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DE FORMATION INTERNE
L’épreuve subjective du travail prescrit dans l’institution
Catherine Langlois
© Martin Média | Téléchargé le 28/12/2020 sur www.cairn.info par atangana audrey via Université Yaoundé 2 (IP: 212.71.253.194)
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Martin Média | « Travailler »
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Catherine LANGLOIS
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Résumé : À partir de son vécu professionnel d’une vingtaine d’années
au sein de Pôle Emploi (ex-Anpe), l’auteure, formatrice-psychologue
clinicienne, analyse les effets psychiques de la déshumanisation de
l’institution sur ses acteurs. Elle utilise aussi son expérience subjec-
tive pour démontrer comment l’institution, dont la tâche primaire est
d’aider les demandeurs d’emploi à retrouver du travail, reproduit dans
son fonctionnement le symptôme d’exclusion qu’elle est censée traiter.
Avec l’augmentation du chômage dans les années 1990, l’institution
subit une pression quantitative croissante. Elle contraint les conseillers
à recevoir les demandeurs d’emploi sur le flux, dans une organisation
centrée sur des actes opérationnels, au détriment de l’écoute des usa-
gers. En transformant la nature de la tâche primaire de l’institution,
la fusion entre l’Assedic et l’Anpe en 2009 provoque un délitement de
leurs liens collectifs, creusant encore davantage l’écart entre la tâche
prescrite et le travail réel des agents, notamment au sein du service de
formation interne où elle a travaillé. Au-delà des dysfonctionnements
organisationnels, cet article analyse aussi le mal-être au travail sous
l’angle des liens inconscients qui relient les sujets de l’institution.
L
e compte à rebours avait commencé : dans un an, j’allais quitter
la fonction de formatrice interne à « Pôle Emploi » (ex-Anpe)
que j’avais exercée depuis une quinzaine d’années. Avant de
partir à la retraite et tourner une page professionnelle de plus de vingt
ans dans l’institution, j’avais besoin de revisiter mon parcours, pour
comprendre le mal-être au travail que je vivais dans mon service.
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à des ressentis difficiles à appréhender.
Depuis la fusion entre l’Anpe (Agence nationale pour l’emploi) et
l’Assedic (Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce), le ser-
vice de formation interne s’est trouvé directement exposé aux changements
institutionnels. L’appareil de formation est devenu un relais de transmission
du discours institutionnel, les contenus formatifs se sont centrés sur l’idée de
« métier unique » voulu par la réforme, sans prise en compte de leur com-
plexité réelle. Cette évolution n’ayant pas été pensée par l’institution, tout
questionnement sur le sens de l’action a été écarté, et la situation est restée
figée dans le service de formation. Au moment où l’histoire institutionnelle
exigeait un travail d’accompagnement du personnel, les formateurs se trou-
vaient disqualifiés dans leur parole, leur désir, leur identité et leur pratique.
De plus en plus rigide, l’organisation du travail tendait à les diviser et à les
isoler, afin que la pensée véhiculée par leur fonction n’entre pas en concur-
rence avec le pouvoir institutionnel. La perte qualitative (et quantitative) de
leur travail avait aussi transformé les relations professionnelles, mais aussi
le fonctionnement groupal du service (dont l’existence n’était pourtant pas
menacée).
Affectée par cette impasse professionnelle, je me suis interrogée sur
ses causes profondes, mais aussi sur mes propres réactions d’impuissance
dans ce contexte. Pour comprendre ce malaise professionnel, j’ai eu besoin
d’analyser l’évolution de mon vécu professionnel, tout au long de mon
parcours dans l’institution 1.
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d’orientation. Anxieuses, elles attendaient le moment où elles présenteraient au
groupe une image qui parlerait d’elle : la racine d’un arbre, un soldat, des rails de
métro, l’envol d’un oiseau, un vieillard… Le processus mis en œuvre dans cette
séquence de démarrage les préparait au choix plus décisif d’un projet profession-
nel en fin de stage. J’observais, à travers leur attitude, la force de leur détermina-
tion à trouver leur place dans la société. En cinq semaines, je les voyais se méta-
morphoser grâce aux exercices proposés. Les stagiaires retrouvaient souvent du
travail à l’issue du stage, défiant ainsi toutes les études sur l’employabilité des
chômeurs de longue durée…
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trouvait ainsi sa justification professionnelle, les raisons qui m’ont amenée
à rester si longtemps dans l’institution ont été plus inconscientes.
