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L’approche
relationnelle dans
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L
a déréglementation dans l’industrie I – LE MARKETING RELATIONNEL:
bancaire a conduit à la multiplica- CONCEPTS ET OUTILS
tion des interlocuteurs possibles
Les travaux de Berry (1983) ont été à l’ori-
pour les clients. Outre les banques de
gine d’un intérêt croissant pour le marke-
réseaux traditionnelles, de nouveaux distri-
ting relationnel. Il est le premier à avoir uti-
buteurs ont cherché à conquérir une partie
lisé les termes de « marketing relationnel ».
de la clientèle de la banque de détail à
Constatant les limites des outils du marke-
l’image des assureurs et des grands distri-
ting management utilisés habituellement
buteurs. De nouveaux intervenants tentent
dans le marketing transactionnel, ce
de se positionner sur la banque à distance,
concept s’est imposé progressivement chez
se proposant comme alternative aux
les chercheurs et les praticiens. Berry en
réseaux traditionnels. Même s’il n’est pas
1995 a montré que l’approche du marketing
aisé de changer de banque, les responsables
relationnel était parfaitement adaptée au
du secteur ont réalisé la nécessité de
secteur des services donc au secteur de la
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tions, de relations et de réseaux. Les travaux opposé à l’échange discret, il intègre une
de l’école nordique mettent l’accent sur les dimension historique et contextuelle de
processus ayant favorisé la construction l’échange et se situe dans le long terme.
d’une relation, ce qui permet d’envisager la Dans une telle relation, l’engagement et la
relation dans sa globalité. Payne (1995) rap- confiance sont des éléments fondamentaux
proche ces deux courants dans une seule des étapes de la vie de la relation à savoir la
école de pensée. création, le maintien et la rupture des rela-
– L’école anglo-australienne est conduite tions. Le marketing relationnel recherche la
par les travaux de Christopher et al. (1991). stabilité des relations d’échange fondées
Ils englobent le marketing relationnel dans sur la fidélité mutuelle qui dépasse le
une approche plus large de la relation contrat formel.
client. Ils définissent le modèle des six par- Le marketing relationnel s’oppose au mar-
ties prenantes décrivant six marchés pour keting transactionnel dans sa composante
une organisation : le marché des clients stratégique ; l’échange relationnel suppose
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ser que la voie du marketing relationnel est PNB, 25 % des clients). Pour chacun de ces
parfaitement adaptée au secteur bancaire. segments des objectifs sont définis : aug-
Les banques ont d’ailleurs fait appel à un menter le produit dégagé par ce type de
certain nombre d’outils pour aller dans ce client en augmentant par exemple la taille
sens. du portefeuille titres ou développer des
ventes croisées en stimulant par exemple la
2. Les outils mis en œuvre vente de nouveaux produits financiers ou de
La gestion de la relation client ou CRM crédits revolving.
(Customer Relationship Management) est L’augmentation des gammes de produits
souvent considérée comme la partie visible proposées par les banques permet aujour-
du marketing relationnel et constitue sa d’hui d’envisager de façon plus importante
mise en œuvre pour l’entreprise (Zablah et le développement des ventes croisées.
al., 2004). L’activité « services à domicile », la télé-
Plusieurs outils ont été utilisés par les phonie mobile, la fourniture d’énergie ou
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tables en agence. Selon une enquête sance réciproque. En cas de difficulté les
récente, 76 % des internautes estiment problèmes sont plus difficiles à régler.
d’ailleurs qu’internet les conduit à voir leur Finalement, il est recommandé de donner le
conseiller moins souvent1. choix au consommateur du mode de com-
La base de données et les outils de datami- munication avec l’entreprise, face-à-face ou
ning, les technologies de communication technologie de l’information. Le modèle
sont les éléments forts de la construction de d’acceptation de la technologie (TAM)
la gestion de la relation client. Mais on peut développé par Davis en 1989 montre qu’il
encore s’interroger sur l’apport affiché de est dangereux d’imposer une technologie
ces outils comme aide au marketing rela- aux clients, ils doivent percevoir son utilité
tionnel. Plutôt que de favoriser le marketing et elle doit être facile d’utilisation pour être
relationnel en créant un lien avec le client acceptée
reposant sur l’engagement et la confiance Au-delà de la perception du recours aux
mutuels ne conduisent-ils pas, en raison de TIC par le client, se pose la question de
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1. Enquête Microsoft, Cap gemini Consulting, Crédit Agricole, EFMA citée par la Revue Banque juillet-août 2008 :
« Relation client : les conseillers clientèle face au Web » supplément « innovations finance », p. 4.
