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La cybersécurité spatiale,

un enjeu de demain… et
d’aujourd’hui ?
# 26 novembre 2020 $ 10 mn de lecture

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Que se passerait-il si un pirate informatique s’emparait des


commandes d’un satellite ? Ce scénario catastrophe se
rapproche chaque jour un peu plus.

Les satellites sont des infrastructures critiques pour la plupart


des pays du monde. Institutionnels (GPS) ou commerciaux
(Globalstar, Iridium), ils remplissent des fonctions stratégiques
comme la synchronisation temporelle entre terminaux connectés
(distributeurs, pompes à essence, etc.), la surveillance
d’infrastructures critiques (barrages, pipelines) ou encore la

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gestion des services d’urgence (appels, localisation) ainsi que de
nombreuses fonctions militaires. Ces satellites, dont 2666 sont
actuellement opérationnels (1), représentent une cible
intéressante pour des adversaires déterminés.

Parmi les menaces qui pèsent sur les satellites, on peut citer les
armes physiques et les armes électroniques. Les premières
incluent des missiles, d’autres satellites, voire des bombes
nucléaires ; les secondes utilisent le spectre électromagnétique
pour brouiller ou détruire les composants des satellites. Toutes
ces menaces sont régulièrement surveillées (2).

Les menaces cyber sont moins connues. Elles sont pourtant


multiples dans le domaine spatial, mais pas spécifiques à celui-ci,
et reposent sur l’utilisation des données qui transitent par les
réseaux de communication, dont la sécurisation est une
problématique de cybersécurité commune à toutes les
infrastructures critiques. En raison de sa spécificité
technologique, le domaine spatial a longtemps été immunisé
contre ce type d’attaques. Cependant, l’extension des
applications satellitaires et l’arrivée de nouvelles technologies
engendrent de nouvelles menaces. On distingue généralement
trois types de menaces cyber : l’espionnage, la subversion et le
sabotage.

L’espionnage de satellites

Les actions d’espionnage sont l’un des principaux problèmes des


agences de renseignement et des militaires. Espionner un
satellite est très simple : il suffit généralement de placer une
antenne dans le cône de diffusion des transmetteurs pour capter
leur signal. De plus, c’est une technique peu coûteuse. Le
développement rapide des radios logicielles (3), qui remplacent

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de lourds équipements matériels, simplifie ce type d’opérations.
De nombreuses méthodes sont détaillées sur Internet, et il suffit
souvent d’une antenne capable de capter le signal du satellite et
de quelques logiciels pour décoder les messages transmis. Le
matériel nécessaire peut même coûter moins de 100 euros.

L’espionnage est également possible dans l’espace : un exemple


récent est celui du satellite franco-italien Athena-Fidus espionné
par le satellite russe Luch. Ces actions ont été rendues publiques
par la ministre des Armées, Florence Parly, et ont conduit à la
mise en place d’une stratégie spatiale de défense en France (4).

La subversion

La capacité à subvertir le signal d’un satellite est permise par la


fonction première de la plupart des satellites de
télécommunication : relayer un signal entrant, émis par une
station au sol, vers d’autres récepteurs terrestres. De nombreux
satellites agissent ainsi essentiellement comme des miroirs
spatiaux : il est donc possible pour un pirate de transmettre un
signal sur la même fréquence que l’émetteur d’origine (5). Si le
pirate dispose d’une plus grande puissance, il peut remplacer le
contenu d’un signal par un contenu différent (6).

Parmi les actions de subversion, on peut citer l’usurpation du


signal par des émetteurs pirates. Le premier cas est apparu en
1977, lorsqu’une transmission radio britannique fut interrompue
par un message audio prétendant provenir d’une race
extraterrestre. De nombreux autres canulars ont depuis été
recensés (7).

La subversion des signaux satellites a également été utilisée pour


des raisons politiques. En 1985, le groupe Solidarnosc est

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parvenu à superposer des images de soutien au mouvement sur
des émissions de télévision d’État. En 2002, le groupe Falun Gong
s’est servi d’un satellite AsiaSat pour transmettre des messages
hostiles au gouvernement chinois. Les Tigres tamouls ont fait de
même en 2007 avec des satellites Intelsat pour transmettre des
messages de propagande.

Une autre technique de subversion est l’usurpation de signaux


GPS. Ceux-ci sont en effet très faibles et peuvent donc être
remplacés avec des moyens peu onéreux : en modifiant les
données de positionnement, il est possible d’envoyer de fausses
informations à des véhicules se reposant sur ce signal. Cette
méthode aurait été employée avec succès par l’Iran en 2011 pour
capturer un drone américain RQ-170 (8).