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préhensible, ce support était désormais inutilisable. À l’image de ce panneau, le
système institutionnel construit dans les années 1970 allait être détruit par une nou-
velle organisation du travail qui devait absorber l’augmentation rapide du chômage.
Jusqu’alors spécialisés sur la demande ou sur l’offre, les conseillers allaient deve-
nir polyvalents et tourner sur des postes de travail. En transformant les métiers de
conseillers en travail posté, ce changement allait réduire définitivement les zones
d’incertitude au sein de l’organisation, et les marges de manœuvre des agents dans
l’exercice de leur travail.
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bution symbolique pour la qualité de son travail. Source de motivation et
de productivité, cette reconnaissance lui permet de se sentir utile sociale-
ment. Dans ce contexte, je me suis retrouvée dans une position d’enfant
face à l’institution « toute-puissante ». J’avais aussi l’impression de perdre
toutes mes compétences, dès l’instant où je n’étais plus sollicitée pour
créer, réfléchir dès l’instant où mes ressentis n’étaient pas les bienvenus,
où l’on me demandait d’exécuter des tâches inutiles, sans possibilité de
les faire évoluer. Mon lien avec l’institution s’est sans doute tissé à ce
moment-là : une lutte permanente contre une organisation qui s’employait
à rendre impossible la relation d’aide aux usagers, et me déniait en tant que
sujet dans l’exercice de mon travail.
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une bonne partie de sa journée devant le panneau des offres sans jamais postuler
à aucune… Voyant mes difficultés à monter un dossier de financement pour une
formation, un demandeur d’emploi m’avait même dit « qu’il fallait être réaliste
et renoncer ! ». Je me souviens aussi d’une collègue qui sortait une bombe insec-
ticide après chaque entretien en répétant « qu’il ne s’agissait pas d’entretiens de
conseil… »
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tionnelle, provoquant un enchaînement d’autres ruptures. Le sujet en situa-
tion d’exclusion ne trouve plus dans l’environnement les sécurités de base
pour maintenir un sentiment de continuité de soi. Il devient vulnérable,
intériorise une image négative de lui-même. Ce processus engendre aussi
des mécanismes de défense comme la résistance, l’adaptation ou l’instal-
lation dans la situation, avec une modification du rapport aux normes, et
la croyance « qu’il ne peut en être autrement ». L’environnement n’étant
plus en mesure d’assurer les sécurités de base, il se coupe de l’expérience
éprouvée pour assurer sa survie psychique 3.
La conduite des entretiens avec des personnes en souffrance sociale
ne pouvait aussi se réduire à une simple exécution d’une prescription. La
tâche (les objectifs à atteindre) était ici bien différente de l’activité (ce que
réalise concrètement le sujet pour y parvenir). Dans ces entretiens, je me
sentais totalement impuissante à aider les personnes les plus démunies.
Happée par les procédures administratives, je comprenais qu’il ne s’agis-
sait pas ici de les aider, mais d’obéir au pouvoir politique qui trouvait dans
ces procédures un moyen artificiel de baisser les chiffres du chômage. En
perdant ainsi le pouvoir sur mes actes, je ressentais aussi une grande frus-
tration à ne pouvoir faire mon travail de conseiller à l’emploi.
Conçue pour alimenter les statistiques nationales à travers la saisie des
données, l’organisation du travail me contraignait ainsi à « accepter l’inaccep-
table » : la privation de mes compétences et de ma créativité en participant à
un mensonge. Mal à l’aise dans un contexte qui me laissait si peu de marge
de manœuvre, j’ai saisi l’opportunité d’une mise à disposition dans un centre
de bilan de compétences qui allait me dégager pendant un temps du travail
3. Face à ces processus d’exclusion, l’accompagnant doit aussi être en capacité de se mettre
à la place du sujet pour lui restituer un sens, avoir une considération positive absolue, ne
pas se laisser entraîner par l’obstination du précaire à se dévaloriser. J. Furtos, 2011, « La
précarité et ses effets sur la santé mentale », Le Carnet psy, n° 156 : 29-34.
