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MOOC « Les fondamentaux de la

procédure pénale »

L'exercice de l'action publique par le procureur de la République

Marc RIVET
Juge d’instruction

En droit français, le système applicable est celui de l’opportunité des poursuites (opposé à la
légalité des poursuites) qui laisse donc une marge d'appréciation au procureur de la
République. Celui-ci « reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur
donner conformément aux dispositions de l’article 40-1 ».
Si le procureur de la République estime que les faits constituent une infraction dont l’auteur
est identifié et que son adresse est connue, il peut :
 soit classer sans suite, si « des circonstances particulières liées à la commission des faits
le justifient » (I)
 soit mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites (II)
 soit poursuivre (III).

I - Le classement sans suite

Le classement sans suite est la décision par laquelle le procureur décide de ne pas
poursuivre.
Il doit aviser les plaignants et les victimes, si elles sont identifiées, de sa décision en
indiquant les raisons juridiques ou d’opportunité qui justifient le classement sans suite.
Il existe deux catégories de « causes » susceptibles de justifier un classement sans suite :
 les causes objectives ou légales : lorsqu’il n’y a pas d’infraction (défaut d'élément
constitutif ou cause d’irresponsabilité), lorsqu’il existe une cause légale s’opposant aux
poursuites (les faits sont amnistiés, prescrits ou l’auteur est décédé) ou encore lorsqu’il
n’est pas possible d’en découvrir les auteurs ;
 les causes subjectives, qui incarnent plus exactement la notion d’opportunité des
poursuites. Le procureur va alors apprécier plusieurs éléments, tels que la gravité du
préjudice subi ou du trouble causé à l’ordre public, la personnalité de l’auteur présumé.
La décision devra être motivée.

Le classement sans suite n'est pas une décision juridictionnelle définitive et n’a donc pas
l’autorité de la chose jugée. Si le procureur reçoit de nouvelles informations « il peut, jusqu’à
l’expiration du délai de prescription, revenir sur son appréciation et exercer des poursuites ».

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Il existe un recours contre la décision de classement sans suite au profit des personnes qui
ont dénoncé les faits. Ce recours hiérarchique est formé devant le procureur général qui a
deux choix : soit enjoindre au procureur de la République d’engager des poursuites, soit
décider que le recours est infondé. Il s’agit donc d’une décision administrative et non
juridictionnelle.

II - Les alternatives aux poursuites

Nous devons distinguer le classement sous condition (A) de la composition pénale (B)

A - Le classement sous condition


Le classement sous condition suit la procédure du classement sans suite, mais… sous
condition. Le procureur de la République peut décider de mettre en œuvre une ou plusieurs
mesures alternatives s’il estime qu’elles sont susceptibles « d’assurer la réparation du
dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de
contribuer au reclassement de l’auteur des faits ». L’alternative est décidée avant la décision
sur l’action publique, si bien que le procureur pourra envisager par la suite de poursuivre ou
non, notamment en fonction de l’échec ou de la réussite de la mesure choisie.
Le contenu des alternatives est extrêmement varié :
 le rappel à la loi : il s’agit d’un rappel du contenu de la loi violée, de la peine encourue et
du risque de poursuite en cas de réitération,
 l’orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, qui consiste à
l’accomplissement, par l’auteur des faits et à ses frais, d’un stage de citoyenneté, d’un
stage de responsabilité parentale, d’un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage
de produits stupéfiants ou d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière,
 La régularisation « dynamique » d'une situation qui consiste à faire cesser l’état de non-
droit dans lequel se trouve l’auteur des faits : demander un titre de séjour, passer son
permis de conduire, démolir une construction illicite…
 la réparation du dommage causé par l’infraction, qui implique une réparation matérielle
ou pécuniaire du tort causé,
 la médiation pénale n’est possible qu’avec l’accord de la victime ou à sa demande (pour
les victimes de violences conjugales, la médiation n’est possible que si la victime en fait
expressément la demande) ; la mission de médiation doit être confiée à un tiers,
 l’obligation de résider hors du domicile familial et de ne pas y paraître.

