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LIT COMPARÉE 2 (1)

 Quels sont les figures du créateur ?


 Liée au sujet, à la subjectivité ayant pour faculté fondatrice l’imagination.
Produire/engendrer des univers, des créatures fictives. Conception qui date du
tournant du XVIIIe/XIXe siècle.
 Plusieurs facteurs expliquent le tournant du long XVIIIe :
o Facteurs historiques : à la fin du XVIII le statut de l’artiste change. Avant, ils
étaient au service d’une aristocratie qui les considéraient plutôt comme des
artisans que des artistes, payée par le système de mécénat. En plus, la
révolution industrielle produit une société où le métier d’artiste est
professionnalisé. L’artiste revendique donc une indépendance de sa
production.
o Développement de l’esthétique en Allemagne, se concentrant sur la
philosophie de l’art et la pensée de la création, comme dans Kant et sa
critique de la faculté de juger (1790). A partir de lui, l’école de Iéna (1790-
1810), composée par Schelling, Schlegel, parmi d’autres. Cela coïncide avec la
valorisation du génie créateur qui va de pair avec le refus de l’imitation, de la
mimésis classique. L’invention et le génie sont valorisés.
o Dans ce contexte est né le roman de formation/bildungsroman avec Les
Années d’Apprentissage de Wilhelm Meister de Gœthe (1796). La formation
d’une artiste naît de ce genre dans les romans d’artiste, avec Les
Pérégrinations de Franz Sternbald de Ludwig Tieck (1798).
o L’émergence des personnages d’écrivain accompagnent la naissance du
roman, puisque l’écrivain devient une fonction sociale reconnue. L’artiste
devient personnage principal au moment au le roman arrête d’être considéré
comme un genre secondaire à la fin du XVIIIe.
 A partir de cette image l’on peut se concentrer à plusieurs sujets, dont la
représentation de l’artiste dans la fiction, les approches théoriques. D’abord une
perspective européenne de cette représentation, la circulation des idées dans
l’espace européen ; le croisement entre la littérature et les arts ; le croisement entre
littérature et philosophie.
 Michel Crouzet, Introduction à Manette Salomon. « Maîtrise romanesque qui produit
des multiples variantes d’un thème, très souvent incarné dans un peintre, comme si
la peinture plus représentative était le cas exemplaire de l’art et comme si le peintre
était la conscience vivante et claire de l’écrivain, l’artiste (…) est le héros d’une
aventure personnelle et d’une fable esthétique qui noue le destin du créateur à une
réflexion sur la création, son sens, ses possibilités, ses limites et conditions. »
 Ces fictions d’art (qui n’ont pas forcément un artiste comme personnage principal),
bien comme les fictions d’artiste, développent un certain nombre de thématiques :
particularité d’un personnage fictif, l’étude d’un discours implicite ou explicite sur
l’art et la création, le rapport qui est posé entre conception et exécution, le statut de
l’artiste au sein de la cité (en prenant en compte le contexte de production) ;
comment la littérature peut parler de musique/peinture ; roman d’art qui serait un
miroir pour l’écrivain, une réflexion sur son propre travail.
 L’originalité : une nouvelle catégorie esthétique
 On passe d’un modèle hérité du classicisme à un nouveau modèle qui constituera le
socle de la pensée romantique européenne. Jusqu’au XIXe siècle l’on trouve des
défenseurs de la pensée classique. Au XIXème on trouve des défenseurs d’une
pensée aristotelienne modifiée et ré-analysée qui croit que la littérature doit suivre
une mimésis pour la beauté.
 A. Pope, Abbé Batteux, Winckelmann, Gottsched sont trois de ces tenants de la
tradition.
 Pope (1688-1744) dans son essay on criticism, une œuvre de jeunesse dans sa
carrière. Selon Austin Warren, il ne s’inspire pas exactement d’Aristote, s’appuyant
plutôt sur des théoriciens français qui sont des jésuites, comme le Père Rapin et le
Père Le Bossu.
