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L'“illettrisme” en questions - Rôle de l’école dans la construction sociale ... https://books.openedition.

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L'“illettrisme” en questions | Jean-Marie Besse, Marie-


Madeleine de Gaulmyn, Dominique Ginet, et al.

Rôle de l’école
dans la
construction
sociale de
l’illettrisme
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Anne-Marie Chartier y Jean


Hébrard
p. 19-46

Texto completo
1 L’école a joué et joue un rôle déterminant dans la
construction de l’illettrisme, moins parce qu’elle ne sait pas
répondre aux difficultés d’apprentissage d’un grand nombre
de jeunes, que parce que la prise de conscience du
phénomène de l’illettrisme, sa désignation, ses
interprétations et les initiatives pour y mettre fin relèvent
d’une approche prioritairement scolaire des réalités sociales.
2 Cette hypothèse s’appuie, en premier lieu, sur le fait suivant :
les débats existant aujourd’hui autour de la définition de
l’illettrisme sont la reprise hors de l’école d’un débat qui a
déjà eu lieu dans les années 1970 mais au seul usage interne
de l’institution scolaire. Cette “crise de la lecture” fut
provoquée par la modification (pour cause de prolongation
de la scolarité) des objectifs de la lecture scolaire, et, par voie
de conséquence, par une redéfinition de l’échec dans l’accès à
la pratique de la lecture. Quinze ans plus tard, alors que,
dans l’école, ce débat de fond est provisoirement clos, il est
reformulé intact autour de l’illettrisme et de ses définitions.
3 Un deuxième phénomène va dans le même sens : les
représentations de l’écrit et les objectifs de maîtrise pensés
par et pour l’école sont appliqués de manière non discutée à
la société toute entière. Les niveaux d’échec scolaire sont
devenus la référence pour décrire les pratiques défaillantes
des illettrés. La pathologie scolaire a fourni ses analyses
(médicale, psychologique, sociologique, ethno-culturelle,
etc.) pour rendre compte de l’illettrisme, pathologie sociale.
A été acceptée sans réticence l’idée que les pratiques sociales
de lecture relèveraient d’une échelle unique de compétences
hiérarchisées, évaluables avec la même méthodologie et les

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mêmes instruments que des compétences scolaires.

1. CONSTRUCTION SOCIALE DE
L’ILLETTRISME ET MUTATIONS
SCOLAIRES : PERSPECTIVES
HISTORIQUES (J. HÉBRARD)
4 L’illettrisme est aujourd’hui considéré comme une
pathologie sociale dont le traitement relève d’actions
pratiques, exigeant des intervenants formés, du temps, des
lieux et des supports budgétaires1. C’est pourquoi toute
initiative, même relevant de la liberté d’associations, renvoie,
par le biais des demandes d’aide publique ou des affectations
prioritaires de crédits, à des décisions de nature politique.

1.1. De la découverte de l’illettrisme aux


reconnaissances publiques
5 Pourtant, l’apparition de l’illettrisme dans l’espace social ne
coïncide pas avec sa reconnaissance par les décideurs
politiques : cette reconnaissance a elle-même été
l’aboutissement de démarches militantes de provenances fort
diverses. Ceux qui les ont conduites avaient forgé leurs
alarmes au contact de réalités et de terrains très hétérogènes.
Ils attendaient des mesures officielles qu’elles soutiennent
publiquement les actions que chacun menait en direction de
“ses” illettrés, de ceux par qui ils avaient pris conscience de
la gravité du problème et dont il se sentaient peu ou prou les
porte-parole. Ainsi, la demande d’un rapport sur
l’illettrisme2 par le gouvernement de Pierre Mauroy, en 1983,
est capitale dans l’histoire qui nous intéresse, car la
récapitulation dans un même document de ces constats
multiples a rendu nécessaire, sinon opératoire, l’usage d’un
terme englobant. En désignant également comme illettrés
des gens jeunes ou vieux, encore élèves ou sortis de l’école,
intégrés ou exclus, travailleurs ou chômeurs, urbains ou

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ruraux, français ou étrangers, on constituait l’illettrisme


comme phénomène de société et comme chantier spécifique
de l’action sociale. En effet, il ne suffit pas qu’existe sur un
territoire un grand nombre de personnes incapables de se
débrouiller seules avec les écrits de leur environnement, en
dépit de leurs années d’école, pour que soit forgée cette
catégorie de pensée et de désignation.
6 Un geste gouvernemental n’est pas suffisant pour produire à
soi seul la mobilisation durable des médias et l’adoption du
terme par le public. La reconnaissance politique a pourtant,
par l’intermédiaire du Parlement européen (1982), puis par
le Conseil européen et de la Commission des Communautés
européennes (1984), progressivement mobilisé tous les pays
de la CEE3. La Grande-Bretagne a, en la matière, joué les
pionniers (1974-75) mais les études comparatives montrent
que dès qu’on cherche l’illettrisme, on le trouve partout dans
l’Europe des Douze, de Copenhague à Athènes ou Lisbonne
et de Dublin à Berlin4. Il en a été de même aux USA et au
Canada et les efforts de l’UNESCO pendant son année de
l’Alphabétisation (1990) ne se sont pas limités aux pays du
Tiers-Monde : la lutte contre l’illettrisme dans les pays
industrialisés a été longuement planifiée5 et mise en œuvre
avec détermination6. Pourtant, un tel constat, tantôt venu
d’initiatives particulières, tantôt induit par une enquête
gouvernementale, n’a pas eu partout les mêmes résonances,
ni produit les mêmes effets. En France, aucune réflexion sur
le sujet ne peut mettre entre parenthèses le succès
extraordinaire de ce terme dans la presse7 et ignorer l’impact
des discours “grand public” produits à cette occasion.
7 Prenant acte de l’écho rencontré par la mise au jour du
phénomène, cette contribution voudrait donc porter son
interrogation en amont, sur le contexte dans lequel a émergé
cette prise de conscience dans sa spécificité française. Plus
précisément, il s’agit de repérer quelles transformations
affectant l’école et les attentes sociales à son égard ont rendu

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possible la découverte de l’illettrisme et la mobilisation


politique autour de ce nouveau problème de société.
8 On pourrait voir, dans l’“invention” de l’illettrisme et
l’émotion qui s’en est suivi8, un nouvel épisode de la crise de
la lecture qui secoue chroniquement l’opinion depuis trente
ans. La prise de conscience de l’échec scolaire en lecture a
déjà produit de grands débats et de fortes remises en
question, mais qui sont pendant longtemps restés
circonscrits à l’intérieur du système scolaire. Dans les
années 1960, c’est à “la dyslexie, maladie du siècle” 9 qu’on
attribue l’échec ou le retard d’apprentissage des enfants issus
massivement des milieux populaires10. Au début de la
décennie 1980, les angoisses et les polémiques à l’intérieur
de l’école se sont déplacées progressivement vers les classes
du collège et du lycée et la question de la non-compétence en
lecture est jugée par les professeurs à l’aune des exigences
requises pour pouvoir accéder à un baccalauréat général.
C’est alors que vient s’ajouter l’échec saisi à travers la
marginalité sociale, la pauvreté, la non-qualification, le
chômage persistant des personnes qui constituent le public
croissant des services sociaux ou des organisations
caritatives. L’illettrisme est donc ce produit d’école, à la fois
symptôme et cause majeure des difficultés d’insertion
d’adultes et de jeunes, qui ont justement traversé le système
scolaire en ces années de crise. Pour la première fois, on se
met à pointer d’un même mouvement l’échec à l’insertion
scolaire, celui qui fait les orientations vers les filières de
relégation et la rapide exclusion du systèmes, l’échec à
l’insertion sociale et l’échec à l’insertion professionnelle, avec
son lot de précarités prévisibles (petits boulots, chômage,
etc.).
9 Ainsi, l’illettrisme serait un échec scolaire pérennisé,
affectant de façon essentielle les relations de l’individu à son
espace d’appartenance : l’école, le collège ou le lycée, s’il est
enfant ou adolescent, la société urbaine, les réseaux de

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relation, le milieu d’exercice, s’il est adulte. Quels


changements ont donc fait passer du temps des crises
scolaires de la lecture au temps de l’illettrisme ?

1.2. Crises de la lecture et “démocratisation” de


l’enseignement
10 Dès 1959, le ministère de l’Education nationale commence à
mesurer le temps mis par chaque élève pour parcourir ce
cursus de cinq ans et, progressivement, le retard acquis
devient le critère le plus évident de l’échec scolaire. Or, les
chiffres sont terribles : 50 % des enfants mettent plus de cinq
ans pour traverser l’école élémentaire et c’est dans la
première année que se crée le partage entre ceux qui vont
réussir un parcours scolaire sans faute et les autres. En
première année, c’est-à-dire, précisément, au moment de
l’apprentissage de la lecture. Les années 1960-1970 sont, de
ce fait, caractérisées en France par une double réflexion :

Comment organiser le système scolaire pour prolonger


la formation générale de tous les enfants jusqu’à des
apprentissages qui relevaient autrefois du seul “second
degré” ?
Comment améliorer l’efficacité de l’école élémentaire,
particulièrement dans le domaine de l’enseignement de
la lecture, pour juguler l’échec précoce qui handicape ou
interdit un prolongement de la scolarisation ?

