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L’Espace Politique

Revue en ligne de géographie politique et de


géopolitique 
36 | 2018-3
Varia

Guerres coloniales et commémoration : le cas des


défaites occidentales. Enjeux de pouvoir sur des
lieux de mémoire
Colonial wars and commemoration: the case of Western defeats. Power stakes on
places of memory

Frédéric Lasserre et Catinca Adriana Stan

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/espacepolitique/5591
DOI : 10.4000/espacepolitique.5591
ISSN : 1958-5500

Éditeur
Université de Reims Champagne-Ardenne
 

Référence électronique
Frédéric Lasserre et Catinca Adriana Stan, « Guerres coloniales et commémoration : le cas des
défaites occidentales. Enjeux de pouvoir sur des lieux de mémoire », L’Espace Politique [En ligne], 36 |
 2018-3, mis en ligne le 01 juin 2019, consulté le 24 octobre 2019. URL : http://
journals.openedition.org/espacepolitique/5591  ; DOI : 10.4000/espacepolitique.5591

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 1

Guerres coloniales et
commémoration : le cas des défaites
occidentales. Enjeux de pouvoir sur
des lieux de mémoire
Colonial wars and commemoration: the case of Western defeats. Power stakes on
places of memory

Frédéric Lasserre et Catinca Adriana Stan

1 Nous assistons aujourd’hui à une résurgence des discours sur le passé, qui échappe aux
seuls historiens autant par l’éventail des usages publics de l’histoire (Habermas, 1988),
que par la légitimation du témoin, celui qui a traversé une expérience directe ou
indirecte en lien avec le passé raconté : on peut penser, par exemple, à la prolifération
des discours sur l’autochtonie des Albanais au Kosovo (Lasserre et al, 2016), ou la
promulgation récente de lois mémorielles en Pologne et en Ukraine (Clarini, 2018).
Certes, la mémoire et l’histoire entretiennent des relations tendues depuis la fin du
Moyen Âge, quand l’historien commence à ne plus raconter sous forme de chroniques
l’histoire immédiate qui l’englobe ou qui le concerne, mais l’histoire refroidie,
lointaine, à l’aide d’une discipline historique qui se professionnalise (Dosse, 1998) et qui
a désormais recours à l’analyse méthodique des traces du passé. L’avènement du
discours mémoriel brouille l’intelligibilité de l’histoire et en vient à produire une
multitude de récits parfois directement concurrents (Joutard, 2013), tandis que ce poids
croissant de pratiques mémorielles vient renforcer l’importance politique d’une
commémoration ancrée sur les lieux de mémoire, et donc traduisant des enjeux de
contrôle de ces lieux et de leur valorisation (Lazzarotti, 2001 ; Foucher, 1991).
2 Pour illustrer ces enjeux mémoriels, nous proposons ici d’examiner le traitement
commémoratif de six batailles livrées dans le cadre des conquêtes coloniales (donc
avant l’épisode des guerres de libération menées au XXe siècle), afin de souligner les
enjeux historiques, mais aussi géopolitiques de ces monuments. Les victoires des
peuples conquis durant la phase de conquête coloniale1 sont peu nombreuses, comme

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l’a confirmé une recherche documentaire. Celles qui ont été retenues reflètent des
affrontements à différentes périodes, de la fin du XVIII e siècle jusqu’en 1921. Il s’agit
d’engagements de plus de 1 000 combattants (excluant donc la guérilla), dans lesquels
les conquérants occidentaux pensaient disposer d’une supériorité matérielle
déterminante, et faisant l’objet d’un traitement mémoriel en tant que batailles, c’est-à-
dire des affrontements militaires significatifs. Enfin, ces batailles, qui parfois ont eu des
répercussions sociales importantes, sont l’objet de pratiques mémorielles très diverses 2,
reflets d’enjeux géopolitiques propres différents : c’est cette diversité qui nous
intéresse ici. Ces batailles sont souvent peu connues, et leur héritage mémoriel, social
et politique, peu étudié dans la littérature, surtout dans une approche comparative.
Pourtant, elles ont été instrumentalisées tout autant que les guerres de libération, et
cela de diverses manières, dans la construction de discours politiques et de lieux de
mémoire. Quels discours ont-elles permis de construire ? Quelles disparités dans les
modes de commémoration peut-on observer, et quelles tensions contemporaines cela
traduit-il ? La première partie de cet article abordera, de manière théorique, la
construction des discours mémoriels ainsi que les enjeux politiques liés à la
commémoration. Dans une deuxième partie, nous analysons le traitement mémoriel
des six batailles, afin de saisir la manière dont les sociétés fabriquent, s’approprient et
instrumentalisent ces événements, pour enfin proposer une typologie de ces batailles
afin de souligner la diversité des enjeux politiques et de l’instrumentalisation politique
de ces lieux de mémoire. Compte tenu de la quasi-inexistence d’études sur ce sujet, cet
article traduit une démarche exploratoire et comparative, basée sur l’analyse de la
littérature scientifique et médiatique et sur un corpus de sources bibliographiques,
médiatiques et numériques. Certains éléments de cet article ont été présentés dans
Lasserre 2016.

L’avènement du discours mémoriel et de l’enjeu


politique des lieux de mémoire
Histoire et représentations

3 L’histoire est souvent écrite par les vainqueurs, qui imposent alors leur interprétation
des événements et leur vision des vaincus (Goody, 2006). Ce constat souligne le poids
des représentations dans le discours historique dominant, non qu’il soit forcément
délibérément biaisé, mais parce que les historiens se heurtent à la difficulté de se
détacher de leurs propres représentations et préjugés, quand le discours historique
n’est pas délibérément manipulé par les pouvoirs publics (Stan, 2013). Le discours
historique est rédigé par des narrateurs ou chercheurs humains, donc dotés de
représentations propres qui viennent teinter tout discours, fût-il animé d’une quête
scientifique (Lasserre, Gonon et Mottet, 2016), mais aussi parce qu’il représente un
enjeu politique : définir le discours historique permet de légitimer la lecture et les
conditions du vainqueur, et cet enjeu3 permet de comprendre l’importance accordée
souvent au contrôle des recherches historiques et archéologiques (Lasserre, 1996 ;
Payot, 2010).
4 Ce fait est important à garder à l’esprit, dans un contexte de « poussée mémorielle »
(Joutard, 2013), de désir croissant, des pouvoirs publics comme du public, de célébrer
des événements du passé, car, si ce besoin de mémoire intervient en partie en réaction

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face à un discours historique jugé désincarné, détaché des réalités perçues des
populations, voire entaché d’erreurs et d’oublis, la célébration d’événements du passé
qui en découle n’est pas davantage garante d’une objectivité, aussi chimérique que le
discours historique passé : toute commémoration, tout discours mémoriel est aussi
affecté par le biais fondamental de la mémoire, faite de sélection, d’oublis et de
distorsions. La commémoration est ainsi une activité sociale et politique de re-
construction du passé (Wyllie, 2014).
5 Sur le plan épistémologique, on assiste à un double intérêt des historiens, d’une part
pour davantage prendre en compte les perceptions, les vécus des individus, et étudier
quels sont les lieux, les événements spécifiques qui aujourd’hui, de manière très
subjective, sont inscrit dans la mémoire collective4 ; et d’autre part de prise en compte
du fait que l’histoire est un discours, forcément orienté, en général écrit par les
vainqueurs (Veyne, 1971 ; Goody, 2006).
6 Ce souci de mémoire se nourrit donc d’une réaction par rapport à une histoire qui a pu
gommer, du moins le perçoit-on, la perception de groupes minoritaires. Mais il se
nourrit également d’un nouveau rapport au temps et à la manière dont on peut
s’insérer, en tant que groupe historiquement marginalisé, dans le temps long de
l’histoire (Hartog, 2003).

Mémoire et histoire, une relation complexe

7 Si nous sommes aujourd’hui dans l’abus de la mémoire (Todorov, 1995 ; Lefebvre, 2000 ;
Nora, 2011), qui s’exprime souvent par une mémoire manipulée, mémoire empêchée ou
abusivement convoquée (Ricœur, 2000) lors des commémorations des événements
passés, c’est aussi parce que ces rites sociaux permettent de produire un effet mémoriel
du passé. En effet, « assister, c’est prendre part. […] Être spectateur est donc une
manière authentique de prendre part » (Gadamer, 1976 : 51). Les individus qui
célèbrent ont donc l’impression de faire partie de l’histoire de leur communauté et de
s’inscrire dans une continuum passé présent. Pourtant, plusieurs aspects distinguent la
mémoire de l’histoire.
8 La mémoire n’est pas soumise à l’impératif de la vérité et à l’exigence critique.
N’entretenant qu’un lointain rapport avec la réalité du passé (Bonniol, 2008), elle est
souvent orientée et instrumentalisée en fonction des débats politiques et sociaux
contemporains. La mémoire n’est pas l’Histoire, c’est même souvent le contraire, selon
Paul Garde (Tertrais 2017). La mémoire divise et l’Histoire seule réunit (Nora, 2006).
9 La mémoire collective désigne l’inscription dans l’histoire d’un groupe concerné. Selon
la définition du sociologue français Maurice Halbwachs, la mémoire est collective non
seulement parce que plusieurs personnes partagent les mêmes représentations sur le
passé, mais aussi parce que la société structure la mémoire et les souvenirs des
individus. Il s’agit des cadres sociaux de la mémoire (Halbwahcs, 1994). Il y a donc une
mémoire collective et une multiplicité de mémoires individuelles, reliées par les cercles
concentriques de la mémoire : mémoires individuelles, mémoires familiales, mémoires
de groupe, mémoires nationales (Halbwachs, 1994). La mémoire donc joue à la fois le
rôle de faculté de réactiver, mais aussi et surtout de tradition partagée (Comet, Lejeune et
Maury-Rouan, 2008 : 20).
10 Les événements qui font l’objet d’un discours mémoriel sont souvent, à l’origine, des
événements violents et controversés. Ce que nous célébrons sous le titre d’événements

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fondateurs, ce sont pour l’essentiel des actes violents légitimés après coup par un État
de droit précaire, légitimés, à la limite, par leur ancienneté même, par leur vétusté. Les
mêmes événements se trouvent ainsi signifier pour les uns gloire, pour les autres
humiliation (Ricœur, 2000 : 99)
11 Les sociétés commémorent souvent des événements qui constituent déjà des enjeux du
présent, dans une quête qui va au-delà de la reconnaissance formelle des blessures
qu’elles ont subies dans le passé. Au nom de la justice sociale, elles demandent une
réparation du passé. Or, comme le souligne Tzvetan Todorov, « Le devoir de mémoire
est le devoir de rendre justice, par le souvenir, à un autre que soi. […] La victime dont il
est ici question, c’est la victime autre, autre que nous » (Todorov, 1995 : 108).