 (1) Traité du poème épique (1675), R.P. Le Bossu. -> Il préconise à la fois des
théoriciens (Horace, Aristote) et des pratiquants (Homère, Virgile) comme les
exemples maximaux de la belle littérature. Il faudrait imiter les meilleurs, qu’il
s’agisse de théoriciens ou de poètes.
 (2) Essay on Criticism. -> Pope veut initier le grand publique à un conception
humaniste et classique de la lecture en mettant en avant les éléments de continuité
dans l’espace et dans le temps qu’il y aurait dans la culture occidentale. Voilà
pourquoi il blâme les artistes qui veulent se distinguer et les intellectuels qui
cherchent la singularité juste pour l’envie de se marquer. Il veut réconcilier l’art, la
nature et les modèles antiques. Il parle à des auteurs potentiels dans son art
poétique pour montrer qu’il faut concilier l’art et la nature. Au 4 e paragraphe il
développe une comparaison entre la nature et l’art, de la même façon que l’âme agit
sur le corps. Ses idées relèvent d’une esthétique classique, d’un art modéré. Ces
règles qui régissent l’art ne sont pas pour lui des règles arbitraires, mais des règles
qui dérivent de la nature et qui ont été tirées des œuvres, elles sont la synthèse de
ce qu’il y a de meilleur dans la production littéraire. Imiter la nature, c’est imiter les
anciens. « to copy nature is to copy them », une sorte de leçon universelle et
atemporelle. Un grand écrivain devrait être capable de rendre une sagesse antique
éternelle.
 (3) Les Beaux-Arts réduits à un même principe. Abbé Batteux. -> L’ouvrage est
présenté comme l’histoire d’une recherche qui aboutit sur la genèse d’une théorie
esthétique. Cette démarche est présentée comme très cartésienne, une qui cherche
à trouver un principe fondamental, unifiant et simple qui s’appliquerait à tout,
s’intéressant à la fois à la création et à la réception : l’imitation retrouvée dans la
poétique d’Aristote. Il se réfère à des auteurs du XVII et XVIII (Daciers, Le Bossus,
D’Aubignacs (3 unités)) d’où part sa recherche. Il veut réunir l’esprit et le sentiment,
l’imitation lui a fait sentir la justesse, comme un principe unificateur des arts dont
l’objet commun est d’imiter la nature, ne différant l’un de l’autre que par les moyens
utilisés.
 Il ne pas le premier à développe l’idée de l’imitation comme fondamentale (Pope et
Chapelain l’avaient déjà fait), mais il développe une version un peu plus soft de
l’imitation, qui doit aboutir au vraisemblable et non pas à la vérité. Il ne s’agit pas
d’une copie conforme de la réalité, mais de donner l’illusion du réel. Le
vraisemblable serait la catégorie esthétique essentielle. Il y a aussi une opposition
entre la nature et l’imitation. Toute poésie est artifice, imitation et travail ; il n’est
pas affaire de spontanéité, de création divine. Il récuse l’idée romantique d’une
poésie primitive. Elle est avant tout un phénomène culturel.
 Winkelmann : théoricien allemand qui a écrit en 1755 un ouvrage sur la peinture et
l’architecture dans la Grèce antique. Il postule que l’originalité est le premier critère
du jugement esthétique, mais derrière le mot originalité il y a une conception
particulière : pour lui il faut chercher à déterminer si l’artiste a pensé par lui-même
ou s’il a copié sans comprendre un autre auteur. Il cherche à distinguer une copie
servile et une imitation repensée et assimilée. L’originalité pour lui tient surtout à la
nouveauté de l’idée qui va être développée par l’auteur, mais cette vision nouvelle
doit se maintenir dans les normes du bon goût, et donc, dans les normes de
l’esthétique classique. « la seule voix qui s’ouvre à nous pour devenir grand et même
si possible inimitable est l’imitation des anciens. »
 Gottsched : produit des tragédies dans le style des tragédies classiques à la française,
le Racine allemand.