1.2.1. Prolongation de la scolarité et échec en lecture


11 La réponse à la première question est apportée par la mise
en place, en 1975, après une quinzaine d’années de
tâtonnements, du collège unique, c’est-à-dire d’un tronc
commun qui se poursuit pendant quatre ans au-delà des cinq
années de l’école élémentaire, jusqu’à la troisième des
collèges. Les années d’obligation scolaire (de 6 à 16 ans pour
les enfants entrés au cours préparatoire en 1959) sont ainsi

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organisées selon un cursus finalisé par les programmes


relevant des études secondaires traditionnelles, avec ce que
cela implique de difficultés pour amener non une minorité
mais la totalité d’une classe d’âge dans ces apprentissages
abstraits et difficiles11.
12 La réponse à la deuxième question relève pour l’essentiel de
la mise en chantier d’un véritable forum permanent de la
réflexion sur l’accès à la lecture et à la culture écrite. Cet
apprentissage, perçu jusque-là comme allant de soi, se révèle
brutalement être, en fait, d’une redoutable difficulté12.
13 Dans un premier temps, dans la décennie 1960, ce sont les
approches médicalisées qui sont privilégiées. La dyslexie fait
son apparition et, avec elle, de multiples structures non
scolaires (dispensaires d’hygiène mentale, centres médico-
psycho-pédagogiques, etc.) qui se présentent comme
susceptibles de remédier aux désordres scolaires qu’elle
provoque. De nouvelles professions (pédo-psychiatres,
orthophonistes, psychanalystes, psychothérapeutes,
rééducateurs en psycho-pédagogie, etc.) se déclarent
compétentes pour prendre en charge les enfants qui
n’apprennent pas à lire convenablement dans l’école.
Progressivement, à partir de 1970, le système scolaire lui-
même crée ses propres structures d’aide aux enfants en
difficulté (classes d’adaptation, groupes d’aide psycho-
pédagogiques, etc.).
14 Dans un deuxième temps, tout au long des années 1970, c’est
vers une approche plus sociologique que se déplacent
l’analyse du phénomène et la recherche des solutions
appropriées. Le rôle des écoles maternelles est jugé décisif et
l’on imagine volontiers qu’une bonne préparation à
l’apprentissage de la lecture (grâce à une amélioration des
capacités langagières) pourrait permettre aux enfants des
milieux défavorisés d’échapper au déterminisme
sociologique de l’échec qui les guette. De même, à partir
de 1981, il apparaît que l’égalitarisme traditionnel de l’école

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française ne peut répondre aux situations créées par la


pauvreté urbaine, qu’il s’agisse de l’immigration massive des
années d’avant le choc pétrolier ou du chômage issu de ce
dernier. Il faut donner plus d’instruction à ceux qui naissent
dans des milieux familiaux culturellement défavorisés. Les
institutions mises en place (politiques des zones d’éducation
prioritaire, des projets d’établissements, multiplication des
bibliothèques-centres documentaires et des centres
d’information et de documentation, plans lectures, etc.)
cherchent à conjuguer des apports culturels, pédagogiques,
didactiques, pour modifier concrètement des contextes
d’apprentissage peu favorables.
15 Parallèlement, une réflexion sur le renouvellement des
méthodologies d’apprentissage de la lecture est engagée.
Cette fois, il s’agit moins d’une querelle de méthodes que de
l’utilisation des nouvelles hypothèses nées de la linguistique
et de la psychologie cognitive dans la recherche de principes
didactiques susceptibles non seulement d’éliminer l’échec
scolaire précoce, mais aussi d’améliorer les capacités de
lecture à la fin de l’école élémentaire : le savoir lire n’est plus
considéré comme une fin en soi, mais comme le moyen
privilégié d’une scolarisation longue.
16 A la fin des années 1970, les conditions sont remplies pour
que naisse une réflexion nouvelle sur l’accès à la culture
écrite dans un pays qui continue cependant à considérer que
son alphabétisation est terminée depuis près de trois quarts
de siècle. Pourtant, si l’on veut comprendre pourquoi l’échec
en lecture des enfants soucie alors bien plus les pédagogues,
fort critiques par rapport à l’école, donc par rapport à eux-
mêmes, que les politiques ou le grand public, deux données
extra-scolaires doivent aussi être prises en compte. L’un est
culturelle, l’autre est économique.

1.2.2. La lecture dans la société de l’audio-visuel et du plein


emploi

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17 Dans la décennie 1960, l’école subit de plein fouet la


concurrence de l’audio-visuel. Dans un temps où chacun se
demande si l’écrit ne va pas bientôt être rendu inutile par le
téléphone et la télévision, elle se trouve en première ligne
pour tenir brandi le drapeau de la culture écrite, en dépit des
séductions consuméristes de l’image et du son. C’est au prix
de révisions déchirantes et d’un élargissement considérable
du champ des références culturelles considérées comme
légitimes : la littérature contemporaine et plus seulement les
classiques, les best-sellers et plus seulement les grandes
œuvres, le journal et plus seulement le livre13. Il n’empêche
qu’en ces années où la modernité est souvent pensée hors de
l’écrit, beaucoup auraient la tentation de reprocher à l’école
de surestimer la culture écrite, d’accorder trop d’importance
aux performances (et aux contre-performances) des enfants
en lecture, alors qu’elle devrait se soucier d’en faire de bons
“lecteurs d’images” et des “communicateurs” compétents,
sachant dialoguer avec facilité dans leur langue maternelle.
18 D’autre part, jusqu’au premier choc pétrolier, on est dans un
climat économique de croissance et de plein emploi. La non
qualification n’est nullement un obstacle à l’embauche et les
employeurs vont justement chercher au-delà des frontières,
par centaines de milliers, une main d’œuvre à qui personne
ne demande de diplômes. Tous ceux qui ont eu, en revanche,
la chance d’une scolarisation plus longue que celle de leurs
parents, peuvent accéder à des emplois ressentis comme
autant de promotions sociales (dans le secteur tertiaire en
particulier). L’école est donc créditée d’un pouvoir de
qualification générale (ce qui est vrai) qui entraînerait
nécessairement l’insertion professionnelle (ce qui est faux) ;
dans l’euphorie d’une conjoncture favorable, elle finit, elle
aussi, par croire à une harmonie préétablie entre la
démocratisation des savoirs et l’ascension sociale, entre
qualification intellectuelle et création d’emplois sur le
marché du travail. Cette confiance dans les vertus à la fois

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émancipatrices et utilitaires de la formation générale est ce


qui rend politiquement jouable, pour le gouvernement
gaulliste, la prolongation pour tous de la scolarité à 16 ans ;
de quoi modifier profondément tout le secteur de la
formation professionnelle scolarisée mis en place depuis la
guerre ; de quoi modifier aussi la conception même de ce que
doit être le rôle de l’école dans les formations à la vie active14.

1.3. L’enseignement professionnel et technique et


la scolarité à 16 ans
19 L’enseignement technique et professionnel est un domaine
qui connaît en France un développement très tardif 15. Jusque
dans la deuxième moitié du XXe siècle, il ne concerne que
des fractions très réduites de la jeunesse scolarisée ; dans
l’entre-deux-guerres, sur des générations de 650 000 à
700 000 jeunes, 20 à 25 000 seulement reçoivent une
formation technique ou professionnelle dans un
établissement scolaire ; pour les paysans, qui représentent
plus d’un tiers des actifs dans la même période, l’idée même
d’une formation est parfaitement incongrue. L’apprentissage
d’un métier se fait “sur le tas” et, malgré la loi Astier de 1919,
bien peu de communes organisent des cours à l’usage des
apprentis. La pénurie de main d’œuvre qualifiée est d’ailleurs
l’un des problèmes majeurs que rencontre le gouvernement
du Front populaire dans les années qui précèdent la dernière
guerre.
20 C’est en 1939 qu’une première scolarisation de
l’apprentissage se met en place dans les centres de formation
professionnelle16. Elle vise tout à la fois un encadrement
moral de la jeunesse et une formation rapide de main
d’œuvre qualifiée susceptible de participer à l’industrie de
guerre, particulièrement dans l’industrie métallurgique. Or,
cette initiative, inscrite dans une conjoncture très spécifique,
connaît immédiatement un vif succès. Il y avait 300 centres
en 1940, il y en a 897 en 1944 qui encadrent 56 000 élèves. A

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la Libération, le principe est sauvegardé et le secteur


structuré : on crée des Ecoles normales nationales
d’apprentissages pour former les professeurs, on donne un
statut et un nom (les centres d’apprentissage) à ces
structures qui s’occupent déjà de plus de 100 000 jeunes.
Chacun semble en effet y trouver un intérêt : l’Etat qui y voit
un moyen d’assurer la relève économique, le patronat
(l’UIMM tout spécialement) qui recherche les moyens d’une
amélioration de la formation dans un secteur en
restructuration technologique, les syndicats qui, par le biais
de la formation générale adjointe à la formation technique,
espèrent œuvrer à la démocratisation de la scolarisation. Les
centres d’apprentissage, d’abord ancrés sur les métiers de la
métallurgie, s’ouvrent à ceux du bois et du bâtiment ou, pour
les filles, à ceux du textile, pourtant, quant à ces trois
derniers, moins marqués par les progrès technologiques.
L’enjeu est bien du côté de la scolarisation et de la formation
générale. Ces établissements recrutent des adolescents de
milieu rural et urbain, dont les résultats scolaires ne sont pas
assez brillants pour que les maîtres poussent les familles à
les envoyer vers l’enseignement général du cours
complémentaire. A l’issue de leur scolarité de trois ans, ils
possèdent un CAP (certificat d’aptitude professionnelle)
parfaitement reconnu sur le marché du travail et
régulièrement actualisé dans des discussions entre les
partenaires économiques et sociaux.
21 Dans les années 1960, pendant que les effectifs scolaires
croissent de manière géométrique dans l’enseignement
général, que le débat sur l’unification de la scolarité
obligatoire fait rage, les centres d’apprentissage restent loin
des feux de l’actualité et continuent de se développer
(170 000 élèves en 1959 au moment où l’on décrète le
prolongement de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans). Ce
sont les réformes de l’enseignement général qui viennent
déstabiliser ce système. En effet, en 1963 (réforme Fouchet),

