Vous êtes sur la page 1sur 278

LILIANE HAMEL

L'éveil à la métaconscience et la formation du gestionnaire

Thèse présentée
à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval
dans le cadre du programme de doctorat en technologie éducative
pour l'obtention du grade de Philosophias Doctor (Ph.D.)

DÉPARTEMENT D'ÉTUDES SUR L'ENSEIGNEMENT ET L'APPRENTISSAGE


FACULTÉ DES SCIENCES DE L'ÉDUCATION
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC

2009

Liliane Hamel, 2009


TABLE DES MATIÈRES
Table des tableaux iv
Table des figures vii
Avant-propos viii
Remerciements ix
Résumé court xi
Résumé long xii
Introduction .....xiii
CHAPITRE I : PROBLÉMATIQUE 1
1.1. Crise dans les entreprises 2
1.1.1. La double contrainte 5
1.2. Une crise existentielle 10
1.3. Une source des problèmes : le sous-développement du mental 16
1.3.1. Intérêt historique dans les processus mentaux 18
1.3.2. Le mental comme sujet d'études 22
1.3.3. Peu d'applications des connaissances du mental à l'entreprise 24
1.4. Les caractéristiques de la métaconscience et la formation des gestionnaires...29
1.4.1. La formation au service des gestionnaires 30
1.5. But et objectifs de la recherche 35
1.5.1. Premier objectif 35
1.5.2. Deuxième objectif 35
1.6. Questions de recherche 35
CHAPITRE II : MÉTHODOLOGIE 36
2.1. Méthodologie pour le premier objectif 40
2.1.1. La question 40
2.1.2. L'objectivation 40
2.1.3. L'expérience 40
2.1.4. La théorisation 41
2.2. Méthodologie pour le deuxième objectif 42
2.2.1. La question 42
2.2.2. L'objectivation 42
2.2.3. L'expérience 42
2.2.4. La théorisation 44
2.3. L'analyse des approches d'enseignement 46
2.3.1. La théorisation 46
2.4. La validité de la recherche 47
2.4.1. La validité de l'analyse conceptuelle 47
2.4.2. La validité de la partie expérientielle 48
2.4.3. La validité des analyses des approches d'enseignement 48
2.5. La triangulation 48
CHAPITRE III: LA MÉTACONSCIENCE 52
3.1. Description du processus de la conscience 53
3.1.1. Clarification des concepts se référant à la conscience 55
3.1.2. Les connaissances liées au cerveau 60
3.1.3. L'évolution du cerveau 61
3.1.4. La structure du cerveau 61
3.1.5. Le fonctionnement interne du cerveau 65
3.2. Le cerveau et le développement humain 72
3.3. La conscience 79
3.3.1. Les positions scientifiques 79
3.3.2. Le fonctionnement de la conscience 84
3.3.3. Les états et niveaux de conscience 88
3.3.4. Niveaux de conscience et nouvelles sciences 91
3.4. La métaconscience 101
3.4.1. Les caractéristiques, exigences et obstacles de la métaconscience 102
3.4.1.1. La métaconscience est identitaire 104
3.4.1.2. La métaconscience est intentionnelle 108
3.4.1.3. La métaconscience est téléologique 111
3.4.1.4. La métaconscience est sélective 113
3.4.1.5. La métaconscience est attentive 114
3.4.1.6. La métaconscience est intégratrice et organisatrice 116
3.4.1.7. La métaconscience est processuelle 118
3.4.1.8. La métaconscience est atemporelle 120
3.4-.1.9. La métaconscience est volontaire 124
3.4.1.10. La métaconscience est reflexive 129
3.5. Le fonctionnement de la métaconscience 131
3.6. La définition de la métaconscience 135
CHAPITRE IV : LA MÉTACONSCIENCE ET LE PROCESSUS DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 139
4.1. Les conceptions du développement humain 139
4.2. Stades de développement et styles cognitifs 141
4.3. L'humain et les modes d'apprentissage 151
4.4. Le gestionnaire apprenant 153
4.5. Les théories de l'apprentissage 157
4.6. L'émergence d'une métacompétence 164
CHAPITRE V : LA PÉDAGOGIE DE LA MÉTACONSCIENCE 170
5.1. Enseigner la métaconscience 171
5.2. Les composantes de la métacompétence métaconscience 173
5.3. Comprendre, un phénomène complexe 174
Ill

5.4. Les principes pédagogiques directeurs 176


5.4.1. Les principes liés au formateur 177
5.4.2. Les principes liés au contenu 179
5.4.3. Les principes liés à l'approche d'enseignement 180
5.4.4. Les principes liés à l'apprenant 181
5.5. Les approches d'enseignement à dimension humaine pour les gestionnaires 185
5.5.1. L'approche de Kolb 188
5.5.2. L'approche de Mintzberg 195
5.5.3. L'approche de Argyris et Schôn 200
5.5.4. L'approche de Bohm 203
CHAPITRE VI : LES ACTIVITÉS ET OUTILS DE DÉVELOPPEMENT DE LA MÉTACONSCIENCE....21 1
6.1. Les activités individuelles de développement 213
6.1.1. La conscience de soi 215
6.1.2. La respiration consciente et contrôlée 218
6.1.3. La méditation 221
6.1.4. La visualisation créatrice 222
6.1.5. L'introspection 223
6.1.6. Le journal de bord 224
6.2. L'accompagnement individuel 226
6.2.1. Le coaching et le mentorat 226
6.3. Les activités corporatives 228
6.3.1. La communauté de pratique 229
6.3.2. Le codéveloppement 230
6.3.3. Les compétences collectives 231
6.3.4. L'empowerment 233
6.4. Le développement de la métaconscience 235
6.5. La métaconscience et le management collaboratif 237
6.6. Plaidoyer pour une nouvelle approche d'enseignement 244
Conclusion 246
Bibliographie 249
IV

Table des tableaux


TABLEAU 1 : PARALLÈLE DES VALEURS PERSONNELLES ET CORPORATIVES D'UN GROUPE DE LEADERS 3

TABLEAU 2 : LES TROIS ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE LA DOUBLE CONTRAINTE ET LE PARALLÈLE DU GESTIONNAIRE 6

TABLEAU 3 : QUELQUES STATISTIQUES LIÉES AU MALAISE DE VIE AU TRAVAIL 8

TABLEAU 4 : CONSÉQUENCES AU PLAN DE LA SANTÉ PHYSIQUE ET MENTALE 9

TABLEAU 5 : CONSÉQUENCES AU PLAN DU TRAVAIL ET AU PLAN ÉCONOMIQUE 10

TABLEAU 6 : PROBLÈMES EXISTENTIELS DANS LES ENTREPRISES 12

TABLEAU 7 : DIMENSIONS ET POTENTIALITÉS DE L'HUMAIN 17

TABLEAU 8 : CARACTÉRISTIQUES D'UNE CONCEPTION 27

TABLEAU 9 : COMPARATIF DES POTENTIELS HUMAINS FAISANT L'OBJET DE PROGRAMMES DE DÉVELOPPEMENT 32

TABLEAU 10 GRILLE DE SÉLECTION POUR LA RECHERCHE DOCUMENTAIRE SUR LA CONSCIENCE 41

TABLEAU 11 GRILLE DE SÉLECTION POUR LA RECHERCHE DOCUMENTAIRE SUR LA MÉTACONSCIENCE 41

TABLEAU 12 PARAMÈTRES DE LA MANIFESTATION DE SOI 45

TABLEAU 13 TABLEAU SYNTHÈSE DES COMPARAISONS DES QUATRE APPROCHES D'ENSEIGNEMENT 47

TABLEAU 14 LES QUATRE PRINCIPES À RESPECTER LORS D'UNE ANALYSE PAR TRIANGULATION 49

TABLEAU 15 QUELQUES TITRES AVEC LE MOT SOUL 59

TABLEAU 16 QUELQUES TITRES AVEC LE MOT M I N D ENTRE 1991 ET 2007 59

TABLEAU 17 QUELQUES TITRES AVEC LE MOT CONSCIOUSNESS ENTRE 1990 ET 2000 59

TABLEAU 18 PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU CERVEAU 71

TABLEAU 19 LES REPRÉSENTATIONS FONDAMENTALES DU CORPS EN RELATION AVEC LA CONSCIENCE 73

TABLEAU 20 PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE LA NATURE HUMAINE 74

TABLEAU 21 COMPARAISON DES STADES DE DÉVELOPPEMENT CHEZ L'HUMAIN 77

TABLEAU 22 LES GRANDES ÉCOLES DE LA PSYCHOLOGIE 83

TABLEAU 23 CAPACITÉS ESSENTIELLES DU CERVEAU POUR FORMER LA CONSCIENCE SELON SEARLE (2000) 96

TABLEAU 24 SYNTHÈSE RÉSUMANT LES DIFFÉRENTS NIVEAUX DE CONSCIENCE 98

TABLEAU 25 CARACTÉRISTIQUES DE LA MÉTACONSCIENCE SELON LES PRINCIPAUX AUTEURS 103

TABLEAU 26 ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DE L'IDENTITÉ, INSPIRÉ DE DAMASIO (2002) 106

TABLEAU 27 ACTUALISATION DES ÉLÉMENTS EXTERNES PERÇUS 107

TABLEAU 28 LA MÉTACONSCIENCE EST IDENTITAIRE 108

TABLEAU 29 ADAPTATION DES TROIS SORTES D'INTENTION DE HUSSERL 110

TABLEAU 30 LA MÉTACONSCIENCE EST INTENTIONNELLE 111

TABLEAU 31 LA MÉTACONSCIENCE ESTTÉLÉOLOGIQUE 112

TABLEAU 32 NIVEAUX DE SÉLECTION DES INFORMATIONS 114

TABLEAU 33 LA MÉTACONSCIENCE EST SÉLECTIVE 114

TABLEAU 34 LA MÉTACONSCIENCE EST ATTENTIVE 116


TABLEAU 35 : FONCTIONS ASSOCIÉES AU NIVEAU D'ORGANISATION DE L'INFORMATION 117

TABLEAU 36 : LA MÉTACONSCIENCE EST INTÉGRATRICE ET ORGANISATRICE „ . 118

TABLEAU 37 : LA MÉTACONSCIENCE EST PROCESSUELLE 120

TABLEAU 38 : LA MÉTACONSCIENCE EST ATEMPORELLE 123

TABLEAU 39 : LA MÉTACONSCIENCE EST VOLONTAIRE 128

TABLEAU 40 : LA MÉTACONSCIENCE EST REFLEXIVE 130

TABLEAU 41 : PRINCIPES DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 139

TABLEAU 42 : CARACTÉRISTIQUES DE LA MÉTACONSCIENCE DOMINANTES DANS CHACUNE DES CONCEPTIONS DU DÉVELOPPEMENT

HUMAIN 140

TABLEAU 43 : LES STADES DU DÉVELOPPEMENT DU MOI SELON LOEVINGER 143

TABLEAU 44 : LES STADES DU DÉVELOPPEMENT DU MOI SELON KEGAN 144

TABLEAU 45 : LES STADES DU DÉVELOPPEMENT DU MOI SELON GREENSPAN 145

TABLEAU 46 : SEPT PRINCIPES FONDAMENTAUX À L'APPRENTISSAGE POUR UN GESTIONNAIRE 147

TABLEAU 47 : PARALLÈLES DE TROIS MODÈLES ILLUSTRANT DES NIVEAUX D'APPRENTISSAGE 151

TABLEAU 48 : PROCESSUS DE TRAITEMENT DE L'INFORMATION PAR LE CERVEAU 152

TABLEAU 49 : PRINCIPALES THÉORIES LIÉES À L'APPRENTISSAGE, INSPIRÉ DE WENGER ET DE BALLEUX 161

TABLEAU 50 : PRINCIPAUX CONSTATS TIRÉS DES ÉTUDES ET DES FORMATIONS LIÉES AUX COMPÉTENCES HUMAINES DANS LES

ORGANISATIONS 162

TABLEAU 51 : PRINCIPALES DÉFINITIONS DE LA COMPÉTENCE RÉPERTORIÉES PAR TOUPIN (2001) 165

TABLEAU 52 : PRINCIPAUX CONSTATS LIÉS AU CONCEPT DE LA COMPÉTENCE TIRÉS DE LA LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE , 167

TABLEAU 53 : DIMENSIONS DE LA COMPÉTENCE EN FONCTION DE SON AXE 168

TABLEAU 54 : CONSTATS SUR L'APPRENTISSAGE CHEZ L'HUMAIN 170

TABLEAU 55 : CARACTÉRISTIQUES DE L'APPRENTISSAGE 172

TABLEAU 56 : TROIS ÉTAPES DU DÉVELOPPEMENT DE L'HABILETÉ DE LA MÉTACONSCIENCE 173

TABLEAU 57 : CHANGEMENT CONCEPTUEL ENGENDRÉ PAR LE NIVEAU DU CONFLIT COGNITIF DU GESTIONNAIRE EN REGARD DE LA

DOUBLE CONTRAINTE 176

TABLEAU 58 : PRINCIPES PÉDAGOGIQUES LIÉS AU FORMATEUR 178

TABLEAU 59 : PRINCIPES PÉDAGOGIQUES LIÉS AU CONTENU 179

TABLEAU 60 : PRINCIPES PÉDAGOGIQUES LIÉS À L'APPROCHE D'ENSEIGNEMENT 181

TABLEAU 61 : PRINCIPES PÉDAGOGIQUES LIÉS À L'APPRENANT 184

TABLEAU 62 : LIENS ENTRE LES PIÈCES MANQUANTES DU MANAGEMENT ET L'IMPACT NÉGATIF SUR L'EMPLOYÉ 186

TABLEAU 63 : LES QUATRE PROFILS D'APPRENTISSAGE SELON KOLB (1984) 191

TABLEAU 64 : CARACTÉRISTIQUES DES THÉORIES EN ENSEIGNEMENT SELON MINTZBERG 197

TABLEAU 65 : DIMENSIONS DU DIALOGUE DE BOHM 204

TABLEAU 66 : LIENS ENTRE LES APPROCHES D'ENSEIGNEMENT ET LES CARACTÉRISTIQUES DE LA MÉTACONSCIENCE 207

TABLEAU 67 : SYNTHÈSE DES APPROCHES D'ENSEIGNEMENT EN FONCTION DU DÉVELOPPEMENT DE LA MÉTACONSCIENCE 209


VI

TABLEAU 68 : NIVEAUX DE CONSCIENCE DE SOI ET LES RAPPORTS AUX ÉMOTIONS 217

TABLEAU 69 : RÉSULTATS DE L'ÉTUDE MENÉE CHEZ SHELL INTERNATIONAL 220

TABLEAU 70 : PARALLÈLE DE CORRESPONDANCE DES QUATRE DIMENSIONS DE LA COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE ET DES APPROCHES

D'ENSEIGNEMENT ET LA CORRESPONDANCE AUX CARACTÉRISTIQUES DE LA MÉTACONSCIENCE 230

TABLEAU 71 : CONDITIONS D'ÉMERGENCE DES COMPÉTENCES COLLECTIVES ET LES APPROCHES D'ENSEIGNEMENT

CORRESPONDANTES 232

TABLEAU 72 : DIFFÉRENTES CONCEPTIONS DE L'EMPOWERMENT SELON LE CONTEXTE D'INTERVENTION 234

TABLEAU 73 : NIVEAUX D'INTERVENTION ET ACTIVITÉS DU DÉVELOPPEMENT DE LA MÉTACONSCIENCE 236

TABLEAU 74 : COMPLÉMENTARITÉ DES TROIS ZONES DE COLLABORATION EN RECHERCHE MANAGÉRIALE : THÉORICIEN, PRATICIEN ET

CONSULTANT 241
Vil

Table des figures


FIGURE 1 : QUESTIONS DE RECHERCHE DANS L'HISTOIRE DE LA SCIENCE 38

FIGURE 2 : REPRÉSENTATION DE LA TRIANGULATION 50

FIGURE 3 : LES TROIS CERVEAUX (OU LE CERVEAU TRI-UNITAIRE) DE Me LEAN 62

FIGURE 4 : LE CERVEAU vu D'EN HAUT 63

FIGURE 5 : LES AIRES DE TRANSMISSION MOTRICE ET SENSORIELLE DU CORTEX CÉRÉBRAL 63

FIGURE 6 : PHOTOGRAPHIE D'UNE COUPE DU CERVEAU 64

FIGURE 7 : U N NEURONE ET LA SYNAPSE 64

FIGURE 8: COMMUNICATION INTERNEURONALE 65

FIGURE 9 : FONCTIONS DES TROIS CERVEAUX, SELON MACLEAN 67

FIGURE 10 : RÉPONSE « COMBATTRE OU FUIR » À LA VUE D'UN ÉLÉMENT MENAÇANT 68

FIGURE 11 : CIRCUIT D'UN STIMULUS : RÉPONSE « ÉMOTION » 69

FIGURE 12 : CIRCUIT D'UN STIMULUS : RÉPONSE « ANALYSE » 69

FIGURE 13 : CERVEAU ÉMOTIONNEL 70

FIGURE 14 : DYNAMIQUE DE LA CONSTRUCTION DU SENS 97

FIGURE 15 : LES OUTILS DE LA MÉTACONSCIENCE 132

FIGURE 16 : CIRCUIT RÉCURSIF DU CERVEAU, LA CONSCIENCE ET LA MÉTACONSCIENCE 134

FIGURE 17 : DYNAMIQUE SYSTÉMIQUE DE L'ENSEIGNEMENT ET DE L'APPRENTISSAGE D'UNE MÉTACOMPÉTENCE 164

FIGURE 18 : HIÉRARCHIE DES DIMENSIONS DE LA COMPÉTENCE 169

FIGURE 19 : TRANSPOSITION DES DIMENSIONS ET DES PROCESSUS D'APPRENTISSAGE 190

FIGURE 20 : LES PROFILS DOMINANTS D'APPRENTISSAGE SELON KOLB (1984) 191

FIGURE 21 : LE MODÈLE DE L'APPRENTISSAGE RÉFLEXIF DE KOLB 1984 194

FIGURE 22 : PROCESSUS D'ÉVOLUTION D'UNE CONCEPTION PAR LE PROCESSUS MÉTACONSCIENT 212

FIGURE 23 : DÉFI DE L'APPROCHE COLLABORATIVE 238

FIGURE 24 : APPLICATION DU MODÈLE D'INTERVENTION À LA RÉDACTION DE NOTRE THÈSE 239

FIGURE 25 : LA MISE EN VALEUR DE L'ACCOMPAGNEMENT-FORMATION-RECHERCHE À L'ÉVEIL DE LA MÉTACONSCIENCE 243


Vlll

Avant-propos
La conscience est l'unique voie qui puisse véritablement conduire à la liberté.
Serge Marquis

La rédaction de cette thèse constitue l'aboutissement de sept années de réflexion et de re-


cherche... et de prises de conscience. En fait, c'est en prenant conscience de ma quête de
liberté de penser dans le cadre de mes activités professionnelles que le désir d'écrire est
devenu intense au point d'en faire ma priorité professionnelle et personnelle.
IX

Remerciements
Mes premiers mots de profonde gratitude s'adressent à mes défunts parents. À mon père,
dont les valeurs de respect et de responsabilisation ont guidé les décisions dans le but qu'il
s'était donné d'assurer les besoins d'une famille nombreuse en manifestant à son épouse
amour, respect et tendresse. À ma mère si aimante, et dont le principal leitmotiv a été, jus-
qu'à son dernier souffle, le bonheur de ses enfants. Quant à Véronique et Pierre-Luc, mes
enfants qui, depuis leur naissance (23 et 22 ans) voient leur mère étudier, lire et écrire, re-
connaissance semble un mot bien faible : il s'agirait plutôt de leur « rendre grâce ». Ils ont
appris à accepter et à respecter les horaires peu orthodoxes d'une mère sur le marché du
travail et aux études devant vaquer en même temps à ses obligations familiales. Ils ont dû
développer une autonomie et un niveau de responsabilisation supérieur à la moyenne des
jeunes de leur âge.
L'amour que je devrais qualifier d'inconditionnel plutôt que de familial de mes frères et
sœurs m'a, à plus d'une reprise, aidée à surmonter les idées noires et le découragement om-
niprésents. Merci Jocelyne pour tes pensées que je lis et relis. Merci Micheline pour ta gé-
nérosité au moment opportun. Merci Mariette, pour ces massages qui m'ont fait tant de
bien. Merci Lorette, Gisèle, Yvette, René et Christiane : vos mots d'encouragement ont fait
mouche à chaque fois. Merci Claude, Nick et Fernand : votre présence dans mon environ-
nement est d'un réconfort inestimable.
L'amitié est aussi mise en valeur avec des personnes extraordinaires qui, par une parole
d'encouragement, un geste généreux, contribuent à nourrir ma volonté et mon enthousias-
me. Je ne peux passer sous silence le soutien de personnes avec lesquelles j'ai, tout au long
de mes études, partagé des moments de joie et d'amour. Merci Jimmy pour ta disponibilité
lors de ces déjeuners de quelques heures à écouter mes lamentations, mes idées folles et
mes humeurs en montagnes russes. Merci aussi pour ton apport financier qui m'a permis
d'accorder le temps requis au blitz final de cette rédaction.
Merci Gilles, pour ta lecture et ta critique avisée. Merci Jacques et Mario pour votre géné-
reuse disponibilité à écouter mes théories intéressantes... Merci Real, arrivé depuis peu
dans ma vie : tu m'as aidée à consolider mes énergies afin de terminer ma rédaction. Tout
un exploit! Merci de croire en moi.
Beaucoup de gens ont croisé ma route professionnelle lors de la rédaction de cette thèse.
Chacun d'entre eux a eu une influence, plus ou moins importante, sur mon processus ré-
flexif. Je tiens ici à remercier Marc Bélanger, un gestionnaire dont la simplicité, l'humilité
et l'intégrité l'amènent à questionner, et obligent les gens de son entourage à constamment
aller plus loin dans leur réflexion et leurs actions. Il est le meilleur praticien réflexif que je
connaisse : un modèle d'autonomie, de morale et de créativité.
La collaboration de personnes de confiance et en mesure de guider mes réflexions dans le
cadre d'un projet de rédaction de thèse constitue un atout majeur. Dans ce sens, j'ai bénéfi-
cié de l'aide précieuse d'un professeur qui s'intéresse depuis plusieurs années aux proces-
sus mentaux, et plus spécifiquement à la métaconscience et à ses caractéristiques. Il a, mal-
gré un emploi du temps occupé par un projet colossal, accepté de m'indiquer certains prin-
cipes fondamentaux que je devais respecter afin de terminer la rédaction de ma thèse. Merci
Gaston Marcotte d'abord pour votre inspiration, et le partage de votre réflexion et de vos
connaissances. Merci pour votre disponibilité, pour ces petits déjeuners de suivi et pour vos
corrections riches de commentaires et d'idées. Mille fois merci!
Finalement, le remerciement le plus important va à Jean-Pierre Fournier, sans qui il
m'aurait été impossible de mener ce projet à terme. Son empathie et le respect qu'il a pour
ses étudiants en regard des situations de vie n'ont d'égal que sa préoccupation pour le déve-
loppement des compétences de chacun. Ce sont des qualités humaines essentielles, et si
rares. La présence tranquille, le bon livre au bon moment. Merci d'avoir pris la peine de
vous intéresser à mon sujet de recherche. Peu de professeurs ont cette humilité et cette
grande sagesse d'accepter de faire des découvertes en parallèle avec leurs étudiants. Vous
avez accepté d'aller sur une piste peu débroussaillée, et de m'aider à élaguer. Merci!
XI

Résumé court
Les gestionnaires évoluent dans un contexte de double contrainte de par la nature même de
leur travail. Cette double contrainte met en opposition les valeurs morales de l'individu et
celles de l'entreprise. Cette situation est cause de stress et de nombreux problèmes mentaux
dans les milieux de travail, ce qui occasionne des coûts personnels, organisationnels et so-
ciaux en progression constante. Une meilleure compréhension de leur métaconscience, de
ses caractéristiques, de ses exigences de fonctionnement et de ses obstacles permettrait aux
gestionnaires de développer davantage leur autonomie, leur créativité et leur moralité.
Après avoir défini la métaconscience et ses principales caractéristiques, nous présentons
quatre approches d'enseignement qui satisfont les principes pédagogiques directeurs que
nous avons préalablement définis. Ces connaissances sur la métaconscience, les principes
pédagogiques directeurs et les approches d'enseignement proposées peuvent sous-tendre un
éventuel programme de formation sur la métaconscience pour les gestionnaires.
Xll

Résumé long
Les coûts humains, organisationnels et sociaux liés à l'épuisement professionnel et aux
autres problèmes mentaux causés par le stress au travail ne cessent d'augmenter. Il apparaît
que les gestionnaires sont constamment confrontés au phénomène de la double contrainte,
c'est-à-dire, en contradiction entre leurs valeurs personnelles et les valeurs corporatives
liées à la notion de performance et de profit à court terme. Une des causes importantes de
cette situation est liée au manque de connaissances sur le développement de leur métacons-
cience, le métaprocessus mental responsable de la gestion globale de leur être.
Les gestionnaires ne semblent pas bénéficier d'une offre de formation visant à connaître et
à développer leur métaconscience qui devrait déboucher sur plus d'autonomie, plus de créa-
tivité et plus de moralité. Notre recherche a d'abord permis d'identifier les principales ca-
ractéristiques de la métaconscience, ses exigences de développement et certains obstacles à
son actualisation. Dans un deuxième temps, nous avons défini les principes pédagogiques
directeurs à respecter et identifié quatre approches d'enseignement favorables à une forma-
tion visant le développement de la métaconscience chez les gestionnaires. Nous avons, au
cours de cette recherche, expérimenté personnellement différentes pratiques afin de mieux
comprendre le fonctionnement de la métaconscience ainsi que les exigences et obstacles à
son développement. Nous avons rédigé notre journal de bord, fait de la méditation, de la
respiration consciente, de l'introspection et de la visualisation, en demeurant centrée sur
notre projet de rédaction. Nous avons comparé nos observations avec certains travaux en
philosophie, en psychologie et en neurosciences. La métaconscience peut être comprise,
développée et maîtrisée comme processus dans l'expérience subjective qui se déroule entiè-
rement dans l'univers mental d'une personne qui vise à réaliser un but tel que la rédaction
d'une thèse de doctorat sur la métaconscience.
Par son caractère phénoménologique, notre expérience personnelle ne prétend pas être gé-
néralisable ni considérée comme un programme de formation en soi. Elle nous a toutefois
amenée à reconnaître un lien congruent entre les principes pédagogiques à respecter et une
éventuelle approche pédagogique efficace pour enseigner le développement de la méta-
conscience aux gestionnaires.
Xlll

Introduction
La présente thèse est réalisée dans le cadre d'un doctorat en technologie éducative. La pro-
blématique et le développement auxquels elle répond ont pris forme à la suite d'un ques-
tionnement existentiel de l'auteure : pourquoi la majorité des gens se lèvent le matin pour
accomplir un travail dans lequel ils semblent se valoriser de moins en moins? Cette ques-
tion a émergé le matin où nous avons ressenti ce pincement intérieur qui indique que le
sentiment défaire ce qu'il faut pour être heureux avait disparu pour laisser place à un vide
sentiment d'incompétence humaine. Ce vide intérieur, précurseur d'un état dépressif dans
notre conscience, semblait aussi manifeste au niveau organisationnel, voire au niveau de la
société.
Le choix de la métaconscience comme sujet d'étude découle cependant d'un cheminement
professionnel, personnel et universitaire. C'est dans le cadre d'activités de gestion, de coor-
dination et de développement organisationnel que la présente recherche situe ses origines.
En tant qu'employée et mère de famille aux prises avec les dissonances travail/famille et les
valeurs professionnelles/ personnelles, nous avons senti le besoin de prendre un recul pour
retrouver un équilibre psychologique menacé. Nous avons décidé de quitter l'organisation
et de poursuivre une thèse doctorale sur le comportement humain en entreprise commencée
cinq ans plus tôt. En fait, le présent ouvrage représente notre troisième tentative de mener à
terme notre projet de recherche puisque nous avions formulé antérieurement deux problé-
matiques sur le même thème. Nous n'arrivions cependant pas à canaliser le temps et
l'énergie nécessaires à la poursuite simultanée de ces trois priorités : vie de famille, travail
et thèse de doctorat.
Dans le cadre d'un cours portant sur « le mental », les concepts étudiés nous ont fait réali-
ser qu'il était possible d'influencer nos processus mentaux, ceci afin de mieux gérer notre
vie et d'assumer, avec moins de stress, nos responsabilités familiales et professionnelles
tout en réalisant plus efficacement nos différents projets.
Par des lectures et le partage de certaines expériences avec les autres membres du groupe
issus de différents milieux (travail social, éducation, consultation et formation en entrepri-
se), nous avons découvert la complexité du mental et son importance capitale dans toute
activité humaine. Nous avons également pris conscience du rôle central que l'évolution du
cerveau a joué dans le processus d'hominisation des membres de l'espèce humaine, et qui
XIV

leur a permis de se distinguer de leurs ancêtres, les grands singes.


En discutant avec le professeur Gaston Marcotte, qui s'intéresse depuis plusieurs années
aux rôles des processus mentaux sur le développement humain, nous avons compris que de
tous nos processus mentaux, c'est la métaconscience qui constitue le centre de l'agir inten-
tionnel des êtres humains. Or, nos connaissances sur les processus mentaux étaient limitées
et la métaconscience nous était inconnue. Ce sont des rencontres régulières avec le profes-
seur Marcotte et nos lectures sur les neurosciences qui nous ont fait réaliser l'importance de
connaître et de développer davantage notre métaconscience, métaprocessus central à tout
agir qui se veut rationnel et moral.
Tout au long de la rédaction de notre thèse, nous avons donc mis à profit les connaissances
liées au processus et aux caractéristiques de notre métaconscience. Ce fut l'occasion, dans
un premier temps, d'améliorer notre rendement sur les plans personnel, professionnel et
universitaire. Cette démarche a aussi contribué à dégager des principes pédagogiques, qui
serviront, éventuellement, à la conception de formations avec des approches
d'apprentissage appropriées afin que les gestionnaires prennent conscience que le dévelop-
pement de leur métaconscience est essentiel à la réussite de leur vie personnelle, profes-
sionnelle et sociale. Nous avons réalisé, incidemment, que nos pratiques pédagogiques dans
de l'exercice de notre profession et de notre enseignement universitaire, s'étaient profon-
dément transformées.
Nous abordons dans le premier chapitre la problématique des problèmes mentaux dans les
entreprises et leurs répercussions sur les travailleurs, les gestionnaires, l'entreprise et la
société. Le sous-développement mental des gestionnaires apparaît comme l'une des causes
principales de la crise que traversent les entreprises.
Au chapitre deux, nous décrivons la méthodologie qui guide notre démarche. Nous utili-
sons la méthode à quatre temps de Rowe : question, objectivation, expérience et théorisa-
tion. Cette méthode sert à structurer les informations disponibles sur le mental et le fonc-
tionnement des différents niveaux de conscience. La méthode de Rowe permet également
de mettre en perspective le caractère subjectif des processus mentaux et plus particulière-
ment de la métaconscience.
La métaconscience étant un métaprocessus mental qui se déroule entièrement dans notre
monde intérieur, elle ne peut être comprise que subjectivement. Pour en faire l'expérience,
XV

il faut s'efforcer d'en analyser le fonctionnement dans la réalisation d'un but. Nous analy-
sons le rôle de notre métaconscience dans la rédaction de notre thèse de doctorat afin d'en
saisir non seulement ses caractéristiques, mais également ses exigences de développement
et de bon fonctionnement ainsi que les obstacles à son actualisation. Nous utilisons la mê-
me démarche pour analyser les informations concernant le développement humain ainsi que
les théories et les approches d'apprentissage.
Au chapitre trois, notre recherche sur les connaissances liées à l'évolution et au fonction-
nement physiologique du mental nous fait mieux comprendre la complexité du cerveau.
Nous nous sommes intéressée principalement aux auteurs qui ont établi une distinction en-
tre les différentes sortes et les différents niveaux de conscience. Nous avons pu identifier
ainsi les caractéristiques d'un métaprocessus distinctif de la conscience sensorielle par sa
fonction d'intégrateur des fonctions mentales, ce qui permet de mieux utiliser le potentiel
de chacun des processus mentaux. Ainsi, nous constatons que la métaconscience, par son
action intégratrice, par ses caractéristiques et ses exigences, peut amener l'humain à agir
avec une plus grande autonomie, à actualiser davantage sa créativité et à se donner et à res-
pecter une éthique.
Le chapitre quatre expose les caractéristiques humaines liées à l'apprentissage. Nous y
abordons la réalité du gestionnaire apprenant et nous exposons sommairement les principa-
les théories d'apprentissage qui devraient sous-tendre un programme de formation sur la
métaconscience.
Le chapitre cinq répertorie les principes pédagogiques directeurs susceptibles de favoriser
le développement de la métaconscience. Nous y décrivons les quatre approches
d'enseignement favorables pour la formation des gestionnaires en fonction des principes
pédagogiques énoncés.
Finalement, nous proposons au chapitre six les activités et les outils d'apprentissage per-
mettant le développement de la métaconscience en respectant les principes pédagogiques
énoncés et compatibles aux quatre approches d'enseignement analysées. Nous plaidons
pour une nouvelle modélisation de la formation pour les gestionnaires axée sur la réduction
de l'effet de la double contrainte. Nous formulons quelques recommandations pouvant gui-
der la conception d'un programme de formation à l'éveil de la métaconscience chez le ges-
tionnaire.
CHAPITRE I :

PROBLÉMATIQUE

Toute révolution est une illusion si elle n 'est pas une


révolution profonde de la conscience et de la façon d'être.
Henri Laborit

Le point de départ de la problématique décrite dans cette thèse fut un questionnement exis-
tentiel concernant la difficulté de l'humain à se dire heureux dans le cadre de son travail.
Après quelques recherches, et à la suite de conversations avec le professeur Marcotte, cette
question nous a conduite à une problématique d'une portée beaucoup plus large. La crise de
sens, dénoncée de plus en plus fortement par les spécialistes et chercheurs des sciences hu-
maines et écologiques ainsi que par les philosophes, lève le voile sur un constat alarmant.
Les pratiques de gestion mises de l'avant depuis l'éclosion de l'ère industrielle ont certes
fait prospérer l'économie mondiale. Par contre, elles ont altéré la condition humaine sur
l'ensemble de la planète.
La manifestation de cette crise de sens soulève un problème au plan du développement hu-
main. Il semble en effet que, derrière plusieurs catastrophes, il y ait des humains qui or-
chestrent des activités qui s'avèrent destructrices. Nous nous sommes interrogée sur le dé-
veloppement des processus mentaux liés à ces comportements. Nous avons alors constaté
que les principaux auteurs ayant écrit sur les processus mentaux — parmi lesquels James
(1983), Eccles (1991), Crick (1994), Damasio (2001, 2002) et Edelman (2000, 2004) — ont
identifié différents niveaux de conscience auxquels ils ont attribué des caractéristiques spé-
cifiques. Ces informations nous ont amenée à observer qu'il y a un métaprocessus1 mental

1
La conscience se définit comme un processus tel qu'utilisé en psychologie cognitive selon le Dictionnaire
de la psychologie (2003). Le terme processus est, depuis 1960, très utilisé en psychologie. : «S'il y dési-
gne,comme dans les autres champs du savoir, des développements, des évolutions, il s'y attache, sous
l'influence de la psychologie cognitive, un sens plus circonscrit renvoyant à des enchaînements d'opérations
internes, mentales, notamment de traitement de l'information. » Si l'on admet que la métaconscience englobe
les informations générées par les processus mentaux, nous constaterons que la métaconscience est en fait un
métaprocessus.
dont la principale fonction est d'agir comme intégrateur des niveaux de conscience. C'est
sous cet aspect d'intégration que la compréhension du développement chez l'humain nous
apparaît insatisfaisante. Afin de comprendre les rôles des différents niveaux de conscience,
nous nous sommes interrogée sur l'utilité du concept de la métaconscience qui sera l'objet
du chapitre trois de notre thèse.

1.1. CRISE DANS LES ENTREPRISES

Il semble que le mode d'organisation dont s'est doté l'humain afin d'optimiser l'utilisation
des ressources soit devenu, à force de quête de pouvoir et de manipulations politico-
économiques, de plus en plus confus et de moins en moins respectueux de l'humain. De par
la nature même de sa constitution, l'entreprise est une entité légale, une personne morale;
elle est une définition, elle a une mission et elle est un centre de profit. Le gestionnaire se
retrouve donc au coeur d'un paradoxe présent dans la définition même de la forme juridique
de l'entreprise : « C'est un centre de décision [juridiquement autonome] où l'autorité assure
la cohérence des actions et la prévalence de l'intérêt collectif sur les intérêts particuliers »2.
Bakan (2006) illustre ainsi l'obligation, pour les administrateurs d'entreprises, d'être
loyaux envers les actionnaires, c'est-à-dire, de faire croître les profits. C'est leur obligation
légale, au-delà de toute considération humaine, sociale et morale :
Le concept de corporation, que l'on retrouve dans des centaines de lois de sociétés du monde
entier, est pratiquement toujours le même... Les administrateurs ont une obligation légale en-
vers les actionnaires, et cette obligation est de rentabiliser leur argent. Les administrateurs et les
cadres de direction qui ne s'y plient pas peuvent être poursuivis en justice par les actionnaires.
... Les questions éthiques et sociales sont donc non recevables ou sont perçues comme des obs-
tacles au mandat premier de la corporation.3

Cette situation génère une confusion de valeurs liée au double rôle sujet/objet du gestion-
naire. Sur le plan subjectif, le gestionnaire est concerné par ses valeurs personnelles. Quand
il doit prendre des décisions au plan corporatif (il est alors objectif), il doit répondre aux
valeurs organisationnelles, lesquelles peuvent entrer en conflit avec ses valeurs personnel-
les (dans son rôle de sujet).
Il semble que ce phénomène se produise chez bon nombre de gestionnaires. Pruzan (2001)
a fait un exercice qui permet de bien saisir ce phénomène chez des gestionnaires de haut
2
Tarondeau, J.-C. et Huttin, C. (2006). Dictionnaire de stratégie d'entreprise. Paris : Librairie Vuibert, pa-
ge 167.
Bakan, J. (2006). La Corporation. Montréal : Les Éditions Transcontinental, page 47.
niveau. Il leur a d'abord demandé de réfléchir à leurs valeurs personnelles et d'en dégager
les cinq plus populaires du groupe. Dans un deuxième temps, il a répété le même exercice,
avec les mêmes gestionnaires, mais cette fois-ci, pour les valeurs corporatives :
On a large wall hung seven pairs of flip-over papers; for each of the seven groups there was one
sheet of paper with the most important personal values and one sheet with the most important
corporate values. It was obvious to all that there was absolutely no correspondence between
these two sets of values for any of the groups.4
Le tableau 1 illustre que les deux séries de valeurs sont valables et positives en regard de
leur contexte respectif :

Valeurs personnelles Valeurs corporatives


Santé Efficacité
Honnêteté Pouvoir
Amour / beauté Compétitivité
Bonheur / satisfaction Succès
Tranquillité d'esprit Productivité

Tableau 1 : Parallèle des valeurs personnelles et corporatives d'un groupe de leaders5

Le plus souvent, à cause des exigences requises pour atteindre le degré d'efficacité souhaité
par l'entreprise, les employés doivent hypothéquer leur santé. Us n'ont plus le temps de
prendre de bons repas et de faire de l'exercice, et leur sommeil est perturbé par les situa-
tions non réglées. L'employé trouve difficile de rester tout à fait honnête envers lui-même
lorsque le fait d'exprimer son désaccord risque de déplaire à son supérieur et lui faire per-
dre des responsabilités, donc du pouvoir. Le fait de vouloir obtenir des meilleurs résultats
que leurs collègues mine souvent les sentiments affectifs des employés. Les exigences liées
à l'impression de succès génèrent un stress qui laisse aux gens le sentiment qu'ils peuvent
faire mieux. Il est donc difficile pour eux d'être vraiment satisfaits. La productivité demeu-
re une préoccupation constante, ce qui perturbe la conscience de façon quasi continue.
Il devient pratiquement impossible de prendre une décision en accord avec les deux séries
de valeurs, comme le constate Lii (2001) : «When managers make business ethics judg-
ments, the decision inevitably has impact on them. Sometimes managers reluctantly put

4
Pruzan, P. (2001). «The Question of Organizational Consciousness: Can Organizations Have Values, Vir-
tues and Visions? » Journal of Business Ethics, vol. 29, no 3, pages 271-284.
s
Ibidem.
organizational profit as their first priority and make decisions against personal values.»6
Cette situation se traduit, la plupart du temps par un malaise, ou un déséquilibre physiolo-
gique de plus en plus fréquent : au point de faire reconnaître différentes formes de dépres-
sion comme maladies professionnelles. Desjardins Sécurité financière a publié une étude
menée auprès de 78 organisations canadiennes regroupant en tout 464 000 employés en mai
2007. Il en ressort que : « 65 % des Canadiens considèrent que les valeurs de leur milieu de
travail ne concordent pas avec leurs valeurs personnelles. »7
Par la théorie de l'action, Argyris et Schôn (2002) mettent en perspective le caractère dé-
fensif des comportements et attitudes des gestionnaires dans des situations professionnelles.
La théorie professée (ce que le gestionnaire prétend vouloir faire) et la théorie d'usage (ce
que le dit gestionnaire fait dans la réalité) sont mises en conjoncture de façon à mettre en
lumière le conflit émergent. Argyris et Schôn transposent ce phénomène à l'organisation
dans leur modèle d'apprentissage organisationnel. Ils mettent en évidence la contradiction
existant entre les règles et procédures adoptées par l'entreprise et les messages incitant les
employés à agir différemment : « Il n'est pas rare que les documents officiels d'une organi-
sation, tels que les organigrammes, la politique officielle et les descriptions d'emplois,
contiennent des théories d'action professées incompatibles avec les schémas d'activité réels
de l'organisation. »8
Par exemple, une entreprise peut vanter son service à la clientèle, et évaluer le personnel du
service en fonction de la rapidité avec laquelle le client est servi. Heath & Heath, par exem-
ple, ont observé que :
Customers who record their contentious customers-service calls and post them online, as one
person did recently with Earthlink (and others famously did with AOL last year), are outraged
by hypocrisy: companies that say, « Make the customer happy. » but pay service reps on criteria
like speed or quotas.9
Malgré une volonté louable, il ressort que le fait de satisfaire aux critères de rendement
d'une organisation va souvent à l'encontre de la satisfaction des besoins humains. Et en-
gendre des problèmes personnels, sociaux et environnementaux.

