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Thérapie

Relaxation et processus de coping à l'adolescence :


réflexions sur quelques limites
Relaxation and coping processes in adolescence :
considerations about some limits

Marie-Christine DALL’AVA,
Docteur en Psychologie*,
Jean-Michel ALBARET,
Psychomotricien,

RÉSUMÉ SUMMARY
La régulation émotionnelle suscite, outre les mécanismes défen- The emotional regulation involves mutidimensional control
sifs, des stratégies multidimensionnelles de contrôle (coping). stategies (coping) in addition to defense mechanisms. Their aim
Leur finalité est le changement soit de la situation menaçante, is to change wether the stressfull situation or the subjective
soit de l’appréciation subjective que le sujet s’en fait. A l’adoles- appraisal experienced by the subject. During adolescence, the
cence, les processus de coping sont très actifs car cette période coping processes are very active because this developmental area
du développement cumule plusieurs stress normatifs. Aider l’ado- adds several normative stress. It can be useful to help the clinical
lescent en difficulté par la pratique de la relaxation peut s’avérer adolescent with relaxation, but this practice reveals some limits.
utile mais impose de prendre en compte certaines limites. L’ap- The occurrence of side effects, relaxation-induced anxiety and
parition d’effets secondaires, anxiété et attaques de panique relaxation-induced panic, is worth thinking over. Some coping
induites, mérite réflexions. Certaines stratégies de coping, utili- strategies, which use more directly the body, can be inconsistent
sant directement le corps, peuvent s’avérer incompatibles avec with relaxation. Without them, the adolescent could experiment
la relaxation. En priver l’adolescent l’amènerait à un sentiment a loss of self-control, which probably explains some paradoxical
de perte de contrôle, probablement à l’origine de certains effets relaxation phenomena.
paradoxaux de la relaxation.
MOTS-CLÉS : régulation émotionnelle, stratégies de KEY WORDS : emotional regulation, coping strategies,
coping, relaxation, effets secondaires relaxation, undesirable side effects
indésirables

es phénomènes complexes de la régu- ment au cours de laquelle les proces-

L
lation émotionnelle peuvent utiliser sus de régulation émotionnelle ou
le canal somatique, lors de l’actuali- coping sont fortement sollicités. L’in-
sation de certaines stratégies de teraction de ces processus avec les
coping. Celles-ci nous éclairent sur la thérapeutiques de relaxation peut
participation active du sujet dans la expliquer certains tableaux d’anxiété
gestion de son anxiété. Si quelques ou d’attaque de panique induits par
stratégies peuvent apparaître opéra- la relaxation.
tionnelles, il en est d’autres qui sont L’adolescence cumule une
antinomiques des procédés thérapeu- grande quantité de facteurs de stress
tiques classiques utilisés par le thé- considérés comme normatifs, le plus
rapeute comme la relaxation. Il im- central étant suscité par le processus
porte donc de réfléchir à une utilisa- pubertaire. Ces facteurs de stress sont
tion adéquate et pertinente de cette en fait de véritables tâches
dernière. Ce qui peut aider certains développementales dont il faut s’ac-
sujets à réguler une déstabilisation quitter afin d’accéder au statut
émotionnelle peut, au contraire chez d’adulte responsable. Parmi celles-ci
d’autres, aggraver la détresse psy- nous pouvons retenir : l’établisse-
chologique par un sentiment généra- ment de relations nouvelles avec les
*Enseignement de Psychomotricité,
Faculté de Médecine, 133 route de lisé de perte de contrôle. L’adoles- pairs ; la réalisation socialisée du rôle
Narbonne, 31062 Toulousecedex cence est une étape du développe- sexuel ; l’acceptation des transforma-