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La déshumanisation de l’institution
Avec l’augmentation brutale du chômage en 1994, la réception sur le
flux et le contrôle de la recherche d’emploi avaient totalement déshumanisé le
métier de conseiller. Chargée par son ministère de produire les statistiques du
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chômage, l’institution subissait des pressions de plus en plus fortes en termes
d’objectifs quantitatifs. Elle s’était ainsi enfermée dans une organisation
toute-puissante et procédurale centrée sur des actes opérationnels, des procé-
dures lourdes et complexes, réduisant toute écoute de la souffrance sociale du
chômage. Considérés avant tout comme des acteurs économiques soumis aux
lois du marché, les demandeurs d’emploi étaient aussi contrôlés pour leurs
« actes positifs » de recherche d’emploi, sans écoute de leur véritable projet.
Ils étaient reçus dans un box après deux heures d’attente. En quelques
minutes, le conseiller devait consulter sur l’écran le dossier prérempli et saisir les
incontournables données informatiques : « l’emploi-métier et son code de valida-
tion », « les compétences techniques de base », l’action adaptée, sa prescription,
les conclusions… Les entretiens d’inscription se réalisaient à la chaîne sur le flux,
pendant que les files d’attente s’allongeaient. Munis du « guide de préparation à
l’entretien », les demandeurs d’emploi se succédaient, mécontents d’avoir attendu
pour un entretien aussi court et purement administratif. Sans espace confidentiel, les
agents inscrivaient toutes les vingt minutes, les unités centrales tournaient à plein
régime, la moindre pause augmentait le flux, au risque de créer un esclandre dans le
hall d’accueil. Et toujours les mêmes questions fermées : quel emploi recherchez-
vous, avez-vous refait votre cv, avez-vous ciblé vos entreprises... ? Occupés à saisir
les données informatiques, les conseillers n’avaient pas le temps d’écouter les per-
sonnes en recherche d’emploi. Dans ces entretiens, je ne croisais plus leur regard,
certains se montrant hostiles et peu enclins à dévoiler leur situation.
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« gl » (gestion de la liste, pour avis avant radiation). L’impuissance des pouvoirs
publics à inverser la courbe du chômage avait ainsi renforcé les représentations
négatives des chômeurs qui, de « victimes » de la société, étaient devenus « inadap-
tables », « irréalistes ». Devenus « boucs émissaires » pour permettre à l’illusion
collective de perdurer, l’idée s’était ainsi répandue dans l’institution (et dans la
société) que ceux qui veulent « réellement » travailler le peuvent.
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méthodes préconisées par l’encadrement. Le déni du manque et la disqua-
lification de la parole s’exprimaient dans l’attaque systématique de tous les
« états d’âme » pouvant rappeler l’existence d’un sujet. En retirant ainsi
au personnel la reconnaissance de leur travail, l’organisation les rendait
dépendants d’un besoin de réparation, sans cesse réactivé dans ce contexte.
Confrontés quotidiennement au problème du chômage, les agents étaient
aussi particulièrement exposés à sa « banalisation ». En déniant la souf-
france sociale, ils ne pouvaient pas non plus se résoudre à quitter l’institu-
tion, par peur de se retrouver un jour « de l’autre côté du guichet ».
En tant qu’animatrice d’équipe, je me trouvais contrainte à planifier l’acti-
vité également contrainte des agents, dans une organisation du travail « taylori-
sée » à la demi-journée : « aa (accueil actif) », « azla (animation de zone de libre
accès) », « si (service immédiat) », « sp (service programmé) », « ztt (zone de trai-
tement technique) »… Ce planning était en réalité impossible à tenir avec le taux
d’absentéisme des équipes (missions à l’extérieur, temps partiels, maladies...). Les
agents « tournaient » ainsi sur les postes, épuisés de ne jamais aller au bout de
leur action. Pendant que les uns enregistraient les demandeurs d’emploi en « si »,
les autres enregistraient les offres en « ztt »… Cette organisation rationnelle du
travail n’avait rien d’efficace en termes de rapprochement sur les offres. D’un côté
les rome (répertoire opérationnel des métiers et des emplois) étaient attribués sur le
métier correspondant à l’emploi précédent, sans questionnement sur le projet réel,
de l’autre les offres étaient rapprochées à partir de requêtes informatiques aléa-
toires sur ces mêmes rome. La relation avec les employeurs était aussi difficile dès
l’instant où ce mode de rapprochement ne répondait pas à leurs besoins, souvent
décalés par rapport à la réalité du fichier des demandeurs d’emploi 4. L’animateur
d’équipe chargé implicitement de réguler le contournement des règles collectives
devenait facilement un « bouc émissaire » responsable de ces dysfonctionnements.
