la médiatisation de Tart - les expositions devenues, selon la formule de J.M. Poinsot, “le mode d’apparition privilégié de Tart”, les catalogues, les films, les CD-Roms etc.- qu’elle se constitue en aval. Aussi est-il légitime de montrer les liens entre la définition de la collection qui a été établie lors du transfert du Musée national d'art modeme au Centre Georges Pompidou et I'idée que nous nousfaisons de Tart du XXeme siécle. Muséologie et mémoire Le transfert du Musée d'art modeme du Palais de Tokyo au Département d’arts plastiques du Centre Georges Pompidou n'a pas été une simple translation ; ce fut occasion de réfléchir & ce que devait ete un musée d'art moderne : que fallait-il entendre par “art modeme” ? Quelle devait étre la fonction d'un musée d'art modeme ? Cette réflexion a engagé la conception de ia collection tant d'un point de vue historique que d’un point de vue architectural La réflexion muséologique est d'abord une vision de Vhistoire, qu’il s’agisse d'une histoire rétrospective ou actuelle. Pour qui visitait le Palais de Tokyo dans les années cinquante, l'art moderne commengait avec les Néo-Impressionistes (Signac, Cross) - 4 l'exception, bizarrement, de Seurat -, Ecole de Pont-Aven et les Nabis. Aujourd’hui, pour n’importe quel amateur, ces peintres appartiennent a Uhéritage du XIXéme siécle et I’art modeme commence avec Matisse, Braque, et Picasso. A Iorigine de cette nouvelle vision de [art modeme, un rapport du 13 décembre 1973" - peu aprés la nomination de Pontus Hulten ala téte du Département d’arts plastiques - qui avait proposé un autre point de départ des collections et retenu les dates suivantes ~ 1905 - Salon d’ Automne (Fauves) + 1907 - Etude pour Les Demoiselles d'Avignon ; Le Luxe de Matisse ~ 1908 - Braque Paysage de I'Estaque ~ 1909 - Caoutchouc. Débuts abstraits pour Picabia Les grandes figures de l'art antérieures 4 1905 mais importantes pour une compréhension duu XXéme siécle ont néanmoins été conservées grice a la présence d'un petit nombre d'oeuvres, notamment Gauguin, Van Gogh, Seurat, le Douanier Rousseau, Cézanne. P.Gaudibert a critiqué tors de la réunion duu CIMAM? en 1980 cette périodisation de Mhistoire de Part en faisant Temarquer que ta'date de 1905 ne valait que dans une conception eurocentrste de V’art. On peut Iui objecter que les auteurs du premier accrochage y avaient pensé dans la ‘mesure oi Ie rapport visuel avec les arts d’autres cultures était présenté dans des vitrines ; l'art * Rapport interne, archives Pontus Hulten * Actes du colloque du CIMAM Les musées d'art moderne et leurs responsabilités & V'égard du patrimoine ‘mondial, Mexico, 1980 ° Musée du XXéme sidcle/Programme, archives Pontus Hulten “Rapport inteme, 13 décembre 1973, archives Pontus Hulten 6 africain entrait ainsi en résonance avec l'oeuvre de Max Ernst. A cette réserve prés, I'adoption de cette date a permis de donner une cohérence historique a la collection. Les formes d’expression que ce nouveau point de départ des collections permettait de mettre en valeur étaient celles des avant-gardes (fauvisme, cubisme, constructivisme). Ce terminus a quo n’impliquait pas de terminus post quem : si Vhistoire de l'art du XXéme siécle commence aux environs de 1905, elle évolue de maniére non linéaire, multipliant les “univers de sens”. Cette évolution constante de Vart pose, pour un musée qui se veut la mémoire de l'art du XXéme siécle, un probleme architectural Lorsque Le Corbusier doit imaginer dans les années soixante le projet d'un Musée du XXéme siécle, il formule I’bypothése d'un musée “A croissance illimitée”. Cette idée (comme celle - plus tard - de la flexibilité totale émise par les architectes du Centre (Piano et Rogers) ne tient pas compte des contraintes muséologiques (services, sécurité, éclairage). Elle est néanmoins intéressante dans la mesure oi elle se fonde sur opposition et la complémentarité des deux types de mémoire qu'un tel musée doit mobiliser : mémoire rétrospective et mémoire active, Le rapport Cassou-Besset * les définit comme étant les fonctions mémes du musée “Le nom méme du Musée du XXéme siécle indique clairement laquelle des deux formules a 4é retenue ; non celle d’un musée mouvant, suivant I'actualité ..mais celle d’un musée voué de fagon exclusive @ rendre compte d’un événement bien déterminé, savoir le renouveau des formes d'expression plastique du XXéme siécle. Dans une premiere période, le Musée du XXéme siécle aura donc a assumer une double fonction : - fonction historique ou d’inventaire pour les phases déjé accomplies de I'événement XXéme sidcle, - fonction dynamique, de prospection de l'art qui se fait d’autre part... La diversité de ces deux fonctions ~inventaire et prospection - doit sc traduire par Ja distinction entre deux départements trés différents : ~ le musée historique d'une part, couvrant les étapes deja classées, historicisées, de la formation du nouvean style; - la galerie expérimentale d’autre part. présentant de fagon trés libre les aspects les plus divers de I’art qui se fait, téte chercheuse-du musée du XXéme siécle ou “Musée d'art modeme” - au sens étroit du mot ~ au sein de celui-ci” Si ce projet n’a eu aucune influence sur le Président G. Pompidou ni sur les architectes du Centre, Je principe d'une mémoire en évolution est sans doute & rapprocher de Ia création du CNAC quelques années plus tard. Téte chercheuse en matiére d’art contemporain, le CNAC (Centre national dart contemporain), créé en 1967, contribue notablement I’élargissement de la mémoire de l'art du XXéme. Chargé de prospecter et de documenter l'art contemporain, ill propose un type de mémoire fondé sur l'actualité et pour cette raison en évolution. Lorsque les deux institutions rivales (le Musée national d'art modeme et le CNAC) fusionneront dans le cadre du Département d'arts plastiques, les deux types de mémoire seront conservés. puisqu’aux espaces consacrés la collection historique s’ajoutent les galeries expérimentales oi! sont présentées les formes les plus contemporaines de ’art ; y est exposé pour la premiére fois On Kawara. Pour conserver le caractére contemporain des collections du Musée national d’art modeme, il est prévu qu’elles soient soumises a des reversements périodiques au profit de la Direction des. Musées de. France, cent_vingt_ansaprés_la date de naissance. des artistes”. La question du musée du XXéme sigcle est ainsi éludée : ce qui comple, c’est lidée d'art moderne plus qu’un découpage tempore! Concrétement Je divorce qui existait auparavant entre avant- gardes, art contemporain d'une part et musée d’autre part peut prendre fin et cela sans que se pose le probléme des Kunsthalle qui - faute de la colonne vertébrale que constitue selon Pontus Hulten la collection - peuvent disparaitre du jour au lendemain, ‘Mémoire nationale / mémoire internationale Le dewxiéme probléme posé lors du transfert de la collection 4 Beaubourg, a été celui de la définition du patrimoine du XXéme sidcle. Deux visions s'affrontent tant en ce qui conceme la définition du patrimoine national que celle du patrimoine mondial. Lors de la réunion du CIMAM 4 Mexico en 1980, les participants avaient récusé la notion de “patrimoine national” en constatant qu'il n’était pas forcément lié & T'identité culturelle ; ils lui préferérent l'expression “propriété culturelle nationale” qui distinguait l'acquisition des oeuvres au sein