6
Lii, P. (2001). «The Impact of Personal Gains on Cognitive Dissonance for Business Ethics Judgments».
Teaching Business Ethics, vol. 5, no 1, pages 21-33.
7
http://www.leiacquescartier.com/article- 100279-Un-sondage-dernontre-uue-la-travaillite-aigue-perd-du-
terrain.html. vu le 7 mai 2007.
8
Argyris, C. & Schôn, D.A. (2002). Apprentissage organisationnel, traduit de l'américain par Mariane Aus-
sanaire et Pierre Garcia-Melgares Paris : De Boeck Université, page 37.
9
Heath, D. et Heath, C. (novembre 2007). «Analysis of Paralysis». Fast Company. No 120, page 68.
1.1.1.La double contrainte

On trouve dans les travaux de Bateson (1980) une explication à ce phénomène en mettant
en perspective la communication paradoxale définie par le concept de la double contrainte,
c'est-à-dire une directive qui comporte deux instructions contradictoires. L'exemple le plus
cité pour illustrer ce concept est lorsque la mère qui rencontre son fils fait un pas en arrière
en lui disant : « Tu n'embrasses pas ta mère! » L'enfant, en voyant sa mère reculer, a
l'impression de satisfaire à sa demande en demeurant distant. Par contre, en entendant ce
qu'elle dit, il constate que son comportement déplaît à sa mère, chose qu'il voulait éviter. Il
a la perception qu'il ne peut pas faire ce que sa mère attend de lui, peu importe qu'il
l'embrasse ou non. La double contrainte suppose des conditions dont :

• une communication entre des personnes;


• une expérience répétée;
• une consigne en conflit avec un résultat escompté;
• toute échappatoire est impossible.
Une seule de ces conditions suffit à déclencher un état émotionnel négatif chez la personne
qui a la perception de ne pas pouvoir être à la hauteur de ce qui est attendu d'elle. Selon
cette théorie, réduire les coûts et améliorer la productivité devient une directive à double
contrainte, surtout quand on y ajoute que le directeur du département doit mettre en place
des procédures favorisant la qualité de vie au travail.
Malgré des modèles opérationnels très efficaces à court terme, les résultats démontrent
souvent que pour plusieurs entreprises, les projets de réduction des coûts se traduisent en :
• une augmentation considérable des coûts de production à moyen terme;
• une hausse insoupçonnée des coûts liés à l'absentéisme et au présentéisme;
• une dégénérescence de la qualité du produit ou du service à la clientèle, au point de
mettre la survie de l'entreprise en péril.
Ces constats illustrent un écart entre l'intention, le comportement et le résultat en gestion.
D'abord utilisé pour décrire des comportements typiques chez les schizophrènes, ce phé-
nomène peut s'appliquer au quotidien de plusieurs gestionnaires. En effet, nous constatons
que pour être loyaux envers les actionnaires, les gestionnaires sont contraints de prendre
des mesures qui vont à l'encontre du bien-être des employés sous leur gouverne, voire à
l'encontre de leur propre intégrité humaine. Nous en présentons une illustration au tableau
2.
La double contrainte La vie en entreprise
1 .Deux ou plusieurs personnes sont engagées dans une relation intense Le directeur général est lié à l'entreprise pour laquelle
qui a une grande valeur vitale, physique et/ou psychologique pour l'une il travaille. Il a la confiance des actionnaires. Les em-
d'elles, pour plusieurs ou pour toutes. Les situations caractéristiques où ployés sous sa gouverne lui témoignent respect et dili-
interviennent ces relations intenses comprennent, sans s'y limiter, la vie gence. Il retire de l'entreprise le salaire qui assure son
familiale (...), la dépendance matérielle, (...), la captivité, l'amitié, confort matériel et la reconnaissance sociale.
l'amour; la fidélité à une croyance, une cause ou une idéologie; des
contextes marqués par les normes et traditions sociales; ...
2.Dans un tel contexte, un message est émis et structuré de manière telle Le directeur est loyal à l'entreprise, ce qui veut dire
que : a) il affirme quelque chose, b) il affirme quelque chose sur sa pro- qu'il maximise les profits. Il est loyal à ses employés,
pre affirmation, c) ces deux affirmations s'excluent. Ainsi, si le message ce qui veut dire qu'il considère leur bien-être et maxi-
est une injonction, il faut lui désobéir pour lui obéir; s'il s'agit d'une mise leurs gains. S'il est loyal envers l'entreprise, il
définition de soi ou d'autrui, la personne définie par le message n'est doit priver les employés de certains bénéfices. S'il est
telle que si elle ne l'est pas, et ne l'est pas si elle l'est. loyal envers ses employés, il diminue les profits des
actionnaires. Il ne peut donc pas être loyal envers l'un
et l'autre. Il ne peut être loyal envers lui-même.
3.Enfin, le récepteur du message est mis dans l'impossibilité de sortir du Il lui est impossible d'éviter la critique (de part et
cadre fixé par ce message, soit par une métacommunication (critique), d'autre) et le sentiment de culpabilité pour contrevenir
soit par le repli. Donc, même si, logiquement, le message est dénué de à son engagement d'être loyal envers les actionnaires et
sens, il possède une réalité pragmatique : on ne peut pas ne pas y réagir, envers les employés.
mais on ne peut pas non plus y réagir de manière adéquate (c'est-à-dire
non paradoxale) puisque le message est lui-même paradoxal. Cette situa-
tion est souvent combinée à la défense plus ou moins explicite de mani-
fester une quelconque conscience de la contradiction ou de la question
qui est réellement en jeu. Un individu, pris dans une situation de double
contrainte, risque donc de se trouver puni (ou tout au moins se sentir
coupable), lorsqu'il perçoit correctement les choses, et d'être dit « mé-
chant » ou « fou » pour avoir ne serait-ce qu'insinué que, peut-être, il y a
une discordance entre ce qu'il voit et ce qu'il devrait voir.

Tableau 2 : Les trois éléments constitutifs de la double contrainte10 et le parallèle du gestionnaire

Cette situation perdure malgré les ravages observés sur la santé mentale et physique des
humains à l'intérieur des organisations.
Nous observons que la grande majorité des gens en entreprise ne sont pas conscients de cet
état de double contrainte. Ils ne comprennent tout simplement pas ce qui motive les déci-
sions valorisant le gain de productivité au profit de leur qualité de vie. Us critiquent, ils pro-
testent, ils s'y font et ils n'en font plus de cas. Le système rationnel semble s'être adapté à
une situation irrationnelle. Parce qu'il ne met pas en valeur le potentiel de ses processus
mentaux pour évaluer, sélectionner et organiser les informations, le gestionnaire s'enfonce
dans ce cercle vicieux d'adaptation destructrice.
Selon Marcotte (2006), l'actualisation du potentiel humain : « dépend directement d'un
apprentissage intentionnel. »" L'adulte n'ayant pas eu l'opportunité d'acquérir les connais-
sances et de construire une conception juste de son potentiel ne peut jouir de ses facultés en

10
Watzlawick, P. et al. (1972). Une logique de la communication, traduit de l'américain par Janine Morche.
Paris : Seuil, page 212.
" Marcotte, G. (2006). Le Manifeste du Mouvement Humanisation. Québec : Éditions Humanisation, page 46.
dormance. Il n'arrive pas à combler ses désirs, ses besoins et ses aspirations de façon adé-
quate. Il en résulte des carences qui affectent sa santé mentale et physique. Cet état n'est
sans doute pas étranger au fait que, le plus souvent, les gens abordent leur travail comme un
mal nécessaire à leur survie économique.
La crise dans les entreprises est illustrée par le cercle vicieux de la course à l'excellence au
détriment des exigences du développement humain. La section « Affaires » du journal La
presse du 17 décembre 2007 publiait une étude révélant que « La perte de productivité au
travail pour des raisons de santé coûte jusqu'à 10 millions de dollars par année à une orga-
nisation canadienne moyenne de plus de 250 employés, soit environ 5,4 % de sa masse sa-
lariale ».12
Cette étude, réalisée par Watson Wyatt Canada auprès de 3 000 travailleurs, stipule que
plus de 25 % d'entre eux disent ne pas se sentir aussi productifs qu'ils ne le devraient. Mal-
gré ces constats, les employeurs, fidèles à « la corporation », visent avant tout à augmenter
le rendementfinancier:
• (...), plus de 36 % s'attendent à augmenter leur objectif de rendement financier pour
l'année qui vient;
• 35 % veulent aussi revoir à la hausse l'effort exigé de leurs employés bénéficiant de
primes de rendement.
Par ailleurs, le plan de retraite de plusieurs employés contient des actions de l'entreprise
pour laquelle ils travaillent. Exigeant un rendement croissant de leurs placements, ces ac-
tionnaires augmentent les objectifs de rendement de la part des administrateurs de cette
entreprise. Pour y répondre adéquatement, les gestionnaires se voient forcés d'amorcer une
restructuration impliquant une coupure de postes. Parfois, le poste d'employés, détenteurs
d'actions, etc.
Cette illustration peut sembler farfelue, pourtant, elle est réelle pour un nombre croissant de
groupes de travail. C'est ce que Tremblay et Bédard (2004) ont voulu dénoncer :
Les actionnaires n'ont aucune idée des conséquences de leurs exigences. Ils ne se rendent pas
compte que, pour livrer les rendements annuels qu'ils réclament, les organisations licencient
sans réfléchir et abusent ensuite des employés qui restent. Quels inconscients, ces actionnaires! '
Comment croient-ils qu'une société peut livrer années après années des rendements de 20 %?
Pour y parvenir, il n'y a pas 36 solutions : soit on pressure les ressources au maximum, soit on
maquille les comptes!13

12
Benoît, J. « Absentéisme: stress et santé mentale au premier rang », dans La Presse Affaires.
http://lapresseaffaires.cvberpresse.ca/apps/pbcs.dll/article7AID=/20. vu le 17 décembre 2007.
13
Tremblay, R. et Bédard, D. (2004). Les fous du roi. Montréal : Les Éditions Transcontinental, page 28.
8

L'humain a mis sur pied des organisations afin de répondre plus efficacement à une soif de
pouvoir. Elles sont devenues le lieu où plusieurs y perdent le sens de leur vie et voient leur
santé se dégrader. Selon Ziegler (2002) :
Sur ces milliards de personnes, les seigneurs du capital mondialisé exercent un droit de vie et de
mort. Par leurs stratégies d'investissement, par leurs spéculations monétaires, par les alliances
politiques qu'ils concluent, ils décident chaque jour de qui a le droit de vivre sur cette planète et
de qui est condamné à mourir.14

Il semble donc que les conditions de travail maintiennent des pratiques valorisant les inté-
rêts financiers à court terme et sont, conséquemment, souvent néfastes pour l'intégrité psy-
chologique des travailleurs, la société et l'environnement. En 2008, Morin dénonce encore :
« Pourtant, on continue de gérer le travail de façon à produire des résultats financiers atten-
dus, ... »15, ce qui se traduit par une multiplication des procédures restrictives et la manifes-
tation du pouvoir de plus en plus harcelant. Il s'ensuit une escalade des statistiques sur le
malaise de vivre liées à la vie au travail, comme l'indiquent ces données compilées (tableau
3) dans différents milieux de travail, dans différentes villes et par différentes firmes de son-
dage.

« Plus de 50 % des travailleurs canadiens sont malheureux au travail » (La Presse, janvier 2003)
« 51 % des travailleurs disent endurer un stress important au travail. »
« 92 000 des salariés au Québec auraient été victimes de harcèlement psychologique au travail en 1998. »
« Selon le Centre for Disease Control, 51 % de toutes les maladies et invalidités sont le résultat de la façon
dont les personnes vivent. »
« 40 % des appels faits au PAE [programme d'aide aux employés] sont liés à la dépression. »
Tableau 3 : Quelques statistiques liées au malaise de vie au travail

Un rapport produit par l'Institut national de santé publique du Québec est d'ailleurs élo-
quent à ce sujet : « Les recherches nous rapportent que cette course contre la montre a des
conséquences importantes au plan de la santé physique et mentale des individus et de leurs
17
déterminants ainsi qu'au plan économique. »

14
Ziegler, J. (2002). Les nouveaux maîtres du monde et ceux qui leur résistent. Paris : Éditions Fayard, pa-
ge 15.
15
Morin, E. (2008). Sens du travail, santé mentale et engagement organisationnel, rapport R-543. Montréal :
IRSST, page 2.
16
Ducharme, C. (2006). Une approche stratégique pour une organisation en santé. Montréal : La Société
Watson Wyatt Canada, page 2.
17
St-Amour, N. et al. (2005). Direction développement des individus et des communautés. La difficulté de
concilier travail-famille : ses impacts sur la santé physique et mentale des familles québécoises. Québec :
Institut national de santé publique du Québec, page 23.
Les tableaux 4 et 5 illustrent les principales conclusions de ce rapport. Le premier énumère
les statistiques au plan de la santé physique et mentale, alors que le deuxième expose les
constats émergeants au plan du travail et au plan économique.
Les interrelations entre le mode de vie au travail et les différents problèmes de santé physi-
que et mentale ressortent clairement de ces études.

Selon l'Enquête sociale générale (ESG) de 1998, les parents et les mères monoparentales âgées de 25 à
44 ans signalent le plus haut taux de stress relié au manque de temps.
Il existe une corrélation élevée entre les situations de conflit travail-famille et la dépression (soulevée
dans la méta-analyse de Allen et coll., 2000).
Il existe un lien entre les situations de conflit travail-famille et les troubles d'anxiété et d'humeur chez
les femmes en particulier (Frone, 2000).
Il existe un lien entre les situations de conflit travail-famille et les coûts requis pour les consultations
médicales des travailleurs (Duxburry et Higgins, 1999).
Il existe un lien entre le conflit travail-famille et l'incidence de maladies physiques comme
l'hypertension artérielle, l'hypercholestérolémie, les troubles gastro-intestinaux, les allergies et les
migraines (Duxbury, Higgens Mills, 1991; Frone, Russes/Barnes, 1996; Thomas et Ganster, 1995).
Les difficultés de conciliation travail-famille ont des répercussions négatives sur les habitudes ali-
mentaires et la pratique de l'activité physique (C. Dubé et coll., 2002; Hitayesu, 2003).
Le conflit travail-famille est associé à une augmentation de la dépendance à l'alcool et la consomma-
tion de drogues chez les hommes en particulier (Frone, 2000).
Les parents qui se sentent débordés par leurs multiples tâches auraient une attitude moins chaleureuse
avec leurs adolescents et seraient plus enclins à développer des interactions conflictuelles avec ces
derniers (Galambos, Sears, Akmeida et Klokeric, 1995).
Le conflit travail-famille a été relié à l'insatisfaction face à la vie familiale et conjugale (St-Onge et
coll., 2002).
Les horaires de travail atypiques et le conflit travail-famille ont été associés au manque de temps pour
partager les repas en famille. Pourtant, ces moments sont considérés comme des moments privilégiés
de socialisation qui ont des répercussions émotionnelles positives sur les relations parent-enfant (US
Council of Economie Advisors 2002).
IS
Tableau 4 : Conséquences au plan de la santé physique et mentale
Les impacts existentiels se répercutent forcément au plan socio-économique.

18
http://\vww.inspq.qc.ca/pdtypublications/375-ConciliationTravail-Famille.pdf. vu le 21 avril 2008.
10

Selon l'étude de DuxBury et Higgins les personnes qui vivent un conflit travail-famille sont
27 % à se dire satisfaites de leur travail alors que les employés qui ne sont pas dans une tel-
le situation le sont à 80 %.
La méta-anlayse de Allen et coll. (2000) démontre que les employés qui vivent des problè-
mes de conciliation travail-famille songent davantage à changer d'emploi et sont plus
susceptibles de vivre de l'épuisement professionnel.
La conciliation travail-famille est aussi reliée à un rendement professionnel inférieur, à une
augmentation de l'absentéisme, à un roulement élevé du personnel et à une perte de moti-
vation (Duxbury 1998).
L'insatisfaction professionnelle des employés entraîne des coûts supplémentaires pour les
employeurs et pour le système de santé, car elle est associée à un absentéisme accru, à un
roulement du personnel et aux problèmes de santé des travailleurs. Les employés satis-
faits de leur emploi vivent plus longtemps et sont moins susceptibles d'être malades (Rob-
bins, 1993 dans Duxbury et Higgins, 1999)
Des chercheurs ont estimé que les jours d'absence au travail des employés qui vivent des
difficultés de conciliation entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle ont représen-
té des coûts de 2,7 milliards de dollars pour les entreprises canadiennes en 1997. (Coo-
per et coll.; Levi et Lunde-Jensen, dans Duxbury et Higgins, 1999).
Cette dernière étude permet d'estimer à plus de 100 millions de dollars par année les
coûts en soins associés à la difficulté de concilier travail et famille au Québec.
L'examen des banques de publications et des contacts avec des experts n'a fait ressortir au-
cune documentation de l'impact sur la santé de mesures gouvernementales particulières
dans le domaine de la conciliation travail-famille.

19
Tableau 5 : Conséquences au plan du travail et au plan économique
Ces conséquences révèlent la difficulté à concevoir un sens du travail compatible avec le
sens d'une vie en harmonie avec ses aspirations, ses désirs, ses besoins et ses valeurs. Les
considérations corporatistes semblent heurter les considérations sociales, économiques et
existentielles et environnementales.

1.2. UNE CRISE EXISTENTIELLE

La vie a mis des milliards d'années à se développer pour aboutir


à cette extraordinaire merveille qu 'est le cerveau humain.
Hubert Reeves

Au cours des dernières années, nous avons vu progresser le taux de maladies professionnel-
les, surtout les maladies de nature psychologique, de façon stupéfiante. En 2003, Statistique
Canada a recensé 92 millions de journées de travail perdues en raison d'absences liées à un
problème d'ordre mental. Cela représente une perte de profitabilité de 16 milliards de dol-

19
http://www.inspq.qc.ca^dt/publications^75-ConciliationTravail-Famille.pdf. vu le 21 avril 2008.
11

lars, soit un coût neuf fois plus élevé que les arrêts de travail dus à des conflits de travail.20
L'impact en matière de santé chez l'humain est inquiétant et le coût social est aussi extrê-
mement préoccupant : « Une personne sur quatre aura un problème de santé mentale au
cours de sa vie. Pas moins de 33 milliards de dollars. Voilà ce que coûtent annuellement les
problèmes de santé mentale dont souffrent de plus en plus d'employés [au Canada] »21. Par
ailleurs, Pauchant et al. (1996) soulèvent des problématiques en ce sens et proposent diffé-
rentes pistes de recherche liées au sens que l'humain tente de donner à ses activités profes-
sionnelles, mais aussi personnelles, familiales et sociales.
Les conclusions de recherches récentes démontrent que le contexte de travail dans les en-
treprises crée de nombreux problèmes existentiels qui influencent négativement la qualité
de vie des employés et leur santé. Soares (2003) observe que « ..., les problèmes de santé
mentale sont de plus en plus fréquents. Selon le Bureau international du travail (BIT), un
travailleur sur dix souffre de dépression, d'anxiété, de stress ou de surmenage et risque, de
ce fait, l'hospitalisation et le chômage »22.
Nous constatons que ces problèmes sont liés, pour la plupart, à la satisfaction au travail et à
la productivité des employés. Ils peuvent être dus, entre autres, à des abus de pouvoir, à un
taux d'absentéisme élevé, à des troubles de comportements, à des décisions aux conséquen-
ces néfastes, etc. Le tableau 6 illustre une synthèse inspirée de quatre auteurs dont les tra-
vaux s'intéressent à cette réalité. Considérant que notre sujet d'étude vise l'enseignement
des principes et pratiques de développement et de fonctionnement de la métaconscience, un
processus intégrateur du mental, notre intérêt porte principalement sur les manifestations
d'ordre mental.

20
Ducharme, C. (2005). La santé mentale, une question d'environnement de travail. Québec : Watson Wyatt
Worldwide, page 7.
21
Dansereau, S. « Les coûts effarants de la santé mentale ». Les Affaires. 26 février 2005.
22
Soares, A. « La santé mentale au travail : s'attaquer aux sources du problème ». Dans Effectif. Volume 6,
numéro 4, septembre/octobre 2003.
12

Abus de contrôle Comportements automatiques


Abus de drogue Démagogie
Abus d'alcool Fatigue, dépression, maladie
Abus de pouvoir Harcèlement sexuel
Abus du jeu Recherche d'une perfection idéalisée
Perte d'autonomie Recherche de solutions magiques
Perte d'amour propre Suicide, homicide
Perte de contrôle de la vie Menace de licenciement
Perte des convictions intimes Déification des dirigeants
Perte des valeurs personnelles Banalisation de l'individu
Absence de relations profondes Déshumanisation de l'individu
Absence d'empathie Servitude
Absence d'ouverture Compétition acharnée
Absence de communication Décisions maladroites
Absence d'aspirations Anonymat
Absence d'intériorité Contraintes
Absence de rire et de plaisanterie Mort à petit feu
Absence de réflexion Milieu de travail sans âme
Absence de valeurs Domination, aliénation, dévalorisation
Absentéisme au travail Ruine de l'intelligence humaine .
Manque d'initiative personnelle Perversion, manipulation
Manque de réalisation de soi Potentialités humaines inexploitées
Manque de respect des autres Exploitation de l'homme
Manque de confiance en soi Culpabilisation
Manque d'estime de soi Humiliation
Manque de confiance en autrui Annihilation de la capacité à juger et à analyser
Manque de sens à son travail, au monde Privations
Dépersonnalisation des employés Sacrifices
Comportement compulsif et excessif Pas de préoccupation pour la santé humaine
Dépendance au travail Pas de préoccupation pour la santé de la planète
Incapacité à différer la satisfaction Colère
Sentiment de terreur Violence véritable et physique
Solitude
Frustration
Stress, agressivité
23
Tableau 6 : Problèmes existentiels dans les entreprises

Plusieurs études, dont celle de De Linares (2002), semblent confirmer que le coût social et
organisationnel de ces problèmes existentiels est considérable dans la plupart des pays in-
dustrialisés. Les coûts associés aux seuls problèmes de santé mentale représentent entre
3 % et 4 % du PIB national dans les pays de l'Union européenne. En France, la dépression
est maintenant reconnue comme une maladie professionnelle : « Voilà que les instances
judiciaires et médico-sociales suivent le mouvement. La dépression commence à être re-
connue comme une maladie professionnelle. »24 Aux États-Unis, les dépenses publiques
associées à la dépression se situent entre trente et quarante-quatre milliards de dollars. Se-

23
Inspiré de Lussato, B. (1996). Pauchant et coll. (1996). Diakité, S. (1985) et Claessens, M. (1998).
24
De Linares, J. (2002). « La dépression, maladie professionnelle reconnue ». Le Nouvel observateur, no
1941, semaine du 17 janvier.
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/pl941/articles/a65480 vu le 14 novembre 2008.
13

Ion une étude de l'Unité de promotion de la santé mentale du Canada, en 1998, le fardeau
total de 14,4 milliards de dollars a fait des problèmes de santé mentale l'une des maladies
les plus coûteuses au pays. Dans cette même étude, la perte de productivité associée à la
dépression et à la détresse à court terme a été évaluée à six milliards de dollars25. Au Qué-
bec, les indemnités versées par la Commission de la santé et de la sécurité du travail
(CSST) associées à la dépression, à l'anxiété et à d'autres problèmes de santé mentale ont
grimpé de 1,5 milliard en 1990 à 5,3 milliards en l'an 20002".
Le constat de cette augmentation faramineuse des coûts reliés à la santé et aux services so-
ciaux impose une attention particulière à ces phénomènes puisque plus de 35 % du budget
du Québec est consacré aux soins de santé. De plus, le besoin croissant de professionnels
autres qu'enseignants dans les écoles (psychologues, orthophonistes, etc.) pour offrir des
services devenus nécessaires aux jeunes vivant des difficultés d'intégration sociale, de
consommation de drogue, de violence, etc. augmente aussi de façon considérable la facture
sociale. Au Québec toujours, la dépression est reconnue comme maladie professionnelle
sous certaines conditions. Nous estimons que les récentes études feront évoluer le lien de
causalité entre le travail et la santé mentale.
Global Business and Economie Rountable of Mental Health rapporte que :
En 1998, les maladies mentales au travail ont entraîné des pertes de 14,4 milliards de dollars
pour l'économie canadienne.
Environ 75 % des réclamations pour invalidité à court terme sont liées aux maladies mentales.
Environ 79 % des réclamations pour invalidité à long terme sont liées aux maladies mentales.27

Zindel et al. (2006) soulèvent que : « Une projection récente de l'Organisation Mondiale de
la Santé estime qu'en 2020, de toutes les maladies, la dépression viendra en deuxième posi-
tion au niveau mondial. »28
Ces données suivent l'évolution de la culture de l'urgence, l'illusion de la motivation par
les résultats, la peur de mal paraître. De Gaulejac (2005) a accompagné des gestionnaires
afin de constater les causes fondamentales de certains problèmes de démotivation : « Quand
il faut tous les jours écrire des papiers auxquels on ne croit pas, au bout d'un moment on se
dit : « Où est le sens? Quel est le sens de tout ça? Y a pas de sens comme métier dans tout
25
http://vvwvv.acsm-ca.qc.ca/virage/dossiers/fardeau-maladie-mentale.html vu le 20 avril 2009.
26
Soares, A. (2003), op. cit.
http://\vvvw.gov.ns.ca/health/mhs/pubs/depression/depression workplacefaq french.pdf vu le 27 avril
2009.
28
Zindel, V. et al. (2006). La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression. Bruxel-
les : De Boek, page 33.
14

ça? »... « Rémunération en contrepartie de dire des choses auxquelles on ne croit pas, ré-
munération dont on devient prisonnier ».29 Le gestionnaire se sent coincé entre sa volonté
de bien faire son travail, être cohérent avec ses valeurs et son sentiment d'améliorer sa qua-
lité de vie.
Heidegger (2002), Tillich (1999), Fromm (1978), Morin (2001) et bien d'autres traitent,
chacun à leur façon, des questions existentielles touchant l'humain et son évolution. Ils
explorent les liens d'interdépendance entre l'humain, la nature et les systèmes dans lesquels
les niveaux de responsabilisation se déterminent. Heidegger (2002) élabore sur la liberté de
l'humain en fonction d'un processus naturel :
... we mean that human action as such is not primarily cause by natural processes; it is not
bound by the lawfulness of natural processes and their necessity. This independence from na-
ture can be grasped in a more essential way by reflecting that the inner decision and resolve of
man is in a certain respect independent of the necessity which resides in human fortunes.30
Alors que Tillich (1999) aborde les angoisses existentielles qui semblent incontournables
pour les humains :
... trois formes d'angoisses existentielles, [l'angoisse du destin et de la mort, l'angoisse du vide
et de la perte du sens et l'angoisse de la culpabilité et de la condamnation] d'abord en regard de
leur réalité dans la vie de l'individu, puis de leurs manifestations sociales à des périodes parti-
culières de l'histoire de l'Occident. Il faut préciser, au départ, que la différence de ces types
d'angoisse ne signifie pas qu'elles s'excluent mutuellement.31

Fromm (1978), pour sa part, dénonce les conséquences du système économique : «Notre
discussion, jusqu'ici, a montré que les traits de caractère engendrés par notre système so-
cio-économique, c'est-à-dire par notre façon de vivre, sont pathogènes et finissent par pro-
duire des individus malades et, par conséquent, une société malade. »32 En ce sens, De Gau-
lejac (2005) a observé que : « Chaque individu veut réussir sa vie dans une compétition où
on lui propose de monter toujours plus haut, de gagner toujours plus d'argent, d'acquérir un
plus grand pouvoir. Quand bien même il sait que les satisfactions proposées sont largement
illusoires, il ne résiste pas au désir d'y croire. »33 Ce sentiment de compétition, dénoncé,
entre autres, par Pauchant (1996), Senge (1990), Goleman (1997, 1999), Kegan (1982,

29
De Gaulejac, V. (2005). La société malade de la gestion. Paris : Éditions du Seuil, page 141.
30
Heidegger, M. (2002). The Essence of Human Freedom : An Introduction to Philosophy, traduit par Ted
Sadler. London: Continuum International Publishing Group, page 4.
31
Tillich, P. (1999). Le courage d'être, traduit par Jean -Pierre Lemay. Paris : Éditions du Cerf ; Genève :
Labor et Fides ; Québec : Presses de l'Université Laval, page 33.
32
Fromm, É. (1978). Avoir ou être? Un choix dont dépend l'avenir de l'homme, traduit par Théo Cartier.
Paris : Robert Lafond, page 25.
33
De Gaulejac, V. (2005). La société malade de la gestion. Paris : Éditions du Seuil, page 131.
15

1984), Argyris (1998, 2000, 2002) et Brun (2007), contribue au sentiment de crise dans les
entreprises. Il génère des comportements et des attitudes incompatibles avec les exigences
de développement du potentiel humain.
Morin (2007) précise : « Il est intéressant de noter que la compétition, comme émulation, a
laissé place à la compétitivité comme objectif en soi. Ce qui, au départ, était un moyen est
devenu une fin. »34 Les objectifs de rendement exigés par les actionnaires amènent les ges-
tionnaires à dépasser leurs limites et à agir sans comprendre les causes de la dégradation de
leur condition de santé.
Morin (2007) parle de crise et de développement comme de processus concomitants. Le
constat d'une situation de crise est aussi l'occasion d'innover. Il reprend ainsi la formula-
tion d'Antonio Negri : « La crise n'est pas le contraire du développement, mais sa forme
même ».35 Jacquard (1991) invite à prendre position et à agir : « Maintenant l'humanité a
une existence réelle. Sa forme, sa structure résultent de cette dynamique non gérée. Il est
temps de chercher à en évaluer les fruits, et d'éventuellement la réorienter. »36 Dans le mê-
me ordre d'idées, Gore (2007) exprime sa confiance dans le potentiel humain pour freiner
l'érosion galopante et amorcer une « restauration de l'équilibre naturel du système écologi-
que de la Terre. » Pour ce faire, il est urgent de cesser d'agir exclusivement sur les effets, et
de se concentrer à en comprendre les causes.
À l'instar de Morin (2007), qui ramène à la nécessité d'une conscience écologique, les tra-
vaux de Marcotte (2006) sur les causes fondamentales de cette crise humaine démontrent
un lien indéniable entre l'évolution biologique de l'espèce et l'importance du développe-
ment mental.
Selon ce chercheur, « Il y a cependant une dimension qui a permis aux humains de se dis-
tinguer progressivement du règne animal, et de devenir une nouvelle espèce : la dimension
mentale d'où émerge la dimension morale. »
Le potentiel que procure le néocortex porte cependant ses propres exigences de développe-
ment et de bon fonctionnement. Jacquard (1991) reconnaît le potentiel existant chez
l'humain : « Ce bébé, ou même ce fœtus, n'est pas, dans son état actuel, intelligent; certes,

34
Ibidem, page 123.
35
Morin, E. (2007), Morin, E. (2007). Où va le monde? Paris : Éditions de L'Herne, page 32.
36
Jacquard, A. (1991). Inventer l'homme. Bruxelles : Éditions Complexe, page 117.
37
Marcotte, G. (2006), op. cit., page 45.
16

mais il recèle en lui les éléments à partir desquels son intelligence future va se développer
... »38 Lorsqu'il est privé d'une éducation et de modèles valorisant l'équité humaine et
l'éthique, l'humain, peu importe son statut, aura des comportements aux conséquences dis-
cutables. Selon Jacquard (1991), cela s'explique, en partie : «Mais l'homme est récent,
quelques dizaines de milliers d'années sont peu de choses dans le calendrier de l'évolution
des espèces. Sans doute est-il encore trop neuf pour être capable de faire face aux richesses
potentielles qui sont en lui... »39 Les découvertes des neurosciences, jumelées aux recher-
ches en anthropologie, psychologie et sociologie, ouvrent un angle d'observation par lequel
les processus mentaux peuvent être développés de façon intentionnelle.

1.3. UNE SOURCE DES PROBLÈMES : LE SOUS-DÉVELOPPEMENT DU MENTAL

La construction du cerveau humain est codée


génétiquement, mais l'évolution culturelle ne l'est pas.
Sir John Eccles

La crise humaine et écologique actuelle démontre des lacunes importantes dans le dévelop-
pement humain et dans l'utilisation des potentialités mentales disponibles mais inexploi-
tées. Les processus mentaux sont présents, mais exigent des conditions favorables à leur
développement afin de permettre à l'humain d'en prendre conscience et de les actualiser
efficacement.
On constate que l'évolution biologique de l'humain semble s'achever. Selon Sir J. C. Ec-
cles (1978), prix Nobel de la médecine, l'énergie est, depuis les derniers 250 000 ans,
concentrée sur le développement mental de l'espèce. Cette dimension mentale résulte du
développement progressif du néocortex chez l'espèce humaine : « L'hominisation fait sau-
ter le verrou entre l'homme et l'animal et nous permet de nous voir sous un angle différent.
... Ce n'est pas une différence de degré, c'est une différence de nature qui sépare l'homme
de l'animal le plus proche de lui. »40
La différence majeure chez l'humain est la manifestation d'une dimension mentale qui pla-
ce l'humain dans un état de libre arbitre (autonomie) quand à ses croyances et valeurs (mo-
rale), ce qui lui permet de créer et recréer sa vie (créativité). Cette émergence de

38
Jacquard, A. (1991), op. cit., page 141.
39
Ibidem, page 168.
Fortin, R. (2003). Comprendre l'être humain. St-Nicolas : Éditions Dépul, page 76.
17

l'autonomie, de la morale et de la créativité sont les paramètres importants du développe-


ment humain et plus particulièrement de la métaconscience. À moins d'une anomalie phy-
siologique ou biologique41, ces trois dimensions sont inclusives et interdépendantes. Elles
émergent de l'activité du néocortex, siège de la conscience de soi, de la raison, du langage,
de la volonté, de la mémoire, de l'apprentissage et de la métaconscience.
En fait, l'humain hérite dans son patrimoine génétique de potentialités mentales; mais elles
sont inutiles lorsque laissées à elles-mêmes. Eccles (1981) observe que « La construction
du cerveau humain est codée génétiquement, mais l'évolution culturelle ne l'est pas. »42
Le tableau 7, inspiré de Marcotte43, illustre les grandes dimensions de l'humain ainsi que
les potentialités de la dimension mentale.
Ecologique Adaptation à son environnement
Corporelle Mobilité, bien-être, douleur
Dimensions présentes chez Sexuelle Reproduction, survie de l'espèce
l'animal et chez l'humain, à des
degrés différents. Sociale Organisation, regroupement
Affective Emotions, préférences
Culturelle Apprentissage limité
Métaconscience
Raison
Langage
Potentialités mentales exclusives Volonté
Mentale
à l'humain lorsqu'actualisées Apprentissage/mémoire
Créativité
Moralité
Autonomie/liberté
Tableau 7 : Dimensions et potentialités de l'humain

C'est pour le développement du potentiel mental que le besoin d'apprentissage survient


puisque le développement des autres dimensions en dépend directement. Selon Morin
(2000), cet apprentissage doit se faire en considérant l'humain dans son univers, et non de
façon détachée : « Connaître l'humain, c'est d'abord le situer dans l'univers, non l'en re-
trancher. YK4
La science et la philosophie doivent interagir. Les découvertes scientifiques doivent servir à

41
Le lecteur peut consulter les travaux d'Antonio R. Damasio (2000, 2001) pour de plus amples informations
concernant les anomalies et les conséquences sur le fonctionnement du cerveau et de la conscience.
42
Eccles, J. C. (1981). Le mystère humain, traduit de l'anglais par Anne-Marie Graulich et Marc Richelle.
Bruxelles : Pierre Mardaga, éditeur, page 145.
43
Marcotte, G. (2006), op. cit., page 45.
Morin, E. (2000). Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, op. cit., page 49.
18

une compréhension holistique de l'humain dans son environnement. Pour ce faire, Morin
(1990) soutient qu'il est impératif de concevoir «la complexité de la réalité anthropo-
sociale, dans sa microdimension (l'être individuel) et dans sa macrodimension (l'ensemble
planétaire de l'humanité) »45. Considérer l'évolution de la conscience vers la métaconscien-
ce permet de mieux concilier les apports des différentes sciences humaines et de dégager
une meilleure compréhension du rôle du mental sur la dynamique recursive des dimensions
humaines et planétaires.
1.3.1.Intérêt historique dans les processus mentaux 46

C'est à partir de la fin du 19e siècle que les psychologues, les psychanalystes et les psychia-
tres ont commencé à s'intéresser au cerveau et à ses différents processus. En fait, l'étude
scientifique des processus mentaux a débuté en 1879 dans le premier laboratoire de psycho-
logie expérimentale mis en place par le philosophe allemand Wilhelm Wundt47. En 1929,
James48 a fait ressortir la nécessité d'étudier la conscience dans l'espoir de trouver des
moyens d'en améliorer le rendement. Comme plusieurs autres auteurs qui l'ont suivi, James
était convaincu que les êtres humains actualisaient très peu ce potentiel extraordinaire
d'humanité dont ils héritent en naissant.
Lé psychologue William Uttal49 considère le Mind-Body Problem, c'est-à-dire la relation
entre nos corps physique et « l'insubstantielle - mais non moins réelle - vie mentale dont
nous sommes tous personnellement conscients, comme la source d'un nombre de problè-
mes d'une telle ampleur que tous les autres problèmes de la philosophie, de la science et de
la technologie pâlissent dans l'insignifiance en comparaison »50.
Dans la même veine, le psychiatre Kenneth R. Pelletier51 considère que les bouleverse-
ments sociaux, écologiques et individuels qui se déroulent dans le monde sont symptomati-
ques d'une profonde transformation évolutive de la conscience humaine. Il ajoute que:
« People of all times, geographic locations, and cultures have known the intricacies of con-

45
Morin, E. (1990). Introduction à la pensée complexe. Paris : ESF Éditeur, page 20.
46
Certaines données de cette section sont adaptées d'un texte inédit de Gaston Marcotte (2002).
47
http://fr.vvikipedia.org/wiki/Wilhelm Wundt vu le 20-04-2009.
48
James, W. (1929). The Varieties of Religious Experience. Londres : Green and Company.
49
Uttal, W. (1948). The Psychobiology of Mind. New-York : John Wiley and Sons, page 3.
50
Marcotte, G. (2004). Texte inédit.
51
Pelletier, K. R. (1998). Toward a Science ofcousciousness. New-York : Dell Publishery, page 1.
19

sciousness but have expressed that knowledge in different metaphors. »


Le neurologue Jean-Pierre Changeux estime que « Après Copernic, Darwin et Freud, reste
la conquête de l'esprit. C'est là un des plus impressionnants défis pour la science du vingt
et unième siècle. »53 Eccles (1991) écrit : « L'expérience humaine de la conscience suscite
un intérêt inattendu, comme en témoignent au chapitre 3 les larges extraits d'oeuvres aussi
diverses que celles de Changeux, Crick et Koch, Dennett, Edelman, Hodgson, Penrose,
Searle, Sperry et Stapp. »54 Selon Eccles, nous avons tous la certitude : «... que notre
conscience siège au centre de notre être. »55 Steven Pinker (1997) du Department of Brain
and Cognitive Sciences du Massachussets Institute of Technology (MIT) pense que :
... la découverte par les sciences cognitives et l'intelligence artificielle des défis techniques
surmontés par notre activité mentale routinière est une des grandes révélations de la science, un
réveil de l'imagination comparable à apprendre que l'univers est composé de billions de ga-
laxies ou qu'une goutte d'eau d'un étang bouille d'une vie microscopique, w56
Dans « L'hypothèse stupéfiante » Francis Crick, prix Nobel de physiologie en 1962, avance
qu'il « est temps de penser la conscience en termes scientifiques ».57
D'après Jean-François Dortier (1999) : « Ce n'est que depuis une quinzaine d'années que la
conscience fait une arrivée en force dans les études psychologiques. On ose lui consacrer
débats, colloques, articles de revues scientifiques, livres, chapitres dans les prestigieux trai-
tés de synthèse. »58 Dans Franchir les étapes de la conscience, Benoît Rancourt (1996),
psychologue, écrit que « Les connaissances les plus utiles sont sans doute celles qui nous
conduisent à la connaissance et à la conscience de soi. »59 Le physicien Christian Tourenne
(1981) estime que « Jamais il n'a été aussi clair que la solution aux problèmes actuels rési-
de dans un développement de la conscience humaine. »60
Les religions, la philosophie, la psychologie, la psychanalyse, la psychiatrie, les sciences
cognitives, incluant les neurosciences, se sont donc toutes intéressées à la dimension men-
tale des êtres humains. Une quantité étourdissante de connaissances a été élaborée par les
52
Ibidem, page 5.
53
Changeux, J.-P. et Rancœur, P. (1998). Ce qui nous fait penser. La nature et la règle. Paris : Éditions Odile
Jacob, page 11.
54
Eccles, J.C. (1991). Comment la conscience contrôle le cerveau. Paris : Fayard, page 12.
55
Ibidem.
56
Pinker, S. (1997). How the Mind Works, traduction libre. New-York : W.W.I. Norton and Company,
page 4.
7
Crick, F. (1994). L'hypothèse stupéfiante, traduit de l'anglais par Hélène Prouteau. Paris : Librairie Pion,
page 12.
8
Dortier, J.-F. (1999). Le cerveau de la pensée. Auxerre : Éditions Sciences humaines, pages 301, 302.
59
Rancourt, B. (1996). Franchir les étapes de la conscience. Outremont : Les Éditions Québécor, page 12.
60
Tourenne, C. (1981). Vers une science de la conscience. Paris : Éditions l'Age de l'Illumination, page 19.
20

chercheurs sur le mental et le rôle essentiel que ces processus mentaux, et tout particuliè-
rement la conscience, jouent dans la vie individuelle et collective des humains. Cependant,
il n'existe pas, actuellement, à notre connaissance, une véritable science du mental et un art
pour le développer, et ce, malgré certains efforts isolés en ce sens. Nous pensons ici aux
efforts du Dr. Alfonso Caycedo qui fonda, en 1960, la Sophrologie et mit en place une éco-
le scientifique qui s'était donnée comme mandat d'étudier la conscience humaine. Nous
savons également qu'à son retour de voyage sur la lune l'astronaute Edgar Mitchell fonda
The Institute for Noetic Sciences dans le but d'explorer la nature de la conscience (cons-
ciousness).
Les découvertes sur le mental et les observations impliquant les fonctions abstraites sont
considérées de façon indépendante et exclusive et sont surtout utilisées dans une approche
curative. On les applique davantage pour guérir ou corriger certaines déficiences humaines
que pour actualiser le potentiel incroyable du cerveau qu'on laisse en friche malgré un be-
soin urgent de plus de conscience dans le monde. Fortin (2003), en reprenant la théorie de
la complexité telle que décrite par Edgar Morin, dénonce fortement cette notion de parcelli-
sation de la connaissance et des conséquences néfastes sur la science elle-même :
Le développement des sciences va de pair avec le développement de la spécialisation. L'histoire
des sciences, à peu de chose près, correspond à la séparation des sciences en disciplines, sous-
disciplines, spécialités, sous-spécialités. Les sciences se sont développées en se fragmentant
toujours plus et en fragmentant toujours plus la réalité.61

Quant aux conséquences sur la pensée développées par les chercheurs sur l'humain, Fortin
s'interroge sur le rapport de la personne à la liberté :
La science semble avoir tranché le débat : nous sommes prisonniers de notre patrimoine généti-
que et notre apparente liberté n'est que soumission aux gènes et à notre hérédité (« biologis-
me », « sociobiologisme »); nous sommes façonnés par la culture et la société (« sociologis-
me », « culturalisme »), façonnés par l'histoire (« historicisme ») qui nous imposent leurs dé-
terminations, leurs codes, leurs normes, leurs règles, leurs interdits. Nous subissons les
contraintes du milieu naturel (l'environnement) et nous ne faisons que réagir passivement à ces
contraintes (« behaviorisme »). Nous sommes biologiquement, sociologiquement, culturelle-
ment, historiquement, écologiquement déterminés.62

Malgré l'ouverture des neurosciences sur le cerveau et la conscience, nous sommes tou-
jours devant une réalité éclatée. Victime de l'approche disciplinaire et expérimentale, le
mental est disséqué. Ses parties sont étudiées séparément par différentes sciences, avec des
méthodes et techniques propres à leur champ de spécialisation.