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tions corporelles ; le suivi des études sources de la personne” (Lazarus et traire, de la fuite, d’une discussion,
et la préparation à l’emploi ; la réalisa- Folkman, 1984). d’une prise de médicament ou d’un
tion de son indépendance, émotion- La finalité de ces stratégies est augmentation de ses capacités per-
nelle mais aussi économique, par rap- soit le changement de la situation sonnelles (endurance physique par
port aux parents et aux adultes ; la réellement menaçante, soit le chan- le sport, la stimulation intellectuelle).
préparation à la vie de couple, etc. gement de l’appréciation subjective Les stratégies générales de coping
que le sujet s’en fait et donc de l’af- qui rentrent dans cette catégorie sont
fect associé. les suivantes :
Le coping Les stratégies de coping sont • la recherche de l’information, sa-
déterminées par l’évaluation de l’évé- voir ou être en mesure de comprendre
Les processus psychologiques nement, par les ressources person- ce qui crée la difficulté est une pre-
qui sont engagés dans la gestion des nelles (traits de personnalité, croyan- mière forme de maîtrise cognitive qui
difficultés et dans la réalisation de ces, norme d’internalité) et par les donne sens à l’épreuve ;
ces tâches sont communément appe- facteurs environnementaux (caracté- • la résolution de problème, stratégie
lés processus de coping ou encore ristiques de la situation, présence ou hautement finalisée, très efficace et
d’ajustement face à l’adversité non du soutien social). Les études adaptée (par exemple, quitter le domi-
(Bruchon-Schweitzer et Dantzer, portant sur les modalités d’action et cile familial quand il existe une mé-
1994). Ils sont aussi dénommés pro- d’orientation de ces stratégies de sentente chronique au sein de la fa-
cessus de faire face (Amiel-Lebigre et coping sont considérables. Pourtant, mille, recherche d’un internat ou d’un
Gognalons-Nicolet, 1993) ou encore peu d’entre elles ont dégagé la place foyer pour l’adolescent) ;
processus de maîtrise (Corraze, 1992). du corps. Les travaux sur le coping à • l’organisation de l’action ;
La conceptualisation du coping la période sensible de l’adolescence • l’automédication, elle se réfère à
tire ses origines de la psychologie sont ceux de Seiffge-Krenke (1989 à l’utilisation de tranquillisants, d’al-
cognitivo-phénoménologique des 1996) à l’université de Bonn, de cool ou de drogues afin de réduire les
émotions (Lazarus, 1968), et plus par- Frydenberg (1989 ; et Lewis 1991) à effets négatifs. Ce sont des condui-
ticulièrement de la psychologie du Melbourne, de Rodriguez-Tomé et tes compensatrices ou palliatives, de
stress (Lazarus et Launier, 1978), ainsi Bariaud (1990) en France et de courte durée mais qui, momentané-
que de la psychologie du développe- Bolognini et coll. (1994) à l’Univer- ment, ont de l’effet. Malheureuse-
ment. A l’heure actuelle, la théorie du sité de Lausanne. ment, elles peuvent dévier vers l’ad-
coping est essentielle à la compré- Un consensus assez général diction si elles prennent un caractère
hension de la régulation émotionnelle, existe pour classer les diverses caté- chronique.
elle est aussi au cœur de la psycholo- gories de coping selon deux grandes
gie de la santé. Elle complète les théo- orientations : focalisation sur le pro-
ries des mécanismes de défense et blème (FP) et focalisation sur l’émo- Le coping focalisé sur
des processus de dégagement. C’est tion (FE). l’émotion
enfin la seule théorie qui envisage le
traitement de l’émotion dans ses pers- Il s’agit de stratégies
pectives interactives et psycho- Le coping focalisé internalisées ou orientées vers soi.
sociales. sur le problème La concentration sur soi vise le chan-
Le coping désigne globalement gement de la conception du problème
un processus stabilisateur dans la Ce premier ensemble regroupe négatif. Les stratégies sont essen-
gestion des événements éprouvants, toutes les stratégies qui visent et tiellement la restructuration cogni-
gestion qui poursuit deux buts prin- gèrent la source du problème. On tive, la minimisation de la portée de
cipaux : aider le sujet à maintenir une trouve dans ce groupe des comporte- l’événement, la relativisation ou en-
adaptation psychosociale à son mi- ments tels que : établir un plan d’ac- core la négation du problème.
lieu, mais aussi éliminer ou réduire la tion et le suivre, demander des expli- L’action peut être plus directe
détresse psychologique inhérente à cations et rechercher de l’informa- sur les affects négatifs. Les attitudes
ces situations. Le coping est une ré- tion, tenir bon et se battre pour ce que palliatives réduisent l’impact du dé-
ponse à l’évaluation d’une menace, il l’on veut, etc. Se concentrer sur le sagrément interne : par exemple, aug-
se définit comme “un ensemble d’ef- problème, c’est mettre en jeu des com- menter sa ration alimentaire ou sa
forts cognitifs et comportementaux portements qui visent à modifier le consommation d’alcool ou de tabac,
pour gérer des demandes spécifiques milieu ou les rapports que le sujet a mais aussi se relaxer. L’auto-accusa-
internes et/ou externes évaluées avec lui. Cela peut prendre la forme tion, le fatalisme, le détachement, la
comme épuisant ou excédant les res- d’un affrontement direct ou, au con- diversion, l’humour en font partie.

