Vous êtes sur la page 1sur 17

L'APPROCHE RELATIONNELLE DANS LES BANQUES

Mythe ou réalité ?

Véronique des Garets, Mathieu Paquerot et Isabelle Sueur

Lavoisier | « Revue française de gestion »

2009/1 n° 191 | pages 123 à 138


ISSN 0338-4551
ISBN 9782746223585
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2009-1-page-123.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier.
© Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


DOSSIER
VÉRONIQUE DES GARETS
Université de Tours
MATHIEU PAQUEROT
ISABELLE SUEUR
Université de La Rochelle

L’approche
relationnelle dans
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


les banques
Mythe ou réalité ?

L’objectif de cet article est de proposer une réflexion quant à


l’appropriation par les banques de l’approche relationnelle du
client. Après avoir montré l’adéquation entre le marketing
relationnel et ce secteur, nous observons les évolutions du
métier de banquier qui élargissent ses activités au-delà de
son domaine traditionnel. Ces changements nous conduisent
à nous interroger sur la volonté réelle des enseignes
bancaires à placer le client et la relation-client au cœur de
leurs préoccupations.

DOI:10.3166/RFG.191.123-138 © 2009 Lavoisier, Paris


124 Revue française de gestion – N° 191/2009

L
a déréglementation dans l’industrie I – LE MARKETING RELATIONNEL:
bancaire a conduit à la multiplica- CONCEPTS ET OUTILS
tion des interlocuteurs possibles
Les travaux de Berry (1983) ont été à l’ori-
pour les clients. Outre les banques de
gine d’un intérêt croissant pour le marke-
réseaux traditionnelles, de nouveaux distri-
ting relationnel. Il est le premier à avoir uti-
buteurs ont cherché à conquérir une partie
lisé les termes de « marketing relationnel ».
de la clientèle de la banque de détail à
Constatant les limites des outils du marke-
l’image des assureurs et des grands distri-
ting management utilisés habituellement
buteurs. De nouveaux intervenants tentent
dans le marketing transactionnel, ce
de se positionner sur la banque à distance,
concept s’est imposé progressivement chez
se proposant comme alternative aux
les chercheurs et les praticiens. Berry en
réseaux traditionnels. Même s’il n’est pas
1995 a montré que l’approche du marketing
aisé de changer de banque, les responsables
relationnel était parfaitement adaptée au
du secteur ont réalisé la nécessité de
secteur des services donc au secteur de la
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


construire une véritable relation avec le
banque.
client afin de limiter le caractère opportu-
niste des échanges et d’inscrire ces 1. Le marketing relationnel
échanges dans la durée. De nombreux On envisage habituellement trois approches
moyens ont été proposés pour développer pour le marketing relationnel (Payne, 1995 ;
les occasions d’échange donnant l’impres- Palmer et al., 2005).
sion qu’une approche relationnelle a été – L’approche marketing industriel, IMP
développée dans les banques. (Industrial Marketing Purchasing), est
Notre présentation vise à confronter la réa- focalisée sur une analyse dyadique des rela-
lité de la relation client avec les objectifs tions entre deux organisations au sein d’un
affichés. Sous couvert du développement réseau (Hakansson, 1982). Les relations
des outils de la relation client à l’image de sont construites sur un ensemble d’interac-
l’organisation multicanal, peut-on vraiment tions et évoluent selon une succession
parler d’une approche relationnelle dans les d’étapes permettant de passer d’une adapta-
banques ? tion mutuelle à un rapprochement puis à un
Nous justifions d’abord le recours au mar- engagement entre les organisations. Ces
keting relationnel en montrant qu’il est analyses se situent dans un contexte interor-
adapté au secteur bancaire ; puis nous ganisationnel.
constatons l’évolution du métier de ban- – L’école nordique du marketing des ser-
quier qui conduit les réseaux à proposer un vices se situe dans le prolongement de ces
portefeuille de services élargi et fait évoluer travaux ; Grönroos (1994) parle d’un glisse-
le rôle du conseiller. Enfin, nous nous inter- ment du paradigme traditionnel du marke-
rogeons sur la légitimité du multicanal pour ting management au paradigme relationnel.
la construction d’une relation avec le client. Gummesson (2002) définit le marketing
relationnel comme une somme d’interac-
L’approche relationnelle dans les banques 125

tions, de relations et de réseaux. Les travaux opposé à l’échange discret, il intègre une
de l’école nordique mettent l’accent sur les dimension historique et contextuelle de
processus ayant favorisé la construction l’échange et se situe dans le long terme.
d’une relation, ce qui permet d’envisager la Dans une telle relation, l’engagement et la
relation dans sa globalité. Payne (1995) rap- confiance sont des éléments fondamentaux
proche ces deux courants dans une seule des étapes de la vie de la relation à savoir la
école de pensée. création, le maintien et la rupture des rela-
– L’école anglo-australienne est conduite tions. Le marketing relationnel recherche la
par les travaux de Christopher et al. (1991). stabilité des relations d’échange fondées
Ils englobent le marketing relationnel dans sur la fidélité mutuelle qui dépasse le
une approche plus large de la relation contrat formel.
client. Ils définissent le modèle des six par- Le marketing relationnel s’oppose au mar-
ties prenantes décrivant six marchés pour keting transactionnel dans sa composante
une organisation : le marché des clients stratégique ; l’échange relationnel suppose
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