61
Fortin, R. (2003), op. cit., page 37.
662
2
Ibidem, page 35.
IhiAam narrf. IS
21

Comme nous l'avons mentionné, certaines sciences opposent encore le mental aux émo-
tions, et traitent chacun de ces thèmes en les dissociant et en les isolant. On se retrouve
donc aujourd'hui avec une somme impressionnante et disparate de données scientifiques
sur le mental, sur les émotions et les fonctions physiologiques, mais sans lieu rassembleur
pouvant synthétiser, intégrer et rendre disponibles ces précieuses connaissances sur
l'humain et son développement en vue d'applications possibles dans différents secteurs de
l'activité humaine.63 La plus récente phase développementale de l'humain, le développe-
ment du néocortex, abrite un potentiel dont l'ampleur surprend encore.
Les nouvelles technologies pour étudier le cerveau et son fonctionnement permettent
d'établir des associations intéressantes entre les nouvelles connaissances liées au cerveau et
à la conscience. Ces découvertes révèlent de nouvelles possibilités et ouvrent un champ de
pratique sur les concepts entourant la conscience, tant comme entité individuelle que par
niveaux multiples.
De fait, certains chercheurs placent les phénomènes entourant la conscience au cœur de
l'agir intentionnel des êtres humains. Cet assemblage de connaissances pourrait collaborer
aux efforts de tout être humain dans sa volonté à être heureux. Selon Damasio (2001),
l'impact de cette (re)connaissance du rôle de la conscience est majeur : « Et lorsque les
humains sont incapables d'apercevoir la tragédie fondamentale de l'existence consciente,
ils sont moins enclins à chercher à l'adoucir, et peuvent, de ce fait, avoir moins de respect
pour la valeur de la vie. »M
Beaucoup de connaissances liées à la conscience sensorielle65 et à la métaconscience sont
donc disponibles, mais encore trop éparses et plus ou moins comprises et utilisées, si ce
n'est que de façon trop parcellaire pour être vraiment profitables. Damasio (2002) souligne
la confusion : « Pour certains non-spécialistes, la conscience et l'esprit sont quasiment im-
possibles à distinguer, de même que la conscience et la conscience morale, la conscience et
l'âme, ou la conscience et le spirituel »66. Cette confusion au plan des connaissances entraî-

63
Inspiré d'un texte inédit de Gaston Marcotte. 2002.
64
Damasio, A. R. (2001). L'erreur de Descartes, traduit de l'américain par Marcel Blanc. Paris : Les Éditions
Odile Jacob, page 339.
Le premier niveau de conscience est appelé conscience primaire, conscience noyau ou conscience perceptive, selon les
différents auteurs. Afin d'éviter toute confusion dans notre texte, nous parlerons de conscience sensorielle pour identifier
le premier niveau de conscience sans citer un autre auteur.
66
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, traduit de l'américain par Claire Larsonneur et Claudine
Tiercelin. Paris : Éditions Odile Jacob, page 43.
22

ne, de façon inévitable, des répercussions sur la pratique : « La plus vaste contrée encore
inexplorée est située entre nos deux oreilles. »67 Senge (1991) ne pouvait mieux exprimer
cette réalité déconcertante. Il est par ailleurs difficile d'établir des pratiques liées au poten-
tiel mental et physiologique de façon cohérente tant que les connaissances sont maintenues
isolées les unes des autres.
1.3.2.Le mental comme sujet d'études

Des chercheurs en provenance d'horizons différents (anatomie, chimie, biologie, physiolo-


gie, psychologie, psychiatrie, philosophie, neurologie) étudient depuis plusieurs années le
cerveau et ses nombreux processus : perception, sensation, mémoire, intelligence, émotion,
créativité. Fortin (2003) dénonce que peu de chercheurs abordent les différentes formes de
conscience comme objet d'études parce qu'elle est jugée trop complexe, trop intangible,
trop subjective, et que les caractéristiques de ces études sont incompatibles avec les princi-
pes de recherche descartiens. D'abord, le principe des idées claires et distinctes, qui induit
la séparation du sujet et de l'objet. Ensuite, ce principe de réduction, lequel amène à parcel-
liser l'objet d'études en éléments distincts, les détachant du tout initial. Il advient donc que
chaque champ de recherche réalise des avancées importantes en regard du fonctionnement
du cerveau et de la conscience, mais maintient ces connaissances isolées les unes des autres
sans visée transdisciplinaire. Bien que des initiatives encouragent des conversations entre
scientifiques reconnus68, il n'y a pas de « lieu rassembleur » qui se serait donné comme but
transdisciplinaire l'établissement d'une science et d'un art du mental ou, plus spécifique-
ment, une science et un art de la métaconscience69.
Puis le principe d'ordre, lequel ignore tout ce qui peut représenter le désordre, le chaos, ne
permet pas d'interaction recursive entre l'objet et son environnement, ou le sujet lui-même.
Ce phénomène de parcellisation de la connaissance ralentit le processus d'intégration des
découvertes sur la conscience et, par le fait même, l'émergence de ses caractéristiques et,
de ce fait, l'application des principes qui en découlent dans différents secteurs de l'activité

67
Senge, P. (1991). La cinquième discipline, traduit de l'américain par Hervé Plagnol. Paris : FIRST Édi-
tions, page 210.
68
Afin de stimuler les recherches scientifiques, le Dalaï-Lama a convié des scientifiques à une série de ren-
contres afin de confronter les points de vue de chacun en regard du fonctionnement du cerveau, de l'esprit et
de la conscience.
Dalaï-Lama. (2000). Le pouvoir de l'esprit, entretiens avec des scientifiques, traduit Patrick Carré. France :
Fayard.
69
Le terme métaconscience, objet de notre étude, sera défini au chapitre 3.
23

humaine.
Une approche transdisciplinaire permet de considérer chacune des sciences susceptibles
d'alimenter un corpus de connaissances requis pour constituer un discours cohérent et logi-
que autour d'un objet d'études: Selon De Koninck (2003), considérer la somme des
connaissances issues de l'ensemble des connaissances générées par chaque champ d'études
comme un tout significatif de l'être humain, « Ce serait n'avoir rien compris ».™ II en est
de même du mental.
Certes, faire le tour d'une université en s'arrêtant à chaque discipline particulière permettrait
d'additionner bout à bout les points de vue et donc les abstractions ou les réductions possibles -
ce ne serait à vrai dire que le début d'une série infinie - auxquelles on pourrait soumettre le
même être concret, et pourquoi pas tout de suite le plus concret et le plus complexe d'entre eux,
l'être humain? Physique, biologie, chimie, mathématiques, anthropologie, psychologie, socio-
logie, économie, sciences politiques, sciences religieuses, littérature, beaux-arts, linguistique,
histoire, géographie, etc., etc., toutes ces disciplines ont quelques aspects indispensables de
l'être humain à révéler, mais chacune n'en offre ce faisant, qu'une part infime.71

Les tenants de l'approche disciplinaire et expérimentale étudient le mental en considérant


les parties et les fonctions séparément, par différentes sciences, avec des méthodes et tech-
niques propres à leur champ de spécialisation. En accord avec De Koninck, Marcotte
(2004) ajoute : « On se retrouve donc aujourd'hui avec une somme impressionnante et dis-
parate de données scientifiques sur le mental, mais sans lieu rassembleur pouvant synthéti-
ser, intégrer et rendre disponibles ces précieuses connaissances sur l'humain et son déve-
loppement pour des applications possibles dans différents secteurs de l'activité humai-
ne. »72 Cette parcellisation des connaissances est aussi applicable pour la métaconscience
qui est le cœur de notre recherche.
L'évolution de l'espèce humaine se fait à partir des facultés émergentes du mental. Nous
devons considérer ses phases de développement, ses potentiels, ses exigences et ses obsta-
cles afin de mieux préparer les gestionnaires, et ainsi améliorer la qualité de vie des em-
ployés soumis à leurs décisions. Ce qui permettrait de diminuer les impacts négatifs de
l'idéologie de la production/consommation/compétition à tout prix pour l'humain, la socié-
té et l'environnement.

70
De Koninck, T. (2003). En préface de Comprendre l'être humain, par Robin Fortin. Québec : Éditions
D.PUL, page 14.
71
Ibidem.
72
Marcotte, G. (2004). Texte inédit.
24

1.3.3. Peu d'applications des connaissances du mental à l'entreprise

Les plus graves menaces qu 'encourt l'humanité sont liées au progrès


aveugle et incontrôlé de la connaissance (armes thermonucléaires,
manipulations de tous ordres, dérèglement écologique, etc.).
Edgar Morin

Les découvertes des quinze dernières années, en psychologie, en sciences cognitives, in-
cluant surtout les neurosciences, entre autres, rendent disponibles les éléments d'un art et
d'une science du mental. Malgré ce fait, les connaissances sur le .mental et, surtout, sur les
processus mentaux sont très peu exploitées lors des activités humaines. Intégrer ces
connaissances dans un but pratique permettra d'améliorer la qualité de la gestion humaine
en entreprise, mais aussi, cela rendra ces connaissances applicables dans tous les secteurs
de l'activité humaine. Une telle intégration des connaissances exige cependant une nouvelle
conception du potentiel des facultés mentales de la part de tout gestionnaire dont les res-
ponsabilités professionnelles ont un impact sur la qualité de vie d'êtres humains et sur
l'environnement.
Ce changement de paradigme requiert une bonne compréhension du fonctionnement des
processus mentaux, donc du cerveau. Cette nouvelle conception permettrait aux gestionnai-
res de mieux saisir la portée du développement et de l'utilisation consciente de leurs cartes
mentales. Edelman et Tononi (2000) ont bien démontré, avec le concept de réentrée,
l'importance de l'expérience consciente. Les fonctions du néocortex, par l'actualisation
integrative des processus mentaux (perception, sensation, émotion, mémoire, créativité,
etc.), doivent être exploitées de façon consciente afin d'influencer positivement les compor-
tements humains.
Les actionnaires, tout comme les gestionnaires et les employés de niveau opérationnel sont
avant tout des êtres humains dotés d'un cerveau exécutant des fonctions mentales. Chaque
être humain est unique et est doté de facultés mentales en potentiel. Nous savons aussi que
chaque individu normalement constitué peut utiliser ses fonctions mentales pour actualiser
son potentiel.
Le fait qu'il n'y ait pas de programme de formation sur la métaconscience, ses caractéristi-
ques, ses exigences de développement et ses obstacles engendre des répercussions sur la
façon dont les gestionnaires assument leurs responsabilités personnelle, sociale et profes-
sionnelle. De ce point de vue, nous sommes d'accord avec Argyris (1998) : « One of the
25

most helpful things we can do in organizations - indeed, in life - is to require that human
beings not knowingly kid themselves about their effectiveness. »73 L'humain doit prendre
conscience de son potentiel mental et l'actualiser afin d'être plus efficace dans la réalisation
de ses projets personnels, sociaux et professionnels.
À l'instar des différentes espèces animales, l'humain naît avec des potentialités à dévelop-
per. La plupart de celles-ci se développent à partir des sens et des émotions. Chez les ani-
maux, par exemple, les dimensions affective, sociale (bien que de façon élémentaire),
sexuelle, corporelle et écologique se développent de façon naturelle et instinctive. Se réfé-
rant à la conscience sensorielle, elles sont interdépendantes et permettent à l'espèce de sur-
vivre et de se reproduire, ce qui est le but de leur vie. Marcotte (2006) reprend l'analogie
suivante : « Le lion deviendra tout à fait lion si sa niche écologique lui procure les éléments
nécessaires à la satisfaction de ses besoins fondamentaux. L'être humain, par contre, n'est
pas programmé pour réaliser automatiquement son développement optimal. »74 Sans une
éducation axée sur l'actualisation des processus mentaux et plus spécifiquement sur la mé-
taconscience, les humains se privent d'un métaprocessus qui sous-tend leur autonomie, leur
créativité et leur moralité.
Cette représentation de l'humain permet de mieux saisir les causes de certains manques en
ce qui a trait au développement humain lié au mental. L'éducation, telle qu'elle est prati-
quée dans l'ensemble des sociétés actuelles, incite les gens à acquérir des connaissances
pratiques, techniques et scientifiques sur tous les sujets imaginables, mais valorise peu les
connaissances liées au processus d'humanisation.
Les connaissances fondamentales sur l'évolution de l'espèce, les conditions optimales du
développement de son potentiel humain, et le bon fonctionnement de son être dans ses rap-
ports avec la réalité, la vie, lui-même, autrui, la société, l'humanité et l'environnement, sont
grandement négligées.
Les humains utilisent donc leurs différents processus mentaux pour répondre à leurs be-
soins, sans vraiment les connaître et les distinguer de leurs désirs et de leurs aspirations, ni
voir les liens d'interdépendance dans la conduite de leur vie personnelle, sociale et profes-
sionnelle. Ceci les amène parfois à poser des gestes dont la portée peut sembler inconceva-

73
Argyris, C. Empowerment: The emperor's clothes. Harvard Business Review, (mai-juin 1998), page 105.
74
Marcotte, G. (2006), op. cit., page 44.
26

ble. L'exemple de M. Paulson, qui a encaissé 3,7 milliards de dollars en spéculant sur
l'endettement à risque de milliers d'Américains, ce qui devait conduire à la crise hypothé-
caire de 200775, traduit bien ce qui peut être considéré comme un geste parfaitement légal,
mais très immoral. Les résultats, tant aux plans personnel, organisationnel que planétaire,
de décisions basées sur des paramètres liés à l'acquisition de biens, se prennent trop sou-
vent au détriment de l'intégrité humaine. Fromm (1978) cite le prix Nobel de la Paix de
1952, Albert Schweitzer, pour illustrer le paradoxe de l'évolution de l'humain et le sous-
développement de ses processus mentaux : « L'homme est devenu un surhomme... Mais le
surhomme, avec sa puissance surhumaine, ne s'est pas haussé au niveau de la raison sur-
humaine. Plus sa puissance grandit, plus l'homme s'appauvrit... » 7<s
Le management efficace peut donc se distinguer, voire aller à l'encontre du management
éthique et moral. Nous attribuons ce manque au sous-développement des processus men-
taux. Goleman (1997), Pauchant (2000), Kegan (2001), Bohm (2003) et plusieurs autres
dénoncent l'état de crise existentielle, et questionnent les pratiques qui ne considèrent pas
l'être humain dans sa complexité et sa transdisciplinarité. Ces auteurs instaurent la quête de
sens, l'individualité et la gestion des émotions au cœur de leurs préoccupations. À l'instar
de ces auteurs, nous constatons qu'une conception évoluée du fonctionnement des proces-
sus mentaux chez l'être humain doit être développée.
Nous remarquons, dans les propos de ces mêmes auteurs, un sentiment d'urgence à modi-
fier la conception actuelle qu'ont les gestionnaires de leur situation au travail. Nous enten-
dons par « conception » plus que les définitions du Nouveau Petit Robert11 : une représen-
tation, une intellection, une opinion. Navel (2007) précise en citant Potvin et Thouin : « . . . ,
une sorte de modèle personnel qu'un individu a d'un phénomène scientifique et qu'il utilise
pour interpréter la réalité physique qui l'environne. »78 La conception de la conscience du
gestionnaire en regard de sa situation au travail influence directement ses attitudes, ses
comportements et ses décisions. Il est donc urgent de rassembler les connaissances sur le
mental afin d'assurer une conception toujours plus juste. Nous nous référons à Navel
(2007) pour mettre en perspective quelques caractéristiques d'une conception (tableau 8),
75
L'actualité : « Le chiffre 3,7 milliards ». fl"juin 2008). Vol. 33, no 09, page 13.
76
Fromm, E. (1978). Avoir ou être. Paris : Éditions Robert Lafont, page 19.
77
« Conception », Le nouveau petit Robert de la langue française 2007, Paris : Robert, page 493.
78
Navel, C. (2007). Pertinence de l'intégration d'une conception explicite et complexe de l'être humain chez
l'enseignant. Examen de thèse de doctorat. Québec : Faculté des sciences de l'éducation Université Laval,
page 31.
27

lesquelles nous permettront de mieux adapter notre proposition et de contourner les obsta-
cles qu'elle pose :
• Une conception est généralement ancrée depuis longtemps dans la tête de la personne.
• Une conception présente peut résister à de nouvelles idées et à certaines stratégies
d'enseignement. Elles interfèrent positivement ou négativement sur l'apprentissage.
• Une conception peut servir de point d'appui sur lequel on peut construire ou faire évoluer, voire
déconstruire pourreconstruiresa compréhension.
• Une conception est considérée comme étant un élément de la compréhension.

Tableau 8 : Caractéristiques d'une conception

Le maintien des conceptions actuelles dans les organisations encourage une propension à
vouloir uniformiser les modes de penser plutôt que de susciter les débats d'idées et de met-
tre en valeur les ressentis des travailleurs pour rénover leurs conceptions et, par le fait mê-
me, leurs pratiques.
Cette stagnation conceptuelle représente un des pièges les plus sournois de tout gestionnai-
re et superviseur. Ces derniers ont la conviction que leur conception des modes de gestion
est partagée par tous. Ils s'attendent donc à ce que leurs pairs et leurs subordonnés manifes-
tent des comportements et attitudes similaires aux leurs. Ils s'attendent à ce que devant une
situation ou une information, les autres pensent comme ils auraient eux-mêmes pensé dans
la même situation. Ainsi, on entend souvent : « Comment a-t-il pu réagir de cette fa-
çon!?!? » « C'est bien évident que ça voulait dire ça... Je ne comprends pas qu'il n'ait pas
compris... » Selon Greenspan (1998), cette attitude résulte de la propension de l'adulte à
projeter ses sentiments, émotions et niveaux de conscience sur une personne par rapport à
laquelle on se trouve en position d'autorité. :
Mais outre nos sentiments et émotions, et de façon encore plus accentuée et peut-être encore
moins reconnue, nous projetons aussi sur [autrui] notre structure mentale et notre niveau de
conscience. Une personne capable de réfléchir au moins sur certaines de ses émotions
s'imaginera facilement que tout un chacun en fait autant.80

Cette attitude semble ankyloser le gestionnaire dans sa quête de sens. Pauchant (1996) dé-
nonce cette façon de gérer qui encourage l'obéissance à ces conceptions valorisant la per-
formance, et ce, peu importe le prix humain qu'il en coûte, lorsqu'il écrit que «... la quête
de l'excellence poursuivie dans de nombreuses entreprises actuelles mène en fait à une per-

79
Inspiré de Navel (2007).
80
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend. Paris : Éditions Odile Jacob, page 179.
28

te de l'existence. »81 D'autre part, par l'exploitation des notions de l'intelligence émotion-
nelle (Goleman 1995, 1998) ainsi que par l'usage du pouvoir et de l'influence à travers les
codes moraux reconnus, le gestionnaire, en tant qu'être humain, semble avide de se recon-
naître en tant qu'être accompli et pleinement conscient de sa joie de vivre, tant dans le ca-
dre de ses activités professionnelles que personnelles et sociales.
Une meilleure compréhension du fonctionnement des différents processus mentaux, de
leurs fonctions et tout particulièrement de la métaconscience permet le développement
d'une conscience morale. Nous rejoignons en ce sens l'idée de Howard (1996) :
La tendance actuelle vers une politisation de la vie d'organisation, vue sous son aspect le plus
positif, représente la quête d'un fondement moral dans notre vie. De nos jours, le désespoir qui
se cache derrière cette quête est presque palpable*2.

Dans « In Over Our Head », Kegan (1994) met l'accent sur les exigences grandissantes de
la vie moderne sur le mental. L'auteur estime que seul un changement qualitatif dans la
complexité de notre mental pourra conduire à la maîtrise de ces nouvelles exigences :
«... our current cultural design requires of adults a qualitative transformation of mind »83.
Or, quand Kegan parle d'une transformation qualitative du mental, il entend par là un chan-
gement de niveau de conscience (cousciousnesss thresholds). Il ressort, à la lecture de Ke-
gan, que l'évolution de la conscience est essentielle au développement des êtres humains et
à leur capacité de répondre efficacement aux demandes nombreuses, variées et complexes
de la. vie postmoderne. En avançant que la conscience est un fabricant de sens qui évolue
constamment, Kegan en fait l'élément central de tout processus d'humanisation. Considé-
rant le coût exorbitant du maintien des conceptions limitatives sur ce plan, l'urgence d'agir
en matière de développement des compétences mentales prend tout son sens.
Un jour, les humains disposeront sûrement d'une science et d'un art du mental qu'ils appli-
queront à différents secteurs de l'activité humaine tels que l'éducation, la recherche, les
affaires et la médecine de la même façon qu'on s'efforce de le faire actuellement dans le
sport. Notre travail est beaucoup plus modeste. Il vise à définir et à caractériser ce que nous
considérons être un métaprocessus mental au cœur de toute identité humaine et responsable
ultime de notre degré d'humanité.

81
Pauchant, T. (1996). La quête du sens. Montréal : Les Édition HEC, page 101.
82
Howard, S. et Schwartz, H. S. (1996). « Reconnaître les dimensions sinistres de la vie organisationnel le »,
dans La quête de sens. Pauchant, T. Montréal : Les Éditions HEC, page 138.
83
Kegan, R. (1994). In Over Our Heads. Cambridge : Harvard University Press, page 11.
29

1.4. LES CARACTÉRISTIQUES DE LA MÉTACONSCIENCE ET LA FORMATION DES GESTION-


NAIRES

The social sciences in contempnry culture arc at a crossroads


Robert Kegan

Afin de définir les caractéristiques de développement, les exigences de bon fonctionnement


et les obstacles de la métaconscience, nous avons dû considérer notre propre projet de thè-
se. En effet, les connaissances théoriques doivent se valider dans l'action pour en assurer la
compréhension et l'intégration. Cette validation phénoménologique est mise en valeur par
Missa (1994), pour qui : « Les théories neurobiologiques de la conscience présentent, selon
nous, une lacune majeure, celle de ne pas pouvoir rendre compte de l'aspect intérieur sub-
jectif de la 'vie de l'esprit'. »84
Nous avons, dès le début, en analysant notre propre projet de thèse, pu constater
l'importance de bien connaître le fonctionnement de nos processus mentaux afin de recon-
naître et distinguer le métaprocessus de la métaconscience. Pour ce faire, nous avons dû
mettre en pratique les connaissances liées aux caractéristiques de l'humain et nous avons
été confrontée à la dynamique de la perception de la disponibilité illusoire du temps.
C'est en réfléchissant sur les différents niveaux de conscience en même temps que sur
l'étude plus approfondie des théories de l'apprentissage qu'a émergé la reconnaissance de
notre potentiel mental. Le fait d'avoir eu à intégrer de nouvelles connaissances et d'avoir eu
à nous sensibiliser aux impacts de ces connaissances sur les différents niveaux de conscien-
ce nous a permis de mettre en perspective les caractéristiques de la métaconscience.
Les fondements pédagogiques pour enseigner une pratique qui permet d'actualiser les pro-
cessus mentaux devront considérer les caractéristiques de la métaconscience pour rendre pos-
sible un changement conceptuel auprès des gestionnaires. Nous l'avons mentionné plus tôt,
ce processus doit être vécu pour être compris et intégré. Les caractéristiques, les exigences '
de développement et les obstacles de la métaconscience ne peuvent se comprendre et
s'intégrer que de façon phénoménologique. C'est une démarche qui, une fois vécue par un
être humain, ne se généralise pas par la transmission théorique de seulement les connais-
sances.
84
Missa, J.-N. (1994). Le cerveau, l'ordinateur et les modèles de la conscience. Ordre biologique, ordre tech-
nologique. FrankTiland et Jean-Claude Beaune. Seyssel : Éditions Champ Vallon, page 192.
30

1.4.1.La formation au service des gestionnaires

Depuis environ deux décennies, nous assistons à une prolifération de programmes offrant à
tout gestionnaire l'occasion ultime de devenir un vrai coach ou un « leader nouvelle géné-
ration ». Un des principaux constats de cette vague de formation est le caractère « fast
food » de plusieurs de ces initiatives. Bien que développées selon les principes des théories
de l'apprentissage éprouvées (béhaviorisme, constructivisme, socioconstructivisme, cogni-
tivisme, etc.), les formations sur la maîtrise personnelle et les sessions de coaching indivi-
duel semblent produire des effets limités et à très court terme. On vous offre de devenir un
coach en trois jours ou deux semaines, pour un prix modique allant de 1 500 $ à 15 000 $.
Les concepts présentés sont, le plus souvent, très valables, mais l'intégration n'est pas in-
cluse dans le prix. Ces ateliers visent à modifier les comportements de façon instantanée.
Comme si l'être humain pouvait modifier des schemes mentaux et des attitudes acquises
sur une période de 20 à 60 ans après une session de trois jours ou de deux semaines. Ces
pratiques permettent, somme toute, de se donner bonne conscience; mais elles ne permet-
tent pas de modifier ses conceptions, d'actualiser son potentiel mental, et d'acquérir une
plus grande conscience et efficacité de sa métaconscience à long terme.

Que ce soit pour « devenir leader », « changer ses processus mentaux » ou toute autre nou-
velle approche de gestion, il est nécessaire de bien se connaître et de reconnaître les poten-
tialités humaines dans toutes leurs dimensions. Ensuite, nous pouvons évaluer le paradigme
de la formation et du coaching. En ce sens, nous sommes d'accord avec Goleman (1999) :
« Trop souvent ces programmes trahissent une évaluation indigente des besoins. Mal
conçus et mal appliqués, ils ne peuvent avoir qu'un impact tout à fait dérisoire sur
l'efficacité professionnelle des participants, w85
Les formations visant le leadership, le coaching et toute forme de compétence dite émo-
tionnelle nécessitent l'acquisition de connaissances fondamentales sur le fonctionnement
humain afin d'avoir un impact signifiant sur les compétences humaines, lesquelles se reflè-
tent dans toutes activités personnelles, sociales et professionnelles.
Le travailleur a donc un pouvoir sur sa façon de percevoir son travail et sa qualité de vie au
travail. Ce pouvoir est lié, selon Morin (2000), à la : « conscience à la fois du caractère

85
Goleman, D. (1999). L'intelligence émotionnelle 2. Paris : Éditions Robert Lafont, page 304.
31

complexe de son identité et de son identité commune avec tous les autres humains »86.
Marcotte (2006) ajoute, en parlant de cette prise de conscience du potentiel de l'humain et
des moyens pour l'actualiser : « Nous deviendrons de plus en plus conscients que la qualité
de nos vies dépend directement de la qualité de nos rapports avec nous-mêmes, autrui, la
société, l'humanité et l'environnement.»87 Ces rapports découlent de la qualité des valeurs,
des principes et des normes qui guident les comportements humains. Et ces valeurs, ces
principes et ces normes qui fondent l'éthique, devraient découler des exigences de bon dé-
veloppement et de bon fonctionnement de l'être humain dans ses nombreux rapports avec
la réalité, la vie, lui-même, la société et l'environnement. Dans de nombreux rapports, les
rapports intersubjectifs sont cruciaux dans la construction, par la métaconscience, de son
identité.
L'environnement de travail constitue un milieu de vie pour le gestionnaire. C'est aussi un
lieu dans lequel nous retrouvons un climat de double contrainte. Kegan (2001) l'exprime de
la façon suivante :
The thinking of people like Argyris and Torbert and those who are interested in workplace de-
mocracy (Hecksecher, 1978, 1979; Mackin, 1979) informs us not only about what such settings
might look like, but what some experiments - of greater and lesser self-consciousness - actually
do look like. At any rate, we can see how such an environment, as opposed to traditional bu-
reaucratic settings, supports a qualitatively different evolution of meaning.88

Le gestionnaire doit donc prendre conscience de son état émotif en regard de la double
contrainte dans laquelle il se trouve avant d'ambitionner de contrôler lui-même la régula-
tion de ses émotions et d'améliorer ses chances d'éviter les symptômes liés aux émotions
négatives.
Kegan (2001) compare le comportement des adultes au travail à la propension des parents à
occulter l'esprit critique de leur enfant. Dans le passage suivant, il met en perspective un
aspect du phénomène d'adaptation à une culture d'entreprise déviante par des comporte-
ments à tendance dépressive :
The traditional workplace overholds. ideological adulthood just as surely as a mother and father
can overhold a five-year-old by failing to contradict her "subjective" confusion or her impulses
with those of her parents. And just as surely as her inability to separate can manifest itself in
depression or a depressive equivalent such as school phobia, an ideological adult with no sup-
ports for development beyond the institutional, who is overheld or struggling at all costs to res-
ist a new emergence from embeddedness, is vulnerable to depression or a depressive equivalent

1
Morin, E. (2000). Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, op. cit., page 13.
Marcotte, G. (2006), op. cit., page 73.
Kegan, R. (2001). The Evolving Self Cambridge: Harvard University Press, page 247.
32

such as workaholism.

Senge (1996) et Goleman (1997, 1998) font état de la nécessité, pour le gestionnaire, de
développer les compétences dites émotionnelles et relationnelles. Ils en définissent certains
paramètres dont le premier est la conscience de soi. Marcotte (2006) dénonce, pour sa part,
un vide à combler en matière d'outils et de processus d'enseignement et de formation dont
l'objectif vise le développement des potentialités mentales.
Alors que Senge soutient l'importance de connaître les fondements de l'organisation, Go­
leman insiste plus fortement sur le volet relationnel. Marcotte, pour sa part, met en perspec­
tive le potentiel mental à développer. Le tableau 9 illustre le parallèle des modèles proposés
par ces auteurs. Notons que la maîtrise de soi (métaconscience chez Marcotte) et la cons­
cience de soi (vision personnelle chez Senge) apparaissent dans les trois approches.

Senge Goleman
Marcotte
Acquérir la maîtrise Compétences émotionnelles et
Processus mentaux à actualiser
personnelle sociales élémentaires
L'esprit de l'organisation intelli­ Humanisation
gente
La maîtrise personnelle, une La maîtrise de soi Métaconscience
discipline
La vision personnelle La conscience de soi ■ La conscience de soi
Maintenir une tension créatrice La créativité
Le conflit structurel
La motivation
L'empathie
La raison
Le langage
L'apprentissage/la mémoire
Les aptitudes humaines
La volonté
La moralité
L'autonomie/la liberté

Tableau 9 : Comparatif des potentiels humains faisant l'objet de programmes de développement

Ibidem, page 245.


33

Une pratique visant le développement humain quant à tous ses potentiels mentaux doit in-
tégrer un langage commun et accessible afin de simplifier la compréhension et
l'applicabilité des processus humains. Les différentes pratiques convergent de façon quasi
incontournable vers la conscience. Certaines pratiques voient la conscience comme un tout
alors que certains auteurs la voient comme un processus et proposent d'en considérer diffé-
rents niveaux.
Il serait illusoire de prétendre modifier nos attitudes et nos comportements de façon défini-
tive sans une compréhension fondamentale du processus humain qui nous gouverne tant au
plan conscientiel, émotionnel que rationnel. En tant que professionnelle œuvrant dans une
grande entreprise dans le secteur du développement des compétences dans le département
de la gestion des ressources humaines, nous avons cherché des programmes de formation
de développement humain, individuels ou de groupe, et efficaces à long terme. Finalement,
toujours insatisfaite des résultats obtenus, nous avons quitté un travail régulier, et repris la
rédaction de notre thèse de doctorat amorcée cinq ans plus tôt, à temps partiel. Il nous appa-
raissait clair que la problématique de la domination de l'humain par le travail méritait d'être
mieux documentée. Quels sont les principaux paramètres du développement personnel chez
l'adulte au travail? Comment composer avec le concept de la double contrainte, sournoise-
ment présente et ravageuse? Comment conscientiser les davantage les gestionnaires à cette
double contrainte?
Tout en consacrant beaucoup de temps à la rédaction de notre thèse, il est toutefois néces-
saire de subvenir à nos besoins financiers. C'est donc en tant que consultante en gestion et
enseignante en management que nous expérimentons les modèles de formation et de coa-
ching basés sur les concepts courants de motivation et d'actualisation de soi. Il apparaît de
plus en plus évident que parmi les facteurs de succès de première ligne, nous retrouvons
l'importance de bien connaître les modes de fonctionnement fondamentaux par lesquels
l'être humain se développe. Une bonne compréhension de la puissance de la conscience, de
la conscience de soi, de la conscience des autres et de son environnement nous a amenée à
explorer le niveau meta de la conscience et de son potentiel de développement et d'action.
Considérant que nous consacrions le plus clair de notre temps à la rédaction de la thèse et
que le travail de consultation auprès des gestionnaires se faisait à temps partiel, notre expé-
rimentation s'est faite en regard de notre rédaction. Il aurait en effet été hasardeux
d'impliquer un gestionnaire dans une démarche dont nous n'avions pas encore expérimenté
34

ni l'objet, ni les outils de développement, ni le processus complet, et dont nous n'avions


pas encore identifié les principes directeurs pour son enseignement.
De fait, lors de la rédaction de cette thèse, l'un des premiers constats a consisté en la diffi-
culté d'orienter nos efforts sur l'objectif initial. En effet, l'abondance d'écrits scientifiques
et philosophiques de toutes provenances nous a obligée à centrer davantage notre probléma-
tique sur l'essentiel.
Qu'est-ce qui est donc le plus fondamental à considérer en situation de développement per-
sonnel? La réponse s'est imposée lors de discussions avec le professeur Gaston Marcotte :
de façon générale, les gens n'ont pas une conscience consciente du potentiel humain
d'apprentissage. Ils ne délibèrent pas consciemment sur leur apprentissage en continu et sur
ses implications dans la conduite de leur vie.
Robert Kegan (1982) a conçu dans The Evolving Self une approche empirique opérationnel-
le à l'étude des personnes comme fabricants de sens. L'auteur explore : « ... l'expérience
interne et les contours externes de nos transformations en conscience tout au long de notre
vie. »90 II y présente une théorie psychologique constructivo-développementale qui fait res-
sortir les différents stades du développement de la conscience. Selon son modèle, cette
conscience cherche constamment à s'adapter et à donner un sens aux exigences changean-
tes de la réalité. Pour lui, le développement de l'ego est en fait l'évolution du sens qui se
déroule entièrement dans la métaconscience qui prend progressivement conscience d'elle-
même.
Cette théorie : «... de l'évolution psychologique des systèmes des sens est en fait une théo-
rie du développement de la conscience ».91 Nous observons donc ainsi que la métacons-
cience nous apparaît comme étant le processus central et englobant du mental; nous démon-
trerons au cours de notre recherche qu'elle est en fait un métaprocessus permettant de cata-
lyser et d'intégrer les activités des différents processus mentaux. Il est nécessaire de mieux
la connaître afin de la mettre au service du gestionnaire. Kegan (2001) reconnaît la nécessi-
té d'organisation chez l'humain pour construire un sens à son évolution : « And most fun-
damentals thing we do with what happens to us is organize it. We litterally make sense.
Human being is the composing of meaning, including, of course, the occasional inability to

90
Kegan, R. (2001). The Evolving Self, traduction libre, op. cit., page 1.
91
Ibidem, page 6.
35

compose meaning, which we often experience as the loss of our own composure. ».92 Puis-
que le sous-développement mental est une source importante des problèmes vécus par les
gestionnaires, on peut supposer qu'une meilleure connaissance de la métaconscience leur
permettrait de la développer et de la maîtriser. Cette prémisse a guidé notre recherche.
1.5. BUT ET OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

Le but de la présente recherche est de synthétiser, d'intégrer et de maîtriser de façon satis-


faisante les connaissances théoriques et pratiques au sujet de la métaconscience afin d'en
dégager un ensemble de caractéristiques utilisables dans le cadre de la formation des ges-
tionnaires.
Afin d'atteindre ce but, nous avons défini deux objectifs.
1.5.1. Premier objectif
Rassembler, organiser et relier un corpus de connaissances sur la métaconscience pouvant
servir à l'élaboration d'un programme de formation pour les gestionnaires.
1.5.2. Deuxième objectif
Développer, à la lumière des connaissances acquises sur la métaconscience et sur les mé-
thodes d'enseignement, les principes et les paramètres pédagogiques à établir et à respecter
dans le cadre de la formation visant l'utilisation des caractéristiques de la métaconscience
chez les gestionnaires.
Pour atteindre ces objectifs, la méthodologie utilisée devra permettre à l'auteur de répondre
à une question principale, et à une question spécifique.
1.6. QUESTIONS DE RECHERCHE

o Dans quelle mesure est-il possible de dégager les approches d'enseignement pour
aider les gestionnaires à développer leur métaconscience?
o Quels sont les principes pédagogiques et les conditions à respecter pour élaborer
une formation sur les caractéristiques, les exigences de développement et les obsta-
cles de la métaconscience aux gestionnaires?
Afin de répondre adéquatement à notre problématique de départ, nous avons convenu
d'utiliser une méthodologie à quatre temps de Rowe (2002) que nous décrivons dans le
prochain chapitre.