 Il y a de différents rapports de force entre les différents pays. La France reste très
attachée à l’esthétique classique, elle cherche à la codifier par un certain nombre de
traités. Les opposants arriveront au début du XVIII siècle. En Allemagne, Gottsched
va être très vite discrédité, quand la génération romantique va lui maudire pour
reproduire une littérature française en lieu de créer une littérature nationale.
 La revalorisation de l’originalité au XVIIIe et les emplois du mot « original »,
« originalité »
 La valorisation du génie créateur est liée à la valorisation du concept d’originalité
qu’on voit fleurir à ce moment-là. En français l’adjective « original » ne se différentie
pas vraiment de « originel ». Cela désigne ce qui est premier. Ensuite, il y a un
glissement vers un autre sens qui met en opposition original/copié. Au XVIII le sens
tu terme se précise encore, puisqu’on désigne d’original une œuvre qui constitue un
commencement, une nouveauté, qui ne ressemble à rien d’autre. (pas forcément
positif).
 Dans le domaine anglais la diversification du sens est à peu près la même. Les
premiers témoignages d’un emploi laudatif sont postérieurs à 1750.
 En Allemagne, l’adjective original sert aussi à un certain nombre de mots composés,
comme originalwerke, originalarbeit, originalgenie. A partir des années 1750.

LIT COMPARÉE 2 (2)

 Les conjectures de Young et leur impact au cours de la seconde moitié du XVIII e


siècle
 Edward Young : auteur né à la fin du XVIIe (1681-1765) qui est assez célèbre au
XVIIIe siècle pour son œuvre « L’ennui / Night Thoughts on Life, Death and
Immortality » (1742-46). Référence pour tous les auteurs de la génération qui suit
(Gœthe, Mme de Staël, Lamartine, Coleridge, Wordsworth) pour sa sensibilité
préromantique et sa nouvelle forme d’écriture. La véritable nouveauté qu’apporte
cet auteur vient des Conjectures, un recueil publié en 1759, traduit en français par
Letourneur en 1770, qui a eu une influence durable sur la pensée esthétique,
notamment en Allemagne. Lorsqu’il écrit Conjectures il a l’impression d’aborder un
sujet complètement nouveau, une opinion qui n’est pas sans fondement, puisque
c’est la première fois que l’on consacre un essai entier à la question de l’originalité. Il
y fait l’apologie de l’originalité qu’il considère la vertu cardinale de l’écrivain
moderne. Le ton global est assez provocateur, les thèses qu’il formule sont radicales
pour l’époque et il donne à la notion d’originalité une fonction militante. Il redéfinit
la notion d’originalité qu’il rapporte à celle de génie.
 L’importance de la métaphore organique dans son approche de l’originalité et du
génie : il fait référence au printemps associé au renouveau et à la création. Armide,
magicienne de Jérusalem Délivrée de Tasse ; vallée de Tempe, consacrée au culte
d’Apollon.
 Il définit l’originalité par l’opposition à l’imitation. Il considère l’artiste original
comme un bienfaiteur de l’humanité, la véritable création consistant en une
expansion de l’horizon culturel. L’imitateur pour lui ne crée que des doubles, il
augmente inutilement la masse de livres sans ajouter quoi que ce soit au savoir.
L’imitation, pour Young, entraine un risque de dégénéraissance/stagnation des
lettres et des arts. Le meilleur imitateur travaille toujours sur des fondations qui ont
été bâties par d’autres, tandis que l’original ne doit à rien qu’à lui-même. Pour Pope,
imiter, c’est imiter les anciens. Pour Young, il faut imiter la nature, non les auteurs
antiques. La prééminence d’Homère ne résulte que des circonstances historiques,
elle est contingente. Une œuvre doit venir de son époque, de la culture du moment,
d’un zeitgeist spécifique. Les préoccupations des publiques divers ne donnent pas de
sens à explorer une esthétique étrangère dans un autre temps, dans une autre
culture. Une idée qui défendra Herder en Allemagne, demandant le retour de la
culture germanique.
