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L’ECOUTE

Dr Ibrahima NDIAYE
Assistant-chef de clinique Psychiatrie
I. Définitions
• L’écoute qui est un mot dérivé du verbe écouter qui est le fait
d’être attentif à un bruit, à un son, à de la musique... les
entendre volontairement.
• Ecouter, c’est prêter attention à ce que quelqu’un dit pour
l’entendre et le comprendre. C’est aussi accepter d’entendre
ce que quelqu’un dit, tenir compte de ce que quelqu’un dit.
• Dans le domaine médical et psychologique, l’écoute devient la
qualité de quelqu’un qui sait écouter les autres et dégager le
sens latent d’un énoncé.
II. Pourquoi l’écoute?
•Nous pourrions penser que la notion d’écoute constitue un effet
de mode. « Je me suis senti écouté cette fois ! », « il faut rester à
l’écoute des clients… »
• Partout sont mis en place des systèmes divers pour recueillir ce
que l’autre dit, pense, sent, vit…
•En médecine, l’écoute est fondamentale et constitue l’élément
capital de la relation médecin-malade et au-delà de la relation
soignant-soigné.
II. Pourquoi l’écoute?
• Cette relation a comme point de départ la demande d’un sujet
souffrant adressée à un sujet disposant d’un savoir dont il
attend guérison ou du moins soulagement, aide et protection.
• Le soignant doit donc entendre et comprendre la souffrance
du soigné et l’aide qu’il attend. Il ne s’agit pas d’écouter
simplement son discours mais comprendre ce qu’il veut dire.
• En somme saisir dans un discours le dit et le non dit. Il faudra
aussi analyser globalement ce qui est communiqué
verbalement et non verbalement c'est-à-dire l’expression
faciale, corporelle…
III. L’attitude intérieure d’écoute
L’écoute va reposer sur 3 facteurs :
La volonté
La patience
La curiosité
La volonté
•Pour écouter il faut le vouloir. L’écoute est une démarche
volontaire et un engagement personnel. Elle consiste à
s’informer, vérifier, questionner, observer, sonder, négocier. Le
plus important ici est l’implication personnelle dans la manière
d’écouter.
•Devant un patient certains gestes, mimiques, attitudes
dénoterons notre volonté ou non de l’écouter:
- Lorsque le soignant pose des questions en étant debout à
l’entrée du bureau sans laisser entrer le patient
La volonté
- Lorsque le soignant scrute sa montre
- Lorsque le soignant passe en appel téléphonique
- Lorsque le soignant baille ou se plaint d’être fatigué
- Lorsque le patient se plaint d’être en retard pour autre chose
Il faut savoir qu’écouter s’apprend, s’éduque, se travaille.
La patience
• Donne à l’écoute toute sa richesse et sa profondeur. Elle
devient un atout majeur dans un monde où tout va trop
rapidement.
• Ecouter demande du temps, respecter les silences. Il faut
éviter de couper la parole, de poser trop de questions sans
laisser à l’autre le temps d’analyser ses doutes, d’élaborer sa
réflexion avant de s’exprimer.
• Parfois nous nous écoutons plus nous même que nous
n’écoutions l’autre, ce qui nous rend impatient.
La curiosité
• Dans ce contexte, la curiosité centrée sur le discours, la
souffrance et le vouloir du patient n’est pas un vilain défaut.
• La curiosité est une ouverture d’esprit dans ce cas qui nous
amène à saisir les nuances en voulant toujours mieux
comprendre.
• Des techniques comme la reformulation y aident : « si je vous
entends bien, vous voulez dire que… » offrant ainsi la
possibilité à l’autre de nous rectifier, de nous faire évoluer
avec lui.
IV. Les dimensions de l’écoute: dit et non-dit
• Les mots offrent de nombreux avantages comme nommer les
choses, les rendre intelligibles. Néanmoins, trop se concentrer
sur les mots, nous fait écouter ce qui est dit et non saisir ce
que ressent le patient.
• C’est souvent dans le non-dit que se cache l’essentiel ou ce qui
va nous permettre de vraiment comprendre ce que veut dire
notre interlocuteur.
• Parfois, une mimique vaut bien un long discours et nous
confirme dans l’idée que l’autre ne nous dit pas ce qu’il pense.