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on imagine qu’on pourra bientôt rassembler tous les enfants


des premiers cycles du second degré dans des établissements
identiques – les CES (collèges d’enseignement secondaire)
en sont la préfiguration – avant de les rassembler, pour la
sixième et la cinquième au moins, dans un même cursus
(réforme Edgar Faure en 1968). Il ne reste plus, en 1975
(Réforme Haby), qu’à unifier le premier cycle tout entier
dans un établissement unique, le collège. Dès lors,
l’enseignement technique et professionnel se trouve repoussé
au-delà du palier d’orientation qu’est devenu la classe de
troisième : dorénavant, le CAP. devrait être préparé à partir
de 16 ans et non à partir de 14 ans. Ce cycle d’étude est
d’autre part installé dans le collège d’enseignement
technique, au côté des autres formations. C’est le début d’une
revalorisation de l’enseignement technique et
particulièrement du technique long qui, en quelques années,
accède à la dignité de baccalauréat (1965). Le CAP se voit lui-
même concurrencé par le BEP (brevet d’enseignement
professionnel), plus prestigieux et regroupant les meilleurs
élèves du collège17. Simultanément, se trouve très critiquée la
formation professionnelle par contact direct avec le monde
du travail. On trouve en effet à ce mode ancien d’intégration
des jeunes générations, dans les contraintes de la vie “réelle”,
tous les vices de l’archaïsme : il ne vaut que pour les
professions manuelles en voie de disparition, il fournit de la
main d’œuvre à bon marché aux petits patrons, il ne convient
plus aux adolescents d’alors qui sont en révolte contre toute
autorité. La conjoncture scolaire n’est pourtant pas propice à
la valorisation des filières professionnelles : au moment où
s’allonge un enseignement général qui donne accès à de
nouvelles filières techniques plus prestigieuses, le bruit se
répand vite que l’on y envoie ceux dont on ne sait que faire
dans l’enseignement général, dernière solution de recours
pour les plus mauvais élèves, ceux qui savent à peine lire. Le
mot est lâché : l’apprentissage, qui avait conduit vers des

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postes qualifiés nombre de jeunes, certes peu enclins au


travail intellectuel mais capables et désireux d’apprendre, est
peu à peu désigné comme le dépotoir des enfants
inéducables. On a beau créer pour eux des filières
spécialisées dans le premier cycle des collèges, on ne
parvient plus à faire fonctionner le système. D’où la
tentative, en 1971, puis en 1973, de réhabiliter l’apprentissage
direct : on pourra partir chez un employeur dès 15 ans si on a
fini le premier cycle et faire des stages en alternance dès
14 ans. En fait, il s’agit d’intégrer socialement des jeunes en
rejet de scolarité et d’éviter de constituer, dans les
établissements scolaires, des regroupements d’adolescents
qui se laissent attirer par toutes formes de déviance et qui,
alors, attendent avec impatience le jour de leurs 16 ans pour
quitter une institution qui n’a rien su faire pour eux 18.
22 On le voit, la question de l’échec scolaire se pose, à la fin des
années 1970, aux deux bouts du système : au début de la
scolarité obligatoire, dès le cours préparatoire, au moment
où il faut apprendre à lire ; à la fin de la scolarité obligatoire,
lorsqu’il n’y a plus d’autre issue que l’entrée précoce dans
l’apprentissage (ou, bientôt, dès le deuxième choc pétrolier,
le chômage) et qu’il faut bien constater que l’on ne sait
toujours pas lire19. L’échec précoce s’est révélé du fait de la
progressive secondarisation des études : il faut apprendre à
lire plus vite et mieux si l’on veut faire passer tous les enfants
d’une classe d’âge dans le second degré. Il s’est révélé aussi
du fait de la scolarisation de plus en plus forte de
l’apprentissage : s’il faut attendre la fin de la scolarité
obligatoire pour commencer à apprendre un métier, on ne
peut plus échapper, de quelque manière que ce soit, aux
dures nécessités de la performance scolaire. Tout le monde
doit ainsi goûter au mode de scolarisation secondaire, réparti
entre disciplines et professeurs spécialistes pour qui il va de
soi que chaque élève est “autonome” dans son travail
scolaire, donc dans ses lectures. Il ne s’agit pas encore

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d’illettrisme, mais seulement d’échec scolaire.

1.4. L’illettrisme entre échec social et échec


scolaire
23 Le mot illettrisme surgit au plus loin du système scolaire.
Quand l’association ATD-Quart-Monde met, en 1977, la lutte
contre l’illettrisme au premier rang de ses priorités20, elle
affirme haut et fort que les besoins des sous-prolétaires pour
combattre leur misère ne sont pas uniquement matériels, il
sont aussi culturels. L’installation d’une bibliothèque dans
un bidonville, avant d’être un geste utilitaire ou fonctionnel,
est un geste symbolique et paradoxal, bien dans la manière
du Père Wrezinski. Et le mot d’ordre de ces années (“que
celui qui sait apprenne à celui qui ne sait pas”), très proche
des positions d’un Paulo Freire et de sa démarche de
“conscientisation”, est à cent lieues d’une demande de prise
en charge institutionnelle. Si la scolarisation des enfants est
le travail de l’école, on souligne que l’assiduité scolaire est de
la responsabilité des familles. Comme dans tous les lieux de
conquête scolaire, il s’agit, pour les militants du mouvement,
de convaincre chacun, parents et enfants, des bénéfices
(symboliques mais aussi matériels) qu’on peut, à terme,
espérer d’une telle contrainte. Mais si l’école doit se charger
des enfants, qui se chargera des parents ? C’est là la
nouveauté. Au XIXe siècle, l’école de Jules Ferry comptait sur
les enfants pour transférer dans les familles les savoirs de la
République, en même temps qu’ils serviraient de scribes aux
adultes. Un siècle plus tard apparaît l’idée que la pauvreté, le
chômage, l’exclusion sociale seraient des effets à terme de
l’échec scolaire et que la restitution du lien social rompu
passerait par le savoir lire.
24 Il est pourtant intéressant de constater dans quelle
conjoncture s’énonce cette urgence. Les associations nées
dans les années 1950 étaient évidemment confrontées à des
groupes sociaux ayant les mêmes difficultés avec l’écrit (ou

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des difficultés pires encore), mais ce n’était pas matière à


commentaires particulièrement prolixes. L’urgence était de
débarrasser au plus tôt la périphérie des grandes villes de ces
bidonvilles qui avaient crû aussi vite que les banlieues, au
rythme de la spéculation foncière. Qu’on pense aux
campagnes de l’abbé Pierre en faveur des sans-abris, à la
construction en hâte de cités d’urgence, de foyers
d’hébergement provisoire, dans l’attente de mirifiques HLM
et autres grands ensembles qui offriraient aux nouveaux
habitants le luxe des salles de bain et des ascenseurs. Les
populations les plus touchées par ces conditions de vie
précaires étaient les travailleurs immigrés, recrutés par
centaines de milliers pour fournir au bâtiment et à l’industrie
automobile une main d’œuvre que les employeurs ne
trouvaient plus sur place.
25 Nombre d’associations mettent donc en place des cours
d’alphabétisation pour immigrés, destinés à leur faciliter les
démarches de la vie quotidienne et à les rendre moins
vulnérables devant leurs employeurs (comme les CLAP,
Comités de liaison pour l’alphabétisation et la promotion,
mais aussi de multiples autres groupes de sensibilités
politiques ou idéologiques variées). Dès 1970, la
reconnaissance du droit à la formation permanente permet
une prise en charge progressive de ces actions par des
structures officiellement reconnues21. Les dispositifs
associatifs, subventionnés, ont encore de quoi faire mais
l’arrêt de l’immigration en 1974 va peu à peu tarir la
“clientèle” de tous ces militants devenus des spécialistes de
l’analphabétisme ouvrier. Dans la situation de récession qui
commence, on les retrouve dans d’autres lieux d’aide sociale
et il sont les premiers à repérer, parmi les victimes de la
crise, ceux auxquels ils peuvent aussitôt proposer leurs
services, qu’ils soient français ou étrangers22. Comment ne
pas voir, dans un déficit d’instruction élémentaire aussi
patent, un facteur déterminant de l’exclusion sociale ? C’est

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bien à ce moment qu’ATD-Quart Monde commence à faire


de la lutte contre l’illettrisme un nouveau cheval de bataille.
26 Or dans les mêmes années, l’inquiétude des pédagogues et
des familles à propos de l’échec scolaire des enfants entrant
dans le secondaire ou qui en sortent à 16 ans pour affronter
la crise de l’emploi, fait basculer le système des références.
Les difficultés de lecture connues du grand public sont celles
qui nourrissent les angoisses de presque tous les parents
d’élèves, inquiets pour l’avenir de leurs enfants dont le
parcours scolaire ressemble de plus en plus à une course
d’obstacles. La révélation de l’illettrisme des pauvres et des
jeunes chômeurs vient donc à point nommé renforcer une
vision manichéenne de la relation école-société : hors de la
réussite scolaire, pas de salut social. Tous les discours sur la
baisse du niveau, la crise de la lecture, la guerre des
méthodes, la médiocrité des élèves entrant en sixième, ou en
seconde, trouvent là argument propre à conforter leur
catastrophisme. Avec l’illettrisme, on tient ce qui va
permettre de regarder l’école non plus du côté de la
hiérarchie des réussites, mais du côté de celle des échecs,
non plus du côté de ses efforts pour ouvrir plus largement le
lycée, mais du côté de ses exclusions. Peu ou prou, tout le
monde est, ou sera, illettré puisque l’insertion sociale et,
avant elle, la réussite scolaire, exigent de tous des
performances sans cesse accrues pour l’acquisition de
diplômes d’autant moins prestigieux qu’ils sont devenus
moins élitistes23. C’est donc à la fin des années 1970, lorsque
se conjuguent les deux phénomènes jusque-là indépendants,
que l’échec en lecture déborde les problématiques
pédagogiques sur les méthodes d’apprentissage ou les
polémiques culturelles, pour devenir un élément constitutif
d’une pathologie sociale qu’une politique gouvernementale,
soucieuse de préserver l’avenir, doit se promettre
d’éradiquer.
27 Ainsi, en quelques années, les réalités scolaires et les

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discours se sont croisés. Au temps des filières et de la


ségrégation scolaire, toute avancée de scolarisation était
ressentie comme une réussite démocratisante. Au temps du
collège unique, l’échec précoce devient un scandale, et les
efforts qu’exige de chacun un investissement scolaire dans le
temps long, produisent plus de frustrations que de
gratifications. Quand la conjoncture économique (crise
pétrolière et montée du chômage) se renverse, chacun
commence à accuser l’école de “fabriquer des chômeurs”, ce
dont elle se met paradoxalement à avoir mauvaise
conscience, alors qu’elle s’était toujours glorifiée,
politiquement et culturellement, de son refus de prendre en
compte les impératifs rentabilistes du marché de l’emploi. La
question de l’illettrisme permet de conjuguer les inquiétudes
nées des mutations sociales, culturelles et économiques.
L’école chargée de tant d’espoirs réparateurs déçus ne peut
que ressasser, avec une délectation morose, les reproches
qu’on lui adresse. En effet, tous les dispositifs de prévention
et de remédiation qu’on imagine, pour répondre au défi
présent et à venir de l’illettrisme, n’aboutissent qu’à
demander davantage d’école. Celle-ci est devenue un élément
tellement central de la société que l’échec scolaire précoce,
évalué à travers l’illettrisme, c’est-à-dire l’absence de cet
outil universel qu’est la lecture, serait finalement à la source
de toutes les trajectoires d’exclusion. Les normes scolaires
d’évaluation sont devenues des normes sociales.

