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Célia Gissinger-Bosse
2019/4 n° 68 | pages 57 à 71
ISSN 1297-6628
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https://www.cairn.info/revue-le-sociographe-2019-4-page-57.htm
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Célia Gissinger-Bosse
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« Le héraut : Quel maître en ce pays commande ?
À qui dois-je transmettre les ordres de Créon,
qui règle au pays de Cadmos, depuis qu’Étéocle est tombé
devant le rempart aux sept portes,
sous les coups de son frère Polynice ?
Thésée : Dès le premier mot tu es dans l’erreur, étranger, en cherchant ici
un tyran. Notre ville n’est pas au pouvoir d’un seul homme. — 57
Elle est libre. Son peuple le gouverne. »
Euripide, 1965, p. 563-564.
L
a participation peut être associée à de nombreux enjeux
contemporains souvent contradictoires les uns les autres. Elle est
dans tous les cas un enjeu très actuel d’un point de vue sociétal
et politique. La participation peut à la fois représenter une
réponse à la crise de nos démocraties actuelles et une concurrence à
notre système représentatif et électoral par des « mouvements
protestataires » (Girard et Le Goff, 2010, p. 20). Quoi qu’il en soit, la
participation vient nourrir un idéal du peuple qui se gouverne par lui-
même, tel que le représente ci-dessus Euripide au Ve siècle avant Jésus
Christ.
Maryse Bresson (2014) caractérise la participation sous trois formes :
la participation comme action publique, comme action collective et
comme mobilisation. Ces trois dimensions résument assez bien les
défis de la participation dans le travail social. La première dimension
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participation au-delà d’un cadre législatif ne semble en effet pas faire
l’unanimité. La mise en place des Conseils de la vie sociale (CVS)
pourra alors servir d’exemple significatif. Enfin, la participation en
formation initiale servira de porte d’entrée pour mieux comprendre
les enjeux de la participation dans le travail social. Une enquête par
questionnaire auprès de formateurs dans une école en travail social
servira de point d’appui à l’analyse.
58 —
L’idéal de la participation : est-ce vraiment nouveau ?
Un cadre législatif pas si nouveau
Ce qui caractérise sans doute le mieux la participation dans le travail
social est la notion de paradoxe. L’idée de participation comme idéal
constitue un premier paradoxe, car il est à la fois nouveau et ancien.
La volonté de favoriser la participation dans le travail social n’est de
fait pas nouvelle. Il serait possible d’en trouver les origines dans
l’émergence de la participation comme volonté politique. Nelly
Deverchère souligne à juste titre l’apparition de cette question de la
participation dans la circulaire Orientations principales sur le travail
social le 28 mai 1982 de Nicole Questiaux, ministre de la Solidarité
nationale. On y retrouve ainsi la notion de participation, associée à
celle de citoyenneté, avec la volonté d’associer l’usager à l’action sociale
qui le concerne.
La participation s’inscrit plus fortement avec la loi du 2 janvier 2002
rénovant l’action sociale et médico-sociale, devant aussi bien permettre
la participation des usagers que la prise en compte de leurs besoins
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appréhendée comme une forme d’expertise sur laquelle les institutions
doivent s’appuyer.
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la
participation et la citoyenneté des personnes handicapées, va également
renforcer l’importance de la participation dans le secteur social. La
participation est ici présentée comme la possibilité que doit offrir la
collectivité nationale à toute personne en situation de handicap, le
plein accès à ses droits et à l’exercice de sa citoyenneté. C’est dans cette — 59
perspective que les Maisons départementales des personnes
handicapées (MDPH) ont été créées.
Si ces lois ne suffisent pas, l’État les réaffirme au travers de conseils,
commissions et rapports. Ainsi les Conseils consultatifs des personnes
accueillies ou accompagnées (CCPA) ont été créés en 2010 (1),
sollicitant les associations et les familles des personnes en situation de
handicap. Toujours à titre d’exemple, le Conseil national des politiques
de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale a publié des
« recommandations pour améliorer la participation des personnes en
situation de pauvreté et d’exclusion » le 17 octobre 2011.