IV. Les dimensions de l’écoute: dit et non-dit
• Plusieurs facteurs vont influer le discours produit. Dans la
rencontre avec le soignant, le soigné a « appris » le bon
discours à délivrer au médecin : « Il faut être sérieux devant le
médecin et dire clairement où on a mal car il n’a pas de temps
à perdre. »
• Le patient aussi a souvent des informations sur le médecin
qu’il va voir, ce qu’il aime, ce qu’il déteste, ses humeurs …
IV. Les dimensions de l’écoute: dit et non-dit
• Tout ceci va entraîner une sélection pour une construction
d’un bon discours qui peut amener le médecin à côté de la
véritable souffrance du patient.
• Parfois, le mal de tête de la première consultation peut
devenir une tristesse non maîtrisable ou un sentiment de peur
diffus à la 3ème consultation.
• Ecouter sera donc percevoir et entendre, retrouver des
sensations. Il faudra donc développer quelques réflexes de
bases : observer, sonder, creuser, vérifier.
IV. Les dimensions de l’écoute: dit et non-dit
 Observer
 Sonder
 Creuser
 Vérifier
Observer
• Correspond à noter les signes produits en plus des mots :
l’apparence physique, les sourires, les yeux, les regards,
l’intensité de la voix, le débit, la tonalité, les postures…
• Le but n’est pas de cataloguer ou de juger mais de suivre notre
instinct pour trouver la clef qui nous permettra de pénétrer
dans l’univers de l’autre. Observer, c’est réapprendre à
écouter avec ses yeux
Sonder
• Nous pouvons utiliser notre sonar personnel pour sonder et
orienter nos sensations.
• Nous apprenons pleins de choses en ne parlant de rien. Sonder
c’est sentir l’état d’esprit de notre interlocuteur pour adapter
notre approche et en tenir compte. Sonder, c’est réapprendre
à sentir les choses.
Creuser
• La psychologie compare l’être humain à un iceberg : 90% du
volume d’un iceberg est invisible.
• Cette comparaison traduit l’idée que l’inconscient a une part
considérable dans nos actions.
• Cette image de l’iceberg nous amène à creuser le non-dit et les
sous entendus dans un discours.
• La relance sous forme de : « c'est-à-dire… » ouvre des portes
insoupçonnées. Creuser demande du tact et du temps.
Vérifier
• Le langage est souvent source de malentendus.
• Nous sommes tellement convaincus d’être sur la même
longueur d’onde que nous ne prenons pas le temps de vérifier
si nous parlons bien la même langue.
• L’un ou l’autre peut avoir le réflexe de clarifier la situation.
Vérifier
• Vérifier, c’est valider la qualité de notre interprétation. C’est
une preuve d’écoute car nous faisons l’effort de traduire ce
que ressent l’autre au-delà des mots.
• C’est un exercice d’équilibriste car il exige brièveté et fidélité.
Brièveté parce qu’il s’agit de relancer le dialogue en montrant
à l’autre que nous comprenons son cheminement de pensée.
• Fidélité parce qu’il faut retraduire l’essentiel au-delà des mots
pour qu’il valide notre « traduction personnelle » sans pour
cela faire du mot à mot.
V. Education à l’écoute
 L’écoute n’est pas naturelle. Nous apprenons avant tout à se
protéger de l’autre. Nous écoutons non pour comprendre mais
pour préparer notre défense.
 Notre écoute est alors plutôt défensive. Une confusion naît
entre écouter, comprendre et accepter.
 Pour beaucoup, écouter signifie se soumettre alors qu’il s’agit
d’être attentif à l’autre pour comprendre sa vision des choses.
L’écoute exige alors un effort sur soi pour aller au devant de
l’autre.
V. Education à l’écoute
Il faut donc s’y éduquer afin d’y arriver. L’écoute peut même
être considérée comme une affaire de spécialiste.
Les principaux freins à une bonne écoute peuvent être liés à
nous-mêmes, à notre interlocuteur ou à l’environnement.
