Liée au sujet, à la subjectivité ayant pour faculté fondatrice l’imagination. Produire/engendrer des univers, des créatures fictives. Conception qui date du tournant du XVIIIe/XIXe siècle. Plusieurs facteurs expliquent le tournant du long XVIIIe : o Facteurs historiques : à la fin du XVIII le statut de l’artiste change. Avant, ils étaient au service d’une aristocratie qui les considéraient plutôt comme des artisans que des artistes, payée par le système de mécénat. En plus, la révolution industrielle produit une société où le métier d’artiste est professionnalisé. L’artiste revendique donc une indépendance de sa production. o Développement de l’esthétique en Allemagne, se concentrant sur la philosophie de l’art et la pensée de la création, comme dans Kant et sa critique de la faculté de juger (1790). A partir de lui, l’école de Iéna (1790- 1810), composée par Schelling, Schlegel, parmi d’autres. Cela coïncide avec la valorisation du génie créateur qui va de pair avec le refus de l’imitation, de la mimésis classique. L’invention et le génie sont valorisés. o Dans ce contexte est né le roman de formation/bildungsroman avec Les Années d’Apprentissage de Wilhelm Meister de Gœthe (1796). La formation d’une artiste naît de ce genre dans les romans d’artiste, avec Les Pérégrinations de Franz Sternbald de Ludwig Tieck (1798). o L’émergence des personnages d’écrivain accompagnent la naissance du roman, puisque l’écrivain devient une fonction sociale reconnue. L’artiste devient personnage principal au moment au le roman arrête d’être considéré comme un genre secondaire à la fin du XVIIIe. A partir de cette image l’on peut se concentrer à plusieurs sujets, dont la représentation de l’artiste dans la fiction, les approches théoriques. D’abord une perspective européenne de cette représentation, la circulation des idées dans l’espace européen ; le croisement entre la littérature et les arts ; le croisement entre littérature et philosophie. Michel Crouzet, Introduction à Manette Salomon. « Maîtrise romanesque qui produit des multiples variantes d’un thème, très souvent incarné dans un peintre, comme si la peinture plus représentative était le cas exemplaire de l’art et comme si le peintre était la conscience vivante et claire de l’écrivain, l’artiste (…) est le héros d’une aventure personnelle et d’une fable esthétique qui noue le destin du créateur à une réflexion sur la création, son sens, ses possibilités, ses limites et conditions. » Ces fictions d’art (qui n’ont pas forcément un artiste comme personnage principal), bien comme les fictions d’artiste, développent un certain nombre de thématiques : particularité d’un personnage fictif, l’étude d’un discours implicite ou explicite sur l’art et la création, le rapport qui est posé entre conception et exécution, le statut de l’artiste au sein de la cité (en prenant en compte le contexte de production) ; comment la littérature peut parler de musique/peinture ; roman d’art qui serait un miroir pour l’écrivain, une réflexion sur son propre travail. L’originalité : une nouvelle catégorie esthétique On passe d’un modèle hérité du classicisme à un nouveau modèle qui constituera le socle de la pensée romantique européenne. Jusqu’au XIXe siècle l’on trouve des défenseurs de la pensée classique. Au XIXème on trouve des défenseurs d’une pensée aristotelienne modifiée et ré-analysée qui croit que la littérature doit suivre une mimésis pour la beauté. A. Pope, Abbé Batteux, Winckelmann, Gottsched sont trois de ces tenants de la tradition. Pope (1688-1744) dans son essay on criticism, une œuvre de jeunesse dans sa carrière. Selon Austin Warren, il ne s’inspire pas exactement d’Aristote, s’appuyant plutôt sur des théoriciens français qui sont des jésuites, comme le Père Rapin et le Père Le Bossu. (1) Traité du poème épique (1675), R.P. Le Bossu. -> Il préconise à la fois des théoriciens (Horace, Aristote) et des pratiquants (Homère, Virgile) comme les exemples maximaux de la belle littérature. Il faudrait imiter les meilleurs, qu’il s’agisse de théoriciens ou de poètes. (2) Essay on Criticism. -> Pope veut initier le grand publique à un conception humaniste et classique de la lecture en mettant en avant les éléments de continuité dans