2. www.impgroup.org
L’approche relationnelle dans les banques 129
– la perception des bénéfices issus de la duits étant vendus par les autres canaux
relation constitue un troisième aspect de (notamment l’internet et les plates-formes
l’analyse de l’orientation relationnelle. On d’appels). Par ailleurs, les clients souhaitent
en distingue trois types : des bénéfices psy- optimiser leur temps et nombreux sont ceux
chologiques, sociaux ou d’adaptation. qui choisissent leur enseigne bancaire en
Les travaux de Garbarino et Johnson (1999) fonction de la proximité géographique des
auprès des clients d’un théâtre ont permis agences. Cette contrainte est à l’origine de
l’identification de clients relationnels et de la volonté stratégique forte des principaux
clients transactionnels. La satisfaction acteurs bancaires de mailler le territoire. Il
conditionne la fidélité des seconds alors que s’agit d’ouvrir de nouvelles agences pour
la confiance et l’engagement jouent ce rôle capter de nouveaux clients ou au moins ne
pour les premiers. Il est donc important pas perdre les clients actuels susceptibles de
d’identifier le degré d’orientation relation- changer pour une agence plus proche. La
nelle de la clientèle, ainsi que les bénéfices multiplication des agences n’est cependant
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en agence et d’élargir le champ des activités montrent que le risque qu’un conseiller
réalisées traditionnellement par l’enseigne. bancaire soit finalement perçu comme un
simple vendeur est réel.
2. L’élargissement des activités
En commercialisant des produits d’assu- 3. L’activité des conseillers
rance, les banques ont appris à distribuer Les agences bancaires se transformant en
d’autres produits. Aujourd’hui les réseaux point de vente, le conseiller devient un
d’agence se posent réellement en tant que commercial chargé de vendre des produits
réseau de distribution de services et multi- services variés (bancaires ou non). Ceci
plient les ventes de services non bancaires. suppose d’une part, un renforcement des
L’élargissement des activités des agences compétences commerciales dans les
est devenu naturel. Les expériences dans agences et d’autre part, un investissement
l’assurance ayant été particulièrement fruc- important sur la connaissance des produits.
tueuses, les banques utilisent la notoriété et Les conseillers gèrent aujourd’hui des por-
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3) le turnover des conseillers (2 à 4 ans en de courtage facilite les démarches pour les
moyenne). Les problèmes de mesures de la clients et rend le travail des agences plus
qualité relationnelle et de son impact sur la complexe en réduisant notamment l’asymé-
rentabilité sont importants et incompatibles trie d’information sur les conditions de
avec la durée des fonctions des conseillers. prêts ou de placement d’une banque à
Il existe clairement un conflit d’horizons l’autre. C’est dans ce type de situation que
entre des objectifs à court terme mesurables la banque peut estimer son capital relation-
orientés transactionnel (la vente des pro- nel auprès du client et mesurer la fidélité
duits et services), des objectifs à long terme des clients. Si on accepte l’idée selon
orientés relationnel et la rétention des laquelle l’objectif de la gestion de la rela-
clients dont la rentabilité n’est pas facile à tion client est « le maintien et le renforce-
mesurer. ment de la relation ainsi que la rétention des
La diminution du nombre d’occasions de clients à travers des services à valeur ajou-
rencontrer le conseiller bancaire induite par tée et le développement de la confiance, de
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giques procurent plusieurs avantages aux concurrents semblent disposer des mêmes
clients, notamment une plus grande dispo- outils. Une étude3 fait ressortir que « 28 %
nibilité dans le temps et dans l’espace, amé- des clients déclarent qu’ils restent chez leur
liorant ainsi le confort des consommateurs banquier par habitude, 29 % disent qu’ils y
non réfractaires aux technologies. restent parce que toutes les banques se
Ces modalités d’échange supposent une valent ».
centralisation des actions « commerciales » En l’absence de différenciation perçue, il
pour coordonner les différents canaux. Les est urgent, si la rétention des clients est bien
conseillers sont de moins en moins auto- un objectif stratégique, de travailler la
nomes quant aux actions à mener auprès de dimension sociale de l’échange, dans la
leur portefeuille de clients pour trois rai- perspective de développer une approche
sons : réellement relationnelle des clients.