actuels et potentiels, le marché de réfé- la mise en place d’investissements qui limi-
rence, constitué en particulier par les tent la possibilité de changer de partenaire
recommandations des clients, le marché du fait de coûts de changements. Ces inves-
d’influence auquel appartiennent les ana- tissements sont aussi bien techniques
lystes financiers, les groupes de consom- qu’humains. Ils peuvent également corres-
mateurs, la presse, l’État et les action- pondre à l’investissement en temps passé à
naires, le marché du recrutement, le connaître son partenaire.
marché des fournisseurs et le marché Enfin, la dimension sociale de l’échange est
interne. L’interaction avec ces marchés doit très élevée dans le marketing relationnel.
offrir la meilleure offre en termes de pro- Absente du marketing transactionnel dans
duits et services. Ce courant analyse l’at- lequel l’échange est limité à une simple allo-
traction et la rétention des clients en met- cation des ressources dans une perspective
tant l’accent sur leur satisfaction. économique, la dimension sociale prend
Ces trois courants mettent l’accent sur la toute sa place comme le rappellent Dwyer et
nécessité d’élargir son portefeuille clients Shurr (1987) : « dans un échange relation-
et de construire une relation à long terme nel, les participants retirent des avantages
avec chacun d’eux. Nous retiendrons la personnels, des satisfactions de nature non
définition de Berry : le marketing relation- économiques et s’engagent dans un échange
nel est le fait d’« attirer, maintenir et ren- social ». On y retrouve les composantes cen-
forcer la relation client ». trales d’engagement et de confiance du
Les chercheurs s’accordent à reconnaître modèle KMV de Morgan et Hunt (1994).
trois différences majeures entre le marke- La distinction entre marketing transaction-
ting transactionnel et le marketing relation- nel et relationnel a été parfaitement décrite
nel : la perspective temporelle, la compo- par Payne et al. (1998).
sante stratégique et la dimension sociale. Berry a souligné que le cadre du marketing
Le marketing relationnel est appréhendé relationnel était adapté aux services pour
dans la durée. L’échange relationnel initia- quatre raisons qui s’appliquent au secteur
lement défini par Mac Neil (1980) est bancaire.
126 Revue française de gestion – N° 191/2009

Tableau 1 – Le passage du marketing de la transaction au marketing de la relation

Marketing de la transaction Marketing de la relation


Orientation à court terme Orientation à long terme
Intérêt pour la vente isolée Intérêt pour la rétention de clientèle
Contact discontinu avec la clientèle Contact continu avec la clientèle
Mise en avant des caractéristiques Mise en avant de la valeur du produit
du produit pour le client
Peu d’importance accordée Beaucoup d’importance accordée
au service clientèle au service clientèle
Engagement limité à satisfaire la clientèle Engagement fort à satisfaire la clientèle
Contacts avec la clientèle modérés Fort contact avec la clientèle
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


La qualité est d’abord le souci de la production La qualité est le souci de tout le personnel

Source : Payne et al. (1998).

– La relation interpersonnelle est particuliè- moins coûteuse. La construction d’une rela-


rement importante dans un contexte où la tion entre le fournisseur de services finan-
qualité de service est difficile à évaluer et le ciers et le client permet à ce dernier de se
risque perçu du client est élevé. La notion sentir valorisé, favorise la composante
de confiance est donc fondamentale. affective de la relation et la fidélité attitudi-
– Le marketing relationnel est une façon nale. L’attachement à la marque rend le
pour les entreprises de garder leurs clients client moins volatil. Lorsque la différencia-
dans un cadre marqué par la dérégulation, tion par les éléments tangibles de l’offre est
l’ouverture du marché français aux banques impossible (taux d’intérêt, coûts de gestion
étrangères et l’arrivée de nouveaux concur- d’un compte, etc.) les éléments intangibles
rents tels que les compagnies d’assurance. prennent une importance particulière.
Le consommateur fait l’objet de toutes les – Enfin, les technologies de l’information
attentions de ces nouveaux acteurs pour (TIC) ont incontestablement facilité le
l’attirer. L’étude bien connue de Reicheld et développement des relations dans les ser-
Sasser (1990) a montré l’intérêt de fidéliser vices bancaires. Elles ont enrichi le contenu
les clients pour favoriser la performance de la relation et favorisé les échanges entre
financière. l’entreprise et ses clients. En interne, une
– L’approche relationnelle de l’échange est meilleure connaissance des clients par un
parfaitement adaptée au secteur bancaire enrichissement des bases de données per-
car elle permet de renforcer l’image de met de proposer le bon produit au bon client
marque de l’entreprise. L’absence de diffé- en personnalisant les services. En externe
renciation entre enseignes bancaires les modes de communication entre le client
conduit le client à choisir la banque la plus et sa banque ont été multipliés ouvrant la
proche de chez lui ou celle qui lui semble la voie au multicanal. Tout laisse donc à pen-
L’approche relationnelle dans les banques 127

ser que la voie du marketing relationnel est PNB, 25 % des clients). Pour chacun de ces
parfaitement adaptée au secteur bancaire. segments des objectifs sont définis : aug-
Les banques ont d’ailleurs fait appel à un menter le produit dégagé par ce type de
certain nombre d’outils pour aller dans ce client en augmentant par exemple la taille
sens. du portefeuille titres ou développer des
ventes croisées en stimulant par exemple la
2. Les outils mis en œuvre vente de nouveaux produits financiers ou de
La gestion de la relation client ou CRM crédits revolving.
(Customer Relationship Management) est L’augmentation des gammes de produits
souvent considérée comme la partie visible proposées par les banques permet aujour-
du marketing relationnel et constitue sa d’hui d’envisager de façon plus importante
mise en œuvre pour l’entreprise (Zablah et le développement des ventes croisées.
al., 2004). L’activité « services à domicile », la télé-
Plusieurs outils ont été utilisés par les phonie mobile, la fourniture d’énergie ou
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