Les lieux de mémoire : des enjeux politiques forts

12 Ce discours mémoriel, reflet du choix d’un acteur de se souvenir d’un événement


particulier, traduit donc un choix à la résonance politique – qui sont les vainqueurs,
comment chercher une légitimité politique dans tel ou tel événement historique (Nora
1984). Il peut s’incarner dans des lieux, dits lieux de mémoire pour reprendre
l’expression largement diffusée de Pierre Nora et aujourd’hui communément employée
(Lazzarotti, 2012). Les monuments aux morts ou visant à célébrer des batailles en sont
de bons exemples : ils supposent qu’un acteur, souvent le vainqueur mais pas toujours
comme on le verra, érige un monument en mémoire de ses morts et pour marquer
qu’en ce lieu, l’ennemi a été vaincu, ou parfois que ses troupes sont tombées
héroïquement dans la défaite aux mains d’ennemis barbares. Un abondant héritage
européen de monuments aux morts s’est développé à partir de la fin du XIXe siècle,
puis a connu son essor après la Première Guerre mondiale : ces monuments avaient
alors la double fonction sociale de porter un deuil collectif, national, et politique ainsi
que de resserrer la société autour de symboles collectifs, nationaux (Pignard, 2014 ;
Aubry et de Oliveira, 2014). Les lieux de mémoire, en particulier les monuments
commémoratifs aux morts, n’échappent pas à la politisation possible du patrimoine
(Gadamer, 1996 ; Belot, 2017 ; Even-Zohar, 2017 ; Gensburger et Lefranc, 2017), ne
serait-ce que parce qu’ils renvoient à une « volonté politique de mémoire » (Namer,
1983, p.5) et sont pensés à l’aune quasi exclusive de l’usage politique du passé (Lavabre,
2014), par exemple pour étayer une revendication de souveraineté (Têtu et al, 2018).
« Le monument aux morts est ainsi un « lieu discursif », dans la mesure où il produit un
territoire et une identité : ce lieu permet dès lors, par sa mise en visibilité par le biais
de la ritualisation de la commémoration, au territoire de devenir un mythe » (Tratnjek,
2009). Ces monuments constituent un outil de « propagande politique dans l’invention
de l’histoire » (Koleva, 2018, p.181), une « idéologie identitaire en vertu d’une mise en
scène plus ou moins habile » (Bédard, 2002, p.53) et servent à une instrumentalisation
du passé, ancrée dans un lieu du quotidien, au profit d’une politique (Lazzarotti, 2001).
En incarnant le choix d’un acteur de commémorer certains événements, d’établir un
monument à un endroit spécifique, pour traduire un discours qui lui est propre et qui
traduit une lecture souvent politique d’un événement, ils traduisent bien un enjeu de
pouvoir sur un territoire comme marqueur des conséquences sociales et politiques de
cet événement : ils incarnent de ce fait des enjeux géopolitiques (Tratnjek, 2011 ; Ginet
et Wiesztort, 2013 ; Greani, 2017 ; Grumel-Jacquignon, 2018). La tension autour de ces
monuments explique aussi que certains monuments soient délibérément détruits par
d’autres acteurs par la suite (Denis, 2006).

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13 Dès lors, le lieu de mémoire commémorant une bataille est investi d’une forte valeur
politique dans la mesure où il souligne l’issue d’un affrontement militaire, ou encore
parce qu’il souligne le rôle de tel ou tel acteur dans le conflit. Plus encore, ce lieu
hautement symbolique devient un élément structurant de l’espace public. Il constitue
un repère signifiant où peuvent s’affirmer des positions politiques ou sociales (Sniter,
2004).
14 Le lieu de mémoire peut, de plus, être investi d’une valorisation touristique, laquelle
peut avoir une fonction politique. Au-delà de la valorisation économique, très présente
à partir du début des années 1990 pour les monuments de la Première Guerre mondiale
en France par exemple (Hertzog, 2014), la mise en tourisme de lieux de
commémoration, dans le cadre de l’essor du tourisme dit de mémoire (Jacquot et al,
2018) peut viser la confirmation, la caution des motivation politiques de
l’aménagement du site (Lazzarotti, 2001) ou encore une réconciliation idéalisée entre
les peuples (Hertzog, 2012).

Le souvenir des batailles du passé : quels discours


pour les défaites occidentales ?
15 Les guerres de libération qui ont abouti à la fin des empires coloniaux européens au
cours de la seconde moitié du XXe siècle ont été largement décrites, et leur mémoire
racontée par l’historiographie tant des anciennes puissances coloniales que des pays
devenus indépendants (Cooper, 1994 ; Triulzi, 2006 ; Kössler, 2007 ; Cabecinhas et Feijó,
2010 ; Cardina et Sena Martins, 2018). Sur le plan historique, le traitement des guerres
de libération est clairement distingué de l’étude des guerres de conquête (Charnay,
1984 ; Pascal, 2009). Ces guerres de décolonisation ont mis un terme à l’occupation
coloniale, qui a commencé souvent par une guerre de conquête. Il s’agit ici d’examiner
le traitement mémoriel de six batailles livrées dans le cadre de la conquête coloniale 5,
au cours desquelles le belligérant occidental a connu une défaite, bien souvent sans
effet politique déterminant sur l’issue générale du conflit (tableau 1) puisque seule la
première guerre italo-éthiopienne a finalement été remportée par l’Empire éthiopien
en 1896, l’Italie triomphant lors du 2e conflit italo-éthiopien de 1935-1936.
16 Six batailles sont abordées dans cet article : il ne s’agit pas d’une liste exhaustive, mais
de plusieurs cas diversement connus et commémorés.
17 En Amérique du Nord, Little Big Horn demeure une bataille des guerres amérindiennes
relativement connue. Livrée en juin 1876 entre le 7e régiment de cavalerie commandé
par le colonel Custer et une coalition de Sioux, Cheyennes et Arapahos, elle s’est soldée
par la destruction du 7e régiment. Défaite majeure mais sans portée politique, elle eut
un profond retentissement dans l’opinion publique américaine, et conduisit au
massacre de Wounded Knee par le même 7e régiment de cavalerie en 1890, dernière
bataille des guerres amérindiennes aux États-Unis. Cette bataille est bien plus connue
dans l’opinion publique que la bataille de la rivière Wabash, dans le cadre de la guerre
indienne du Nord-ouest (Northwest Indian War), réputée la « pire défaite américaine »
contre des combattants amérindiens (California Indian Education, 2008 ; Calloway,
2015). Le 4 novembre 1791, les Amérindiens de la coalition des Miamis, Shawnees et
Delawares ont détruit le campement des troupes américaines commandées par le
général St. Clair. Cette victoire amérindienne faisait suite à une autre défaite

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américaine, la campagne de Harmar (19-22 octobre 1790) au cours de laquelle une