1) les segmentations clients sont plus fines,
mais centralisées ; III – LE MULTICANAL
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3. Observatoire de la distribution des services financiers auprès des particuliers (décembre 2004) ; www.orgacon-
sultants.com
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canal au client, selon la nature de l’opéra- offert peut être une source de satisfaction,
tion à réaliser peut poser des difficultés en notamment pour les clients ne faisant pas
termes de coût, d’accès et d’interactivité du preuve d’une orientation relationnelle.
canal. Ainsi 86 % des Français estiment que les
Enfin, on peut se demander si la multiplica- appareils automatiques dans les agences
tion des canaux et leur appropriation par les facilitent les opérations des clients et 22 %
clients ne pourraient pas conduire à des des 25-34 ans utilisent les services d’alerte
effets pervers. Les CSP éduquées, à revenus de leur banque par téléphone mobile, via
élevés ont été les premières à adopter la ges- SMS… C’est le cas pour 10 % de l’en-
tion de leurs opérations bancaires à distance, semble des Français4.
et plus généralement l’utilisation des TIC Initialement, les automates, l’internet, etc.
dans la vie de tous les jours et donc à s’éloi- ont été mis en place avec deux objectifs
gner d’un contact suivi avec leur conseiller, simples, réduire le coût de traitement des
pourtant occasion de vente de produits transactions à faible valeur ajoutée ou à
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5. Le passage par un courtier peut être l’occasion de situations cocasses, un client souhaitant faire un prêt immobi-
lier sollicite sa banque, qui lui fait une proposition. Il passe ensuite par un courtier en ligne, lequel obtient une
meilleure proposition de la banque du client.
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le faire via internet, le centre d’appel, par Les outils du multicanal se sont largement
courrier, ou tout simplement en se déplaçant développés dans le secteur de la banque et
dans son agence. La crainte de ne pas obte- de l’assurance. Les courtiers utilisent abon-
nir de réponse et les appels téléphoniques damment les canaux internet et les centres
surtaxés font que l’agence reste le lieu privi- d’appels pour développer leur activité. Les
légié de dépôt des réclamations. Cependant, banques participent d’ailleurs en la matière
sauf à avoir pris préalablement rendez-vous à l’éducation de leurs clients à l’utilisation
avec le conseiller, le client risque de ne pas de ces outils. On peut ainsi se demander si
aller au-delà du guichet. Tout ceci ne favorise les banques ont un traitement différent de
ni le sentiment d’être un client écouté, ni la leurs clients par rapport à des sociétés d’in-
spontanéité des réclamations. Une réflexion termédiation spécialisées dans les prêts
sur l’organisation à mettre en œuvre pourrait immobiliers, les placements ou la renégo-
favoriser le développement de « bonnes rela- ciation d’endettement ?
tions commerciales ». Il s’agit d’inciter le Ces sociétés d’intermédiation vont fournir
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tefeuille ne se traduise par une mise en Dans le premier cas, les canaux à distance
concurrence. Le développement des et des réseaux d’agence purement transac-
réseaux d’agences et les stratégies de tionnels peuvent être suffisants pour
maillage peuvent renforcer la différencia- atteindre des objectifs facilement mesu-
tion auprès des consommateurs en appor- rables, tels qu’un taux d’équipement des
tant notamment une relation interperson- consommateurs, un produit net bancaire par
nelle avec les conseillers. C’est par la client, etc.
connaissance du client et la relation avec les Dans le second cas, le développement
conseillers commerciaux que les banques d’une relation fondée sur la confiance et
pourront préserver leur différenciation et l’engagement des deux parties est néces-
maintenir ainsi leur avantage concurrentiel saire. Ceci suppose de mettre en cohérence
sur ces nouveaux concurrents virtuels. Il les objectifs des agences et des conseillers
faut rappeler qu’historiquement, c’est grâce clientèles par rapport aux objectifs com-
à la puissance de leur réseau d’agences que merciaux à court terme. Les effets de ces
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