Plus récemment, nous pouvons citer le rapport du groupe de travail
rendu par le Haut conseil du travail social (HCTS) sur la
« participation des personnes accompagnées aux instances de
gouvernance et à la formation des travailleurs sociaux. » Il en ressort
des recommandations quant à l’accessibilité aux informations, aux
(1) Un rapport d’évaluation de ces conseils en France a été effectué par ASDO,
Évaluation de la démarche de participation des personnes accueillies ou accompagnées
au sein du CCPA et des CCRPA, DGCS, mars 2015.
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accompagnées, pour la reconnaissance de leurs droits, de leur libre
consentement dans les accompagnements et du respect de leur dignité.
Ceci suppose pour les professionnels d’appuyer les compétences des
personnes plutôt que les manquements, les incapacités. Même si ces
évolutions sont en cours, les travailleurs sociaux n’ont pas attendu la
notion de participation pour penser l’accompagnement dans ce sens.
Le décret du 6 mai 2017 relatif à la définition du travail social englobe
60 — ces différents éléments : « Le travail social vise à permettre l’accès des
personnes à l’ensemble des droits fondamentaux, à faciliter leur
inclusion sociale et à exercer une pleine citoyenneté. Dans un but
d’émancipation, d’accès à l’autonomie, de protection et de
participation des personnes, le travail social contribue à promouvoir,
par des approches individuelles et collectives, le changement social, le
développement social et la cohésion de la société. » (Article. D. 142-
1-1. du décret n° 2017-877 du 6 mai 2017).
Notre activité de formatrice, aussi bien en formation initiale qu’en
formation continue, permet globalement de constater que les notions
d’autonomie, de compétences, de besoins et d’implication des
personnes dans les dispositifs se constatent chez l’ensemble des
travailleurs sociaux que nous avons pu croiser. La formation initiale en
est aussi imprégnée, à travers notamment l’enseignement de Carl Roger
sur l’écoute active, les notions de bienveillance, bientraitance,
d’inclusion, d’empowerment et bien d’autres qui participent à favoriser
la reconnaissance et la valorisation des personnes accompagnées, et
finalement leur participation.
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d’autres raisons, que nous allons aborder dans la partie suivante.
des personnes accompagnées dans les dispositifs qui ont été prévus par
la loi.
L’Anesm (2) propose à ce titre un rapport d’évaluation sur ce dernier
point, qui apporte quelques éléments de réflexion intéressants. Si le
projet est louable, sa mise en place concrète dans les établissements
reflète assez bien les difficultés rencontrées pour faire participer les
personnes accompagnées : l’existence d’un décalage entre la légitimité
du discours et la pratique. Le rapport le souligne : « La participation
est un principe ancré dans le discours des directions des établissements
visités. […] Aucun établissement, aucun professionnel rencontré ne
s’oppose à la légitimité de la participation des usagers. » (Hervy et
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Magnier, 2014, p. 15)
Le paradoxe est significatif entre une idéologie qui fait globalement
l’unanimité et une mise en pratique qui semble nouvelle pour les
équipes. Le rapport souligne que « si la participation est actée dans son
principe, elle se heurte néanmoins aux réalités de terrain. Plusieurs
établissements font part des difficultés grandissantes rencontrées par
les professionnels : enfants de plus en plus “difficiles” en protection de
62 — l’enfance, personnes âgées plus dépendantes en Ehpad, augmentation
du nombre d’usagers avec des troubles psychiques dans tous les
secteurs, etc. » (ibid.)
Si l’idée est bien présente, la méthode pour appliquer la loi fait souvent
défaut. Le rapport pose ainsi une question de fond : « Qu’attend on
des usagers : une information, une consultation ou une participation
effective à l’évaluation interne et à la construction du projet
d’établissement ? » (ibid., p. 18) Faute de pouvoir répondre à ces
questions pourtant importantes, la participation des usagers se traduit
à minima par une consultation pour recueillir un savoir d’usage.