 L’originalité n’est pas exactement définie au début, les analogies sont multipliées.
« [le créateur] est de nature végétal ». Une présence de la métaphore organique,
une opposition entre le végétal et le mécanique que l’on trouvera dans tous les
discours sur l’originalité qui suivent.
 Pourquoi est-ce qu’il y a peu d’originaux et beaucoup d’imitateurs ? Young va contre
l’idée d’un affaiblissement de l’imagination ou de l’esprit humain, une décadence.
Pour lui, c’est plutôt une idée d’inhibition, d’intimidation, qui donne la culture
accumulée pendant des siècles. L’idée c’est que les modernes manquent de
confiance en eux et à l’inverse, les auteurs anciens n’avaient pas de mérite à être
originaux, puisqu’ils n’avaient pas d’antécesseurs. Il affirme ensuite son admiration
profonde pour les auteurs anciens, il ne faut ni les négliger, ni les copier. N’imiter pas
les œuvres, mais une démarche créatrice suivie par les anciens, de s’inspirer d’un
processus de création. Il y a une singularité de toute chose dans la nature, il doit y
avoir aussi dans l’art, un devoir d’être original.
 L’originalité se comprend alors comme d’être fidèle à soi. Une forme d’authenticité
qui est exigé de la part des artistes. Une exigence autant esthétique qu’étique.
 « Connais-toi ». Il met en avant l’importance de l’introspection qui doit aboutir à la
découverte de soi. Il faut renoncer à tout l’ambition à un art qui sera un art maîtrisé,
il y a une dimension de surprise dans l’inspiration.
 « Révère-toi ». Idée d’authenticité, d’une unité du littéraire et du moral, de l’écrit et
du vécu. Dans ce passage cite parmi les imitateurs qu’il admire autant de littéraires
que des scientifiques, comme Francis Bacon, Shakespeare, Milton, Newton. Les deux
génies sont mis sur le même pas dans sa réflexion.
 Il fait une différence entre l’érudit et l’enthousiaste. Le premier ne fait qu’accumuler
des connaissances, qui se nourrit de la pensée des autres, tandis que les deuxième
quitte la route publique pour aller fouiller un territoire vierge. Cette référence à
l’introspection, à l’intimité devient une norme pour la pensée romantique.
L’imitation est inauthentique.
 Le débat sur le Génie en France au cœur du siècle des Lumières
 « Génie » de l’Encyclopédie.
 Écrit par Jean-François de Saint-Lambert.
 La sensibilité de l’homme de génie lui permet d’apercevoir ce qu’il y a au-delà d’une
normalité observée par l’homme du commun, d’en garder les impressions de
manière plus forte et claire et d’en voir toutes les possibilités.
 L’auteur distingue deux types d’imagination : une imagination reproductrice
(lorsqu’on a vu un objet sensible, on peut le reproduire mentalement ; liée à la
mémoire, au souvenir) et une imagination créatrice (fait le lien entre les objets et les
idées hétérogènes, permet de produire des images/idées nouvelles en combinant
des images intérieures avec les idées de l’individu, combinaison qui donne naissance
à des idées nouvelles). Le génie a une imagination forte, qui s’étend à l’imagination
créatrice. Dans un premier temps, l’auteur décrit la capacité du génie de se
transporter par la pensée à une telle ou telle atmosphère/tel ou tel espace. Dans un
deuxième, cette capacité est liée à la création, une disposition naturelle de l’esprit.