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Les principales catégories de variations de la réponse électro- d’autrui, absorption de nourriture ou
stratégies qui nous concernent ici dermale, des fonctions cardio-pulmo- de boisson. Ces stratégies mettent en
sont la réduction de la tension, la naires, du tonus musculaire... Un cer- jeu un contrôle externe de la douleur.
vigilance face au stress, l’anticipa- tain nombre d’actions sont alors en- L’étude menée par Ross et Ross
tion face au stress et, de manière treprises afin de retourner à un (1984) a tenté de cerner les stratégies
secondaire, l’assertivité, la recher- équilibre antérieur. A l’extrême, et à de contrôle interne, c’est-à-dire cel-
che du support social ou encore l’or- un niveau psychopathologique, cette les qui sont initiées spontanément
ganisation de l’action, stratégies dans modalité peut entraîner des condui- par l’enfant. La question posée ici est
lesquelles l’image du corps peut être tes addictives, par la recherche de “que fais-tu ou à quoi penses-tu quand
valorisée mais aussi où le corps peut stratégies parallèles visant à atténuer tu as mal ?”. Parmi les 994 enfants de
être utilisé dans son instrumentalité ces modifications. 5 à 12 ans, 21% rapportent des stra-
afin d’atteindre un certain niveau de La “vigilance face au stress” est tégies cognitives telles que : la dis-
bien-être (par exemple, la pratique sensiblement différente. Ici, les pro- traction en imagination, une activité
d’activités sportives plus que de cou- cessus attentionnels sont les plus physique orientée vers soi comme
tume, les efforts importants réalisés sollicités. La personne est sur le qui- serrer les poings, la relaxation ou la
au niveau de la présentation physi- vive devant un environnement qui détente neuromusculaire, l’arrêt de la
que, dans une dynamique de contrôle peut lui apparaître comme hostile. Elle pensée. Une grande majorité d’en-
du soi). se prépare a tous moments à faire face fants fait appel aux stratégies exter-
Bien entendu, chaque sujet per- à l’adversité. les moindres variations nes issues du contexte relationnel.
sonnalise et fait appel à son physiologiques constituent des si- L’étude de Brown et coll. (1986)
inventivité afin de réguler ses émo- gnaux d’alarme qui aident le sujet à s’adresse à un millier d’enfants de 8
tions. s’organiser. Dans ce contexte, la cons- à 11 ans et se propose de considérer
cience de soi est particulièrement leurs stratégies de coping mais après
aiguisée car le sujet a appris à appré- reconstruction de la situation dou-
Utilisation du corps dans cier son propre seuil de résistance au loureuse. Les enfants doivent décrire
les stratégies de coping stress et à repérer les pensées qui comment ils se sont comportés de-
peuvent à tout moment le déstabili- vant la douleur, par exemple lors de la
La “réduction de la tension” est ser. visite chez le dentiste. Les catégories
une stratégie qui a pour but de maîtri- “L’anticipation face au stress” de stratégies cognitives rapportées
ser les désagréments physiologiques agit sur le même principe mais cette sont au nombre de quatre : la pensée
que provoque le stress en augmen- stratégie peut pousser la personne à positive (se dire que l’on tiendra le
tant le niveau de performance et de l’évitement, au retrait et la soustrait coup, se rassurer), l’attention-diver-
bien-être du sujet. Cela inclut des donc au problème. Ce répit tempo- sion, la relaxation et les exercices res-
procédures de relaxation spontanées raire peut être alors recherché, lais- piratoires, l’arrêt de la pensée. Ces
comme le relâchement neuro- sant malheureusement intactes les dernières stratégies sont plus fré-
musculaire, les exercices respiratoi- causes de la difficulté première. quemment rapportés au-dessus de 11
res visant l’expulsion des tensions, Les études développementales ans.
ainsi que des exercices amenant une ont permis de repérer l’existence de Le repérage de ces stratégies
concentration abdominale à l’aide du ces modalités de gestion émotion- d’action sur le soi physique dès la fin
massage diaphragmatique. A ces exer- nelle auprès d’enfants. L’ensemble de l’enfance peut justifier leur utilisa-
cices improvisés est parfois adjoint des études a porté sur des situations tion dans un contexte thérapeutique.
l’arrêt de la pensée. La stratégie de hautement anxiogènes telles que les
réduction de la tension est donc expériences algiques lors d’hospita-
cognitivo-comportementale car elle lisation ou de soins dentaires par Relaxation
utilise la médiation corporelle afin exemple. et effets secondaires
d’influer sur l’état psychique et de A la question : “qu’est-ce qui
garder un sentiment de contrôle in- t’aide à te sentir mieux quand tu as Face à toute manifestation d’an-
terne et externe. Elle demande une mal ?”, posée par Branson et Craig xiété ayant des répercussions sur le
certaine attention aux modifications (1988) auprès d’une population de plan somatique, le thérapeute serait
physiologiques internes. L’anxiété, 214 enfants de 9 à 12 ans, la plupart tenté de recourir de façon systémati-
l’angoisse ou le stress opèrent un des enfants rapportent les stratégies que à la relaxation. Il n’en reste pas
certain nombre de bouleversements suivantes : prise de médicaments, moins que certaines précautions sont
physiologiques, par activation du relaxation ou recherche du repos, re- nécessaires compte tenu notamment
système neurovégétatif, tels que les cherche d’attention de la présence des tableaux d’anxiété ou d’attaque