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B - La composition pénale
La composition pénale constitue également une alternative à la poursuite. Elle consiste en
une proposition faite par le procureur de la République à un mis en cause qui aura
préalablement reconnu sa culpabilité, et validée par le président du Tribunal auquel cette
proposition sera soumise.
Les mesures pouvant être prises dans le cadre de la composition pénale sont listées à
l’article 41-2 du Code de Procédure Pénale.

III - La décision de poursuivre

Cette décision se décline de plusieurs façons : le procureur peut saisir un juge d'instruction si
des investigations complémentaires lui paraissent nécessaires (A), ou saisir directement la
juridiction de jugement si la procédure est en état d'être jugée (B).

A - La saisine d’un juge d’instruction


L’instruction est obligatoire en matière criminelle, facultative en matière délictuelle et elle
ne peut avoir lieu en matière contraventionnelle que si le procureur de la République la
requiert (Code de Procédure Pénale art. 79).
Le juge d’instruction est saisi par un réquisitoire introductif, acte par lequel le procureur de
la République requiert le juge d’instruction d'informer (c'est-à-dire de diriger une enquête
tendant à la manifestation de la vérité / de « mettre en état » la procédure). Il s’agit d’un
document écrit, daté et signé qui peut être pris contre personne dénommée ou non
dénommée. Il mentionne également la qualification des faits pour lesquels une instruction
est demandée. Le juge d’instruction est saisi in rem, c’est-à-dire uniquement pour les faits
visés au réquisitoire. Par la suite, s’il découvre d’autres faits, le juge d’instruction ne peut
étendre lui-même sa saisine. Il doit demander au procureur de la République un réquisitoire
supplétif venant élargir son champ de compétence.

B - La saisine d’une juridiction de jugement


Trois situations doivent alors être distinguées, le choix du procureur variant en fonction de
l'urgence qui préside au jugement de la procédure.

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1 - Les procédures rapides : comparution immédiate et convocation par procès-


verbal

Les deux procédures, qu’il s’agisse de la comparution immédiate ou de la convocation par


procès-verbal, s’appliquent lorsque les faits sont en état d’être jugés. Elles permettent un
jugement rapide des affaires pénales. Dans les deux hypothèses, la personne poursuivie doit
être au préalable déférée (c'est à dire présentée sous escorte) devant le procureur de la
République. Si la personne était placée en garde à vue, ce déferrement a lieu le jour même
ou au plus tard dans les 24 heures de la fin de la garde à vue. Ce dernier constate l’identité
de la personne, recueille ses déclarations et s’il estime qu’une information n’est pas
nécessaire, saisit le tribunal correctionnel selon l’un des deux modes de saisine. La personne
est informée qu’elle a le droit à l’assistance d’un avocat. Ce dernier peut consulter le dossier
et si la personne déférée n’a pas souhaité être assistée d’un avocat, elle peut également
consulter le dossier. Dans les deux procédures, la victime doit être avisée « par tout moyen »
de la date de l’audience.
Sont exclus de ces procédures les mineurs ainsi que les délits de presse, les délits politiques,
les crimes et les contraventions.
Elles concernent donc principalement les délits de droit commun mais sous certaines
conditions : si l’infraction est un délit flagrant, cette procédure peut être appliquée si la
peine encourue est un emprisonnement « au moins égal à six mois ». Dans les autres cas, la
comparution immédiate est possible uniquement pour les délits punis d’un emprisonnement
d’au moins deux ans.
Le prévenu doit être jugé « sur le champ » puisqu'il est retenu « jusqu’à sa comparution qui
doit avoir lieu le jour même ». Il faut distinguer deux situations : si la réunion du tribunal est
impossible le jour même, le procureur de la République peut soit laisser l’individu en liberté,
soit le traduire devant le Juge des Libertés et de la Détention pour que soit ordonné son
placement en détention provisoire. La privation de liberté ne pourra toutefois pas excéder
3 jours puisque « le prévenu doit comparaître devant le tribunal au plus tard le troisième jour
ouvrable suivant ». À défaut, il sera remis en liberté d’office. Si la réunion du tribunal est
possible le jour même, le prévenu ne peut être jugé le jour même qu’avec son accord, en
présence de son avocat. S’il ne consent pas ou si l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le
tribunal renvoie le procès à une prochaine audience qui doit avoir lieu dans un délai qui ne
peut excéder 4 mois. Le tribunal peut alors placer ou maintenir le prévenu en détention
provisoire ou sous contrôle judiciaire.
La convocation par procès-verbal est préférée par le procureur de la République lorsqu’il
pense que l’intéressé peut être laissé en liberté. Toutefois, s’il l’estime nécessaire, il peut
traduire le prévenu devant le Juge des Libertés et de la Détention qui pourra décider de le
soumettre à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou l’assigner à résidence avec