rapide succession d’engagements militaires a conduit au retrait des troupes
américaines avancées en Ohio, commandées par le général Harmar. La bataille de
Wabash, n’eut pas, là encore, de portée politique durable : le 20 août 1794, la bataille de
Fallen Timbers mit un terme à la guerre indienne du Nord-ouest avec une victoire
américaine.
18 En Afrique, la bataille d’Isandlwana en janvier 1879, dans le cadre de la guerre anglo-
zouloue, a abouti à la destruction de deux détachements britanniques. Malgré leur net
désavantage technologique, les troupes zouloues ont infligé une sévère défaite à des
troupes britanniques trop confiantes et mal commandées. Cette victoire zouloue n’a pas
empêché la victoire britannique finale le 4 juillet 1879 à la bataille d’Ulundi.
19 La bataille d’Adoua a eu lieu à la fin de la première guerre italo-éthiopienne
(1887-1896). Le désastre militaire força l’Italie à renoncer à ses projets de conquête de
l’Éthiopie jusqu’en 1935, lorsqu’elle envahit à nouveau l’empire éthiopien pour cette
fois-ci parvenir à le subjuguer (2e guerre italo-éthiopienne, 1935-1936).
20 La bataille d’El Herri n’a pas eu de conséquence politique durable mais débuta une
longue guerre. Marquant une défaite française face à la confédération Zayan qui
refusait le protectorat français établi sur le Maroc en 1912, elle n’a pas empêché les
troupes coloniales de vaincre la révolte (1914-1921), malgré la poursuite d’une guérilla
dans les zones de montagne jusque dans les années 1930.
21 La bataille d’Anoual a marqué une cinglante défaite espagnole dans la guerre du Rif
(1920-1926), là encore au Maroc, contre la république berbère du Rif. Suite à la défaite
d’Anoual, les Espagnols perdirent tous les territoires qu’ils avaient difficilement
conquis dans le nord marocain depuis 1909. Malgré le recours à des armes chimiques,
l’armée espagnole ne parvint pas à soumettre l’adversaire, une réalité politiquement
d’autant plus douloureuse que la campagne de conquête marocaine débutée en 1909
avait comme objectif politique non avoué de dépasser l’humiliation de la défaite lors de
la guerre hispano-américaine de 1898 qui avait abouti à la perte du reste de l’empire
des Amériques (Cuba, Porto Rico) et des Philippines (Martínez Gallego et Laguna
Platero, 2014). La France, après avoir vaincu l’essentiel de la révolte des Zayans,
intervint aux côtés de l’Espagne en 1924, aboutissant à la défaite de la république du Rif
en 1926.
22 Ces batailles sont très diverses. De par les effectifs engagés tout d’abord : environ 2 200
combattants à Little Big Horn, contre au moins 26 000 à Anoual et 117 000 à Adoua,
bataille majeure avec présence de nombreuses pièces d’artillerie de part et d’autre.
Diverses de par les conséquences militaires et politiques aussi : la bataille d’Isandlwana
ne parvint pas à enrayer l’invasion britannique du royaume zoulou, vaincu quelques
mois plus tard. La bataille de la rivière Wabash n’empêcha pas le triomphe américain
trois ans plus tard, tout comme la bataille de Little Big Horn ne dissuada pas l’armée
américaine de continuer à investir le territoire amérindien à l’ouest des États-Unis. En
revanche, la bataille d’Anoual accula l’armée espagnole à se retrancher sur ses
positions de Melilla et Ceuta pendant des années, et força Madrid à solliciter une
intervention française en 1924. La bataille d’Adoua mit un terme aux projets de
conquête italiens pour 39 ans. Intervenant quelques années après la guerre égypto-
éthiopienne (1875-1876), le conflit renforça la méfiance de l’Éthiopie envers l’étranger
et aboutit à une politique étrangère plutôt isolationniste (Lasserre 2010). Le tableau
suivant illustre les forces en présence et les conséquences des six batailles.

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Tableau 1 - Six défaites occidentales dans le cadre de guerres de conquête coloniales

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www.littlebighorn.info/Articles/IndianCasualties.pdf; Philbrick, N. (2010). The Last Stand: Custer, Sitting
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Genocide Studies, Oxford Univ. Press.

23 Il existe un discours, une pratique mémorielle visant à commémorer ces batailles de


l’époque des guerres de conquête coloniales, qui n’avaient souvent pas connu, pendant
longtemps, d’attention particulière dans le discours des historiens, ou encore étaient
l’objet d’un discours mémoriel élaboré par les seuls Occidentaux. Les monuments
occidentaux remontent à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe siècle ; les
commémorations pratiquées par les pouvoirs publics des pays issus de l’indépendance

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ou par des associations autochtones ou locales, sont beaucoup plus récentes et


remontent aux années 1980. Ces pratiques sont très diverses, dans leur visibilité et dans
les enjeux politiques contemporains qu’elles traduisent. Ce discours mémoriel prend
plusieurs formes : monuments aux morts certes, qui rassurent d’une part les endeuillés
en leur promettant de garder intact le nom de leurs disparus, et d’autre part
rassemblent la société post-conflit, surtout en cas de défaite, pour invoquer la solidarité
nationale (Pignard, 2014) ; mais aussi films, livres, stèles, célébrations publiques,
valorisation touristique... A travers la diversité de la forme de la commémoration se lit
aussi la représentation des héritiers des belligérants, Occidentaux et peuples conquis in
fine malgré ces défaites occidentales.

Wabash : une tragédie américaine largement oubliée

24 Ainsi, les batailles de Wabash et de Little Big Horn, à des degrés divers, étaient bien
retracées dans l’historiographie américaine, mais du point de vue américain : la bataille
de Wabash était plus connue sous le nom de St.Clair’s Defeat, du nom du général qui
commandait les forces américaines lors du désastre militaire 6. La bataille de Wabash est
l’objet de peu d’attention mémorielle : on relève ainsi quelques panneaux à vocation
historique installés par la Société Historique de Fort Recovery, ou par l’association
privée Ohio Historical Society, qui viennent en écho à la victoire de Fort Recovery de
1794 (fig. 1 à 3), mais elle est largement tombée dans l’oubli (Feng, 2014 ; Calloway,
2015).

Fig. 1 - Panneau historique, St Clair’s Defeat, 1954.

Source : Dale K. Benington, 5 juin 2009. Avec la permission de HMdb (Historical Markers database), 
www.hmdb.org/Marker.asp?Marker=19950

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Fig. 2 - Autre panneau explicatif, St. Clair’s Defeat, 2003.

Source : Dale K. Benington, 5 juin 2009. Avec la permission de HMdb, www.hmdb.org/
PhotoFullSize.asp?PhotoID=68673

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 10

Fig. 3 - Panneau historique, Wayne’s Victory, écho à St. Clair’s Defeat, 2003.

Source : Dale K. Benington, 5 juin 2009. Avec la permission de HMdb, www.hmdb.org/marker.asp?
marker=20333
En revanche la bataille de Fort Recovery, victoire américaine en juillet 1794, est célébrée depuis 1913
avec l’inauguration d’un monument à la mémoire des soldats américains tués, décidé en 1908 par le
président Taft7 et financé par le Congrès (Keller et al, 2011) (fig. 4)8, puis la construction d’un musée9,
et même l’organisation de célébrations commémoratives (Kincald, 2013) le jour du Souvenir
(Memorial Day10). Le 11 septembre 2016, la date n’étant pas fortuite, a été inaugurée la place des
Vétérans de Fort Recovery11 non loin du monument inauguré en 1913. La perspective est résolument
américaine : la défaite est mentionnée sous le nom du général américain (St. Clair’s Defeat), la victoire
souligne celle de son collègue Wayne et l’effacement de la « pire défaite » de l’armée américaine (Edel,
1997) grâce à la victoire du fort Recovery (= récupération, rétablissement). A travers ces lieux et
cérémonies, il s’agit de commémorer la lutte difficile, puis la victoire finale des États-Unis dans la
guerre indienne du Nord-ouest (1790-1794), soulignée par le traité de Greenville de 1795 qui permit
l’annexion d’une grande partie de l’Ohio.

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 11

Fig. 4. Monument aux morts américains, batailles de Wabash et de Fort Recovery. 1913.

Source : Johnson Mechanical, avec permission, www.johnsonmechanical.net/ft-recovery-oh-heating-
air-conditioning-contractor/

Little Big Horn : commémorer la tragédie humaine au-delà des


victimes de l’armée américaine

25 D’innombrables livres et films américains ont retracé l’histoire de la bataille de Little


Big Horn12, souvent pour dépeindre la résistance héroïque du général Custer 13, d’où le
nom de la bataille qui a longtemps coexisté avec celui de Little Big Horn, Custer’s Last
Stand, ou avec le nom amérindien de Greasy Grass14. Ce n’est que plus récemment qu’on
y dépeint la tragédie humaine de l’affrontement, et non le seul martyre du 7 e régiment
de cavalerie. Un cénotaphe, de style classique (Aubagnac, 2014; Aubry et de Oliveira,
2014 ; Pignard, 2014), en mémoire des seuls morts du régiment américain avait été érigé
par le Département de la Guerre en 188115 (Fig. 5), comme pour la commémoration de la
bataille de Wabash, sur le site préservé dès 1879 par la création du parc national
(National Monument).
26 Le Service des Parcs Nationaux (National Park Service) devint propriétaire du site de la
bataille suite au transfert du département de la Guerre le 1 er juillet 1940 (Janiskee,
2008). Le 22 mars 1946, le parc historique fut appelé Custer Battlefield National
Monument, avec donc une perspective très axée sur la tragédie du régiment américain.
Suite à un long travail sur l’opinion publique, mené notamment par le groupe de
pression American Indian Movement et à une évolution des représentations sociales et
politiques (Reece, 2005), le 10 décembre 1991, un décret signé du président George H.W.
Bush transforma le nom en Little Bighorn Battlefield National Monument, éliminant la
référence directe à la seule épopée de Custer et optant pour un nom connu et neutre,

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 12

entre le nom amérindien Greasy Grass et le nom centré sur la tragédie du 7 e régiment,
Custer’s Last Stand. Le décret de 1991 prévoyait également l’édification d’un monument
à la mémoire des combattants amérindiens, proche du mémorial au 7 e régiment
(Janiskee, 2008). En 2003, le Service des Parcs Nationaux a inauguré 16 un monument
d’inspiration nettement amérindienne, en mémoire des combattants amérindiens tués
lors de l’affrontement17 (fig. 6), signe du changement radical décidé en 1991 dans
l’approche de la commémoration de la bataille, plus inclusif et rendant hommage aux
morts des deux camps. « Avec un nouveau mémorial indien, le site de Custer’s Last
Stand [sic] attire les descendants des vainqueurs comme des vaincus » 18. De style très
différents, les deux monuments se trouvent à quelques dizaines de mètres l’un de
l’autre, dans le parc national, de part et d’autre de la route conduisant au musée. Une
ouverture dans le mur situé à l'extrémité sud du mémorial amérindien offre aux
visiteurs une vue directe sur le monument de 1881 : les deux monuments sont donc
conçus pour se compléter plutôt que pour rivaliser, et souligner le thème du mémorial,
« La paix par l’unité ».
27 Ce nouveau monument n’a pas été du goût de tous : des protestations se sont élevées,
faisant valoir le coût bien supérieur du monument moderne en mémoire des
Amérindiens (2,3 millions $) (Reece, 2005), ou exprimant la frustration de voir un
monument aux morts amérindiens érigé près des tombes des soldats américains
(Brooke, 1997 ; Reece, 2005).