La participation comme co-élaboration, co-construction exigerait une
remise en question profonde de l’organigramme hiérarchique et une
modification des pratiques. Le rapport en donne une illustration
lorsque « par exemple, cette secrétaire de CVS fait systématiquement
valider par la directrice de l’établissement le compte rendu du CVS,
alors que rien dans les textes ne l’y oblige. Lorsqu’on lui demande
pourquoi, sa réponse est : “Mais c’est parce que c’est la directrice !”. »
(ibid., p. 80)
Ainsi, par manque de méthode, chaque établissement peut appliquer
sa propre conception de cet esprit de la démocratie, en fonction des
conditions réelles de son établissement : « Dans certains établissements,
les usagers élus ont expliqué qu’ils se sont présentés parce que la
direction les avait fortement sollicités. Les professionnels de ces
établissements ont d’ailleurs exprimé les difficultés qu’ils avaient à
mobiliser les résidents » (ibid., p. 21). La participation des usagers est-
elle donc si difficile à mettre en œuvre qu’elle se doit de prendre la
forme d’une injonction ?
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Une participation impossible ?
Ces constats ne se limitent pas au champ du social. Les recherches
effectuées sur les dispositifs participatifs montrent bien souvent leurs
échecs, au-delà de toute bonne volonté. Les études des effets en matière
de démocratie participative, comme nous le disent Loïc Blondiaux et
Jean-Michel Fourniau, sont pourtant multiples : « ils peuvent porter
sur les acteurs au plan individuel, leurs capacités d’agir (problématique — 63
de l’empowerment), leurs opinions, leur niveau d’information ou
d’acceptation de l’autre. Ils peuvent porter enfin sur la décision en
démocratie. » (Blondiaux et Fourniau, 2011, p. 21) Parallèlement à
ces effets, Loïc Blondiaux fait le constat que « dans la pratique, la
plupart des expériences mises en œuvre aujourd’hui en France placent
les habitants auxquels ils s’adressent dans une série de contraintes
doubles qui, au final, justifient leurs déceptions et alimentent leurs
soupçons envers ce type de démarche. On leur demande ainsi de
s’exprimer mais, dès qu’ils le font un peu trop fort, la parole leur est
retirée. » (Blondiaux, 2000, p. 130) Entre volonté et pratique, la
participation dans le travail social semble rencontrer les mêmes limites
que d’autres dispositifs participatifs.
Ainsi, comme d’autres instances participatives, la question de la finalité
des CVS reste entière. Si les travailleurs sociaux s’accordent pour dire
que la participation est une démarche positive, ceci ne répond pas à la
question de la légitimité de cette participation. Vient-elle justifier une
pratique professionnelle, une institution ? Entre lieu de débat, recueil
de plaintes, lieu d’expression… le travail social cherche encore ce que
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Ces décalages peuvent être une traduction des perceptions différentes
des usagers, entre un directeur en protection de l’enfance qui déclare
que « la seule fois où ils s’organisent d’eux mêmes, c’est pour les
fugues » (ibid., p. 81) et un professionnel dans le secteur du handicap
qui observe que « les usagers sont parfois très surprenants. Ils ont par
exemple abordé d’eux mêmes le manque d’accessibilité du livret
d’accueil. » (ibid., p. 84)
64 — Deux conclusions peuvent être tirées de ces quelques constats : la
globale méconnaissance de la mise en œuvre concrète des dispositifs
participatifs et la difficulté parfois à sortir d’une verticalité dans
l’accompagnement. Le premier élément de conclusion permet de dire
que la participation dans le travail social apparait effectivement comme
un nouvel idéal. Cet idéal n’est pas éloigné des valeurs globalement
défendues dans le travail social, mais la mise en place des dispositifs
est très nouvelle pour les institutions. Par conséquent, les risques
peuvent être nombreux : instrumentalisation du public,
bureaucratisation d’un dispositif le rendant inaccessible ou sélectif,
mise en situation difficile pour certains, perte de légitimité…
La seconde conclusion permet de faire de la participation un révélateur
d’un enjeu du travail social. Vouloir faire participer implique de
considérer le participant comme « capable ». Si l’idée parait évidente,
la pratique montre combien cette notion est complexe pour les
différents acteurs : « Aucun usager rencontré, y compris parmi ceux
participant de façon conséquente aux instances, ne parait se sentir
capable, en tant qu’usager, de porter une parole collective, de mobiliser
les autres usagers, sans un appui de la direction ou des professionnels.