 Opposition entre le goût et le génie : celui-ci est naturel, celui-là est artificiel. Le
génie est défini comme pur don de la nature, tandis que le goût est le fruit de
l’étude. La temporalité des deux diffère aussi : le génie est spontané, ses créations
sont le fruit de l’intuition fulgurante ; le goût s’inscrire dans une durée longue qui
correspond au temps de l’étude mais aussi au temps de la réflexion qui va donner
naissance à la création. Enfin, l’opposition entre génie et goût considère aussi celle
entre le sublime et le beau. Le génie est caractérisé par l’absence de formalité,
l’irrégularité, la diversité ; le goût par l’harmonie, l’unité et l’uniformité. L’auteur
affirme l’autonomie du génie qui ne suit pas et ne conforme pas aux règles, il les
brises pour voler au sublime, au pathétique, au grand.
 Il associé le génie aussi à la philosophie et la politique. Il annonce l’envers des
qualités du génie qui sont mise à l’épreuve dans ces domaines. La spontanéité du
génie ne s’accorde pas avec le temps que demande la philosophie. Les philosophes
doivent espérer avec patience, la pensée se construit dans la durée, par étapes, dans
la méthode. Au contraire, l’intuition du génie peut donner lieu à des trouvailles, mais
aussi à des erreurs. L’accent est mis sur l’irrationalité du génie. Elle peut donner des
aperçus qu’ensuite le philosophe va essayer de fonder en raison. Il participe quand
même à la marche du progrès de la pensée, ouvrant la voie à la vérité.
 Les beaux-arts, la philosophie et la politique sont comparées dans leurs nécessités du
génie. Les politiques doivent avoir du génie pour avoir des idées immédiates et
résoudre des problèmes, mais pour gouverner et crée des stratèges il ne doit pas se
pencher vers le génie. Un registre moral qui se met sur le concept de faute dans la
politique.
 Le génie face au bon goût
 Le goût se penche sur trois facettes : création -> règles ; réception. Le goût doit être
présente dans les règles qui proscrivent la création et dans la réception des œuvres
créées.
 Voltaire est l’auteur qui fait découvrir Shakespeare aux français et qui propose en
Lettres Philosophiques (1731) quelques réflexions sur son théâtre qui sont
ambivalentes et qui nous donne une vision qui aboutira dans la pensée de l’article
Génie 30 ans plus tard.
 Voltaire pose un point de vue très français au théâtre de Shakespeare, en opposant
le génie au bon goût, le sublime au canon universel du beau, et le respect des règles
à l’invention. Il reconnaît chez Shakespeare de très belles scènes, en y citant
quelques-unes et proposant une traduction libre en alexandrin de to be or not to be,
mais pour lui, à l’exception de ces peux moments de grâces, le théâtre anglais heurte
la sensibilité française. Dans cette lettre, le génie de Shakespeare apparaît comme un
don inné, qui relève du naturel, une force non-maîtrisée qui ne peut engendrer que
des beautés irrégulières. Pour Voltaire, le génie n’est d’aucune valeur s’il n’est pas
contrôlé par la raison.
 Dans les Commentaires sur le théâtre de Corneille (1764), Voltaire se tourne contre
Shakespeare en déviant du sujet du commentaire. Il multiplie les comparaisons entre
les deux dramaturges, à chaque fois en faveur de Corneille. Il élabore une synthèse
caricaturale du théâtre de Shakespeare en mettant en avant le grotesque des
sorcières pour en souligner tout le ridicule. Il s’engage dans un combat littéraire et
esthétique contre les nouveautés de Shakespeare, dont Questions est l’un des
exemples le plus virulents.
 Dans la Lettre à d’Argental il se moque encore de Shakespeare, archi jaloux. Grimm
voit dans sa lettre la possibilité d’un conflit diplomatique entre la France et
l’Angleterre pour le combat entre Shakespeare et Voltaire.