Fig. 5. Monument aux morts américains, Little Big Horn, 1881.

Source : TripAdvisor, avec permission.

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 13

Fig. 6. Monuments aux morts amérindiens, Little Big Horn, 2003.

Source : Wikipédia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/
File:Indian_Monument_at_Little_Bighorn_Battlefield_National_Monument.JPG

Isandlwana : mémoire et tourisme

28 La bataille d’Isandlwana, à l’instar de celle de Little Big Horn, a profondément


bouleversé l’opinion, ici britannique (Lock et Quantrill 2002), un sentiment qui s’est
notamment traduit dans la peinture (fig. 7 et 8)19 puis, plus tard, dans la filmographie
sur l’affrontement20. Le public britannique victorien s’est trouvé « abasourdi par la
nouvelle que des "sauvages brandissant des javelots" avaient vaincu l’armée
britannique bien équipée » (David 2011). La bataille de Rorke’s Drift, livrée à proximité
les 22 et 23 janvier 1879 lorsqu’une petite garnison britannique (150 hommes)
retranchée dans une mission et un poste de commerce, a résisté à l’assaut d’un fort
contingent zoulou (entre 3 000 et 4 000 hommes), a connu un fort écho dans l’opinion
britannique blessée, malgré son faible impact stratégique : elle incarnait la résistance
dans l’adversité et a inspiré le film Zulu de Cy Enfield (1964).

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 14

Fig. 7. The defence of Rorke’s Drift, Alphonse de Neuville, 1879

Source : Google Art project – et Wikipédia Commons.

Fig. 8. La bataille d’Isandlwana, Charles Edwin Fripp, 1885.

Source : Wikipedia commons, https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_d%27Isandhlwana#/media/
File:Isandhlwana.jpg

29 La mémoire est un enjeu politique fort dans l’Afrique du sud post-apartheid, en


témoigne la transformation de la célébration du 16 décembre, commémoration
afrikaner de la victoire contre les Zoulous lors de la bataille de Blood River (16 déc.
1838), en jour de la Réconciliation à partir de 1994 (Monareng, 2015). De nombreux
monuments mémoriaux ont été érigés par les autorités militaires britanniques entre la
fin du XIXe siècle et le début du XXe sur le site de la bataille d’Isandlwana (fig. 9 à 11),
et une stèle de la fin du XIXe s. se trouve également sur le site de Rorke’s Drift (fig. 12),
en mémoire des seuls soldats britanniques tués, ce qui paraissait d’autant moins

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 15

politiquement acceptable dans une Afrique du Sud elle aussi sensible au mouvement de
poussée mémorielle, et en pleine mutation socio-politique suite à l’abolition de
l’apartheid en 1991. Pour des raisons politiques, l’Afrique du Sud post-apartheid ne
pouvait n’exposer que des monuments aux morts blancs sur ce site. Il n’a donc jamais
été question d’éliminer les monuments britanniques, mais de les compléter avec un
mémorial pour les Zoulous dans les deux parcs de l’État du KwaZulu Natal. Il s’agit là
d’un choix politique qui n’allait pas de soi, car les monuments commémoratifs, enjeux
géopolitiques, sont parfois délibérément détruits, comme en Namibie où le
gouvernement a éliminé la statue du cavalier allemand, hommage aux soldats
allemands morts lors de la répression coloniale de 1904-1908, pour la remplacer par
une statue aux victimes du massacre des populations locales (Becker, 2018). En 1999, un
nouveau monument en mémoire des combattants zoulous morts a ainsi été inauguré
par les autorités de l’État du KwaZulu21 sur le site d’Isandlwana (fig. 13), puis un autre
sur le site de Rorke’s Drift en 2005 (fig. 14). Les monuments aux morts britanniques
sont de style très classique, colonnes cénotaphes honorant le souvenir des soldats tués,
tandis que les monuments contemporains sont d’inspiration résolument africaine. À
Isandlwana, le monument moderne est situé sur le champ de bataille, non loin des
multiples cénotaphes britanniques; à Rorke’s Drift, il a été placé non loin du cénotaphe
britannique et du musée, sur le terrain de l’église autrefois assiégée.

Fig. 9. Monuments aux morts militaires britanniques, Isandlwana, fin du XIXe s.

Source : Roger de la Harpe ; avec l’autorisation d’Isibindi Africa Lodges - www.isibindizululodge.co.za/
about-us/the-battle-of-isandlwana/isandlwana-graves/

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 16

Fig. 10. Monument aux morts britanniques, Isandlwana, 1913.

Source : Nicolas Billington; avec la permission de Shutterstock.

Fig. 11. Monuments aux morts britanniques, Isandlwana, fin du XIXe s.

Source : avec la permission d’Audley Travel, www.audleytravel.com/ie/blog/2010/february/top-five-
battlefields

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 17

Fig. 12. Monument aux morts britanniques, Rorke’s Drift.

Source : Roger de la Harpe ; avec l’autorisation d’Isibindi Africa Lodges.

Fig. 13. Monument aux morts zoulous, Isandlwana, 1999.

La sculpture en bronze représente un collier offert aux guerriers en reconnaissance de leur courage,
appelé iziqu.
Source : Gavin Ford avec la permission d’Africa Inscribed Safaris, www.africainscribed.travel/explore/
wp-content/uploads/2013/12/DSC_4968.jpg

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 18

Fig. 14. Mémorial des morts zoulous, Rorke’s Drift, 2005.

Source : Roger de la Harpe ; avec l’autorisation d’Isibindi Africa Lodges.

30 Longtemps négligé, l’événement est aujourd’hui non seulement l’objet de pratiques


commémorielles avec la reconstitution annuelle des deux batailles, mais aussi d’une
mise en valeur touristique. Ainsi, la bataille figure dans les circuits mettant en valeur
les sites de batailles, Battlefield Tours22, et l’on remet en scène la bataille pour les
touristes férus d’histoire23. Des visites des sites de batailles, incluant celle d’Isandlwana,
sont organisées, et des itinéraires mettant en valeur les sites des conflits passés entre
colons Boers, forces britanniques et troupes autochtones24, dans un but de
commémoration clairement souligné (« Bloody Battles remembered » 25), avec comme
objectif, au-delà de la mise en valeur, la reconstruction et l’appropriation d’une histoire
qu’on ne peut oublier mais qui peut être apaisée (Wyllie, 2014), du moins l’espère-t-on,
même si cet objectif politique n’est pas toujours aisé à atteindre à travers des pratiques
mémorielles (Dumas et Korman, 2011), lesquelles peuvent même parfois se révéler
contre-productives, notamment en Afrique du Sud (Gensburger et Lefranc, 2017). La
perception de l’événement dans la filmographie a également évolué avec le temps : le
film Zulu (1964), de Cy Endfield, met en scène la résistance glorieuse du détachement
britannique attaqué par une force largement supérieure en nombre lors de la bataille
de Rorke’s Drift. En 1979, le même Cy Endfield a écrit le scénario de Zulu Dawn (L’Ultime
attaque), mis en scène par Douglas Hickox, qui dépeint la bataille d’Isandlwana et
l’ampleur de la consternation britannique suite à la victoire zouloue.
31 A l’instar de la bataille de Wabash de 1791 qui est souvent associée, dans sa
commémoration américaine, aux victoires de Fort Recovery (juillet 1794) et de Fallen
Timbers (août 1794), les circuits touristiques sud-africains associent presque
systématiquement la bataille d’Isandlwana à celle de Rorke’s Drift. La bataille de
Wabash n’est cependant pas l’objet d’une mise en valeur touristique active.

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 19

Adoua : l’idée de « résistance africaine »

32 La bataille d’Adoua est célébrée le 1er mars de chaque année par le gouvernement
fédéral éthiopien : le pouvoir commémore ainsi activement un lieu de mémoire fort
dans le discours historique du pays à travers le jour férié de l’Adwa Day, le « symbole de
la lutte pour la liberté » qui permet aussi à l’Éthiopie de se poser en porte-étendard de
la résistance africaine à la conquête européenne du XIXe siècle 26 (Milkias et Metaferia,
2005 ; Jones, 2011) et qui alimente les discours sur la tradition éthiopienne de résistance
à l’adversité, face notamment à l’hostilité contemporaine perçue de la part de l’Égypte
ou de l’Érythrée.
33 Plusieurs monuments ont été érigés en souvenir de l’événement, ou de la bataille de
Dogali livrée en 188727. Du côté italien, une croix (non datée) avec une inscription en
italien se trouve dans un cimetière à Adoua (fig. 15.). Les Italiens ont installé deux
mémoriaux militaires, un érigé en 188928 en mémoire des morts de Dogali (fig. 16), un
autre en 1939 à Daero Kunat en territoire érythréen (fig. 17) pour rendre hommage aux
morts italiens de la bataille d’Adoua, soit après la conquête italienne en 1936. Les deux
mémoriaux sont encore de nos jours entretenus par les autorités militaires italiennes 29
avec l’aval des autorités érythréennes. Il serait intéressant d’explorer les raisons de cet
accord érythréen dans le cadre de la rivalité avec l’Éthiopie.

Fig. 15. Croix commémorative des morts italiens lors de la bataille d’Adoua; cimetière d’Adoua
(Éthiopie).

