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Collectanea Cisterciensia 74 (2012), p.

282-288
Xavier MORALES, ocso

Quarante ans après : la psychologie dynamique de


Basile de Césarée

Quarante ans après après l’article inaugural de J. E. Bamberger dont nous venons de lire la
traduction1, l’étude de la pensée et du lexique de Basile de Césarée est grandement facilitée par la
publication de la concordance de ses oeuvres2. Les relevés d’occurrence confirment et permettent
d’affiner les intuitions de Bamberger.
Pour le mot « souvenir/mémoire » (en grec : mnèmè), 188 occurrences sont recensées par le
Thesaurus, dont 30 dans les écrits ascétiques, 65 dans les homélies et 60 dans les lettres 3.
L’importance du « souvenir », et particulièrement, du « souvenir de Dieu », dans la spiritualité de
Basile saute aux yeux. Dans le Grand Ascéticon4, le mot ne désigne qu’une fois la faculté de la
mémoire (PR 17[PQR 117]), et le reste du temps, l’acte de cette faculté, le « souvenir » : la
tentation du souvenir des choses du monde (GR 6, 2) ou de la vie passée (GR 32, 2 ; PR 10[PQR
106]), mais surtout, sa parade, le souvenir continuel de la présence de Dieu et des bienfaits reçus
de lui (GR 2, 2 ; 5, 2.3 ; PR 157[PQR 3] ; 196[PQR 46] ; 294[PQR 294]).
Il faut garder son coeur en toute vigilance, pour éviter de laisser échapper la pensée de Dieu ou de
souiller le souvenir de ses merveilles avec la représentation par l’imagination de réalités futiles.
Ainsi, par le souvenir pur et continuel, la sainte pensée de Dieu demeure imprimée dans notre âme,
comme un sceau indélébile. (GR 5, 2)
On notera que si Basile évoque parfois la présence d’un Dieu espion de nos péchés, qui conduit
à le craindre, comme dans le premier degré de l’humilité selon la Règle de saint Benoît 7 (GR 5,
3 ; PR 21[PQR 23] ; 29[PQR 35] ; 37[PQR 55] ; 196[PQR 46] etc.), le mot « souvenir » est
réservé à l’évocation d’un Dieu bienfaiteur, qui provoque à l’aimer, puisque l’amour de Dieu est
le skopos, la finalité déclarée de la vie monastique, selon le Prologue du Grand Ascéticon .
L’importance primordiale de cet exercice du souvenir continuel de Dieu dans la vie monastique
et chrétienne en général est patent : c’est à cet effet que Basile, décrivant à son ami Grégoire de
Nazianze son premier essai de vie religieuse, exige d’abord un esprit installé dans l’hésukhia
procurée par l’anachorèse :
L’esprit (nous) qui n’est pas dispersé vers les réalités extérieures, que les sens ne répandent pas dans
le monde, revient à lui-même et s’élève, à travers lui-même, jusqu’à la pensée de Dieu5.
Le souvenir de Dieu est même la définition de la prière :
La plus belle prière, c’est celle qui imprime en l’âme une claire pensée de Dieu. Et l’inhabitation de
Dieu, c’est d’avoir, par le souvenir, Dieu installé en soi6.
* *
*

