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2-2006
IV.E
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Il existe une procédure permettant au gouvernement de surmonter l’opposition du Sénat à un
projet de loi en le faisant adopter par la seule Assemblée nationale (art. 45 de la Constitution).
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supposée porter sur l’ensemble de la loi et pour tout moyen. Sauf urgence
déclarée, le Conseil constitutionnel a trois mois pour se prononcer.
La loi jugée conforme à la constitution est ensuite promulguée par le
Président de la République. Une loi promulguée ne peut plus être contestée
pour son inconstitutionnalité, ni devant le Conseil constitutionnel, ni devant
une juridiction ordinaire. La situation est d’autant plus insatisfaisante que la
plupart des lois ne sont pas soumises au Conseil constitutionnel, et qu’il y a
même parfois entente entre la majorité et l’opposition parlementaire pour ne
pas soumettre au Conseil une loi à la constitutionnalité particulièrement
douteuse. Les propositions de révision constitutionnelle visant à permettre
aux cours supérieures des deux ordres de juridiction de poser au Conseil
constitutionnel une question préjudicielle sur la constitutionnalité d’une loi
n’ont, jusqu’ici, jamais abouti.
3. Who may challenge tax laws on the basis that they conflict with basic
rights ? If one believes a tax law to violate one’s basic rights, how might one
pursue the challenge ? Describe the available process for challenge,
including whether one must enlist the support of an administrator or
administrative agency in order to advance the challenge
2
Les « lois de pays » adoptées par le congrès de Nouvelle-Calédonie constituent une catégorie
très particulière d’actes administratifs, contestables seulement devant le Conseil constitutionnel (qui
agit alors comme juge administratif). La seule décision rendue à ce titre (décision n° 2000-1 LP du
27 janvier 2000) concernait une loi de pays à caractère fiscal, laquelle n’était contestée que par des
moyens de procédure.
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En France, le contentieux de l’impôt est réparti, selon les impôts, entre les deux ordres de
juridiction, administratif (impôts directs et TVA) et judiciaires (impôts indirects, droits
d’enregistrement et ISF).
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L’existence d’un revenu minimal exonéré en tant que tel4 de l’impôt sur
le revenu (à proprement parler, il s’agit d’une tranche imposée au taux de
0%) n’a jamais été contestée ni n’a eu besoin d’être revendiquée devant le
juge constitutionnel. Dans l’hypothèse où l’établissement d’un taux
d’imposition de base serait envisagé, il serait sans doute possible d’invoquer
le droit à un minimum vital, sur le fondement de l’absence manifeste de
faculté contributive (art. 13 de la Déclaration de 1789), de la garantie
nationale de la sécurité matérielle (alinéa 11 du Préambule de la
Constitution de 1946), ou du droit à la sûreté personnelle (art. 2 de la
Déclaration de 1789). Toutefois, la formulation de l’article 13 de la
Déclaration de 1789, qui insiste sur l’universalité de l’obligation fiscale,
pourrait également être prise en considération.
b) Have there been challenges, whether or not successful, to rate
structures or underlying structures on the ground that they are not
sufficiently progressive relative to income or wealth ? Too progressive ?
La création de la Contribution sociale généralisée (CSG), un impôt
proportionnel sur les revenus (revenus d’activité, revenus du patrimoine,
revenus de substitution) a donné lieu en 1990 à une contestation devant le
Conseil constitutionnel sur le terrain de la violation du principe de
progressivité de l’impôt. Le Conseil constitutionnel (décision n° 90-285 DC
du 28 décembre 1990), tout en se référant à l’article 13 de la Déclaration des
droits de l’homme (répartition de l’impôt en raison des facultés des
citoyens), n’a pas explicitement affirmé le caractère constitutionnel de la
progressivité de l’impôt, renvoyant à l’appréciation du législateur, impôt par
impôt. Toutefois, il a écarté le moyen en considérant, d’une part, que la CSG
se substituait à des cotisations sociales qui n’étaient déjà pas progressives,
et, d’autre part, qu’elle aurait une incidence sur le montant du revenu
imposable à l’impôt sur le revenu, soumis, lui, à un barème progressif. Bref,
malgré le choix d’un taux proportionnel, la CSG aurait quelque chose de
progressif. Il serait cependant hasardeux de conclure de cette position pour
le moins contournée que le Conseil constitutionnel a explicitement validé un
principe de progressivité de l’impôt, compris ici, en tout état de cause,
comme une modalité de réalisation du principe d’égalité des citoyens devant
l’impôt.