« Aux [soldats] tombés. Adoua 1896. Nous ne devons pas oublier ».
Source : A. Davey, Wikipédia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/
File:Adua_Memorial,_or_The_Folly_of_Imperialism_(3130882917).jpg

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 20

Fig. 16. Monuments aux morts de Dogali (Érythrée), 1889.

Source : Wikipedia Commons, https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/ef/
Dogali_Monument.jpg.

Fig. 17. Monument aux morts de Daero Kunat (Érythrée) commémorant la bataille d’Adoua, 1939.

Source : Andrea Moroni, www.flickr.com/photos/bandytam/16356245681, avec permission.

34 Signe du traumatisme que ces deux défaites ont provoqué dans les représentations
collectives italiennes, un monument en commémoration de la bataille de Dogali a aussi
été érigé à Rome (voir fig. 18), participant à une pesante tragédie des « glorieuses

L’Espace Politique, 36 | 2018-3


Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 21

défaites », Custoza, Lissa, Dogali, Adoua, Caporetto (Vidotto, 2000) qui a fini par trouver
son succès dans la victoire de Vittorio Veneto (1918) puis la conquête de l’Éthiopie lors
de la 2e guerre italo-éthiopienne (1935-36). La bataille a été rapportée par les médias
internationaux, dont le New York Times, suscitant de vives réactions chez les
Occidentaux, allant du choc à la colère outragée (Giorgis, 2015). La mémoire, du côté
italien, a présenté la bataille comme une cruelle tragédie, que l’opinion a cherché un
temps à oublier avant que le régime fasciste de Mussolini ne la ravive, afin de chercher
sa revanche dans l’invasion de l’Éthiopie en 1935 (Triulzi, 2003).

Fig. 18. Monument aux morts de Dogali, Rome, 188730.

Source : Wikipédia Commons, https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/86/
Monumento_a_Dogali.jpg

35 Des monuments ont également été érigés par le gouvernement éthiopien. Il est
question d’un monument construit par le régime communiste de Haile Mengistu (Derg)
en 1987 sur le site de Dogali, que la guérilla érythréenne aurait totalement détruit en
1989 lors de la guerre d’indépendance du pays, tout en ménageant les monuments
italiens : en 1996, un observateur n’y relevait aucune trace du monument éthiopien
(Erlich, 1996 ; Henze, 2000). Le gouvernement éthiopien a également installé une
grande statue de l’empereur Ménélik II érigée sur la place éponyme à Addis Abeba en
1930 (ancienne place Adoua), afin de célébrer le rôle de celui-ci dans la marche vers la
victoire d’Adoua31 (Fig. 19). Un projet de construction d’un musée mémorial national à
Adoua a été rendu public dès 200832, puis relancé par le gouvernement éthiopien en
201733. Le gouvernement éthiopien nourrit également un projet de fondation de
l’Université Pan-Africaine34, pour lequel un terrain a été octroyé (Xinhua, 2019), ainsi
qu’un projet de mémorial porté par la ville d’Adoua afin de « glorifier les patriotes qui
ont pris part à la victoire d’Adoua »35. Une abondante tradition de tableaux éthiopiens

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 22

dépeignant la bataille s’est également développée dès la fin du XIX e siècle (Pankhurst,
1987) (voir fig. 20).

Fig. 19. Statue de Ménélik II érigée en 1930 pour célébrer la victoire d’Adoua.

Source : Semonegna.com, avec permission

Fig. 20. La bataille d’Adoua, détail, Addis Abeba, nd.

Source : A. Davey, Wikipedia Commons.

36 Le souvenir de cette bataille est profondément inscrit dans la mémoire collective


éthiopienne, souvenir renforcé par d’importantes activités de commémoration. Cette
victoire a été préférée au souvenir de la bataille de Dembeguina du 4 décembre 1935 et
de l’offensive de Noël36 dans le cadre de la 2 e guerre italo-éthiopienne, qui n’est pas
l’objet de commémoration. Victoire sans portée stratégique, l’offensive n’a pu enrayer
la conquête italienne finale en 1936. La bataille d’Adoua marque au contraire la fin
victorieuse de la 1ere guerre italo-éthiopienne. Cette « victoire africaine » permet de
poser l’Éthiopie en modèle de la lutte de l’Afrique pour l’indépendance et contre une

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 23

puissance coloniale (Jonas, 2011; Aidid, 2018), voire de faire de la bataille d’Adoua la
« première victoire d’un pays africain sur une puissance coloniale » 37. Cette célébration
contemporaine, gommant le souvenir de la bataille d’Isandlwana de 1879, serait-elle
l’indice d’une possible rivalité mémorielle avec l’Afrique du Sud ? « Adoua a donné
l’inspiration spirituelle pour le mouvement pan-africain » affirme Muluken sans
mentionner Isandlwana ni la lutte anti-apartheid... (Muluken, nd:21). L’héritage de la
victoire d’Adoua a contribué à forger l’idée d’une Éthiopie « principal porte-parole de
l’Afrique » (Gebrekidan, 2012 :71). Le gouvernement éthiopien instrumentalise
activement ce symbole politique pour souligner sa volonté d’œuvrer pour une Éthiopie
prospère et forte : « The Adwa victory should be honored with sustained anti-poverty
efforts as well as efforts to fight any foreign interference in Ethiopia's sovereignty, » 38 a
affirmé le vice-président Gebremichael lors du 123e anniversaire de la bataille, en mars
2019 (Xinhua, 2019). De plus, en soulignant la dimension africaine de la victoire
d’Adoua, le gouvernement éthiopien d’origine tigréenne qui a renversé le régime de
Mengistu en 1991 peut récupérer l’héritage historique de cette victoire tout en écartant
l’idée de la prééminence ahmara sur l’Éthiopie et en ménageant la susceptibilité des
autres peuples de l’Éthiopie, Tigréens et Oromo notamment (Triulzi, 2003).

Anoual : consternation espagnole, controverse marocaine

37 La bataille d’Anoual vit les troupes de la République auto-proclamée du Rif défaire


sévèrement les troupes espagnoles stationnées au Maroc espagnol dans le cadre de
rébellion berbère de la guerre du Rif (1921-1926).
38 Ici encore, la pratique de commémoration à travers des monuments traduit d’abord le
souci de l’Espagne de souligner la mémoire de ses soldats morts au combat. Ainsi, un
monument (1895) à Ceuta célèbre le souvenir des soldats tombés pendant la 1 ère guerre
hispano-marocaine de 1859-6139; la fin de cette guerre est d’ailleurs célébrée sur le
portail de l’église de San Joaquin à Iloilo (Philippines) 40, l’archipel étant possession
espagnole lors de la construction achevée en 1869. Un autre monument aux morts,
érigé à Melilla en 1931, donc également dans une enclave espagnole en Afrique du
Nord, célèbre tous les morts des campagnes d’Afrique41. L’impact de cette défaite, qui a
choqué tant l’armée que le pouvoir politique espagnols, se traduit encore à travers la
publication de plusieurs ouvrages récents42.
39 Du côté marocain, on trouve deux monuments, inaugurés en 1979 et 1980 par
l’Association culturelle et sociale du bassin de la Méditerranée 43, pour célébrer la
bataille, mais aucune stèle du gouvernement marocain. La stèle de 1979 rappelle que
l’armée de Abdel Krim Khattabi composée de centaines de soldats a pu vaincre
« l’armée ennemie composée de dix mille soldats »44. Le monument de 1980 (fig. 21)
précise qu’ « Ici apparaît la volonté du peuple marocain, déterminé à lutter pour
sauvegarder sa liberté, la souveraineté de son territoire et son unité. Lors de cette
bataille, le peuple rifain s’est soulevé contre l’occupant venu pourtant victorieux, et a
terrassé cette armée considérée alors comme l’une des plus puissantes au monde » [sic]
45.

L’Espace Politique, 36 | 2018-3


Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 24

Fig. 21 - Stèle commémorative de la bataille d’Anoual, 1980.

Source : https://rifhistoir.skyrock.com/221464162-Anoual.html, permission de reproduction.

40 Le Royaume marocain se pose en héritier de cette victoire en assurant la


commémoration de cette bataille depuis plusieurs années46, ce qui ne permet pas au
gouvernement marocain de masquer les tensions qui prévalent encore entre l’État et
des mouvements de revendication berbères ou amazighes, en témoignent de vives
tensions à l’approche de plusieurs commémorations, par exemple de 2015 47 ou de
201748, et les heurts qui ont émaillé celle de 2013 : les manifestants des associations
rifaines ont alors « exprimé leur contestation à l’égard de l’État marocain, qui selon
eux, marginalise la langue amazigh et l’héritage légué par Abdelkrim El Khattabi,
d’autant que les banderoles de la cérémonie officielle étaient écrites en arabe
uniquement »49. Il s’est développé une concurrence sur la captation de l’héritage
historique de la bataille, le Royaume marocain y voyant un événement fondateur de la
résistance aboutissant à l’indépendance en 195650, les associations rifaines y saluant
surtout une épopée amazighe et y voyant la marque de la quête d’autonomie des
communautés kabyles51, adressée tant à l’occupant espagnol qu’au gouvernement
marocain indépendant : « les ONG locales appellent à révéler la vérité à la fois sur la
victoire des troupes d’El Khattabi sur l’Espagne en 1921 mais également sur les
événements tragiques de 1958-1959, les incidents de 1984 à Nador et sur les assassinats
de plusieurs figures de la résistance amazighe au lendemain de l’indépendance du
royaume »52. Cette concurrence dans l’instrumentalisation du souvenir de la bataille,
exprimée à travers le mécontentement d’associations amazigh face à l’organisation de
discrètes cérémonies commémorielles par le gouvernement marocain 53, traduit une
rivalité politique : « Ce qu’on omet de dire […], du moins dans le discours officiel, c’est
que le peuple rifain désirait avant tout son indépendance et sa liberté certes contre les
occupants européens mais aussi contre le pouvoir monarchique marocain. […]
L’histoire marocaine réfute la volonté d’Abdelkrim d’avoir créé un État rifain et intègre
cette bataille comme l’un des prémices au processus du mouvement de libération du
Maroc », selon des médias amazighs54. « Malgré l’importance […] de la bataille d’Anoual,
sa commémoration est passée dans un silence total. […] Au Maroc, on préfère regarder
ailleurs, publier des communiqués lapidaires […]. Pourtant, dans un pays comme le

L’Espace Politique, 36 | 2018-3


Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 25

nôtre, composé d’une mosaïque d’identités ethniques et tribales, cette consolidation


d’une appartenance commune est plus que nécessaire » (Tourabi, 2015).