LIT COMPARÉE 2 (4)


 Présentation Hoffmann (1776-1822)
 Fait partie du second Romantisme allemand (1810~1830). Il a une passion très
précoce pour les arts, le dessein puis la peinture, mais aussi la musique, la littérature
et le théâtre. Il pratique lui-même plusieurs arts.
 Ersnt Theodor Amadeus – en hommage à Mozart, rappelle son identité à la fois
d’écrivain et de musicien. À sa double carrière il faut ajouter une carrière
administrative – il est magistrat, ayant étudiant le droit, ce qui lui permet d’observer
la société de son temps et qui lui donne le cadre réaliste de sa fiction. Il est renvoyé
de son poste en 1808 pour avoir fait des caricatures des notables des villes où il
vivait.
 A partir de 1808, il occupe une fonction de maître d’orchestre à Bamberg, une
époque de grande activité à la fois musicale et littéraire. C’est à partir de ce moment
qu’il commence à écrire des contes. Selon Philippe Forget, son originalité serait
d’avoir réuni dans son écriture tous les arts.
 Il a composé un opéra : Ondine. Pour cette opéra, il confectionne les décors. Il a
appris la technique auprès d’un peintre qui s’appelle Aloys Molinari, dont on trouve
la trace dans L’Eglise des Jésuites.
 Il a participé à Varsovie à la rénovation d’un palais. Donc il y a un lien entre l’Eglise et
la vie de l’écrivain.
 Le premier conte connu de Hoffmann, c’est Le Chevalier Gluck (1808), un hommage
au musicien du même nom. Ses contes mettent en scène souvent des figures
d’artistes, de musiciens, comme par exemple Kreisleriana, souvent des figures
d’artistes fous. C’est qui est propre à son style aussi, c’est l’importance du
fantastique dans le conte, ce qui était déjà exploré par Ludwig Tieck. Mais Hoffmann
mêle la fantaisie à une description réaliste minutieuse. Il s’intéresse aux pouvoirs de
l’imagination mais aussi aux limites de la raison humaine, c’est souvent un labour
d’analyse psychologique.
 Ses contes ont un succès populaire et durable dans toute l’Europe et il inaugure un
nouveau moment. Il est connu en France à travers la traduction de Loère-Veimars en
1829 qui publie tous les contes de Hoffmann sous le titre Contes Fantastiques. C’est
une traduction approximativement de l’allemand Fantasiestücke (morceaux de
fantaisie). A cette époque, ce qu’il y a derrière le mot « fantastique » est ce que l’on
dirait aujourd’hui « fantaisiste ».
 L’Eglise des Jésuites (1816-1817) et les Nachtstücke
 En allemand, Die Jesuiterkirche in G (supposément la ville de Glogau, où Hoffmann a
exercé la profession de juriste, une ville de Silésie).
 Les Nachtstücke forment un deuxième cycle de récits après Fantaisies à la manière
de Callot (1813-1815). Les commentaires sur le recueil mettaient l’accent sur
l’horreur du récit et de la narration propre à donner des cauchemars. Le terme
Nachtstücke est un genre pictural que l’on pourrait traduire par pièces nocturnes ou
simplement nocturnes.
 Les nocturnes en peinture, c’est un terme qui apparaît à la Renaissance avec un
peintre italien, Luca Cambiaso, qui a créé des nocturnae, des tableaux qui sont des
scènes de chiaroscuro qui jouent sur les effets produits par la lumière des bougies,
des lampes ou des flambeaux. Elles peuvent être des tableaux d’intérieur ou
d’extérieur, éclairés par une lumière surnaturelle, naturelle ou artificielle. Ils jouent
beaucoup sur les contrastes. Un genre pictural assez codifié, Sulzer (1777) décrit
précisément le nocturne en peinture, avec des éclairages parfaits. Il est assez critique
parce qu’ils considèrent que les sujets sont modifiés, ils perdent le naturel à cause de
la lumière artificielle. Hoffmann a du goût pour ce type de tableau, il aime cette
ambiance et cette lumière artificielle, il aime les contrastes que cela induit, il aime
les ruptures, il préfère cela à des tableaux où il y a plein de nuances ou de dégradés.