l’espace et dans le temps qu’il y aurait dans la culture occidentale. Voilà pourquoi il blâme les artistes qui veulent se distinguer et les intellectuels qui cherchent la singularité juste pour l’envie de se marquer. Il veut réconcilier l’art, la nature et les modèles antiques. Il parle à des auteurs potentiels dans son art poétique pour montrer qu’il faut concilier l’art et la nature. Au 4 e paragraphe il développe une comparaison entre la nature et l’art, de la même façon que l’âme agit sur le corps. Ses idées relèvent d’une esthétique classique, d’un art modéré. Ces règles qui régissent l’art ne sont pas pour lui des règles arbitraires, mais des règles qui dérivent de la nature et qui ont été tirées des œuvres, elles sont la synthèse de ce qu’il y a de meilleur dans la production littéraire. Imiter la nature, c’est imiter les anciens. « to copy nature is to copy them », une sorte de leçon universelle et atemporelle. Un grand écrivain devrait être capable de rendre une sagesse antique éternelle. (3) Les Beaux-Arts réduits à un même principe. Abbé Batteux. -> L’ouvrage est présenté comme l’histoire d’une recherche qui aboutit sur la genèse d’une théorie esthétique. Cette démarche est présentée comme très cartésienne, une qui cherche à trouver un principe fondamental, unifiant et simple qui s’appliquerait à tout, s’intéressant à la fois à la création et à la réception : l’imitation retrouvée dans la poétique d’Aristote. Il se réfère à des auteurs du XVII et XVIII (Daciers, Le Bossus, D’Aubignacs (3 unités)) d’où part sa recherche. Il veut réunir l’esprit et le sentiment, l’imitation lui a fait sentir la justesse, comme un principe unificateur des arts dont l’objet commun est d’imiter la nature, ne différant l’un de l’autre que par les moyens utilisés. Il ne pas le premier à développe l’idée de l’imitation comme fondamentale (Pope et Chapelain l’avaient déjà fait), mais il développe une version un peu plus soft de l’imitation, qui doit aboutir au vraisemblable et non pas à la vérité. Il ne s’agit pas d’une copie conforme de la réalité, mais de donner l’illusion du réel. Le vraisemblable serait la catégorie esthétique essentielle. Il y a aussi une opposition entre la nature et l’imitation. Toute poésie est artifice, imitation et travail ; il n’est pas affaire de spontanéité, de création divine. Il récuse l’idée romantique d’une poésie primitive. Elle est avant tout un phénomène culturel. Winkelmann : théoricien allemand qui a écrit en 1755 un ouvrage sur la peinture et l’architecture dans la Grèce antique. Il postule que l’originalité est le premier critère du jugement esthétique, mais derrière le mot originalité il y a une conception particulière : pour lui il faut chercher à déterminer si l’artiste a pensé par lui-même ou s’il a copié sans comprendre un autre auteur. Il cherche à distinguer une copie servile et une imitation repensée et assimilée. L’originalité pour lui tient surtout à la nouveauté de l’idée qui va être développée par l’auteur, mais cette vision nouvelle doit se maintenir dans les normes du bon goût, et donc, dans les normes de l’esthétique classique. « la seule voix qui s’ouvre à nous pour devenir grand et même si possible inimitable est l’imitation des anciens. » Gottsched : produit des tragédies dans le style des tragédies classiques à la française, le Racine allemand. Il y a de différents rapports de force entre les différents pays. La France reste très attachée à l’esthétique classique, elle cherche à la codifier par un certain nombre de traités. Les opposants arriveront au début du XVIII siècle. En Allemagne, Gottsched va être très vite discrédité, quand la génération romantique va lui maudire pour reproduire une littérature française en lieu de créer une littérature nationale. La revalorisation de l’originalité au XVIIIe et les emplois du mot « original », « originalité » La valorisation du génie créateur est liée à la valorisation du concept d’originalité qu’on voit fleurir à ce moment-là. En français l’adjective « original » ne se différentie pas vraiment de « originel ». Cela désigne ce qui est premier. Ensuite, il y a un glissement vers un autre sens qui met en opposition original/copié. Au XVIII le sens tu terme se précise encore, puisqu’on désigne d’original une œuvre qui constitue un commencement, une nouveauté, qui ne ressemble à rien d’autre. (pas forcément positif). Dans le domaine anglais la diversification du sens est à peu près la même. Les premiers témoignages d’un emploi laudatif sont postérieurs à 1750. En Allemagne, l’adjective original sert aussi à un certain nombre de mots composés, comme originalwerke, originalarbeit, originalgenie. A partir des années 1750.