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de panique induits par la relaxation (1984) en proposent cinq : par de l’anxiété ou une attaque de
(Heide et Borkovec, 1983). • peur des sensations, des réactions panique.
Rappelons que l’état de relaxa- physiologiques et comportementales
tion est un état psychobiologique ou des éléments cognitifs et affectifs
caractérisé par trois dimensions : qui résultent directement de la prati- Articulation du coping
cognitive, affective et physiologique. que de la relaxation ; et des effets secondaires
La dimension cognitive comprend, • peur d’une perte de contrôle ou de la relaxation
d’une part, un arrêt du traitement des croyance qu’il faut “ faire un effort ”
informations réalisé par un isolement pour atteindre l’état de relaxation ; Nous serions enclin à penser
sensoriel partiel résultant de la dimi- • orientation de l’attention, par le que les adolescents qui utilisent et
nution des stimuli externes associé à biais de la relaxation, sur des symptô- improvisent spontanément des exer-
une diminution des informations pro- mes résiduels de l’anxiété ; cices de relaxation, cherchant donc à
venant du corps et, de l’autre, la fixa- • peur à l’égard des sensations inter- réduire leurs tensions internes, sont
tion sur une seule idée (consigne dans nes en général avec le sentiment que ceux qui ne luttent pas contre l’ex-
le training autogène de Schultz, man- toute focalisation sur l’intérieur du pression de leurs émotions. Ils en
tra dans la méditation transcendan- corps est synonyme d’expérience gèrent seulement les conséquences.
tale) que l’on appelle monoïdéisme. désagréable ; Par contre, les adolescents qui sont à
La dimension affective est consti- • création d’une situation qui exa- l’affût de la moindre modification in-
tuée par un état affectif neutre qui, cerbe des sensations désagréables terne, c’est-à-dire ceux qui utilisent
seul, permet d’atteindre un niveau de associées à des événements indé- préférentiellement des stratégies
relaxation suffisant. Quand à la di- pendants de la relaxation. comme l’anticipation ou la vigilance
mension physiologique, elle peut être L’étude de Adler et coll. (1987) face au stress sont ceux qui réprime-
considérée, à la suite des travaux de porte sur sept patients à qui l’on ront davantage les émotions négati-
Benson et coll. (1975), comme le ré- propose successivement trois cas- ves et qui agiront de manière à ne pas
sultat d’une inhibition du système settes sur lesquelles sont enregis- être confrontés à la totalité de la ré-
orthosympathique. trées une séance de relaxation pro- ponse anxieuse. Ce groupe-là cher-
La relaxation réalise une inver- gressive, une séance ne comportant che avant tout à garder en perma-
sion de l’attitude vitale du sujet qu’une phase de contraction muscu- nence un sentiment de contrôle effi-
(Corraze, 1979), dans laquelle, au lieu laire et de retour à l’état tonique initial cace et général. Priver ces individus
de s’orienter vers les stimuli externes et, pour la troisième, des passages de tous les signes annonciateurs de
comme l’exige son adaptation au d’un roman. Plusieurs mesures de l’anxiété de fond par une utilisation
monde, il dirige son attention vers variables physiologiques sont réali- généralisée de la relaxation serait une
l’intérieur du corps. Cette inversion sées, ainsi que des auto-évaluations erreur qui pourrait conduire à une
peut être à l’origine des tableaux d’at- et une appréciation clinique de l’in- multiplication de ces effets secondai-
taque de panique ou d’anxiété dé- tensité des symptômes. Les résultats res indésirables.
clenchés par la relaxation. Souvent indiquent que, même lorsque l’an- Il semble donc intéressant de
mentionnées de façon anecdotique xiété et les manifestations somatiques déterminer, au préalable, les proces-
dans la littérature, ces manifestations sont présentes, certains sujets ne sus de coping utilisés par le sujet et,
n’en demeurent pas moins préoccu- rapportent pas l’existence d’une at- parmi eux, ceux qui sont en rapport
pantes pour une thérapeutique desti- taque de panique tant qu’ils ne font avec les phénomènes somatiques.
née justement à les combattre et cons- pas l’expérience d’une atténuation Une étude sur le lien entre les proces-
tituent des effets secondaires indési- du sentiment de sécurité ou d’une sus de coping et les manifestations
rables dont il importe de comprendre perte du sentiment d’auto-contrôle. d’anxiété et/ou les attaques de pani-
le ou les mécanismes responsables. Il semble que les patients dévelop- que induites par la relaxation permet-
Différentes hypothèses, purement pent, par un processus de condition- tra de préciser les sujets à risque pour
descriptives, ont été formulées à nement intéroceptif, une phobie à lesquels la relaxation ne doit être en-
l’égard de ces phénomènes qui, dès l’égard des sensations physiologi- visagée qu’après mûre réflexion et
les premières séances de relaxation, ques qui pourraient préfigurer une éventuellement laissée de côté au
peuvent apparaître de façon tellement attaque de panique. Le sujet est donc profit d’approches de nature diffé-
violente qu’ils nécessitent, au mini- sensible à des phénomènes extrême- rentes (psychothérapies verbales,
mum, un aménagement des séances, ment spécifiques qui correspondent thérapies cognitives, médications).
voire, dans certains cas, leur inter- à des réponses physiologiques, déjà Reste la possibilité d’adjoindre
ruption définitive. Heide et Borkovec expérimentées, auxquelles il répond à la relaxation une approche cogni-