4. Nicole Roelens, psychologue du travail à l’Afpa, décrit de la même manière cette taylo-
risation du travail dans son institution, qui n’a aucun fondement théorique ni aucune per-
tinence pratique, compte tenu du caractère immatériel du travail fourni. Instaurée par pur
mimétisme idéologique avec la production de marchandises, elle a pour effet de supprimer
radicalement l’autonomie méthodologique des professionnels. N. Roelens, 2000, « Intoxica-
tion productiviste et déshumanisation des rapports humains », Travailler, 4 : 93-122.
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personnel sur quatre régions. En raison de sa tâche primaire et de sa dimen-
sion interrégionale, cette structure était plus indépendante, car elle échap-
pait à l’organigramme pyramidal (national, régional, départemental, local).
Quand je suis arrivée au centre, j’avais l’impression d’avoir quitté l’insti-
tution. Les formateurs travaillaient dans des conditions privilégiées et bénéficiaient
d’une marge d’autonomie dans leur travail. Malgré mes tentatives pour exprimer
ce que j’avais vu, personne ici ne souhaitait entendre parler de la souffrance des
collègues. Même si chacun la contenait dans les groupes de formation, chacun s’en
protégeait. Les formateurs n’évoquaient pas non plus leurs difficultés d’animation,
ni leurs limites pour transmettre des contenus pourtant très vastes, l’institution ne
reconnaissant que leur polyvalence.
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Dans le contexte institutionnel, les stagiaires répondaient plus ou
moins favorablement à la pédagogie proposée par le formateur interne sans
qu’il lui soit possible d’anticiper ces comportements :
– Si les stagiaires adhéraient à l’institution, les contenus techniques déli-
vrés de manière descendante les sécurisaient davantage. Une méthode
participative qui sollicitait trop leur subjectivité risquait de provoquer un
conflit de loyauté et des comportements défensifs.
−−S’ils avaient du recul vis-à-vis de la norme institutionnelle, les stagiaires
pouvaient utiliser le groupe pour exprimer leur insatisfaction.
−−Un thème de formation les renvoyant à une souffrance professionnelle
risquait aussi de provoquer des résistances, les stagiaires oscillant entre
des comportements de soumission ou de refus face à la tâche qui pouvait
se transformer en « mauvais objet », source de persécution.
Si chaque groupe développait sa propre dynamique au regard de sa compo-
sition, du thème de formation et de l’animation, ces comportements étaient
récurrents, comme un passage obligé auquel je ne pouvais me soustraire. Je
les ressentais aussi comme une mise à l’épreuve de mon rôle de formatrice
interne, représentante de l’institution. Encore marquée par mon expérience
en agence, j’ai dû me contenir auprès des groupes pour ne pas exprimer
ouvertement mon désaccord avec le fonctionnement de l’institution. Para-
doxalement, cette révolte contenue est devenue un atout pour construire ma
posture de formatrice et mon rôle de médiation. Si j’ai réussi le plus souvent
à réguler les groupes, j’ai dû sans cesse imaginer de nouvelles modalités
pédagogiques, modifier le déroulement de mes animations, laisser exprimer
les désaccords sur les orientations de l’institution ou sur leurs conditions
de travail. Mes animations ont été aussi inconfortables, dès l’instant où ces
espaces de parole m’obligeaient à déroger au contrat de formation qui me
liait à l’institution. Ils ont cependant été indispensables pour recentrer les
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ploi (2005) a engendré des recrutements en masse et les formations se sont
recentrées sur le rapprochement offre / demande. Avec la mise en place
du « smp » (suivi mensuel personnalisé), les thèmes relatifs au conseil à
l’emploi (orientation, techniques de recherche d’emploi…) ont disparu au
profit « d’actes fondamentaux » ou de « bonnes pratiques placement », au
détriment de la relation. Les modules étaient enseignés avec des méthodes
de plus en plus descendantes. Le vidéo projecteur était devenu l’outil
incontournable pour dérouler, via l’intranet, les dispositifs institutionnels.