banques pour construire une relation client, de façon plus classique l’assurance sont
pour « attirer, maintenir et renforcer la rela- autant de possibilités pour une banque
tion client » et donc afficher cette volonté d’augmenter son produit net bancaire. La
de marketing relationnel. vente de ces produits est susceptible de
L’analyse des bases de données permet de fidéliser les clients en augmentant les
mettre en place des stratégies de segmenta- coûts de changement de fournisseur. On
tion des clients ; les clients sont classés peut cependant se demander si elle amé-
selon leur statut (individuel, professionnel, liore la dimension sociale de l’échange
etc.) et selon leur potentiel : clients « patri- telle qu’on devrait la trouver dans un véri-
moniaux », clients « bonne gamme », table marketing relationnel.
clients « grand public ». Pendant de nom- La segmentation des clients permet égale-
breuses années, les clients ont été reconnus ment de les orienter vers le canal adéquat.
à partir des produits possédés, il n’y avait Les moyens de communication et de tran-
aucune vue transversale des produits déte- saction avec la banque sont variés : agence,
nus par un client. La notion de client reste guichet automatique, téléphone, internet,
difficile à appréhender, il peut s’agir d’une etc. chaque client doit pouvoir être orienté
personne, d’un ménage économique… Plus selon son profil et selon ses besoins vers le
on a une vue large du client, plus on opti- canal le plus adapté. Par exemple, la plate-
mise l’offre commerciale, il est donc préfé- forme téléphonique gère les appels entrants
rable de raisonner en termes de ménage les plus courants ainsi que la vente des pro-
économique plutôt qu’en termes de compte duits simples pour la plupart des clients.
produit. Chacun des foyers est ensuite Les conseillers de clientèle peuvent se foca-
classé en fonction du produit net bancaire liser sur les clients à plus fort potentiel ou
procuré. Trois segments apparaissent, les sur les produits plus complexes. L’organisa-
foyers les plus rentables (65 % du PNB, tion multicanale est censée faciliter la rela-
15 % des clients), les foyers moyennement tion client en permettant à chacun d’être en
rentables (30 % du PNB, 60 % des clients) contact avec sa banque au moment où il le
et les foyers les moins profitables (5 % du désire tout en limitant les visites non ren-
128 Revue française de gestion – N° 191/2009

tables en agence. Selon une enquête sance réciproque. En cas de difficulté les
récente, 76 % des internautes estiment problèmes sont plus difficiles à régler.
d’ailleurs qu’internet les conduit à voir leur Finalement, il est recommandé de donner le
conseiller moins souvent1. choix au consommateur du mode de com-
La base de données et les outils de datami- munication avec l’entreprise, face-à-face ou
ning, les technologies de communication technologie de l’information. Le modèle
sont les éléments forts de la construction de d’acceptation de la technologie (TAM)
la gestion de la relation client. Mais on peut développé par Davis en 1989 montre qu’il
encore s’interroger sur l’apport affiché de est dangereux d’imposer une technologie
ces outils comme aide au marketing rela- aux clients, ils doivent percevoir son utilité
tionnel. Plutôt que de favoriser le marketing et elle doit être facile d’utilisation pour être
relationnel en créant un lien avec le client acceptée
reposant sur l’engagement et la confiance Au-delà de la perception du recours aux
mutuels ne conduisent-ils pas, en raison de TIC par le client, se pose la question de
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


la « déshumanisation de la relation » à l’utilité que le client retire de la relation
remettre en cause les composantes de qu’il y a entre lui et son fournisseur.
l’échange relationnel ?
L’impact des TIC sur les relations banque 4. L’orientation relationnelle du client
client est défini de façon variable selon les Si les entreprises cherchent à améliorer la
auteurs et mériterait donc d’être approfondi. qualité des relations qu’elles entretiennent
avec leurs clients tous ne sont pas égale-
3. Technologies de l’information ment réceptifs aux approches relation-
et relation client nelles. On parle d’orientation relationnelle
Certains auteurs montrent que les technolo- des clients, Prim et Sabadie (2003) identi-
gies de l’information renforcent le relation- fient trois conceptions de l’orientation
nel (Emerson, 1998) ou soulignent l’avan- relationnelle :
tage des TIC pour la gestion de la relation – l’orientation relationnelle du client relève
client. Leek et al. (2003) affirment que les de facteurs psychologiques propres aux
technologies de l’information et plus parti- individus. On parle alors de personnalité ou
culièrement Internet modifient le contenu d’attitude. Néanmoins, l’influence de fac-
de la relation entre client et fournisseur. Les teurs démographiques ou socio-écono-
interactions sont dépersonnalisées, axées miques n’est pas exclue,
sur les tâches, l’atmosphère, concept fonda- – l’orientation relationnelle du client est
mental du modèle de l’interaction, déve- conditionnée par des variables contex-
loppé par le groupe IMP2, est transformée. tuelles comme le secteur d’activité, le type
Les informations échangées portent sur des de service… Elle peut être contrainte ou
faits et sont moins personnelles. Il s’ensuit volontaire (dévouement), selon la percep-
moins de collaboration, moins de connais- tion de dépendance du client,

1. Enquête Microsoft, Cap gemini Consulting, Crédit Agricole, EFMA citée par la Revue Banque juillet-août 2008 :
« Relation client : les conseillers clientèle face au Web » supplément « innovations finance », p. 4.
2. www.impgroup.org
L’approche relationnelle dans les banques 129