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tive comme le recommandent (1979) appelée inhibition par alter- Ces trois éléments, à savoir
Borkovec et coll. (1987). Un travail nance. L’individu est invité à signaler l’appréciation de l’organisation émo-
sur les pensées irrationnelles asso- immédiatement les réactions négati- tionnelle du sujet et de ces proces-
ciées aux manifestations anxieuses ves se produisant au moment d’un sus de coping, l’adjonction éven-
peut permettre de minimiser l’impor- exercice (dans la majorité des cas au tuelle d’une thérapie cognitive et la
tance de celles-ci et d’insister sur le cours de la concentration sur le cœur modification de la relaxation, sont en
caractère rassurant du cadre dans ou la respiration), en levant le bras. Il mesure d’améliorer la prise en charge
lequel se déroule la relaxation, cadre quitte ainsi l’exercice et le thérapeute des adolescents. Il convient en fait
qui, comme le montrent Adler et coll. reprend les premières consignes (lour- de ne pas banaliser la relaxation qui
(1987), joue un rôle non négligeable deur des bras et jambes, puis chaleur) ne saurait se résumer à une simple
dans la reconnaissance ou non de la avant de revenir à l’exercice problé- thérapie de confort. Ce n’est
survenue d’une attaque de panique. matique. De cette façon, une inhibi- qu’après avoir envisagé la plainte
Nous avons également utilisé tion réciproque au sens de Wolpe du sujet et le degré du préjudice subi
sur plusieurs patients (une vingtaine (1975) se met progressivement en que l’on peut étudier un protocole
au total), avec succès, une technique place, jusqu’à ce que la présentation thérapeutique adapté aux ressour-
dérivée de la désensibilisation systé- de la consigne ne déclenche aucune ces psychologiques de l’adolescent
matique, mise au point par Corraze des manifestations antérieures. en mal de croissance. !

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