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La science-fiction,
lac imaginaire.
Origines plurielles
(Heinlein, 1956), Fondation et Les Robots (Asimov,
1951, 1950), Les Plus qu’humains (Sturgeon, 1953),
Le Monde des A (Van Vogt, 1945) 5, Demain les chiens
de la science-fiction et Le Torrent des siècles (Simak, 1952, 1952).
«
rejoint ainsi celle de Wells. L’écrivain britannique a De 1910 à 1950, quelques écrivains posent les
ientifique
bases de la science-fiction apocalyptique en France :
que sémantiques, autorisent néanmoins des délimi- La science-fiction propose une rhétorique de l’es-
tations opérantes de ce domaine culturel. trangement par un renouvellement inédit des thèmes,
La science-fiction se présente comme une littéra- des contenus et des moyens d’expression de la lit-
ture expérimentale du possible ; son champ d’expé- térature. Elle transgresse la réalité, la temporalité,
rience étant infiniment ouvert, elle peut s’inventer l’espace et le langage. Tout lecteur de science-fiction
tous les contenus imaginables, pourvu que la trame accepte de croire sans hésitation ce qui n’existe pas
conceptuelle obéisse à une logique interne : « La et ce qu’il ne comprend pas. Quels concepts étranges
science-fiction décrit de manière aussi réaliste que possible se dissimulent derrière les termes de « chronolyse 11 »,
ce qui n’existe pas 9 ». Des mondes sont ainsi créés, de cyborg, d’hyperespace, d’androïde ? Les univers
inventifs, étranges, iconographiques, de l’univers construits par la science-fiction ne se réfèrent que
littéraire de Dune (1965) de Frank Herbert à l’uni- très peu au connu, tout y est conjecture : « L’esthétique
vers cinématographique d’Avatar (2009) de James de la science-fiction se ramène à créer cet effet de para-
Cameron. digme [absent], à donner à croire non au littéral (comme
Sa nature générique est protéiforme car la dans le récit réaliste) mais au non-dit 12. » Certains
science-fiction possède une propension à l’indéci- auteurs, comme Frank Herbert ou Ursula Le Guin
dabilité, à l’hybridation, au mélange entre roman dans La Main gauche de la nuit (1969), proposent
d’aventures, merveilleux, fantastique ou policier. Le même un « mirage paradigmatique 13 », des cartes de
Blade Runner de Ridley Scott (1982), tiré du roman géographie ou des passages encyclopédiques fictifs.
de Philip K. Dick Les androïdes rêvent-ils de moutons
électriques ? (1968), est une rencontre réussie entre
science-fiction et polar. Les récits de Richard Mathe- Axes thématiques
son, notamment Je suis une légende (1954), explorent
la contamination entre science-fiction et fantas- La science-fiction offre une singularité théma-
tique. Si le fantastique déroge aux lois naturelles, la tique inouïe : space opera, extraterrestres, voyages
science-fiction est « une littérature de la connaissance temporels, mondes de demain, robots, mutants, apo-
distanciée 10 » qui pose un univers régi par des lois dif- calypses... Si l’exhaustivité thématique semble impos-
férentes du monde empirique mais susceptible d’une sible, il est néanmoins pertinent de classer ces thèmes
explication rationnelle. en trois majeures : ceux à dominante s cientifique,
«
créations ou à l’étrangeté. Dans la pièce de théâtre
s ont mis
R.U.R. de Karel Capek (1921), l’humanité exprime
des collégiens. »
humains qui les colonisent en monstres « aux dents
d’acier ».
Enfin, la dimension sociologique de la science-
fiction, essentiellement critique, émane de la litté-
zéro de Poul Anderson (1970), des déplacements rature utopique. À partir du moment où l’utopie
extraordinaires de l’univers de Star Wars créé par provenant d’une fiction littéraire se réalise dans
George Lucas à Interstellar de Christopher Nolan l’histoire avec la Révolution bolchévique, elle donne
(2014), le thème semble inépuisable et renouvelable naissance à la dystopie, vision critique de systèmes
à la mesure des inventions technologiques. À l’es- idéologiques mortifères pour l’humanité. L’écrivain
pace, nous pourrions substituer le temps, autre grand britannique Aldous Huxley est un des fondateurs
thème de la science-fiction. De multiples moyens de la littérature dystopique et de la science-fiction
ont été imaginés pour voyager dans le temps : un « sociale » (Le Meilleur des mondes, 1932), avec le
coup de tonnerre (Une fenêtre sur le passé, Francis Russe Ievgueni Zamiatine (Nous Autres, 1920), la
Carsac, 1961) un étrange brouillard (Le Brouillard romancière suédoise Karin Boyle (La Kallocaïne,
du 26 octobre, Maurice Renard, 1913), des appareils 1940 – réédité en 2016 aux Moutons électriques)
sophistiqués comme la Machine de l’explorateur et bien sûr l’écrivain-journaliste George Orwell (La
du temps chez Wells, le chronoscope de Régis Mes- Ferme des animaux, 1945 et 1984, 1949).
sac dans La Cité des Asphyxiés (1937)... Ces œuvres
traitent du pouvoir que le temps exerce sur nous et
explorent à l’inverse le pouvoir que nous pourrions
avoir sur cette force non maîtrisable : son ralentis-
sement, son accélération ou son dérèglement (La
Machine à arrêter le temps de Dino Buzzati, 1959), Le mariage
de la littérature
son inversion (À rebrousse-temps de Philip K. Dick,
1967), la modification du passé (La Patrouille du
temps de Poul Anderson, 1956) le paradoxe temporel
(Le Voyageur imprudent de René Barjavel, 1943) ou
encore l’uchronie (Le Maître du haut-château de Phi- jeunesse et de la
lip K. Dick (1962) ou Rêve de fer de Norman Spin-
rad, 1972) qui est devenue une branche autonome
des littératures de l’imaginaire.
science-fiction
Au cours de son histoire, la science-fiction a en
outre intégré les ressources offertes par les sciences Une spécialisation récente
humaines : les auteurs se tournent vers une explo-
ration de l’intériorité après celle des dimensions S’il n’est pas question ici de revenir sur sa défini-
extérieures. Le thème du temps peut être croisé avec tion, sans doute faut-il consacrer un peu d’espace à
la dominante psychologique : le voyage temporel une « spécialisation science-fiction » de la littérature
devient dans les années 1970 une expérience inté- jeunesse en France, une science-fiction dynamique,
rieure et une odyssée dans le temps subjectif, une intelligente, rencontrant depuis les années 1980 ses
réalité mouvante, comme dans Ubik de Philip K. jeunes lecteurs au moyen de diverses collections :