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Ces usagers ont besoin d’être rassurés dans leurs compétences » (ibid.,
p. 80).
Cet enjeu n’est évidemment pas nouveau, mais il semble important de
rappeler son actualité. La participation en est une belle occasion. Un
dispositif participatif ne saurait en cela remplacer le travail
d’accompagnement dont les personnes en difficulté ont besoin. C’est
également ce que montre Catherine Bouve et Sylvie Rayna dans le
champ de la petite enfance : « “faire avec”, et non “faire pour”, est bien
une dimension de l’éthique professionnelle liée non seulement à la
dimension de l’accueil des jeunes enfants, mais à la dimension plus
générale du travail social. » (2013, p. 9) En d’autres termes et aussi
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paradoxal que cela puisse paraitre, la participation ne peut se mettre
en place au détriment de l’accompagnement. Par conséquent, « le
besoin d’assistance et de reconnaissance est parfois préalable à toute
forme de participation. C’est le cas de personnes en situation
d’isolement et de vulnérabilité par exemple, qui nécessitent en début
d’accompagnement une prise en charge au sens propre du terme. »
(Ducrettet, 2016, p. 132)
Les enjeux de la participation semblent ainsi à la fois anciens et — 65
nouveaux. Si ce paradoxe pouvait représenter un frein à la
participation, il est aussi possible de reprendre les propos de Michel
Autès pour qui « le paradoxe est le prix de l’efficacité du travail social »
(Autès, 2013, p. 218). En ce sens, la participation en travail social peut
aussi représenter, dans ses échecs et ses réussites tels que l’incarnent les
CVS, cet espace intermédiaire entre la société civile et l’exclusion. La
participation peut produire « à la fois l’assignation à un ordre social et
l’émancipation démocratique des individus et des groupes. » (Bureau
et Sainsaulieu, 2012, p. 13) Tout dispositif participatif ne peut alors
s’envisager comme une fin en soi, mais comme un moyen permettant
aux travailleurs sociaux de mieux remplir leur mission. L’injonction
légale à la participation peut ici trouver une limite, se présentant plus
comme une finalité sans que le moyen ne soit pensé ou questionné.
Comment alors sortir de l’injonction ? C’est ici, à notre sens, que la
formation initiale doit jouer un rôle moteur. La formation des futurs
travailleurs sociaux peut en effet être une occasion de faire de la
participation une pratique effective. C’est ce qui va être traité dans la
dernière partie.
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rendant la formation plus participative pour les étudiants et stagiaires.
Le questionnaire élaboré pour répondre à ces enjeux montre une réelle
volonté de la part des formateurs de faire participer, dont les
nombreuses expériences qui ont pu être menées en attestent (3). Pour
autant, rien n’apparait formalisé dans les formations et la participation
semble dépendre des volontés et projets individuels. La participation
semble ainsi plus découler de la volonté des personnes que d’une
66 — institution.
Ce premier constat se rapproche de la conclusion de la seconde partie,
à savoir le décalage entre une démarche qui favorise la participation et
des dispositifs qui sont globalement inexistants. Le rapport du Conseil
supérieur du travail social (CSTS) fait un constat analogue lorsqu’il
écrit que « malgré tous les apports, il existe encore un écart important
entre le principe de la participation des “usagers” et la pratique »
(rapport du CSTS, 2015, p. 9).
Pourtant, la réforme du 22 aout 2018 des diplômes en travail social
inscrit la question de la participation dans les compétences partagées :
« mobiliser les ressources de la personne et favoriser sa participation »
(arrêté du 22 aout 2018). Le même référentiel de formation réaffirme
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accompagnées au travers de dispositifs participatifs si la participation
des étudiants est rendue compliquée en formation initiale ? N’est-ce
pas justement là que la participation devrait commencer ?