El Herri : vers l’oubli dans la controverse ?

41 On observe le même enjeu politique dans la commémoration de la bataille d’El Herri,


livrée elle aussi par des insurgés berbères, cette fois-ci contre des troupes françaises : le
gouvernement marocain en fait une lecture nationale marocaine, gommant ainsi toute
tension entre le Royaume et la minorité amazighe. Ainsi, « la commémoration de cet
événement historique vient s’ajouter aux multiples efforts et initiatives visant à
préserver la mémoire nationale et à mettre en exergue l’épopée du Trône et du peuple
pour l’indépendance et l’unité nationale […] cette manifestation vise en premier lieu à
maintenir vivaces les nobles principes fondateurs de la Nation et à consacrer la fidélité
à ses valeurs sacrées, sous la conduite éclairée de S.M. le Roi Mohammed VI » 55. On ne
trouve apparemment nulle stèle commémorative française ou marocaine pour cette
bataille ; on ne relève que des monuments aux morts français (non datés) dans un
cimetière désaffecté à Khénifra, sur la rive gauche de l’Oum Er Rebia 56. Pourtant, « la
victoire d’Elhri constitue un tournant décisif dans l’histoire de la résistance armée
amazighe en particulier, marocaine en général contre l’occupant. […] Paradoxe : ces
faits historiques, desquels les Marocains et surtout les jeunes générations peuvent tirer
une grande réelle fierté nationale, ne figurent nullement dans les manuels scolaires en
vigueur depuis l’indépendance. » (Khadaoui, 2014).

Une pluralité des mémoires et des enjeux de pouvoir


sur les sites
42 Pour chacune des batailles étudiées, l’analyse a présenté les acteurs impliqués dans les
affrontements, puis la façon dont ces batailles ont été perçues par les protagonistes,
puis commémorées – ou pas - par les acteurs contemporains ou d’alors. Une
comparaison synoptique de ces six cas de figure permet de souligner les convergences
et les différences.
43 Il n’existe pas dans la littérature d’analyse comparée des monuments commémoratifs
de batailles passées ; on trouve en revanche des analyses de monuments aux morts,
surtout portant sur la Première Guerre mondiale. Aubry et de Oliveira (2014) proposent
une ébauche de typologie des monuments aux morts. On peut analyser la mise en
mémoire (Jewsiewicki 1997) des batailles étudiées dans cet article dans le tableau
synthèse suivant, dans laquelle les paramètres incluent les pratiques mémorielles, la
construction des monuments, l’existence de tensions liées au contrôle du site ou des
pratiques mémorielles :

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 26

Tableau 2. Analyse des caractéristiques des six batailles étudiées

44 Il apparait ainsi que les pratiques de commémoration tout comme les différences
significatives dans l’aménagement des lieux traduisent des perceptions politiques vives
et des enjeux de contrôle des sites des batailles. Si la pression politique des associations
amérindiennes a pu conduire à l’évolution des représentations du Service des parcs
nationaux et à l’instauration d’une double commémoration, à vocation pacifiste, sur le
site de Little Big Horn, en revanche il apparait clairement que le site de Wabash
demeure commémoré dans la seule perspective de l’épopée tragique de l’armée
américaine. En Afrique du Sud, le gouvernement, pour souligner le changement de
régime et des pratiques commémorielles associées, a souhaité, non pas effacer les
monuments coloniaux comme en Namibie, mais proposer une lecture syncrétique du
souvenir de la bataille, comme à Little Big Horn. À Adoua, alors que le souvenir chez les
Italiens s’estompe peu à peu, même si des monuments sont encore entretenus par les
autorités militaires italiennes avec l’assentiment des autorités érythréennes, la
commémoration active de la bataille constitue un levier politique fort pour le
gouvernement éthiopien, qui souhaite marquer le lieu de mémoire à travers un
mémorial et un musée. Les batailles d’Anoual et d’El Herri constituent un point de
friction entre le gouvernement marocain, accusé par les associations amazighes de peu
valoriser ces épisodes de la guerre du Rif et de la résistance berbère face aux Français et
aux Espagnols, dans un contexte de tension politique entre autorités locales amazighes
et pouvoir central marocain.
45 De cette matrice, il est ainsi possible de dégager la typologie suivante :
46 1) Mémoire très axée sur la commémoration du martyre et de la souffrance des troupes
occidentales (Wabash) ; aucune recherche de dépassement du discours partisan.
47 2) Mémoire autrefois axée sur le souvenir de la souffrance des troupes occidentales,
mais rendant désormais hommage aux deux camps. Une valorisation patrimoniale,

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 27

voire touristique de cette mémoire que l’on veut apaisée se développe (Little Big Horn,
Isandlwana) ;
48 3) Mémoire séparée ou contradictoires, témoin d’un traumatisme des sociétés
européennes mais dont la mémoire s’efface peu à peu. La mémoire demeure vive dans
le pays colonisé. Cette catégorie regroupe :
49 a) Mémoire nationale vive, activement entretenue par le Gouvernement, notamment à
des fins politiques (Adoua).
50 b) Mémoire locale vive, avec célébration ambiguë du Gouvernement et controverse
politique interne sur la signification de la bataille (Anoual).
51 c) Mémoire locale vive, sans célébration gouvernementale mais locale, avec controverse
politique domestique également (El Herri).

Conclusion
52 Les batailles étudiées ici sont l’objet d’un investissement émotif socio-politique fort, qui
témoigne de l’enjeu de la célébration des lieux de mémoire dans la manière dont on
écrit et contrôle l’histoire. En effet, l’attention politique et artistique qu’elles suscitent,
la monumentalisation dont font l’objet certaines d’entre elles, relèvent d’une volonté
de souligner l’épopée nationale. Ces batailles ont peu changé le cours de l’histoire. Leur
poids politique se traduit davantage sur le plan de la mémoire : commémorées et mises
en récit, elles deviennent un repère signifiant à qui l’on donne la mission de
transmettre une certaine conception de l’histoire.
53 Devenues des lieux de mémoire, ces batailles sont investies d’une forte valeur politique
dans la mesure où elles soulignent l’issue d’un affrontement militaire, ou encore parce
qu’elles mettent en valeur le rôle de tel ou tel acteur dans le conflit. Plus encore, ces
lieux symboliques peuvent devenir des éléments structurants de l’espace public à
travers un effort d’aménagement et de valorisation touristique – ou parfois pas. Ils
constituent un repère signifiant où peuvent s’affirmer des positions politiques, sociales,
etc. (Sniter, 2004), mais qui deviennent alors également des enjeux politiques, car
différents acteurs peuvent avoir développé des pratiques de commémoration
divergentes. Les Britanniques ont commémoré la gloire et la souffrance des soldats qui
ont donné leur vie pour la conquête de l’Afrique du Sud, et le gouvernement sud-
africain a choisi, non pas d’effacer cet héritage, mais de la compléter avec un
monument aux morts zoulous. De même, l’administration des parcs nationaux
américains, après avoir longtemps préservé un monument dédié aux seuls soldats
américains, a par la suite érigé un monument aux morts amérindiens également.
Inversement, les associations amazighes déplorent la faible commémoration
monumentale des batailles de la guerre du Rif et promeuvent leurs propres
monuments. Ces divers cas de figure soulignent, au-delà de l’enjeu politique du
contrôle de la mémoire, que l’aménagement des lieux de mémoire de ces batailles
demeure un fort enjeu social et géopolitique.
54 La présente enquête repose sur l’analyse de données issues de la littérature afin de
retracer les enjeux géopolitiques du contrôle de ces lieux de mémoire et des
représentations qui y sont associées. Elle permet de souligner la grande diversité de ces
enjeux mémoriels et de pouvoir sur les sites de leur marquage territorial. Cependant,
l’enquête était tributaire des sources mobilisées, reflet de la difficulté variable d’accès à

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celles-ci, produisant ainsi des corpus d’analyse d’ampleurs différentes. Des analyses
plus fines sur les jeux de pouvoir pourraient utilement compléter ce travail
exploratoire.