1 Je remercie le P. Étienne Baudry d’avoir relu ces lignes et suggéré maintes améliorations.
2 Corpus christianorum, Thesaurus Basilii Caesariensis, ed. B. Coulie, B. Kindt et CETEDOC, Turnhout 2002, 2 vol.
3 Ces chiffres sont approximatifs : ils prennent en compte aussi bien les oeuvres reconnues authentiques que les oeuvres
douteuses ou inauthentiques.
4 N’ayant pas encore accès à l’édition critique de l’Ascéticon, je ferai références et citations selon la manière habituelle
(GR/PR), avec le texte, l’ordre et la numérotation de la Patrologie grecque. Dans le cas des « Grandes Règles » [PR], la
correspondance est directe avec la numérotation de l’édition critique à venir des « Grandes Questions-Réponses » [GQR].
Dans le cas des « Petites Règles », j’indiquerai entre crochets la numérotation correspondante dans l’édition critique à venir
[PQR]. 9 occurrences de mnèmè dans les GR ; 6 occurrences dans les PR.
5 Lettre 2, 2, l. 58-61, éd. Y. Courtonne, p. 8. La lettre date d’environ 358. Dans le directoire monastique rédigé quelques
années plus tard, le souvenir est le deuxième des 48 points abordés (Lettre 22, 1, l. 13-15, p. 53).
6 Lettre 2, 4, l. 3-6, p. 10.
Le Thesaurus ne recense pas moins de 233 occurrences du mot diathesis, avec une répartition
déséquilibrée : 110 occurrences dans les écrits ascétiques7, 56 dans les homélies et 44 dans la
correspondance. Il semble donc que ce mot fasse partie du jargon monastique : vraisemblablement
parce que Basile l’emploie dans un sens psychologique, et que la psychologie tient une large place
dans la doctrine monastique.
En effet, alors que le mot, au sens propre et le plus général, désigne toute espèce
de« disposition », plus précisément, une « manière d’être installé », donc une disposition qui dure
un certain temps, Basile parle toujours de la diathesis de l’âme (voir PR 157[PQR 3] ; 196[PQR
46]). Toutefois, cette spécialisation au domaine de la psychologie ne charge pas le mot d’un sens
nouveau – même dans le corpus médical, avec lequel Bamberger a raison de comparer l’usage
basilien, le mot garde son sens premier. Il en va de même de l’emploi aristotélicien 8, que Basile
connaissait encore plus sûrement que l’emploi médical. Il est donc important de souligner que
Basile, en transmettant ses enseignements de psychologie monastique, emploie des mots simples
dans leur sens le plus ordinaire9.
Avant de proposer un classement des emplois du mot diathesis dans l’Ascéticon de Basile de
Césarée, il faut commencer par lire la PR 157[PQR 3], où mnèmè et diathesis apparaissent
ensemble :
