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Serge AKOKA
4. Notions d’interprétation d’un spectre RMN
Jusqu’à présent, nous avons considéré le noyau isolé, sans prendre en compte
l’influence du nuage électronique ou des autres spins de la molécule. Dans ce chapitre,
nous allons décrire comment cet environnement conditionne le spectre en RMN haute
résolution pour des échantillons liquides. Nous considèrerons le cas des spins ½ et plus
particulièrement celui des protons.
σ =σ +σ d p
Pour les orbitales s, à symétrie sphérique, σp est en principe nulle et intervient donc très
peu dans les déplacements chimiques du proton. En revanche, c’est le terme
prépondérant pour des noyaux tels que le 13C, le 19F ou le 15N.
Pour les molécules organiques, l’influence des atomes voisins est transmise par le
squelette de la molécule. Dans le cas de la RMN protonique, c’est donc la densité de
charge du noyau portant le proton qui devient déterminante pour la fréquence de
résonance observée. La modification des groupements présents sur ce noyau induira
donc un changement dans le déplacement chimique observé. L’exemple des
halogénures de méthyle est très significatif. Le tableau 4-1 illustre cette situation.
Figure 4-2 : Anisotropie magnétique du benzène. La circulation des électrons π (trait continu) induit un
champ de réaction (trait pointillé)
De manière générale, tous les groupements qui possèdent des électrons π au voisinage
du proton étudié vont générer de l’anisotropie magnétique. La figure 4-4 donne un
exemple d’anisotropie sur des molécules comportant une liaison multiple.
Figure 4-4 : Exemple d’anisotropie sur des systèmes comportant une triple liaison CC.
Les zones (+) sont propices au « blindage » alors que les zones (−) favorisent un « déblindage ».
L’amplitude des effets de l’anisotropie s’atténue lorsqu’un proton est plus éloigné des
liaisons multiples. Ainsi, les protons qui se trouvent sur des ramifications liées à un cycle
aromatique seront peu influencés par l’anisotropie, à mesure que la chaîne carbonée
s’allonge.
Dans ce cas, les déplacements chimiques sont identiques et le couplage entre les deux
sites, s’il existe, est invisible sur le spectre.
* Enantiotopie
Des noyaux (ou groupes de noyaux) sont dits énantiotopiques s’ils sont
interchangeables par une opération de rotation suivie d’une réflexion :
Dans ce cas, les déplacements chimiques sont différents et le couplage entre les deux
sites, s’il existe, est visible sur le spectre.
Figure 4-9 : Spectre résultant de deux spins A et X ayant des déplacements chimiques différents et
couplés entre eux avec la constante J.
Figure 4-10 : Massif d'un proton A en interaction avec deux autres protons. (a) Les constantes de
couplage avec les deux protons X et Y sont différentes ; le massif est un doublet de doublets. (b) Les
constantes de couplage avec les deux protons X1 et X2 sont identiques ; le massif est un triplet.
Lorsque les deux protons couplés à A (que nous appellerons maintenant X1 et X2) ont la
même constante de couplage : JAX = JAX1 = JAX2 , les deux raies centrales se superposent
ce qui conduit à un triplet dont les intensités relatives sont 1-2-1 (Figure 4-10b). C'est
généralement le massif observé lors du couplage aux deux protons d'un CH2 par
exemple.
Lorsque trois protons sont couplés au noyau A le massif est un doublet de doublets de
doublets, soit huit raies au total. Mais si les trois constantes de couplage sont identiques
(couplage à un CH3 par exemple), alors de nombreuses superpositions se produisent et
le massif observé est un quadruplet : quatre raies dont les intensités relatives sont
1-3-3-1.
De façon générale, on peut dire que dans le cas du couplage à n protons avec la même
constante de couplage : le massif observé est un multiplet de n + 1 raies dont les
intensités relatives sont données par le triangle de Pascal (Tableau 2-2) ou les
coefficients du binome. De plus, ces raies sont séparées d'un même facteur J, appelé
constante de couplage, exprimée en Hz, et indépendant du champ B0.