LIT COMPARÉE 2 (2)
Les conjectures de Young et leur impact au cours de la seconde moitié du XVIII e
siècle Edward Young : auteur né à la fin du XVIIe (1681-1765) qui est assez célèbre au XVIIIe siècle pour son œuvre « L’ennui / Night Thoughts on Life, Death and Immortality » (1742-46). Référence pour tous les auteurs de la génération qui suit (Gœthe, Mme de Staël, Lamartine, Coleridge, Wordsworth) pour sa sensibilité préromantique et sa nouvelle forme d’écriture. La véritable nouveauté qu’apporte cet auteur vient des Conjectures, un recueil publié en 1759, traduit en français par Letourneur en 1770, qui a eu une influence durable sur la pensée esthétique, notamment en Allemagne. Lorsqu’il écrit Conjectures il a l’impression d’aborder un sujet complètement nouveau, une opinion qui n’est pas sans fondement, puisque c’est la première fois que l’on consacre un essai entier à la question de l’originalité. Il y fait l’apologie de l’originalité qu’il considère la vertu cardinale de l’écrivain moderne. Le ton global est assez provocateur, les thèses qu’il formule sont radicales pour l’époque et il donne à la notion d’originalité une fonction militante. Il redéfinit la notion d’originalité qu’il rapporte à celle de génie. L’importance de la métaphore organique dans son approche de l’originalité et du génie : il fait référence au printemps associé au renouveau et à la création. Armide, magicienne de Jérusalem Délivrée de Tasse ; vallée de Tempe, consacrée au culte d’Apollon. Il définit l’originalité par l’opposition à l’imitation. Il considère l’artiste original comme un bienfaiteur de l’humanité, la véritable création consistant en une expansion de l’horizon culturel. L’imitateur pour lui ne crée que des doubles, il augmente inutilement la masse de livres sans ajouter quoi que ce soit au savoir. L’imitation, pour Young, entraine un risque de dégénéraissance/stagnation des lettres et des arts. Le meilleur imitateur travaille toujours sur des fondations qui ont été bâties par d’autres, tandis que l’original ne doit à rien qu’à lui-même. Pour Pope, imiter, c’est imiter les anciens. Pour Young, il faut imiter la nature, non les auteurs antiques. La prééminence d’Homère ne résulte que des circonstances historiques, elle est contingente. Une œuvre doit venir de son époque, de la culture du moment, d’un zeitgeist spécifique. Les préoccupations des publiques divers ne donnent pas de sens à explorer une esthétique étrangère dans un autre temps, dans une autre culture. Une idée qui défendra Herder en Allemagne, demandant le retour de la culture germanique. L’originalité n’est pas exactement définie au début, les analogies sont multipliées. « [le créateur] est de nature végétal ». Une présence de la métaphore organique, une opposition entre le végétal et le mécanique que l’on trouvera dans tous les discours sur l’originalité qui suivent. Pourquoi est-ce qu’il y a peu d’originaux et beaucoup d’imitateurs ? Young va contre l’idée d’un affaiblissement de l’imagination ou de l’esprit humain, une décadence. Pour lui, c’est plutôt une idée d’inhibition, d’intimidation, qui donne la culture accumulée pendant des siècles. L’idée c’est que les modernes manquent de confiance en eux et à l’inverse, les auteurs anciens n’avaient pas de mérite à être originaux, puisqu’ils n’avaient pas d’antécesseurs. Il affirme ensuite son admiration profonde pour les auteurs anciens, il ne faut ni les négliger, ni les copier. N’imiter pas les œuvres, mais une démarche créatrice suivie par les anciens, de s’inspirer d’un processus de création. Il y a une singularité de toute chose dans la nature, il doit y avoir aussi dans l’art, un devoir d’être original. L’originalité se comprend alors comme d’être fidèle à soi. Une forme d’authenticité qui est exigé de la