d'une nation de Tidentité nationale, L'application de cette distinction a la mémoire de T'art contemporain en France peut permettre de dégager deux péles : le pdle de l'universalisme nationaliste auquel a suocédé le péle de I'international. Le critére de sélection qui servit de fondement a la collection du Palais de Tokyo appartient & tune conception de la mémoire nationale héritée de 1a Révolution francaise qui pourrait ilustrer Vuniversalisme nationaliste : c°est au nom de I’idée de Paris “capitale des arts. école de I'univers” selon l’expression employée par Boissy d’Anglas lors des débats sur le Muscum national, qu’est légitimé le pillage des oeuvres d'art. Dans cette conception de a mémoire nationale, le patrimoine est d’abord défini comme propriété culturelle nationale. Cette notion expliquerait que fit privilégiée au Palais de Tokyo ’Ecole de Paris considérée comme I’Ecole francaise par excellence. L’appartenance & cette Ecole liée simplement au fait d’avoir travaillé a Paris sert de principe de sélection pour Jean Cassou, premier conservateur du Musée national d'art moderne : “pour ce qui est de I’Ecole frangaise méme, c'est a dire de |'Ecole de Paris, j’ai tenu a n’établir ‘aucune distinction entre les artistes frangais de France et ceux qui, d'origine éirangéze, avaient été ou n'avaient pas été naturalisés frangais. Les uns et les autres, a cété les uns des autres, ont leur place dans telle salle consacrée au mouvement de peinture frangaise auquel les uns et les autres apportérent la contribution de leur talent’. Ces propos qui montrent la jonction paradoxale entre nationalisme et universalisme ne feraient qu'illustrer une position historique si la sélection a laquelle elle a donné lieu n’avait pas été si éoite : elle présente certes des Fauves et des Cubistes, Miro, mais fait la part belle a des seconds couteaux Dunoyer de Segonzac, Dufresne, La Patelliére, Elle ignore ce qui avait été le’ principal ferment de la vie artistique et littéraire de Ventre-deux-guerres et largement contribué 4 l'identité nationale : le dadaisme puis le surréalisme. A cette mémoire qui privilégie ta propriété culturelle nationale, Pontus Hulten oppose une meémoire nationale fondée sur lidentité culturelle comprise comme la contribution francaise 4 un patrimoine international. Grace & un systéme d’ acquisitions simplifié et A un accroissement du ‘budget, équipe du musée sous la direction de Pontus Hulten a donné un profil entiérement ‘nouveau a la collection. Le Département d’arts plastiques s'attache d’abord & pallier T'absence du ‘mouvement surréaliste qui est né & Paris et a joué un réle fondamental dans la vie culturelle tant & échelle nationale qu’intemationale. Gréce aux acquisitions réalisées sous !’égide d’un Comité spécial® i fait entrer ds 1974 Giorgio de Chirico, Salvador Dali, André Masson, Joan Miro, Max Emst, Magritte, Tanguy, Dorothea Tanning etc. En faisant procéder 4 ces achats, Pontus Hulten a rencontré une attonte du public : !'exposition Dali en 1981 fut, avec plus de 800 000 visiteurs, I'un des plus plus grands succés du Centre Pompidou. Lentrée des Surréalistes dans les collections permettait de renouer avec une tradition nationale fondée sur la critique voire sur la contestation et de faire le lien avec Ie situationnisme. Les lacunes sont aussi comblées grace aux donations Brauner et Raoul Hausman, D’autres acquisitions (Duchamp, Duchamp-Villon, Dubuffet, Helion, Yves Kiein, Tal Coat, R.Delaunay,” Jean Gorin etc.) élargissent la vision que Ton avait de l'art en introduisant notamment l'art conceptuel, l'art brut et ’art abstrait. Au total la mémoire que le Département darts plastiques commence a établir est un panorama de l'art du XXéme siécle qui, méme dans ses aspects nationaux, prend en compte la diversité de * Catalogue-guide chu Musée national d'art moderne, 1947, 1950, 1955, préface citée par C.Lawless in Musée ‘rational d'art moderne, Pati, éditions du Centre Georges Pompidou, 1986. © En ce qui conceme les acquisitions a partir de 1974 jusqu’en 1981, on peut se référer & deux publications du Centre Georges Pompidou : Cent oeuvres nowvelles 1974-1976, Paris, CGP, 1977; Cent oeuvres nouvelles 1977- 1981, Patis, CGP, 1981 8 ‘mouvements longtemps considérés comme marginaux par rapport & Ecole de Paris ; c'est 'ailleurs a ce mythe que ’exposition Paris-Paris tentera de mettre fin, Cette redéfinition de la mémoire nationale entraine une redéfinition de ce qu’est le patrimoine mondial. Au lieu de l'appréhender comme la juxtaposition de centres de mémoire nationaux -se développant indépendamment Jes uns des autres -, Pontus Hulten popularise la notion interaction notamment a travers la série des expositions inaugurales qui montre le réle des changes dans l'art du XXéme sidcle. Cette conception du patrimoine mondial qui prend en compte le fait que les avant-gardes ont été des mouvements transnationaux est nécessairement dynamique et s’ oppose a la mémoire statique et passéiste de Paris “capitale des arts”. L'idée que Ja mémoire de Vart du XXéme sidcle est & concevoir a Méchelle intemationale améne Pontus Hulten & donner un profil entiérement nouveau & la collection, It introduit des représentants du constructivisme, de I'abstraction géomeétrique notamment Stenberg, Pevsner, Mondrian, Sophie ‘Taeuber-Arp...Un ensemble remarquable de Malevitch donné a cette époque trouve sa place (Croix noire, Gota, Homme et cheval, L'homme qui cour). Pour Vart américain d'aprés guerre, les acquisitions ont été aussi en bonne partic effectuées parle biais de donations. Les fondations Scaler et De MEnil offrent pour la premiére des oeuvres de Sam Francis, pour la seconde des oeuvres de Jackson Pollock, Lamy Rivers, Andy Warhol, Un autre trait caractéristique de la refonte de la collection est ouverture & Yacualité qui permet Ia mémorisation de Tart contemporain : le musée fait comnaitre On Kawara, Nam June Paik, Dan Flavin, Penone, Spoerr, Niki de Saint Phalle, Le Gac, John de Andrea et bien d'autres. L’installation du Musée d'art ‘modeme a Beaubourg a donc permis une représentation de figures majeures de l'art du XXéme sidcle et de susciter une interrogation sur les échanges intemationaux. Cette conscience de l'art du XXéme siécle comme patrimoine mondial est si fortement ancrée que, malgré l’importance des acquisitions (plus de sept cents oeuvres en 197) le musée imagine une politique d’emprunts 4 long terme & des particuliers ou a des musées étrangers qui permet d’élargir encore le panorama de l'art du XXéme siécle. Ainsi il avait été convenu avec P.Ludwig des préts d'oeuvres de Jasper Johns qui devaient se transformer en dons. Grace au Directeur des Musées de France, Hubert Landais, ce sont des précurseurs comme Rodin qui ont pu étre montrés au Centre, Enfin les préts long terme ont servi & montrer des oeuvres qui ne se trouvaient plus sur le marché, par exemple celles des Unistes polonais, Sion tire vingt ans aprés le bilan de la redéfinition des collections, on peut se rendre compte quel point notre mémoire de l'art du XXéme siécle a été modifiée : c'est une série de ruptures dans l'expression qui permet de définir Part modeme ; les avant-gardes & la fois dans ce qu’elles ‘ont de national et de transnational ont trouvé leur place. L"ampleur du projet, importance des cenjeux font rétrospectivement apparaitre la querelle des donateurs qui se sont opposés au transfert