– la perception des bénéfices issus de la duits étant vendus par les autres canaux
relation constitue un troisième aspect de (notamment l’internet et les plates-formes
l’analyse de l’orientation relationnelle. On d’appels). Par ailleurs, les clients souhaitent
en distingue trois types : des bénéfices psy- optimiser leur temps et nombreux sont ceux
chologiques, sociaux ou d’adaptation. qui choisissent leur enseigne bancaire en
Les travaux de Garbarino et Johnson (1999) fonction de la proximité géographique des
auprès des clients d’un théâtre ont permis agences. Cette contrainte est à l’origine de
l’identification de clients relationnels et de la volonté stratégique forte des principaux
clients transactionnels. La satisfaction acteurs bancaires de mailler le territoire. Il
conditionne la fidélité des seconds alors que s’agit d’ouvrir de nouvelles agences pour
la confiance et l’engagement jouent ce rôle capter de nouveaux clients ou au moins ne
pour les premiers. Il est donc important pas perdre les clients actuels susceptibles de
d’identifier le degré d’orientation relation- changer pour une agence plus proche. La
nelle de la clientèle, ainsi que les bénéfices multiplication des agences n’est cependant
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


attendus de la relation afin de mettre en possible qu’en respectant des contraintes de
œuvre une politique de gestion de la rela- rentabilité drastiques. C’est pourquoi les
tion client pertinente. banques recherchent actuellement des
Le cadre de l’organisation bancaire est donc modèles d’agence permettant d’atteindre la
tout à fait cohérent pour le développement rentabilité en 2 à 3 ans contre 5 ans pour les
d’un marketing relationnel et la mise en anciens modèles.
œuvre d’une gestion de la relation client. L’abaissement des seuils de rentabilité
Cette prise de conscience est réalisée alors recherché passe par la réduction des charges
que le métier de banquier change. de personnel ainsi qu’une optimisation des
tâches réalisées par le personnel de contact.
II – LES ÉVOLUTIONS DU MÉTIER Cette rentabilité des agences repose notam-
DE BANQUIER ment sur l’automatisation des transactions à
faible valeur ajoutée et l’externalisation vers
Le métier de banquier a fortement évolué le client de certaines tâches.
durant les dix dernières années. L’agence Il convient cependant de garder présent à
bancaire, auparavant élément central de la l’esprit que les technologies d’automatisa-
relation bancaire et de la distribution des tion ne sont pas confortables, ou souhaitées
produits est devenue un rouage d’une orga- par tous les publics, notamment les per-
nisation plus complexe intégrant d’autres sonnes âgées. Fidéliser dans l’inconfort
canaux de communication et de distribution technologique des consommateurs risque
(Internet, centre d’appel, etc.). d’être complexe !
Dans cette perspective, les agences ban- On peut se demander dans quelle mesure
caires ainsi que l’activité des personnels se venir en agence pour faire ses transactions
sont transformées radicalement. sur une machine sans contact avec le per-
sonnel commercial n’est pas un « paradoxe
1. L’agence : un point de vente
relationnel » ?
Les agences restent au centre de l’activité L’optimisation de la rentabilité suppose de
bancaire de détail, 20 % seulement des pro- maximiser les transactions commerciales
130 Revue française de gestion – N° 191/2009

en agence et d’élargir le champ des activités montrent que le risque qu’un conseiller
réalisées traditionnellement par l’enseigne. bancaire soit finalement perçu comme un
simple vendeur est réel.
2. L’élargissement des activités
En commercialisant des produits d’assu- 3. L’activité des conseillers
rance, les banques ont appris à distribuer Les agences bancaires se transformant en
d’autres produits. Aujourd’hui les réseaux point de vente, le conseiller devient un
d’agence se posent réellement en tant que commercial chargé de vendre des produits
réseau de distribution de services et multi- services variés (bancaires ou non). Ceci
plient les ventes de services non bancaires. suppose d’une part, un renforcement des
L’élargissement des activités des agences compétences commerciales dans les
est devenu naturel. Les expériences dans agences et d’autre part, un investissement
l’assurance ayant été particulièrement fruc- important sur la connaissance des produits.
tueuses, les banques utilisent la notoriété et Les conseillers gèrent aujourd’hui des por-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


l’image de leur enseigne pour fournir à tefeuilles de produits complexes (200 à 600
leurs clients un ensemble de services sup- produits bancaires différents) et un grand
plémentaires en partenariat avec des entre- nombre de clients (600 à 1 000 clients par
prises spécialisées. Ainsi, LCL propose des conseiller « particuliers » selon les
abonnements GDF à ses clients. Ces nou- enseignes). Ceci a deux conséquences. Pre-
velles activités entraînent généralement mièrement, il est difficile de parfaitement
une commission ponctuelle ou récurrente connaître à la fois les produits et les clients.
pour des frais de commercialisation Le client est donc anonyme, il appartient à
réduits, car il s’agit bien souvent d’exploi- un segment type, souvent identifié de façon
ter au mieux l’information des fichiers centralisée par les services marketing.
clients pour réaliser une segmentation effi- Deuxièmement, le temps des conseillers est
cace et entreprendre des actions commer- principalement consacré à de la prospection
ciales appropriées. et à de la vente. Le conseil devient alors une
Cet élargissement des services pose le pro- activité secondaire dont les bénéfices à long
blème de la qualification et de la légitimité terme sont incompatibles avec les objectifs
des conseils pour ces nouvelles activités. de court terme des agences. Il faut par
Ces extensions de services peuvent notam- ailleurs noter que les systèmes d’incitation
ment perturber l’image de l’enseigne et des conseillers et des responsables d’agence
déstabiliser le personnel et les clients. Ne reposent sur des objectifs de volume à court
favorisent-elles pas le développement du terme plutôt que sur des objectifs liés à la
transactionnel au détriment du relation- qualité des relations mises en place avec les
nel dans les agences ? La pertinence des clients. Ceci s’explique par trois raisons :
conseils proposés par le personnel au client 1) la pression de la performance à court
est-elle assurée ? Quelle est la crédibilité terme qui pèse sur l’ensemble des enseignes ;
perçue d’un interlocuteur apportant un 2) la complexité de mise en œuvre des inci-
conseil à la fois sur le choix d’un abonne- tations sur les variables relationnelles
ment au gaz naturel, d’un jardinier et d’un (quels indicateurs retenir ? Avec quel hori-
plan d’épargne retraite ? Ces questions zon temporel ?) ;
L’approche relationnelle dans les banques 131