2 - CONSTRUCTION SOCIALE DE
L’ILLETTRISME ET MODÈLES
SCOLAIRES : PRATIQUES ET
REPRÉSENTATIONS DE
L’APPRENTISSAGE (A.-M. CHARTIER)
28 Quel rôle ont pu et peuvent jouer les modalités et les
exigences scolaires de l’apprentissage de l’écrit dans la

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construction de l’illettrisme, dans la façon de définir à la fois


sa réalité et son traitement ? Il ne s’agit plus maintenant de
s’interroger sur l’école, ses défaillances, ses innovations ou
ses remédiations relevant de dispositifs pédagogiques. Il
s’agit de rechercher dans quelle mesure la prise de
conscience du phénomène, sa désignation, ses
interprétations se sont construites selon une approche des
réalités sociales filtrée par des représentations scolaires. De
ce fait, les modalités d’intervention envisagées seraient
restées prises dans l’orbite des pédagogies scolaires, quand
bien même elles ne concerneraient que des adultes, pour des
stages courts, hors des murs de l’école et sans faire appel au
moindre enseignant.
29 En effet, en employant le terme générique d’illettrisme et en
désignant de façon globale une partie de la population
comme “illettrée”, on pointe à travers un état présent la
responsabilité passée de l’école qui n’a pas su mener à bien
sa mission d’instruction. On affirme aussi que l’écrit est
devenu un élément tellement central de la vie sociale que
ceux qui ne le maîtrisent pas seraient immanquablement
stigmatisés. Un pas de plus est franchi quand on en déduit
que les savoirs de l’écrit requis par la vie professionnelle ou
sociale sont les savoirs mêmes de la réussite scolaire. Cette
représentation conçoit le “lire et écrire” sous ses aspects de
compétence générale, susceptible d’être efficacement et
directement réinvestie dans tous les contextes. La variété des
pratiques sociales ou professionnelles de l’écrit est traitée
comme une difficulté concrète pour les actions de
remédiation mais sans importance théorique. Dans la
pratique, des intervenants attentifs, motivés, armés d’outils
didactiques performants, devraient doter rapidement les
personnes en difficulté des compétences intellectuelles
nécessaires pour affronter la plupart des situations
ultérieures où ils auront à traiter l’écrit.
30 Ce cadre de référence a la force des évidences. C’est dans le

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cadre d’un tel consensus qu’ont été trouvés les critères de


description du phénomène et que se sont mobilisées les
bonnes volontés des intervenants. En la matière, les discours
désignant le phénomène sont en effet indissociables des
traitements envisagés. Ce sont donc ces discours qu’il faut en
premier lieu interroger.

2.1. Discours et pratiques


31 Ce qui rend si foisonnants et parfois contradictoires les
discours sur l’illettrisme, c’est le caractère fuyant de leur
objet, indéterminé dans sa nature et surdéterminé dans ses
manifestations.

Indétermination : l’illettrisme est défini comme


manque, comme incompétence, incapacité transitoire
ou définitive. Ce qui fait défaut est désigné,
alternativement ou simultanément, de la façon la plus
restrictive ou la plus large (la lecture courante, mais
aussi le goût de lire, l’accès au mode d’emploi de telle
machine mais aussi la maîtrise des technologies
nouvelles, l’aptitude à se débrouiller dans la ville mais
aussi dans la vie).
Surdétermination : l’illettrisme ne va jamais seul, il est
toujours couplé à d’autres déterminations sociales
auxquelles on finit par l’identifier. Le savoir des
corrélations finit par induire de confuses relations de
causalité, des coïncidences nécessaires entre illettrisme
et précarité, exclusion, chômage, déqualification,
marginalité, pauvreté. Il existe pourtant des gens en
parfaite sécurité d’emploi, insérés, n’ayant pas de
problèmes de fin de mois ni de logement et qui, si on
s’avisait de tester leurs compétences scripturaires,
seraient désignés comme illettrés. A l’inverse, la
compétence en lecture ne met nullement à l’abri, chacun
le sait, des vicissitudes économiques et sociales.

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32 L’enquête réalisée en 1987 par l’Institut Infométrie à


l’initiative de François Bayrou, président nouvellement
nommé du GPLI à l’occasion de l’alternance
gouvernementale, est rendue publique en octobre 1988. On y
apprend que l’illettrisme est un phénomène touchant
d’abord une population âgée (un illettré sur deux a plus de
64 ans, un sur quatre entre 50 et 64 ans) ce qui revient à dire
que les trois quarts des illettrés ont été scolarisés avant 1955.
On y apprend aussi que c’est un phénomène plus rural
qu’urbain et touchant plus les hommes que les femmes. C’est
une enquête qui a permis la mise en évidence d’un
phénomène intéressant les jeunes de 18 à 24 ans : 10,6 % ont
des difficultés pour écrire, alors qu’ils lisent sans problèmes
particuliers (8,4 % des 25-50 ans sont dans ce cas)24.
33 L’enquête “Etude des conditions de vie” de l’INSEE, réalisée
durant l’hiver 1986-87 et publiée en 1989, complète le
tableau en le complexifiant. Elle évalue à 3,3 millions le
nombre des illettrés (1,9 million nés en France, 1,4 hors de
France) et confirme le poids des personnes âgées dans ce
secteur. On peut retenir, en particulier, que 14 % des
personnes illettrées ont vu leur situation matérielle et
financière s’améliorer au cours de leur vie (c’est le cas de
22 % de l’ensemble de la population), 31 % sont restées dans
une situation moyenne (même taux que l’ensemble de la
population) ; 11 % ont été en chute et 18 % dans un état de
pauvreté constante (respectivement 6 % et 6 % de l’ensemble
de la population).
34 Dans l’analyse qu’il fait des résultats25, Jean-Louis
Borkowski apporte des informations intéressantes sur le
rapport des individus à leur capacité linguistique, qu’elle
relève de l’oral ou de l’écrit. Il distingue quatre niveaux de
handicaps décroissants parmi lesquels se distribuent les
illettrés sur lesquels il a enquêté : ne pas savoir parler le
français, ne pas savoir le lire, ne pas savoir l’écrire et ne pas
le “maîtriser”. Dès lors, la réalité de l’illettrisme devient plus

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complexe. “Que cela résulte ou non de la scolarité, il y aurait


donc ceux qui ne savent même pas parler [français], ceux qui
savent parler et rien d’autre, ceux qui savent parler et lire,
mais rien d’autre... jusqu’à ceux qui, ayant les acquis de
bases, ne maîtrisent néanmoins pas bien le langage. Cette
image de l’illettrisme reflète la réalité dominante mais
néglige certains cas. Par exemple, le quart de ceux qui ne
savent pas lire savent néanmoins écrire un minimum et
maîtrisent à peu près la langue”.
35 Il est donc important de défaire ces liaisons trop tôt
préétablies et de prendre le temps du détour. Alors que
l’urgence des décisions et des actions contraint à des
appréciations intuitives et à des régulations empiriques,
l’analyse du phénomène requiert des investigations plus
poussées. On ne peut, en effet, construire rigoureusement la
réalité de l’illettrisme à travers le seul secteur de la prise en
charge sociale. Il faut en tout cas estimer l’effet en retour sur
la définition du phénomène que peuvent avoir les modalités
variées de ces prises en charge, obtenues ou réclamées,
institutionnelles ou associatives, publiques ou privées,
soumises ou non à évaluation. Inversement, il faut
comprendre comment une réalité sociale devient, ici et
maintenant, visible, intolérable, scandaleuse, alors qu’elle
est, ailleurs ou à un autre moment, non perçue, sous-estimée
ou acceptée sans problème.

2.2. L’illettrisme, une réalité polymorphe


36 Depuis 1984, chacun a eu le temps de découvrir la
complexité du phénomène. Les comptes rendus
d’expériences ont permis aux praticiens et aux décideurs de
prendre conscience de la variété des situations désignées
sous le vocable d’illettrisme, selon qu’il désigne celui qui
truffe ses écrits de fautes d’orthographe ou qui ne remplit
jamais seul ses papiers administratifs, le “BNQ” que son bas
niveau de qualification désigne en priorité au licenciement

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quand l’usine renouvelle son parc de machines, ou encore


celui qui achète le journal mais jamais de livres et qui refuse
d’apprendre à se servir d’un minitel. Le répertoriage des
actions en direction des illettrés permet-il de mieux cerner le
phénomène ?
37 Sur les terrains, les critères d’intervention et les règles
d’action n’ont cessé de s’élaborer et de se réviser en fonction
des problèmes localement découverts, de l’accueil fait aux
offres de service, des contacts plus ou moins suivis avec les
différents publics concernés. En déplaçant sur l’illettrisme
les projecteurs de l’actualité médiatique26, on a
simultanément valorisé des interventions déjà existantes
antérieurement, provoqué de nouvelles initiatives et
réorienté des actions en cours. Cependant, les interventions
de réparation ou de prévention sociales conjuguent tant
d’aspects, de facteurs et de partenaires que les étiquettes
mises en intitulés ne peuvent jamais éclairer qu’un aspect de
ce qui se fait et de ce qu’on vise. Selon les interlocuteurs ou
les conjonctures, une même initiative locale énoncera qu’elle
a pour objectif la communication inter-culturelle, la
prévention de la délinquance, le développement social des
quartiers, la formation pour des “basses qualifications”
l’insertion des jeunes, la défense des immigrés, la
conscientisation des exclus, la réparation de l’échec scolaire
ou... la lutte contre l’illettrisme. Chaque libellé révèle
presqu’à coup sûr quels sont les partenaires en présence, les
politiques et les ministères concernés (avec leurs lignes
budgétaires) et aussi les affichages médiatiques successifs de
l’action militante ou publique. Il ne dit rien, ou presque rien,
des différents contenus pratiques, des méthodes, des choix
intellectuels, des critères d’évaluation de telles actions et
encore moins ce que peuvent être leurs effets à terme dans
l’espace social. A l’inverse, deux stages, proposés dans le
cadre de la lutte contre l’illettrisme, également baptisés
“initiation aux pratiques sociales de l’écrit” peuvent n’avoir

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de commun que le nom.