des oeuvres comme une bien petite péripétie d'une histoire qui - pour reprendre la formule de Braudel - nous accompagne mais s’avance a grands pas devant nous. 2) Lacerochage ou les espaces de la mémorisation Complémentaire de Ja collection qui définit 1a mémoire, V'accrochage définit les espaces de ‘mémorisation, ces liewx auxquels le visiteur va associer Je souvenir d'une oeuvre, Dans le cas de ‘Beaubourg, le ecul permet d’apprécier-1e-raffinement-du-premicr acoroohage que-le choc du batiment a occulté durant les premiéres années. Il permet aussi de poser deux questions : quels changements la redéfinition de la collection a-t-elle entrainé pour T’accrochage ? L'installation du MNAM au Centre Georges Pompidou influe--elle également sur notre perception de l'art ? L'idée que I'art da XXéme siécle commence aux environs de 1905 et qu’il es le fruit d’interactions cst perceptible dans I'accrochage du premier Beaubourg : & une organisation qui serait fondée sur une histoire de l'art divisible en chapitres, Pontus Hulten préfére une pensée de la complexité. C'est une mémoire différentielle, séquentielle qu'il cherche 4 établir & travers le principe de quatre circuits, Pontus Hulten se sert de la topique “village afticain” comme “lieu de mémoire” ; il y avait les places Comme licux majeurs (valeurs communes, artistes reconmus par tous, ayant d'emblée une “place” Patrimoniale), les cabanes (agrégat, ilot de peuplement des “mouvements artistiques"), les réserves accessibles et enfin Jes vitrines consacrées aux arts premiers, Les principes de Vaccrochage Au lieu dune mémoire homogéne, structurale, l'accrochage du premier Beaubourg (P. Hulten, G. Viette, H. Bouilhet) met accent sur les ruptures, sur les oeuvres chamiéres qui font besculer d’un systéme a un autre. Le compte rendu des principes de I'accrochage dans le rapport d’ activité de 1976 montre la grande exigence de cet accrochage pour le visiteur: c'est & lui de faire ses choix, d'établir les gradations, les rappochements Ce sont les conceptions muséographiques de Pontus Hulten qui ont présidé a installation de ia collection : il s’agit de “faire du musée un lieu ouvert et changeant oii le visiteur peut se diriger en fonction de ses goits, tout en respectant et en soulignant la succession des ceuvres dans le temps”. “Le premier principe a conduit & regrouper les ocuvres dans des espaces différemment organisés. Les pices maitresses disposent de vastes places ouvertes qui les mettent en valeur et donnent du recul ‘au spectateur. Les autres peintures sont installées dans des zones plus petites, en partie fermées et au-dessus desquelles un voile blanc est tendu pour abaisser le plafond. On restitue ainsi aux oeuvres le cadre méme pour lequel elles ont été congues... Parmi les résultats attendus de cette organisation : - rendre plus intelligible 'art contemporain aux non-initiés qui viendront au centre ; ~ souligner, lorsque les collectioas le permettent, lévolution dans le temps des principaux maitres du XXéme sidcle ; + mettre en évidence dans ce déroulement, les influences réciproques qui lient entre eux les créateurs”, Conséquences sur la mémorisation de l'histoire de l'art du XX8me siecle Parmi les résultats qui auraient pu étre évoqués, l'expérience coneréte que le visiteur du premier Beaubourg faisait du musée n’est pas le moins important ; la mémorisation de Ia visite, du parcours ‘comme mémorisation de Mhistoire de l'art du XXéme siécle ne se fait pas en rupture de l'expérience ‘quotidicnne de la ville: il n'y a pas de césure entre la circulation dans le batiment et I"engagement dans les galeries du musée congues comme un réseau de voies. Le village entretient ce qu'il faut d’apparente Nous considérons le terme de préservation dans son sens donné par MENSCH P. van, (ed), Professionalising the Muses. Amsterdam, AHA Books, 1989, p. 85.95. 2 DELOCHE B., Museologica. Contradictions et logiques du musée, Micon, Ed. W. et MNES., 1985, * La théorie de Hobjet porteur information est notamment développée par Yvo Maroévie et Peter van Mensch. Voir van Mensch, op.cit, p. 85-95. Le terme de fonds a &é admirablement défini et analysé ~jusque dans ses ‘conséquences ultimes- par Martin Heidegger. Voir HEIDEGGER M., « La question de fa technique », in « Essais gt conférences », Paris, Gallimard, 1958, } LAROUSSE P., Grand dictionnaire universe! du XIX* sidcle, Paris, 1874 (1.11). « STRANSKY Z.Z., Muséologie et Musées, in Jcofom Study Series, 12, 1987, p. 293-298, WAIDACHER F., Handbuch der Ailgemeinen Muscologie, Wien, BOblau Verlag, 1996 (2te Auf), p. 125-127, PEARCE S., ‘Museums, Objects cad Collections, Washington, Smithsonian lnstitution Press, 1992, p. 95. I s’agit du premier crit muséologique théorique au sens oi chacun de ces auteurs Pentendent 7 Samuel Quiccheberg (Quicsheberg, Quicchebergs, Quicchelberg ou Quicchelbergs, selon les sources) fut ‘médecin, né & Anvers en 1529 et mort a Munich en 1567. Sa formation en Suisse et en Allemagne (Nuremberg, puis & Bale et a Fribourg) l'amena a rencontrer les Fugger, dont il classa les collections, L’éloge que firent ses protecteurs lemmena a rencontrer puis & travailler pour le compte du Duc Albert V de Baviére, pour le compte dduquelil se rendit en Italie afin dy acquérir des antiquités ou oeuvres d'art. Revenu & Munich, chez son nouveau protecteur, il s'occupa activement du classement de ses collections. C’est dans ce contexte qu'il publia en 1565 la brochure inttulée « Inscriptiones vel Timnli Theatri Amplissimi, Complectentis Rerum Universitatis Singulas ‘Materias et Imagines Eximias, ut idem Recte quoge dici possit ». Cette brochure constituat le résumé d'un traité de grande envergure dont sa mort prématurée, deux ans plus tard, empécha la réalisation. Sur Quiccheberg, voir DONNET F., Quicchelberg, in Biographie Nationale, Bruxelles, ‘Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, 1866 sq, Pour la description de ce trité, nous renvoyons a FINDLEN P. The ‘Museum: its classical etymology and renaissance genealogy. in Journal of the History of Collections, 1, n°1, 1989, B Amplissimi, Complectentis Rerum Universitatis Singulas Materias et Imagines Eximias, ut idem Recte quoge dici possit, comporte une référence au théatre, dont le sens étymologique signifie « regarder avec admiration, contempler, voir ». Selon Shulz, Quiccheberg définit le musée comme « un endroit (ou un texte) dans lequel des choses speciaculaires ou extraordinaires sont arrangées dans leur abondance et leur diversité, comme dans une chambre. Ces objets doivent en ouire éire accessibles pour les besoins d'études, par lesquels ils sont anoblis »*. Le spectaculaire et l’extraordinaire rejoignent le théavre, l'étude procéde du musée. Le projet de Quiccheberg est ambitieux, car il entend résumer -par l'emploi d'une nouvelle systématique- l'ensemble des connaissances du monde, «ioutes les choses de l'univers », Quiccheberg ne se préoccupe pas de la préservation physique des collections, mais il appelle a la tache d’énumeération, de catégorisation et de description -bref de catalogage- de chacun des objets présentés. La préservation de la mémoire passe (ici) par I'écrit. L’objet n'est pas encore interrogé comme fonds, comme porteur d'information, mais il est incontestablement porteur de signification (sémiophore) et lié au pouvoir que le collectionneur en retire, Quiccheberg, & cheval entre deux