Q. Avec quelle disposition doit-on servir Dieu, et quelle est cette disposition ?
R. À mon avis, la bonne disposition consiste en un désir intense, insatiable, inébranlable et immuable
de plaire à Dieu. Ce désir s’obtient moyennant la contemplation intelligente et continuelle de la
grandeur des gloires de Dieu, par des pensées de reconnaissance et par le souvenir incessant des biens
que nous avons reçus de Dieu. C’est ainsi que l’âme réalise ce que dit le verset : « Tu aimeras le
Seigneur ton Dieu de tout ton coeur etc. » [...]
Dans ce paragraphe, on comprend que le « souvenir continuel » de Dieu s’articule à la « bonne
disposition » comme le moyen à la fin – comme un exercice ascétique incessamment répété en
vue d’acquérir une certaine disposition durable de l’âme : le « désir de plaire à Dieu ». En tant que
disposition intérieure, le désir est alors la motivation la plus authentique de l’obéissance aux
commandements de Dieu, en même temps que l’application du premier de ces commandements :
l’amour. Notons en passant que l’idée selon laquelle la répétition d’une opération produit une
habitude n’a pas attendu la psychologie comportementaliste pour faire son chemin : elle entre déjà
dans le concept artistotélicien de la vertu comme hexis10.
Grâce à notre lecture de la PR 157[PQR 3], nous sommes déjà en possession des principaux
éléments de la définition de la diathesis basilienne :
Diathesis. subst. fém. Sens général : disposition durable de l’âme. Le sens est tout à fait celui
que vise Befindlichkeit dans l’analytique du Dasein de Heidegger : c’est la tonalité affective dans
laquelle l’âme se trouve toujours déjà à chaque instant. Plus durable que l’accès de passion
ponctuel, moins durable qu’une habitude ou qu’un caractère psychologique.
A. Puisqu’il s’agit d’une disposition de l’âme, la diathesis peut désigner tout simplement une
passion, un vice, une vertu : l’amour (GR 2 ; PR 257[PQR 189]), la prudence (PR 165[PQR 67]),
la colère (PR 55[PQR 149]), la licence (PR 67[PQR 218]), la crainte et la confiance (PR 172[PQR
122]), l’humilité (PR 289[PQR 11]).
En particulier, disposition d’inclination affective pour quelqu’un ou quelque chose, soit
attachement (GR 11 ; GR 17, 1), soit répulsion (GR 29 ; PR 13[PQR 213] ; cf. PR 68[PQR 219]).
Dans les PR 174[PQR 137] et 242[146], diathesis semble synonyme de epithymia, « désir ». Dans
la PR 184[260], elle forme un hendiadyn avec la « compassion ».
Dans le Prologue de son Ascéticon, Basile dessine trois « différences de la disposition », c’est-
à-dire trois manières dont l’âme peut être disposée à l’égard de Dieu : la disposition de l’esclave