La question d’une possible inconstitutionnalité de taux excessivement
progressifs n’a été que rarement soulevée devant le Conseil constitutionnel,
ainsi d’ailleurs que celle du caractère confiscatoire de taux marginaux
excessifs (décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997 : une taxe de 2,5 %
4
Le fait que l’institution d’un taux de base pourrait constituer une atteinte au principe de
progressivité sera traité ultérieurement.
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raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de
traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui
l’établit ». Le principe d’égalité n’est donc violé qu’à deux conditions : la loi
introduit une différence de traitement entre des contribuables se trouvant
dans des situations similaires, et cette différence de traitement n’est pas
justifiée par un motif d’intérêt général en rapport avec l’objet de la loi (ce
qui implique des critères objectifs et rationnels en rapport avec le but visé
par le législateur). Ainsi formulé, le principe d’égalité devant l’impôt (article
13 de la Déclaration de 1789) est une application à un domaine particulier
du principe général d’égalité devant la loi (article 6 de la même
Déclaration). Il semble cependant qu’il soit appliqué de manière particulière.
L’atteinte à l’égalité est le moyen le plus souvent invoqué devant le
Conseil constitutionnel à l’encontre d’une loi fiscale. Les auteurs de la
saisine invoquent généralement la seule différence de traitement à situation
comparable. Ce moyen prospère rarement, soit que la similitude des
situations ne soit pas retenue par le Conseil constitutionnel (exemples : sont
dans des situations différentes : les agriculteurs et les autres catégories de
travailleurs indépendants au regard des plus-values professionnelles (83-164
DC) ; les personnes redevables des CSG sur les revenus d’activité, du
patrimoine, et des produits de placement (90-285 DC ) ; les partenaires
pacsés et les concubins au regard des droits de mutation à titre gratuit (99-
419 DC)), soit que le Conseil considère que le but d’intérêt général
poursuivi par la le législateur justifie un traitement fiscal dérogatoire. Il
semble même que le principe d’égalité devant l’impôt se caractérise ici par
rapport au principe général d’égalité devant la loi par une plus grande
latitude laissée au législateur. Ces dernières années, seules les écotaxes ont
eu quelques difficultés à réussir ce test, le Conseil constitutionnel se
montrant sourcilleux sur la définition donnée par la loi du groupe des
pollueurs taxés (pollueurs exemptés (décisions n° 2002-464 DC et 2003-488
DC) ou non-pollueurs taxés (2000-441 DC)).
L’impôt sur le revenu des personnes physiques est basé, en France, sur
le revenu global du foyer fiscal (couple marié et personnes à charge). L’effet
pénalisant de la progressivité de l’impôt est neutralisé par le mécanisme –
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Il s’agit là d’une présentation très succincte car le mécanisme du quotient familial a été
largement utilisé comme support de diverses politiques familiales (exemple : la bonification d’une
demie-part supplémentaire pour le parent isolé) ou autres (demie-part supplémentaire pour les
invalides de guerre ou civils ou pour les anciens combattants), et a du prendre en compte les
évolutions familiales modernes (partage des parts entre les deux parents en cas de garde alternée).
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Cela arrive, mais assez rarement de manière patente (cf. pour exemple,
l’exonération de l’impôt sur le revenu des primes des médaillés
olympiques). Une disposition dérogatoire au principe d’égalité devant
l’impôt exige l’existence d’un intérêt général suffisant (cf. supra) pour être
reconnue comme constitutionnelle.
10. Other. Are there other characteristics of your national tax system
that protect it from challenge when it conflicts with basic rights ? Other
decisions of courts or agencies that have limited the legislature’s power to
define tax structures, rates or types of tax ?