part des artistes. Une exigence autant esthétique qu’étique. « Connais-toi ». Il met en avant l’importance de l’introspection qui doit aboutir à la découverte de soi. Il faut renoncer à tout l’ambition à un art qui sera un art maîtrisé, il y a une dimension de surprise dans l’inspiration. « Révère-toi ». Idée d’authenticité, d’une unité du littéraire et du moral, de l’écrit et du vécu. Dans ce passage cite parmi les imitateurs qu’il admire autant de littéraires que des scientifiques, comme Francis Bacon, Shakespeare, Milton, Newton. Les deux génies sont mis sur le même pas dans sa réflexion. Il fait une différence entre l’érudit et l’enthousiaste. Le premier ne fait qu’accumuler des connaissances, qui se nourrit de la pensée des autres, tandis que les deuxième quitte la route publique pour aller fouiller un territoire vierge. Cette référence à l’introspection, à l’intimité devient une norme pour la pensée romantique. L’imitation est inauthentique. Le débat sur le Génie en France au cœur du siècle des Lumières « Génie » de l’Encyclopédie. Écrit par Jean-François de Saint-Lambert. La sensibilité de l’homme de génie lui permet d’apercevoir ce qu’il y a au-delà d’une normalité observée par l’homme du commun, d’en garder les impressions de manière plus forte et claire et d’en voir toutes les possibilités. L’auteur distingue deux types d’imagination : une imagination reproductrice (lorsqu’on a vu un objet sensible, on peut le reproduire mentalement ; liée à la mémoire, au souvenir) et une imagination créatrice (fait le lien entre les objets et les idées hétérogènes, permet de produire des images/idées nouvelles en combinant des images intérieures avec les idées de l’individu, combinaison qui donne naissance à des idées nouvelles). Le génie a une imagination forte, qui s’étend à l’imagination créatrice. Dans un premier temps, l’auteur décrit la capacité du génie de se transporter par la pensée à une telle ou telle atmosphère/tel ou tel espace. Dans un deuxième, cette capacité est liée à la création, une disposition naturelle de l’esprit. Opposition entre le goût et le génie : celui-ci est naturel, celui-là est artificiel. Le génie est défini comme pur don de la nature, tandis que le goût est le fruit de l’étude. La temporalité des deux diffère aussi : le génie est spontané, ses créations sont le fruit de l’intuition fulgurante ; le goût s’inscrire dans une durée longue qui correspond au temps de l’étude mais aussi au temps de la réflexion qui va donner naissance à la création. Enfin, l’opposition entre génie et goût considère aussi celle entre le sublime et le beau. Le génie est caractérisé par l’absence de formalité, l’irrégularité, la diversité ; le goût par l’harmonie, l’unité et l’uniformité. L’auteur affirme l’autonomie du génie qui ne suit pas et ne conforme pas aux règles, il les brises pour voler au sublime, au pathétique, au grand. Il associé le génie aussi à la philosophie et la politique. Il annonce l’envers des qualités du génie qui sont mise à l’épreuve dans ces domaines. La spontanéité du génie ne s’accorde pas avec le temps que demande la philosophie. Les philosophes doivent espérer avec patience, la pensée se construit dans la durée, par étapes, dans la méthode. Au contraire, l’intuition du génie peut donner lieu à des trouvailles, mais aussi à des erreurs. L’accent est mis sur l’irrationalité du génie. Elle peut donner des aperçus qu’ensuite le philosophe va essayer de fonder en raison. Il participe quand même à la marche du progrès de la pensée, ouvrant la voie à la vérité. Les beaux-arts, la philosophie et la politique sont comparées dans leurs nécessités du génie. Les politiques doivent avoir du génie pour avoir des idées immédiates et résoudre des problèmes, mais pour gouverner et crée des stratèges il ne doit pas se pencher vers le génie. Un registre moral qui se met sur le concept de faute dans la politique. Le génie face au bon goût Le goût se penche sur trois facettes : création -> règles ; réception. Le goût doit être présente dans les règles qui proscrivent la création et dans la réception des œuvres créées. Voltaire est l’auteur qui fait découvrir Shakespeare aux français et qui propose en Lettres Philosophiques (1731) quelques réflexions