Au nom du modèle gestionnaire, le discours de la formation interne se pla-
çait dans une finalité purement opérationnelle, se limitant le plus souvent à
la transmission de savoirs repérables dans le référentiel des compétences.
Particulièrement exposés aux attaques des groupes, les formateurs
internes adoptaient aussi des postures radicalement différentes (voire oppo-
sées) selon leur propre fonctionnement. Afin d’éviter toute critique, certains
choisissaient de se protéger par une attitude directive. Ils utilisaient aussi le
pouvoir que leur donnait l’institution pour occuper la place des « grands »
recherchée dans la petite enfance, rejoignant un désir de toute-puissance
ou de domination. D’autres adoptaient une position « d’expert », à travers
un investissement narcissique de leur rôle, une défense contre la souffrance
du manque. Le refus de toute référence à un tiers risquait de condamner
les formateurs à fonctionner dans un registre imaginaire, certains pouvant
se croire détenteurs d’un savoir idéalisé et absolu de la « toute-puissante »
institution. Des formes d’emprise dans leur posture pouvaient être ainsi
observées, laissant de moins en moins de place au doute et aux affects
qui traversaient les groupes. La pression exercée par ce nouveau modèle
a eu pour conséquence de diviser l’équipe en deux clans. L’ambiance de
travail est aussi devenue rapidement conflictuelle (voire explosive), entre
les formateurs qui adhéraient aux orientations de l’institution et les autres,
chacun se sentant attaqué ou menacé dans son identité professionnelle.
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à travers la page d’accueil de son site : nouveau logo aux couleurs bleu-blanc-rouge,
nouvelle musique, autre ergonomie. Un silence glacial régnait à l’étage des forma-
teurs, personne n’évoquait ce changement. En dehors de la présence d’inconnus
croisés dans l’ascenseur (mes nouveaux collègues de l’indemnisation), la nouvelle
institution n’avait d’autre visage que ces images virtuelles diffusées dans l’intranet.
Il ne se passait rien, mais tout avait changé.
5. D’un point de vue clinique, cette situation révèle aussi une faille importante dans leur
système d’alliances inconscientes :
– Du fait de la remise en question du mythe fondateur de l’ex-institution, le « contrat
narcissique » est remis en question et ne soutient plus les sujets.
– Le « pacte dénégatif » se trouve renforcé, créant encore davantage du « non-signi-
fiable », des zones de silence et de « non-pensée ».
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bilisé toute la dynamique de reconnaissance en interne. En fusionnant
deux objectifs jusqu’alors dissociés, l’institution demande aux conseil-
lers de tenir deux rôles contradictoires : favoriser l’autonomie de l’usager
dans sa recherche d’emploi, tout en le mettant en situation de dépendance
financière vis-à-vis de lui.
Si l’institution ne remplit plus son rôle, elle ne donne plus à ses
membres un cadre suffisamment « étayant » sur lequel ils peuvent
appuyer leurs investissements. Le mauvais climat social, les lourdeurs
administratives, les incohérences de l’organisation, engendrent aussi un
désinvestissement professionnel des agents. L’inadéquation du fonction-
nement de l’institution à sa tâche primaire entraîne aussi la désillusion
des acteurs qui se dissocient de son projet. Les agents sur les sites se
trouvent dans un système instable, sans points d’appui ni repères profes-
sionnels. Au sein de certaines agences, la montée en charge des scènes
d’incivilités à l’accueil est de moins en moins gérée par les équipes, du
fait d’un repli individuel défensif des collègues de travail.
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de se perdre, de ne plus se reconnaître…
6. Pour Nicole Roelens (article cité), la compétence des professionnels doit aussi être
réduite au silence, car elle risque de déstabiliser la position institutionnelle des cadres en
révélant l’inconsistance des mots d’ordre. Ainsi, l’attachement à une identité profession-
nelle est-il connoté péjorativement comme signe de rigidité et de corporatisme.