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NOTES
1. Ce critère conduit à l’élimination de batailles comme la défaite russe de Tsushima face à la
marine japonaise en 1905 : il ne s’agissait pas d’une tentative de conquête de la part de l’Empire
russe, mais d’un conflit entre deux ambitions impériales en Asie.
2. Parmi les batailles qui ne sont pas étudiées ici, citons : les engagements de type guérilla dans le
Maine pendant la guerre du Roi Philippe (1675-78) entre Anglais et Amérindiens en Nouvelle-
Angleterre, avec de faibles effectifs et sans pratique commémorielle contemporaine (Schultz et
Tougias 1999) ; la campagne de Harmar, (1790), davantage une série d’engagements limités entre
Américains et Amérindiens qu’une bataille rangée ; la bataille de Barranco del Lobo (1909)
pendant la guerre du Rif, militairement et politiquement moins importante qu’Anoual étudiée ci-
après (de Madariaga 2011); la bataille de Dembeguina entre troupes italiennes et éthiopiennes en
1935, évoquée ici mais pas étudiée : sans lendemain militaire, la bataille n’est pas commémorée.
3. C’est cet enjeu qui pousse le gouvernement chinois à survaloriser les vestiges laissés par des
pêcheurs supposés chinois sur les îlots disputés en mer de Chine du Sud (Lasserre 1996); ou qui
permet de comprendre les difficultés majeures rencontrées par le projet de rédaction d’un
manuel d’histoire commun aux États des Balkans (Koulouri 2006).
4. Un exemple majeur de ce changement d’approche historique est le travail considérable de
Pierre Nora incarné dans Les Lieux de mémoire, en plusieurs tomes publiés de 1984 à 1992.
5. Comprise ici comme le processus de conquête des territoires par des puissances occidentales,
en Amérique du Nord mais aussi en Afrique.
6. St. Clair’s Defeat. www.ohiohistorycentral.org/w/St._Clair%27s_Defeat, c. le 3 oct. 2018; Feng
2014.
7. Village of Fort Recovery, www.fortrecovery.org/Monument-Park.html, c. le 28 fév. 2019.
8. Monument Park, Village of Fort Recovery, www.fortrecovery.org/Monument-Park.html, c. le 9
oct. 2018.
9. Fort Recovery State Museum, situé à Fort Recovery, Ohio. www.fortrecoverymuseum.com/, c.
le 5 oct. 2018.
10. Jour férié aux États-Unis, le dernier lundi de mai, pour rendre hommage aux membres des
Forces armées des États-Unis morts au combat toutes guerres confondues.
11. Ed Gebert, Sacrifices remembered. Fort veterans plaza dedication set for Sept. 11. Daily
Standard, 1er sept. 2016, www.dailystandard.com/archive/2016-09-01/stories/30284/sacrifices-
remembered, c. le 9 oct. 2018.
12. Parmi ces nombreux films, on peut relever General Custer at the Little Big Horn (1926) de H.
Fraser; Custer’s Last Stand (1936), d’E. Clifton; They Died with Their Boots On (1941), de R. Walsh; Little
Big Horn (1951), de C. Warren; Sitting Bull (1954), de S. Salkow et R. Cardona; Glory Guys (1965), d’A.
Lavende; Custer of the West (1967) de R. Siodmak; Little Big Man (1970), avec D. Hoffman, d’A. Penn;
et Crazy Horse (1996) de J. Irving.
13. Le lieu de sa naissance est également commémoré en Ohio depuis 1910, voir Custer
Monument, www.ohiohistory.org/visit/museum-and-site-locator/custer-monument, c. le 3 oct.
2018 et https://en.wikipedia.org/wiki/George_Armstrong_Custer_Equestrian_Monument, c. le 4
oct. 2018.
14. ‘Custer’s Last Stand’: the battle of Little Big Horn, 1876. California Indian Education, nd,
www.californiaindianeducation.org/native_american_history/historic_indian_battles.html, c. le
5 oct. 2018.
15. 7th US Cavalry Memorial, www.nps.gov/libi/learn/historyculture/7th-us-cavalry-
memorial.htm, c. le 5 oct. 2018.
16. Little Bighorn Reborn. www.smithsonianmag.com/travel/little-bighorn-reborn-79240914/, c.
le 9 oct. 2018.
17. Little Big Horn Battlefield, www.nps.gov/libi/index.htm, c. le 3 oct. 2018.

L’Espace Politique, 36 | 2018-3


Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 34

18. Little Bighorn Reborn, op. cit.


19. Plusieurs tableaux de Charles Edwin Fripp, dont The Battle of Isandlwana, 1885, National Army
Museum, Londres, www.nam.ac.uk/online-collection/detail.php?acc=1960-11-182-1, c. le 3 oct.
2018 ou James McConnel, The Battle of Isandlwana, 1973, https://bookpalace.com/acatalog/
info_McConnellZulu2LL.html, c. le 4 oct. 2018.
20. Mentionnons ainsi Zulu, de Cy Endfield (1964); Zulu Dawn, de Douglas Hickox (1979); voir ci-
dessous.
21. Isandlwana Monument, http://gertswartsculptor.homestead.com/
Isandlwana.html#anchor_9, c. le 7 oct. 2018. Le monument a été vandalisé à deux reprises par,
semble-t-il, des voleurs intéressés par le métal.
22. De nombreuses agences touristiques proposent des produits centrés sur ce thème, par
exemple African Battlefields, www.africatravelservices.co.za/, Visit the Battlefields, https://
www.audleytravel.com/south-africa/places-to-go/the-battlefields, ou BattleScenes,
www.battlescenes.co.za/, où sont mis en valeur sur le même plan les guerres zoulou-boers, anglo-
zouloues, et la guerre des Boers. C. le 25 sept. 2018.
23. The Battle of Isandlwana, Isibindi Zulu Lodge, www.isibindi.co.za/blog/the-cursed-battle-of-
isandlwana/, c. le 22 oct. 2018.
24. Par exemple un tour de 3 jours pour visiter les sites des batailles d’Isandlwana, Rorkes Drift et
Blood River, cette dernière livrée en 1838 entre des combattants zoulous et des colons afrikaners;
Battlefields of KwaZulu-Natal, https://timbrowntours.com/our-tours/battlefields-of-kwazulu-
natal-three-day-tour/, c. le 22 sept. 2018; Natal Battlefields Tour, www.southerncircle.com/tour/
natal-battlefields-tour-3-days, c. le 22 sept. 2018.
25. Battlefields of KwaZulu-Natal, Gouvernement d’Afrique du Sud, http://
country.southafrica.net/country/us/en/articles/entry/article-southafrica.net-battlefields-of-
kwazulu-natal, c. le 22 sept. 2018.
26. Ethiopia: Commemoration of the Victory at Adwa in 1896. All Africa, 3 mars 2015, https://
allafrica.com/stories/201503040427.html, c. le 22 sept. 2018; 122nd Anniversary of the Battle of
Adwa-Press release, 6 fév. 2018, http://ehsna.org/122nd-anniversary-of-the-battle-of-adwa-
press-release/, c. le 22 sept. 2018..
27. Le 26 janvier 1887, un contingent de 15 000 soldats éthiopiens avait surpris et écrasé un
bataillon avancé italien de 550 hommes à Dogali, aujourd’hui en territoire érythréen.
28. Il Nuovo Monumento Eretto sul Colle di Dogali (Eritrea) nel 1889, www.maremagnum.com/
stampe/il-nuovo-monumento-eretto-sul-colle-di-dogali-eritrea-nel/130784715, c. le 2 mars 2019.
29. Ministero della Difensa [Ministère de la Défense], Cimiteri Militari Italiani al Estero - Eritrea,
2002, Daro Ghunat, Monumento Ossario ai Caduti Italiani Della Battaglia di Adua, www.difesa.it/
Il_Ministro/ONORCADUTI/Pubblicazioni/Pieghevoli/Documents/Daro%20Ghunat.pdf; Cimiteri
Militari Italiani al Estero – Eritrea, Dogali, Monumento ai Caduti ai Caduti Italiani, 2002,
www.difesa.it/Il_Ministro/ONORCADUTI/Pubblicazioni/Pieghevoli/Documents/Dogali.pdf, c. le
25 sept. 2018.
30. Monumento ai Caduti di Dogali, Wikipédia, https://it.wikipedia.org/wiki/
Monumento_ai_Caduti_di_Dogali, c. le 3 oct. 2018.
31. Ethiopia: Emperor Menelik II Statue. All Africa, 2 mars 2018, https://allafrica.com/stories/
201803020620.html, c. le 26 sept. 2018.
32. Adwa Landmark Project, www.adwalandmark.com.et/, c. le 3 oct. 2018.
33. Ministry, Historian Emphasize Need For Building Memorial Museum For Victory Of Adwa,
EthioSports, 26 nov. 2017, www.ethiosports.com/2017/11/26/ministry-historian-emphasize-need-
for-building-memorial-museum-for-victory-of-adwa/, c. le 2 oct. 2018.
34. Ethiopia intensifies efforts to realize Pan-African University, Ambassade d’Éthiopie en
Belgique, 24 avril 2018, https://ethiopianembassy.be/en/2018/04/24/ethiopia-intensifies-
efforts-to-realize-pan-african-university/, c. le 4 oct. 2018.