sur son théâtre qui sont ambivalentes et qui nous donne une vision qui aboutira dans la pensée de l’article Génie 30 ans plus tard. Voltaire pose un point de vue très français au théâtre de Shakespeare, en opposant le génie au bon goût, le sublime au canon universel du beau, et le respect des règles à l’invention. Il reconnaît chez Shakespeare de très belles scènes, en y citant quelques-unes et proposant une traduction libre en alexandrin de to be or not to be, mais pour lui, à l’exception de ces peux moments de grâces, le théâtre anglais heurte la sensibilité française. Dans cette lettre, le génie de Shakespeare apparaît comme un don inné, qui relève du naturel, une force non-maîtrisée qui ne peut engendrer que des beautés irrégulières. Pour Voltaire, le génie n’est d’aucune valeur s’il n’est pas contrôlé par la raison. Dans les Commentaires sur le théâtre de Corneille (1764), Voltaire se tourne contre Shakespeare en déviant du sujet du commentaire. Il multiplie les comparaisons entre les deux dramaturges, à chaque fois en faveur de Corneille. Il élabore une synthèse caricaturale du théâtre de Shakespeare en mettant en avant le grotesque des sorcières pour en souligner tout le ridicule. Il s’engage dans un combat littéraire et esthétique contre les nouveautés de Shakespeare, dont Questions est l’un des exemples le plus virulents. Dans la Lettre à d’Argental il se moque encore de Shakespeare, archi jaloux. Grimm voit dans sa lettre la possibilité d’un conflit diplomatique entre la France et l’Angleterre pour le combat entre Shakespeare et Voltaire.
LIT COMPARÉE 2 (4)
Présentation Hoffmann (1776-1822) Fait partie du second Romantisme allemand (1810~1830). Il a une passion très précoce pour les arts, le dessein puis la peinture, mais aussi la musique, la littérature et le théâtre. Il pratique lui-même plusieurs arts. Ersnt Theodor Amadeus – en hommage à Mozart, rappelle son identité à la fois d’écrivain et de musicien. À sa double carrière il faut ajouter une carrière administrative – il est magistrat, ayant étudiant le droit, ce qui lui permet d’observer la société de son temps et qui lui donne le cadre réaliste de sa fiction. Il est renvoyé de son poste en 1808 pour avoir fait des caricatures des notables des villes où il vivait. A partir de 1808, il occupe une fonction de maître d’orchestre à Bamberg, une époque de grande activité à la fois musicale et littéraire. C’est à partir de ce moment qu’il commence à écrire des contes. Selon Philippe Forget, son originalité serait d’avoir réuni dans son écriture tous les arts. Il a composé un opéra : Ondine. Pour cette opéra, il confectionne les décors. Il a appris la technique auprès d’un peintre qui s’appelle Aloys Molinari, dont on trouve la trace dans L’Eglise des Jésuites. Il a participé à Varsovie à la rénovation d’un palais. Donc il y a un lien entre l’Eglise et la vie de l’écrivain. Le premier conte connu de Hoffmann, c’est Le Chevalier Gluck (1808), un hommage au musicien du même nom. Ses contes mettent en scène souvent des figures d’artistes, de musiciens, comme par exemple Kreisleriana, souvent des figures d’artistes fous. C’est qui est propre à son style aussi, c’est l’importance du fantastique dans le conte, ce qui était déjà exploré par Ludwig Tieck. Mais Hoffmann mêle la fantaisie à une description réaliste minutieuse. Il s’intéresse aux pouvoirs de l’imagination mais aussi aux limites de la raison humaine, c’est souvent un labour d’analyse psychologique. Ses contes ont un succès populaire et durable dans toute l’Europe et il inaugure un nouveau moment. Il est connu en France à travers la traduction de Loère-Veimars en 1829 qui publie tous les contes de Hoffmann sous le titre Contes Fantastiques. C’est une traduction approximativement de l’allemand Fantasiestücke (morceaux de fantaisie). A cette époque, ce qu’il y a derrière le mot « fantastique » est ce que l’on dirait aujourd’hui « fantaisiste ». L’Eglise des Jésuites (1816-1817) et les Nachtstücke En allemand, Die Jesuiterkirche in G (supposément la ville de Glogau, où Hoffmann a exercé la profession de juriste, une ville de Silésie). Les Nachtstücke forment un deuxième cycle de récits après Fantaisies à la manière de Callot (1813-1815). Les