Ceux qui viennent de nous-mêmes ou de
l’interlocuteur sont :
L’état d’esprit au moment du dialogue:
- Notre état affectif agit comme un filtre déformant et nous
pousse à ramener les choses à nous. Certaines personnes ne
peuvent pas imaginer qu’il existe d’autres « vérités » que les
leurs. Ils ne détiennent pas une vérité mais La Vérité. Pour
écouter, il faut de l’humilité et de la tolérance.
Les a priori
- Sont de toutes sortes : sexe, groupe d’appartenance,
stéréotype sont déterminant au démarrage d’une relation.
Ceux qui viennent de nous-mêmes ou de
l’interlocuteur sont :
Le procès ou crédit d’intention
Le langage
-Entre les différents jargons, le langage devient un barrage de
plus à franchir pour une écoute mutuelle.
-Se définir un langage commun ou vérifier que l’on parle la
même langue devient maintenant une obligation.
Le fait de couper la parole
Ceux qui viennent de nous-mêmes ou de
l’interlocuteur sont :
 Les « oui, mais… »
 La préparation de sa réponse pendant que l’autre parle
 Les interprétations selon son « cadre de référence »
 Les signes d’impatience
Ceux qui viennent de nous-mêmes ou de
l’interlocuteur sont :
Les préoccupations personnelles
Le stress
Le manque d’entraînement…
Ceux qui peuvent venir de l’environnement
 Le moment
 Le lieu
 Le positionnement de l’un par rapport à l’autre
 La période
 La durée
 Le contexte…
VI. La non-directivité et l’empathie ;
• Les techniques non-directives sont des approches qui
manifestent un respect et une confiance chaleureuse envers
l’autre pour qu’il brise ses défenses et s’exprime librement.
• Etre non-directif ne veut pas dire être inactif ou non-impliqué.
Rogers préfère l’expression «être centré sur le patient ».
• Correspond à aider l’autre à progresser en reformulant les
sentiments qu’il ressent au-delà de son discours.
• Les contenus émotionnels d’une situation sont plus importants
que les contenus intellectuels.
VI. La non-directivité et l’empathie
•L’important se situe non dans ce que l’autre dit, mais dans ce
qu’il vit.
•L’empathie est définie comme la faculté de s’identifier à
quelqu’un, de comprendre la personne dans ce qu’il est.
•L’empathie exige un effort sur soi pour se décentrer vers l’autre
en se polarisant sur ce qu’il vit plus que sur ce qu’il dit.
VII. L’écoute dans un entretien
• Un entretien est une situation qui met en présence deux personnes
avec un objectif donné. L’écoute y est multiforme. Elle prend des
aspects très différents selon l’objectif poursuivi. Pour un thérapeute,
l’écoute est avant tout orientée sur le vécu de l’individu. L’écoute sera
empathique et l’approche non directive.
• Dans le contact nous pouvons avoir des attitudes d’écoute et de non-
écoute qui se côtoient. Nos attitudes dans l’échange sont inconscientes,
spontanées et ne correspondent pas aux attentes de l’autre. Du coup,
notre interlocuteur réagit à travers des mécanismes de défense qui
peuvent biaiser l’entretien.
VII. L’écoute dans un entretien
Pour améliorer l’écoute, il est important de respecter certaines
étapes dans un entretien:
-Se préparer pour être disponible : planifier les moments
d’écoute pour se rendre pleinement disponible
-Personnaliser : créer des liens, se détendre, baisser la garde et
créer un climat favorable à l’échange.
VII. L’écoute dans un entretien
-S’engager : se positionner nettement et être clair sur ses
intentions. C’est le plus sûr moyen pour que l’autre s’engage
-S’adapter : développer sa flexibilité, sa souplesse. Elle traduit la
capacité à tenir compte de la personnalité de l’autre. Ceci
s’approche de l’attitude d’empathie de Rogers.
- Décider : conclure, concrétise quelque chose : un accord, un
désaccord ou une décision. La conclusion d’un entretien est une
étape-clef. Dégager l’essentiel des échanges pour éviter tout
malentendu.
Conclusion
• L’écoute ne se limite pas à entendre des mots mais dans une
relation thérapeutique à saisir les émotions, le vécu de l’autre.
• L’écoute n’est pas naturelle et peut être biaisée par des
attitudes défensives de part et d’autre.

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