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surveillance électronique.
Cette procédure peut être mise en œuvre pour tous les délits, quels que soient la nature et
le quantum de la peine encourue.
La convocation par procès-verbal consiste, pour le procureur de la République, à inviter le
prévenu à comparaître devant le tribunal « dans un délai qui ne peut être inférieur à
10 jours, sauf renonciation expresse de l’intéressé en présence de son avocat, ni supérieur à
2 mois ».

2 - Les procédures ordinaires

À la différence des procédures rapides, les procédures ordinaires ne sont pas soumises à des
contraintes de délai. Ces procédures sont applicables en matière délictuelle et
contraventionnelle .
La convocation doit énoncer le fait poursuivi, le texte qui le réprime, le tribunal saisi, le lieu,
la date ainsi que l’heure de l’audience. Elle doit préciser que le prévenu peut se faire assister
d’un avocat.

3 - La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC)

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité permet au procureur de la


République de proposer à la personne qui a reconnu les faits une peine qui, si elle l’accepte
et que le président du TGI l’homologue, emporte les mêmes conséquences qu’un jugement
de condamnation. Le recours à la procédure de CRPC n’est possible qu’à 3 conditions :
 il faut que la personne ait reconnu les faits qui lui sont reprochés ;
 il faut que la personne soit majeure ;
 il faut que la personne soit soupçonnée d’avoir commis un délit, à l’exclusion des
atteintes volontaires ou involontaires à l’intégrité des personnes et des agressions
sexuelles, des délits commis par les mineurs, des délits de presse, des homicides
involontaires, des délits politiques.

Si la personne accepte la proposition soit immédiatement, soit après le délai de réflexion de


10 jours, elle doit « aussitôt » être présentée devant un juge. Ce dernier doit vérifier la
réalité des faits et leur qualification juridique. S’il décide d’homologuer la proposition, il
prend, le jour même, une ordonnance motivée qui est lue en audience publique. Cette
ordonnance produit « les effets d’un jugement de condamnation » et elle est
immédiatement exécutoire. Si le juge refuse d’homologuer la proposition (doutes sur la
culpabilité de l’individu ou sur la proportionnalité de la peine à l’infraction) ou si l’intéressé

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n’accepte pas la peine proposée, la CRPC échoue et le procureur de la République doit alors
saisir le tribunal correctionnel en empruntant l’une des voies de droit commun (citation
directe, convocation par procès-verbal ou comparution immédiate).

Si la victime de l’infraction est identifiée, elle doit être informée sans délai et par tout moyen
de la procédure de CRPC. Elle est invitée à comparaître lors de l’audience et peut être
assistée d’un avocat, notamment lorsqu’elle entend se constituer partie civile et demander
la réparation de son préjudice.

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