commentaires sur le recueil mettaient l’accent sur l’horreur du récit et de la narration propre à donner des cauchemars. Le terme Nachtstücke est un genre pictural que l’on pourrait traduire par pièces nocturnes ou simplement nocturnes. Les nocturnes en peinture, c’est un terme qui apparaît à la Renaissance avec un peintre italien, Luca Cambiaso, qui a créé des nocturnae, des tableaux qui sont des scènes de chiaroscuro qui jouent sur les effets produits par la lumière des bougies, des lampes ou des flambeaux. Elles peuvent être des tableaux d’intérieur ou d’extérieur, éclairés par une lumière surnaturelle, naturelle ou artificielle. Ils jouent beaucoup sur les contrastes. Un genre pictural assez codifié, Sulzer (1777) décrit précisément le nocturne en peinture, avec des éclairages parfaits. Il est assez critique parce qu’ils considèrent que les sujets sont modifiés, ils perdent le naturel à cause de la lumière artificielle. Hoffmann a du goût pour ce type de tableau, il aime cette ambiance et cette lumière artificielle, il aime les contrastes que cela induit, il aime les ruptures, il préfère cela à des tableaux où il y a plein de nuances ou de dégradés. Dans la description de Coppelius dans Der Sandmann, il utilise des techniques des nocturnes. L’Eglise fait partie du premier volume des Nachtstücke, ce sont des textes qui mettent en place une atmosphère étrange mais pas forcément surnaturelle. Les dispositifs du récit : III parties. Plusieurs niveaux de récit, un qui enchâsse et un enchâssé, avec plusieurs micro récits entre les personnages. Partie I – récit cadre 1ère partie : (1-5pg) : l’arrivée à la ville et discussion avec le professeur. Le personnage rencontre Aloysus Walter, le modèle de Berthold. Débat sur l’architecture et le style des bâtiments des collèges de jésuites. D’emblée, un mystère entoure le personnage du peintre lorsque le narrateur le découvre pour la première fois. Le N perçoit une douleur dans B, mais A ne veut pas en parler. 2ème partie : (5.37-9.23). Échange directe entre N et B, un premier débat sur l’art. 3ème partie (9.24-11.36) Échange avec A, assez brève, encore peu d’infos sur B. A dit qu’il va donner à N un manuscrit sur le peintre. Le récit n’enlève qu’une partie du mystère. On ne sait pas pourquoi il a renoncé à la peinture religieuse ou historique, la cause de sa mélancolie. N est un avatar de l’auteur. Partie II – récit enchâssé – le manuscrit Nouveau point de vue sur B. Des allures de Bildungsroman/Kunstnerroman. Il se forme auprès de plusieurs maîtres avant de se soumettre à son ultime maître, la nature. A part les peintres le Maltais lui donne les conditions pour créer des œuvres de génie. Passé obscur du personnage. Passage d’un niveau réel à un autre de l’imaginaire. Partie III – épilogue Création de l’art sublime, horrible. A cette structure cadre-enchâssé se superpose une autre structure moins visible qui concerne la jeunesse du texte, dédoublement de l’acte de l’écriture. Un double moment d’écriture. La deuxième partie a été rédigée avant, une première séquence d’écriture où l’étudiant écrit les confidences de B. Le récit des événements a été rédigée après. La chronologie des événements ne coïncide pas avec la chronologie de l’écriture. Lecture du texte comme un conte nocturne. Le travail du chiaroscuro : l’Eglise c’est un conte nocturne à plus d’un titre. On trouve la trace du clair-obscur puisque B travaille en nuit sous la lumière d’un flambeau, il a mis en place un filet de tel façon que le cadrage tombe sur l’église. Référence à des peintres du style, comme Raphaël ou Corrège, mais aussi à des peintres spécialisés du paysage, Salvador Rosa et Claude Lorrain. Le second prof de B, Hackert est un peintre paysagiste de style classique qui recherchait la précision et la fidélité dans ses tableaux. La face nocturne de l’être humain, les forces impénétrables qui régissent les actions humaines. Lothar Pikulik parle d’une anthropologie politique dans les nocturnes de Hoffmann, c’est-à-dire, il analyse ce qui fait notre humanité. Il nous livre à la vision des pussions intérieures et à la folie humaine. Les ténèbres servent à B à peindre, mais elles permettent aussi à lui d’oublier sa faute. La confiance du crime l’attend