périodes, préserve lidée et non le sensible. Tous les éléments sont pourtant réunis, qui assureront le développement du musée classique et de son processus de rétention : [existence d'un projet cencyclopédique, d'une systématique et l'expérience du visible dans un espace ferme” ‘Nous ne pouvons concevoir ce projet qu’en nous interrogeant sur ses origines. Une de ces sources nous saute aux yeux, le Thédtre de la mémoire de Camillo'°. L'Idea del Theatro fut publiée en 1550, six années aprés la mort de I’auteur. Camillo, dans son thédtre, n’expose aucun objet, sinon quelques images emblématiques (emblemaia). Mais le projet de ce théétre est lui aussi encyclopédique. I! a pour ambition de préserver la totalité des connaissances de l'univers. Camillo s'inscrit pleinement dans le projet de préservation de la mémoire, bien qu'il ne retienne aucun de ses fonds physiques. Pour comprendre ce projet, seulement antérieur d'une vingtaine d’années celui de Quiccheberg, nous devons nous interroger sur le contexte dans lequel celui-ci s'inscrit, qui est celui de Part de fa mémoire ‘ou mnémonique. La mnémonique est un aspect fondamental de 1a rhétorique, dont la tradition remonte aux premiers grecs. Le fondement de cet art, attribué par Ciceron au présocratique Simonide, repose sur Ie concept simple d'attribution d'images & des liewx'’ . Pour se former des fiewx dans la mémoire, il faut y inscrire ‘un batiment & l’architecture vaste et multiple, composé de nombreuses salles. Le théteur, pour préparer son discours, disposera dans ces salles des images qui lui rappelleront les idées qu’il entend developer dans son discours. Ces images doivent étre extra-ordinaires, afin de susciter l'émotion nécessaire qui permettra de les fixer dans la mémoire. Lorsque viendra son tour de parole, le rhéteur n’aura qu’a se promener dans le batiment pour y observer les images. Le réle de I'architecture, en Gréce, procéde de Ja mémoire. Tous les auteurs insistent sur cette structure, prenant volontiers leurs références dans les architectures existantes. Quant a la création des images, les avis divergent selon les écoles Philosophiques. Platon autant qu’Aristote ont pensé la mémoire. Pour ce demier, J'imagination est Vintermédiaire entre la perception par les cing sens et la pensée. L’imagination, c’est-a-dire la capacité de concevoir des images mentales -celles-la méme qui servent dans la rmnémonique. Platon, par contre, envisage une connaissance non sensorielle, mais issue des idées fixées dans I’éme immortelle. Tous p.59-78; SCHULZ E. Notes on the. History of -Collecting-and -of Museums, in-Jowrnal of the History of Collections, 2, 1°2, 1990, p.205-218; FALGUTERES P., Fondation du théétre ou méthode de exposition tniverselle, les Insriptiones de Samuel Quiccheiberg (1565), in Les Cahlers du Musée National d'Art Moderne, 40, 1992, p. 91-109; JANSEN D.F., Sanel Quicchelbergs ‘Inseriptiones’ : de encyclopedische vereameling als ‘nulpmiddel vour de wetenschap, in BERGVELT E.. MEUERS D., RUNDERS M,, Verzamelen van ariteitenkabinet tot kunstmuseum, Heerlen, Open Univeristeit Gaade Litgevers, 1993, p. $7-76. } SCHULZ E., Op. Cit, p. 208. ” Ceiui-ci sera pleinement développé dans le sillage de la science modeme, dont Leibniz et Bacon (insistant tous deux sur la nécessité des cabinets de curiosité ou musée) sont les intiateurs les plus marquants, *L’oeuvre de Giulio Camillo, un des « hommes les plus fameux du XVI" siécle », reste nachevée au méme titre que les Znscriptiones de Quiccheberg. Nous nous basons principalement ici sur Pouvrage de YATES F., L'art de 4a mémoire, Pasis, Galiimard, 1975. Une comparaison entre Camillo et Quiccheberg est donnée par JANSEN Dil. op.cit, p. 70-72. Pour ce développement, voir l'ouvrage de YATES F.,op.cit, p. 13-61 4 deux s’accordent pourtant pour reconnaitre que la pensée se forme a partir des images émanant de la ‘meémoire, non de la perception sensorielle. Le théatre de Camillo procéde de la mnémonique. Dans une envelope architecturale, I'auteur a disposé des images lui permettant instantanément de se rappeler les idées. Les images idéales qu'il a retenues le rattachent a la tradition platonicienne’” ; les objets du monde réel ne pourraient y avoir leur place. Tout autre est le projet de Quiccheberg, qui se rattache au monde sensible. Les Jnscriptiones, bien que concentrant les objets extraordinaires et digne d’émerveillement de univers. n'ont pas pour objet le rappel d'autres idées qui leur aurait été associées; elles ne participent plus a l'art de la mémoire. Ine s’agit plus d'images mentales, encore moins d'images idéales, mais des objets dans leur brutale matérialité ‘Ou sommes-nous arrivés ? Nous questionnons le rapport entre la préservation et la mémoire ct nous avons trouvé deux sens a la préservation : celui de la considération, expression de la pensée, et celui de 1a défense, expression de I'action matérielle. Jusqu’a Camillo, nous pouvons dire que la préservation de la mémoire passe prioritairement par le premier sens, celui de la pensée. Camillo pense les objets et préserve ies idées. Le projet de Quiccheberg inaugure la priorité au second sens, la défense matérielle, En quoi ces projets sont-ils différents ? En tout. L'art de la mémoire préserve les idées, il insorit dans son sillage les noms de Platon, Aristote, Ciceron, Saint Augustin; il procéde de la pensée, il Ja préserve et fortfie en cela la connaissance philosophique. Notre monde occidental n'aurait pas formé les concepts de démocratie et d’éthique sans la préservation de cette mémoire. Le musée ‘modeme procéde de la collection. Ses références sont les collections-trésors, les thesaurus et les trésors ecclésiastiques'’ . La pensée, s'il y en eut jamais, se perd dans ces sanctuaires, La pensée est pourtant présente - elle en est le foyer - dans I’édifice qui a donné son nom au musée, le Mouseion. Nous savons qu’il y eut plus d'un Mouseion, mais celui d’Alexandrie apparait avec le plus de netteté 4 notre esprit. Contrairement a ce que de nombreux auteurs affirment'™, nous savons trés peu de choses sur cet édifice et nous ne pouvons prétendre que celui-ci possédait des collections". Dans quel rapport s’inscrivent la préservation et la mémoire ? Nous pouvons d’abord répondre par 1a négative. La mémoire (la pensée) ne s"inscrit pas dans les collections. Nous savons qu'il existait une bibliothéque a Alexandrie, dont certains des savants du musée furent les responsables. La mémoire est- celle uniquement préservée dans les livres ? Nous savons que Ie Mouseion d’ Alexandrie fut fondé, sous Vautorité de Ptolémée Soter, par un ami de Théophraste (Iui-méme disciple d’Aristote). Les Péripapéticiens (disciples d’ Aristote) avaient coutume de se promener Jonguement sous les portiques, sur la promenade mentionnée par Strabon dans sa description du Mouseion'®. Nous pourrions émettre Thypothése que cette mémoire dont nous avons défini l’exercice ne s"inscrivait pas seulement dans les livres, mais aussi dans architecture et dans ta nature présentes au sein du musée, réfléchissant ainsi architecture intérieure a laquelle appelaient les théoriciens de l'art de la mémoire. Pour tentante que soit cette hypothése, aucune preuve matérielle provenant du Mouseion (dont rien n'a subsisté) ne nous = Le projet de Camillo découle également du courant hermétique de la Renaissance (Marcile Ficin, Pic de la Mirandole). Son théitre se voulait une «dime consiruiten, lui permettant magiquement de saisir Pentisreté de la connaissance. ® Voir par exemple STRANSKY Z.Z. Muséologie Introduction aux études, Brno, Université Masaryk, 1995, ow SULER P., On Museology before the Museums, in Icofom Study Series, 12, 1987, p. 299-301 it BURCAW G.E.