Dans la description de Coppelius dans Der Sandmann, il utilise des techniques des
nocturnes.
 L’Eglise fait partie du premier volume des Nachtstücke, ce sont des textes qui
mettent en place une atmosphère étrange mais pas forcément surnaturelle.
 Les dispositifs du récit : III parties. Plusieurs niveaux de récit, un qui enchâsse et un
enchâssé, avec plusieurs micro récits entre les personnages.
 Partie I – récit cadre
 1ère partie : (1-5pg) : l’arrivée à la ville et discussion avec le professeur. Le personnage
rencontre Aloysus Walter, le modèle de Berthold. Débat sur l’architecture et le style
des bâtiments des collèges de jésuites. D’emblée, un mystère entoure le personnage
du peintre lorsque le narrateur le découvre pour la première fois. Le N perçoit une
douleur dans B, mais A ne veut pas en parler.
 2ème partie : (5.37-9.23). Échange directe entre N et B, un premier débat sur l’art.
 3ème partie (9.24-11.36) Échange avec A, assez brève, encore peu d’infos sur B. A dit
qu’il va donner à N un manuscrit sur le peintre. Le récit n’enlève qu’une partie du
mystère. On ne sait pas pourquoi il a renoncé à la peinture religieuse ou historique,
la cause de sa mélancolie. N est un avatar de l’auteur.
 Partie II – récit enchâssé – le manuscrit
 Nouveau point de vue sur B. Des allures de Bildungsroman/Kunstnerroman. Il se
forme auprès de plusieurs maîtres avant de se soumettre à son ultime maître, la
nature. A part les peintres le Maltais lui donne les conditions pour créer des œuvres
de génie.
 Passé obscur du personnage. Passage d’un niveau réel à un autre de l’imaginaire.
 Partie III – épilogue
 Création de l’art sublime, horrible. A cette structure cadre-enchâssé se superpose
une autre structure moins visible qui concerne la jeunesse du texte, dédoublement
de l’acte de l’écriture. Un double moment d’écriture. La deuxième partie a été
rédigée avant, une première séquence d’écriture où l’étudiant écrit les confidences
de B. Le récit des événements a été rédigée après. La chronologie des événements
ne coïncide pas avec la chronologie de l’écriture.
 Lecture du texte comme un conte nocturne.
 Le travail du chiaroscuro : l’Eglise c’est un conte nocturne à plus d’un titre. On
trouve la trace du clair-obscur puisque B travaille en nuit sous la lumière d’un
flambeau, il a mis en place un filet de tel façon que le cadrage tombe sur
l’église. Référence à des peintres du style, comme Raphaël ou Corrège, mais
aussi à des peintres spécialisés du paysage, Salvador Rosa et Claude Lorrain.
Le second prof de B, Hackert est un peintre paysagiste de style classique qui
recherchait la précision et la fidélité dans ses tableaux.
 La face nocturne de l’être humain, les forces impénétrables qui régissent les
actions humaines. Lothar Pikulik parle d’une anthropologie politique dans les
nocturnes de Hoffmann, c’est-à-dire, il analyse ce qui fait notre humanité. Il
nous livre à la vision des pussions intérieures et à la folie humaine. Les
ténèbres servent à B à peindre, mais elles permettent aussi à lui d’oublier sa
faute. La confiance du crime l’attend dès la première lueur du jour. Au
moment où le jour se lève, B qui peignait avec enthousiasme pendant la nuit
est pris par une angoisse. Le contraste entre le clair et l’obscur se montre
aussi dans le caractère des personnages, l’on ne sait pas s’ils sont contrôlés
par qqch d’extérieur ou si c’est juste son intériorité.