92
Ibidem, page 11.
36

CHAPITRE II :

MÉTHODOLOGIE

Lit connaissance s acquiert par I expérience.


tout le reste n 'est que de l'informa/ion
Albert Einstein

La méthodologie de la recherche doit permettre à l'auteur de recueillir l'information néces-


saire à une compréhension objective de son sujet d'études. Qu'elle soit quantitative ou qua-
litative, réalisée à travers des écrits ou dans l'action, la méthodologie vise essentiellement à
se donner un cadre d'étude et d'analyse assez efficace pour dégager des prémisses valables
en regard des questions de la recherche et des objectifs de l'étude. Le fossé idéologique
séparant les études quantitatives et qualitatives tend par ailleurs à se dissiper. Il est effecti-
vement de plus en plus fréquent, pour les chercheurs positivistes, d'utiliser des approches
dites qualitatives (naturalistes, phénoménologiques) pour compléter des enquêtes et autres
recherches. Huberman et Miles (1991) constatent que :
Peu de positivistes logiques contestent aujourd'hui la validité et la puissance explicative des
données subjectives, peu de phénoménologues pratiquent encore l'herméneutique pure et même
ceux-là admettent la propriété générique de nos procédures lorsque nous « fabriquons » idio-
syncratiquement des règles et du sens commun.n
Ces auteurs insistent toutefois sur l'importance de structurer la démarche de collecte de
données et d'ordonner les informations recueillies afin de les rendre valides et utilisables.
Ils privilégient avant tout : « ... l'explicite et le rigoureux. Pour nous, la clarté dans les pro-
cédures d'analyse qualitative est imperative, ce qui exige une structure explicite solide dans
notre démarche. »94 Ils ajoutent que le fait de procéder à une étude phénoménologique in-
ductive n'empêche pas l'utilisation d'une approche empirique structurée.
Par ailleurs, Rowe (2002) propose le pluralisme méthodologique95. Il estime que pour bien

93
Huberman, A. M. et Miles, M. B. (1991). Analyse des données qualitatives. Bruxelles : De Boeck - Weas-
mael, page 32.
94
Ibidem, page 33.
Rowe, F. et al. (2002). Faire de la recherche en système d'information. Paris : Vuibert, page 22.
37

répondre à certaines questions de recherche, l'utilisation de plus d'une approche est souhai-
table. Il aborde la question de la méthode de recherche sous l'angle épistémologique. Il met
en perspective trois courants majeurs pour appuyer ses choix : le normatif, le descriptif et le
phénoménologique. Premièrement, il met en parallèle les courants positivistes et le cons-
tructivisme en soulevant le caractère normatif des deux approches, tout en y dégageant les
oppositions :
Positivisme et constructivisme fixent des critères à la recherche, ils sont normatifs. Le positi-
visme estime que l'épistémologie concerne la validité des connaissances. Il propose le critère de
falsification : on doit prouver que les hypothèses sont fausses (Popper, 1972). Le constructivis-
me considère que l'épistémologie est l'étude de la constitution de connaissances valables (Pia-
get, 1967)."

Le courant descriptif relève de profonds bouleversements des sciences mathématiques, de


la chimie et de la physique, et de leur difficulté à trouver un fondement. Toujours selon
Rowe (2002), à l'instar d'Einstein (1990) et Heisenberg (1962), « de nombreux scientifi-
ques ont critiqué ces approches normatives. La recherche n'est pas un stock de connaissan-
ces ou un ensemble de seuils à franchir. »97. La phénoménologie, pour sa part, dénonce les
lacunes des scientismes en regard des questions soulevées par les problématiques sociales
et humaines.
Torlak (2001) enrichit la pertinence d'élargir le cadre méthodologique à plus d'une appro-
che : « Highly complex and multidimensional problems require such combinations. The
overall purpose is to maximize flexibility and responsiveness during interventions. »98 II
reprend les modèles de différents auteurs favorisant l'utilisation de la multiméthodologie.
Notons Jackson (1997a) qui suggère, entre autres, le « multiparadigm multimethodology »
qu'il définit comme étant des parties de différentes méthodes basées sur différents para-
digmes utilisées avec une nouvelle combinaison à l'intérieur d'une même recherche. Torlak
(2002) cite par la suite Mingers qui poursuit dans le même sens :
They classified human interactions on the basis of Habermans' three analytically separate
worlds: material (emphasizing objectivity and observation), social (emphasizing intersubjec-
tivity and participation), and personal (emphasizing subjectivity and experience). They argued
that in any situation in which we intervene, there would be aspects of physical circumstances,
aspects of social practices and power relations, and aspects of individual beliefs and mean-
ings.

96
Ibidem.
97
Ibidem.
98
Torlak, G. N. (2002). « Reflexions on Multimethology ». Systemic Practice and Action Research, vol. 14,
no 3, 2001, page 310.
99
Ibidem.
38

Les différentes méthodes mettent en valeur, considérant des ressources intellectuelles vala-
bles, des caractéristiques cataloguées en quatre parties :

1- l'appréciation de la situation comme expérience de l'analyste;


2- l'analyse de la structure et des contraintes desquelles émerge l'expérience;
3- l'évaluation des avenues par lesquelles la situation peut être changée;
4- les actions menant au changement.
Ils suggèrent de combiner, selon les phases, les différentes méthodologies selon les pro-
blématiques de recherche.
Selon Rowe (2002), dans le cadre d'une recherche, peu importe le courant suivi, quatre
questions constituent l'essence de la démarche. « Ces quatre questions figurent dans l'un
des rares ouvrages reconnus tant par Einstein ou Husserl que par Popper ou Piaget : La cri-
tique de la raisonpure de Kant (1981). »100
Les questions sont :

• Quel est l'objet que l'on cherche à étudier?


• Quelle est l'origine de nos connaissances sur cet objet?
• Quelles sont les relations explicatives que l'on cherche à mettre en évidence?
• Quelle méthode utiliser?
En fonction de ces questions de base, il est possible de définir l'argumentation des choix
méthodologiques pour chacun des objectifs et des sous-questions de recherche (figure 1).

Problématique
La question de recherche

Théorisation Objectivation
Le résultat L'objet de recherche

Expérience
L'origine des connais-
sances

101
Figure 1 : Questions de recherche dans l'histoire de la science

Rowe, F. et al. (2002), op. cit., page 22.


Ibidem.
39

Nous avons appliqué cette méthode à notre processus pour mettre en perspective les carac-
téristiques de notre métaconscience. Notre question de départ était directement liée au
comportement des gestionnaires et aux conséquences de leurs décisions. L'objet de la re-
cherche couvre dans un premier temps la métaconscience, et ensuite, les approches pédago-
giques valables pour en enseigner les caractéristiques, les exigences et les obstacles. Les
connaissances sont issues majoritairement de la littérature.
Notre expérience a contribué à valider, à compléter et à consolider les connaissances dispo-
nibles pour identifier les caractéristiques, les exigences de développement et les obstacles
de la métaconscience. Les outils, les pratiques et les exercices pédagogiques ont été les
éléments contributifs du changement.
Considérant les objectifs à atteindre pour répondre à nos sous-questions de recherche, le
pluralisme méthodologique comme proposé par Rowe (2002) nous semble pertinent.
De fait, nous aborderons notre recherche avec trois modes d'analyse.
L'analyse conceptuelle nous permettra de retirer des écrits les plus pertinents les connais-
sances sur la métaconscience et d'en dégager les caractéristiques, les exigences de dévelop-
pement et les obstacles à son fonctionnement.
L'analyse de cas nous amènera à formuler les principes et les paramètres se dégageant de
notre expérience personnelle.
L'analyse de principes pédagogiques et d'approches d'enseignement nous conduira à
produire une grille regroupant les principaux paramètres à considérer pour l'enseignement
de la métaconscience.
L'analyse conceptuelle favorise la construction d'un schéma d'interprétation des données
recueillies sous une forme explicite quant à l'objectif visé, comme mentionné par Huber-
man et Miles (1991) :
Un cadre conceptuel décrit, sous une forme graphique ou narrative, les principales dimensions à
étudier, facteurs-clés ou variables-clés et les relations présumées entre elles. Un cadre peut
prendre plusieurs formes et formats. Il peut être rudimentaire ou élaboré, basé sur la théorie ou
sur le bon sens, descriptif ou causal.'02
Ainsi, nous sommes en mesure de considérer les quatre questions soumises plus tôt pour
construire notre cadre conceptuel afin d'atteindre notre premier objectif.

102
Huberman, A. M. et Miles, M. B. (1991). Analyse des données qualitatives. Bruxelles : Éditions De
Boeck-Wesmael, page 49.
40

2 . 1 . MÉTHODOLOGIE POUR LE PREMIER OBJECTIF

Rassembler, organiser et relier un corpus de connaissances sur la métaconscience pouvant


servir à l'élaboration d'un programme de formation pour les gestionnaires.
2.1.1.La question

Quelles sont les caractéristiques de la métaconscience?


2.1.2. L'objectivation

Pour aborder le sujet de la métaconscience, il nous est clairement apparu que nous devions
satisfaire à des critères de collecte de données pertinentes à notre sujet d'étude. Nous ras-
semblerons les connaissances appropriées à la conscience et à la métaconscience selon les
philosophes, les psychologues, les neurologues et les biologistes. Regrouper ces connais-
sances nous permettra de mettre en perspective les caractéristiques de la métaconscience.
-2.1.3.L'expérience

Une recherche sélective des documents les plus récents sur la conscience et la métacons-
cience permettra de rassembler les connaissances nécessaires. Compte tenu de la masse de
documents publiés sur la conscience et la métaconscience, nous avons élaboré au départ
deux grilles de sélection afin de bien cibler cette recension d'écrits. Cela nous permettra
d'éviter des pertes de temps et d'optimiser l'efficacité de la recherche. Les éléments de la
grille de sélection pour la recherche sur la conscience sont présentés au tableau 10 et ceux
sur la métaconscience au tableau 11.
La recherche documentaire doit fournir suffisamment de connaissances pour favoriser
l'élaboration d'un paradigme de la métaconscience. Elle doit également permettre de déga-
ger les caractéristiques de la métaconscience ainsi que les exigences de développement et
ses obstacles. Ces connaissances constitueront une large part du contenu d'un programme
de formation.
41

Importance de la conscience
Bref historique de l'étude sur la conscience
Définition des concepts clés
Évolution du cerveau
Structure du cerveau
Processus mentaux
Différentes consciences

Tableau 10 : Grille de sélection pour la recherche documentaire sur la conscience

Importance de la métaconscience
Structure et fonctionnement
Caractéristiques
Fonctions
Processus de conscientisation
Niveaux de conscience
Contenus de la métaconscience
Sources de contenu
Tableau 11 : Grille de sélection pour la recherche documentaire sur la métaconscience

De fait, cette recherche documentaire synthétisera les plus récentes découvertes sur la mé-
taconscience. À partir de ces informations, il sera possible de présenter une conception plus
claire et précise de la métaconscience et de son fonctionnement.
Nous nous inspirons, pour cette quête de connaissances, sur la conscience et la métacons-
cience d'auteurs reconnus pour la valeur de leurs découvertes et la richesse de leurs dé-
monstrations scientifiques en regard du développement de la conscience et de
l'interprétation qu'ils font des différents niveaux de conscience.
Nous aurons particulièrement recours à l'analyse descriptive dans le but d'illustrer l'état
actuel de l'avancement de la recherche quant aux neurosciences et aux sciences cognitives.
Nous considérons les avancées de ces champs de recherche comme étant un cadre de réfé-
rence pertinent à notre problématique.
Cette expérience nous a permis de réaliser une première grille synthèse pour le volet
conceptuel de la métaconscience.

2.1.4. La théorisation

Le cadre conceptuel illustrera les caractéristiques de la métaconscience. La grille utilisée


42

permet de dégager les principales conclusions en regard des caractéristiques de la méta-


conscience, ainsi que ses exigences de développement et les obstacles possibles. Nous pui-
serons ces conclusions chez les principaux chercheurs œuvrant dans le domaine des scien-
ces de la psychologie, les neurosciences ainsi que les sciences cognitives. Selon James
(1926), l'un des précurseurs de ce champ d'études :
... les sciences sont elles-mêmes des branches issues de la souche philosophique. Tant que les
questions sont susceptibles de réponses exactes, ces réponses sont appelées scientifiques, et ce
qu'on nomme aujourd'hui philosophie n'est que le reliquat des questions qui n'ont pas encore
reçu de réponse.I03
À l'issue de ce travail de recherche, nous aurons identifié et décrit les principales caracté-
ristiques et les exigences de développement de la métaconscience ainsi que les principaux
obstacles à éviter dans son actualisation.
2.2. MÉTHODOLOGIE POUR LE DEUXIÈME OBJECTIF

Développer, à la lumière des connaissances acquises, sur la métaconscience et sur les mé-
thodes d'entraînement, les principes pédagogiques et les méthodes d'enseignement à établir
et à respecter dans le cadre de la formation visant l'utilisation des caractéristiques de la
métaconscience chez les gestionnaires.
2.2.1. La question

o Quels sont les principes pédagogiques et les paramètres à respecter lors de la forma-
tion et de l'accompagnement du gestionnaire en regard des caractéristiques et des
exigences du développement de la métaconscience?

2.2.2.L'objectivation

Le but sera de cerner les principes pédagogiques et les considérants en regard du sujet et
des participants dans la perspective du développement d'une formation sur la métacons-
cience s'adressant à des gestionnaires.
2.2.3.L'expérience

Nos recherches actuelles nous amènent à concevoir l'importance, pour la compréhension


d'un tel objet d'études, du volet expérientiel. Effectivement, dès les premières lectures, il
ressort clairement qu'un processus de conscientisation se déroule entièrement à l'intérieur

103
James, W. (1926). Introduction à la philosophie. Paris : Librairie des sciences politiques et sociales, pa-
ge 17.
43

de l'univers mental de la personne. Comme le mentionnent Edelman et Tononi (2000) :


Être et décrire. L'être vient en premier, la description ensuite. Si la conscience est un processus
physique, même très spécial, seuls les êtres incarnés peuvent en faire l'expérience en tant
qu'individus; des descriptions formelles ne peuvent ni supplanter ni fournir une telle expérien-
ce. Aucune description ne peut tenir lieu d'expérience subjective individuelle des qualia cons-
cientes.""
De ce fait, les contenus et les états de conscience qui les accompagnent ne peuvent être
vécus que d'une façon subjective plutôt qu'objective, personnelle plutôt que collective.
Comme l'affirme Dennett (2002), l'étude de la conscience commande, dans un premier
temps, une interprétation de sa propre expérience :
First of all, the intentional stance (Dennett, 1971, 1987) guarantees that any entity that is volu-
minously and reliably predictable as an intentional system will have a set of beliefs (including
the most intimate beliefs about its personal experiences) that are mainly true. So each of us can
be confident that in general what we believe about our conscious experiences will have an in-
terpretation according to which we are, in the main, right. How wrong could I be?105
Il ressort de ces constatations qu'une véritable compréhension de la métaconscience passe par
une expérience concrète de conscientisation. Sans une application des principes de fonc-
tionnement de la métaconscience dans un projet personnel et concret, il semble, selon ces
auteurs, impossible d'acquérir une conscience et une connaissance approfondies de cette
réalité psychologique complexe.
Par ailleurs, de plus en plus de chercheurs voient l'importance de faire plus de place à la
subjectivité, c'est-à-dire ce qui échappe à la mesure, surtout dans les sciences humaines.
Certains estiment que l'usage de l'introspection devra être considéré dans le cadre de re-
cherches à caractère scientifique. En effet, plusieurs ont exposé leur point de vue sur le
phénomène de la conscience et de ses principes de fonctionnement. Ils s'entendent pour
affirmer l'importance de l'introspection et de la réflexion sur soi pour quiconque désire en
comprendre les fondements. Wilber (1997) propose une approche scientifique qui reconnaît
le caractère incontournable de l'introspection et de la démarche individuelle :
Introspectionism maintains that consciousness is best understood in terms of intentionality,
anchored in first-person accounts - the inspection and interpretation of immediate awareness
and lived experience - and not in third-person or objectivist accounts, no matter how 'scientific'
they might appear. Without denying their significant differences, this broad category includes
everything from philosophical intentionality to introspective psychology, existentialism and
phenomenology.1

104
Edelman, G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience. Paris : Éditions Odile Ja-
cob, page 30.
Daniel C. Dennett (2002). «How could I be wrong? How wrong could I be?» Journal of Counciousness
Studies. (13 Janvier 2002). Center for Cognitive Studies.Tufts University. Medford, MA 02155.
106
Wilber, K. An Integral Theory of Consciousness. Journal of Consciousness Studies, vol. 4, no 1, Imprint
44

Bohm (1980), Argyrys et Shôn (2000), entre autres, ont par ailleurs démontré la validité de
recherches empiriques répondant à des principes plus évolutifs. Ces recherches reconnais-
sent le caractère récursif des interactions entre l'objet, le sujet et l'environnement. Ils font
de plus état de la boucle reflexive de l'objet envers lui-même. Cayer (1996), dans sa re-
cherche doctorale en management sur l'application des principes du dialogue de Bohm, fait
état de la valeur que peut avoir une approche holistique lors d'échanges entre personnes
autour d'un sujet de discussion. La volonté de ces chercheurs de reconnaître la validité
d'une démarche reconnaissant le caractère subjectif et holistique d'une recherche semble
manifeste.
De ce fait, la chercheure, dans le but avoué de considérer les recommandations des princi-
paux auteurs, a fait l'expérience des principales caractéristiques de la métaconscience dans
le cadre de son projet de rédaction de thèse comme sujet d'étude afin d'y valider les princi-
paux fondements parallèlement à ses découvertes. Nous sommes consciente du fait que de
proposer que la chercheure soit à la fois l'objet et le sujet d'étude puisse susciter des ques-
tionnements quant à la valeur scientifique de cette recherche. Cependant, nous estimons que
le but recherché par la présente recherche ne pourra pas, si l'on en croit les auteurs men-
tionnés plus avant, être atteint uniquement avec l'approche positiviste. Voilà pourquoi nous
avons jugé pertinent d'ajouter une démarche pratique afin d'avoir une connaissance non
seulement théorique, mais existentielle de la métaconscience.
Afin d'adapter la méthode à notre problématique, nous empruntons aux recherches en sys-
tèmes d'information le concept redéfini de la recherche qualitative. À cet égard, inspirée
par le collectif coordonné par Rowe (2002), nous adapterons la méthode du journal de bord
aux perspectives de la recherche qualitative énoncées : « Toute recherche (quantitative ou
qualitative) est fondée sur des principes sous-jacents concernant ce que constitue une re-
107

cherche « valide » et laquelle des méthodes de recherche est appropriée. »


2.2.4. La théorisation
De par sa nature, l'être humain a une propension à réagir, le plus souvent de façon sponta-
née, à des faits et des événements. Sans un retour sur lesdits événements et les réactions
provoquées, l'apprentissage ne se fait pas. Évidemment, pour être efficace, le journal doit

Academic, (février 1997), p. 71-92.


107
Huberman, A. M. et Miles, M. B. (1991), op. cit., page 58.
45

dépasser le volet descriptif des événements. Il devient un outil de développement construc-


tiviste dans la mesure où le chercheur y commente les faits de façon subjective dans la re-
connaissance de son essence propre. En fait, selon Paré (1987), le journal place la personne
vis-à-vis elle-même, dans sa propre quête de sens. Il constitue un outil d'apprentissage par
l'expérimentation, en ce sens qu'il permet à l'auteur d'évaluer ses actions en fonction de ce
qu'il est dans son essence. Il permet la manifestation de soi en fonction des quatre paramè-
tres présentés au tableau 12 :

o reconnaître ses sensations et ses idées en les identifiant à son essence;


o prendre la décision implique donner un sens, faire un acte de volonté;
o identifier les besoins perçus et les désirs ressentis par des observations;
o identifier et nommer ses perceptions, ses sensations et ses émotions.
Tableau 12 : Paramètres de la manifestation de soi
La tenue d'un journal de bord, pour être efficace, comporte ses exigences. D'abord, c'est un
processus qui impose de la rigueur. Pour l'auteure de cette thèse, il faut considérer que le
journal vient appuyer les activités de méditation (introspective et créatrice) et de discussion
critique. Elle se fait donc un devoir de rédiger les faits le plus rapidement possible après
chaque activité. Par la suite, elle commente ses impressions spontanées; puis elle ajoute
d'autres idées ou prises de conscience dès qu'elles surviennent. Cela peut se produire quel-
ques heures ou quelques jours après les événements. De plus, nous verrons que la méta-
conscience, étant téléologique, le journal de bord, les méditations et les discussions doivent
être dirigées vers l'atteinte d'un but, en fonction d'une intention, afin de permettre
d'évaluer sa progression de façon recursive.
Afin de contribuer à une meilleure compréhension de la métaconscience, le journal de bord
de la chercheure doit se concentrer uniquement sur le processus de la métaconscience qui
apprend dans l'action non seulement à se connaître elle-même, mais également à se maîtri-
ser afin de devenir plus efficace dans l'atteinte des buts qu'elle s'est fixés. Cette réflexion
dans l'action permet à la chercheure d'acquérir une connaissance subjective et pratique de
sa métaconscience et de son processus de développement, et de mieux connaître les obsta-
cles à un tel développement. Bien que cette expérience soit indispensable à une personne
qui entend comprendre et enseigner la métaconscience aux gestionnaires, les résultats au
plan de l'apprentissage ne sont pas généralisables comme tels.

Inspiré de Paré (1987).


46

2.3. L'ANALYSE DES APPROCHES D'ENSEIGNEMENT

Pour l'analyse des approches d'enseignement, nous évaluerons quatre approches, utilisées
par des auteurs reconnus et dont les travaux sont documentés, pour former les gestionnaires
sur les compétences humaines. Plusieurs articles des revues spécialisées en management et
en éducation109 abordent le développement de l'être humain au travail. Les auteurs propo-
sent des articles visant à comparer les impacts de différents modes de formation afin de
mieux comprendre les phénomènes humains en gestion. Ces articles mettent en perspective
les modèles de développement humain en considérant les découvertes des nouvelles scien-
ces. Ces chercheurs sont des sources d'information et d'inspiration pour notre démarche.
Puisqu'ils s'intéressent aux mêmes problématiques que nous, ils nous inspirent quant à la
direction à donner à notre analyse.
Une grille comparative permettra de dégager les principaux principes pédagogiques appli-
cables au but de notre recherche. L'analyse de ces approches devra permettre de mettre en
perspective les principaux facteurs à considérer lors de la conception d'un programme de
formation des gestionnaires en situation de travail. Nous mettrons en perspective les princi-
pes pédagogiques mis de l'avant par ces quatre approches d'enseignement quant au déve-
loppement humain auprès de gestionnaires.
2.3.1. La théorisation

Le résultat de l'analyse des approches d'enseignement sera présenté sous la forme d'un
tableau comparatif des quatre approches analysées en fonction des critères permettant
d'évaluer la pertinence des approches utilisées en regard du contenu visé par notre recher-
che, soit la métaconscience. Ce tableau met en perspective les méthodes suivantes :
Approches analysées
1- Kolb : l'apprentissage expérientiel.
2- Mintzberg : la récursivité r^ ~ ^
expérience théorie

t_ _|

3- Argyris et Schôn : la pratique reflexive.


4- Bohm : le dialogue.

109
Citons, entre autres, International Journal of Value Based Management, Teaching Business Ethics et Jour-
nal of Adult Development.
47

Chacune des approches sera analysée en fonction des caractéristiques de la métaconscience


considérées, de la dimension de l'apprentissage, de l'impact physiologique chez l'apprenant
et des caractéristiques pédagogiques émergentes. Le tableau 13 présente la forme de la pré-
sentation de ces données :
Approche Caractéristiques de Dimension de Impact physio- Principes pédago-
d'enseignement la métaconscience l'apprentissage logique giques
Kolb
Mintzberg
Argyris
Bohm
Tableau 13 : Tableau synthèse des comparaisons des quatre approches d'enseignement

2.4. LA VALIDITÉ DE LA RECHERCHE

La conclusion de la recherche doit être argumentée par des données dont la validité est dé-
montrée. Pour ce faire, Huberman et Miles (1991) proposent ce qu'ils appellent des tacti-
ques d'interprétation des données : « Il existe toujours une multitude de tactiques spécifi-
ques d'analyse, permettant d'élaborer et de vérifier des conclusions, que l'analyste emploie
tout au long du processus. » "° Ces auteurs exposent le problème de la validation des don-
nées qualitatives de la façon suivante : «... il n'existe pas de canons, règles de décision,
algorithmes, ou même d'heuristique reconnue en recherche qualitative permettant
d'indiquer si les conclusions sont valables et les procédures solides ». Gohier (2001), à
l'instar de Huberman (1991), cite Guba (1981, 2000) : «Ces derniers [Lincoln et Guba,
2000] parlent plutôt de validité et d'authenticité de la démarche ».'12

2.4.1.La validité de l'analyse conceptuelle

Pour I',analyse conceptuelle, la cueillette d'informations est faite à partir d'ouvrages


d'auteurs reconnus et consiste à élaborer un corpus de connaissances sur les différents ni-
veaux de conscience, et ce, pour en arriver à décrire les caractéristiques de la métacons-
cience. De par son caractère transversal et pluridisciplinaire, la recherche documentaire

"° Huberman, A. M. et Miles, M. B. (1991), op. cit., page 383.


iu
Ibidem, page 415.
112
Gohier, É. (2001). Méthodologie de recherche, présentée dans le cadre de l'obtention d'un grade Ph.D. en
philosophie. Faculté des études supérieures. Québec : Université Laval, Faculté des sciences de l'éducation,
page 43.
48

permettra l'émergence d'une nouvelle information possédant les qualités et les capacités
nécessaires à cette heuristique pour développer la connaissance d'un sujet aussi subjectif
que la métaconscience.

Les critères retenus pour valider les informations sont :


1- la notoriété de l'auteur; son expérience doit constituer une valeur ajoutée à la
science à laquelle il se réfère;
2- l'année de parution de l'œuvre; l'information doit être la plus récente dans le do-
maine visé;
3- la relation entre la conclusion de l'auteur et le concept illustré; l'énoncé de
l'auteur doit ajouter une valeur à l'information en fonction de l'objectif de la recher-
che.

2.4.2.La validité de la partie expérientielle

Les recommandations des auteurs consultés justifient la partie expérientielle de la cher-


cheure. Les conclusions seront utilisées en complément d'information dans le but de
confirmer les caractéristiques et les exigences de la métaconscience. Il n'y a pas
d'interprétation de l'auteure quant à la véracité des conclusions issues de la recherche do-
cumentaire.

2.4.3.La validité des analyses des approches d'enseignement

Les approches recensées sont conceptualisées et éprouvées par des auteurs et des praticiens
dont la renommée est garante de la validité de leur pertinence dans le domaine de la forma-
tion s'adressant à des gestionnaires. Les critères d'analyse sont basés sur des considérations
pédagogiques reconnues et efficaces. Comme le mentionnent Marquis et al. (1995) :
Si nos progrès dans cet apprentissage [langue nouvelle] sont importants, nous sommes d'abord
redevables à l'enseignant d'avoir favorisé cet apprentissage. Nous avons ici de bonnes raisons
de croire que cet enseignant a su choisir une formule pédagogique appropriée . . . l u
2.5. LA TRIANGULATION

" 3 Marquis, D., Lavoie, L. et Chamberland, G. (1995). 20 formules pédagogiques. Québec: Presses de
l'Université du Québec, page 2.
49

Considérant le fait que la présente recherche soit constituée de trois modes d'analyse diffé-
rents, la validation des conclusions doit permettre de dégager les émergences de la combi-
naison des trois synthèses : « Essentiellement, la triangulation est supposée confirmer un
résultat en montrant que les mesures indépendantes qu'on en a faites vont dans le même
sens, ou tout au moins ne le contredisent pas. »114
Selon Jacobsen115, les quatre principes à respecter pour la triangulation sont ceux présentés
au tableau 14 :
• La question de recherche doit être claire.
• Les forces et les faiblesses de chaque méthode doivent être complémentaires.
• Les méthodes de collecte de données doivent correspondre à la nature du phénomène étudié.
• L'approche utilisée doit faire l'objet d'une évaluation continue tout au long de la recherche.
Tableau 14 : Les quatre principes à respecter lors d'une analyse par triangulation
Nous considérons que les méthodes de cueillette de données ainsi que le processus suivi
lors de la recherche en cours satisfont à ces critères. De ce fait, nous utiliserons la méthode
de triangulation, illustrée à la figure 2, pour dégager les principales conclusions de notre
recherche.

114
Huberman, A. M. et Miles, M. B. (1991), op.cit., page 425.
Jacobsen, M. http://www.ucalgarv.ca/~dmiacobs/phd/mcthods/sld001.htm, vu le 14 novembre 2008.
50

Analyse conceptuel-

Analyse des
Journal de bord approches péda-
gogiques

Figure 2 : Représentation de la triangulation

Par cette recherche, nous ne prétendons pas, comme nous le mentionnions plus haut, créer
de nouvelles connaissances en ce qui concerne la métaconscience. Nous avançons cepen-
dant que le fait de rassembler et de maîtriser les connaissances existantes sur la conscience
et la métaconscience permettra de les utiliser dans le cadre de programmes de formation et
de développement des gestionnaires. De ce fait, nous anticipons, à l'issue de cet exercice,
être en mesure d'influencer de façon signifiante les connaissances des gestionnaires de sor-
te que leurs paradigmes de gestion pourront évoluer de concert avec leur métaconscience.
Le résultat de l'exercice de triangulation proposé devrait, en effet, permettre dans un pre-
mier temps de regrouper et de structurer l'information existante sur la métaconscience de
façon à respecter les principes pédagogiques correspondant à ce type d'enseignement. Par
l'analyse des cas, et des recherches faites en regard des formations touchant des thèmes
dont les facteurs d'apprentissage se rapprochent de ceux que nous dégagerons sur la méta-
conscience, nous serons en mesure de proposer des critères de succès pour la formation
proposée.
À l'instar de Winn (2003), nous avançons que la recherche en éducation doit utiliser les
51

approches disponibles, qu'elles soient expérimentales ou non, de façon à découvrir


l'approche d'enseignement optimale en fonction des connaissances à transmettre :
What is needed are better ways to integrate findings from experimental and non experimental
research in order to connect the details to the big picture. Elsewhere, (Winn 2003), I extend the
idea, presented briefly above, that knowing the dynamics of learning might help in the integra-
tion of small-scale and big-picture views of learning.116 '

116
Winn, W. (2003). Research Methods and Types of Evidence for Research in Educational Technology.
Educational Psychology Review, vol. 15, no 4, décembre 2003, page 372.
52

CHAPITRE III:

LA MÉTACONSCIENCE

/)<• w fail, je crois qu il nous faut faire une distinction entre


la conscience primaire et la conscience d ordre supérieur
(iciald M.Ldelman

Dans ce troisième chapitre nous démontrons que l'étude de la métaconscience se situe dans
la continuité des conclusions tirées des principales recherches sur le cerveau et la conscien-
ce.
Nous retrouvons parfois l'utilisation du thème de la métaconscience dans les approches de
psychologie alternative et de spiritualité :
La métaconscience est la conscience naturelle dans laquelle devrait baigner tout être humain.
Que vous l'appeliez psychologie-alternative, métaconscience, supramental, conscience-
évolutive, conscience réelle, Genèse du Réel, cette nouvelle conscience fera partie intégrale de
l'évolution de l'être humain sur cette planète.117

Cependant, notre conception de la métaconscience rejoint plutôt le processus phénoméno-


logique de conscientisation des différents niveaux des états de conscience comme décrits
par Bergson (2002), Eldeman (2000, 2005), et Damasio (1999), lesquels sont bien décrites
par Delfour et Carlier (2005) :
Cependant, démontrer l'existence d'une conscience chez un individu est très difficile : le
concept de la conscience est fondamentalement réflexif; on ne peut en effet être sûr d'être cons-
cient d'un moment ou d'une action que lorsque l'on est, à l'instant présent, « conscient d'être
conscient ». Autrement dit, nous sommes ici dans un processus de « second ordre », une « mé-
taconscience » qui n'a pas besoin d'être démontrée car elle fait l'objet d'un consensus intersub-
jectif au sein de l'espèce humaine."8

Nous savons que les animaux ont conscience de la douleur, de la chaleur et de leurs signes
internes de faim et autres fonctions physiologiques. Ils sont en mesure d'associer leurs sen-

117
http://cf.groups.yahoo.com/group/metaconscience/. vu le 4 mai 2007.
118
Delfour, F. et Carlier, C, http://www.vivantinfo.com/uploads/media/Reconnaissancc soi.pdf. page 2, vu le
4 mai 2007.
53

sations à leurs expériences passées et d'en démontrer une appréciation consciente. Ils ne
sont cependant pas dotés de la capacité reflexive permettant de prendre conscience de cette
conscience et d'en faire une analyse constructive susceptible d'en évaluer les caractéristi-
ques.
Chez l'être humain, lors de la sélection et du traitement de l'information, la métaconscience
considère des caractéristiques, des exigences de fonctionnement et des obstacles suscepti-
bles de menacer l'intégrité de l'organisme lors de l'agir humain : « ... l'unité, la cohérence
et le caractère privé de la conscience comptent parmi ses traits phénoménologiques géné-
raux les plus frappants... »119
Searle (1997) soulève ainsi la notion de la conscience, à savoir que la cause des états de
conscience serait corollaire aux processus neurobiologiques :
« Le problème de la conscience », quel est-il? C'est celui d'expliquer comment exactement des
processus neurobiologiques dans le cerveau causent nos états subjectifs de sensibilité ou de
connaissance immédiate, comment exactement ces états sont réalisés dans les structures du cer-
veau et comment exactement la conscience fonctionne dans l'économie globale du cerveau.120
Afin de satisfaire à cette exigence et de faciliter notre compréhension du phénomène de la
conscience, puis de la métaconscience, nous exposons, dans un premier temps, brièvement
les principales composantes et fonctions du cerveau. Dans un deuxième temps, nous abor-
dons la conscience, son fonctionnement en considérant les différents niveaux tels que dé-
crits par les principaux auteurs. Ces connaissances nous permettent, dans un troisième
temps, de dégager les caractéristiques spécifiques de la métaconscience. Finalement, nous
décrivons le fonctionnement et nous définissions la métaconscience.

3.1. DESCRIPTION DU PROCESSUS DE LA CONSCIENCE

// est dans la nature des choses qu'un explorateur ne puisse


pas savoir ce qu 'il est en train d'explorer, avant qu 'il ne l'ait exploré.
( iregory Bateson

La conscience prend forme au niveau des deux premiers cerveaux et est présente chez
l'espèce animale. Les processus mentaux résultent de l'activité neuronale générée par le
• 171

néocortex, la partie du cerveau que Damasio (2002) qualifie de « évolutivement récente »


et dont le développement caractérise l'être humain. Considérant que le néocortex réagit en
119
Edelman, G. M. et Tononi, G. (2000), op. cit., page 49.
20
Searle, J. (1997). Le Mystère de la conscience. Paris : Éditions Odile Jacob, pages 198.
121
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 417.
54

fonction des informations transmises par l'amygdale et l'hippocampe, il a en fait un rôle


d'intégration et catalytique des informations sensorielles, des mémoires, des émotions et
des projections.
Les activations neuronales analysées de façon objective ne peuvent être réduites à des sen-
timents, et inversement, il serait réductionniste d'interpréter les sentiments ressentis et ex-
primés par le sujet par des analyses purement objectives.122 Damasio ajoute ceci : «... une
théorie de la conscience ne devrait pas être simplement une théorie de la manière dont la
mémoire, la raison et le langage contribuent à construire, de haut en bas, une interprétation
de ce qui se passe dans l'esprit et le cerveau.»123 D'autre part, il admet que la pertinence de
ce phénomène est telle que son étude a rassemblé les connaissances d'éminents chercheurs
de trois domaines scientifiques soient la philosophie, la psychologie et la biologie, pour
former les neurosciences.
Peu de sujets auront généré, au cours des dernières décennies, autant de textes que la cons-
cience. Certains la décrivent comme un phénomène divin ou spirituel, d'autres la compa-
rent à un disque dur d'ordinateur. Malgré le fait que les phénomènes liés au mental susci-
tent des questions fondamentales depuis des siècles chez les sorciers, les théologiens, les
philosophes et chez tous les tenants du Savoir universel, ce n'est que depuis la fin du
19e siècle que cette faculté mentale de prendre conscience de sa conscience tend à être dé-
mystifiée. Malgré l'absence de moyens scientifiques et technologiques pour favoriser le
développement du savoir, les informations laissées en héritage ont permis de constituer un
corpus de connaissances essentiel aux premiers scientifiques.
Par ailleurs, chaque groupe de référence utilise une terminologie qui lui est propre. Les
théologiens, par exemple, parlent d'esprit, d'âme et de pouvoir suprême. Les philosophes
utilisent pour leur part les termes liés à la pensée, à l'intellect, à l'entendement, et parlent
de l'esprit avec une connotation différente de celle des théologiens. De plus, la traduction
des ouvrages de l'anglais au français contribue à semer la confusion puisque le concept de
« mind » n'a pas d'équivalent en français. Afin de limiter les interprétations de nos propos,
nous précisons les termes utilisés et leur interprétation. Cet exercice est nécessaire pour
arriver à bien saisir les informations liées aux différents niveaux de conscience.

22
Nous élaborerons davantage cette idée au chapitre 4.
123
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 32.
55

3.1.1.Clarification des concepts se référant à la conscience 124

Selon Buraud (1951), « Les mots nous gouvernent politiquement, socialement, culturelle-
ment et économiquement. »125 D'où l'importance de choisir les concepts que nous utilise-
rons et de les définir minutieusement, surtout lorsqu'ils représentent une dimension aussi
fondamentale de notre être que le mental. Cet exercice prend d'autant plus d'importance
qu'au cours des siècles, différentes croyances, religions, philosophies et idéologies se sont
livrées et continuent de se livrer des batailles souvent meurtrières pour contrôler l'univers
mental des êtres humains.

Tout au long de leur histoire, les humains ont été intrigués par leur univers mental. Depuis
des siècles, les prêtres-sorciers, les théologiens, les philosophes, les hindouistes, les boudd-
histes, les psychologues et les cognitivistes se sont intéressés à tour de rôle aux différents
phénomènes mentaux. Chaque groupe s'est efforcé, selon son contexte spécifique et les
connaissances disponibles, de comprendre et d'influencer les phénomènes qui se déroulent
dans ce monde mystérieux et si difficile d'accès qu'est le cerveau humain. Tant que le dis-
cours sur le mental était dominé par les gourous, les moines bouddhistes, les théologiens et
les philosophes, il demeurait subjectif et abstrait. N'ayant aucun accès direct aux divers
processus mentaux et aucun moyen d'en mesurer l'activité, ils utilisèrent l'intuition,
l'introspection, l'expérience et la réflexion pour acquérir des connaissances sur cette elusi-
ve réalité qu'est l'univers mental des être humains. Aujourd'hui, la technologie nous aide à
mieux comprendre les bases génétiques, biologiques et physiologiques des différents pro-
cessus mentaux, mais l'analyse phénoménologique requiert toujours l'intuition,
l'introspection, l'expérience et la réflexion comme points de départ de la connaissance de la
conscience et de la métaconscience.