Le sabotage

Les techniques de sabotage sont potentiellement les plus


Paul Wohrerdestructrices, pouvant aller du simple vol de données à la

destruction du satellite. Une attaque extrêmement précise


 pourrait même dégrader durablement l’environnement spatial
lui-même. Le sabotage d’un satellite consiste en une usurpation
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des signaux qui le contrôlent. Très peu d’incidents de ce type ont
été officiellement reconnus, et il s’agit probablement de la
méthode de piratage la plus difficile à mettre en œuvre en raison
des mesures de sécurité qui entourent les centres de contrôle
des satellites. On peut citer trois incidents de ce type, bien que
leurs circonstances restent incertaines (9) :

• en 1999, certains médias ont rapporté que des pirates avaient


pris le contrôle du système militaire britannique Skynet, et qu’une
rançon avait été demandée pour le libérer. Les autorités
anglaises ont nié ces allégations ;

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• en 2008, le satellite Terra EOS AM-1 de la NASA a subi des
interférences durant au moins deux minutes. Les responsables
de l’attaque auraient réussi à franchir toutes les étapes pour en
prendre le contrôle, mais n’ont pas envoyé d’ordre ;

• toujours en 2008, le même satellite Terra EOS AM-1 a subi des


! Les espèces sauvagesdurant
interférences : un tra0c
plusqui
de…neuf minutes. Comme la fois
précédente, les auteurs de l’attaque auraient franchi toutes les
étapes pour en prendre le contrôle, mais n’auraient pas non plus
envoyé d’ordre.

Un pirate contrôlant un satellite pourrait en perturber l’usage


normal, en interrompant ses émissions ou en l’orientant pour
qu’il ne puisse plus communiquer avec le centre de contrôle.
Cette action serait réversible et pourrait par exemple être utilisée
afin de demander une rançon contre le retour du contrôle à son
propriétaire, selon le même principe qu’un ransomware. Il ne
s’agit ni plus ni moins que de prendre le satellite en otage. Un
pirate pourrait également utiliser les capacités du satellite à son
avantage. Cette action pourrait s’avérer efficace en cas
d’opération strictement limitée dans le temps, car les
propriétaires du satellite pourraient rapidement en reprendre le
contrôle.

Il serait aussi possible de détruire le satellite. Plusieurs options


existent : la destruction des optiques ou la saturation des
systèmes électriques en tournant les instruments ou les
panneaux solaires vers le soleil, l’utilisation du système de
propulsion pour diminuer sa durée de vie en réduisant la
quantité de carburant disponible, ou en lui imprimant un
mouvement le rendant irrécupérable.

Enfin, un satellite pourrait être utilisé comme arme cinétique. S’il

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entrait en contact avec un autre, il serait théoriquement possible
de créer une réaction en chaîne de collisions qui dégraderait
définitivement l’espace proche (10). L’utilisation d’un satellite
piraté à de telles fins s’apparenterait à une forme de terrorisme
spatial.

La multiplication des petits satellites

Le nombre de satellites est en hausse constante, ce qui


augmente la surface des cyberattaques potentielles. En effet, de
nombreux opérateurs cherchent aujourd’hui à offrir de nouveaux
services au moyen de « constellations » de plusieurs milliers de
petits satellites en orbite basse : Blue Origin, OneWeb (11) et
SpaceX en font partie.

La production en masse de ces satellites fait ainsi peser un risque


sur la chaîne d’approvisionnement. Pour faire baisser les coûts,
ils sont construits à partir de composants disponibles dans le
commerce plutôt que conçus en interne. La présence de
vulnérabilités dans ces composants pourrait créer de réels
risques de piratage à grande échelle. Des défauts de conception
sont inévitables dans des systèmes aussi complexes, et
pourraient également servir de porte d’entrée à des attaques
cyber.

Le nombre sans cesse croissant de ces petits satellites pose le


problème des mesures de sécurité qui les entourent : elles
pourraient être insuffisantes pour les constellations et souvent
inexistantes pour les « cubesats », de tout petits satellites, en
raison de leur coût.

Une prise de conscience progressive

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La communauté spatiale a longtemps occulté la vulnérabilité des
satellites en se reposant sur la complexité inhérente aux
technologies spatiales (12), et sur le manque d’intérêt à les
pirater. Cependant, les grands acteurs du spatial commencent
à prendre conscience du problème.

La NASA a ainsi mis en place des mesures de protection qui


testent fréquemment les systèmes d’information pour détecter
les vulnérabilités potentielles (13). Les fabricants de satellites ont
également pris des mesures : Lockheed Martin organise
régulièrement des « hackathons » internes pour identifier des
failles sur ses satellites. L’US Air Force a ainsi pris la décision
d’autoriser des hackers à accéder à des satellites simulés pour
détecter le même type de failles : cet évènement, appelé Hack-a-
Sat, s’est déroulé en août 2020 lors de la conférence DEF CON 28.

Par ailleurs, le profil des pirates informatiques a changé ces


dernières années. Des groupes professionnels financés par des
États sont désormais capables de mener des attaques très
sophistiquées qui peuvent être lourdes de conséquences (14).

Le domaine spatial est quant à lui très lié aux militaires, qui
dépendent de nombreux satellites, souvent civils, pour mener
leurs opérations. Sans satellites, les capacités des armées
modernes seraient fortement réduites.

L’espace constitue donc une cible de choix pour des États


désireux de diminuer la puissance militaire de leurs adversaires.
Les attaques cyber apparaissent idéales pour cela, car elles sont
à la fois discrètes et efficaces, et, les armées étant de plus en plus
connectées, on peut s’attendre à voir ce type d’attaque se
généraliser au cours des prochaines années.

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À propos de l'auteur

Paul Wohrer
Chargé de recherche à la Fondation pour la recherche
stratégique (FRS).

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