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se retrouvent isolés. S
oumis à une perte d’étayage du groupe, ils res-
sentent une impuissance dans la situation et peuvent désinvestir leur acti-
vité professionnelle en se méfiant de chacun 7.
Le morcellement de l’équipe et des pratiques produit aussi des
erreurs, transgressions, passages à l’acte. Les comportements individuels
du service témoignent aussi d’une souffrance professionnelle liée à la pas-
sivité vis-à-vis de l’isolement professionnel. Dans l’équipe des formateurs,
il y a ceux qui se dérobent, ceux qui savent la vérité mais la dénient, ceux
qui refusent d’apporter leur soutien ou leur solidarité, ceux qui refusent
de témoigner. Cette attaque subtile sape les conditions de fonctionnement
de l’appareil psychique groupal, tournant en dérision toutes les tentatives
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de collaboration, renvoyant chacun à sa subjectivité. Chargés de la trans-
mission des savoir-faire professionnels, mais aussi de la culture de l’ex-
institution, les formateurs internes ont été dépossédés de leur rôle. Malgré
le manque de reconnaissance de leur métier avant la fusion, leur identité
professionnelle n’avait jamais été ainsi remise en question. Leurs activités
pédagogiques sollicitant leur réflexion avaient totalement disparu au profit
de tâches de gestion de commandes nationales, réalisées par d’autres (pres-
tataires, formateurs occasionnels de terrain...). Pour éviter d’avoir à trans-
mettre des contenus dénués de sens (entretien unique d’inscription, accueil
unique, référent unique…), j’ai orienté mon activité sur le traitement de
commandes sur le champ des relations difficiles (gestion de conflits, ges-
tion des agressions, entretien auprès des publics difficiles…), qui se sont
multipliées.
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Ce phénomène de déliaison pathologique est révélé par une déré-
gulation économique groupale. Il résulte d’une carence de l’appareil psy-
chique groupal (R. Kaës) à articuler la force et le sens, à maintenir un
espace de symbolisation qui accueille, gère et transforme les éléments
pulsionnels insensés, qui immobilisent les formations psychiques com-
munes. La rupture de la chaîne intersubjective et les attaques sur les liens
dans le service de formation interne peuvent aboutir à une identification
à la logique de l’agresseur, à la soumission de son pouvoir, au repli dans
l’opératoire et le formalisme conventionnel ou encore à l’évitement, la
fuite ou la démission. Quelque chose est perdu du sens commun, qui
condamne et annule la parole subjective, menant les acteurs à la déses-
pérance et au désinvestissement 8. Toute mémoire et toute histoire du lien
intersubjectif sont effacées, toutes les modalités de mise en œuvre de la
tâche primaire, tout ce qui a pu se vivre et se construire dans le groupe,
sont invalidés. Par son déni, l’institution attaque ainsi toute possibilité
d’échanges, disqualifie les sujets et le groupe, coupe les liens entre ses
membres. Privés d’étayage du groupe, la situation réactive les détresses
infantiles et engendre de la méfiance. Chacun se replie dans un clan (ou
sur lui-même), la perte de la groupalité renvoyant le sujet à la singula-
rité de ses appartenances identitaires et narcissiques. Les sujets peuvent
alors se trouver confrontés au retour imprévisible des éléments archaïques
jusque-là déposés dans le cadre.
8. Tout se passe comme si l’énergie pulsionnelle ne trouvait plus ni les appuis ni les apports
internes et externes pour se reconstituer. Il s’opère une forme de régression, de type nar-
cissique, qui se manifeste non plus par la passion, mais par la clôture, le repli sur soi,
l’autoréférence et l’indifférence. J.-P. Pinel, 1996, Souffrance et psychopathologie des liens
institutionnels, Dunod, p. 61.
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nels », confrontés au même isolement social que les demandeurs d’em-
ploi. Ainsi, l’institution répète-t-elle en son sein le symptôme d’exclusion
sociale qu’elle n’est plus en mesure de traiter. Tout comme pour les per-
sonnes en situation d’exclusion, il engendre des angoisses archaïques d’ef-
fondrement narcissique, l’organisation première du moi étant directement
liée à ces angoisses primitives 9.