Les sciences cognitives, regroupant, entre autres, les sciences psychologiques et neurologi-
ques, ont aujourd'hui à leur disposition de nouvelles technologies qui permettent de décou-
vrir et de documenter les fondements de notre univers mental avec plus d'objectivité. Par
exemple, notons l'utilisation de l'électroencéphalographe, la tomographic par émissions de
positrons, la résonance magnétique nucléaire et la biologie moléculaire, qui mesurent
l'activité chimique et électrique du cerveau lorsqu'une personne s'engage dans différentes

24
Les données sur la clarification des concepts sont inspirées d'un texte inédit de Gaston Marcotte.
125
Buraud, G. (1951). Pie X, le pape de l'unité. Bruges : Desclée de Brouwer, page 121.
56

activités mentales. Les recherches effectuées avec ces instruments très sophistiqués ont
contribué à la découverte de certaines caractéristiques biologiques des différents processus
mentaux (perception, sensation, intuition, mémoire, intelligence, conscience) qui permet-
tent aux chercheurs de les définir avec plus de précision.
L'une des tâches importantes d'une nouvelle science comme celle du mental est de mettre
un peu d'ordre, de sens et de cohérence dans les anciens concepts qu'elle a reçus en hérita-
ge des différentes traditions et les modèles qu'elle a créés pour rendre compte de la réalité
qu'elle étudie.
Un tel processus de clarification est tout à fait normal dans un nouveau champ de recher-
che, surtout s'il est précédé par un lourd passé théologique, mystique et philosophique
comme c'est le cas pour toutes les sciences qui étudient les processus mentaux. Par exem-
ple, la conscience est entourée d'un tel brouillard conceptuel qu'il est difficile de savoir ce
dont les gens parlent lorsqu'ils utilisent ce mot. Le neurologue A. Damasio (1999) est très
conscient de ce problème sémantique lorsqu'il écrit que « le terme de conscience, uni de
manière polygamique à bien trop de significations, a souvent entravé tout accord sur la dé-
finition du problème. »126 Certains exemples peuvent illustrer l'ambiguïté des discours en-
tourant la conscience.
Notons, entre autres, le livre de John Eccles (1994) intitulé How the Self Controls the Brain
qui fut traduit en 1997 par Comment la conscience contrôle le cerveau121. Il faudra retenir
ce rapport synonymique entre le Soi et la conscience qu'effectue Eccles quand nous discu-
terons plus loin du problème de la conscience et de l'identité de soi.
Un exemple encore plus frappant du brouillard conceptuel entourant la conscience nous est
donné dans la traduction du livre de Francis Crick The Astonishingly Hypothesis : The
Scientific Search for the Soul. Cependant, le livre débute par « This book is about the mys-
tery of consciousness - how to explain it in scientific terms.»128 Si on s'en tient strictement
au vocabulaire utilisé par Crick, soul serait synonyme du terme conciousness. Il nous sem-
ble utopique que les théologiens, les philosophes et les scientifiques admettent cette séman-
tique. De fait, l'hypothèse stupéfiante de Crick avance que Y âme n'est en fait que « le com-

Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 426.


Eccles, J. C. (1997). Comment la conscience contrôle le cerveau, op. cit.
128
Crick, F. (1994). The Astonishing Hypothesis. New-York : Charles Scibner's Sons, page xi.
57

portement d'une vaste assemblée de cellules nerveuses et leurs molécules associées. »129
La traduction des livres de John Searle en est un autre exemple. Il publie en 1994 The Dis-
covery of the Mind130, traduit en 1995 par La redécouverte de l'esprit.ux II écrit ensuite The
Mystery of Consciousness^2 qui devient les Mystères de la conscience™ en français. Il
apparaît clairement que la langue française, ne possédant pas de substantif pour l'adjectif
mental, ne dispose pas de mot pour traduire le concept mind. Ce concept est donc substitué
par le mot esprit qui n'a pas, en français, la même signification que spirit en anglais. De
plus, il est à noter que Searle est passé du mot mind à celui de consciousness, en cinq ans,
deux expressions traduites par conscience en français.
Une question se pose alors : est-ce que mind est maintenant synonyme de consciousness
dans la pensée de Searle?
En 1991, Daniel Dennett a écrit : « Consciousness Explained »134, traduit en 1993 par « La
conscience expliquée »135\ Ce même auteur a écrit en 1996 « Kinds of Minds : Toward and
Understanding of Consciousness »136, comme si le mot mind était synonyme de conscious-
ness, comme le laisse également sous-entendre Searle.
On a également traduit The Modularity of Mind]31 de Fodor par La modularité de
l'esprit1 . Là encore, les mots mind et esprit sont traités comme des synonymes sans consi-
dérer les définitions respectives de ces termes selon les dictionnaires et la littérature. Varel-
la et al. (1991), dans The Embodied Mind : Cognitive Science and Humain Experience1 ,
proposent L'inscription corporelle de l'esprit, sciences cognitives et expériences humai-
nes1*0 comme traduction française. Le terme esprit devient la traduction de mind.
Penrose a écrit Shadows of the Mind: A Search for the Missing Science of Consciousness.

129
Crick, F. (1994). L 'hypothèse supéfiante, op. cit., page 3.
130
Searle, J.-R. (1992). The Discovery of the Mind. Cambridge, Mass.: MIT Press.
131
Searle, J.-R (1995). La redécouverte de l'esprit. Paris: Éditions Gallimard.
132
Searle, J.-R. (1993). The Mystery of Consciousness. New York : New-York Review of Books.
133
Searle, J.-R. (1999). Le mystère de la conscience, op. cit.
134
Dennett, D. (1991). Consciousness Explained. Boston : Little Brown.
135
Dennett, D. (1993). La conscience expliquée. Paris : Éditions Odile Jacob.
136
Dennett, D. (1993). Kinds of Minds: Toward an Understanding of Consciousness. New York: Basic Book.
137
Fodor, J.-A. (1983). Modularity of Mind. Cambridge (Mass.) : MIT Press.
138
Fodor, J.-A. (1986). La modularité de l'esprit. Paris : Éditions de Minuit.
139
Varella, F. (1991). The Embodied Mind: Cognitive Science and Humain Experience. Cambridge (Mass) :
MIT Press.
140
Varella, F. (1993). L'inscription corporelle de l'esprit: sciences cognitives et expériences humaines.
Paris : Seuil.
141
Penrose, R. (1994). Shadows of the Mind: A Search for the Missing Science or Conciousness. New-York :
58

Ce titre se transforme, lors de la traduction en 1995, en Les ombres de l'esprit™2. Le même


auteur a écrit, en 1989, The Emperor's New Mind Concerning Computers, Minds, and the
Laws of Physics™3 En français, ce titre devient L'esprit, l'ordinateur et les lois de la phy-
sique. I44 Pour Penrose, mind est synonyme de consciousness en anglais et d'esprit en fran-
çais. De plus, nous remarquons que Dennett utilise le pluriel dans Kinds of Minds. Considé-
rant l'emploi de mind pour traduire Y esprit et la conscience, doit-on conclure en la possibi-
lité de l'existence de plusieurs esprits et plusieurs consciences?
Edelman et Tononi ont publié en 2000 un livre intitulé A Universe of Conciousness. How
Matter Becomes Imagination. En français, ce titre est devenu Comment la matière devient
conscience™5. Dans la traduction, l'imagination s'est transformée en conscience, comme si
on pouvait donner n'importe quel sens à n'importe quel mot sans conséquence dans un dis-
cours qui se veut logique et cohérent.
En ce sens, notre recherche bibliographique sur la conscience nous a permis de remarquer
certains courants lexicaux en cours depuis 1990 pour parler du concept de conscience.
D'abord, dans la littérature anglophone, le mot soul (âme) a presque totalement disparu. En
fait, Crick et Churchland utilisent le terme, mais nous constatons que, par soul, Crick fait
référence à la conscience, tandis que Churchland en parle en mentionnant que la raison en
est le siège.
Quand au concept de spirit (esprit), il n'est, à notre connaissance, pas utilisé en anglais. Il
semble que les auteurs lui préfèrent mind et consciousness. Le terme esprit est plutôt utilisé
en français, probablement par défaut, puisqu'il ne semble pas y avoir d'équivalent pour
m/m/dans la langue de Molière.
De fait, lors des traductions, mind devient esprit. Cependant, nous remarquons l'usage pré-
pondérant de consciousness, traduit en français par conscience. Nous remarquons, par ail-
leurs, une nette ambiguïté dans chacune des langues. En anglais, entre mind et conscious-
ness et en français, entre esprit et conscience.

Ces constats nous encouragent à nous simplifier la tâche pour le choix des mots dont nous

Oxford
142
University
Penrose, Press.
R. (1995). Les ombres de l'esprit. Paris : InterÉditions.
143
Penrose, R. (1989). The Emperor's New Mind Concerning Computers, Minds, and the Laws of Physics.
New-York : Oxford University Press.
44
Penrose, R. (1992). L'esprit, l'ordinateur et les lois de la physique. Paris : InterÉditions.
145
Edelman, G. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit.
59

ferons usage ainsi que des définitions que nous retiendrons. Les tableaux 15, 16 et 17 pré-
sentent les titres de certains ouvrages anglophones publiés depuis 1990 contenant les ter-
mes soul, mind et consciousness dans leur titre.

The Astonishingly Hypothesis: The Scientific Search for the Soul (1994)
The Engine of Reason; the Seat of the Soul (1995)

Tableau 15 : Quelques titres avec le mot Soul


Children Theories of Mind (1991)
A Sacred Unity: Further Steps to an Ecology of Mind (1991)
The Minds Matters (1991)
Meaning in Mind (1991)
The Embodied Mind: Cognitive Science and Human Experience (1991)
Understanding the Representational Mind (1991)
Human Minds (1992)
The Adapted Mind (1992)
A History of the Mind: Evolution and the Birth of Consciousness (1992)
The Child's Discovery of Mind (1993)
Rules of the Mind (1993)
History of the Mind (1993)
Shadows of the Mind: A Search for the Missing Science of Consciousness (1994)
Naturalizing the Mind (1995)
The Conscious Mind (1996)
Kinds of Minds (1996)
Divided Minds and Successive Selves (1996)
The Mind-Brain Continuum (1996)
Inside the Theater of Consciousness : The Workplace of the Mind 1997
Five Kinds of Minds (2007)

Tableau 16 : Quelques titres avec le mot Mind entre 1991 et 2007

The Quantum Self: Human Nature and Consciousness Defined by the New Physic (1990)
Consciousness Reconsidered (1992)
Self and Consciousness (1992)
Neurophysiology of Consciousness (1993)
Experimental and Theoretical Studies of Consciousness (1993)
The Chemistry of Conscious States (1994)
The Science of Consciousness: Psychological, Neurological and Clinical Reviews (1996)
Consciousness Lost and Found (1997)
The Nature of Consciousness (1997)
Explaining Consciousness: the "Hard Problem" (1997)
Scientific Approaches to Consciousness (1997)
The User Illusion: Cutting Consciousness Down to Size (1998)
Consciousness and Human Identity (1998)
The Physics of Consciousness (2000)

Tableau 17 : Quelques titres avec le mot Consciousness entre 1990 et 2000


Ces quelques exemples illustrent très bien la confusion conceptuelle qui entoure l'étude de
la conscience. On voit qu'en anglais des mots comme soul, mind, imagination et conscious-
60

ness sont souvent utilisés comme des synonymes interchangeables comme le sont les mots
âme, esprit et conscience en français. Une clarification du concept de la conscience nous
permettra de mieux comprendre ses différents niveaux de fonctionnement.
3.1.2. Les connaissances liées au cerveau

Pour bien voir la conscience comme un processus, nous devons


comprendre comment fonctionne le cerveau nous devons connaître
son architecture, son développement, ses fonctions dynamiques
(icrald M. Ldclman

L'importance d'étudier le cerveau pour comprendre les divers processus mentaux est re-
connue par plusieurs membres de la communauté scientifique. Selon Churchland (2002),
« It is necessary to understand the brain, and to understand it at many levels of organi-
zation, in order to understand the nature of the mind. »146
La difficulté relative à la définition de la conscience en tant qu'élément ou réalité distincte,
soulevée tant par la communauté scientifique (incluant la psychologie et les neurosciences)
que par la communauté philosophique, est soulignée par Edelman :
La conscience pose un problème très spécial qu'on ne rencontre dans aucun autre domaine
scientifique. En physique et en chimie, nous expliquons certaines entités par d'autres entités et
par des lois. Nous pouvons décrire l'eau en langage usuel, mais aussi, tout du moins en princi-
pe, en termes d'atomes et selon les lois de la mécanique quantique.147

La pensée étant la résultante d'une prise de conscience subjective, elle place les chercheurs
devant l'énigme de cette définition. À l'instar de Damasio (1995), Edelman (2000), Kegan
(2001) et plusieurs autres, nous soutenons que la connaissance du fonctionnement du cer-
veau contribue à la compréhension de la complexité de la conscience : « Pour développer
une théorie adéquate de la conscience, on doit surtout comprendre comment le cerveau
fonctionne pour comprendre des phénomènes comme la perception et la mémoire, qui
contribuent à la conscience. »148

146
Churchland, P. S. (2002). Brain-Wise. London : The MIT Press, page 30.
47
Edelman, G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 25.
148
Edelman, G. (2004). Plus vaste que le ciel. Paris : Éditions Odile Jacob, page 28.
61

3.1.3.L'évolution du cerveau

The function of the brain cannot be completely


disconnected from the function oj its units, the nerve cells.
Idan Scgcv

Selon Edelman (2000), inspiré des travaux de Darwin : « Avoir un esprit et un cerveau hu-
mains résulte à l'évidence d'un processus d'évolution » ,49. Tout en concédant ce fait de
l'évolution, Kegan (2001) nous invite à revoir la façon de concevoir les modèles de déve-
loppement humain :
No framework can hope to supply a theory of the developing person without some profound
acknowledgment of our biological reality. Psychoanalysis provided one, and no framework
since has offered an alternative vision with anything like comparable scope or plausibility. A
profound acknowledgment of our reality addresses how we are animated, but it is much more
than a theory of motivation. At bottom it is a conception of the life force itself and how we fig-
ure in it. 15°
Nous nous limitons dans ce chapitre à une description sommaire des principales caractéris-
tiques anatomiques, biologiques et physiologiques de cet objet qui, malgré de nombreuses
recherches et expériences, demeure encore en grande partie un mystère pour la communau-
té scientifique moderne. Comme l'exprime Edelman (2004), « Le cerveau humain est
l'objet matériel le plus compliqué qu'on connaisse dans l'univers. »151
C'est donc de façon très succincte, incomplète, et à l'intérieur des limites des connaissances
actuelles que nous transmettons dans ce chapitre une description des notions de base sur la
structure du cerveau et de son mode de fonctionnement.

3.1.4.La structure du cerveau

les hommes jugent les choses suivant la disposition de leur cerveau


Hiirnch SphuKu

Selon MacLean (1990), cette masse, dont le poids moyen chez l'humain est de 1,5 kilo-
gramme152 et dont « le tissu nerveux forme un réseau extraordinairement complexe avec de
30 à 100 milliards de neurones, 1 milliard de milliards de connexions possibles et

49
Edelman, G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 101.
150
Kegan, R. (2001). The Evolving Self, op. cit., page 42.
151
Edelman, G. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 29.
152
Changeux (2002) soulève toutefois que le poids, la taille et la forme du cerveau varient d'un individu à
l'autre. Cette variation serait attribuable à l'hérédité. Voir Changeux, J.-P. (2002). L'Homme de vérité. Paris :
Éditions Odile Jacob, page 285.
62

3 .153
600 millions de synapses par mm » , s'est développée en trois phases distinctes (figure
3), du bas vers le haut, chez les espèces animales, du reptile jusqu'à l'homme. I54

♦ Néocortex
Cerveau limbique

■*■ Cerveau reptilien

Figure 3 : Les trois cerveaux (ou le cerveau tri­unitaire) de Me Lean

La première partie, le cerveau reptilien, aussi appelé le cerveau primitif, est apparue il y a
plus de 500 millions d'années156 chez les amphibiens. Il a évolué pendant 250 millions
d'années, jusqu'à l'apparition des reptiles. Il part de la colonne vertébrale et comprend le
cervelet et le tronc cérébral.
Par la suite, il y a 150 millions d'années, le cerveau limbique s'est développé chez les pre­
miers mammifères. Cette partie du cerveau comprend l'hippocampe, l'amygdale et
l'hypothalamus157. Son évolution s'est poursuivie avec les espèces de mammifères en aug­
mentant de volume et en complexifiant les interactions neuronales.
Finalement, le néocortex est apparu avec les primates du genre Homo, il y a deux ou trois
millions d'années. Son développement s'est réalisé par la formation de six couches distinc­
tes. Les connexions de ces couches sont structurées de façon distincte les unes des autres.
Certaines médiatisent les sens dont l'ouïe, le toucher et la vue, alors que d'autres sont dé­
diées aux fonctions motrices et aux muscles. Changeux (2002) observe que :
On peut désormais distinguer les six couches du cortex cérébral, et il est intéressant de noter
que les couches V et VI, les plus profondes, se déposent les premières, tandis que les plus su­
perficielles, les couches II et III, celles qui, selon nous, contribuent à l'espace de travail, ne
prennent leur position définitive qu'ensuite.158
Vu de l'extérieur, le cortex cérébral est divisé en deux hémisphères, le gauche et le droit
(figure 4), lesquels sont reliés par un large faisceau de fibres nerveuses appelé le corps cal­

153
vvww.univ­tours.fr/desco/l.icPsv/Neurosci­lntro.html#Descartes. vu le 22 mars 2005.
154
http://www.webperso.easyconnect.fr/baiIlement/maclean.html, vu le 22 mars 2005.
155
http://www.webperso.easvconnect.fnôaillemenl%iaclean.htrnl , vu le 22 mars2005.
156
http://www.lecerveau,mcgill,ca/. vu le 22 mars 2005.
157
Les fonctions distinctes de ces différentes parties seront précisées au prochain chapitre portant sur le fonc­
tionnement du cerveau.
158
Changeux, J.­P. (2002). L'homme de vérité, op. cit., page 289.
63

leux.159 . Chaque hémisphère comprend les lobes frontaux, pariétaux, temporaux et occipi-
taux; de plus, tous deux contiennent un cinquième lobe, appelé lobe limbique, lequel cor-
respond au « cerveau paléo-mammifère » venant coiffer les structures préexistantes, c'est-à-
dire le « cerveau reptilien » 160

Hémisphère ère
gauche

Lobes
occipitaux

161
Figure 4 : Le cerveau vu d'en haut

Corps
calleux SOMMKSEWOtï

Frontal

cipital

Temporal

Figure 5 : Les aires de transmission motrice et sensorielle du cortex cérébral

159
Chauveau Dupin, A. et al. (1980). Psychologie, science de l'homme. Montréal : Les Éditions HRW Ltée,
page 61.
160
http://schwann.free.fr/etaEC sus tentoriel.html. vu le 25 mars 2005.
161
wwAv.lecerveau.mcaill.ca. vu le 22 mars 2005.
64

Avec ses quelques trente milliards de neurones et un million de milliards de connexions ou


synapses162, le cortex cérébral est le site d'un nombre impressionnant de circuits neuronaux
formés par les connexions synaptiques (dix suivi d'au moins un million de zéros). Ce sont
précisément ces agencements synaptiques qui déterminent les cartes de représentations spé-
cifiques à chaque individu (figure 5). Le réseau neuronal est flexible et s'adapte aux diffé-
rents stimulants auxquels il est soumis. On parle alors de sa plasticité.

Figure 6 : Photographie d'une coupe du cerveau

épine,
dendiill que.

163
Figure 7 : Un neurone et la synapse

Les neurones (figure 7) communiquent entre eux par émissions électriques d'influx nerveux
(figure 8). II se forme ainsi des substances chimiques appelées neurotransmetteurs pour
chaque type de neurones. Ainsi, une cinquantaine de molécules sont répertoriées dont, entre

Edelman, G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 55.
www.lecerveau.mcgill.ca. vu le 22 mars 2005.
65

autres, l'acétylcholine, la dopamine, la sérotonine, etc.164 Cette activité électrochimique


constitue la base de toute activité cérébrale réfléchie, et explique la diversité des personnali-
tés.

-
Transmission Conduction électrique
chimique

Figure 8: Communication interneuronale,6S

Me Lean et Guylot (1990) notent que :


Ces trois cerveaux cohabitent toujours en nous. Un fonctionnement harmonieux des différents
cerveaux est nécessaire en incluant des émotions ou certaines formes de comportement archaï-
ques pour le profit / contrôle du néocortex siège de la raison / pensée consciente.16*
Bien que sommaire, cette explication sur la structure et le fonctionnement interne du cer-
veau permet de prendre conscience de l'immense potentiel disponible chez l'humain.
L'apport du néocortex à l'évolution de l'espèce représente une transformation majeure par
la reconnaissance de trois émergences de la métaconscience, soient la morale, le libre arbi-
tre et la créativité. Nous en démontrerons l'importance lorsque nous aborderons l'activité
d'apprentissage chez l'adulte.

3.1.5. Le fonctionnement interne du cerveau

Aucune aire isolée du cerveau n est responsable de l'expérience consciente


William James

Aujourd'hui encore, le fonctionnement du cerveau ne cesse d'impressionner la communau-


té scientifique. Les recherches se poursuivent et se peaufinent. Ainsi, nous assistons actuel-
lement à des discussions intéressantes entre les plus éminents chercheurs tant en philoso-
phie, en psychologie, en neurologie ou en sciences cognitives, concernant le potentiel du
cerveau et la dynamique cerveau/pensée/conscience/métaconscience, etc. :
L'influx nerveux ne rencontre jamais de « cul-de-sac » dans le cerveau; son point d'arrivée dans
une région est toujours un point de départ potentiel vers d'autres neurones. Cet assemblage de
164
www.radio-canada.ca/actualite/decouverte/dossiers/83 cerveau/1 a.html. vu le 22 mars 2005.
165
www.lecerveau.mcgill.ca. vu le 22 mars 2005.
166
MacLean, P. et Guylot, R. (1990). Les trois cerveaux de l'homme. Paris : R. Lafont, page 22.
66

milliards de circuits qui se bouclent sur eux-mêmes fait qu'il est très difficile d'avoir des « pen-
sées entièrement rationnelles » ou des « émotions pures ».167

Il semble que plus les connaissances évoluent, plus l'organisation structurelle du cerveau
fascine. Comme le mentionne Uttal (1978): «The beauty of the cerebellum... is that its in-
ternal neural architecture is exceedingly specific and orderly yet complex in terms of the
behavioral sequences it controls.»168 En raison de son nombre de cellules, d'interactions
neuronales et de synapses, le cerveau représente l'activité métabolique la plus forte du
corps humain. Les recherches de Damasio (2005) démontrent que :
Ce pouvoir s'exerce selon un dispositif simple : premièrement, quelque chose change dans
l'environnement d'un organisme individuel, de façon interne ou externe. Deuxièmement, ce
changement a le potentiel d'altérer le cours de la vie de l'organisme. (Il peut constituer une me-
nace pour son intégrité ou bien une occasion de mieux-être.) Troisièmement, l'organisme détec-
te le changement et agit en fonction dé lui d'une façon conçue pour créer la situation la plus bé-
néfique à sa préservation et à son fonctionnement efficient.1 9

Par exemple, lors de l'expérience vécue par l'odorat, que Goleman présente comme la
« source la plus ancienne de notre vie émotionnelle »170, le groupe de neurones sensibles à
ce stimulus capte les odeurs. Si elles sont perçues comme menaçantes par le cervelet, il y
aura une réaction de fuite ou de combat. Sinon, une partie des informations passe par le
cerveau moyen afin d'être comparée aux mémoires reliées à cette odeur. Une émotion
émerge, et il y a alors une réaction d'appréciation positive ou négative, selon le souvenir
qui lui est associé. L'autre partie des informations va au néocortex, et une anticipation des
conséquences liées à la réaction d'appréciation ou de dégoût va générer une action ou une
attitude exprimant le résultat de cette analyse. En résumé, les trois niveaux cérébraux, le
cerveau reptilien, le système limbique et le cortex cérébral (néocortex), correspondent res-
pectivement aux fonctions illustrées à la figure 9:

167
www.lecerveau.mcgill.ca. vu le 22 mars 2005.
68
Uttal, W. R. (1978). The Psychology of Mind. New-Jersey : Lawrence Erlbaum Associates, page 177.
169
Damasio, A. R. (2005). Spinoza avait raison. Paris : Éditions Odile Jacob, page 42.
170
Goleman, D. (1997). L 'intelligence émotionnelle. Paris : Éditions Robert Lafond. page 25.
67

Figure 9 : Fonctions des trois cerveaux, selon MacLean

Au premier niveau, nous retrouvons le cerveau reptilien qui assure les fonctions vitales de
l'organisme en contrôlant la fréquence cardiaque, la respiration, la température corporelle,
l'équilibre, etc. Il comprend le tronc cérébral et le cervelet, que l'on retrouve chez les repti-
les. Il réagit en fonction des informations qu'il perçoit de façon spontanée par l'entremise
des sens. C'est le siège des comportements réflexes. C'est l'étage de l'instinct et de la pul-
sion.
Nous avons vu qu'au deuxième niveau, le cerveau limbique mémorise les comportements
agréables ou désagréables, et il donne naissance aux différentes émotions. Il comprend
principalement l'hippocampe, l'amygdale et le thalamus. C'est le siège de la mémoire, des
émotions et de nos jugements de valeur, souvent inconscients, qui exercent une grande in-
fluence sur notre comportement.
L'amygdale traite les informations et sonne l'alarme devant une situation nouvelle ou me-
naçante. Sa fonction est d'activer les réactions physiologiques (rythme cardiaque, sudation,
etc.) et de mettre en attente les réactions physiques, en attendant que l'information soit trai-
tée.
Le thalamus filtre les informations relatives à la vision, à l'audition, à la gustation et au
toucher. Selon l'ampleur de la réaction entre la nouvelle information et celles en mémoire,
il dirige les informations en vrac vers l'amygdale. À ce moment, l'amygdale communique
avec l'hippocampe et active les fonctions émotives : peur, surprise, dégoût, etc. La prise de
conscience du stimulus se fait. Au même moment, les informations sont dirigées vers le
cortex où elles sont analysées. C'est l'analyse consciente, la prise de conscience. Les ré-
ponses sont transmises à l'hippocampe puis à l'amygdale afin d'ajuster les réactions phy-
68

siologiques au stimulus réel. C'est la décision et la mise en œuvre.


L'hippocampe a pour principale fonction d'acheminer les informations au cortex pour la
mémoire à long terme. Il capte les informations olfactives et reçoit les informations perçues
par le thalamus; puis, elle fait le lien et compare la nouvelle information et les informations
déjà enregistrées. De par sa fonction limbique, elle permet aussi d'influencer les émotions
liées aux souvenirs.
Nous avons vu que l'information enregistrée continuellement par le cerveau doit être assi-
milée, triée, intégrée et gérée par les composantes des trois niveaux du cerveau. Ce sont les
processus de la conscience et de la métaconscience en action. Voyons, de façon plus
concrète, comment cela se produit. D'abord, il y a une stimulation, soit interoceptive : la
faim, la soif, la kinesthésie, etc.; ou exteroceptive, elle est alors sensorielle : l'ouïe, le tou-
cher, l'odorat, la vue. Cette stimulation, disons un son quelconque, est enregistrée par le
thalamus; puis, la majeure partie est dirigée vers le cortex sensoriel approprié, et le reste va
directement à l'amygdale, permettant une réaction immédiate en cas de danger. Ce qui in-
fluence la réaction à ce stimulus, c'est le lien qui se fait entre le son entendu et la recon-
naissance de ce son par la mémoire. L'information est ensuite transmise au système appro-
prié, soit le cortex ou l'amygdale, selon le niveau de peur ou de plaisir provoqué. Cette ré-
action (figure 10) est générée par la production de neurotransmetteurs lors de la communi-
cation neuronale de laquelle résultent toutes nos sensations, nos mouvements, nos pensées
et nos émotions.

(Jy~~\ thinking br*n ' T\ \

Quick r»*pcri»«
Figh»Offl>9ht

Figure 10 : Réponse « combattre ou fuir » à la vue d'un élément menaçant

Lesfiguresci-dessous représentent le phénomène de façon schématique.


La figure 11 représente le circuit émotif. L'information arrive directement à l'amygdale et
provoque une réaction émotive instantanée.
69

La figure 12 illustre le circuit rationnel. Une partie importante de l'information transite par
le néocortex et l'hippocampe, ce qui permet de préciser l'information, d'en faire une analy-
se et d'ajuster les réactions physiologiques en conséquence.

'-& cortex
sensoriel associatif associatif
: I il"
route longue

route courte

cantate
'se tel; y

stimulus réponse
émotionnelle stimulus réponse
émotionnel émotionnelle
émotionnel

Figure 1 1 : Circuit d'un stimulus: réponse F i g u r e " : Circuit d'un stimulus : réponse « ana-
« émotion »,i7i
'" lyse»

Les sensations et les émotions sont mémorisées en fonction de l'appréciation : agréable,


neutre ou désagréable.
Les axones, qui transmettent l'information du cortex au système limbique, et les neurones
du cortex préfrontal, continuent de se développer jusqu'à l'âge adulte, alors que
l'amygdale, responsable des réactions rapides, est pleinement développée dès la naissance.
Chaque réaction laisse une trace dans la mémoire; c'est un apprentissage lié à l'émotion
ressentie. Ces apprentissages seront soit permanents ou temporaires, selon l'intensité de
l'émotion, la répétition ou la quantité d'information disponible au même moment.
Voilà ce qui explique, en grande partie, l'évolution du développement humain au plan des
attitudes, des comportements, de la cognition, de la morale, etc. et qui justifie son étude en
fonction de l'âge.

http://wwAv.lcccrveau.mcgill.ca. vu le 30 mars 2005.


172
http.7/www.lecerveau.mcei 11 ,ca. vu le 30 mars 2005.
70

Au néocortex, l'endroit où se fait l'analyse, les découvertes récentes faites à l'aide de


l'imagerie numérique permettent de recenser des données sur les phénomènes réactifs du
cerveau en regard de différents stimulants. Damasio (2002) arrive à interpréter certains
comportements en fonction de processus mentaux :
Au cours des deux dernières décennies, les travaux menés dans les neurosciences cognitives
sont devenus particulièrement gratifiants, parce que le développement de nouvelles techniques
pour observer le cerveau, en termes de structure et de sa fonction, nous permet à présent de lier
un certain comportement que nous observons, cliniquement ou lors d'une expérimentation, non
seulement à ce que nous croyons être le pendant du mental de ce comportement, mais aussi à
des indices spécifiques de la structure cérébrale ou de l'activité cérébrale.173

Ln profondeur, le cerveau émotionnel contrôle les fonctions physiologi-


ques du corps. Dans celte image on voit le cerveau émotionnel sélecti-
vement active (en rouge) chez des sujets qui ressentent une peur intense

1174
Figure 13 : Cerveau émotionnel
L'utilisation de l'électroencéphalogramme (EEG) permet, à l'aide d'un détecteur placé sur
le cuir chevelu d'une personne, de suivre l'évolution de l'activité électrique dans les diffé-
rentes parties du cerveau. C'est à ce niveau que sont possibles le raisonnement par associa-
tion, le contact avec le présent et la projection dans l'avenir.
Dès 1921, Fouillée souligne le caractère holistique du fonctionnement du cerveau. C'est-à-
dire que dès qu'une cellule est affectée par une sensation, l'ensemble des fonctions cérébra-
les est impliqué :
La suggestion des représentations mentales et des mouvements corrélatifs peut être comparée,
comme nous l'avons déjà dit, aux phénomènes d'induction électrique par lesquels un courant
exerce son influence sur un autre et produit une aimantation. Le cerveau est à l'état de tension
et agit toujours dans sa totalité; chaque pensée particulière suppose une décharge cérébrale qui
ne peut se produire sans altérer les tensions de toutes les autres parties et sans amener par cela
même une suite infinie d'autres décharges dans une direction déterminée.175

Ces données descriptives sont universalisées et simplifiées pour une compréhension globale
du fonctionnement. Un principe darwinien, repris avec conviction par Edelman (2000),
exprime cette complexité et cette singularité :

73
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi. Paris : Éditions Odile Jacob, page 26.
174
http://www.guerir.fr. vu le 22 février 2005.
175
Fouillée, A. (1921). La psychologie des idées forces. Paris : Librairie Félix Alcan, page 210.
71

... deux cerveaux ne sont jamais semblables, et le cerveau de chaque individu change sans ces-
se. Ces variations touchent tous les niveaux de l'organisation cérébrale, de la biochimie à la
morphologie globale, et la force de myriades de synapses individuelles change constamment
sous l'effet de l'expérience. 176

Dans le même ordre d'idées, Changeux (2002) fait état d'expériences par imagerie fonc-
tionnelle menées afin de démontrer les variations de poids, de taille et de forme du cerveau.
Il ressort clairement que, même chez les jumeaux identiques (jumeaux monozygotes), les
cerveaux ne sont pas identiques : « Or ces études, qu'elles soient anatomiques ou compor-
tementales, mettent clairement en évidence le fait que les cerveaux de deux vrais jumeaux
ne sont pas identiques. »177
Quoi qu'il en soit, malgré son individualité, le cerveau, dans des conditions normales, pré-
sente un fonctionnement pour ainsi dire universel quant à son processus intégrateur : « Il est
clair que pour l'individu, le cerveau est le système intégrateur/organisateur central. »'78
Cette compréhension du phénomène de traitement de l'information par le cerveau sera utile
pour cerner les principes fondamentaux de la pédagogie chez l'humain en général et, plus
spécifiquement, chez l'adulte.
Il faudra donc tenir compte des principes du développement et du fonctionnement du cer-
veau lorsque nous aborderons les processus du développement humain et du traitement de
l'information lors d'activités pédagogiques. Au tableau 18, nous résumons les principales
caractéristiques du cerveau.
Chaque cerveau est unique.
Le cerveau a une plasticité.
Chaque étage du cerveau a des fonctions spécifiques et exclusives.
Les trois étages du cerveau sont interdépendants pour un fonctionnement normal chez l'humain.
Le cerveau est le siège des facultés humaines, tant psychiques, cognitives que physiques.
Chaque faculté humaine, y compris la morale, est liée à une zone spécifique du cerveau.
Le fonctionnement du cerveau est systémique et complexe.
Le cerveau génère des activités chimiques et électriques.
Le cerveau évolue tout au long de la vie de l'humain, de la conception à la mort.
Le cerveau influence chaque cellule du corps.
Tableau 18 : Principales caractéristiques du cerveau

176
Edelman G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 101.
177
Changeux, J. P. (2002). L'Homme de vérité, op. cit., page 286.
178
Morin, E. (1973). Le paradigme perdu : la nature humaine. Paris : Éditions du Seuil, page 217.
72

3.2. LE CERVEAU ET LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN

le Je exprime et désigne la conscience de soi


Emmanuel Ram

L'analyse du fonctionnement du cerveau doit permettre une intégration des concepts de son
évolution, de son fonctionnement et des émergences ainsi que les relations avec lui-même
et son environnement. Nous verrons plus loin l'apport de cette perspective lors du proces-
sus d'apprentissage. Les dernières décennies sont riches en observations à cet égard. Pour
Edelman (2004), le processus du développement humain s'explique, en grande partie, par le
fonctionnement du cerveau. Greenspan (1998) exprime bien cette relation recursive : cer-
veau-développement-comportement-expérience-environnement-développement-cerveau :
Le lien entre cerveau et le comportement apparaît de plus en plus clairement à double sens : le
comportement et l'expérience ne sont pas simplement formés par le cerveau, ils influencent sa
structure et sa formation. Il semble qu'au début de la vie, il y ait une surproduction génétique-
ment induite de neurones. L'expérience intervient pour affiner ou pour « tailler » cette structure
émergente. L'expérience mène aussi à une nouvelle croissance de dendrites (connexions inter
neuronales) et aux changements biochimiques qui permettent cette croissance. La maturation du
système nerveux et de nombreuses parties du cerveau induite par l'expérience n'intervient pas
seulement pendant le début de la vie mais tout au cours du développement. Intervenant presque
immédiatement en réponse aux expériences appropriées, on peut l'associer à un éventail de ca-
pacités, depuis les aptitudes cognitives complexes jusqu'aux phénomènes bien connus
d'intégration. Il semble que l'évolution ait voulu que certains aspects importants du dévelop-
pement du cerveau répondent à l'environnement auquel il doit s'adapter. 17

Damasio (2001) complète en expliquant comment une bonne compréhension du fonction-


nement du cerveau aide à mieux faire la différence entre les traits de caractères inhérents à
un individu et les réactions émotives plus ou moins spontanées survenant en diverses situa-
tions. Il met en perspective l'importance de considérer l'anatomie du cerveau et les réac-
tions électriques et chimiques générées par les informations qu'il reçoit, qu'elles soient
intéroceptives ou extéroceptives.
Ses recherches ont démontré que :
... les maladies du cerveau sont des affections dont on ne peut blâmer ceux qui en sont atteints,
tandis que les maladies psychologiques, et surtout celles qui touchent à la façon de se conduire
et aux réactions émotionnelles, sont des troubles de relation interpersonnelle, dans lesquels les
malades ont une grande part de responsabilité.180

Cette découverte est d'une importance capitale pour tout chercheur intéressé à l'étude du
comportement du gestionnaire en entreprise. Elle met en perspective la pertinence de déve-

Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend. Paris : Les Éditions Jacob, page 340.
180
Damasio, A. R. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 67.
73

lopper et de maîtriser ses processus mentaux, et plus particulièrement sa métaconscience.


L'être humain doit être vu comme un organisme dont les mécanismes d'instinct de survie
sont accompagnés d'un potentiel physique et psychologique éveillé par les stimuli de
l'environnement. Après la naissance, en plus des mécanismes de régulation métabolique
des pulsions et des instincts, le cerveau humain comprend les « mécanismes fondamentaux
permettant de prendre en compte le comportement social et l'acquisition des connaissances
sociales »181. En effet, il existe entre le corps et le cerveau un phénomène d'évolution re-
cursive. Cette complexité est illustrée en grande partie par les systèmes nerveux et hormo-
nal182.
Afin de mieux saisir la dynamique cerveau - corps - environnement, nous avons identifié,
au tableau 19, trois niveaux de représentations faites par le cerveau sur lesquels notre méta-
conscience peut agir.
C'est cette activité à l'intérieur du cerveau qui constitue la prise de conscience.
ACTIVITÉ CÉRÉBRALE ACTION HUMAINE CORRESPONDANTE

NIVEAU DE REPRÉSENTATION DES ÉTATS PRISE DE CONSCIENCE DE SON ÉTAT ET INTERVENTION DE


SELON LES ACTIVITÉS EN COURS DANS LE LA CONSCIENCE
CERVEAU
Représentation de l'état des régulations Prendre conscience de sarespirationet agir sur le rythme
hormonales au sein des structures du tronc pour influencer ses réactions. Par exemple, prendre de
cérébral et de l'hypothalamus. grandes respirations quand nous ressentons du stress avant
de faire une présentation importante.
Représentation des viscères : les organes Prendre conscience de ce que nous ressentons et apprécier
internes situés dans la tête, la poitrine et son bien-être ou agir sur différents symptômes. Par exem-
l'abdomen ainsi que la masse musculaire ple, nous reposer si nous avons mal à tête, prendre cons-
et la peau. cience de l'impact des aliments ingérés sur notre bien-être
et la qualité de notre énergie, son stress, etc. ...
Représentation de l'ensemble musculo- Prendre conscience de notre corps dans l'espace et exécu-
squelettique et de ses mouvements poten- ter les mouvements nécessaires selon nos besoins. Par
tiels. exemple, prendre la décision de monter au troisième étage
en utilisant les escaliers plutôt que l'ascenseur.
183
Tableau 19 : Les représentations fondamentales du corps en relation avec la conscience

Nous constatons l'évolution remarquable des théories liées à l'humain au cours du dernier
siècle. En effet, les découvertes liées au développement du cerveau permettent de mieux
expliquer les principales étapes du développement humain.