3) le turnover des conseillers (2 à 4 ans en de courtage facilite les démarches pour les
moyenne). Les problèmes de mesures de la clients et rend le travail des agences plus
qualité relationnelle et de son impact sur la complexe en réduisant notamment l’asymé-
rentabilité sont importants et incompatibles trie d’information sur les conditions de
avec la durée des fonctions des conseillers. prêts ou de placement d’une banque à
Il existe clairement un conflit d’horizons l’autre. C’est dans ce type de situation que
entre des objectifs à court terme mesurables la banque peut estimer son capital relation-
orientés transactionnel (la vente des pro- nel auprès du client et mesurer la fidélité
duits et services), des objectifs à long terme des clients. Si on accepte l’idée selon
orientés relationnel et la rétention des laquelle l’objectif de la gestion de la rela-
clients dont la rentabilité n’est pas facile à tion client est « le maintien et le renforce-
mesurer. ment de la relation ainsi que la rétention des
La diminution du nombre d’occasions de clients à travers des services à valeur ajou-
rencontrer le conseiller bancaire induite par tée et le développement de la confiance, de
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


le développement d’un réseau de distribu- la satisfaction et de liens sociaux forts »
tion multicanal ainsi que l’évolution de la (Patterson et Ward, 2000, p. 323) alors, il
réglementation bancaire conduisent finale- semble que ces objectifs ne soient pas
ment à une « dépersonnalisation » de la prioritaires pour les enseignes bancaires
relation client-conseiller. Par exemple, dans aujourd’hui.
le cadre d’opération de prêt, le rôle du Dans ce contexte, il est légitime de s’inter-
conseiller a évolué, son pouvoir a considé- roger sur la capacité des évolutions techno-
rablement diminué pour se rapprocher de logiques à pallier le déficit de relations
celui d’un démonstrateur produit. La déci- interpersonnelles entre la banque et ses
sion finale ne lui appartient pas (pour des clients.
contraintes réglementaires de gestion des
risques). Ce rôle d’intermédiaire sans pou- 4. Les TIC au service du client ?
voir de décision ne le valorise pas auprès de Les évolutions technologiques sont à l’ori-
la clientèle. En outre cette dernière peut mal gine des changements identifiés précédem-
appréhender la situation, considérant que ment. L’agence n’est plus le seul point de
son ancienneté ou sa fidélité n’est pas contact avec le client ni le rouage essentiel
récompensée par ce qui peut être interprété de la relation client-enseigne. Elle devient
comme un manque de confiance. Le un des éléments constitutifs d’un réseau de
conseiller n’ayant pas de marge de distribution plus sophistiqué et en partie
manœuvre, les clients n’ont aucune raison automatisé. Les automates permettent de
de ne pas mettre les établissements en réaliser un grand nombre de transactions
concurrence, puisque les décisions sont (consultation de compte, demande de ché-
prises sur des critères objectifs, indépen- quier, etc.) effectuées par le client et ne
dants des relations existants entre le client nécessitant pas l’intervention du personnel.
et le conseiller. L’internet permet également la réalisation
L’anonymat relatif du conseiller (lié au d’un certain nombre de tâches en autono-
turnover) favorise sans doute cette mise en mie par le client (virements, consultation de
concurrence. Le développement de services compte, RIB, etc.). Ces avancées technolo-
132 Revue française de gestion – N° 191/2009

giques procurent plusieurs avantages aux concurrents semblent disposer des mêmes
clients, notamment une plus grande dispo- outils. Une étude3 fait ressortir que « 28 %
nibilité dans le temps et dans l’espace, amé- des clients déclarent qu’ils restent chez leur
liorant ainsi le confort des consommateurs banquier par habitude, 29 % disent qu’ils y
non réfractaires aux technologies. restent parce que toutes les banques se
Ces modalités d’échange supposent une valent ».
centralisation des actions « commerciales » En l’absence de différenciation perçue, il
pour coordonner les différents canaux. Les est urgent, si la rétention des clients est bien
conseillers sont de moins en moins auto- un objectif stratégique, de travailler la
nomes quant aux actions à mener auprès de dimension sociale de l’échange, dans la
leur portefeuille de clients pour trois rai- perspective de développer une approche
sons : réellement relationnelle des clients.
1) les segmentations clients sont plus fines,
mais centralisées ; III – LE MULTICANAL
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


2) les actions marketing font l’objet de UNE OPPORTUNITÉ POUR
décisions nationales ou régionales mais pas DÉVELOPPER LE RELATIONNEL ?
locales ;
3) l’action des agences ou des conseillers Bénavent et Gardes (2006) identifient deux
s’intègre dans une stratégie globale des dif- types d’approches en matière de gestion
férents canaux de distribution de l’enseigne. multicanal : une approche par le client ou
Ainsi, la prospection peut être réalisée par une approche par l’usage. Dans le premier
le centre d’appel, le rendez-vous commer- cas, cela revient à affecter chaque client à
cial est assuré en agence, les relances un canal de distribution privilégié selon son
auprès du client peuvent passer par l’inter- potentiel et donc la rentabilité espérée en
net, et enfin un courrier est géré de façon suivant une démarche de segmentation. La
centralisée. tarification des services permet d’orienter
La stratégie multicanal a permis le renfor- les uns vers les agences et les autres vers les
cement des bases de données clients ainsi canaux à distance. Cette classification peut
qu’une meilleure connaissance du client être source d’insatisfaction pour le client
grâce à l’ensemble des informations collec- qui se voit imposer un canal du fait de son
tées à travers les différents canaux. Si ces appartenance à un segment. Il est souvent
éléments sont des préalables nécessaires à difficile d’orienter le client vers le canal
la mise en place d’une relation client, ils ne auquel il est censé s’adresser sauf si on
sont pas suffisants. Par ailleurs, l’utilisation réussit à dresser des frontières entre canaux.
de cette information reste à optimiser. Dans le second cas, chacune des transac-
On peut se demander si ces nouveaux outils tions conduit à un canal privilégié visant à
de communication favorisent le développe- réduire le coût de réalisation de la transac-
ment du relationnel avec le client et la dif- tion. Mais le choix du client peut être autre
férenciation entre enseignes. Tous les et plus généralement, le fait d’imposer un