Alors que les étages inférieurs du centre de formation sont en effervescence, le temps
semble s’être arrêté au 3e étage des formateurs. Si tout semble calme, chaque bureau
est pourtant le théâtre silencieux de scènes plus ou moins violentes ou d ramatiques :
– Un jour, une formatrice est venue travailler avec une fracture à l’épaule pour « ne
pas déprimer chez elle ». Sur le trajet du travail, la porte de tramway s’est refermée
sur son épaule. Elle a dû prendre un arrêt prolongé.
– Une autre collègue, positionnée contre son gré sur un poste administratif, s’est
foulée la cheville en arrivant au bureau.
– Surchargée de travail, une autre gère, à elle seule, la majorité des dispositifs de
la direction générale. Elle a arrêté toute animation, car elle était devenue aphone.
Aujourd’hui, elle est proche du « burn-out ».
– De plus en plus irascible vis-à-vis des exigences de l’institution, un collègue
souffre de plus en plus fréquemment de lombalgies et trouve tous les prétextes
possibles pour se dégager de ses obligations professionnelles.
– Marginalisé dès son arrivée, un autre collègue a subi un phénomène de « bouc
émissaire » en devenant le « porte-symptôme » du groupe.
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lui la capacité de rester vivant, de sublimer, sous peine d’effondrement
narcissique.
La menace d’anéantissement peut être ressentie comme un enjeu de
vie et de mort, pouvant entraîner la décompensation dépressive. Il s’agit
de sentiments de désintégration, de crainte d’annihilation appartenant aux
éprouvés les plus précoces, la lutte contre le retour d’une expérience d’ef-
fondrement (déjà vécue dans la petite enfance), où le moi n’était pas encore
suffisamment mature pour se forger une représentation.
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Sans que je m’y attende vraiment, mes ressentis sur mon lieu de
travail sont soumis à de brusques variations. Si je m’accommode le plus
souvent de la situation, je suis parfois directement confrontée au retour
imprévisible d’éléments archaïques jusque-là déposés dans le cadre, avec
des sentiments d’effondrement difficile à comprendre et à décrire. Leur
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resurgissement brutal vient aussi me surprendre, me tirer vers le bas et
annihiler mes capacités cognitives. Mes éprouvés ne trouvant pas d’écho
dans ce contexte se transforment en tension physique diffuse, une anxiété
primitive que je ne connais pas. Privée de groupe sur mon lieu de travail,
je ne peux plus étayer ma pensée et mon identité. La perte de repères, de
liens, de projet du service, me renvoie aussi directement à mes propres
fragilités identitaires et narcissiques. Ne trouvant plus d’espaces d’expres-
sion ni de ressourcement, je perds ma capacité de nommer mes ressentis
et de me les représenter. La souffrance se trouve alors comme mise en
suspens jusqu’à mon départ du lieu 11. Pour conserver mon équilibre dans
ce contexte, j’ai été conviée à faire un inventaire de mes capacités, à me
situer dans mon itinéraire de vie, à réviser mes objectifs et à me résigner
à des abandons. Ma reprise d’études en psychologie en fin de carrière m’a
aussi considérablement aidée.
Conclusion
En reconstruisant ainsi mon histoire dans l’institution, j’ai pu
retrouver la nature de mon lien avec elle et sa remise en cause avec la
fusion. Partant de l’expérience qui avait motivé mon choix d’y entrer, j’ai
pris conscience de l’écart entre le travail « prescrit » et le travail « réel »
et analysé l’emprise de l’organisation sur les agents de l’institution. En
analysant mon parcours de formatrice interne, j’ai aussi compris comment
11. Cette situation s’apparente au syndrome du « Bore-out » (l’ennui au travail). C’est une
manière de faire comprendre à un salarié qu’on ne veut plus de lui, sans pour autant le licen-
cier. Ce syndrome, de plus en plus fréquent, apparaît le plus souvent à l’occasion de res-
tructurations. Opposé au « Burn-out », il s’agit d’une souffrance psychique au travail liée à
une absence d’investissements. Les symptômes dépressifs sont les mêmes, voire pires, mais
la cause est opposée. C. Bourion, 2016, Quand l’ennui au travail rend fou, Albin Michel.