181
Ibidem, page 176.
182
Pour une description plus complète et détaillée du fonctionnement du cerveau et des systèmes nerveux et
hormonal, vous pouvez consulter le site www.lccerveau.mcgill.ca auquel l'Institut de recherche en santé du
Canada et les Instituts des neurosciences, de la santé mentale et de la toxicomanie du Canada sont associés.
183
Inspiré de Damasio (2001, 2002).
74

Pour assurer un développement humain adéquat, il est essentiel de respecter les exigences
provenant des caractéristiques de l'être humain. À cette fin, Marcotte (2006), pour qui cha-
que caractéristique humaine « impose aux humains des exigences et des contraintes qui
devraient fonder leur éthique et guider ensuite leurs comportements », dégage 19 caractéris-
tiques propres à l'être humain.
Nous les reprenons au tableau 20.
Un être naturel/matériel
Un être vivant/mortel
Un être sexuel
Un être évolutif
Un être systémique
Un être relationnel/social/communicatif
Un être processuel
Un être potentiel
Un être déterminé/indéterminé
Un être d'autonomie/de liberté
Un être conscient de soi
Un être de raison
Un être qui aspire au bonheur
Un être de sens
Un être culturel
Un être moral
Un être d'apprentissage
Un être affectif
184
Tableau 20 : Principales caractéristiques de la nature humaine
Les exigences imposées par ces caractéristiques se traduisent en intérêts, désirs, valeurs et
besoins dans la recherche de satisfaction. Chaque être humain étant unique de par sa nature,
il est distincti.f quant à ces caractéristiques. De par son potentiel de développement,
l'humain a donc la responsabilité de définir ses propres valeurs et de combler ses besoins.
Les être humains ne sont pas génétiquement déterminés à satisfaire les nombreuses exigences
d'une vie vécue humainement. Ils ont cependant hérité, en potentiel, des processus mentaux
dont la fonction est de découvrir et de respecter les exigences de leur organisme et de
l'environnement dont ils dépendent. I85

L'humain doit donc apprendre à identifier les valeurs qui lui permettront de combler ses
besoins physiques (liés à la survie biologique et aux caractéristiques de développement
physique) et ses besoins psychologiques (liés au développement psychologique et aux fonc-
tions mentales) en fonction de ses défis.
Apprendre à développer sa métaconscience permet d'améliorer et d'utiliser ses processus

184
Marcotte, G. (2006), op. cit., page 85.
185
Ibidem, page 78.
75

mentaux dans le but de définir ses valeurs et d'identifier les meilleures stratégies pour
combler ses besoins physiques et psychologiques. Tout système d'apprentissage doit les
considérer. Chaque caractéristique génère des besoins spécifiques qui sont d'ordre physique
ou psychologique.
Le développement humain est un processus évolutif, complexe et continu. Damasio (2001)
l'exprime ainsi : « La primauté du thème du corps dans l'activité cérébrale est également
observable dans l'évolution : du simple au complexe, depuis des millions d'années, le cer-
veau a consacré ses activités d'abord à l'organisme dans lequel il se trouvait. »186 II en ré-
sulte que l'humain se comporte en véritable laboratoire électro-biochimique en fonction de
ses caractéristiques. Chaque étape de l'évolution humaine remet en perspective la nécessité
d'adaptation à un environnement, lui-même influencé par le comportement humain. En
effet, selon Fortin (2000) : « Tous les systèmes actifs doivent puiser dans leur environne-
ment pour leur organisation et leur régénération. »187 Les interactions sont en fait des phé-
nomènes récursifs188, puisqu'ils permettent à chaque élément d'exister et de générer un
nouvel état d'être.
La plupart des espèces vivantes, végétales et animales, connaissent d'instinct les compor-
tements à adopter pour assurer leur survie et leur reproduction. Elles répondent aux stimuli
de leur environnement en utilisant leur ressenti immédiat et leur mémoire.
Elles actualisent de façon innée leur potentiel de développement jusqu'à maturité. Les ap-
prentissages se limitent aux notions de survie, dont le volet émotif est essentiel. Kant
(1993) a en effet observé que l'humain, quant à lui, semble devoir s'éduquer : « L'homme
est la seule créature qui doive être éduquée. Par éducation on entend, en effet, les soins (...)
et la discipline, et l'instruction avec la formation. »189
Avec la formation du néocortex, l'homme dispose donc d'un potentiel mental plus évolué
mais qui, sans instruction, demeure inexploité donc inutile. En donnant à l'humain la capa-
cité d'apprendre, de réfléchir, de créer et d'anticiper, le néocortex lui délègue la responsabi-

186
Damasio, A. R. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 308.
187
Fortin, R. (2000). Comprendre la complexité. Québec : Éditions Les Presses de l'Université Laval, pa-
ge 52.
88
Nous utilisons le terme récursif dans le sens défini par Morin repris par Fortin : « L'idée de recursion,...,
est l'idée logique qui signifie production de soi et régénération. L'idée de recursion est l'idée logique qui
signifie autonomie. » Fortin, R. (2000). Comprendre la complexité. Québec : Éditions Les Presses de
l'Université Laval, page 70.
189
Kant, E. (1993). Réflexions sur l'éducation. France : Librairie Philosophique J. VRIN, page 69.
76

lité d'actualiser son potentiel mental et de s'autonomiser progressivement.


Dans le même ordre d'idées, Piaget et Kohlberg, tels que compris par Kegan (2001), ainsi
que Greenspan (1998), confirment la récursivité entre le cerveau et le comportement. Phy-
siquement et physiologiquement, le cerveau se développe jusqu'à l'âge de vingt ans; c'est
donc le temps requis à l'humain pour développer les grands paramètres de son potentiel.
L'évolution de la conscience ainsi que la réponse aux méthodes d'apprentissage se font
parallèlement à l'évolution physique du cerveau. Au cours des premières phases de son
développement biologique, l'enfant se perçoit progressivement comme sujet. Il prend cons-
cience de lui-même, et tout ce qui l'entoure en fait partie. À mesure que son cerveau se dé-
veloppe, il réalise qu'il n'est pas seul. Il fait la distinction entre lui et l'autre, au niveau
physique d'abord, puis, de façon progressive au niveau psychologique. Il apprend.
Plusieurs chercheurs et praticiens en psychologie et en psychothérapie ont élaboré des mo-
dèles afin de faciliter la conceptualisation de ces processus, lesquels définissent les paramè-
tres du développement humain en fonction de l'âge. La notion de sujet/objet est très utile
pour définir le moment où la personne commence à prendre conscience de ses différents
niveaux de conscience et des apprentissages émergents. Afin de fournir une représentation
efficace des principales conceptions du développement humain, nous avons recensé les
modèles les plus utilisés au cours des cinquante dernières années. À partir des travaux de
Limoges et Paul (1993), Greenspan (1998) et Kegan (2001), il est possible de consolider les
principes, les phases, et les implications du processus du développement humain comme
illustré au tableau 21.
eu eu
eu 3
•o
f- 1 Id
E* 1*2
O
en
'? en 3
I"» a o 'en s eu 3
eu
■a
cd
m
"3 -4) E- eu
e-
Q
DU a. «9
U +3 eu U -eu
o
C £ S S C ■«-»
--^
c c
eu e^
C
h*
S C
eu >< eu eu
3 3 ^-»
en eu
C

o 5 2"
_ 3
Ît2 a e eu
E SU
C
O
C
'in
o y
'ej
C
"3 o
c
aen
S 0 .2 Q.
0
2 'ej
çu 3
o >
C O
>
W
O
11 s a.
o
3
C
O
i C
*-»

<
3 —
eu en
eu
-a
GO U eu
< o
— T3 eu
U -*-* J=
en C eu
eu C
_ed c •d "S
F cd
z .2 12 eu ;çu
•a u o
_
3
<u
i a.
< c 6 1 Ç u ■a § Q. le
o s S tu
su •a « c 4* ■eu
eu c .S O
c
a cO S eo y3 S .2 M a> 3
Z en o *-» cd
>
2 <« 2 c | 3
i1 Su * J
c -eu
a ■see
— 'S
> eu
ed
3
9* c
R o
H —
o
il ■a
-a o
o 8 Së < ej Q
■3 T3
*
eu
eu
a
■a
eu
cd CM
u en C
C
eo C eu
^-»
u *** -^ o O
C eu
tu C td 'S 3
§ 'wî
eu
C- eu

I S en O
■a
>
C/3

2
so
S
o
-2-£ 1O
eu
"o
cd

53
eu
en
-<U
T3
c
o
-eu
S
u en
6 1 > ~S
w u
o
•Î5 3
o •3
I
'ÏS ~3
IS
5
S CO ■è'B
cd S3
■♦-»

c J ES
■eu a
c
■9,
Ë
3
o
U 3 S
£ .s S
eu '■S
e O
C
■eu
•eu
e 3
J=

E c
CU
eu
JS

eu
I
■■
3
(U T
cd ■ c/l U ed +-> e>
•t-» £* eu eu JS 3 C
c C
a 3. H
CD .■g S 1^ u
eu
eu
H tyj
BS 1-1 D 3 'Ô 3 s cd
Q en C
w o
CQ
-J
3
eu
*-»
1) c
to
e/l
C
eu
■eu
E en
eu
O
E
Ia
1
G a. C* -eu M
X o O eâ « D. cd T3
o
1c
1) X l
"3 o
eu
cd
u.
ss
C S"
1 çu
JJ a.
cd ' r j
o .S
o
>
en en
3

GO
6
O
il O
U o. O
c
5 Q.
■cg
■a
eu
•a
C
eu
C
Q.
en
eu
eu
O
D. i- 3
JZS ed
c ■0
D.
o en C
1 i eu
'5b *« ■cd eu
O
o en W5
eu E
CJ ■ ^
en
'§ 3 eu
o en '-— 3
■o C 3
O
-i
tn
Eu
eu
S u
§ '5 ej O fi H en
GO
a •C "S
en
cd C c
o
JC
a cd u w eu S a.
tu
e)
en «
•a T3 . 2
•a E eu e£ O
.S -o .5 tf c S x S a
C3

o « '5 eu u
^
t/5 CO O
en
j/i
fll u
•2 i a.
9 ta S
u
|
'S o
en m
E
-a
eu
S)
en
eu I
2Q cr
C 3 en
eu o-
3 m 8 « .*
Dû -a -o uU
en CQ - a U 3
en
O
eu -ed
wm
eu en -*- ■S

3
4>
u
"5 3
<N
3
3

ed
a-
C
_çd
3 eu
I
I
J
°o
■cd
c5 u ^
.5 <!
.2 v .2 s _:
1E "^
!2 JS
O
■ <
£
*-• eu
eu
1) "ô3 en
o o. ■ - eu e2'^
o ■a • — eu **-" tu
en
■4) ;- O — —
C
V Ut ~ï C
D. O S g g o en cd

(/J OU Pu. eu Q
O U o< 2 ,o
O H b
78

Ces différentes conceptions mettent en évidence différentes approches pour expliquer les
phases de développement chez l'humain. Piaget décrit les étapes de développement humain
en fonction de son évolution intellectuelle. L'enfant considère son environnement en utili-
sant ses facultés intellectuelles de façon de plus en plus efficace entre 0 et 20 ans.
Maslow et Erikson utilisent une approche psychosociale. Maslow explique le développe-
ment humain en mettant en perspective l'évolution des besoins en fonction de l'évolution
sociale plutôt qu'en fonction de l'âge. Pour sa part, Erikson définit l'évolution de l'humain
sous l'angle développemental. Il situe l'individu en fonction d'une dialectique opposant ce
qu'il considère comme les phases identitaires de la personne.
Kohlberg utilise le dilemme moral pour situer les stades de développement chez l'humain.
Selon lui, l'évolution d'un individu passe par la façon dont il identifie et agit'en fonction de
ses valeurs morales, allant de l'intérêt personnel à une éthique sociale et humaine confir-
mée. Pour Greenspan, le développement humain repose sur l'environnement affectif. Il
établit les bases d'une évolution humaine en fonction des caractéristiques affectives de
l'environnement social.
Finalement Kegan et Loevinger mettent en perspective les phases de développement des
processus mentaux. Ils évaluent les phases de développement en fonction de la capacité de
l'individu à prendre conscience de son environnement et à y adapter son mode relationnel à
chaque phase de son développement.
Nous observons de plus que chaque prise de conscience a un potentiel de conscientisation
d'elle-même à chaque niveau. Pour chaque phase du développement humain, les chercheurs
y ont identifié des apprentissages et des caractéristiques émergentes.
Les informations scientifiques nous permettent de décrire la conscience en fonction de ses
différentes formes et niveaux, ce qui nous guidera vers une conception de la métaconscien-
ce.
79

3.3. LA CONSCIENCE

l e problème le plus important dans les sciences'biologiques


est un problème que bien des savants, jusqu 'à une date récente.
ne jugeaient absolument pas dijiiie d'intérêt pour la recherche
scientifique ( ' 'est le suivant comment exactement les processus
neurobiologiipies du cerveau causent-ils la conscience'.'
John Searle

La conscience préoccupe depuis des siècles les gourous, les moines, les croyants et les phi-
losophes, depuis un peu plus d'un siècle, les psychologues, les psychanalystes et les psy-
chiatres, et, depuis près d'un demi-siècle, les neuroscientifiques.
Les moines tibétains abordent la conscience sous différents angles (Thich, 2006). Ils la dé-
finissent comme un processus à trois dimensions : observatrice, égotique et conceptuelle.
Ils lui attribuent trois niveaux distincts : perception directe, perception deductive et percep-
tion erronée. Ils identifient six consciences : une pour chaque sens et le mental. Cela de-
vient un peu large comme concept pour illustrer un phénomène qui demande d'être bien
compris tant au plan de son potentiel que de son fonctionnement pour l'utiliser de façon
efficace et pour expliquer le développement humain.
Selon le Larousse :
la conscience est le sentiment que chacun a de son existence et de ses actes. - On la qualifie de
conscience de soi. - La notion de conscience morale réfère au sentiment intérieur correspondant
aux jugements de valeurs entre le bien et le mal. Avoir bonne ou mauvaise conscience, se re-
procher ou pas quelque chose qu'on a fait ou pas fait.

Ce phénomène réfère à la responsabilisation morale : se sentir ou ne pas se sentir responsa-


ble d'une situation. La conscience se développe ainsi avec la mémoire et le retour sur soi-
même, à partir des réactions physiologiques provoquées par l'amygdale et l'hippocampe
comme nous le mentionnions plus tôt. Voyons maintenant ce que la science en dit.
3.3.1.Les positions scientifiques

L'étude de la conscience, que ce soit par le biais de la philosophie, de la psychologie ou des


neurosciences, demeure, au dire des plus éminents scientifiques, extrêmement complexe.
L'évolution remarquable des théories liées au développement du cerveau et au développe-
ment humain permettent cependant de mieux expliquer le fonctionnement de la conscience.

191
« Conscience », Petit Larousse en couleurs. Dictionnaire encyclopédique. (1991) Paris : Éditions Larous-
se, page 256.
80

Les avancées issues des neurosciences mettent en lumière une multitude de facettes du po-
tentiel du cerveau. Cette science moderne, à partir des questions et des conclusions de la
philosophie et de la psychologie, offre une perspective d'étude des plus enrichissantes,
permettant de corroborer le lien entre le fonctionnement du cerveau et l'émergence de la
conscience. Cependant, les distorsions de langage demeurent. En effet, le mot « conscien-
ce » ou en anglais « consciousness », continue de semer l'ambiguïté quant aux méthodes
d'étude utilisées. Selon Crick (1994),
Since the problem of consciousness is such a central one, and since consciousness appears so
mysterious, one might have expected that psychologists and neuroscientists would now direct
major efforts toward understanding. This, however, is far from being the case. The majority of
modern psychologists omit any mention of the problem, although much of what they study en-
ters into consciousness. Most modern neuroscientists ignore it.192

Pour Dennett (1993), la confusion est tout aussi présente. Il fait d'ailleurs l'éloge de cette
ambiguïté :
Mais avec la conscience, nous sommes toujours terriblement embourbés. La question de la na-
ture de la conscience est aujourd'hui le seul sujet qui laisse souvent perplexes et muets les pen-
seurs les plus subtils. Et, comme pour tous les autres mystères antérieurs, beaucoup soutiennent
- espèrent - qu'on ne pourra jamais démystifier la conscience. Après tout, les mystères sont ex-
citants et contribuent à rendre la vie amusante. I93

Damasio (1999) reconnaît lui aussi le vide scientifique quant à la nature de la conscience :
« Il n'y a pas eu accord chez ceux qui étudient le problème de la conscience, .... »194 Plus
loin, à l'instar d'Edelman (2000) cité plus haut, il aborde la conscience comme un phéno-
mène individuel à partir duquel chacun se situe en rapport avec sa propre perspective :
La conscience est le terme général chapeautant les phénomènes mentaux qui permettent cette
étrange confection au terme de laquelle vous êtes celui qui observe ou qui connaît des choses
observées, où vous êtes le propriétaire des pensées formées selon votre perspective, où vous
êtes l'acteur potentiel de la scène. La conscience fait partie de votre processus mental, elle ne
lui est pas extérieure.195

Afin de parvenir à une représentation dont les connaissances seront aisément transférables
pédagogiquement, nous utiliserons une approche unifiant les conclusions des trois discipli-
nes. Nous considérerons les principales idées issues des courants philosophiques, psycho-
logiques et neuroscientifiques concernant la conscience. Nous anticipons, ce faisant, mettre

192
Crick, F. (1994). The Astonishing Hypothesis, op. cit., page 13.
193
Dennett, C. D. (1993). La conscience expliquée, op. cit., page 36.
194
Damasio, A. R. (1999). Le sentiment même de soi, op. cit., page 43.
Pour une description plus précise sur les indications linguistiques associées au mot conscience, se référer au
même ouvrage aux pages 295-299.
195
Ibidem, p. 168.
81

en lumière des synthèses reliant les idées phares liées à ce phénomène. Nous serons ainsi en
mesure de relier les principes de fonctionnement du cerveau en lien avec l'émergence de la
conscience consciente d'elle-même et des apprentissages émergents.
... these are things like understanding how the brain coordinates sensory information to control
behavior or how we're able to verbalize what we're feeling ... on one hand you have neurons;
on the other, memories and feelings and inspiration, appearing one after the other in rapid suc-
cession in your mind. The two have to be connected.1

La question fondamentale provient de différentes sources : où prend naissance la conscien-


ce? II est de fait difficile de proposer une définition cohérente d'un concept dont l'origine
semble si ambiguë. En philosophie, c'est au XVII siècle que Locke utilise le terme
« conciousness », traduit plus tard par Pierre Coste (1742) par « conscience » en référant à
la reconnaissance de soi par sa propre existence; donc, un processus phénoménologique. En
psychologie, la conscience devient un sujet d'étude au XVIIIe siècle. Trotter et McConnell
(1980) ont retracé les grandes étapes des avancements scientifiques : « Ces premiers psy-
chologues ont laissé les notions spirituelles à la religion et se sont mis à rechercher des fa-
çons plus concrètes et mesurables d'expliquer les actions humaines. »197 La notion de cons-
cience a ainsi émergé des expériences avec des personnes décrivant l'intensité des réactions
lors de contacts avec différents stimuli : « C'est ainsi que la notion de conscience a fait son
apparition en psychologie, et avec elle, les notions d'esprit et d'activité mentale. »198
Selon certains scientifiques reconnus pour leurs avancées fondamentales sur la conscience,
celle-ci s'analyse par introspection. Edelman (2000) souligne, entre autres, la position de
Sherrington et James (reconnu, d'abord comme philosophe avant d'écrire le traité de psy-
chologie), lesquels ont fait état du caractère privé et phénoménologique de la conscience :
Ils se référaient à un moi individuel, doté de souvenirs épisodiques et autobiographiques, ainsi
que d'une notion du passé et de l'avenir. (...) Il nous est presque impossible, en tant qu'êtres
humains, d'en revenir à un état de conscience qui serait libéré du moi ou même de parvenir à le
contempler.199
Dans une entrevue accordée à Nicolas Journet200, Searle (2003) abonde dans le même sens :

196
Ingram, J. (2005). Theater of the Mind. Toronto : Harper Collins Publishers Ltée, page 52.
197 .
Trotter, R. J. et McConnell, J. V. (1980). Psychologie, science de l'homme, traduit de l'anglais par Annie
Chauveau-Dupin, Charles-Henri et Rachel Farley et Louise Villeneuve. Montréal: Les Éditions HRW Ltée,
page 12.
198
Ibidem..
199
Edelman G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 39.
200
Searle, J. R. (2003). « La conscience et le vivant ». Le cerveau et la pensée. Auxerre Cedex : Éditions
Sciences humaines, page 185.
82

« ..., même si la conscience reste un phénomène unique dans le monde du vivant : elle
n'existe qu'à titre d'expérience personnelle ». S'il en est ainsi, la conscience du phénomène
de notre propre conscience peut être considérée comme un processus phénoménologique, et
elle a un rôle clé dans l'apprentissage et l'éducation.
En effet, l'évolution des courants psychologiques nous amène à concevoir le rôle essentiel
de la conscience dans l'activité d'apprentissage. Ce constat est mis en évidence par Gibbs
(1981), cité par Noël (1997) : « L'étudiant doit devenir plus conscient de son apprentissage.
(...) Plus que tout autre chose, c'est l'encouragement à une réflexion de l'étudiant à propos
de son étude qui est la pierre angulaire de son développement. »201 Afin de concevoir la
possibilité d'être conscient qu 'il est conscient qu 'il apprend, nous devons aborder la ques-
tion à un niveau « meta ». Nous y reviendrons.
Le tableau 22 illustre l'évolution des courants psychologiques se rapportant à l'étude de la
conscience du début du siècle jusqu'à la fin des années 1970.

201
Noël, B. (1997). «La métacognition l'art d'évaluer ses performances » Dans Le cerveau et la pensée.
(2003). Coordonné par Jean-François Dortier. Auxerres Cedex : Éditions Sciences humaines,, page 339.
<u
— eu ë 3
■y.

S o
3

■a E E
S
D
-3
C
PSM
o-
c 3
m .2 JS c Û tn u
"3 C 0
se .1­8 « u « C cd SL

il
y d <U
CU co
O
| S eu
« S £ O
"O c
■x 00 u
c« T3
u « -eu a ~.j
u c
X c * Ul OU T3 O
C
fi û_ a E J —1% o -r:
eu rfî (O
y c
0.
o ■
C i « c
3 c c -J to O
eu £ r u
u c u o o •2 S
a. u
S£ .§ I c
eu
s eu H o cet Ë
g. •s -
S 3
S* co
— Où S -o
C tu
o E «I D. O
«s 3
S 22 •° 3 Ç o c "5
1
e s u .S O
eu eu O CU -es 5 -S
S3
c
-A 9 .s U
~8 D -ë 8
CU —
■U c
CU co
C
u s!
S s: o
Q
C
O
C 3 ca 3 *J
u •«
u SS
S eu
ej -u
­tu —
■f g 'C52 §
.2 2 *> §
tS)

II
CO tO
C S '§ g 8-
«u
c 511 8 C
D.
U .3
■J
CU 5
es a
to
r-
3
~ SI P s
Q . co
<U C

o
9 x S E ë 8 C
U~
eo
3 S 8
■3 .s S cd ' U j Ë S-S
b -J E
efl —'
U tu
U eo J -a
o» c
U X
o 5 71 £ C
-c a
eu co
u tuî J S ^ ÇO
E y
SS cd «

, 3 4>
E
M
-J
a
> T3u
^ J
8 3
J ex
v) tu
U
O "
is
J 3 to T3
O Ë
ej
c eu
B- o - « e>
2 P > c u
eu
— ?» ""!
3 U ej
O T3 •a « g eL
II
3 £
S B -O S •Si eu
u 0 ■S JJ M eu E ej ^ >
a E F>
. . Q.

I ë ­u & 13
a
tu
Q. S"
u
i\ g.- | o S
£H
S eu
u. •s >
O û- 2 3 B fil — a.
S 8 CU eo
w C
■Soi

CU
8

u
U
73
JL"S.
cd eu
u

«
-eu

*59
eu

«9
•C
C f O
eo ^-
3
**
eo
c
tu
■c u
CU 0 0
eo to
is
'S i i■° °­ S
l .2

&
U "M

I
U C co3
c
eu
S
C
u
U
"I eu eu
la
tu
te!
cg o'U
00 to
§ a. u p u n. ic .Sç c c E tu O U
o § E« H c C S 'G s ^ 00 C

U E
^
o
!G -eu eu U aed
co

il c
O
_
3
c o g
U t2 Ë
S <S
W û_
"3
J3 > 13

il
3
U
c
o -a u l |
c .
CO 3 Je O tu
> a bu iS «
* ci:
C
O
1*
Cu
3 oo
-o
3
c
00 <g •^
— u
eu = :
eu

tu E
§ I 00
00
o § eu
■O
-i >
e/5 5: s =c a
S eè %
is
cU
eu «U
g-" 3
il
eu eu
O " eu ­eu 3
O -r-J . t tu
eu —
•x -J
c J=
—■ o
S5 2J2 (N
S Ceî
CCI
84

Nous constatons que l'évolution de l'étude de la conscience met en perspective différents


niveaux d'implications du sujet et de l'observateur. Cette dualité des deux approches sera
abordée avec les concepts de la phénoménologie et de Y empowerment présentés au chapitre
sur l'apprentissage.
Au cours des dernières années, l'avènement des neurosciences a permis de corroborer le
lien étroit entre le cerveau, le corps, les processus mentaux et la conscience. De fait, les
neurosciences font partie des sciences cognitives, reconnues depuis les trente dernières an-
nées comme un carrefour des nouvelles sciences de l'esprit203 Les sciences dites « cogniti-
ves » regroupent un ensemble de sciences liées aux «états mentaux », « représentations » et
« stratégies mentales ». Ces sciences en sont venues à considérer la conscience comme un
« thème d'étude privilégié » ».204
L'ensemble des scientifiques semble acquiescer à cette corrélation entre sciences cognitives
et conscience. Nous sommes donc en mesure d'explorer les grands paramètres du fonction-
nement de la conscience, et comment il est possible d'être conscient de sa conscience et de
l'apprentissage émergent; donc, d'accéder au métaprocessus de la conscience. Il en sera
davantage question alors que nous établirons les paramètres constituants de la métacons-
cience dans un processus d'apprentissage. Nous abordons d'abord les paramètres du fonc-
tionnement de la conscience quant aux différents stades du développement humain. Les
constats émergents seront utiles pour mieux saisir l'importance de respecter le caractère
phénoménologique de la conscience et du développement de la métaconscience.

3.3.2. Le fonctionnement de la conscience

Dans In Over Our Head, Kegan (2000) a mis l'accent sur les exigences grandissantes de la
vie moderne sur le mental. Pour maîtriser ces nouvelles exigences, l'auteur estime que
seul : «... un changement qualitatif dans la complexité de notre mental »205 pourra y par-
venir. Or, quand Kegan parle d'une transformation qualitative du mental {mind), il entend
par là un changement de niveau de conscience (consciousnesss thresholds). Il ressort, à la
lecture de Kegan, que l'évolution consciente de la conscience est centrale au développe-
ment des êtres humains et à leur capacité de répondre efficacement aux demandes nom-
203
Dortier, J.-F. (2003). « Histoire des sciences cognitives. » Le cerveau et la pensée, op. cit., page 26.
204
Ibidem, page 27.
205
Kegan, R. (2000/ In Over Our Heads (traduction libre), op. cit., page 6.
85

breuses, variées et complexes de la vie postmoderne. En avançant que la conscience est un


fabricant de sens qui évolue constamment, Kegan en fait l'élément central de tout processus
du développement humain206.
Un élément fondamental qui caractérise l'étude de la conscience est le rapport sujet/objet
de l'humain qui évolue selon le stade de développement. Ce rapport place l'individu au
cœur de l'analyse de sa propre évolution et de la conscience de celle-ci.
De plus en plus, il est admis que l'étude de la conscience inclut le sujet comme principal
acteur de l'analyse. Le caractère individuel, personnel, subjectif et conscient du phénomène
de la conscience est de plus admis et considéré par la communauté scientifique. James
(1993) l'illustre avec les propos de Spencer: « Each feeling, as we here define it, is any
portion of consciousness which occupies a place sufficiently large to give it a perceivable
individuality...».207
Il nous apparaît que cette reconnaissance consciente de nos sensations, émotions, senti-
ments et idées impliquant un, deux, ou trois niveaux de conscience, selon les auteurs, impo-
se une perspective de niveau meta.
Cette activité d'actualisation des différents processus mentaux, (conscience de soi, raison,
langage, volonté, mémoire, apprentissage, créativité, autonomie et moralité) par la connais-
sance des caractéristiques, exigences et obstacles de la métaconscience, peut représenter un
outil de développement d'une efficacité remarquable pour une compétence humaine. De
fait, notre représentation du potentiel humain soutient et actualise la vision de James
(1983) : «The Empirical Self of each of us is all that he is tempted to call by the name of
208
me.»
Cette façon de comprendre et d'utiliser ce concept holistique de l'humain renforce cette
relation du sujet avec lui-même dans un exercice de développement personnel. Changeux
(2002) reprend le flambeau du philosophe John Searle, à savoir que la question fondamen-
tale est : «... comment exactement les processus neurobiologiques du cerveau causent-ils la
conscience?»209 D'où le titre de l'ouvrage de Searle : Le mystère de la conscience. Searle
(1997) conclut alors en mettant en lumière la complémentarité des approches subjectives et

206
Sujet abordé au chapitre 4.
07
James, W. (1983). Principles of Psychology. Cambridge : Harvard University Press, page 241.
208
Ibidem, page 279.
209
Changeux, J. P. (2002). L'Homme de vérité, op. cit., page 111.
86

objectives en ce qui concerne l'étude de la conscience.


La description par le sujet de ses expériences est unique et ne peut être fidèlement reprodui-
te par un observateur externe. Dans le même ordre d'idées, il serait illusoire de prétendre à
une description objective d'un phénomène par la personne qui vit la situation sans risque de
biais subjectif :
Ce que je veux dire, en disant que la conscience a une ontologie à la première personne est ce-
ci : les cerveaux biologiques ont une capacité biologique remarquable à produire des expérien-
ces, et ces expériences n'existent que lorsqu'elles sont éprouvées par quelque agent humain ou
animal. Vous ne pouvez pas réduire ces expériences subjectives à la première personne, à des
phénomènes à la troisième personne, pour la même raison que vous ne pouvez réduire les phé-
nomènes à la troisième personne à des expériences subjectives.210

Le fait qu'il y ait différents états de conscience, différents niveaux de conscience et diffé-
rents processus mentaux qui influencent les attitudes et les comportements humains rend
difficile le choix d'un mot qui traduira bien cet objet d'études dont nous cherchons à expli-
citer les différentes caractéristiques.
Les chercheurs semblent d'accord sur certaines observations et conclusions, dont :
• La conscience prend naissance à l'intérieur, par une réaction entre le cerveau et une in-
formation issue d'une sensation, d'une perception, d'une émotion, d'une idée; mais elle
se manifeste à l'extérieur par une réaction, soit une attitude ou un comportement.
. Le phénomène peut être décrit par la personne impliquée, ou par un observateur, lequel se
voit alors lui-même devenir le sujet de sa propre observation. Damasio (2002) explique ce
phénomène en établissant un lien à trois entrées entre :
1/ certaines manifestations externes, par exemple l'éveil, les émotions d'arrière-pi an,
l'attention, les comportements spécifiques; 2/ les manifestations internes correspondantes de
l'être humain qui a ces comportements, telles que ce dernier les rapporte; et 3/ les manifesta-
tions internes que nous autres, en tant qu'observateurs, pouvons vérifier en nous-mêmes lorsque
nous nous trouvons dans des circonstances comparables à celles de l'individu observé.211
. Le phénomène de la conscience induit un processus physiologique permettant de ressentir
un « état d'être » que l'on qualifie d'état de conscience. Plusieurs espèces sont dotées de
cette faculté de conscience sensorielle, c'est-à-dire avoir conscience de capter, avec ses
sens, une information interoceptive ou exteroceptive. Damasio explique bien ce phéno-
mène qu'il relie à la notion d'éveil. De fait, il est question de conscience sensorielle
quand un organisme ressent une sensation ou manifeste une émotion que les humains par-
tagent avec les animaux. Il est important de bien saisir le phénomène de régulation biolo-

210
Searle, J. (1997). Le mystère de la conscience, op. cit., page 220.
211
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 112.
87

gique discuté lors de la description du cerveau et du rôle du néocortex, exclusif à


l'humain.
Comme le souligne Edelman (2004), « Pour autant que nous le sachions, les animaux dotés
d'une conscience primaire n'ont pas de sens du passé, de concept du futur ni du soi qui
puisse se définir socialement et être nommée. ... L'absence de ces fonctions ne signifie
toutefois pas qu'ils n'ont pas de soi, qu'ils n'ont pas d'images dans le présent remémoré et
qu'ils n'ont pas de mémoire à long terme.»212
Damasio (2000, 2001, 2005) est un neuroscientifique reconnu pour avoir réhabilité le rôle
des émotions dans la prise de décision. Il expose de façon très efficace le partenariat cer-
veau-corps et leur implication respective sur le phénomène de la conscience. Il nous fournit
les prémisses essentielles à la compréhension de la tâche du cerveau en fonction des réac-
tions du corps et du mental. Ces explications nous semblent incontournables pour bien il-
lustrer notre conception de la métaconscience et son fonctionnement.
Comme nous l'avons expliqué plus tôt, le cerveau capte les informations internes et exter-
nes par les impulsions biologiques et renvoie aux différentes parties du corps les réponses
physiologiques conséquentes. Damasio (2001) résume de la façon suivante ce processus :
« En résumé, les représentations que votre cerveau élabore pour décrire une situation, et les
mouvements que vous exécutez en réponse à cette situation, dépendent d'interactions
corps-cerveau réciproques. »21
Basé sur les mêmes fondements, Edelman (2000), lui-même ayant établi son argumentation
sur les travaux de Darwin avec la théorie du darwinisme neuronal, parvient à illustrer à sa
façon une dynamique du fonctionnement de la conscience.
Sa première conclusion étant que l'expérience consciente est liée à la formation de cartes
neuronales situées dans les différentes régions du cerveau et peut varier selon les expérien-
ces :
Cette théorie [le darwinisme neuronal] reprend ces principes de sélection et les applique au cer-
veau tel qu'il fonctionne. Ses piliers sont : (1) la formation pendant le développement du cer-
veau d'un répertoire primaire de groupes neuronaux extrêmement variables qui contribuent à la
neuroanatomie (sélection développementale), (2) la formation sous l'effet de l'expérience d'un
répertoire secondaire de circuits neuronaux facilités, lesquels résultent de la force des
connexions ou synapses (sélection expérimentale), et (3) un processus de signalisation réentran-
te dans les connexions réciproques tissées entre et au sein des groupes neuronaux dispersés pour

212
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 121.
Damasio, A. (2001). L erreur de Descartes, op. cit., page 308.
88

assurer la corrélation spatiotemporelle des événements neuronaux sélectionnés.

L'apport scientifique, aidant à distinguer les différents processus liés au cerveau et de re-
connaître les rôles spécifiques de chacune de ses composantes, permet d'attribuer certains
comportements et attitudes à ces fonctions. Spinoza, cité par Changeux (2002), l'avait par
ailleurs énoncé : « Les hommes jugent les choses suivant la disposition de leur cerveau. »215
Les différentes fonctions humaines sont tributaires de ces processus et des activités menta-
les liées au fonctionnement de la conscience. La majorité des philosophes, psychologues et
neuroscientifiques décrivent la conscience en précisant au moins deux niveaux opération-
nels (Damasio 2000, Edelman 2001); d'autres en distinguent trois et Kegan (1994) en décrit
cinq. Ce dernier précise qu'il entend par ordre de conscience un phénomène évolutif et non
pas une catégorisation : « I use the term 'order' not in the sense of 'sequence' but in the
sens of'dimension'. Each successive principle 'goes meta' on the last; each is: 'at a whole
different order' of consciousness. »216 Ces notions d'évolution et de meta permettent de
mieux différencier la conscience de la métaconscience.

3.3.3.Les états et niveaux de conscience

La conscience, considérée comme phénomène émergeant du cerveau, est maintenant recon-


nue par différentes approches scientifiques. En décrire le processus impose par ailleurs une
segmentation des émergences générées par son fonctionnement. Comme nous le mention-
nions plus haut, déjà avant la fin du 19e siècle, les philosophes, suivis de près par les repré-
sentants de la psychologie, décrivent la conscience comme un phénomène évolutif, dont les
niveaux se distinguent assez clairement.

Après Kant (1724-1804) qui, à l'instar d'Aristote (384-322 av. JC), décrit les trois facultés
de l'esprit par la sensibilité, l'entendement217 et la raison, Fouillée (1838-1921), à la suite
de Bergson (1859-1941) et James (1842-1910), faisait état de trois niveaux de conscience à
l'intérieur de son concept des « Idées-forces » :218

14
Edelman, G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 99.
215
Changeux, J.-P. (2002). L'homme de vérité, op. cit., page 12.
216
Kegan, R. (1994). In Over our Heads, op. cit., page 34.
Nous reprenons l'appellation de l'entendement en faisant référence à l'interprétation qu'en fait Kant : « Fonction de
l'esprit qui consiste à relier les sensations en systèmes cohérents (la raison faisant la synthèse des concepts de
l'entendement). Robert, P. (2007). Le nouveau Petit Robert. Paris : Éditions du Petit Robert, page 884.
218
Fouillée, A. (1921), op. cit., page xv.
89

1- « un discernement quelconque, qui fait que l'être sent ses Changements d'état, et
qui est ainsi le germe de la sensation et de l'intelligence; » (sensibilité)
2- « un bien-être ou malaise quelconque, aussi sourd qu'on voudra, mais qui fait
que l'être n'est pas indifférent à son changement; » (entendement)
3- « une réaction quelconque, qui est le germe de la préférence et du choix, c'est-à-
dire de l'appétition. » (raison)
Depuis, les conceptions relatives au phénomène de la conscience ne cessent d'évoluer.
Nous observons cependant que l'essentiel des observations décrivent une gradation des
niveaux de conscience essentiellement similaire.
La sensibilité, l'entendement et la raison deviennent ainsi la manifestation observée de la
conscience.
Nous pouvons, à partir de ce modèle d'étude, comprendre certains phénomènes liés au pro-
cessus et à l'interprétation que l'on se fait de certaines variations perceptuelles. Par exem-
ple, qu'est-ce qui influence la perception de la luminosité d'une surface peinte? Au début
du 21e siècle, les observations de Bergson exposent le phénomène de la luminosité pour
influencer les manifestations externes de la conscience. En effet, la couleur sur un mur peut
varier en passant du bleu foncé au violet selon l'intensité et la position de l'éclairage de la
pièce. La première activité cérébrale remarque le changement de couleur [sensibilité]. C'est
en effectuant une réflexion plus profonde que l'observateur se demande ce qui cause cette
variation [entendement]. II prend alors conscience du déplacement de la source lumineuse,
puis il fait le lien entre la simultanéité de la variation de l'éclairage et du changement appa-
rent de la couleur [raison]. Le degré d'attention porté à l'éclairage influencera de façon
signifiante la rapidité quant à la variation de la perception : « ... étant donné une certaine
excitation provoquant une certaine sensation, la quantité d'excitation qu'il faut ajouter à la
première pour que la conscience s'aperçoive d'un changement sera dans un rapport cons-
tant avec elle. »219
De même, l'observateur qui entend des pas dans la rue, sans voir le marcheur, enregistre le
son transmis par les pieds. Il se représente alors une série de pas successifs, et imagine une
personne avançant d'un pas régulier. La conscience possède cette faculté de faire des liens
et des différenciations entre des sons successifs, à intensités et intervalles plus ou moins

219
Bergson, H. (2002). Philosophie de l'existence. Paris : Éditions France Loisirs, page 524.
90

réguliers, et à en dégager des perceptions selon les mémoires et les connaissances enregis-
trées. En augmentant le degré d'attention porté au son des pas, l'image se précise.
Bergson définit ce phénomène, par lequel la perception évolue, par les états de conscience.
Il définit deux niveaux de conscience : la conscience de perception et la conscience réflé-
chie. La conscience de perception permet de lier ce que les sens enregistrent et les mémoi-
res, tandis que la conscience réfléchie permet d'anticiper un futur potentiel lié au résultat
émergeant de la conscience de perception. La conscience de perception est innée, alors que
la conscience réfléchie est acquise.
Cette faculté d'associer des idées à un niveau supérieur et de les orienter dans une direction
déterminée induit un métaprocessus dont les caractéristiques permettent de distinguer les
niveaux de maîtrise de sa conscience.
Fouillée (1893) définit ainsi le caractère évolutif et la complexité des états de conscience :
Nous n'admettons aucun état de conscience réellement simple; tout état de conscience est la ré-
sultante d'un ensemble prodigieux d'actions et de réactions entre nous et l'extérieur, et il a pour
corrélatif la totalité des mouvements qui, en un moment donné, s'accomplissent dans le cerveau.
Cette résultante est spécifique, originale en raison même de sa complexité, mais elle n'est pas
pour cela simple à la manière d'un atome indivisible et homogène. Des états de conscience
vraiment simples seraient indiscernables comme les atomes fictifs de la physique, qu'on discer-
ne uniquement par leur position dans l'espace et dans le temps.220

Cette notion de niveaux de conscience est, par ailleurs, défendue par l'ensemble des princi-
paux scientifiques, qu'ils soient philosophes, psychologues ou neuroscientifiques. Ainsi,
comme le mentionne Dennett (1996): « So the conscious mind is not just the place where
the witnessed colors and smells are, and not just the thinking thing. It is where the apprecia-
ting happens. »221 L'appréciation peut également être décrite au deuxième niveau de cons-
cience, Bergson (1888, 2002) la définit de la façon suivante :
La vérité est que le moi, par cela seul qu'il a éprouvé le premier sentiment, a déjà quelque peu
changé quand le second survient : à tous les moments de la délibération, le moi se modifie et
modifie aussi, par conséquent, les deux sentiments qui l'agitent. Ainsi se forme une série dy-
namique d'états qui se répètent, se renforcent les uns les autres, et aboutiront à un acte libre par
une évolution naturelle.222

Le processus d'apprentissage met par ailleurs en perspective cette réalité subtile de


l'activité cérébrale très bien exprimée par Fouillée (1893) il y a plus d'un siècle : « En un
mot, nous n'avons jamais deux fois la même représentation interne, parce que nous ne re-

220
Fouillée, A. (1921), op. cit., page XVIII.
221
Dennett, C. D. (1991). Conciousness Explained, op. cit., page 31.
22
Bergson, H. (2002). Philosophie de l'existence, op. cit., page 577.
91

passons jamais deux fois par le même état total de la conscience, par le même sentier de la
223
vie. »
Kant (1720-1804), Fouillée (1838-1921), James224 (1842-1910) et Bergson (1859-1941) ont
corroboré, chacun à leur façon, le fait des différents états de conscience. Leurs observations
constituent le premier élément conduisant à établir la conscience comme un processus :
« De tous les états que nous présente la vie intérieure, le premier et le plus concret est sans
contredit celui-ci : des états de conscience vont s'avançant, découlant et se succédant sans
trêve en nous. »225 Afin de tirer parti de ses prises de conscience, l'humain doit aborder un
métaprocessus permettant un apprentissage de ses prises de conscience de sa conscience.
Les paradigmes émergents des récentes recherches sur la cognition tendent à démontrer la
pertinence d'utiliser ce métaprocessus phénoménologique dans un contexte d'apprentissage.