(4) Dans ce souci, il faut souligner le document élaboré par UNAFORIS sur « la
participation des personnes-ressources concernées aux formations à l’intervention
sociale » (septembre 2018). Celui-ci se veut très méthodologique sur l’organisation
de la participation de personnes-ressources en formation.
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s’agisse de “pratique situationnelle”, d’actions collectives,
d’empowerment… » (2011, p. 259)
La participation dans une école en travail social doit être une
opportunité d’enrichir la réflexivité des différents acteurs. C’est
finalement l’élément positif qui est ressorti du questionnaire qui a été
mené. La participation consiste à associer les étudiants et les personnes
concernées à un processus de formation. La volonté, notamment d’une
68 — école, de permettre aux étudiants de se retrouver toutes les semaines
ou deux-semaines en groupe d’analyse de la pratique tout au long des
périodes de stage incite chaque étudiant, en petit groupe, à élaborer
son propre raisonnement, à partir de son expérience individuelle pour
produire un savoir collectif, et à sortir de la seule logique descendante
de la connaissance. C’est pour cette raison que la majorité des écoles
en travail social organisent ces temps de regroupement pour permettre
à chaque futur professionnel d’élaborer sa propre praxis. Ces lieux sont
aussi là pour produire une forme de participation.
Ainsi, en école en travail social, le chantier de la participation apparait
encore à développer. Mais en suivant le raisonnement de Guy
Ducrettet, la démarche expérimentale sur le terrain permettrait de
tester « des réponses sociales concernant des questions publiques. Cette
étape pourrait se constituer par la mise en place d’espaces d’échanges
et de réflexion interinstitutionnels » (Ducrettet, 2016, p. 134). D’autre
part, la démarche expérimentale pourrait être une manière d’éviter le
piège de l’injonction légale à la participation. Si la participation est un
idéal, ou à défaut s’inscrit dans les évolutions du travail social, il semble
plus efficient de susciter l’envie que la contrainte.
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Conclusion
Si la participation peut apparaitre comme un nouvel idéal, encore faut-
il savoir de quel idéal il s’agit. La présente contribution a ainsi souhaité
montrer que la participation prend le risque de devenir à la fois un
processus de subjectivation ou de rationalisation. Si le premier cas entre
en cohérence avec le discours des professionnels et des formateurs en
travail social, la seconde perspective place les dispositifs participatifs
au détriment de l’accompagnement. Le risque est en effet de rajouter
de la technicité dans les différentes organisations prises dans des
injonctions d’efficacité. En ce sens, la participation ne devrait pas avoir
pour finalité d’être efficace ou de produire quelque chose.
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La participation ne peut ainsi ni remplacer les travailleurs sociaux ni
répondre à des injonctions légales. Elle doit se situer, pour reprendre
la distinction aristotélicienne, du côté de la praxis et non de la poïesis.
Tel que le reprend Dominique Fablet, « on distingue
traditionnellement les activités de fabrication, de production d’objets
(poïesis), caractérisées par des visées d’efficacité technique et/ou
stratégique, de celles qui visent autrui comme être autonome (praxis) » — 69
(2004, p. 109). En d’autres termes, la participation comme idéal
pourrait se situer du côté de la praxis, là où le risque d’un nouvel idéal
participatif se situerait du côté de la poïesis.
L’autre enjeu de la participation est de redéfinir la notion d’« usager »,
réflexion déjà engagée (CSTS, 2015), pour quitter définitivement la
verticalité d’un accompagnement. Voici un autre idéal qui n’est pas
nouveau, mais reste pourtant d’actualité.
Célia Gissinger-Bosse est formatrice à l’ESEIS, diplômée d’État
de médiation familiale,
docteur en sciences de l’information et de la communication.
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Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, « Les
démarches de participation citoyenne. Boîte à outils », Paris, Octobre 2017.
En ligne : https://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/fichiers-
attaches/boite-outils-demarches-participation.pdf (consulté le 10/05/2019).