38 C’est bien pourquoi il est nécessaire de s’interroger plus
avant sur cette nouvelle catégorie construite dans l’espace
social. C’est une urgence pour ceux qui depuis plusieurs
années se sont mobilisés, sans y ménager leur temps ni leur
peine. L’existence institutionnalisée d’une cellule de
coordination officielle comme le GPLI n’ôte pas à certains le
sentiment, parfois amer, que la reconnaissance du
phénomène, la découverte progressive de sa complexité
insoupçonnée, le succès de sa promotion médiatique au titre
de grande cause nationale à l’égal d’autres luttes (contre le
cancer, le chômage, la pollution, etc.), tout ceci a finalement
abouti à étendre indéfiniment le champ d’intervention, à
disperser les forces dans des activités de plus en plus
disparates. Les actions ayant eu des effets réparateurs,
parfois proclamés triomphalement, souvent connus des seuls
acteurs concernés, sont finalement infiniment moins décrites
que l’insuffisance des moyens d’intervention ou que
l’insuffisance désespérante des stagiaires. Les critères et les
ordres d’urgence en ont été rendus plus incertains et
l’illettrisme est devenu un de ces mot “attrape-tout” dont on
ne sait plus toujours ce qu’il désigne.

2.3. L’illettrisme comme marché


39 Une des conséquences les plus graves de ce brouillage des
repères et des rôles est l’instauration d’une véritable
concurrence entre les intervenants potentiels sur le territoire
indéfini de l’illettrisme, brutalement constitué en marché :
on court après les subventions et les reconnaissances
“publiques, c’est-à-dire institutionnelles, budgétaires et
médiatiques. Les illettrés sont devenus un public-cible de
l’action sociale. De nouveaux professionnels de l’intervention
réparatrice se trouvent devenus concurrents des bénévoles
d’associations ou des personnels salariés de la fonction
publique. Leurs statuts précaires les obligent à être sans

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cesse à la recherche de nouveaux contrats, à démarcher


auprès des mairies ou d’autres élus, à vendre leurs services à
ceux qui gèrent les fonds d’intervention, tandis que
foisonnent les dispositifs (coûteux) de formation, les stages,
les diplômes, les technologies, les didacticiels, les tests
d’évaluation et les colloques.
40 Cependant, les modes d’action retenus, projetés ou réclamés
découlent tout autant de la façon dont les intervenants se
représentent l’écrit, les usages multiples qu’ils en attendent
et l’importance qu’ils accordent à chacun d’eux. Au contact
des publics qu’il a été amené à rencontrer, chacun s’est peu à
peu forgé une image de l’illettrisme dans laquelle interfèrent
les difficultés constatées (qui sont bien réelles) et les propres
savoirs d’écrit de l’intervenant (qui est toujours un ancien
élève, qu’il soit militant bénévole, travailleur social,
intervenant rémunéré, mais aussi partenaire institutionnel et
décideur politique). Derrière le même terme, chacun met
manifestement des choses bien différents, en particulier
quand il s’agit de caractériser, implicitement ou
explicitement, les savoirs et les pratiques de l’écrit que tous
jugent si décisifs aux insertions sociales et professionnelles.

2.4. La lutte contre l’illettrisme et l’échec scolaire

2.4.1. La prévention
41 Deux axes de réflexion, qui sont aussi deux axes
d’intervention, peuvent être distingués si l’on suit l’histoire
récente. Le premier est celui de la lutte contre l’échec scolaire
précoce qui entre aujourd’hui dans ce champ d’analyse au
titre de la lutte pour la prévention de l’illettrisme. S’y
rattachent tous les dispositifs de soutien scolaire mis en
place dans l’école et autour de l’école pour des enfants en
cours d’étude, de l’école maternelle à la fin du collège. Le
GPLI a ainsi publié un guide des actions d’accompagnement
Pour une meilleure réussite scolaire27, que les

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documentalistes ne savent pas toujours où classer dans les


CDI : au rayon de l’échec scolaire ou à celui de l’illettrisme ?
En effet, le traitement des difficultés en lecture a produit
depuis longtemps, en sus d’une abondante littérature
pédagogique, la mise en place de systèmes d’aide qui ne
doivent rien à la réflexion récente engagée sur l’illettrisme,
du moins en France. La multiplicité des structures
cœxistantes montre les traces stratifiées des analyses de
l’échec produites par l’histoire : classes de perfectionnement
(1909), centres psycho-pédagogiques (1946), puis centres
médico-psycho-pédagogiques (1964), groupes d’aide psycho-
pédagogique et classes d’adaptation (1970), bibliothèques-
centres documentaires (1976), zones d’éducation prioritaire
(1982), etc. En revanche, les enquêtes internationales
menées par le Parlement européen montrent que certaines
initiatives qui sont en France déjà anciennes commencent à
peine à s’inventer aux Pays-Bas ou en Grèce et sont donc
mises au crédit de la lutte contre l’illettrisme, alors qu’elles
font déjà partie du paysage traditionnel de l’école en France.

2.4.2. La remédiation
42 Le second axe, apparu beaucoup plus récemment, est celui
des actions sociales de remédiation qui concernent tantôt des
jeunes tôt exclus du système scolaire, tantôt des ouvriers que
les mutations professionnelles obligent à une reconversion
qualifiante rapide sous peine de perte d’emploi, tantôt des
adultes familiers des services d’aide sociale dont on a repéré
l’incapacité à se débrouiller seuls avec “les papiers”. Les
stages d’insertion destinés aux bénéficiaires du revenu
minimum d’insertion (RMI), qui relèvent de supports
logistiques officiels, se sont donc ajoutés aux actions
associatives et caritatives, gérées par des bénévoles, selon
des formules souples et extraordinairement variées. Si
l’Education nationale est concernée par certaines de ces
actions (dans les GRETA par exemple, ou dans le cadre

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d’opérations universitaires de formation d’intervenants), de


tels dispositifs ne visent pas l’école, ses élèves et ses
enseignants. Il s’agit d’actions à durée déterminée, associant
de nombreux partenaires, en direction de publics diversifiés
pour qui les intervenants sont des prestataires de service.
43 On peut considérer que ces deux domaines d’intervention
sont en contiguïté, sinon en continuité, puisqu’il s’agit
toujours de lutter contre les effets des mêmes causes, plus ou
moins décalés dans le temps. On peut au contraire penser
que l’aide à la réinsertion pour des adultes, sortis de l’école
depuis longtemps, ou pour des jeunes avec qui la
scolarisation a manifestement échoué, est forcément d’une
autre nature que le travail en milieu scolaire. Elle vise en
effet à constituer directement des pratiques sociales (et non
scolaires) de lecture-écriture dont la maîtrise est nécessaire
sur le lieu de travail ou de vie. Selon les interlocuteurs, on
trouve des discours insistant tantôt sur les points communs,
tantôt sur les écarts en matière d’objectifs et de méthodes
d’intervention.

2.4.3. Prééminence des réalités scolaires


44 Les rapports des experts privilégient évidemment l’approche
globale du phénomène, qui donne à l’illettrisme sa
dimension de problème partout présent dans le corps social
et capable de concerner, par les parents d’élèves interposés,
la totalité d’une population. A comptabiliser les actions
entreprises, le travail de prévention l’emporte nettement : les
budgets investis, la mobilisation sociale, l’existence d’un
public captif (les élèves soumis à l’obligation scolaire),
l’écoute attentive d’un corps important de professionnels,
font que les deux parties ne se jouent pas de la même façon.
Mais les critères pour évaluer un recul de l’échec scolaire
peuvent-ils être les mêmes que ceux qui permettaient
d’évaluer une diminution de l’illettrisme dans le corps
social ?

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45 Le rapport Rivière sur l’illettrisme en Europe28, par exemple,


organise les informations rendant compte d’actions locales
dans la CEE autour d’une référence centrale à l’institution
scolaire. La lutte contre l’illettrisme adulte tient en un
chapitre unique qui traite ensemble problèmes sociaux et
professionnels, alors que cinq chapitres détaillent les
dispositifs de lutte contre l’échec scolaire en lecture. Les
rubriques retenues sont les suivantes :

“Se préparer à apprendre à lire” (prévention de l’échec


avant la scolarisation obligatoire) ;
“Dans l’école” (innovations pédagogiques) ;
“Des démarches globalisantes d’apprentissage” (lutte
contre l’échec scolaire dans des actions de type ZEP ou
des GRETA, ou des interventions post et péri-
scolaires) ;
“Autour de l’école” (dans des interventions de
promotion de la lecture, soit privée – éditeurs –, soit de
type PAE ou École des parents) ;
“Apprendre ou réapprendre à lire pour s’insérer
socialement et professionnellement” (cours
d’alphabétisation à l’armée, en entreprise, dans des
services sociaux ou des associations, etc.) ;
“Alphabétiser les exclus” (c’est-à-dire scolariser des
enfants marginaux : tziganes, délinquants sous tutelle
judiciaire, etc.) ;
“Informer et sensibiliser” (opérations de médiatisation
pour toucher le public potentiellement concerné).

46 Une telle organisation des données met bien en évidence le


point de vue à partir duquel une comparaison internationale
est la plus aisée : autour de l’institution commune à tous ces
pays, l’école. Il réunit dans un répertoire cumulatif la lutte
contre l’illettrisme et contre l’analphabétisme (au Portugal,
en Grèce, en Italie, mais aussi ailleurs auprès des travailleurs
immigrés) et lie de façon structurelle les dispositifs sociaux

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et scolaires, la remédiation et la prévention.