7 16 occurrences dans les GR ; 59 occurrences dans les PR.


8 À mon avis, sous-estimé par Bamberger. La référence incontournable est Aristote, Catégories, ch. 8, 8b25 – 9a13, qui
distingue entre disposition plus durable (hexis, au point de devenir comme une seconde nature) ou moins durable (diathesis).
Mais en Rhétorique, II, hekhein (par exemple, 1379a11.16) et diakeisthai (par exemple, 1377b27.28.30) semblent
parfaitement interchangeables et sont les exacts équivalents du diatithesthai de Basile. Du reste, Aristote emploie diathesis
(1379a28).
9 Ainsi, l’article du dictionnaire non spécialisé grec-français d’A. Bailly suffit à rendre compte du sens auquel l’emploie
Basile. Les références à Platon, Philèbe, 11d et Aristote, De l’âme, II, 5 [417b15] sont tout à fait pertinentes.
10 Voir Aristote, Éthique à Nicomaque, II, ch. 5.
qui craint son maître, la disposition du mercenaire qui espère un gain, la disposition du fils qui
obéit à son père par amour (Prol. 3). On sait à quelle postérité cette distinction est promise dans la
doctrine spirituelle de saint Bernard de Clairvaux11.
B. Cette disposition de l’âme est durable. Basile la distingue par exemple de la motion-émotion
(kinêma) et de l’accès-attaque (hormê) (PR 55[149]). Pour autant, elle est distincte de la faculté,
au sens où elle en est l’actualisation. Par exemple, Il fait partie de la « structure innée » de l’âme
(prôtê katasteuê) de posséder « la faculté d’aimer » (agapêtikê dynamis), qui s’actualise dans une
certaine diathesis de l’âme, celle qui s’exprime dans les mots de Ct 2, 5 : « Je suis blessée
d’amour » (GR 2, 1).
C. Cette disposition est une disposition de l’âme, par opposition au comportement extérieur.
La PR 55[PQR 149] distingue différents modes ou degrés de la colère : « Celui qui est en colère
(orgê) ne possède la passion qu’à l’intérieur de lui (en diathesei). C’est ce que veut dire le verset :
‘Soyez en colère et ne péchez point’ (Ps 4, 5). Celui qui est furieux (thymos) fait désormais
montre d’un degré supérieur », tel que la passion déclenche une « attaque » (hormê) extériorisée –
on dirait un « accès de colère ». Troisième degré, « l’exaspération (paroxysmos) désigne la motion
plus violente qui provient de la fureur ». Enfin, « l’aigreur (pikria) désigne une structure
(kataskeuê) plus terrible du mal » qu’est la colère – elle s’est désormais installée à demeure dans
l’âme.
Dans la PR 176[PQR 144], Basile distingue entre les actes extérieurs de bienveillance
(euergesiai) et la motivation intérieure : le vrai amour doit être intérieur, il doit être « dans la
disposition » (en diathesei), et pas seulement dans le comportement extérieur. Dans la PR
196[PQR 46], la disposition intérieure (diathesis) de respect produite par le souvenir du Dieu
bienfaiteur est attestée par l’attitude extérieure (katastasis) du corps.
En ce sens de « motivation intérieure », l’expression alêthinê diathesis (litt. « disposition
vraie ») peut finalement servir à désigner la « sincérité » : la correspondance du sentiment
intérieur avec les gestes extérieurs qui prétendent l’exprimer. Basile demande ainsi « d’offrir à
Dieu sa prière pour celui qui nous a offensé à partir d’un sentiment vrai », c’est-à-dire du fond du
coeur. C’est la même sincérité de sentiment qui doit présider à la charité fraternelle (PR 242[PQR
146] ; voir encore GR 2, 1).
* *
*
Avec diathesis, Basile se pourvoit donc d’un mot pour désigner ce que nous modernes, nous
appelons l’intériorité. Il faut souligner l’importance de ce fait. Pas plus que l’hébreu, le grec
classique ne possède de mot propre pour parler de l’intériorité subjective. Il est obligé d’employer
des métaphores, certes tellement usuelles qu’elles sont lexicalisées : le « coeur », l’« esprit »,
l’« intellect » désignent des facettes diverses du sujet, selon qu’on envisage respectivement le lieu
où dialoguent ses pensées avant d’être exprimées par la parole et par le corps, le mystérieux élan
vital qui échappe à la corruption matérielle ou la faculté de connaître l’universel et l’absolu par-
delà le divers des sensations. Mais aucun de ces trois termes ne désigne proprement l’intériorité en
tant que telle, la qualité par laquelle une passion nous affecte à l’intérieur de nous sans forcément
affecter notre attitude extérieure. Bamberger a donc tout à fait raison de considérer comme
significatif l’emploi relativement peu élevé des mots kardia, pneuma, nous, en comparaison de
diathesis.
Si diathesis désigne l’intériorité subjective, avec toutes ses potentialités affectives, il ne semble
pas, en revanche, que l’on puisse donner à diathesis un sens moral, même en s’appuyant sur PR
81[PQR 276], comme le fait Bamberger. Basile n’y pose pas la question de la qualification morale
d’un acte. Il envisage d’emblée un acte moralement négatif et se demande comment le supérieur
peut aider le pécheur à s’amender. Le type d’aide à procurer est distinct, non seulement selon la
nature objective de la faute, mais surtout selon la disposition psychologique habituelle du sujet.
Basile donne l’exemple de deux dispositions affectives opposées : l’indifférent et celui qui craint

