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RÉCIT

Irak : une militante


féministe assassinée à
Bassora
Par Hala Kodmani(https://www.liberation.fr/auteur/12540-hala-
kodmani) — 21 août 2020 à 10:31

Le cercueil de Riham Yakoub dans la ville de Najaf, jeudi. Photo Alaa Al- Marjani. Reuters

Riham Yakoub, défenseuse des droits des femmes et


Le médecin de 33 ans, a été abattue à bout portant
journal
mercredi soir par deux individus.
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offert Figure féministe de la société civile irakienne, Riham Yakoub, 33 ans,
médecin nutritionniste, a été abattue à bout portant mercredi soir par deux
individus armés à moto en plein centre de Bassora. Sa mort a provoqué un
choc parmi les jeunes contestataires irakiens et au-delà. En effet l’activiste
et défenseuse des droits des femmes, bien connue des chancelleries
occidentales, est la dernière victime d’une série d’assassinats ciblés depuis
une dizaine de jours contre des leaders de la contestation dans la deuxième
ville d’Irak. Jeudi matin, les représentants des Etats-Unis, de la France et de
l’Union européenne ont condamné ces meurtres visant «les jeunes et les
forces vives de l’Irak», selon le communiqué de l’ambassade de France à
Bagdad, appelant à «identifier puis juger les coupables».

Une photo datant de 2018 de Riham Yakoub aux côtés du Consul américain
à Bassora a été rediffusée quelques heures après sa mort par la chaîne de
télévision d’une milice pro-iranienne, comme pour justifier son meurtre. Le
cliché pris à l’occasion d’une rencontre avec plusieurs autres jeunes
irakiennes avait circulé sur les réseaux sociaux et via des médias iraniens
pour discréditer la jeune femme, en l’accusant d’être une «agente des Etats-
Unis». Suite à cette campagne, Riham Yacoub avait renoncé à participer aux
manifestations dans les rues de Bassora où elle s’était distinguée d’abord
comme l’une des rares femmes à prendre la parole au milieu des
manifestants, avant d’organiser une marche de protestation des femmes.

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Activiste de la première heure, Riham Yacoub avait participé au mouvement


de contestation anti-gouvernement qui avait agité Bassora dès 2017, bien
avant que la révolte ne soit déclenchée dans l’ensemble du pays en octobre
dernier. La deuxième ville d’Irak a été la première à se rebeller face à la
défaillance et la corruption des dirigeants irakiens qui l’ont totalement
négligée. «Alors que cette région pétrolifère fournit 80% des ressources de
l’Etat irakien, Bassora n’a l’électricité que quatre heures par jour et
souvent pas d’eau, alors que la température dépasse les 50°C en cette
saison», rappelle Adel Bakawan. Directeur d’études à l’Institut de recherche
sur le Moyen Orient et la Méditerranée (Iremmo), le chercheur irakien était
en relation avec Riham Yacoub qui devait mener une enquête à Bassora sur
les jeunes en Irak.

«Bassora est un terrain d’affrontement direct entre les Etats-Unis et


l’Iran», souligne Adel Bakawan. Frontalière du Koweit où est implantée
l’armée américaine et séparé de l’Iran par le bras de mer du Chatt al-Arab, la
ville est en effet «une place forte des milices pro-iraniennes mais aussi le
lieu d’une instrumentalisation de la contestation irakienne par le consulat
américain», selon l’expert. L’assassinat de la jeune militante s’est produit
alors que le Premier ministre irakien, Moustafa al-Kazimi,
(https://www.liberation.fr/planete/2020/06/25/un-nouveau-
gouvernement-aux-methodes-inedites_1792424) est en visite officielle à
Washington. Il a annoncé depuis la capitale américaine le limogeage du chef
de la police de Bassora et d’autres responsables de la sécurité et a dépêché
sur place son ministre de l’Intérieur à la tête d’une délégation sécuritaire.
«Ils viennent chercher une aiguille dans une botte de foin», a commenté un
député de la ville à propos de la détermination affichée par les responsables
d’identifier les assassins des militants de Bassora.

Hala Kodmani (https://www.liberation.fr/auteur/12540-hala-kodmani)

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