 Le personnage « étranger » est le catalyseur de l’histoire. Comme le Maltais
décrit dans 14.17, personnage doté d’un talent, mais original, bizarre. Si l’on
pense à une possession de B, la première explication serait le Maltais qui
serait une figure diabolique. L’activité artistique est source de souffrance.
 La représentation de l’artiste
 L’artiste apparaît d’abord comme un être déréglé, marginal, au caractère sombre et
bizarre. Cette correspondance entre névrose et art est suivie par plusieurs
romantiques. Le héros subit passivement une hyperexcitabilité anormale. Le héros
artiste souffre d’une nervosité pathologique. Il est doté d’un caractère introverti qui
rend la communication avec les autres problématique et critique. Cette dissonance
des facultés sont manifestes chez B, on le voit dès le premier portrait. Il y a la trace
d’une noblesse de B, mais en même temps dans sa physionomie, dans son
accoutrement, la trace de sa misère, de son malheur. Son rire « amer et
sardonique », entendu à plusieurs reprises dans le récit, représente cette misère.
L’âme est touchée, mais aussi le corps, il vieillit prématurément, devient abattu et
épuisé.
 Un être qui recherche l’absolu. Dans 15, le Maltais développe sa vision de l’art, dont
B prend acte ensuite à la page 16, une conception fondamentalement romantique. Il
lui explique que l’art est le pressentiment de l’infini et que sa mission est sacrée.
15.18. L’idéal est présenté comme inaccessible, ne pouvant être imaginé qu’en rêve.
Mais dans ce rêve B a l’intention d’une cohérence, d’une unité, d’une totalité. Cet
artiste qui aspire à l’idéale est opposé par le philistin, incarné par A.
 Cette recherche de l’absolu n’est pas glorifiée par Hoffmann, elle est désignée
comme dangereuse. L’enthousiasme peut notamment mener à la folie et à la
stérilité artistique. B se réfugie dans ses rêves et est incapable de produire. Image de
Prométhée, châtié par les dieux pour avoir volé le feu sacré. Le peintre cherche à se
convaincre que l’art est plus calcul, plus géométrique et non représentation, car
représenter la nature et encore plus l’être humain serait un sacrilège.
 Le conflit entre l’art et la vie. La femme sauvée par B est l’incarnation de la beauté
idéale, celle que B voudrait représenter dans la nativité, mais il ne peut pas épouser
la femme sous peine de détruire le moteur de sa création. Il faut choisir entre
l’amour et la création artistique. La conclusion du conte est tragique, le peintre
découvre que le mariage est incompatible avec sa vocation d’artiste et ça l’amène à
détruire non seulement sa famille, mais aussi sa carrière de peintre. H met en scène
de façon dramatique le clivage entre une figure féminine rêvée et une femme réelle.
 Un exposé de théories sur l’art
 Le texte commente une hiérarchie des sujets de peinture. Historiquement la
peinture religieuse et la peinture historique sont les plus importantes dans l’art, le
sommet de la création telle qu’elle a été voulue par Dieu. Pour illustrer cette
position, Félibien, extrait. La hiérarchie concerne non seulement l’objet du peintre et
le peintre lui-même, mais aussi le récepteur. A la période de H, cette hiérarchie est
mise en question puisque l’on change de conception de la nature. On passe d’une
conception taxinomiste à une conception plutôt organiciste. Le romantisme suppose
que la nature dans son ensemble est noble et digne de représentation. Cette
conception panthéiste de la nature aboutit dans la peinture à une fusion de toutes
les parties du beau. D’où la revalorisation notamment de la peinture du paysage. Les
grands peintres paysagistes sont les anglais comme Turner ou Constable. Le paysage
gagne une valeur propre, non pas comme arrière-plan, mais comme matière-prime.
 La question de l’imitation est abordée de façon plus rapide, avec un rejet de
l’imitation mécanique de la nature et de l’artifice. Le Maltais le dit très directement.

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