3.3.4. Niveaux de conscience et nouvelles sciences

Comme nous le mentionnions plus haut, avec l'avènement des sciences cognitives et plus
particulièrement des neurosciences, Edelman et Tonini (2000) et Damasio (2000, 2001,
2002) ont élaboré des modèles plus complets et plus complexes de la conscience. Nous
abordons leurs travaux dans le but de clarifier l'évolution du processus de la conscience et
de l'apprentissage potentiel par la conscientisation de ce processus.
L'utilisation de l'imagerie par résonance magnétique et d'autres technologies récentes per-
met de démontrer, données comparatives à l'appui, les principes d'apparition et de fonc-
tionnement de la conscience. Les scientifiques utilisent les résultats des tests faits avec des
gens dont certaines fonctions du cerveau sont dysfonctionnelles ou démontrent des signes
de fonctionnement différents du fonctionnement général du cerveau chez l'humain.
Ils comparent les résultats obtenus aux résultats de tests effectués avec des gens dont le
comportement est considéré normal. Ces expériences permettent de mieux isoler la cons-
cience de l'idée, de la morale, de l'éthique et de la pensée. Damasio (2000) explique que :
Cette approche, qui est connue sous le nom de méthode des lésions, nous permet de faire pour
la conscience ce que nous faisons depuis longtemps pour la vision, le langage ou la mémoire :
étudier une dégradation du comportement, la rattacher à une dégradation des états mentaux (la

223
Fouillée, A. (1893), op. cit., page XVIII.
224
Bien qu'il ait conçu le premier dictionnaire de psychologie, James a d'abord exposé ses idées en philoso-
phie. C'est pourquoi nous considérons ainsi sa conception de la conscience en tant que philosophe.
25
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 30.
92

cognition) et rapprocher les deux à une lésion cérébrale focale (une zone de lésion cérébrale cir-
conscrite)...226

Ces méthodes d'analyse et d'observation permettent d'établir des cadres de référence afin
de contourner certaines difficultés liées à l'analyse de la conscience. Damasio (2002) met
en perspective quatre pistes d'études possibles par la voie des données neurologiques et des
neurosciences. La première piste fait état de la possibilité d'étudier la conscience, en partie,
en référant aux régions anatomiques du cerveau : « ... certains aspects des processus inhé-
rents à la conscience peuvent être reliés au fonctionnement de régions et de systèmes céré-
braux spécifiques; ouvrant ainsi la voie à la découverte de l'architecture neuronale sous-
tendant la conscience. »227
Le deuxième point permet de valider les avancées liées à l'étude de différents niveaux de
conscience : « la conscience et l'éveil, ainsi que la conscience et l'attention de faible niveau
228
peuvent être séparées. »
La troisième piste représente une part fondamentale du phénomène de la conscience, à sa-
voir qu'elle est liée de façon non réductible à l'émotion : «... la conscience et l'émotion ne
sont pas séparables. ... lorsque la conscience est détériorée, l'émotion l'est aussi. »229
La quatrième piste permet de constater que chez les humains, le développement de la cons-
cience peut être étudié en parties séparées.
Plus précisément, nous pouvons décrire les trois phases du processus de la façon suivante :
1. Lors du développement du cerveau, il y a formation d'un répertoire primaire de dif-
férents groupes de neurones.
C'est la sélection développementale230 effectuée lors des premiers stades du déve-
loppement d'un individu. C'est-à-dire, lors du stade initiatique du cerveau. Les
premières connexions neuronales sont déterminées en grande partie par les gènes et
l'hérédité. Les groupes de neurones interagissent et forment des sous-groupes spéci-
fiques selon les espèces et les individus.
2. Lors de l'acquisition d'une expérience, un répertoire secondaire de circuits neuro-
naux se forme.

226
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 115.
227
Ibidem, page 29.
228
Ibidem.
Ibidem.
230
Expression tirée de Edelman (2000), page 103.
93

Les frontières des sous-groupes initiaux se transforment ensuite selon les informa-
tions et les expériences. Les sensations senties provoquent de nouvelles connexions
et en défont d'autres, selon leur intensité.
Edelman (2000) définit les sous-groupes neuronaux formés à l'aide des cartes
contenant les informations enregistrées. Par exemple, les cartes du cerveau issues
des informations tactiles reçues par l'utilisation des doigts sont modifiées selon le
nombre de doigts impliqués.
3. Les connexions sont coordonnées et situées selon des perceptions dans l'espace et
dans le temps.
C'est le phénomène nommé « réentrée », un processus dynamique qui permet la synchroni-
sation des mouvements et la coordination spatiotemporelle des événements sensoriels. Il
relie les informations reçues par les sens et enregistrées dans les deux hémisphères du néo-
cortex. La réentrée serait responsable des processus de différenciation, de sélection et de
l'organisation des informations. Cette notion permet, comme le reconnaît Damasio (2002),
d'expliquer les subtilités des sélections et des liaisons neuronales qui influencent les para-
mètres de la pensée consciente.
Damasio (2002) parle ainsi de la conscience noyau et de la conscience étendue : « La cons-
cience n'est pas monolithique, du moins, pas chez les humains : elle peut être séparée en
espèces simples et complexes, et les données neurologiques montrent la séparation dans
toute sa transparence. »231
La conscience noyau est définie comme la conscience du moment présent et du passé im-
médiat. Elle ne concerne pas le futur. C'est le premier niveau de conscience. À ce stade, les
informations sensorielles s'enregistrent, mais demeurent à l'état présent, sans transforma-
tion. Elle est le phénomène de sa propre représentation de soi. Elle est le sentiment qu'a un
individu de son implication dans le processus de sa propre existence et de l'existence
d'autrui :
(...) dans son fonctionnement normal et optimal, la conscience-noyau est le processus qui
consiste à réaliser une configuration neuronale et mentale rassemblant, presque au même ins-
tant, la configuration de l'objet, la configuration de l'organisme et la configuration de la rela-
tion entre les deux.232
Pour sa part, la conscience étendue «... se construit sur les fondements de la conscience

231
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 30.
232
Ibidem, page 251.
94

noyau »233. Elle englobe le passé, le présent et anticipe le futur. Elle induit une sélection
puis une transformation des informations. Elle permet d'intégrer les informations immédia-
tes et de les lier aux connaissances acquises de différentes façons et stockées dans la mé-
moire avec une valeur positive, neutre ou négative.
Les informations ainsi agencées aux différentes parties du cerveau, selon leur nature, se
traduisent de différentes façons, soit en gestes, en expressions, et ultimement chez
l'humain, par le langage. La conscience étendue initie l'intention et les valeurs morales.
La conscience étendue est donc la capacité de connaître immédiatement tout un ensemble
d'entités et d'événements. Autrement dit, la faculté de construire un point de vue individuel, un
sentiment de possession et d'agentivité sur un ensemble de connaissances plus vaste que celui
qui échoit à la conscience-noyau.234

Selon cette définition, la conscience étendue est dépendante de la conscience noyau. En


effet, quand la conscience noyau est endommagée, la conscience étendue ne peut pas fonc-
tionner, faute d'information adéquate. Par ailleurs, un dommage à la partie du cerveau res-
ponsable de la conscience étendue n'affectera pas nécessairement la conscience noyau,
c'est-à-dire que les informations présentes sont enregistrées dans l'instant en cours :
Le fin scalpel de la maladie neurologique révèle que les détériorations de la conscience-étendue
permettent à la conscience-noyau de rester indemne. Par contraste, les détériorations qui com-
mencent au niveau de la conscience-noyau démolissent l'édifice tout entier de la conscience : la
conscience-étendue, elle aussi s'effondre.235

Le concept de la conscience étendue de Damasio, bien qu'il n'expose que deux niveaux de
conscience et non trois, nourrit le concept des hiérarchisations de Kant, Fouillée, Bergson
et James décrit précédemment. En effet, les deux conceptions débouchent sur une dimen-
sion exclusive à l'espèce humaine, la raison, processus mental par lequel émerge la cons-
cience morale : «... il me semble que nous touchons à la source de la conscience morale,
cette fonction spécifiquement humaine. »236. Cette idée aurait par ailleurs sans doute plu à
James (1983) alors qu'il cherchait une meilleure classification, à tout le moins plus précise,
des phénomènes liés aux différents états de conscience :
But, if consciousness corresponds to the fact of rearrangement itself, why, if the rearrangement
stop not, should the consciousness ever cease? And if a lingering rearrangement brings with it
one kind of consciousness, why should not a swift rearrangement bring another kind of con-

233
Ibidem, page 31.
234
Ibidem, page 257.
235
Ibidem, page 31.
236
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 296.
95

sciousness as peculiar as the rearrangement itself?237

Pour leur part, Edelman et Tonini (2000) parlent de conscience primaire et de conscience
secondaire qu'ils recoupent en quatre grandes étapes de l'évolution de la conscience. La
première réfère au niveau de la catégorisation perceptuelle, à la portée de tous les animaux.
Ce sont les signaux perçus par les organes sensoriels : la vue, l'ouïe, la kinesthésie, etc.
En deuxième lieu apparaît la notion de concept. Ils entendent par concept la capacité à dé-
gager des caractéristiques générales et abstraites à un ensemble d'objets ou d'idées. Ils ci-
tent en exemple la perception d'un visage : « des visages différents ont beaucoup de détails
différents, mais le cerveau se débrouille pour reconnaître que tous ont des traits généraux
semblables. »238 Ce niveau de conscience permet la symbolisation.
Les processus trois et quatre sont, pour leur part, liés à la mémoire et à la valeur. Ils permet-
tent de discriminer et de classer, en quelque sorte, les informations selon une échelle
d'appréciation allant de négatif à positif. Cette classification est utile lors de la prise de dé-
cision. C'est l'accumulation des informations classifiées qui donne la valeur à l'expérience
vécue. Ces deux phénomènes sont interreliés dans le fonctionnement de la conscience La
mémoire étant définie comme « une aptitude à répéter ou à supprimer de façon spécifique
un acte mental ou physique »239, elle est influencée par des contraintes de valeurs qui per-
mettent une sélection et une catégorisation des concepts enregistrés. À l'instar de Damasio,
ils amorcent l'idée de l'émergence de la conscience morale à ce niveau.
Searle (2000) a repris pour sa part la prémisse proposée par Edelman (1992, 2000) pour
appuyer le processus de la conscience sensorielle (tableau 23). Il contribue à rendre le mo-
dèle plus pragmatique : « Pour avoir la conscience ..., le cerveau a au moins besoin des
choses suivantes » :240

237
James, W. (1983). Principles of Psychology, op. cit., page 239.
38
Edelman, G. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 128.
239
Ibidem.
Searle, J. (2000). Le Mystère de la conscience, op. cit., page 55.
96

1- Une mémoire active, qui permet une recatégorisation améliorée chaque fois qu'elle est sollicitée. Par
exemple, à la vue d'un lion, un humain réfère à l'image stockée d'un lion. Il se produit alors une « mi-
se à jour ». L'ancienne image fait place à la nouvelle, considérant le contexte, différent ou non. La ca-
tégorie « lion » est ainsi réinventée et reclassée.
2- Un système d'apprentissage, lequel consiste, en utilisant la mémoire active, à améliorer les connais-
sances existantes. Les nouvelles informations sont mises en priorité en fonction du rapport avec
l'information en mémoire et d'un objectif. La nouvelle connaissance est par la suite intégrée dans le
cadre d'un changement apporté à un comportement.
3- Une aptitude de discrimination entre le soi et le non-soi. Il s'agit, pour l'humain, de différencier la
conscience d'avoir soif (état intérieur) et de réaliser, consciemment qu'il y a de belles fleurs autour de
lui, état de conscience provoqué par l'extérieur. La valeur de l'information est reconnue.
4- La formation de concepts constitue une condition majeure pour découvrir les caractéristiques du niveau
de conscience supérieur. Par exemple, voir le lion initie une mise à jour de la notion « lion » dans la
mémoire. Voir le lion et l'entendre rugir à la vue de nourriture, associe le son émis par le lion lorsqu'il
voit ou sent de la nourriture. Le lien entre les informations « le lion manifeste son contentement par tel
type de rugissement quand il voit de la nourriture » devient une compréhension d'un même concept.
5- Le cerveau doit aussi être capable de valoriser les éléments dans les catégories selon les situations vé-
cues. Par exemple, la sensation de la chaleur sur la peau d'un humain peut être perçue comme ré-
confortante. Par conséquent, en situation de froid, l'humain cherchera à se couvrir le corps de vête-
ments chauds pour retrouver cette sensation de chaleur qu'il préfère au froid. Il met en priorité toute si-
tuation procurant de la chaleur plutôt que du froid.
6- Les liens entre les connexions du système mémoriel et des systèmes sensoriels et perceptifs engendrent
le processus de la conscience sur deux niveaux différents.

Tableau 23 : Capacités essentielles du cerveau pour former la conscience selon Searle (2000)

Nous remarquons que les trois premières capacités sont associées aux cerveaux reptilien et
limbique, et que les trois dernières sont essentiellement celles du néocortex, qui actualise
les fonctions des cerveaux reptilien et limbique.
Ces trois axes descriptifs de la conscience mettent en perspective deux niveaux de traite-
ment des informations et des impressions. Il apparaît de plus en plus clairement que la
conscience, telle que nous la concevons, se développe sur des niveaux distincts. Un état de
conscience évolue pour augmenter la valeur de l'état précédent. Il s'agit d'un métaproces-
sus qui permet de dégager des apprentissages de sa conscience en utilisant les processus
mentaux mentionnés : la mémoire, la créativité, les intelligences, etc.
Robert Kegan (1982), pour sa part, a développé dans « The Evolving Self »241 une approche
empirique opérationnelle des personnes comme fabricants de sens. Dans ce livre, il ex-
plore: «... a view of human being as meaning-making and exploring the inner experiences

241
Kegan, R. (1982). The Evolving Self. Cambridge, op. cit.
97

and outer contours of our transformations in consciousness throughout the lifespan.»242 Il y


présente une théorie psychologique constructivo-développementale qui fait ressortir les
différents stades du développement de la conscience, laquelle cherche constamment à
s'adapter et à donner un sens aux exigences changeantes de la réalité. Pour Kegan, le déve-
loppement de l'ego est en fait l'évolution du sens qui se déroule entièrement dans la méta-
conscience.
Cette théorie: «... a theory of the psychological evolution of meaning-systems or ways of
knowing, in short, a theory of the development of consciousness - and using it as an ana-
lytic tool to examine contemporary culture.»243 met en perspective le lien récursif de la dy-
namique expérience-conscience- environnement et la construction du sens. En d'autres
mots, cette théorie de la métaconscience pourrait devenir l'outil par excellence pour analy-
ser et transformer la culture entrepreneuriale. La pensée complexe permet non seulement
d'enrichir le contenu, mais également l'efficacité de la métaconscience dans la gestion de
son monde interne et externe, comme illustré à la figure 14 :

Environnement Transformation de
externe ^- ^^-^ la conscience

Figure 14 : Dynamique de la construction du sens


Voici les principales interprétations des niveaux de conscience et la fonction que les auteurs
leur attribuent. Bien que l'interprétation suggérée par James, Bergson et Fouillée distingue
trois niveaux de conscience, et que celle de Kegan en décrit cinq, nous constatons que leurs
fonctions se regroupent en deux phases. Dans un premier temps, les cerveaux reptilien et
limbique assurent les fonctions perceptuelles et émotionnelles interprétées par la conscien-
ce. Au deuxième niveau, les fonctions liées aux processus mentaux sont assurées par le
néocortex et sont actualisées par la métaconscience. Le tableau 24 présente une synthèse
des différents niveaux de conscience des auteurs que nous avons retenus.

242
Kegan, R. (1994). In Over Our Heads, op. cit., page 1.
243
Ibidem, page 6.
■ 1 CA eu
cd C
« Sa
L- 1 Tu3 eu 0

§
.1 S —
0 .-.-
s
• -o E
a CA
00 60
CD
e" a
a
c
0
CU

s i §
U T3 •? T3
•• c .. '5 O w s CA

2 2 0 S *-
a 1 ft .S -C « O u 1 8
3- £u
u
■*
B.
.3
"CA
a . J3 ë
h
CU —
cd C
CA
3

'^ —
§ §
O en
CA Ils
8 •S "3 3 (A 3 -3 •£

1 S a 5 U it 3 "Z, cd .-»
H« 8 B>
K

— 09— CA
CA
U 1
u u
CA
seu
CA
3 U

hi
c '0
•0 .. cd
3 U .Z ^î
*-V 'S
60
C
c
o
S
CU
02 ..
fi
I 0.
s
u
•a
cd

E
M
S
cu a.
CA
c
O
-O
c
11
Q. 0)
*S eo 0
en cd
y CA
M u Q u
0 -g B H « •• C w
:ti
ill c
J
o
.3 .2 a -2
s0 s8
i1 -Bs B .£
»
CA
g
3
•g .a • - 0 oo
w 0 « 3
•eu . -

11 ■s s
11
'3
a
0
i ?
u S
5 '«U0
en
0
S S !§ fi -S
■0 a S "« E
II
><u 3

0 -u 2 8
CA
B
U ■OS t
V* ■
O E >eu
« .. O ■Si
ÇA
en
73 «a
u
£ .2
5 W
u

J9 a
CA
•2 2 g
"5
eo 4)
00
cd
CA
CA
CA

'■B
eu
-ed • M
U
■<U
cd
CA
S
C
3 t3
CA «
'ilgg •«E
.a .5 en "O c B. cd 0 CA
.eA
*
CA a >- o u O 3 3
o" a .=
S* « o
u c
E te
T3 "
eu eu
O. CA ■M eu ' O
CA
eu -a
tl-t

.ca — •S °
■3 u
a B
3
g E
E °-
• i a -S ea eu 0 cd 0 u CA WM
tS 2-
BU S 2 t/3 T3 3-1 U •3 U > G Ë CA D.

< c
"S
■■ p eu
* J
B u
O 41 Q.
e b O
o « B '3
■a
H C c
.S o. O 0
u
(A CU
v s (A C

J «u
Q
tu
ca
en
'C
"c3
3
0
a.
u
CU
8
.2
<D
s_
0
'G
cd
CA
B
eu
u 'S '0
u (A 'C
S
O
'-2
c3 .
c
0 c0 *<U
O
■cd
U U " U 0 2 >
1 tu 1 1
U
§ c c ao;lj g E u
'U 1 0 S2 3
-g 3 10 '« | g = S O 0 3 — -0

0 g C S« SS * « --a3 U U c 4>

1
O
S
CA

U
c i
*<o .ST'3 3 c
-

M
g 0 t« 3
■O
B
IJ 1 i B
>> u S .g s s §. .S eu eu
0
a c0 ■«
2 I § 8.5
Q eu £ B. " ° T3 -5 ™ S eu t | SQ |
S 1
flj
b 'ë S « u u
0 . I . 6 «f "O e
CCI
u c 3 <3 — ^ u
c
.ï •• -g 1=0 ^ ï
•3 .. g a § c g-.a -S
S 8 8 S "S b* -3 > fi
w i a: ■s o . a 3 J a
'5
tA
a
0
U
finis
8 E 8 g Î3 ^<
CA ^ i i S g >
c a, o . ' E -s: 'E
4> U 1 U C
. . Wî •--» 01 3 eu •
u •a v\ °" 0
> =
s, Ber gson,

'C u 1- a 8 •*=r«
co
sS S9 S

1
ouille e.

•CU
uc .Oc d ^ eng
S"
b «f
é> s
«
uW
« »-
3 —.. -CU c : *0j
'S t/5
Q. 3 c
b
B S £
CU a" eu U g o
u 45 a* . 23 , cu
= = - 2c .-
S
.2 a C ^ * eu
0 3
.a .2 cr u .4»

<—> CA
O
• « a 2 '3 i S^ —
sis s s
► e
.=
s
CA
B
S ?p
3

U on o. •w e ^ U eu eu eu
ij s H
99

Le tableau 24 permet de constater la démarcation des deux principaux niveaux de conscien-


ce. Au premier niveau, la conscience perçoit, ressent et interprète. Au deuxième niveau, elle
intègre, organise, compare, évalue et agit. Nous devons reconnaître cette distinction entre la
conscience et la métaconscience lorsque nous abordons les concepts liés au développement
humain :
Depuis que j'ai formulé la TSGN [théorie de la sélection des groupes de neurones] en 1978, un
corpus de données de plus en plus abondantes est venu confirmer l'idée que les groupes de neu-
rones connectés par des interactions réentrantes constituent les unités sélectives des cerveaux
r • 244 '
supérieurs.
Les animaux dotés des cerveaux reptilien et limbique manifestent une conscience sensoriel-
le. Ils sont conscients de leur environnement et y réagissent selon leurs schémas
d'interprétation. Le chat capte les signaux de son environnement et agit en conséquence.
Un rat et un oiseau captent des signaux similaires et agissent différemment, selon la repré-
sentation qu'ils en font par rapport à leurs cartes mentales :
Par exemple, nous recevons continuellement les signaux visuels parallèles et multiples d'une
pièce et nous les catégorisons pour en faire des objets stables et cohérents (« chaises », « ta-
bles », etc.). Un chat sait faire de même, mais avec des réponses perceptives et motrices diffé-
rentes (il sauterait sur l'objet que nous appelons table). Et un cafard traiterait le même objet
comme un lieu où se cacher dans l'obscurité qui règne sous la table.245

Le cerveau réagit aux stimuli internes et externes par la sécrétion d'hormones et d'échanges
électriques et chimiques entre les neurotransmetteurs. C'est l'adaptation par homéostasie,
suite de réactions physiologiques automatiques (transpiration, accélération cardiaque, trem-
blement, etc.), qui assurent la survie d'un organisme vivant.
Ce que nous savons maintenant, grâce, entre autres, aux travaux des neuroscientifiques, est
que cette dite adaptation peut constituer en fait une émotion ou un sentiment latent, suscep-
tible de dégénérer en sentiment négatif, donc nocif pour la santé :
... il nous arrive bien souvent, dans telle ou telle situation, de nous rendre compte, de façon tout
à fait soudaine, que nous nous sentons anxieux et mal à l'aise, contents ou apaisés, et il est ma-
nifeste que l'état de sentiment particulier que nous connaissons alors n'a pas commencé au
moment de connaître mais bien plutôt un peu avant. Ni l'état de sentiment ni l'émotion qui y a
conduit n'ont été « dans la conscience », et pourtant, ils se sont déroulés sous forme de proces-
sus biologique.246

Certains événements peuvent aussi provoquer, dans un premier temps, des mécanismes
émotionnels sans que la personne en ait conscience. C'est-à-dire qu'un gestionnaire peut

44
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 61.
245
Ibidem, page 68.
Damasio, A. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 52.
100

déclencher, dans son système neuronal, des émotions négatives ou positives en regard
d'une tâche à effectuer sans en être conscient. C'est le processus de régulation biologique
qui génère la production des hormones responsables des émotions que Damasio (2001,
2002) nomme les émotions d'arrière plan :
... les mécanismes fondamentaux qui sous-tendent l'émotion ne nécessitent pas la conscience,
même s'ils finissent par y avoir recours : on peut être à l'origine des processus en cascade qui
conduisent à une manifestation émotionnelle, sans être conscient de ce qui a pu servir
d'inducteur à l'émotion et encore moins des étapes intermédiaires qui y ont conduit.247

Les conflits mentaux incessants, implicites ou explicites, les efforts physiques prolongés
imposent une régulation biologique dont nous prenons conscience après un certain temps,
lorsque l'émotion devient sentiment. Souvent, c'est un sentiment de malaise, une humeur
maussade, un état de fatigue, entre autres, qui fait prendre conscience à un individu de son
état émotionnel.
Le cerveau enregistre les informations dans la mémoire à long terme et transmet aux cellu-
les l'indication physiologique correspondante au stress en cause. Ces mémoires sont sollici-
tées chaque fois qu'un facteur interne ou externe les sollicite. L'interprétation émergente de
ce processus se fait par le sujet lui-même. Nous constatons ainsi que la métaconscience est
introspective :
• elle peut devenir consciente d'elle-même;
• elle peut se reconnaître, s'évaluer, s'améliorer;
• elle favorise la véritable maîtrise de soi, donc son efficacité;
• elle est en fait le plus vieux moyen de se connaître, à la condition que cela se tra-
duise par l'action, le changement, l'évolution.
La présence du néocortex chez l'humain lui permet d'interpréter les représentations de la
conscience sensorielle, de les évaluer et de les transformer en intentions. Ces intentions se
manifestent par des décisions et des actions par la volonté d'atteindre un but défini (téléo-
logique). C'est le processus métaconscient en action.
Nous dégageons dans la partie suivante les caractéristiques de la métaconscience et nous
mettrons en perspective son mode de fonctionnement. Il sera alors possible de mieux la
définir.

247
Ibidem, page 60.
101

3.4. LA MÉTACONSCIENCE

Aucun problème ne peut être résolu sans changer


le niveau de conscience qui I a engendré.
Albert F.instcin

Il est reconnu que la métaconnaissance se définit comme «toute connaissance sur des
connaissances. »248; la métacognition comme «... un domaine de connaissance particulier,
à savoir nos connaissances à propos de la cognition.... »249; et la métamémoire comme des
« connaissances explicites, verbalisables des individus à propos de la mémoire. »250 Le ter-
me « meta », utilisé comme préfixe, donne à un processus un sens d'analyse de ce proces-
sus par ses propres paradigmes. C'est en ce sens que nous utiliserons ce préfixe afin de se
représenter la « connaissance de sa conscience », ce qui devient la métaconscience. Nous
rejoignons ainsi Delfour et Carlier (2005) qui soutiennent le fait que la reconnaissance de
sa conscience est un phénomène de second ordre, donc meta. Hobson (2007) va dans le
même sens : "Awareness of ourselves implies an awareness of awareness; that is, the con-
scious recognition that we are conscious beings. Awareness of oneself implies meta-
awareness."251
Si cette forme de conscience est 1'ultime processus mental qui intègre les données de tous
les autres processus mentaux pour décider des actions à prendre, le mot choisi doit bien
signifier cette position en surplomb de cette conscience englobante. Or, le préfixe meta en
français indique : « ce qui dépasse et englobe »252 en philosophie et dans les sciences hu-
maines.
En anglais, Hobson parle de méta-awareness : «Awareness of ourselves implies an aware-
ness of awareness; that is, the conscious recognition that we are conscious beings. Aware-
ness of oneself implies meta-awareness.»253 Le préfixe qualifie bien le rôle que joue ce pro-
cessus mental qui est propre aux êtres humains, par l'action du néocortex. Voilà pourquoi
le mot métaconscience s'est imposé de façon évidente pour nommer la réalité que nous
désirons étudier.

48
Doron, R. et Parot, F. (2003). Dictionnaire de psychologie. Paris : Presses universitaires de France.
249
Ibidem.
250
Ibidem.
251
Hobson, A. (2007). States do Consciousness: Normal and Abnormal Variation, dans Zelazo, P. D. et al.
The Cambridge Handbook of Consciousness. New York : Cambridge University Press, page 435.
52
Robert, P. (1996). Le nouveau Petit Robert. Paris : Dictionnaires Le Robert, page 1393.
253
Hobson, A. (2007), op. cit., page 435.
102

Kegan (2000) utilise lui aussi cette interprétation pour illustrer son modèle des ordres de
conscience : «Each successive principle 'goes meta' on the last, each is 'at a whole diffe-
rent order' of consciousness.»254
Le terme métaconscience rejoint donc les trois principales définitions du développement de
la conscience par la philosophie, les neurosciences et la psychologie, et que l'on retrouve
dans les travaux publiés par des chercheurs associés à l'une ou à l'autre de ces disciplines.
Elle se définit par ses caractéristiques, ses exigences de développement et ses obstacles.
Le fait de reconnaître la métaconscience comme un métaprocessus permettant à l'humain
de reconnaître ses processus mentaux en action et en utiliser les émergences pour influen-
cer son développement constitue une définition de l'objet d'analyse. Afin de bien utiliser ce
métaprocessus, il est nécessaire d'en connaître les principales caractéristiques, les exigen-
ces et les obstacles.
3.4.1.Les caractéristiques, exigences et obstacles de la métaconscience

I ne théorie de la conscience exige îles principes d'organisation


pour la catégorisation perceptive et la mémoire de valeur-catégorie.
(iérald M. l'delman

Au cours de notre recherche, la métaconscience nous est donc apparue comme le métapro-
cessus mental le plus complexe, sophistiqué et important dans l'accomplissement des acti-
vités humaines. Nous avons constaté que l'ignorance de ce métaprocessus mental, respon-
sable de la gestion globale de notre être, prive l'humain du plein développement de son
potentiel. Nous avons remarqué que la métaconscience possède des caractéristiques qui
assurent son développement et son actualisation comme processus.
Hobson (2007) définit la conscience par les caractéristiques qu'il base sur les conclusions
de James : « We may discern at least the ten distinct capacities of mind (...). These are the
faculties of the mind that have been investigated by scientific psychologist since their for-
mulation by William James in 1890 ».255 Les dix composantes de la conscience auxquelles
il fait allusion sont l'attention, la perception, la mémoire, l'orientation, la pensée, la narra-
tion, l'émotion, l'instinct, l'intention et la volition. Cet auteur confond des processus men-
taux comme la mémoire, la perception, la pensée et les caractéristiques de la métaconscien-
ce comme l'attention, l'intention et la volition. D'autres auteurs proposent des caractéristi-
254
Kegan, R. (2000). In Over Our Head, op. cit., page 34.
255
Hobson, A. (2007), op. cit., page 437.
103

ques qu'ils attribuent au niveau de la conscience supérieure.


Le tableau 29 illustre les principales caractéristiques selon ces auteurs. James (1999) définit
la métaconscience comme unique, subjective, discriminante, associative, sélective et évolu-
tive256. Edelman (2002 et 2005) poursuit sur cette voie et propose un modèle d'analyse en
définissant huit caractéristiques de la métaconscience : elle est unique, personnelle, subjec-
tive, intentionnelle, attentionnée, changeante, continue et sélective257.
Pour sa part, Damasio (2002) lui attribue la capacité à distinguer et à organiser les informa-
tions reçues, deux caractéristiques contributives à définir l'identité. Bergson258 reconnaît à
la métaconscience la nécessité de la référence au temps en impliquant la mémoire du passé
et l'anticipation du futur dans le but de faire une planification cohérente avec les opportuni-
tés et les contraintes. Cette reconnaissance de durée induit que le temps disponible est limi-
té. La métaconscience permet, et exige, de considérer cette limite lors de la planification;
elle est donc téléologique.
Kegan (2001) et Loevinger (1976) illustrent respectivement que la métaconscience est pro-
cessuelle, consciente d'elle-même et reflexive (autoréférentielle). Limoges et Paul (1981)
expriment ainsi l'idée de Loevinger (1976): «Une des caractéristiques majeures de la
conscience est celle de la réflexivité, l'acte du regard sur soi. Cet acte de réflexivité est, au
début de l'existence de la personne, la capacité de différencier ce qui est le self (le soi) de
ce qui n'est pas le soi (le non-soi.). » De plus, Loevinger (1976) reconnaît, à l'instar de
Erikson, l'identité comme la caractéristique de la conscience integrative, que nous nom-
mons métaconscience. Le tableau 25 regroupe les caractéristiques de la métaconscience
selon ces auteurs.
James Edelman Damasio Bergson Kegan Loevinger
Unique Unique Identité Atemporelle Processuelle Consciente
Subjective Personnelle Identi- Distinctive Planificatrice Autoréférentielle d'elle-même
Evolutive té Intégratrice Téléologique Identité
Discriminante Subjective Organisatrice Reflexive
Associative Intentionnelle Autoréférentielle
Sélective Attentive
Volontaire Changeante
Continue
Sélective
Tableau 25 : Caractéristiques de la métaconscience selon les principaux auteurs

James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 231.


257
Edelman, G. (2004). Op. cit., page 138.
258
http://sereecar.club.fr/textes/Bergson2.html vu le 17 octobre 2007.
104

Certaines caractéristiques identifiées dans le tableau 25 qualifient la métaconscience et sont


non développementales. Le fait qu'elle soit unique et distinctive; personnelle et subjective;
changeante et évolutive est factuel. Ce sont des caractéristiques spécifiques à chaque indi-
vidu. On les reconnaît, mais on n'agit pas en fonction de les influencer. Par sa subjectivité,
la métaconscience est consciente d'elle-même, elle est autoréférentielle. Ces caractéristi-
ques sont essentielles au développement de celles qui ne sont qu'en potentiel et qui sont
donc développementales. Parce qu'elles ne sont qu'en potentiel, l'identité, l'intentionnalité,
la temporalité, la téléologie, l'attention, la sélection, l'organisation, le processus, la volition
et la réflexion, leur développement est tributaire du respect de certaines exigences et mena-
cé par des obstacles à différents niveaux.
Reconnaître ces caractéristiques est essentiel pour assurer l'équilibre psychologique des
gestionnaires en situation de double contrainte à laquelle ils sont exposés. Nous mettrons en
perspective leurs exigences et les obstacles à leur développement, ce qui permettra de ren-
dre plus pragmatique le concept de la métaconscience et d'influencer l'élaboration d'un
éventuel programme de formation.
3.4.1.1. La métaconscience est identitaire

Le seul vécu auquel il ait intimement accès sur le mode direct est le sien,
les autres ne seront jamais qu 'une interprétation basée sur une empathie
Pierre Vermcrseh

Non seulement l'humain se reconnaît en tant que personne, mais il a le potentiel pour agir
et influencer son développement. Lorsqu'on examine les données fournies par les cher-
cheurs dont nous nous inspirons tout au long de cette thèse, nous sommes à même de re-
connaître que, par la complexité même du processus de développement, chaque humain
s'adapte en fonction de ses caractéristiques propres. Il en ressort que, malgré la généralisa-
tion des paramètres du développement humain qui le distingue des autres espèces, chaque
individu est unique en soi. Chaque être humain possède sa propre identité, son « soi », ré-
sultat de sa subjectivité.
Chaque être humain vient au monde avec des caractéristiques en potentiel qui lui sont pro-
pres. Damasio (2001) le spécifie bien : « les circuits innés n'interviennent pas seulement
dans la régulation biologique du corps; ils interviennent aussi dans le développement et le
105

fonctionnement des structures évolutivement modernes du cerveau » . Ces circuits innés


sont en fait issus des gènes de l'individu. Ils constituent les composantes internes du géno-
me en constante relation avec l'environnement et sont responsables du caractère individuel
de la métaconscience. Cette identité se précise et évolue au cours d'une vie. Damasio
(2002) interprète ainsi ce phénomène évolutif :
L'idée que chacun de nous se fait de soi, l'image de soi que nous nous construisons progressi-
vement au physique comme au mental de notre position au sein de la société, repose sur la mé-
moire autobiographique qui se déploie sur des années d'expérience et se trouve constamment
remodelée.

Pour cette raison, les connaissances et les expériences transmises aux enfants, dès leur nais-
sance, doivent leur permettre d'encoder dans leur mémoire des informations qui les valori-
sent en tant qu'humains et leur présenter un monde bienveillant.
Edelman (2004) souligne que l'activité neuronale, aussi complexe et dynamique soit-elle,
n'a aucune valeur qualitative par elle-même. Elle prend son sens par le processus de la
conscience, puisque «... l'activité neuronale, mesurée et comprise par un observateur
"7 ft]

scientifique, n'a aucune des propriétés que nous assignons aux qualia.» Le résultat ne se
limite pas à la superposition observable des qualia : « Une explosion ne ressemble pas à un
explosif. »262
Kolb (1984) va plus loin par la relation qu'il met en évidence entre le concept du dévelop-
pement conscient et l'apprentissage, il illustre l'évolution de la pensée de James :
William James (1890), in his studies on the nature of human consciousness, marveled at the fact
that consciousness is continuous. How is it, he asked, that I awake in the morning with the same
consciousness, the same thoughts, feelings, memories and sense of who I am that I went to
sleep with the night before?263

L'interprétation du moi, accessible par introspection, est tributaire de notre unicité généti-

259
Damasio, A. R. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 157.
260
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 288.
261
Le terme « qualia » n'est pas défini dans les dictionnaires de la langue française, de philosophie ou de
psychologie, ni dans le dictionnaire de la langue anglaise. Ce terme est pourtant abondamment utilisé par
Edelman, Dennett, Churchland, entre autres. Ce terme désigne un processus phénoménologique. Il identifie la
présence d'un phénomène de couleur, d'odeur ou autre sens perçu. L'exemple le plus souvent utilisé est la
perception de la couleur rouge. On perçoit la couleur, c'est rouge. Personne d'autre que le sujet ne perçoit la
même intensité de couleur, ne ressent la même sensation. Il est pratiquement impossible de définir ce qu'est le
rouge comme objet. Il en est de même pour identifier une odeur : on peut la qualifier, l'apprécier, mais cela
demeure une information phénoménologique.
262
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, traduit de l'anglais par Jean-Luc Fidel. Paris : Éditions
Odile Jacob, page 84.
263
Kolb, D. A. (1984). Experiential Learning. New Jersey : Prentice Hall Inc., page 27.
106

que et des expériences vécues dans cette perspective de processus continu. Bien
qu'influencé par l'environnement, le génotype reste unique et individuel. La relation entre
le génotype et l'environnement se déroule sur trois niveaux d'influence, comme illustré au
tableau 26 :
La partie du cerveau ayant des structures préci-
Génome, caractéristiques innées.
ses.
L'activité de l'individu et les circonstances (dans
lesquelles le mot final revient à l'environnement Influence des facteurs de l'environnement.
humain et physique aussi bien qu'au hasard).
Actualisation, par la métaconscience, des caractéristi-
Les tendances à Pauto-organisation émanant de la
ques innées et de l'influence recursive de
pure complexité du système.
l'environnement sur le processus.