47 Ainsi, puisque les corrélations entre illettrisme et précarité
sociale d’une part, illettrisme et échec scolaire d’autre part,
sont bien établies, l’école est globalement posée comme
responsable (à ses risques et périls) de la maladie et de son
traitement29. Toutes les critiques à l’égard d’une institution
qui a échoué à apprendre à lire à trop de jeunes ou de moins
jeunes, n’aboutissent donc qu’à demander davantage d’école.
Tous les intervenants, formateurs, animateurs, militants
bénévoles, sont invités à coiffer une casquette d’enseignant,
avec pour mission de réussir en quelques mois (sans avoir
des moyens comparables en matériel, personnel et temps) ce
que des années d’école ont échoué à mettre en place.
48 Pour combler les déficits constatés une fois la scolarisation
achevée, il faut mettre en place des dispositifs de
remédiation “adaptés à des adultes”. On insiste donc sur les
modalités de transmission qui font largement appel au petit
groupe, à l’aide mutuelle, au travail individualisé.
Cependant, alors que les stages de formation d’adultes des
années 1970 rejetaient non seulement les formes mais les
contenus scolaires d’enseignement au profit d’une
prééminence de l’action pratique30, les stages de lutte contre
l’illettrisme, par construction, autonomisent le travail sur
l’écrit de ses usages informels. Ils ne peuvent alors avoir
d’autres postulats que ceux de la pédagogie scolaire de l’écrit.
Des catégories de pensée, des progressions d’enseignement,
des formes d’évaluation, forgées dans l’école et pour l’école
sont ainsi posées comme opératoires de façon intrinsèque.
Que Ton définisse l’illettrisme comme l’absence d’un lire-
écrire-compter élémentaire ou comme l’incapacité à traiter
“efficacement” les écrits multiples produits par une société
industrielle et urbaine, dans les deux cas, les manières de lire
et de ne pas lire sont référées à des normes scolaires de
lecture. On pose en particulier comme allant de soi l’idée
d’un savoir-faire croissant qui serait à la fois de plus en plus

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complexe et polyvalent, induisant des transferts efficaces


d’un domaine à un autre. “La” lecture est considérée comme
“un” outil universel dont chacun userait plus ou moins bien,
plus ou moins vite, selon une échelle de compétences
progressivement acquises dans un cursus d’apprentissage
hiérarchisé.

2.5. La frontière entre illettrés et lecteurs


49 Le modèle progressif d’un apprentissage continu et
potentiellement indéfini ne permet pas de fixer d’emblée le
sens de l’opposition “illettré/lecteur” : la frontière ne cesse
de se déplacer. Pourtant, lorsqu’on s’éloigne des rapports où
sont réunies, à travers toutes les variétés d’action, toutes les
variétés de définitions, pour se fixer sur les discours des
intervenants, revient en force une position qui donne valeur
opératoire à l’opposition en fixant un seuil de performance
significatif. Il existe aujourd’hui deux pôles extrêmes,
antagonistes, qui situent très différemment la frontière
séparant illettrés et lecteurs. Or, c’est en fonction de cette
coupure qu’on définit des objectifs d’apprentissage, des
niveaux de performances et des progressions.
50 La première position est celle des militants d’ATD-Quart
Monde31. Pour eux, quand les obstacles au déchiffrage sont
franchis, que le contact avec l’écrit ne provoque plus
l’angoisse ou la répulsion, que les hésitations ou les
difficultés à identifier les mots ne sont pas telles qu’elles
interdisent l’accès au sens, on est sorti de l’illettrisme et en
bonne voie d’être lecteur. Ce travail implique donc des
actions de type fonctionnel (rendre plus familiers les
supports ordinaires de l’écrit : panneaux indicateurs,
journaux, papiers administratifs) mais aussi de type culturel
(associer les parents à l’initiation des enfants à l’écrit,
impulser des animations autour du livre, recueillir par écrit
des histoires de vie, etc.) car elles seules peuvent donner sens
à cet effort énorme qu’exigent les premiers apprentissages.

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51 Pour les militants de l’Association française pour la lecture


(AFL), au contraire, cette lecture minimale visée par ATD-
Quart Monde n’est plus aujourd’hui un pouvoir-lire efficace.
Suffisante au début du siècle, elle est de nos jours la
définition même de l’illettrisme moderne. Notre société
requiert des gens qu’ils soient “lecturisés”, (et pas seulement
“alphabétisés”, c’est-à-dire lecteurs-déchiffreurs). Le “vrai”
lecteur, c’est celui qui lit sans effort, visuellement, qui est
capable de prélever de l’information dans des types de textes
variés pour s’en servir à ses propres fins. C’est donc pour des
raisons sociales et non techniques que le non-lecteur reste
exclu des réseaux de communication écrite. L’illettrisme des
“quasi-analphabètes” est considéré comme un phénomène
sévère mais résiduel. En revanche, croire la partie gagnée
quand le déchiffrage est acquis serait l’erreur type d’une
position archaïque qui n’a pas pris conscience que les temps
ont changé. Beaucoup de gens qui se considèrent comme
“lecteurs” sont, selon ce critère, illettrés, et manifestent
d’ailleurs devant les nouvelles technologies de l’écrit leur
incapacité d’adaptation et leur désarroi.
52 Ceci conduit l’AFL à adopter une position particulièrement
critique à l’égard de “l’acharnement thérapeutique” de
mesures relevant de la charité et évitant de poser
brutalement les vraies questions de l’action politique :
“Aujourd’hui, moins de 30 % des Français savent lire ; les
autres ont été alphabétisés. C’est évidemment parmi ces
derniers que se recrutent les analphabètes. Mais pourquoi en
nombre croissant ? Essentiellement parce que d’autres
moyens de communication entrent avantageusement en
concurrence avec l’écrit, dès lors qu’on ne sait que l’utiliser
de manière alphabétique. Prendre connaissance de l’actualité
en déchiffrant le journal donne peu de satisfaction comparé
aux informations télévisées. Mais quel lecteur, même
téléspectateur assidu, songerait à se passer de son
quotidien ? (...) Dorénavant, avec l’écrit, c’est tout ou il est

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préférable que ce ne soit rien. En ce sens, les analphabètes


actuels sont des précurseurs, non des “bavures” et ceux qui
veulent les “désanalphabétiser”, des nostalgiques. Les
analphabètes font le bon choix en renonçant à une
communication médiocre et en se tournant vers des médias
plus rentables. (...) Une action centrée sur l’analphabétisme
est un combat retardateur car l’usage de l’écrit qu’il vise n’a
d’intérêt pour personne32”.
53 On peut retrouver dans ces deux conceptions de la lecture la
trace de positions pédagogiques qui coexistent toujours dans
l’école. A côté du maître qui fait du savoir-lire une
compétence de fin de cours préparatoire et celui qui vise la
lecture des collégiens, capables de chercher une
documentation, faire leurs devoirs seuls, lire un roman ou
feuilleter un magazine, il y a deux représentations du
processus d’apprentissage et des usages de l’écrit, l’un centré
sur la maîtrise du code grapho-phonémique, l’autre sur la
connaissance des supports et l’automatisation des
procédures de traitement d’information.
54 Ce que nous voudrions souligner, c’est moins les écarts que
les parentés de ces deux modèles. L’un comme l’autre posent
comme allant de soi l’idée d’une frontière, ou d’une zone-
frontière, séparant illettrés et lecteurs. L’un comme l’autre,
ils se réfèrent à des normes scolaires de l’apprentissage
(cours préparatoire d’un côté, classe de sixième ou... de
seconde de l’autre) et exportent des positions pédagogiques,
coexistant, parfois conflictuellement, au sein de l’école, vers
le champ social. L’un comme l’autre, ils se représentent
l’appropriation de l’écrit comme celle d’un outil universel,
constitutif du lien social contemporain et condition de la
citoyenneté. De façon minimale ou maximale, le “savoir-lire”
permettrait, une fois franchi un certain seuil, de “tout” lire.
Ainsi s’opère le glissement de catégories de pensée forgées
dans l’école et pour l’école à la société tout entière. Que l’on
définisse l’illettrisme comme l’absence d’un lire-écrire-

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compter élémentaire (comme le fait ATD-Quart Monde) ou


comme l’incapacité à traiter “efficacement” les écrits
multiples produits par une société industrielle et urbaine
(comme le fait l’AFL qui considère ainsi, très logiquement,
que “70 % des Français ne sont pas lecteurs”), dans les deux
cas, les manières de lire et de ne pas lire sont référées à un
modèle de “lecture générale”. La plupart des positions se
situent entre ces deux extrêmes, chacun définissant en
fonction des interlocuteurs qu’il rencontre ou des situations
qu’il a à traiter, un “niveau” d’exigence situé entre ces deux
“niveaux”.
55 La cœxistence de ces deux représentations, polarisant
diversement les exigences, a eu immédiatement pour effet de
conforter l’image (scolaire elle aussi) de l’apprentissage
comme échelle unique de compétences hiérarchisées,
construite en référence à un cursus d’apprentissage de
longue durée. On peut ainsi comparer sans broncher les
performances en lecture d’adultes ayant des années
d’expérience professionnelle à des niveaux scolaires
d’enfants et utiliser les mêmes tests et les mêmes didacticiels
pour évaluer ou entraîner les uns et les autres. On comprend
ainsi pourquoi les divers rapports de synthèse ont pu
présenter côte à côte ces différentes conceptions de
l’illettrisme, qui sont en conflit plus qu’elles ne se
contredisent fondamentalement.
56 Cette référence implicite à des “niveaux” de lecture,
construite comme le modèle des “niveaux de qualification”
désignant des durées d’études, est une donnée scolaire. Les
objectifs assignés à l’école sont bien de produire, à travers les
lectures d’apprentissage, une compétence élémentaire
générale, supposée d’emblée transférable à tout écrit social
ordinaire. Cette compétence va en se spécifiant, de façon de
plus en plus fine, au fur et à mesure que les disciplines
constituent auprès des élèves leur domaine de spécialité,
requérant des connaissances et des savoir-faire cognitifs plus