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nement qui déniait ma subjectivité. Plus que le manque de reconnaissance
professionnelle, c’est ici le manque de reconnaissance en tant que sujet, qui
est à l’origine de la souffrance au travail dans l’institution, dans ce qu’elle a
de « non pensable ».
Au-delà de ma propre dynamique psychique, ce dossier analyse
aussi le délitement progressif des liens institutionnels :
– Dans l’organisation du travail, les éléments des relations intersubjec-
tives sont peu à peu remplacés par les procédures qui constituent une
véritable emprise sur les agents.
– Impuissants à aider les demandeurs d’emploi, les conseillers sont ame-
nés à surinvestir (ou à désinvestir) leur travail.
– D’autres participent au déni de l’institution en adoptant le rôle répressif
attendu vis-à-vis des usagers.
– D’autres enfin vont lâcher prise, et effectuer un long chemin de renon-
cement, après avoir mesuré le caractère vain et illusoire d’un combat
inégal…
– Depuis la fusion, les formateurs se trouvent privés de toute reconnais-
sance professionnelle, contraints à faire appel à leurs propres ressources
(physiques et psychiques) pour supporter cette situation.
– Comme dans une situation de chômage, la relation aux autres est ici sus-
pendue, confrontant ces acteurs à des sentiments d’impuissance et-ou de
dévalorisation.
Il m’a fallu du courage pour monter l’énorme poubelle du sous-sol
jusqu’au 3e étage sans me faire remarquer, mais j’avais trois bonnes raisons de le
faire : occuper ma journée, vider mon armoire pour déménager au 4e étage, prépa-
rer mon départ définitif…
J’ouvre mon armoire bourrée de documents et commence à jeter délicate-
ment une feuille, puis deux… puis des paquets entiers qui, en tombant au fond de la
poubelle, produisent un bruit sourd, agréable à entendre. Je me lave ainsi du poids de
l’institution pour ne garder que quelques chemises plastifiées contenant l’essentiel.
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(ex-Anpe), the author analyzes the psychic effects of dehumanization
of the institution by its practitioners. The author is also using her
subjective experience in order to demonstrate how the institution,
which primary task is to assist job seekers to find work, reproduces
the symptom of exclusion it is supposed to prevent. With the increase
of unemployment in the nineties, the institution experiences an
increasing quantitative pressure. It forces the counselors to receive
an increasing amount of job seekers in an organization focusing on
operational tasks at the expense of listening to the service users. By
transforming the nature of the primary task of the institution, the
merging of l’Assedic and l’Anpe in 2009 is provoking a disintegra-
tion of the collective relation, digging an even larger gap between
the prescribed task and the actual work of the agents, especially in
the department of internal training, where she works. Beyond the
organizational malfunctions this article also analyzes the uneasi-
ness at work from the angle of unconscious relations, connecting the
subjects in the institution.
Keywords: Link. Group. Institution. Training.
Mecanismos institucionales de desvinculación en un servicio de
formación interna. Prueba subjetiva del trabajo prescrito en la
institución
Resumen: A partir de su experiencia profesional de veinte años en
el Pôle Emploi (anteriormente Anpe), el autor, una psicóloga clí-
nica-formadora analiza los efectos psicológicos de la deshumani-
zación de la institución sobre sus actores. Ella también utiliza su
experiencia subjetiva para mostrar cómo en la institución, cuya
tarea principal es ayudar a los desempleados a volver al trabajo,
se reproduce en su operación el síntoma de exclusión que se supone
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que debe tratar. Con el aumento del desempleo en los años 90, la
institución está bajo una creciente presión cuantitativa. La institu-
ción obliga a los consejeros recibir los solicitantes de empleo en el
flujo, en una organización centrada en acciones operativas dejando
de lado la escucha a los usuarios. Al transformar la naturaleza de
la tarea primaria de la institución, la fusión de la Assedic y la Anpe
en 2009, causo la desintegración de los lazos colectivos, ampliando
aún más la brecha entre la tarea prescrita y el trabajo real de los
agentes, en particular en el departamento de formación interna en
el que trabajaba. Más allá de las disfunciones organizativas, este
artículo también analiza el malestar en el trabajo en términos de
vínculos inconscientes que conectan los sujetos de la institución.
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Palabras claves: Lazo. Grupo. Institución. Formación.
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