(1983), Introduction to Museum Work, Nashville, American Association for State and Local History, 1983 (2éme éd.), prétend que ce musée est Equivalent aux musées modemes, avec ses collections et sa bibliothéque; MAROEVIC I, Museology and Museums, in Zcofom Study Series, 12, 1987, p. 173-179, parle notamment de la bibliothéque et des laboratoires de sciences naturelles. RIVIERE GH. (Lar muséologie selon Georges Henri Riviere, Paris, Dunod, 1989, p. 48.) parle de colletions, d'un observatoire, d'une ménagerie "La plupart des auteurs sont nettement plus réservés. A. Measson (in ARGOUD G, Science et vie inellectuelle 4 Alexandrie St. Etienne, Publications de YUniversité de St Etienne, 1994. p. 32) en parle avec circonspection, de méme que BERNAND A. (Alexandrie des Ptolémées, Paris, CNRS éditions, 1995, p. 93-96), qui émet seulement Thypothése. Voir également FRASER P.M, Piolémaic Alexandria, Oxford, Clarendon Press, 1972, 3vol, Vol. 1, 305-335, f «Une partie des palais royaux forme ausst le Musée, qui a une promenade, une galerie de sidges, une grande salle ois se font les repas communs des hommes savants qui participem au Musée, Cette compagnie a des Tevenus communs, et pour chef un prétre autrefois préposé au Musée par les rois, maintenant par César». Ce ‘texte st la premiére description que nous ayons du Mouseion, postérieur de trois siéces a sa fondation 6 permet de la corroboret. Mais nous pouvons garder en mémoire ce rapport en poursuivant notre chemin, L’Antiquité romaine nous offre un liew qui présente beaucoup de similitudes avec le Mouseion. Il Sagit de la Villa que Tempereur Hadrien avait congue et fait construire a Tivoli, oeuvre d'une rare complexité, aux nombreux niveaux de lecture'”. L'image de la Villa comme « album de voyage »"*, dans lequel !'Emapereur aurait rassemblé les souvenirs matériols de ses multiples expéditions, appartient désormais au passé; les érudes in situ sont en train de démontrer que 'ensemble des batiments avait été congu dés le début comme un systéme (organisme) unitaire"? : Dans ce microcosme, les rapports entre homme et 1a réalité - de méme qu’entre "homme et la ‘mémoire - ont connu un développement perpétuel. La Villa Adriana se présente notre réflexion sur Tidée du musée comme un systéme d’approche du sensible trés subtil, sorte de catalogue du rapport entre Thomme et la réalité développé dans un réseau architectural. Les rapports entre les arts et les éléments naturels (la lumiére et Yombre, le vent, leau, la végétation...) sont exprimés dans la plupart des bitiments d'une fagon extrémement originale : chaque édifice s‘ouvre et s‘accorde au monde ‘extérieur. Il s‘ouvre au dialogue avec le ciel, le paysage et lhorizon; la plupart des batiments se dotent dune orientation particuliére. Les oeuvres dart s'intégrent au systéme de ‘architecture et & la nature. Mais l'art ne se limite pas aux objets: theatre, bibliothéques, portiques, jardins, jusqu‘a la « maison de Tle » (le Thédtre Maritime) participent ces rapports d'iniégration en un microcosme unissant Thomme, l'art et Ia pensée, Les recherches actuelles se dirigent vers une nouvelle compréhension de la Villa comme thédtre de univers, monument a la pensée cosmologique des Anciens, a leur plaisir de Tanalogie et Yar de la mémoire. Lun des éléments qui nous sembient les plus intéressants a noter est la particularité de chacun des bitiments composant ce shédtre. Chaque édifice, chaque élément a été pensé dans sa relation aves I'entiéreté des éléments du microcosme. Cet immense effort s"inscrit dans un rapport refusant toute systématique, mais visant pourtant la globalité, En refusant la systématique, le projet de la Villa Adriana produit un concentré de pensée que I’on retrouve sur chaque pierre, dans chacun des Jeux d'ombres ou des reflets du soleil participant a l'ensemble. La systématique, la classification ppermettent d’éviter la pensée et induisent oubli, En ce sens, la Villa Adriana est un lieu de mémoire par excellence, le projet de Quiccheberg s’ouvre a Poubli. Lhistoire de la Villa Adriana nous permet de retoumer aux problémes du musée, car depuis la Renaissance, elle a servi de «mine d’antiquités, qui a enrichi tous les musées du monde et notamment ceux de Romen”. Bien que dépouillée de ses objets, la Villa ne cesse de provoquer notre étonnement. Les recherches continuelles sur son sujet nous apportent, jour aprés jour, de nouvelles informations qui nous permettent de découvrir la somme. des connaissances réunies sous le régne d'Hadrien. Paradoxalement, c'est dépouillée de ses objets que la Villa, progressivement, s'érige en véritable ‘Mouseion de la pensée greco-romaine. A ces quelques moments d'histoire, il faut une morale; en guise de conclusion, nous pourrions Proposer ceci : ~~ ~préservation'de mémoire préservation d'idées hors des systemes, hors des sentiers foin du cellier, fomn du grimoire ‘ouverte au monde, & la pensée ""COARELLI F., Lazio (Guide archeologiche Laterza, 5), Bari, 1982, pp. 42 - 73; D'AMATO C., Vila Adriana 4a costruzione dell architetura ¢ la memoria, in Z ‘Antico come luogo della memoria, Roma, Casa del libro editrice, 1984; STIERLIN H., Hadrien et l'architecture romaine, Fribourg, Office du Livre, 1984. 1S Rome, Hachette, Guide bleu, 1987, p. 289. SALZA PRINARICOTTIE,, Villa Adriana nei suoi limiti e nella sua funcionalita, in Ati della Pontificia Accademia Romana di Archeologia, Serie IH, Memorie, Volume XIV? 1982, p45-46. ® BAZIN G. Le temps des musées, Liege, Desoer, 1967, p.19. 16 Frozen in Time and Space: Museums and Memory Dr, Anita B, Shah 4-3-538 Hanuman Tekdi, Sri Krishna Nvas, 500195 HYDERABAD (Inde) A museum in its broadest sense is a collection of memories. Memory in its broadest sense is knowledge, whose embodiment in Indian culture is the Vedas. So 1 begin by saluting the personification of the Vedas - Adi Sankara. The Sanskrit hymn says: °Sruti, Smariti, Purananam ‘Aalyam Karuna-Layam Namami Bhagwad Padam Sankaram Lok-Sankaram.' “He who is like the abode of Sruti (knowledge transmitted by means of oral traditions), Smriti (knowledge transmitted through the written word), Puranas (recorded history), he who is the personification of piety and love, I salute that Sankara, by whose teachings good happens to the world. Sensation is the basis of perception, perception leads to retention and memory, which is the data bank of the human mind, Human actions and reactions are based on perception of the sensations eceived by the sense organs. Perceptions give rise to associations in the mind leading to retention and memory. ‘These memories form the data bank of the individual on the basis of which man interacts with his environment. Thus memory is the rich data bank of past experiences, The sum total of the memories retained within his self, together form the basis of his actions in the present and the future. ‘The memories associate to form ideas, which crystallize to form concepts. Concepts give shape to actions. In the process of action and interaction with his environment man goes on building upon his data base. He leaves