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complexes.
57 Pourtant, si cette représentation d’un apprentissage
“échelonné” donne de façon pertinente l’idée d’un
programme et de ses visées, il n’est pas sûr qu’elle donne une
description réaliste des pratiques de lecture nécessaires pour
se débrouiller effectivement dans le système scolaire. Une
part de l’échec y vient peut-être justement de ce que les
enseignants s’attendent, à tort, à ce que les élèves
réinvestissent spontanément les compétences lectrices
acquises en un domaine dans un autre domaine, ou bien
encore aient conscience des procédures de traitement qu’ils
mettent en œuvre, par exemple lorsqu’ils se servent d’un
texte pour construire de nouvelles connaissances. Or, on sait
maintenant que de nombreux savoirs procéduraux restent,
même à un très haut niveau de maîtrise savante de l’écrit,
parfaitement inconscients et donc, partiellement ou
provisoirement indisponibles quand on sort des domaines de
traitement sur lesquels ils sont habituellement utilisés33.
58 D’autre part, si l’école et la société ne cessent de transmettre
et d’utiliser des savoirs scripturaux de nature fort variée, il
ne s’ensuit pas que les modalités scolaires de transmission et
d’usage (grand groupe, progressions, emploi du temps
régulier, programmes, exercices visant des acquis
individuels, évaluations en temps limité et par écrit, etc.)
soient opératoires hors de l’école. Les pratiques sociales de
l’écrit échappent aux schémas mis en place pour leur
scolarisation. Les enquêtes “ethno-biographiques” 34 qui
permettent d’approcher qualitativement les façons de faire
des usagers (les trajectoires de lecture, les pratiques
interactives de l’écrit, les tactiques de contournement, les
suppléances conviviales, etc) montrent à quel point les
modèles scolaires qui fonctionnent en tout ou rien (on sait
ou on ne sait pas) ne sont pas pertinents dans l’espace social
(on peut savoir assez pour se débrouiller ponctuellement, on
peut se faire aider, faire semblant de savoir, etc).

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59 De plus, le terme “espace social” est trop large puisqu’il


renvoie aussi bien à l’entreprise qu’à l’activité domestique ou
aux échanges de services dans la vie urbaine et administrée,
aux espaces de l’action politique aussi bien qu’aux exigences
des emplois offerts sur le marché du travail. Et c’est d’abord
du monde du travail que viennent aujourd’hui des demandes
de qualification, qui incluent, mais entre autres
compétences, de nouvelles exigences de maîtrise
scripturaire. Or, les deux modèles polarisant les discours
dans le champ de l’illettrisme proviennent d’analyses qui
lient les insuffisances de la lecture scolaire et l’exclusion des
réseaux de sociabilité dans l’espace public (AFL ou ATD-
Quart Monde). Dans la pratique, les interventions dont
chacun ressent l’urgence sociale sont celles qui visent
l’insertion ou la reconversion professionnelle pour des
“BNQ”. Rien d’étonnant si les réflexions novatrices sur le
traitement de l’illettrisme proviennent d’acteurs confrontés à
ces terrains-là35.

2.6. Les illettrismes et les pratiques sociales de


l’écrit
60 D’autres discours remettent en effet aujourd’hui en cause
l’idée d’une coupure assignable entre l’incompétence de
l’illettré et la compétence du lecteur. En cherchant à rendre
compte de la complexité des situations, des cas particuliers,
on a certes construit l’illettrisme comme une réalité
protéiforme indéfiniment extensible, mais on a aussi apporté
des matériaux propres à récuser les représentations d’emblée
homogénéisantes. Au modèle de la frontière séparant
illettrés et lecteurs s’oppose un modèle centré sur la disparité
des usages36, qui ouvre plus largement l’espace à la
recherche. Il accepte l’idée que des formes d’illettrisme
coexistent avec des pratiques formelles de l’écrit chez les
mêmes individus. Certaines compétences, pas toujours
absentes chez certains “mauvais lecteurs” (d’après les

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critères scolaires) ne sont pas forcément disponibles chez


certains “bons lecteurs”. Il pose conjointement qu’il existe
des pratiques ou des “manipulations” sociales de l’écrit, qu’il
faut repérer et analyser, chez toute personne vivant en
société développée et qu’il y a donc à la fois des seuils
distinctifs et des zones de recouvrement entre les
compétences scripturaires.
61 Ce modèle est important car il est le seul à ouvrir des
perspectives de remédiations qui ne soient pas décalquées
des formes scolaires. En effet, dans la mesure où l’école ne
travaille jamais en situation “réelle” (elle est retirée
institutionnellement du champ de la production et des
échanges sociaux), elle est condamnée, pour le meilleur et
pour le pire, aux “abstractions généralisantes”. Ayant à faire
dans la longue durée à un public captif et jeune, qu’elle doit
former intellectuellement, culturellement et pas seulement
socialement et professionnellement, elle ne peut jamais se
contenter, dans ses visées, de monter des savoir-faire
utilitaires ou des compétences localement finalisées ; elle
doit chercher, à travers un curriculum, des programmes, des
situations d’exercice, des examens, à mettre en place des
références qui aient valeur reconnue collectivement, qui
puissent se transférer à d’autres situations, qui soient
recevables par tout élève et contribuent à sa formation
“générale”. L’artificialité contraignante de la vie scolaire
conduit donc à mettre en place des modalités
d’apprentissage de l’écrit qui sont devenues si banales qu’on
a fini par les croire “naturelles”37. On finit aussi par oublier
qu’elles ne recouvrent que très partiellement les usages
scripturaires pratiques des gens vivant en société.
62 Or, les opérations de formation, visant à qualifier ou à
requalifier des travailleurs en reconversion dans leur
entreprise, disposent d’une autre logique que celle qui
prévaut dès qu’on a affaire à des chômeurs ou à des jeunes à
la recherche d’un emploi. Dans le premier cas, il est possible

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à la fois d’évaluer les performances (scripturaires et autres !)


sur l’ancien poste de travail et de déterminer les
compétences à acquérir au vu de la future organisation du
travail (qui change les contraintes technologiques mais aussi
la hiérarchie, la définition des responsabilités, etc.). Dans le
deuxième cas, ne sachant à quel type d’emploi il faut
préparer les stagiaires, le recours à des apprentissages
“généraux”, c’est-à-dire de type scolaire, s’impose
généralement. A côté des activités pour améliorer la maîtrise
de l’écrit, on trouve les ateliers d’entraînement “cognitif” (du
type “ateliers de raisonnement logique” ou “programme
d’enrichissement instrumental”), c’est-à-dire, sous un autre
habillage, les cours de français et de mathématiques.
63 L’intérêt des stages de reconversion dans l’entreprise n’est
pas seulement d’éviter des mises au chômage et de limiter les
dégâts sociaux des mutations industrielles (ce qui ne laisse
personne indifférent). De telles expériences, quand bien
même elles resteraient minoritaires, obligent à construire un
autre modèle théorique pour définir les compétences
professionnelles, qu’elles soient techniques, intellectuelles ou
scripturaires38 et, donc, à s’interroger autrement sur les
modalités de leur évaluation et les dispositifs d’intervention.
Ainsi, les formateurs du GRETA qui ont conduit une
opération de reconversion concernant 600 ouvriers à Melle,
concluent : “La démarche utilisée à Melle, en essayant de
connaître mieux les compétences vraies des salariés dans
l’entreprise et de ne s’en remettre ni aux diplômes, ni à
l’évaluation des supérieurs hiérarchiques, a permis de
détecter des compétences de niveau IV chez des personnes
sans diplôme, d’envoyer en formation longue (BTS) des gens
titulaires d’un CAR ou de former au laboratoire des
personnes qu’on n’aurait jamais osé sortir de l’atelier de
fabrication sans l’évaluation formative. Même s’ils sont
restés opérateurs, les stagiaires ainsi formés se sont révélés
capables de changer de poste et de machine, avec des

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équipements beaucoup plus sophistiqués que ceux sur


lesquels ils travaillaient auparavant39. ”.

2.7. Conclusion : pratiques de l’écrit, recherche et


interventions sociales
64 La première conclusion concernant aussi bien les chercheurs
que les praticiens intervenants est donc la suivante : des
évaluations plus fines ou plus complexes des savoir-faire
absents ne permettront pas forcément de parvenir à une
meilleure approche de l’illettrisme. Il y a davantage à
attendre d’une connaissance des pratiques déjà existantes,
aussi peu normées qu’elles puissent être, sur le lieu de travail
et dans la vie sociale ou familiale. C’est seulement en
référence à ces savoirs de départ qu’on pourra évaluer les
effets à terme des interventions d’aide. Si l’on accepte une
telle approche, il devient difficile d’autonomiser les savoirs
scripturaires de leur usages, qui ne sont jamais généraux,
c’est-à-dire abstraits, mais toujours concrets, locaux,
spécifiés et limités. La question se pose alors de savoir dans
quelle mesure les intervenants requis pour aider les
populations en difficulté doivent être des “spécialistes” de la
lutte contre l’illettrisme.
65 La seconde conclusion est plus paradoxale : on peut en effet
se demander si la lutte contre l’échec scolaire à l’intérieur de
l’école ou à ses confins (pour les jeunes exclus du système
scolaire en particulier) ne tirerait pas également profit d’une
approche cherchant à expliciter les pratiques scripturaires
ordinaires, concrètement requises par le processus de
scolarisation. Au lieu de se contenter d’affirmer que la
maîtrise de l’écrit est la condition sine qua non de toute
réussite scolaire, on pourrait ainsi repérer quelle place
continue d’être faite dans l’école à des savoirs ou des savoir-
faire non scripturaires, à des tactiques de contournement ou
de manipulation de l’écrit qui n’ont que peu à voir avec le
modèle de l’instrumentalisation généralisée. Il semble bien

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que l’incapacité à maîtriser lecture et écriture en dix ans de


scolarité, sauf cas pathologiques avérés, provienne moins des
déficits cognitifs ou instrumentaux des élèves que des effets
sélectifs de l’apprentissage. Alors que les mises en œuvre
pédagogiques ne cessent de manifester l’écart entre les
performances d’élèves et les modèles visés, elles ne
parviennent pas toujours à construire, à partir des
compétences existantes, les procédures accompagnées
conduisant à leur appropriation.