3. Observatoire de la distribution des services financiers auprès des particuliers (décembre 2004) ; www.orgacon-
sultants.com
L’approche relationnelle dans les banques 133

canal au client, selon la nature de l’opéra- offert peut être une source de satisfaction,
tion à réaliser peut poser des difficultés en notamment pour les clients ne faisant pas
termes de coût, d’accès et d’interactivité du preuve d’une orientation relationnelle.
canal. Ainsi 86 % des Français estiment que les
Enfin, on peut se demander si la multiplica- appareils automatiques dans les agences
tion des canaux et leur appropriation par les facilitent les opérations des clients et 22 %
clients ne pourraient pas conduire à des des 25-34 ans utilisent les services d’alerte
effets pervers. Les CSP éduquées, à revenus de leur banque par téléphone mobile, via
élevés ont été les premières à adopter la ges- SMS… C’est le cas pour 10 % de l’en-
tion de leurs opérations bancaires à distance, semble des Français4.
et plus généralement l’utilisation des TIC Initialement, les automates, l’internet, etc.
dans la vie de tous les jours et donc à s’éloi- ont été mis en place avec deux objectifs
gner d’un contact suivi avec leur conseiller, simples, réduire le coût de traitement des
pourtant occasion de vente de produits transactions à faible valeur ajoutée ou à
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


financiers rentables pour la banque. valeur négative (traitement des chèques, etc.)
Dans la perspective du développement de la et accroître le confort du client. Ces objectifs
relation banque-client il convient de s’inter- semblent aujourd’hui remplis.
roger sur la contribution de chacun des La multiplication des transactions réalisée
canaux disponibles à l’atteinte de cet objec- avec le client permet d’accroître ses coûts
tif relationnel. de sortie et favorise en conséquence sa
rétention. Les effets obtenus par ces canaux
1. Les canaux à distance ne sont finalement pas si différents de ceux
Ces canaux sont d’abord dédiés au transac- attendus des réseaux d’agence, plus coû-
tionnel avec trois types d’actions : teux. Seulement 4 % des clients changent
1) le traitement de transactions coûteuses de banque dans l’année, la rétention est
pour la banque et potentiellement facturées donc naturelle, compte tenu des coûts de
au client, dans un package ou au cas par cas sorties liés à la complexité à gérer des chan-
(automates, plates-formes d’appels et sites gements de domiciliation bancaire et jus-
internet) ; qu’à ces derniers mois aux frais financiers
2) les opérations de prospection (publipos- de clôture de compte, désormais interdits.
tage, plate-forme d’appels et site internet) ; La composante attitudinale de la fidélité,
3) les opérations de vente de services présente dans la relation, pourrait donc voir
(plates-formes d’appels et site internet). son rôle accru dans la rétention des clients.
Ces canaux permettent une identification du Néanmoins, la rétention concerne les pro-
client et une personnalisation des échanges, duits ou services déjà détenus par le client.
cependant ils ne permettent pas l’établisse- Les nouvelles transactions (crédits automo-
ment de relations interpersonnelles. Si biles, les placements divers, etc.) peuvent
l’orientation de ces canaux est clairement être réalisées par le client chez les concur-
transactionnelle (Tassel, 2008) le confort rents ou par le biais de courtiers spéciali-

4. Fédération bancaire française, décembre 2007 : « Les français et leur banque ».


134 Revue française de gestion – N° 191/2009

sés5. Se focaliser sur le pourcentage de traitement des données et de la prise de


clients quittant l’établissement chaque décision marketing a permis une cohérence
année est trompeur. Plutôt que de se satis- et une efficacité plus grande des actions
faire d’un faible taux d’attrition, il convient menées au sein de l’enseigne. Les agences
de piloter le taux d’équipement du client devraient être le lien privilégié de la
par la banque. Ainsi, on sait que les 10 % construction d’une relation à travers
des clients aisés représentent 50 % du PNB d’abord la relation interpersonnelle. Deux
de certaines banques. Ils sont multibancari- difficultés apparaissent :
sés à 75 %, avec un taux de multibancari- 1) Les agences constituent le canal le plus
sation qui est plus du double de celui des onéreux en termes de coûts d’exploitation,
français. En outre, plus d’un sur deux à déjà elles doivent donc gérer les transactions à
quitté volontairement une banque dans le forte valeur ajoutée. Dans cette perspective,
passé (Gardes, 2007). les conseillers clientèles ont des objectifs
Dans un contexte où les produits de vente importants, au détriment du temps
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