behind what he has perceived, stored and understood in the form of knowledge and concrete actions for the coming generations to inherit and build upon further. Similarly, the collective memory of a group of people forms culture, civilization, the entire body of knowledge itself. ‘What is left behind in the form of material culture is actually collective memory, frames frozen in time and space, by a group of people, community or society. Muscologists study these frames frozen in time and space. How they shaped a culture, a community, a society or even a nation. Objects are ‘materialization of human concepts, they are objectified memories. Objects in themselves may not speak anything, but for muscologists they have a story to tell, memories to be made explicit, hidden philosophy to be explained, its relation to space and time to be revealed. Objects tell us about how and what a particular group of people thought. How the power of these thoughts shaped their lives and their environment in that particular period of human history. What were the external factors that influenced events and the results that ensued, and the long connection of cevents(frames frozen in space and time). Memories crystallized in the form of objects can be important as well as trivial. -Museum-specialists-select objeots-from-objective-reality-from the perspective of ‘museum value, This museum Value implies that the object has ‘value’ in terms of a broad socio-cultural spectrum. Its ‘value’ encompasses a whole community, or society at large. Therefore museologists deal with those memories that are of socio-cultural significance. Those memories, frames of references frozen in space and time, that are important landmarks in the flow of human history. Thus the ‘museologist present the objective reality scientifically through the medium of museums to the world in his quest for truth Another aspect closely related to memory is identity. Identity is closely related to memory at both the micro and macro level. At the micro level memories play an important role in the life of an individual, both in terms of his personal and family life. Oral traditions are carried forward from one generation to the next depending to a great extent on memories of individual members of the family. ‘Through oral traditions the older generation teaches the next generation practices of child rearing, 7 basic modes of adjusting to their environment, mores and codes of conduct, moral values and a whole set ways to cope with life itself. Memories in forms of photographs, personal artifacts form the family heritage which play an important role in establishing the identity of the individual at the micro level ‘Thus oral traditions form an integral part of a culture. Certain traditional customs and practices are common to a community. These form the collective ‘memories of the community, At the macro level, the collective memories of a group, community, society or a nation play an important role in establishing the ‘collective! identity of a people The collective memories at the macro level may be more organized in the form of historical records, objects which portray the chain of events which joined a large number of people as a whole, or marked crucial junctures of progress and change of a community, society or a nation. ‘The museologists deal mainly with memories at the macro level, those which are of importance to a large cross section of the population. These collective memories not. only help to establish the identity ‘of particular community but also show the purpose of future orientation, Museums are custodians of these memories which provide the present generation a link with the past and an orientation towards a better tomorrow. Present urban society consists mainly of influx of cultures from various parts of the world. Today's urban society is described by sociologists as ‘melting pots’ of cultures. Assimilation of cultures in such environments leads to obliterating of traditional customs and practices. Certain traditional customs of ‘minority communities fade away as they try to assimilate with the main stream population. Customs and traditions slowly become fading memories. The question remains whether progress should be paid by giving away traditional practices or how much should be retained to keep a balance with modem technological advancement. Community museums can play a very important role in helping ‘communities to assimilate into the main stream of the society. They can help communities to conserve their typical cultural flavour by preserving their memories. Thus in this melee of change and influx of cultures identity crisis is a crucial phenomena. Community museums by playing an active role can help to resolve this problem to a great extent by helping the community to conserve, preserve and understand its own cultural reality as related to a larger whole. ‘The present decade has seen many political upheavals, Ethnic strife has taken its toll throughout the history of humanity, the present era with all its sophistication and maturity of thought has not been spared. To lessen the turmoil due to’human strifes, museums can play an active role by bringing communities together through better understanding of each other. A museum display is a window of culture. Through its powerful medium of art and material culture and supporting documents. can inbreed a better understanding of foreign/alien' cultures among its visitors, Though this may be a very small effort yet itis worth taking up to establish harmony and peace in the world. Museurns can help ‘communities to understand their own cultural reality as well as generate understanding and admiration for other cultures, thus establishing a dialogue between cultures. Another problem related to "memory’ is change. The present era is facing tremendous and rapid changes. The train of technological advancement is moving at a great speed. What is ‘present’ is becoming a memory in just a matter of few years. How can the muscums help man to adjust to these rapid changes. Museums through their study of various human cultures through space and time can highlight the threads of similarities running through the entire fabric of mankind. These threads of memories woven ‘through the stretches of space and time have formed a kaleidoscope of pattems with common elements ‘of human experiences. Similarly, the entire universe is also made up of a few common elements yet it is so diverse and beautiful. Museologists by bringing to the forefront the common elements that lies at the base of human cultural diversity can consolidate ‘a sense of peace and understanding among the different peoples and lay the foundation for permanent human relations whose concrete pillars are a ‘common human heritage. Muscums can teach man to appreciate cultural diversity as a natural phenomena. Memories, frames frozen in time and space are left in the hands of muscologists and ‘museum specialists to be interpreted to the world for the purpose of doing good to the entire human ‘community. Thus muscums are the guardians of the memories of the community, society and the nation, they enable us to look back at the frames frozen in space and time to be able to shed light t0 brighten the path of the future, 8 Mémoire et histoire : un difficile dialogue Frangoise Wasserman Ecomusée de Fresnes, BP 104, 94267 