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 35

35. Yonas Abiye, Adwa to erect memorials for war heroes, The Reporter, 3 mars 2018,
www.thereporterethiopia.com/article/adwa-erect-memorials-war-heroes, c. le 2 oct. 2018.
36. Offensive de Noël, 15 déc. 1935-20 janv. 1936, victoire éthiopienne sans lendemain : 190 000
soldats éthiopiens ont refoulé 125 000 soldats italiens.
37. Ethiopians mark Africa’s first victory over a colonial power in 1896. Face2Face Africa, https://
face2faceafrica.com/article/ethiopians-mark-africas-first-victory-colonial-power-1896, c. le 4
oct. 2018.
38. « La victoire d’Adoua devrait être honorée avec des efforts redoublés de lutte contre la
pauvreté, ainsi qu’avec des efforts pour lutter contre toute interférence étrangère avec la
souveraineté éthiopienne ». Traduction libre.
39. Monumento a los caídos en la Guerra de África, www.ceutaturistica.com/monumentos/
monolitoplazafrica.html, c. le 28 août 2018.
40. Avec une murale en bas-relief en mémoire de la victoire espagnole de Tétouan (1861). Iloilo's
San Joaquin Parish: A Symbol of the Victory of Good Over Evil, 9 nov. 2015,
www.choosephilippines.com/go/heritage-sites/3735/classic-church-iloilo-san-joaquin-parish, c.
le 28 août 2018.
41. Y compris la 2 e guerre hispano-marocaine de 1909-1910, et la guerre du Rif 1921-1926.
Monumento a los héroes y mártires de las campañas, www.esculturaurbana.com/paginas/
loplj001.htm, c. le 28 août 2018.
42. Par exemple La Porte Fernández-Alfaro, P. (2003). El desastre de Annual y la crisis de la
Restauración en España (1921-1923), Universidad Complutense de Madrid, Servicio de Publicaciones;
Francisco, L. M. (2014). Morir en África: la epopeya de los soldados españoles en el Desastre de Annual.
Barcelona: Crítica.
43. Association marocaine constituée en avril 1978 et se proposant notamment de promouvoir la
place de la culture amazighe dans l’ensemble marocain. On impute à l’action de cette association,
la commémoration officielle de la bataille d'Anoual (quoique diversement appréciée par d’autres
associations amazighes) en tant qu'événement national, et son intégration dans les
commémorations officielles par le Haut-Commissaire aux Anciens Combattants et de l'Armée de
la Libération. www.hcar.gov.ma/memoire-nationale/, c. le 25 sept. 2018.
44. Traduction libre de Mme Dalila Dehhani. Stèle inaugurée le 11 juil. 1979. https://
i.pinimg.com/originals/67/7b/ab/677bab7177fc3d198953cd02a060a03c.jpg, c. le 15 juil. 2018.
45. Yabiladi, « Commémoration de la bataille d’Anoual : du coup de bluff officiel au symbole... »,
11 juil. 2006, www.yabiladi.com/forum/commemoration-bataille-d-anoual-coup-
bluff-2-1240477.html, c. le 24 sept. 2018. Stèle inaugurée le 11 juil. 1980. Nous n’avons pu vérifier
la traduction proposée.
46. « Cette bataille fut […] l'une des grandes étapes d'un processus d'émancipation, annonciateur
du mouvement national conduit par feu SM Mohammed V pour la libération du Maroc, et qui a
trouvé son accomplissement dans l'œuvre inscrite à l'actif de feu SM Hassan II et de son digne
successeur, SM le Roi Mohammed VI, que Dieu L'assiste, pour conforter les acquis du
parachèvement de l'intégrité territoriale du Royaume. » AtlasInfo, Maroc: Commémoration du
89e anniversaire de la célèbre bataille d'Anoual, 20 juil. 2010, www.atlasinfo.fr/Maroc-
Commemoration-du-89-eme-anniversaire-de-la-celebre-bataille-d-Anoual_a6440.html, c. le 18
sept. 2016.
47. Yabiladi, « Maroc : Militants rifains et officiels s'opposent sur le lieu de commémoration de la
bataille d'Anoual », 16 juil. 2015, www.yabiladi.com/articles/details/37528/maroc-militants-
rifains-officiels-s-opposent.html, c. le 24 sept. 2018.
48. Maroc Leaks, « La commémoration de la bataille d’Anoual se transforme en confrontation »,
24 juil. 2017, http://maroc-leaks.com/commemoration-de-bataille-danoual-se-transforme-
confrontation/, c. le 24 sept. 2018.

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 36

49. Maghress, « La commémoration de la bataille d'Anoual se transforme en confrontation », 22


juil. 2013, www.maghress.com/fr/lakomefr/2106, c. le 24 oct. 2016.
50. « Le peuple marocain et l'ensemble de la famille de la résistance et de l'armée de libération
célèbrent, vendredi, le 96ème anniversaire de la glorieuse bataille d'Anoual, lors de laquelle les
valeureux résistants marocains avaient remporté une victoire décisive contre les forces
d'occupation… ». « Le 96e anniversaire de la bataille d'Anoual », Maroc.ma, www.maroc.ma/fr/
actualites/96-eme-anniversaire-de-la-bataille-danoual, c. le 25 sept. 2018. Le gouvernement
marocain célèbre de plus la bataille de Dcheira du 13 janvier 1958 contre l’armée espagnole,
bataille livrée pour le contrôle du Sahara espagnol et présentée implicitement dans le discours
officiel comme une victoire marocaine. Un article paru en 2017 célèbre ainsi « un acte héroïque
de l’épopée de la lutte pour le parachèvement de l’intégrité territoriale du Royaume », mais sans
aucune mention de la bataille d’Anoual. Maroc-Diplomatique, « La bataille de Dcheira », 27 fév.
2017, http://maroc-diplomatique.net/bataille-de-dcheira-acte-heroique-de-lepopee-de-lutte-
parachevement-de-lintegrite-territoriale-royaume/, c. le 25 sept. 2018. Des analyses espagnoles
ne reflètent pas un telle victoire, parlant plutôt d’engagement indécis, voire de victoire
espagnole... ABC Historia, Edchera: la sangrienta gesta en la que los legionarios españoles
aplastaron a la letal guerrilla marroquí, 6 fév. 2018, www.abc.es/historia/abci-edchera-
sangrienta-gesta-legionarios-espanoles-aplastaron-letal-guerrilla-
marroqui-201802060235_noticia.html. La guerre de l’Ifni (1957-1958), conclue par le traité
d’Angra de Cintra entre Espagne et Maroc, mit un terme au protectorat espagnol mais confirma
plusieurs possessions espagnoles en territoire marocain, que les Espagnols ne quittèrent qu’en
1969 sous la pression internationale, puis en 1975 pour le Sahara espagnol, prélude au conflit
sahraoui.
51. Fadma.be, 95e Anniversaire de la bataille d’Anoual, célébrant « l'éclatante victoire des
résistants rifains sur les forces d'occupation espagnole… », occasion « pour le peuple amazigh de
rendre hommage à la population du Rif pour sa bravoure… », 21 juil. 2016, www.fadma.be/news/
95-eme-anniversaire-de-la-bataille-danoual, c. le 29 août 2018.
52. Yabiladi, op. cit, 16 juil. 2015.
53. Zamane, Rif- Anoual, la bataille de toutes les discordes, 20 juil. 2015, https://zamane.ma/fr/
rif-anoual-la-bataille-de-toutes-les-discordes/, c. le 24 sept. 2018.
54. Yabiladi, Commémoration de la bataille d’Anoual : du coup de bluff officiel au symbole..., 11
juil. 2006, www.yabiladi.com/forum/commemoration-bataille-d-anoual-coup-
bluff-2-1240477.html, c. le 24 sept. 2018.
55. Libération, Khénifra s'apprête à commémorer le centenaire de la bataille d'El Herri. Objectif :
préserver la mémoire nationale. Casablanca, 11 nov. 2014, www.libe.ma/Khenifra-s-apprete-a-
commemorer-le-centenaire-de-la-bataille-d-El-Herri_a55891.html, c. le 4 oct. 2018.
56. Voir les photos sur https://forum.pages14-18.com/viewtopic.php?t=16518&start=170, c. le 25
sept. 2018.

RÉSUMÉS
Dans le cadre des guerres d’expansion coloniale, les armées occidentales ont parfois connu la
défaite. Au-delà de l’événement, la mémoire de ces batailles a été investie d’un sens politique par
des acteurs, dans le passé comme de manière contemporaine. Ces batailles ont été vécues
différemment dans les sociétés des protagonistes, et les pratiques de commémoration anciennes

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Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeu... 37

et présentes comportent de grandes différences, selon leur histoire propre, mais aussi les enjeux
géopolitiques contemporains du contrôle des lieux de mémoire. Comment ces événements ont-ils
été mobilisés dans la construction de la mémoire historique ? La recherche repose sur l’analyse
d’un corpus de sources bibliographiques, médiatiques et numériques. L’article, après un retour
théorique, présente le traitement mémoriel des sites de six batailles pour proposer une typologie,
qui souligne l’importance mais aussi la diversité des enjeux de pouvoir sur les processus de
traitement mémoriel de ces sites de batailles passées.

In the frame of colonial expansion wars, Western armies have at times been defeated. Beyond the
event record, the memory of these battles embodied a political meaning for actors, in the past as
well as nowadays. These battles were perceived differently in the societies of the protagonists,
and ancient and present practices of commemoration present great differences, according to
their own history, but also the contemporary geopolitical stakes of the control of places of
memory. How were these events mobilized in the construction of historical memories? The
research is based on the analysis of a body of bibliographic, media and digital sources. The
article, after framing the theoretical approach, presents the memory building processes for six
battles, then proposes a typology that emphasizes the importance but also the diversity of the
power stakes on the process of memory writing for these sites of past battles.

INDEX
Mots-clés : histoire, mémoire, commémoration, discours, monument, représentation, bataille,
période coloniale
Keywords : history, memory, commemoration, narratives, monument, representation, battle,
colonial period

AUTEURS
FRÉDÉRIC LASSERRE
Professeur, département de Géographie, Université Laval
Directeur du Conseil québécois d’Études géopolitiques (CQEG)
Frederic.lasserre@ggr.ulaval.ca

CATINCA ADRIANA STAN


Professeure, département d'Études sur l'enseignement et l'apprentissage
Université Laval
catinca-adriana.stan@fse.ulaval.ca

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