offerts par la concurrence sont peu diffé- qu’ils pourraient consacrer au développe-
rents, la maximisation du taux d’équipe- ment d’une véritable relation avec les
ment du client repose sur sa volonté de clients qu’ils ont en portefeuille. Cette
rester chez son fournisseur. La dimension situation est au demeurant paradoxale
affective établie entre le client et la banque puisque, ce n’est qu’en agence, à travers des
s’avère alors cruciale. rencontres avec les conseillers que de véri-
De la même façon qu’un individu consulte tables relations interpersonnelles peuvent
son médecin de famille lorsqu’il est souf- se développer.
frant, il devrait être convaincu que son ban- 2) Malgré le turnover important des
quier lui proposera systématiquement la conseillers, la qualité de la relation inter-
solution qui agira au mieux de ses intérêts personnelle ne doit pas être remise en cause
pour tout ce qui concerne la gestion de son à chaque changement d’interlocuteur. Ceci
patrimoine. C’est un élément de la repose d’une part, sur la qualité du système
confiance nécessaire à la relation. d’information et d’autre part, sur la volonté
des conseillers « partants » de transférer
2. L’agence : pivot de la relation l’information à leurs successeurs.
interpersonnelle ? On constate donc que l’agence constitue le
La collecte d’informations nombreuses sur canal privilégié pour permettre de fidéliser le
les clients à travers différents canaux a client à travers l’établissement de relations
conduit à une spécialisation des tâches et à interpersonnelles. La perte d’autonomie des
la centralisation de certaines d’entre-elles. conseillers, le peu de temps dont ils dispo-
Chaque canal se retrouve ainsi spécialisé en sent, peut constituer un frein. Le cas particu-
fonction du coût des transactions qu’il peut lier de la gestion des réclamations doit être
intégrer. En particulier, la centralisation du évoqué. Un client souhaitant se plaindre peut

5. Le passage par un courtier peut être l’occasion de situations cocasses, un client souhaitant faire un prêt immobi-
lier sollicite sa banque, qui lui fait une proposition. Il passe ensuite par un courtier en ligne, lequel obtient une
meilleure proposition de la banque du client.
L’approche relationnelle dans les banques 135

le faire via internet, le centre d’appel, par Les outils du multicanal se sont largement
courrier, ou tout simplement en se déplaçant développés dans le secteur de la banque et
dans son agence. La crainte de ne pas obte- de l’assurance. Les courtiers utilisent abon-
nir de réponse et les appels téléphoniques damment les canaux internet et les centres
surtaxés font que l’agence reste le lieu privi- d’appels pour développer leur activité. Les
légié de dépôt des réclamations. Cependant, banques participent d’ailleurs en la matière
sauf à avoir pris préalablement rendez-vous à l’éducation de leurs clients à l’utilisation
avec le conseiller, le client risque de ne pas de ces outils. On peut ainsi se demander si
aller au-delà du guichet. Tout ceci ne favorise les banques ont un traitement différent de
ni le sentiment d’être un client écouté, ni la leurs clients par rapport à des sociétés d’in-
spontanéité des réclamations. Une réflexion termédiation spécialisées dans les prêts
sur l’organisation à mettre en œuvre pourrait immobiliers, les placements ou la renégo-
favoriser le développement de « bonnes rela- ciation d’endettement ?
tions commerciales ». Il s’agit d’inciter le Ces sociétés d’intermédiation vont fournir
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


personnel à accroître la qualité du service aux consommateurs un conseil spécialisé et
auprès du client, alors que la reconfiguration de qualité sans établir pour autant un rela-
des agences limite de plus en plus leur tionnel particulier. Les conseillers restent
contact avec le client et que les contacts anonymes, le client est parfaitement identi-
« commerciaux » deviennent la principale fié grâce aux outils de bases de données.
source de contact avec le client. L’agence, Chaque opération est traitée séparément et
censée être le pivot de la relation client a du donne lieu à une transaction « over the
mal à trouver sa place dans cette nouvelle counter » se traduisant notamment par une
configuration. mise en concurrence des banques (mais
Ces différents éléments nous amènent à aussi des compagnies d’assurance). La
nous interroger sur la façon dont les prestation correspond à un vrai conseil, qui
banques vont maintenir leur différenciation peut faire finalement défaut dans l’agence
dans un contexte d’automatisation et de bancaire en raison de la grande diversité des
généralisation des outils. produits proposés et de l’absence de com-
paraison des propositions faites à celles de
3. Quelques interrogations la concurrence.
sur l’évolution de l’activité bancaire Cette approche des courtiers est purement
Les avantages du multicanal sont nombreux transactionnelle et particulièrement effi-
pour les enseignes bancaires et pour leurs cace grâce à une bonne maîtrise des outils
clients, pourtant le développement des du marketing de la relation client, telles la
canaux alternatifs à l’agence interroge sur gestion des bases de données client, l’utili-
les capacités des enseignes à maintenir une sation des technologies de l’information.
différenciation par rapport aux concurrents. Dans cette perspective, le relationnel établi
En effet, les produits sont réglementaire- avec le client en agence reste un outil déter-
ment proches, et l’automatisation des tran- minant pour se différencier des acteurs du
sactions poussent à l’uniformisation des marché et éviter que toute nouvelle opéra-
services entre les acteurs du marché. tion bancaire réalisée par un client en por-
136 Revue française de gestion – N° 191/2009

tefeuille ne se traduise par une mise en Dans le premier cas, les canaux à distance
concurrence. Le développement des et des réseaux d’agence purement transac-
réseaux d’agences et les stratégies de tionnels peuvent être suffisants pour
maillage peuvent renforcer la différencia- atteindre des objectifs facilement mesu-
tion auprès des consommateurs en appor- rables, tels qu’un taux d’équipement des
tant notamment une relation interperson- consommateurs, un produit net bancaire par
nelle avec les conseillers. C’est par la client, etc.
connaissance du client et la relation avec les Dans le second cas, le développement
conseillers commerciaux que les banques d’une relation fondée sur la confiance et
pourront préserver leur différenciation et l’engagement des deux parties est néces-
maintenir ainsi leur avantage concurrentiel saire. Ceci suppose de mettre en cohérence
sur ces nouveaux concurrents virtuels. Il les objectifs des agences et des conseillers
faut rappeler qu’historiquement, c’est grâce clientèles par rapport aux objectifs com-
à la puissance de leur réseau d’agences que merciaux à court terme. Les effets de ces
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