11 Voir Lettre 11, 3 (SC 425), p. 222-224 reprise dans L’amour de Dieu, XII, 34 (SC 393), p. 146-148. Cependant, Bernard
n’a sans doute pas lu le Prologue (dit Prologue 4) au Grand Ascéticon publié dans la Patrologie grecque, puisqu’il n’avait à
sa disposition que la traduction latine du Petit Ascéticon, avec le Prologue 1 (manuscrit de Clairvaux conservé à Troyes BM
1422, daté de 1130-1135). Voilà un petit mystère.
Dieu. Dans le cas de celui qui craint Dieu, le péché est venu subrepticement interrompre une
disposition psychologique normalement rétive au péché. Une intervention ponctuelle suffira. Dans
le cas de l’indifférent, c’est non seulement l’acte peccamineux qui doit être réprimandé, mais
toute la disposition psychologique habituelle qui doit être transformée : la diathesis est presque
devenue une habitude ancrée, il y a donc beaucoup plus à faire.
De même, la proposition de Bamberger de considérer la diathesis comme, « au moins en partie,
inconsciente », à partir de la PR 301[PQR 301], me paraît excessive. D’une part, la distinction
entre conscient et inconscient, au sens freudien d’un savoir qui ne veut pas être su et se trouve
ainsi refoulé en-deçà du su, est un anachronisme. D’autre part, si l’on veut absolument l’appliquer
à la PR 301, en parlant alors plutôt, avec Basile, de « non-perception » (anaisthêsia) que
d’inconscient, il faut dire que ce sont les « maladies de l’âme », c’est-à-dire, les péchés, qui ne
sont pas perçus, et non la disposition affective de l’âme, le sentiment dans lequel on se trouve à tel
ou tel moment, qui, lui, fait partie de la conscience actuelle. La contradiction que relève Basile se
trouve précisément entre « la conviction de se sentir innocent » des apôtres (actuellement) et la
révélation que Jésus leur fait de leur culpabilité à venir – qu’ils ignorent, évidemment, puisqu’elle
n’a pas encore eu lieu. Autrement dit : la « disposition de l’âme », sa tonalité affective, ce qu’une
personne ressent dans sa conscience, n’est pas toujours révélateur de sa qualité morale. La vraie
connaissance de soi, à laquelle doit parvenir le moine, exige d’aller plus profond que la diathesis
de l’âme – et cette profondeur que nous pouvons alors légitimement appelée inconsciente, Basile
ne fait que la suggérer lorsqu’il parle du retour du refoulé diurne dans les représentations de rêve
(PR 22[PQR 24]).
Si la diathesis ne peut pas être assimilée, même partiellement, à l’inconscient freudien, elle ne
peut pas non plus être considérée comme identique à la mémoire, avec ses phases de latence et
d’affleurement à la conscience, comme le propose Bamberger. D’autant que mnèmè, chez Basile,
désigne l’activité de la mémoire, la production d’une représentation dans la conscience, et non le
« vaste grenier » (Augustin) où sommeillent les représentations quand elle ne sont pas
actuellement conscientes. C’est ce que prouve la synonymie de mnèmè, chez Basile, avec les mots
ennoia (la pensée consciente ; voir par exemple GR 2, 4, où Lèbe traduit d’ailleurs ennoia par
« mémoire » ; GR 5, 2 ; PR 34[PQR 49] ; 202 [PQR 98] et la Lettre 2, 4 citée plus haut) et
plêrophoria (la conviction, la pleine conscience ; voir entre autres PR 201[PQR 97]). En toute
rigueur, le souvenir est un exercice par le moyen duquel la disposition de l’âme peut être
modifiée. La disposition est produite par le souvenir, elle n’est pas le souvenir lui-même. Dans la
PR 198[PQR 51] dont Bamberger commente la version latine, l’équilibre n’est pas entre souvenir
et disposition, mais entre deux dispositions d’âme qui se succèdent : l’arrogance puis l’humilité.
Ces quelques remarques critiques n’ôtent rien à la thèse centrale de l’article de Bamberger,
l’aspect dynamique de la psychologie basilienne, tel qu’il est fondé sur l’influence de l’exercice
du souvenir sur la disposition fondamentale de l’âme. Basile n’y avait certainement pas été
préparé par la manière traditionnellement plus statique de traiter la psychologie (au sens médical
et non métaphysique) comme science des tempéraments (avec les quatre tempéraments
d’Hippocrate : flegmatique, sanguin, colérique, mélancolique). L’expérience spirituelle
monastique était propice à cette prise de conscience des transformations et des modifications de
l’âme, et Évagre le Pontique, quelques années après Basile, s’en fera le grand théoricien, avec des
concepts et un lexique tout différents et, il faut l’avouer, beaucoup plus techniques que le grand
évêque de Césarée.
Abbaye Notre-Dame d’Acey Xavier MORALES, ocso
F – 39350 Vitreux

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