Fresnes (France) «Quelle chose étrange que la mémoire! On se souvient avec précision d'une rencontre, d'une conversation, mais sans pouvoir la dater & une année prés, sauf si quelque détail en indique la saison. Certains événements sont tout simplement oubliés, ou plutst oceultés, jusgu'é ce qu'une lecture, un dialogue les fassent soudain réapparaitre. Le témoin relate ce qu'il a connu, sans en savoir les conséquences, surtout lointaines. Lihistorien, au contraire, connait les conséquences de ce qu'il raconte. Mais Vapprenti mémorialiste que je suis n'est ni l'un ni Vauere, et sa sincérié exige un véritable effort. Parfois j'ai pu prendre quelques notes, lorsque les circonsiances me paraissaient ‘importantes et que j'en avais le temps. J'ai conservé les petits agendas ott je notais ‘mes rendez-vous, y compris l'itinéraire de mes voyages. Mais ces carnets, que je tiens depuis 1934, sont vides en 1941 et 1944, quand il fallait mémoriser. Le parcours dont je m'efforce de rendre comple est varié, comme celui de beaucoup de mes contemporains. j'ai eu souvent quelque peine & m'identifier & celul dont je racontais la vie, comme s'il s ‘était agi d'un autre, que j ‘aurais bien conma, mais quit aurait é4é ou qui serait devenu un étranger...» Cet extrait de Pouvrage de Raymond Aubrac’, Qic la mémoire s'atarde, introduit les fondements une réflexion sur les difficiles relations entre la mémoire et Vhistoire La mémoire fait référence au genre littéraire (les petits camets, les agendas, les «mémoires», ou les “Antimémoires») tandis que I'bistoire se veut scientifique, structurée et structurante, disciplinge, Mémoire et histoire: tout semble les opposer. La mémoire est «vivanten, elle est transmise, voire méme transmissible, elle évolue, elle se construit, se déconstruit, se dissout, pour disparaiire ou s'étioler, tandis que Vhistoire est «la reconstruction toujours problématique et incompléte de ce qui n’est plus, une tation du passé». Et comme Ie formule Pierre Nora dans Tintroduction des. Liewx de mémoire* : «...1amémoire ne 's‘accommode que des détails qui la confortent : elle se nourrit de souvenirs flous, télescopants, globaux ou flottants, particuliers ou symboliques, sensible a tous les transferts, écrans, censure ou projections. Tandis que I’histoire, parce que opération intellectuelle et laicisante, appelle analyse et discours critique. La mémoire install le souvenir dans le sacré, histoire en débusquerait. L’histoire ne s‘attache qu’aux continuités temporelles, aux évolutions et aux rapports des chases La mémoire s'enracine.dans le concret, dans I'espace, le geste, image et l'objet. La mémoire est un absolu et V’histoire ne connait que le relatif» Lorsque les Ecomusées ont choisi comme theme porteur de leur démarche «En avant la mémoire», avaientils pris conscience qu’ils privilégiaient le «flow», le «télécospant», le «magiquen, la kanétaphore» ? Avaient.ils choisi de privilégier le « littérairen, puisque c'est bien plutdt a ce genre que 1a mémoire appartient, au profit du scientifique, du «rationnel» owet du «relatify ? Raymond Aubrac, Oit la mémoire s atiarde, Editions Odile Jacob, janvier 1996. ‘Les Liewx de mémoire, sous la direction de Pierre Nora, Tome I La république, Gallimard, 1» La mémoire est au centre de nos préoccupations, au centre de la démarche scientifique, exprimée dans la muséographie de beaucoup d’écomusées, La publication d'un ouvrage par la Fédération des Ecomusées et des Musées de Société ne pontats pas le titre «Territoires de la mémoire»' ? Mais quelle définition donnions-nous alors de ce terme, ‘quelle justification scientifique apportions-nous pour introduire dans nos musées et la discipline qui les sous-tend - Pethnologie - ? Mémoire, mémoire collective, récits de vie, autant de termes qui sous- tendent la démarche scientifique de nos établissements. Leethnologie, science humaine dont le "terrain" se voulait un terrain de Toralité, déviant souvent ‘Vers une conception de sociétés sans Histoire... C'est ainsi que dans Territoires de la Mémoire Isac Chiva affirme qu'il «n'y a pas de construction smuséale possible sans construction préalable de I’objet que I’on veut présenter, du savoir que l'on veut transmettre. Ceci est particuliérement vrai lorsqu’on cherche a représenter avec des moyens muscographiques, V'identité sociale et culturelle d'un groupe... Plus que toute autre institution répondant a la volonté de mémorisation collective et d'objectivation d'une identté sociale, les écomusées devinrent le lieu oi s’exprime le plus fortement le balancement entre la quéte identitaire exasperée de soi et la volonté de connaissance d'autrui, d'ouverture sur le voisin, le citadin, Pétranger..» C'est au nom de la mémoire que se fait l'appertenance aux groupes, mux communautds, et sila ‘mémoire participe de Ja construction de lidentité des sociétés, le regard de V'historien n’estil pas nécessaire pour appréhender cette construction ? N’estil pas nécessaire pour appréhender la reconstruction de la mémoire, reconstruction individuelle ou construction sociale ; mais de la reconstruction a occultation, il n'y a qu'un pas... Depuis plus de dix ans s'opére la distinction entre histoire et mémoire, entre le savoir scientifique du passé, des faits et des évenements et Ia mémoire des faits passés. Si T"historien suspecte la mémoire, s'en méfie, 'ethnologue quant & ui ignore ou fait semblant de | “ignorer. L ‘Ecomusée devient alors lieu de résonance de la mémoire, d’un groupe, d’une communauté rurale, communauté qui a linstar des sociétés «primitives» pourrait alors paraitre sans histoire, n'a t- on pas dit que les groupes ethniques «indigenes ou autochtones» appartenaient a des sociétés sans histoire oii seule la transmission orale d'un patrimoine se faisait. Le conteur africain Hampaté Ba ne disait-il pas «Un vieillard qui meurt en Afrique, c est une bibliotheque qui brille» ? Mais ce discours réducteur appliqué aux sociétés rurales européennes a renforeé exclusion de toute analyse historique de Ceux que !’on appelie «les oubliés de l'histoire. Les musées traditionnels, dont les collections sont dites de «beaux-arts», «racontent» histoire officielle. S'opposent alors les «Monuments historiques», les chéteaux ou demeures seigneuriales, ‘mais aussi les musées municipaux, & la gloire de leurs notables, aux musées de société ou d'anthropologie qui «valorisent», parfois sacralisent, le geste, le souvenir du geste, a l'aide de la parole, mais rarement, trés rarement 4 I’aide des archives, D’un cété, la charrue, le soc, le pressoir, les «objets» et leur utilisation mais rarement l'histoire fonciére, I'analyse de la propriété et de la structure agraire, comme si les objets depuis le Moyen-dge avaient été figés & tout jamsis sans qu'aucune analyse historique ne les fasse émerger de leur immobilisme. Cet article ne prétend pas faire Yexégise des rapports entre la Mémoire et histoire, mais essayer de poser quelques questions. Peut-on rendre compte dune société, d'un groupe fumain, d'une ‘communauté au sens le plus large avec le seul recours a la mémoire ? > Tervitoires de la Mémoire, les collections du patrimoine ethnologique dans les Ecomusées, Ed Albaron, 1992 “ sac Chiva, p. 14, op, cité 80 Si V'ethnologie a besoin de la mémoire, I’histoire, aussi s‘oriente vers une autre analyse de la mémoire, L’autorisation d'accés aux archives de la seconde guerre mondiale, la