les banques ont pu se développer si rapide- stratégies sont plus incertains et plus diffi-
ment dans le secteur de l’assurance. Leur cilement mesurables ce qui conduit à une
réseau de distribution était à l’époque plus plus grande complexité dans leur mise en
important que celui des assureurs et plus œuvre. La relation client dans le secteur
efficace en termes relationnels compte tenu bancaire n’est pas qu’une simple somme de
de la fréquence des contacts avec les transactions passant par des canaux diffé-
clients. rents, elle doit être un choix réel du client
de construire une relation de long terme
CONCLUSION avec son établissement financier, gage d’un
engagement réciproque à ce que la relation
L’alternative à laquelle sont confrontées les bénéficie aux deux parties.
banques est la suivante : L’avantage des réseaux de distribution ban-
– développer une rétention des clients ; caires se situera t-il au niveau du relationnel
– ou développer une véritable fidélité client ou de la qualité des fichiers clients et
active. de leur exploitation ?

BIBLIOGRAPHIE
Barnes J. G., “Closeness, Strength, and Satisfaction : Examining the Nature of Relationships
between Providers of Financial Services and Their Retail Customers”, Psychology and
Marketing, vol. 14, 1997, p. 765-90.
Benavent C., Gardes N., « Évolution des canaux de distribution », Revue Banque, n° 606,
janvier 2006, p. 28-33.
Berry L. L., “Relationship Marketing”, Emerging Perspectives on Services Marketing,
Ed. Berry, Shostack and Upah, AMA, 1983, p. 25-28.
L’approche relationnelle dans les banques 137

Berry L. L., “Relationship Marketing of Services : Growing Interest, Emerging Perspec-


tives”, Journal of the Academy of Marketing Science, vol. 23, n° 4, 1995, p. 236-245.
Christopher M., Payne A. F. T., Ballantyne D., Relationship Marketing : Bringing Quality,
Customer Service and Marketing Together, Butterworth-Heinemann, Oxford, 1991.
Davis F., “Perceived usefulness, perceived ease of use, and user acceptance of information
technology”, MIS Quaterly, 13, 1989, p. 319-336.
Dwyer F., Schurr P.H., Oh S., “Developping buyer-seller relationships”, Journal of Marke-
ting, vol. 51, avril 1987, p. 11-27.
Emerson J., “Information technology : the key to successful 1:1 relationships”, Managed
Healthcare, vol. 8, n° 4, 1998, p. 16-21.
Garbarino E., Johnson M. S., “The different roles of satisfaction, trust and commitment in
customer relationships”, Journal of Marketing, 63, April 1999, p. 70-87.
Gardes P., « Banque de détail, des clients aisés mais pas privilégiés » Revue Banque, n° 694,
septembre 2007, p. 57-59.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier


Grönroos C., “From marketing mix to relationship marketing”, Management Decision,
32,1994, p. 4-20.
Gummesson E., Total relationship marketing, 2nd ed., Butterworth-Heinemann, Chartered
Institute of Marketing, Oxford, 2002.
Hakansson H., International Marketing and Purchasing of Industial Goods : An Interaction
Approach, New York, John Wiley and Sons, 1982.
Leek S., Turnbull P. W., Naude P., “How is information technoly affecting business to busi-
ness relationship ?”, Results of a UK survey, Industrial Marketing management, 32, 2003,
p 119-126.
Morgan R. M., Hunt S.D., “The commitment-trust theory of relationship marketing”, Jour-
nal of Marketing, vol. 58, July 1994, p. 20-38.
Palmer R., Lindgreen A., Vanhamme J., “Relationship marketing : schools of thought and
future research directions”, Marketing Intelligence & Planning, vol. 23, n° 3, 2005,
p. 313-330.
Payne A., “Relationship marketing : a broadened view of marketing”, Advances in Relation-
ship Marketing, Payne A. (Eds), Kogan Page, London, 1995, p. 29-38.
Payne A., Christopher M., Clark M, Peck H., Relationship Marketing for competitive advan-
tage, Butterworth Heinemann, 1998.
Patterson P. G., Ward T., “Relationship marketing and management”, Handbook of Services
Marketing & Management, T.A. Swartz, D. Iacobucci, London, Sage, 2000, p. 317-342.
Perrien J. et Ricard L., “The Meaning Of A Marketing Relationship: A Pilot Study”, Indus-
trial Marketing Management, 24,1995, p. 37-43.
Prim-Allaz I., Sabadie W., « L’orientation relationnelle des clients : un nouvel outil de seg-
mentation ? », 8e journées de recherche en marketing de Bourgogne, Dijon, 6-7 novembre
2003.
Reicheld F., Sasser W., “Zero defections : quality comes to services”, Harvard Business
Review, n° 68, octobre 1990, p. 105-111.
138 Revue française de gestion – N° 191/2009

Tassel D., « Des dynamiques nouvelles et des missions revisitées », Revue Banque, n° 704,
juillet-août 2008, p. 32-33.
Zablah A.R., Bellanger D. N., Johnston W. J., “Customer Relationship Management Imple-
mentation gaps”, Journal of personal selling and sales management, vol. 24, Fall 2004,
p. 279-95.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 154.121.29.65 - 28/03/2020 20:11 - © Lavoisier

Vous aimerez peut-être aussi