Nb de voisins
Intensités relatives Multiplet
identiques
0 1 singulet
1 1 1 doublet
2 1 2 1 triplet
3 1 3 3 1 quadruplet
4 1 4 6 4 1 quintuplet
Figure 4-11 : Spectre RMN proton de (CH3CH2)2O. Pour chaque raie, les lettres grecques indiquent les
combinaisons possibles pour les états de spins des protons du groupement voisin (responsable de la
démultiplication du massif)
Figure 4-12 : Gammes (Jab) et valeurs typiques (Jab Typ) des couplages proton-proton pour différentes
situations rencontrées dans les composés organiques.
Ainsi, les couplages entre les protons portés par deux carbones voisins, se font par le
biais de 3 liaisons chimiques, ils sont notés 3J. Sur une molécule sans insaturation, ils
ont généralement des valeurs comprises entre 6 et 8 Hz. Par contre, dans ce cas, les
couplages 4J sont trop petits pour être observés.
Dans cette relation, les coefficients A, B et C dépendent des noyaux présents entre les
deux protons et les autres substituants.
Figure 4-14 : Niveaux d’énergie magnétique nucléaire pour un système à deux pics ; (a) J = 0 et (b) J ≠ 0.
u
Iint = I0 .1 +
1 + u2
et :
∆ν' = ∆ν2 + J2 = ∆ν. 1 + u2
Dans le cas extrême où ∆ν = 0 (u = ∞), c'est-à-dire de spins couplés entre eux ayant le
même déplacement chimique, les équations ci-dessus conduisent à :
Figure 4-15 : Influence du rapport u = J sur l’allure du spectre d’un système de deux spins ½ couplés.
∆ν
Figure 4-16 : Section d’un spectre RMN avec sa courbe intégrale ; les ∆hi sont proportionnels aux aires
des massifs correspondants.
Si par contre on étudie un mélange de molécules, l’aire des pics ne sera plus seulement
proportionnelle au nombre de noyaux qui résonnent par molécule mais aussi à la
concentration. La RMN permet ainsi de caractériser la composition d’un mélange.
Afin de mesurer l’aire des pics sur un spectre RMN, on trace généralement des courbes
d’intégration, dont la hauteur est proportionnelle à l’aire du pic (figure 4-16)
Figure 4-17 : Diméthylformamide ; les deux sites méthyles échangent leurs positions du fait de la rotation
autour de la liaison CN.
Pour illustrer l’impact sur la forme de raie, nous allons considérer un système constitué
de deux sites A et B dont les fréquences de résonance sont différentes, qui ont le même
nombre de spins et qui sont en échange à la fréquence νe. Cette situation correspond,
par exemple, à l’échange des deux sites méthyles du N,N’-diméthylformamide par
rotation autour de la liaison CN (figure 4-17). Du fait de l’échange, les spins vont
prendre alternativement les deux fréquences νA et νB. La vitesse moyenne à laquelle
cette alternance va s’effectuer conditionne la forme du spectre obtenu.
Sur la figure 4-18, nous avons représenté les FID correspondant à deux sites
moléculaires A et B, ainsi que la somme de ces deux signaux, en fonction de la
fréquence d’échange. Dans cet exemple, les fréquences dans le référentiel tournant ont
été prises à νA = 0 Hz et νB = 20 Hz respectivement. Lorsque la fréquence d’échange
est inférieure à deux fois l’écart en fréquence entre les deux sites (∆ν = 20 Hz), le FID
résultant est identique à celui qui est obtenu en absence d’échange (νe = 0 Hz). En
revanche, lorsque la fréquence d’échange est supérieure à 2∆ν, le FID résultant
correspond à une fréquence moyenne νi (ici 10 Hz). Le signal d’un site unique de
fréquence 10 Hz est représenté en bas à droite de la figure 4-18 pour comparaison).
Figure 4-19 : Evolution de la forme de raie en fonction de la vitesse d’échange pour un système à deux
sites également peuplés.
Bien évidemment, tout ceci peut être calculé de manière formelle à partir des équations
de Bloch en incorporant un terme supplémentaire qui prend en compte les flux
d’aimantation dus à l’échange. Ainsi, pour l’équilibre :
R= k 2 − π2 . ∆ν 2
Si l’échange est rapide, une seule raie sera observée à une fréquence νobs moyenne
donnée par :
[A ]eq .ν A + [B]eq .νB ν A + K.νB
νobs = =
[A ]eq + [B]eq 1+ K