Bibliografía
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TROGER (V.), “Les centres d’apprentissage de 1940 à 1960 :


le temps des initiatives”, Formation-Emploi, 27-28, 1989.
DOI : 10.3406/forem.1989.1361

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VÉLIS (J-P.), La France illettrée, Paris, Le Seuil, 1988.

ATD-Quart Monde, Analphabétisme et pauvreté dans les


pays industrialisés, Paris, Unesco, 1983.

ATD-Quart Monde, Le Savoir-partager. Alphabétiser en


Europe et en Afrique à partir des plus pauvres, Paris,
Unesco, 1984.

Commission des Communautés européennes,


L’Alphabétisation en Europe. Une communauté avant la
lettre. Analyse comparative des actions d’alphabétisation
les plus efficaces et novatrices, mises en place dans les Etats
membres par les pouvoirs publics ou par les milieux privés,
Luxembourg, Office des publications officielles des
Communautés européennes, 1984.

CRESAS, Les Handicaps socio-culturels en question, Paris,


ESF, 1978.

Formation-Emploi, 27-28, juillet-décembre 1989 (numéro


spécial : “L’enseignement technique et professionnel.
Repères dans l’histoire [1830-1960])”.

Infométrie, Illettrisme : Etude quantitative, Paris, GPLI,


1988.

Parlement européen. Rapport sur la lutte contre


l’analphabétisme, Strasbourg, Parlement européen, 1982
(Document 1.88/82, rapporteur : Mme VIEHOFF).

Perspectives, XVII, 2, 1987, (numéro spécial : “Vers l’année


internationale de l’alphabétisation. L’illettrisme dans les
pays industrialisés : situations et actions”).

“Pour une meilleure réussite scolaire. Guide des actions


d’accompagnement”, En toutes lettres, numéro spécial, 1988.

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Notas
1. Voir le dernier rapport d’activité du GPLI (Groupe permanent de lutte
contre l’illettrisme), 1984-1991, reprographié, s.l.n.d.
2. Le 26 janvier 1983, un groupe de travail interministériel est mis en
place. Il fonctionne de janvier à juillet de la même année. Le rapport issu
de ses consultations et de ses réflexions est présenté en Conseil des
ministres par Pierre BÉRÉGOVOY, alors ministre des Affaires sociales, et
adopté le 11 janvier 1984. Il est publié aussitôt : V. ESPÉRANDIEU, A.
LION et al., 1984.
3. Parlement européen. Rapport sur la lutte contre l’analphabétisme,
1982 ; Commission des Communautés européennes, 1984.
4. R. RIVIÈRE, 1990.
5. Perspectives, numéro spécial, 1987.
6. D. BARTON et M.-E. HAMILTON, 1990.
7. Dossier noir de l’illettrisme en France, dossier de documentation
réalisé par A. BATAILLE et Ch. ROCHE ; voir également C. FRIER, 1989.
8. J. HÉBRARD. 1986 ; J-F. LAE et P. NOISETTE ; M. POULAIN, 1989.
9. C’est le titre du livre d’A. BOURCIER et R. MUCCHIELLI, 1963.
10. CRESAS, 1978.
11. A. PROST, 1981.
12. A.-M. CHARTIER et J. HÉBRARD, 1989.
13. Ibid.
14. J. FOURASTIÉ, 1979.
15. Formation-emploi, 1989, numéro spécial.
16. V. TROGER, 1989.
17. L. TANGUY, 1991. Lucie TANGUY montre comment cette
transformation des objectifs de l’enseignement professionnel (technique
court) est portée par les enseignants eux-mêmes.
18. E. PASCAUD et M.-C. RONDEAU, 1982 ; J. BINON et F. ŒUVRARD,
1988 ; F. ŒUVRARD, 1990.
19. On se souvient de l’usage fait, à la fin des années 1960 et dans le
début des années 1970, des statistiques de l’échec scolaire élaborées par
le ministère de l’Education nationale ou par l’INED ; Ch. BAUDELOT et
R. ESTABLET, 1971. Les résultats inquiètent tout autant les statisticiens
de l’Education nationale, particulièrement lorsqu’ils appliquent la

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méthode des panels suivis aux élèves. Un échantillon composé de 13 941


élèves représentatifs de la population scolaire fréquentant les classes de
sixième publiques ou privées en 1972-73, SES comprises, est scruté tout
au long de la décennie (voir les notes du SEI, 1978, 1981). Il révèle
l’ampleur des problèmes et leur forte corrélation avec les caractéristiques
socio-économiques des familles. Dès les dernières années de la décennie
1970, sous l’impulsion de Claude SEIBEL, alors en charge des services
statistiques du ministère, l’hypothèse “lecture” devient prioritaire dans
l’interprétation des échecs. Voir, pour une synthèse des travaux effectués
alors, C. SEIBEL, 1984.
20. “Pour le respect de nos familles, pour que nos enfants aient droit à
notre amour, aient droit à la garantie d’être élevés par nous, notre
objectif doit être, pour les dix ans à venir, qu’il n’y ait plus d’illettrés
parmi nous, qu’aucun enfant, non seulement ne manque l’école, mais
qu’aucun n’y échoue. Sans doute avons-nous besoin des autres pour cela,
mais nous aussi nous pouvons y contribuer. Que ceux qui savent lire et
écrire apprennent à lire et à écrire à leurs voisins ; que chacun de nous se
tienne pour responsable de sa formation professionnelle.” Appel du
secrétaire général du mouvement ATD-Quart-Monde, le 17 novembre
1977. Ce texte est cité par B. COUDER et J. LECUIT, 1983. Rappelons
que c’est dans cet organisme que le terme illettrisme a été constitué dès
les années 1960, comme le rappelle C. FONDET, 1990.
21. Il faudrait voir quand le budget du FAS, d’abord entièrement
consacré aux logements ou foyers SONACOTRA, se met à financer des
actions de formation auprès d’adultes et des actions culturelles,
éducatives ou péri-scolaire auprès d’enfants de travailleurs immigrés.
22. J.-P. VÉLIS le montre particulièrement bien dans son témoignage sur
les stages et les discours des animateurs, 1988.
23. Voir le bilan qu’en font a posteriori Ch. BAUDELOT et R. ESTABLET,
1989.
24. Infométrie, 1988.
25. J.-L. BORKOWSKI, 1990.
26. La projection, en 1989. d’une émission télévisée (“France, six
millions d’illettrés”) d’abord sur la chaîne cryptée Canal Plus, puis sur
une chaîne publique à une heure de grande écoute, a été un temps fort de
cette médiatisation largement orchestrée, comme ses missions lui en
donnaient la charge, par le GPLI.
27. 1988.
28. R. RIVIÈRE, op. cit.

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29. Sur la demande multiforme qui s’adresse à l’école depuis les


années 1970, voir L. CORNU, J.-C. POMPOUGNAC et J. ROMAN, 1990.
30. G. MALGLAIVE oppose ainsi l’idéologie des formateurs des
années 1970 et des années 1980, 1987.
31. Outre l’ouvrage de B. COUDER et J. LECUIT déjà cité, on se réfère à
l’abondante littérature internationale publiée par l’association. Voir par
exemple, ATD-Quart Monde, 1983 ; ATD-Quart Monde, 1984.
32. J. FOUCAMBERT, p. 23.
33. L. RIEBEN et Ch. PERFETTI, 1989 ; L. SPRENGER-CHAROLLES,
1989.
34. Dans une perspective historique, voir : J. HÉBRARD, 1988 ; J.
HÉBRARD, 1991 ; J.-C. POMPOUGNAC, op. cit. Dans une perspective
sociologique, voir J. BAHLOUL, 1988 ; M. PERONI, 1988. Dans une
perspective socio-linguistique, voir B. FRAENKEL et M.-A. GIRODET,
1989 ; M. DEROCKE, 1986. Dans une perspective ethnologique, voir D.
FABRE et D. BLANC, à paraître.
35. J. PAILHOUS et G. VERGNAUD, 1989.
36. B. FRAENKEL, 1989.
37. J. HÉBRARD, 1988. pp. 7-58.
38. F. GINSBOURGER et V. MERLE. 1989, pp. 9-47.
39. CHOLET et TEXIER, p. 66, in PAILHOUS (J.) et VERGNAUD (G.),
op. cit.

Autores

Anne-Marie Chartier

IUFM de Versailles, Service


d’Histoire de l’Education, INRP
Del mismo autor

Préface in Paroles orphelines,


Presses universitaires de

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Rennes, 2016
L’usage de la littérature dans les
apprentissages scolaires : une
entrée nationale in L’école et la
nation, ENS Éditions, 2013

Jean Hébrard

Service d’Histoire de l’Education,


INRP/CNRS.
Del mismo autor

L’enseignement de la lecture en
France : la conjoncture de
l’après-guerre in Didactique de
la lecture, Presses
universitaires du Midi, 1996
© Presses universitaires de Lyon, 1992

Condiciones de uso: http://www.openedition.org/6540

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Referencia electrónica del capítulo


CHARTIER, Anne-Marie ; HÉBRARD, Jean. Rôle de l’école dans la
construction sociale de l’illettrisme In: L'“illettrisme” en questions [en
línea]. Lyon: Presses universitaires de Lyon, 1992 (generado el 05 février
2021). Disponible en Internet: <http://books.openedition.org

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/pul/8903>. ISBN: 9782729710293. DOI: https://doi.org/10.4000


/books.pul.8903.

Referencia electrónica del libro


BESSE, Jean-Marie (dir.) ; et al. L'“illettrisme” en questions. Nueva
edición [en línea]. Lyon: Presses universitaires de Lyon, 1992 (generado
el 05 février 2021). Disponible en Internet:
<http://books.openedition.org/pul/8849>. ISBN: 9782729710293. DOI:
https://doi.org/10.4000/books.pul.8849.
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L'“illettrisme” en questions
Este libro es citado por
Bolduc, Jonathan. (2010) La production de notations musicales
inventées : une autre façon d’approcher l’écrit à la période
préscolaire. Revue des sciences de l'éducation, 35. DOI:
10.7202/039858ar
Moulette, Pascal. Roques, Olivier. (2014) Gérer les compétences
spécifiques pour préserver le capital immatériel : l’illettrisme en
entreprise dans la théorie de la conservation des ressources.
Management international, 18. DOI: 10.7202/1025092ar

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