dès la première lueur du jour. Au moment où le jour se lève, B qui peignait avec enthousiasme pendant la nuit est pris par une angoisse. Le contraste entre le clair et l’obscur se montre aussi dans le caractère des personnages, l’on ne sait pas s’ils sont contrôlés par qqch d’extérieur ou si c’est juste son intériorité. Le personnage « étranger » est le catalyseur de l’histoire. Comme le Maltais décrit dans 14.17, personnage doté d’un talent, mais original, bizarre. Si l’on pense à une possession de B, la première explication serait le Maltais qui serait une figure diabolique. L’activité artistique est source de souffrance. La représentation de l’artiste L’artiste apparaît d’abord comme un être déréglé, marginal, au caractère sombre et bizarre. Cette correspondance entre névrose et art est suivie par plusieurs romantiques. Le héros subit passivement une hyperexcitabilité anormale. Le héros artiste souffre d’une nervosité pathologique. Il est doté d’un caractère introverti qui rend la communication avec les autres problématique et critique. Cette dissonance des facultés sont manifestes chez B, on le voit dès le premier portrait. Il y a la trace d’une noblesse de B, mais en même temps dans sa physionomie, dans son accoutrement, la trace de sa misère, de son malheur. Son rire « amer et sardonique », entendu à plusieurs reprises dans le récit, représente cette misère. L’âme est touchée, mais aussi le corps, il vieillit prématurément, devient abattu et épuisé. Un être qui recherche l’absolu. Dans 15, le Maltais développe sa vision de l’art, dont B prend acte ensuite à la page 16, une conception fondamentalement romantique. Il lui explique que l’art est le pressentiment de l’infini et que sa mission est sacrée. 15.18. L’idéal est présenté comme inaccessible, ne pouvant être imaginé qu’en rêve. Mais dans ce rêve B a l’intention d’une cohérence, d’une unité, d’une totalité. Cet artiste qui aspire à l’idéale est opposé par le philistin, incarné par A. Cette recherche de l’absolu n’est pas glorifiée par Hoffmann, elle est désignée comme dangereuse. L’enthousiasme peut notamment mener à la folie et à la stérilité artistique. B se réfugie dans ses rêves et est incapable de produire. Image de Prométhée, châtié par les dieux pour avoir volé le feu sacré. Le peintre cherche à se convaincre que l’art est plus calcul, plus géométrique et non représentation, car représenter la nature et encore plus l’être humain serait un sacrilège. Le conflit entre l’art et la vie. La femme sauvée par B est l’incarnation de la beauté idéale, celle que B voudrait représenter dans la nativité, mais il ne peut pas épouser la femme sous peine de détruire le moteur de sa création. Il faut choisir entre l’amour et la création artistique. La conclusion du conte est tragique, le peintre découvre que le mariage est incompatible avec sa vocation d’artiste et ça l’amène à détruire non seulement sa famille, mais aussi sa carrière de peintre. H met en scène de façon dramatique le clivage entre une figure féminine rêvée et une femme réelle. Un exposé de théories sur l’art Le texte commente une hiérarchie des sujets de peinture. Historiquement la peinture religieuse et la peinture historique sont les plus importantes dans l’art, le sommet de la création telle qu’elle a été voulue par Dieu. Pour illustrer cette position, Félibien, extrait. La hiérarchie concerne non seulement l’objet du peintre et le peintre lui-même, mais aussi le récepteur. A la période de H, cette hiérarchie est mise en question puisque l’on change de conception de la nature. On passe d’une conception taxinomiste à une conception plutôt organiciste. Le romantisme suppose que la nature dans son ensemble est noble et digne de représentation. Cette conception panthéiste de la nature aboutit dans la peinture à une fusion de toutes les parties du beau. D’où la revalorisation notamment de la peinture du paysage. Les grands peintres paysagistes sont les anglais comme Turner ou Constable. Le paysage gagne une valeur propre, non pas comme arrière-plan, mais comme matière-prime. La question de l’imitation est abordée de façon plus rapide, avec un rejet de l’imitation mécanique de la nature et de l’artifice. Le Maltais le dit très directement.