jumiére faite par des historiens comme R. Paxton, Henri Rousso’, Denis Pechanski ou Frangois Bédarida, sur les Années noires, le régime de Vichy, la déportation, les camps d’intemement francais, a permis de s‘interroger enfin sur les relations entre V'histoire, les faits scientifiquement analysés et les témoignages, entre Vhistoire écrite, archivée et l'histoire vécuc. La confrontation entre I’histoire et la mémoire est devenue incontournable alors que simultanément se multiplient sur le tecritoire frangais de nombreux musées, Centres d'histoire, Historial ou Memorial (le Mémorial de la paix a Caen en est un exemple), conduisant a une polémique sur ce nouveau «anarché de la mémoires®. «Lhistorien, quant a lui s'assigne deux missions contradictoires: dune part, face a l’organisation de la mémoire collective, face a ces représentations mentales et ces constructions sociales qui autour de lui, sont la conscience commune, il doit largement «démythiser», démythifier, opposer un discours documenté, rationnel et critique. Done de ce point de ‘vue, il se place en réaction, en opposition la mémoire collective; mais d'autre part, il participe luieméme a cette construction, sinon de mythes fondateurs, tout au moins d'un savoir qui sert de cadre et de référence, qui donc forme la conscience historique et la mémoire de ses comtemporains. A cet égard qu'il le veuille ou non, dans son propre travail, sa qualité @acteur social est inséparable de celle de chercheur, méme s’il prend un maximum de précautions.»’ L'historien pris en étau entre sa discipline et la mémoire peut devenir médiateur entre le présent et le passé, fonction sociale que Lucien Febvre, I'un des deux fondateurs des Annales, attribuait a Thistorien, «organiser le passé en fonction du présent». Cette legon du passé pour mieux comprendre le présent et envisager l'avenir est bien celle que les ‘écomusées ct les musées de société veulent donner. Mais le devoir de mémoire, en histoire comme en. ethnologie, ne doit pas conduire a une sacralisation, «la mémoire ne cherche & sauver le passé que ‘pour servir au présent et & l'avenir». Historiens et ethnologues estiment encore trop souvent qu’ils sont en opposition. Si Vhistorien s‘interroge sur ces relations complexes qu'il entretient avec la mémoire, lethnologue, & son tour juge celui qui, soudain, s'immisce sur som propre terrain : «depuis une quinzaine d’années, usage s'est répandu, parm les historiens, de distinguer entre histoire et mémoire : entre le savoir scientifique des faits passés, Vhistoire enfendue comme un savoir cumulatif avec ses contraintes d'exhaustivité, de rigueur, de contréle des témoignages, d'une part ; et d'autre part Ia mémoire de ces faits passés entretenue par les contemporains et leurs descendants, Beaucoup d’encre a coulé sur cette question «’école car, si 'on a vite fait de poser une distinction d’ensemble entre la discipline scientifique et la construction sociale du souvenir, il est moins aisé de préciser leurs inévitables relations.»® J. Favret- Saada constate qu’ s'est constitué depuis quelques années, une sous-discipline historique, histoire de la mémoire, mais elle s’interroge sur la distance qui se crée entre le chercheur et le porteur de ‘mémoire (I'informateur). 5 Henri Rousso, Le Syndréme de Vichy, Gallimard 1992 ® Terme empioyé par le cinéaste isradlien Y. Sivan, auteur, des «Foreats de la mémoirer et d'une communication au colloque organisée par la Direction des Musées de France a IHistorial de Péronne sur Jes musées d'histoire 1 Frangois Bédarida, L'Histoire entre science et mémoire in Sciences humaines 1°59, mars 1996 * Jeanne Favret-Saada, Sale histoire, in Gradhiva 2°10, 1991, p 3 et suiv. Dans cet article, elle analyse ouvrage de Benno Muller-Hil, «7édliche Wissenschaft, paru en 1984 qui introduit parfaitement le débat entre memoire et histoire. 81 It vrai que la langue francaise ne nous propose qu’un seul terme pour désigner 'histoire, en tant ‘que discipline et l'histoire vécue, alors que I'allemand, par exemple, distingue : Geschichte et Historie, permettant de mieux intégrer la mémoire et les ambiguités entre Ihistoire et la mémoire, Mais il est pourtant nécessaire que la mémoire se confronte a 'histoire et histoire & la mémoire. Les musées d’anthropologie ne doivent-ils pas faire Uhistoire de la mémoire afin d’éviter que distorsion et distance n’apparaissent dans le discours muséographique ? En tant que chercheur et directeur d'un écomusée, situé en banlicue parisienne, j'ai été confrontée au couple infemal mémoire / histoire. Les sujets que nous traitons et que nous avons mis en exposition faisaient apparaitre cette difficile contradiction. L'éoomusée de Fresnes a fait le choix de donner la parole aux minorités, aux oubliés de l'histoire et des musées. Il se veut aussi un lieu d’échanges pour 1a population oii les problémes majeurs de la société contemporaine sont au caeur de Ja notion de patrimoine, il ne se veut nullement un lieu de nostalgic, oi le passé serait présenté comme mythique ou modéle. Les sujets que nous avons mis en exposition : l'histoire de l'immigration en Ile de France’, Vhistoire d'une commune durant la seconde guerre mondiale”, l'histoire de la prison de Fresnes, la plus grande maison d’arrét de France, nous ont conduit tés vite & remettre en question l'unicité de la discipline ethnologique. La mutldisciplinarité s"imposait. La mémoire seule, les récits ou histoires de vie, les témoignages ne pouvaient rendre compte fidélement de Y'ensemble de la réalité sociale et économique. L’étude des sources archivistiques, municipales, départementales, nationales ou privées devenaient un complément nécessaire & la structuration du discours et & la comprehension de la mémoire collective. L’éerit se confrontait & Y’oral et donnait une autre lecture de la mémoire. L’écrit contredisait parfois l’oral, ou I'inverse, et de cette contradiction pouvait naitre enfin la mise en regard des informations. Si nous voulons participer au devotr de mémoire, nous devons croiser les informations, eroiser les modes de construction, de distorsion, de transformation ou de déformation du souvenir qui s'appliquent a tous les niveawx du discours, du fait le plus banal au plus grave. Nous sommes ainsi parfois confrontés a de douloureux dilemmes : lorsque le souvenir devient imposture. (Que faire par exemple face & ces anciens «résistants» dont on découvre qu’ils n’en furent pas! A la question simple que je posais aux témoins de la libération de Fresnes et de la prison en aodt 1944 : quel temps faisait-il ce jour-la ? les uns répondaient: trés chand, les autres, trés froid, orageux... ‘Aucune réponse ne coincidait, or la lecture de la météo diffusée et communiquée ce jour dans la Presse, était unanime: «temps couvert, 22°» ! Les exemples de ce type se renouvellent sans cesse. Si quelques uns demeurent anccdotiques, autres impliquent davantage engagement de certains. Quelle n’a pas été notre surprise aprés avoir interviewé un informateur, «témoin, résistanb», de constater que son histoire n’éait en fait que celle de son pére déporté, alors que ui n’était qu'un travailleur du STO. Croyait-il vraiment son histoire, "était identifié a son pére ou n’était-il qu'un imposteur ? Dans ces exemples la mémoire a trahi, voiontairement ou non, elle est contre-vérité, elle induit en

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