Tableau 26 : Évolution de la structure de l'identité, inspiré de Damasio (2002)

Les interactions avec l'environnement influencent donc la perception qu'a un individu de


lui-même aux plans physiologique, philosophique, psychologique et sociologique.
L'interprétation de cet environnement considère les constituants, les sentiments et les émo-
tions ainsi que les réactions de la personne. C'est ce qui est défini dans le Dictionnaire de
psychologie (2003) comme le principe d'individuation :
C'est le résultat des processus qui conduisent l'individu à construire un sentiment d'identité en
exprimant des différences et similitudes entre lui-même et autrui par l'intermédiaire des renfor-
cements positifs et négatifs d'autrui, de la comparaison sociale, et de la distinction sociale
(construction du concept de soi par l'observation d'une différence entre soi et autrui).265

Nous retrouvons cette idée d'individuation dans les propos de Eccles (1997), pour qui le
« soi » est «... une unité d'expérience qui résulte de ce que la mémoire relie entre eux des
états de conscience éprouvés à des moments distincts, répartis sur toute la durée d'une
vie. »266 Kegan (2000) va dans le même sens et ajoute que la distinction de sa propre identi-
té est en relation avec le monde extérieur et résulte de l'évolution de la pensée. Cette per-
ception implique une conception de ses propres modèles mentaux et fait naître des désirs et
des intentions distincts des autres :
Hence, new way of knowing in such disparate domains as the inanimate, the social, and the in-
trospective may all be occasioned by a single transformation of mind. In each case, what is be-
ing demonstrated is the ability to construct a mental set, class, or category to order the things of
one's experience (physical objects, other people, oneself, desires) as property-containing phe-
nomena. 67

1
Inspiré de Damasio, A. R. (2002). L erreur de Descartes. Paris : Éditions Odile Jacob, page 159.
Doron, R. et Parot, F. (2003). Dictionnaire de psychologie. Paris : Éditions Quadrige, page 376.
Eccles, J. C. (1997). Comment la conscience contrôle le cerveau, op. cit., page 34.
267
Kegan, R. (2000). In Over our Head, op. cit., Press, page 21.
107

À cause de cette caractéristique d'identité, le traitement de l'information se fait à la premiè­


re personne : « Du point de vue de l'observation, l'expérience à la première personne n'est
pas décrite sur un mode transférable qui puisse être entièrement traité par un observateur
scientifique à la troisième personne. »268
Elle réfère au caractère subjectif de la personne, de ses besoins, de ses désirs et de ses aspi­
rations. Cette caractéristique est distincte de la conscience de soi, phénomène qui réfère à
un exercice spécifique de la métaconscience impliquant la conception qu'a un individu de
ses propres caractéristiques.
Afin de définir son identité, l'individu doit forcément faire un exercice phénoménologique,
c'est­à­dire s'interpréter lui­même de façon consciente. Edelman (2004) précise
l'importance de considérer d'abord les mécanismes neuronaux afin de démontrer le proces­
sus de l'expérience consciente: « Tout moment d'expérience consciente inclut simultané­
ment des entrées sensorielles, des retombées de l'activité motrice, des images, des émo­
tions, des souvenirs fugitifs, des sensations corporelles et une frange périphérique. » De
ce fait, et par le fait de son individualité, la métaconscience, par sa faculté intégratrice, ex­
prime l'expérience, les émotions, les sentiments et les apprentissages émergents (tableau
27).
Emergences phénoménolo­
Éléments sensitifs Processus internes
giques
Intér oceptifs :
• Faim ^ Volonté
• Soif Pensées Décision
• Désir Intelligences Intention
• Besoin Souvenirs Appréciation
Exté roceptifs : Aspirations >­ Connaissance
» Lumière Imagination Bonheur
>■
• Son Attention Créativité
• Couleur Émotion ' Autonomie
Moralité
• Goût
Action
» Odeur
• Toucher
Tableau 27 : Actualisation des éléments externes perçus
De cette actualisation émergent les qualia que la métaconscience interprète en fonction des
paramètres identitaires définis. Comme le mentionne Edelman (2004), seul l'individu peut
exprimer la valeur et l'intensité de son ressenti : « ... nous disposons déjà amplement de

1
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 84.
'ibidem, page 81.
108

preuves neuroscientifiques montrant pourquoi différentes qualia sont associées à différents


sentiments. ... Nulle description scientifique de ces voies et de leur activité ne peut donner
naissance à une qualia spécifique dans l'esprit du lecteur. »270
La détermination de notre identité évolue tout au long de notre développement. À
l'enfance, nous nous identifions aux membres de notre famille et de notre entourage pro-
che. À l'adolescence, nos repaires identitaires se transposent aux amis et aux membres de la
communauté. C'est à l'âge adulte, lorsque le cerveau atteint son plein développement, que
nous sommes en mesure d'exprimer notre identité de façon de plus en plus autonome et
responsable. Notre identité continue d'évoluer selon les paramètres des environnements
dans lesquels nous évoluons, comme l'indiquent Limoges et Paul (1981) en se basant sur la
théorie élaborée par Loevinger : « Le moi est un processus d'assimilation (...) que stimule
l'interaction avec l'environnement »271. Les valeurs morales auxquelles nous nous identi-
fions peuvent également suivre une évolution semblable. Le tableau 28 illustre les exigen-
ces à respecter et les obstacles à franchir afin de bien cerner son identité.
Caractéristique Exigences Obstacles
•Sélection adéquate des informations. •Facteurs de l'environnement
•Interprétation phénoménologique des projetant une image négative.
processus internes. •Conception scientifique objecti-
•Reconnaissance de la dynamique com- ve.
plexe de la relation avec l'environnement. •Déni de la complexité interactive
Identité
•Un journal de bord pour mieux saisir les avec l'environnement.
facteurs intrinsèques et extrinsèques qui •Temps requis à l'élaboration du
influencent les fondements de nos valeurs journal de bord et à
et de nos décisions qui déterminent notre l'introspection.
identité. •Endoctrinement psychologique.
Tableau 28 : La métaconscience est identitaire

3.4.1.2. La métaconscience est intentionnelle

Pour Brentano (1838-1917), philosophe et psychologue qui a introduit la notion


d'intentionnalité, « La conscience n'est jamais identifiable en tant que telle (comme proces-
sus général ou comme contenu), mais elle est toujours relative à un acte de visée,
d'intention à l'égard d'un objet. »272 Edelman (2004) va dans le même sens et place
l'intentionnalité comme la première propriété informationnelle de la conscience : « la pro-

1
Ibidem, page 85.
Limoges, J. et Paul, D. (1981). Le développement du moi. Longueuil : Les Éditions Intelco inc, page 15.
Doron, R. et Parot, F. (2003), op, cit., page 391.
109

priété en vertu de laquelle la conscience est orientée vers ou porte sur des objets et des états
de choses qui sont d'abord dans le monde ». Il fait cependant une distinction entre inten-
tionnalité et intention. Selon lui : « ... le terme ne se confond pas avec le fait d' « avoir une
intention »- avoir une intention est intentionnel, mais l'« intentionnalité » renvoie à une
gamme plus large d'états de référence »273.
Il précise que les intrants susceptibles de générer une intention proviennent de différents
modes perceptuels, et que toutes les informations reçues ne génèrent pas nécessairement
une intention : « Il est cependant clair que tous les états conscients (l'humeur par exemple)
ne sont pas intentionnels. »274 Nous observons cependant que, bien que l'émotion et
l'humeur ne soient pas intentionnelles, elles influencent la volonté d'agir ou non en fonc-
tion de l'intention. L'impact se joue au plan de la motivation. Nous connaissons des gens
qui expriment plusieurs intentions louables, mais qui devant les efforts à fournir, n'arrivent
pas à agir en cohérence avec leurs intentions. Ne dit-on pas que l'enfer est pavé de bonnes
intentions! Les gens aux prises avec une dépendance à l'alcool, aux médicaments, ou qui
ne peuvent décrocher de leur travail fournissent de bons exemples d'intentions sans volonté
d'action, faute d'émotions positives ou de volonté.
La métaconscience, par son rôle intégrateur, permet de définir l'intention générée par les
entrées d'informations, à partir des états conscients de perception et de mémoire. Elle per-
met d'identifier les émotions émergentes et de faire les liens entre le but et la motivation à
agir, ce qui oriente la volonté, donc l'action. Comme le précise Damasio,
Il me semble que cette intentionnalité généralisée de l'esprit tire son origine dans le fonction-
nement narratif du cerveau. Ce dernier a pour tâche de représenter les états et les structures de
l'organisme; tandis qu'il régule l'organisme conformément à sa fonction, le cerveau forge natu-
rellement des histoires sans paroles sur ce qui arrive à un organisme pris dans un environne-
ment donné.275

Partant du même fondement, Husserl (1859-1938) précise les idées de Brentano : « ... il
existe des variétés spécifiques essentielles de la relation intentionnelle, ou en bref de
l'intention (qui constitue le caractère générique de 1' « acte ») »276. Le tableau 29 illustre les
trois sortes d'intentions primitives277 qui initient le « caractère de l'acte » selon Husserl :

73
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 150.
24
Ibidem.
75
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit, page 245.
76
Husserl cité dans : Husserl et I"intentionnalité : une introduction à la phénoménologie.
http:/7vvww.zulio.orq''iournal/post/2005/10/22/h. vu le 1er août 2008.
277
Ibidem.
110

Résulte du phénomène initié par un ressenti intéroceptif ou extérocep-


L'intention de perception tif générant une intention. Par exemple le fait de ressentir la faim
initie l'intention de manger.
Apparaît par la conscience d'un phénomène abstrait. Par exemple,
l'émergence d'un souvenir (un bon moment avec un ami) peut géné-
L'intention d'imagination rer une intention de poser une action précise liée à ce souvenir (entrer
en contact avec cette personne).
C'est le point départ des analyses logiques. Dirigée vers un idéal à
atteindre. Initie la planification d'une stratégie et implique la volonté.
L'intention de signification
Par exemple, avoir l'intention de régler un conflit dans le but de
poursuivre une relation d'affaires.

Tableau 29 : Adaptation des trois sortes d'intention de Husserl

L'intention est le point de départ de toute action réfléchie. Selon le stade de développement
humain, l'intention se manifeste soit par un comportement et une attitude égocentrés, al-
truistes ou relationnels. À la vue d'un chien, un enfant, un adolescent et un adulte auront
des intentions différentes. L'enfant, pour qui le jeu constitue la majeure partie de ses activi-
tés, aura l'intention déjouer avec le chien. Il agira sans se méfier, son but étant d'avoir du
plaisir. L'adolescent et l'adulte peuvent avoir l'intention de protéger l'enfant, de se protéger
eux-mêmes, de nourrir ou de faire marcher le chien, selon les expériences antérieures avec
ce genre d'animal. Ils poseront les gestes dictés par leur intention et manifesteront une atti-
tude amicale ou méfiante.
La compréhension du rôle de l'intention fait une différence pour le gestionnaire. Par exem-
ple, lors d'une situation conflictuelle, l'intention peut être de nourrir son ego, c'est-à-dire
de maintenir sa position à tout prix dans le but de ne pas être perçu comme un perdant.
L'intention peut aussi être de maintenir la relation à tout prix. Dans ce cas, l'un ou l'autre
aura à abdiquer, au risque d'être perçu comme celui qui avait tort. De ce point de vue, la
façon de traiter les informations en fonction de ses connaissances et expériences fait une
différence.
Il existe un ensemble extrêmement riche de répertoires sélectifs de groupes neuronaux dont les
réponses, par sélection, peuvent se régler sur la richesse infinie des entrées environnementales,
de l'histoire individuelle et de la variation individuelle. Selon cette conception, Pintentionnalité
et la volonté dépendent toutes deux des contextes locaux de l'environnement, du corps et du
cerveau...278

Le code moral, défini selon nos paramètres identitaires, a beaucoup à voir avec l'intention.
C'est la perception de ce qui est bien ou mal qui guide, ou du moins, justifie l'intention.
C'est d'ailleurs ce qui pose souvent problème au gestionnaire. Par exemple, quand il doit
appliquer une procédure de mise à pied, il n'a pas l'intention de nuire aux employés
1
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 136.
Ill

concernés, mais il a l'intention de garder son emploi pour nourrir sa famille.


Cette dualité intentionnelle génère un malaise par rapport à son code moral qui lui dicte
d'aider son prochain (ce qui implique qu'il mette son emploi en péril) et de subvenir aux
besoins de sa famille en préservant son poste dans l'organisation. Le gestionnaire doit choi-
sir l'intention en fonction de la hiérarchie de ses valeurs.
La valeur familiale étant sa priorité, l'intention de subvenir aux besoins de sa famille incite
le gestionnaire à protéger son emploi, donc à effectuer la mise à pied. Par ailleurs, son in-
tention de ne pas nuire aux travailleurs peut l'inciter à demander un budget afin d'aider les
travailleurs à trouver un autre emploi rapidement. Il s'informera alors des possibilités fi-
nancières de l'entreprise, des subventions gouvernementales disponibles, etc., afin de dé-
montrer sa volonté de soutenir les travailleurs mis à pied. Chaque information génère une
émotion négative ou positive, laquelle agira comme agent motivateur et nourrira la volonté
d'agir ou de ne pas agir en fonction de l'intention. Lorsque les informations ont un effet
démotivant, la volonté diminue et l'intention reste lettre morte. Si le gestionnaire ne reçoit
que des fins de non-recevoir, il abdiquera et souhaitera bonne chance à tous, même si cela
le rend triste ou lui procure de la colère. Dans ce contexte, sa volonté de les soutenir dimi-
nuera. Au tableau 30, nous indiquons les exigences et les obstacles pour respecter le carac-
tère intentionnel de la métaconscience :
Caractéristique Exigences Obstacles
•Identifier son échelle de valeurs. •Ambiguïté au plan des valeurs.
•Identifier un objectif clair. •Pas d'objectif clairement défini.
•Identifier les émotions qui nourris- •Trop d'objectifs en même temps.
Intentionnelle
sent la volonté d'agir. •Émotions défavorables à l'action.
•Sélectionner l'information en fonc- •Environnement défavorable à
tion de l'intention. l'action.
Tableau 30 : La métaconscience est intentionnelle

3.4.1.3. La métaconscience est téléologique

La métaconscience est téléologique au sens proposé dans les dictionnaires de psychologie


(2003) et de la philosophie (1964) : « Étude de la finalité. Par exemple, il y a deux maniè-
res de considérer l'histoire humaine : ou bien l'on considère l'ordre des causes, son passé;
ou bien on la considère en fonction de son but; cette dernière considération est « téléologi-
112

que ». »279 Tout comportement consécutif à une réflexion métaconsciente vise une fin anti-
cipée par l'individu : « Considérez la direction de votre esprit à n'importe quel moment :
vous trouverez qu'il s'occupe de ce qui est, mais en vue surtout de ce qui va être. »280 Cette
caractéristique est une conséquence de l'intentionnalité; elle donne un sens à l'action, et
oriente les efforts de la volonté.
Nous avons déjà établi que la conscience agit en fonction de répondre à un stimulus, sans
autre but que de réagir à une sensation, à un souvenir, à un désir. Au niveau de la méta-
conscience, un geste répondant à un stimulus (sensation, émotion, pensée) est posé avec
l'intention d'une finalité. James (1999) le précise bien de la façon suivante : «... la recher-
che volontaire d'un but implique l'activité continue de certains processus cérébraux assez
précis, tout le long d'une suite de pensées. »281
Une personne peut marcher dans la rue, soit pour se rendre à une destination précise, ou
pour faire de l'exercice. La finalité est, dans le premier cas, d'arriver à destination, et dans
le second, de se sentir en meilleure forme physique. Ce qui pousse la personne à agir est
une finalité réfléchie : son action est téléologique, elle poursuit un but. Alors qu'une per-
sonne peut courir parce qu'elle est effrayée par un bruit; elle court parce qu'elle a peur.
Elle veut échapper à un danger, c'est une action réactive. Elle répond à un stimulus.
Les exigences, présentées au tableau 31, sont incontournables afin de respecter l'intention
et d'éviter les distractions et le découragement qui représentent les principaux obstacles à la
réalisation de son intention.
Caractéristiques Exigences Obstacles
Définies sous forme de buts et Trop de buts et d'objectifs
d'objectifs Distractions
Spécifiques Découragement
Mesurables Ampleur de la tâche
Téléologique Atteignables Manque de temps
Réalistes Illusion d'éternité
Temporels Fatigue
Manque de compétence
Tableau 31 : La métaconscience est téléologique

79
Didier, J. (1964). Dictionnaire de la philosophie. Paris : Librairie Larousse, page 296.
80
Putois, O. (2005). La conscience. Paris : Éditions Flammarion, page 214.
281
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 379.
113

3.4.1.4. La métaconscience est sélective

Xul acte n 'a de qualité morale s il n est choisi


parmi plusieurs autres également possibles
William James

Selon James, « La conscience s'intéresse aux divers éléments de son contenu, accueille les
uns et rejette les autres : penser, c'est faire des sélections. »282 II définit jusqu'à sept étapes
de sélection, selon les fonctions humaines impliquées. Ce processus de sélection est néces-
saire du fait que les informations et les choix disponibles sont illimités et que le temps et
l'énergie pour les considérer et les réaliser sont, pour leur part, limités. Nous avons regrou-
pé les étapes proposées par James en trois niveaux en fonction des grandes divisions de
traitement de l'information chez l'humain. Nous avons, dans un premier temps, des impres-
sions captées par les sens, de façon interoceptive ou exteroceptive. Ces impressions font
l'objet d'une première discrimination : « Voici bien l'un des caractères les plus surprenants
de la vie mentale : nous ne percevons que la minime partie des impressions dont nous as-
siège constamment toute notre périphérie sensorielle. »283 Les informations captées sont
ensuite soumises à la mémoire et aux connaissances. À cette étape, le seul critère de dis-
crimination est l'appréciation de l'impression en fonction des désirs, des attentes et des
émotions générées. Ces informations ne sont pas dirigées et peuvent entraîner la personne
dans un tourbillon de pensées dévastatrices ou excentriques.
Au troisième niveau, la métaconscience sélectionne les informations liées à des intérêts, et
les canalise à la réalisation d'objectifs précis et en cohérence avec les buts et les valeurs
établis. Le tableau 32 illustre les trois niveaux de sélection selon la fonction impliquée.

282
James, W. (1999). Précis de Psychologie, op. cit., page 252.
283
Ibidem, page 310.
114

Organes Impressions
Perceptions
Sensations
Mémoires Attentes
Désirs
Émotions
Métaconscience Intérêts
Connaissances et expériences
Buts et objectifs
Valeurs
Tableau 32 : Niveaux de sélection des informations

La sélection devient donc une exigence de l'intention qui a choisi un but obligeant la cons-
cience à discriminer parmi toutes les options possibles pour l'atteindre.
Le tableau 33 indique les exigences et les obstacles à la sélection.
Caractéristique Exigences Obstacles

•Objectifs clairs et bien définis. •Surcharge d'informations.


•Reconnaissance des trois niveaux de •Impression de perdre une
sélection. occasion.
Sélective
•Connaissances préalables liées aux objec- •Manque de connaissances.
tifs. •Multiplicité des choix souvent
•Esprit critique. contradictoires.
Tableau 33 : La métaconscience est sélective

3.4.1.5. La métaconscience est attentive

Quelle que soit I origine de l'attention, don gratuit du génie ou création de la


volonté, c est sa puissance el son application qui Jail les maîtres en tout genre
Williams James

L'attention est la capacité de la métaconscience, qui est volontaire, de concentrer son temps
et son énergie à la réalisation de ses buts. Nous sommes soumis à plusieurs sources de sti-
muli en tout temps. Parce que nous sommes limités en temps et en énergie, nous ne pou-
vons pas accorder notre attention à chacun d'eux. Edelman le mentionne bien :
« L'expérience subjective de riches états intérieurs conscients contraste avec l'incapacité
d'un sujet conscient à mener à bien simultanément plus de trois actes conscients - par
exemple, taper un texte, réciter un poème et répondre à un questionnaire, le tout en même
temps. »285 Pour accorder de l'attention à un objet, il est nécessaire de laisser de côté les
autres. Il s'agit là d'une caractéristique majeure de notre métaconscience.

284
Inspiré de James (1999).
285
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 82.
115

L'attention, à l'instar du cerveau et des autres caractéristiques de la métaconscience, évolue


avec l'âge. Au cours des premières années de vie, l'enfant démontre une attention sélective
spontanée. C'est-à-dire qu'il est captif de toute impression, de façon spontanée et le plus
souvent pour une très courte période de temps, car son attention est vite attirée par une
nouvelle impression. James (1999) mentionne que :
La sensibilité aux attractions immédiates des objets sensibles caractérise l'attention chez les en-
fants et les jeunes gens. (...) Mais dans l'enfance la vie et l'énergie surabondent, et la réflexion
n'a pas encore eu le temps de dresser une échelle de valeurs pour l'appliquer aux impressions
nouvelles et décider si elles méritent ou non de nous attacher. (...) Cette attention automatique
et réflexe fait que l'enfant, selon la remarque d'un écrivain français, s'appartient moins qu'il
n'appartient au premier objet qui le captive; elle est le premier obstacle à vaincre, - obstacle qui
ne sera jamais vaincu chez certaines gens, dont le travail se fera, pour ainsi dire, jusqu'à la fin
de leur vie dans des éclaircies de vagabondage intellectuel. 286
Lorsque le développement de l'enfant atteint le stade de l'adolescence, la prise de cons-
cience de ses valeurs personnelles et de son identité s'amorce. Il commence à prendre le
contrôle de ce qui retient son attention : « En avançant en âge, nous mesurons la valeur des
choses avec le mètre 'd'intérêts solides', comme on dit, et nous savons retenir les unes et
cesser graduellement de répondre aux excitations des autres. »287
L'attention devient de mieux en mieux maîtrisée, et il est possible de la dériver vers un
objet d'intérêt. James (1999) soutient que «... les courants cérébraux peuvent présenter une
systématisation si forte, ou, si l'on veut, leur objet peut nous absorber si profondément, que
non seulement des sensations ordinaires, mais même les douleurs les plus violentes se
voient exclues de la conscience »288.
Diriger ainsi son attention conduit à l'attention volontaire, c'est-à-dire soutenir son atten-
tion sur un objet de façon régulière. Ceci demande un effort métaconscient. James (1999)
affirme que « Un effort d'attention volontaire ne peut durer plus de quelques secondes.
'Soutenir l'attention', c'est la répéter par des efforts successifs qui ramènent à chaque fois
devant l'esprit l'idée qui se dérobe. »289
Cet effort répond aux valeurs et aux objectifs mis en priorité préalablement. Lors d'un
exercice en résolution de problème, les sujets les plus performants semblent, selon Richard
(1995)290, accorder une attention plus soutenue à l'information critique. Ces informations

286
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 315.
287
Ibidem.
288
Ibidem, page 317.
289
Ibidem, page 319.
290
Richard, J.-F. (1998). « Résolution de problèmes stratégies et impasses. » Dans Le cerveau et la pensée.
(2003). Coordonné par Jean-François Dortier. Auxerres Cedex : Éditions Sciences humaines, pages 325-330.
116

sont souvent très subtiles et discrètes. Elles requièrent une attention très focalisée. James
(1999) parle d'effort résolu qu'il décrit comme d'un état de conscience que nous connais-
sons tous :
Nous l'éprouvons dans le domaine des expériences sensibles quand nous voulons saisir une im-
pression extrêmement ténue, qu'il s'agisse d'une impression de la vue, de l'ouïe, du goût, de
l'odorat ou d'une impression de toucher; ou encore quand nous voulons discerner une sensation
noyée dans une masse de sensations semblables; ou enfin quand nous luttons contre l'attraction
d'objets très « excitants » en forçant notre esprit à s'absorber dans la contemplation d'un objet
sans séduction naturelle.29'

L'attention permet donc de cibler la sélection des informations en fonction d'un but et de
valeurs établies en priorité préalablement par la métaconscience. Cette capacité à maintenir
son attention est mise à l'épreuve de façon continue par la quantité d'informations et les
publicités de toutes provenances. Plusieurs de ces informations touchent les émotions et
visent à répondre aux désirs superficiels de l'humain. Lorsque le gestionnaire n'y prend
garde, il devient surchargé de messages, et il éprouve de la difficulté à faire une sélection
efficace centrée sur ses objectifs prioritaires. Voici (tableau 34) les exigences et obstacles
liés à l'attention.
Caractéristique Exigences Obstacles

•Objectifs clairs et bien définis. •Surcharge de stimuli.


•Intérêt, motivation. •Impression de perdre une
Attentive •Connaissances préalables liées aux objec- occasion.
tifs. •Manque d'intérêt.
•Esprit critique. •Stress.
Tableau 34 : La métaconscience est attentive

3.4.1.6. La métaconscience est intégratrice et organisatrice

Par sa structure des plus complexes, le cerveau est doté d'un mode de fonctionnement uni-
que. La métaconscience place les informations intrinsèques et extrinsèques de façon à faire
un tout identifiable et cohérent en fonction des paramètres cognitifs disponibles et de nos
intentions émergeant de nos valeurs et priorités. Selon Kegan (2000), c'est ce qui permet
d'utiliser nos connaissances pour satisfaire aux attentes de performance : «This capacity, by
now familiar, represents a qualitatively more complex system for organizing experience
than the mental operations that create values, beliefs, conviction, generalization, ideals,

James, W. (1999). Précis de psychologie, op., cit., page 318.


117

abstractions, interpersonal loyalty, and intrapersonal states of mind.»292


Selon Changeux, « Les comportements complexes ne peuvent apparaître qu'à partir de ré-
seaux organisés. »293 Le tableau 35 illustre les fonctions organisatrices selon les niveaux
d'organisation cérébrale.
Niveau d'organisation Fonctions associées
De la molécule à la cellule Propagation d'influx nerveux ou libération de neu-
romédiateurs : fonction de communication élémen-
taire.
De la cellule aux circuits élémentaires de neurones Arc réflexe ou programmes d'actions fixes.
Des réseaux de circuits à des réseaux organisés; Codage de concepts et de représentations symboli-
niveau de la raison ques.
Organisation des conduites.
Planification des comportements.
Émergence d'intentions.
Tableau 35 : Fonctions associées au niveau d'organisation de l'information

Edelman parle de noyau dynamique295 pour illustrer cette hiérarchie fonctionnelle du cer-
veau : « Grâce à ces interactions, le noyau dynamique relie la mémoire valeur-catégorie à
l'organisation perceptive. En outre, il sert à connecter les cartes mémorielles et conceptuel-
les les unes aux autres. »296 C'est le principe utilisé par Buzan (2003) pour la conception du
Mind Maping qui consiste à organiser les informations sur un schéma qui permet de faire
les liens logiques entre les informations à traiter.
Cette caractéristique de la métaconscience place les informations perçues de façon à les
utiliser pour atteindre nos objectifs. Elle suppose donc que les buts et les objectifs soient
clairement définis.
Nous exposons dans le tableau 36 les principales exigences et les obstacles susceptibles
d'influencer la capacité de la métaconscience à organiser les informations en cohérence
avec les buts et objectifs.

292
Kegan, R. (2000). In Over our Heads. Cambridge, op. cit., page 185.
293
Changeux, J.-P. (1995). Le cerveau et la complexité. Dans Le cerveau et la pensée. (2003). Coordonné par
Jean-François Dortier. Auxerres Cedex : Éditions Sciences humaines, page 74.
294

295
Inspiré de Changeux (1995).
Edelman définit par noyau dynamique « Ce faisceau fonctionnel, doté de myriades d'interactions réentran-
tes dynamiques, surtout mais pas seulement dans le système thalomocortical... » Edelman, G. M. (2004). Plus
vaste que le ciel, op. cit., page 91.
296
Ibidem.
118

Caractéristique Exigences Obstacles

•Objectifs clairs et bien définis. •Manque de connaissances.


•Sélection adéquate des informations assi- •Objectifs ambigus.
milées. •Manque d'ordre.
Intégratrice et organisa-
•Bonne compréhension du thème. •Manque de logique interne.
trice
•Esprit critique. •Surabondance d'informations.
•Ordre logique du traitement de
l'information
Tableau 36 : La métaconscience est intégratrice et organisatrice

3.4.1.7. La métaconscience est processuelle

Nous savons que l'évolution de l'espèce humaine est le résultat d'un processus impliquant
le cerveau et ses fonctions. Nous soulignons le sens psychologique du terme processus
comme défini dans le Dictionnaire de psychologie : « S'il y désigne, comme dans les autres
champs du savoir, des changements, des transformations, des développements, des évolu-
tions, il s'y attache, sous l'influence de la psychologie cognitive, un sens plus circonscrit
renvoyant à des enchaînements d'opérations internes, mentales, notamment du traitement
de l'information.»297
Chaque être humain vit ce même processus évolutif par le développement de ses fonctions
cérébrales, sensorielles, émotives et mentales. L'appréciation d'un phénomène, la sensation
provoquée par un élément intéroceptif ou extéroceptif est unique au moment de sa prise de
conscience. Le même phénomène à un autre moment provoque une nouvelle prise de cons-
cience, laquelle, bien que pouvant faire référence à la précédente, est différente, ne serait-ce
que du fait de cette référence. James (1999) affirme que la conscience est sans cesse en
évolution. D'un état à l'autre, un développement s'opère : « Je ne veux que mettre l'accent
sur cette vérité qu'un état une fois disparu ne peut jamais revenir identique à ce qu'il
fut. »298 La métaconscience est donc, de par sa nature même, changeante comme l'a noté
Edelman (2004).
Les modèles proposés par Loevinger (1976) et Kegan (2000) démontrent que la métacon-
science est un métaprocessus développemental et systémique : «But the different orders are
developmental then 'mastering the fourth order' is more a matter of a gradual process of
holistic mental growth or transformation - the evolution of conciousness - than of master-

297
Doron, R. et Parot, F. (2003), op. cit., page 567.
1
James, W. (1999). Le précis de psychologie, op. cit., page 233.
119

ing new mental skills.»299 Navel (2007) traduit bien que ce processus est systémique par
cette citation de Morin :
Le cerveau est enfermé dans sa boîte crânienne, et il communique avec l'extérieur que par le
biais des terminaux sensoriels qui reçoivent les stimuli visuels, sonores, olfactifs, tactiles, les
traduisent en un code spécifique, transmettent ces informations codées en diverses régions du
cerveau, qui les traduisent et les transforment en perception. Ainsi toute connaissance, percepti-
ve, idéelle ou théorique, est à la fois une traduction et une reconstruction.300

Cette reconstruction se fait en continu et se traduit par des états subjectifs différenciés et
évolutifs. À l'instar de James (1999), pour qui la conscience est un courant d'états transitifs
et substantifs : « Appelons 'états substantifs' ceux où la pensée s'arrête, et 'états transitifs'
ceux où la pensée vole. »301 Edelman parle pour sa part de l'expérience consciente : « Sur
de courtes périodes de temps, elle peut passer par une multitude d'états intérieurs. »302
D'une transformation à l'autre, l'évolution est traduite par la métaconscience, laquelle défi-
nit les fondements de notre personnalité et de notre identité. Kegan (2000) l'exprime ainsi :
«Our arrival is not a place on a temporal continuum guaranteed by the passage of time. It is
rather a place on an evolutionary continuum made possible by the emergence of a qualita-
tively new order of consciousness.»303 Dans les faits, nous sommes en mesure de faire évo-
luer ou régresser notre métaconscience.
Edelman explique cette caractéristique par la quantité imposante et très rapide de
connexions neuronales au niveau du système thalomocortical, d'une part, et d'autre part,
par le grand nombre d'interactions internes dans ce même système :
Cela définit ce que nous avons appelé un faisceau fonctionnel : la plupart de ses transactions
neurales ont lieu au sein du thalamus et du cortex eux-mêmes, et seules des transactions assez
peu nombreuses se produisent avec d'autres parties du cerveau..., c'est là une propriété impor-
tante qui sert à distinguer les activités neuronales au service de la conscience de celles qui ne le
304

sont pas.
Bien que les systèmes de notre cerveau permettent à notre métaconscience de prendre cons-
cience de sa propre évolution, certains paradigmes et préjugés évoluent plus facilement que
d'autres.
Du fait de la capacité de la métaconscience à identifier des buts, à sélectionner des informa-
tions et à les organiser en cohérence, nous avons une influence sur notre propre dévelop-
299
Kegan, R. (2000). In Over our Heads, op. cit., page 187.
300
Navel, C. (2007), op. cit., page 30.
James, W. (1999). Le précis de psychologie, op. cit., page 240.
302
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 82.
03
Kegan, R. (2000). In Over our Heads. Cambridge : Harvard University Press, page 182.
304
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 91.
120

pement humain. Nous avons dégagé dans le tableau 37 les principales exigences et les obs-
tacles susceptibles d'influencer son caractère processuel.
Caractéristique Exigences Obstacles

•Objectifs clairs et bien définis. •Paradigmes récalcitrants.


•Sélection adéquate des informations assi- •Manque de souplesse intellec-
milées. tuelle.
•Organisation efficace des informations. •Illusion que nos croyances
•Esprit critique. sont immuables.
•Capacité à revoir ses paradigmes. •Objectifs ambigus.
Processuel le •Flexibilité à prendre du recul pour évaluer •Difficulté à se remettre en
la situation et redresser au besoin. question.
•Connaissance des caractéristiques de la •Contraintes sociales.
métaconscience, ses exigences de déve-
loppement et les obstacles à éviter.
•Pratiques pour actualiser les différents
processus mentaux.
Tableau 37 : La métaconscience est processuelle

3.4.1.8. La métaconscience est atemporelle

( V /; est qu avec l'évolution de la conscience d'ordre supérieur.


fondée sur les aptitudes sémantiques qu apparaissent les
concepts explicites du soi. du passé et du Jiilur
.Gérald D. Lldcman

Edelman explique bien l'importance à accorder à la capacité de la métaconscience de se-


quencer les états de conscience et de les considérer dans un espace temps : « Cependant,
nous pouvons faire l'expérience d'une myriade d'états et de scènes conscientes, et les états
conscients se suivent selon un ordre temporel et séquentiel. »305 Le concept du temps peut
prendre plusieurs dimensions. Uttal (1978) reprend la représentation de la discrimination
temporelle proposée par Fraise (1966). Le premier niveau de conscience, par ailleurs, n'a
pas la notion du temps. Le temps disponible et la vitesse à laquelle il s'écoule sont des in-
formations que l'étudiant mettra en perspective lorsqu'il planifiera ses activités hebdoma-
daires en fonction de ses objectifs et de leur mise en priorité. L'étudiant fait donc ses choix
d'activités de façon intentionnelle : «Perhaps this even follows somehow from the fact that
the conscious mind is also supposed to be the source of our intentional actions.»306 Le cer-
veau discrimine les informations en ce qui a trait au temps et à l'espace en vue d'actions

Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 144.
306
Dennett, C. D. (1991). Conciousness Explained, op. cit., page 31.
121

intentionnelles.
Uttal (1978) distingue trois discriminations relatives au temps :
1- La relativité de l'ordre temporel :
L'habileté de la conscience à distinguer, parmi deux événements, lequel s'est produit avant
l'autre. Par exemple, vous entendez un bruit sourd et vous apercevez un objet qui tombe du
deuxième étage. Il est parfois difficile de déterminer avec certitude si vous avez vu l'objet
tomber avant d'entendre le bruit. Vous avez l'impression d'avoir entendu le bruit en pre-
mier, parce que son intensité a eu un impact plus grand au plan de votre perception senso-
rielle. Cependant, considérant que vous avez le souvenir d'avoir vu l'objet tomber, vous
déduisez que vous l'avez certainement vu avant de l'avoir entendu.
2- L'acuité temporelle :
L'habileté de la conscience à faire la distinction séquentielle entre deux stimuli identiques à
l'intérieur d'un même événement. Par exemple, vous entendez un cri de panique en même
temps que le bruit d'une explosion. Vous êtes en mesure de relier le bruit de l'explosion à
l'objet qui a explosé et le cri à une personne.
3- La durée et l'intervalle :
L'habileté à évaluer la durée d'un événement ou le temps écoulé entre deux événements.
C'est cette conception du temps qui permet la planification.
Ces trois habiletés discriminatives jouent un rôle déterminant dans ce que Uttal appelle
«complex temporal pattern recognition»307. Elles représentent les outils de la métacons-
cience pour actualiser ce qu'il est d'usage d'appeler la gestion du temps.
La conscience sensorielle agit de façon spontanée dans le temps présent. Elle réfère au pas-
sé en consultant les mémoires pour qualifier la sensation présente. Quand il s'agit de pren-
dre conscience d'un espace temps, impliquant l'évaluation d'une durée ou d'un intervalle,
la métaconscience entre en action : « Notre perception du temps a donc pour unité une du-
rée située entre deux limites, l'une avant et l'autre arrière; ces durées ne sont pas perçues en
elles-mêmes, mais dans le bloc de durée qu'elles terminent. »308
La métaconscience évalue donc le temps par les intervalles entre deux activités ou deux
événements. Cette caractéristique est essentielle car, par sa nature, elle permet à la méta-
307
Uttal, W. R. (1978), op. cit., page 420.
308
Putois, O. (2005), op. cit., page 234.
122

conscience d'être téléologique. Damasio (2002) confirme que « Dans la conscience-


étendue, le passé et le futur anticipé sont sentis de concert avec le ici et le maintenant, dans
une vision panoramique dont la portée est aussi vaste que celle d'un roman épique. »309
Pour sa part, James (1999) illustre bien le rôle de la métaconscience en regard de la percep-
tion temporelle chez l'humain :
Dans la vie psychique réservée tout entière au cerveau, on retrouve la même distinction entre
les considérations de l'immédiat et celles du lointain. À toutes les époques, l'homme qui subor-
donne son action aux fins les plus éloignées a paru posséder la plus haute intelligence. Nous
avons là un critérium qui nous permet d'apprécier la valeur des hommes, et de les ranger le long
d'une échelle continue, où l'on rencontre successivement, en allant de bas en haut, le vagabond
qui vit d'heure en heure, le bohémien dont la pensée ne dépasse pas le jour présent, le célibatai-
re qui limite ses ambitions à sa vie, le père de famille qui travaille pour la génération suivante,
le patriote qui pense à toute une communauté et à de nombreuses générations, ....3I°

L'être humain situe ses perceptions par des états de conscience. Il interprète les sensations
en situant dans un espace-temps chacune des perceptions, chaque état de conscience. En
deuxième lieu, la conscience métaconscience ordonne et positionne ces états de conscience
dans le temps. Denett (1993) va dans le même sens :
La représentation du temps par le cerveau est ancrée au temps lui-même de deux manières :
l'ordre même du représentant peut fournir les données ou déterminer le contenu, et la raison
même pour laquelle on représente le temps des choses peut être perdue si le représentant ne se
produit pas dans le temps pour faire la différence qu'il est supposé faire.3"

La capacité de faire le lien entre le temps requis et le temps disponible, de déceler et


d'établir une séquence et un ordre dans le temps requis est de l'ordre de la métaconscience.
Damasio (2002) exprime cette capacité de la façon suivante : « Un organisme doté de cons-
cience étendue est capable de planifier des comportements complexes dans l'instant ainsi
que sur de longues périodes- des heures ou des jours, des semaines ou des mois. »312 II pré-
cise :
Ce qui compte pour le cerveau, ce n'est pas nécessairement le moment où des événements indi-
viduels représentants surviennent dans différentes parties du cerveau (...) mais leur contenu
temporel. Autrement dit, ce qui compte, c'est la possibilité pour le cerveau de se mettre à
contrôler des événements.313

Un métaprocessus mental comme la métaconscience peut passer avec la rapidité de l'éclair


d'un passé éloigné à un présent concret, et à un futur quasi infini. Ce métaprocessus a de la

09
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 31.
10
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 167.
3
" Dennett, D. (1993). La conscience expliquée, op. cit., page 193.
12
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 260.
313
Dennett, D. (1993). La conscience expliquée, op. cit., page 190.
123

difficulté à pouvoir ressentir safinitudeet agir en conséquence.


C'est cette capacité de la métaconscience de faire volontairement des allers­retours dans le
temps (passé —► présent —► futur) qui lui donne l'impression d'être atemporelle, donc
immortelle, en quelque sorte. C'est ce qui rend la gestion du temps si difficile puisque la
métaconscience s'imagine éternelle. Il est très difficile pour la métaconscience de se
convaincre elle­même qu'elle est un être fini, limité en temps et en énergie parce tout sem­
ble réalisable sur une ligne de temps non paramétrée. D'où l'importance de bien fixer ses
buts et ses objectifs, et ensuite de bien gérer son temps en conséquence.
La gestion du temps représente une des compétences de gestion les plus difficiles à maîtri­
ser. Par conséquent, elle est la cause de stress et plusieurs gestionnaires en font ce qu'il
convient de nommer un burn­out. Ce terme est emprunté à la langue anglaise, et est recon­
nu par la communauté de la santé en français pour signifier, entre autres, l'état
d'épuisement ressenti lorsque la charge de travail perçue est disproportionnée par rapport
au temps requis pour l'accomplir.
Plusieurs gestionnaires, en vue d'une promotion ou simplement pour garder leur emploi,
acceptent des mandats trop lourds en se disant qu'ils y arriveront en travaillant plus tard
pendant quelques semaines. Or, le temps et l'énergie sont limités.
Le burn out se présente à plusieurs sous la forme d'épuisement majeur, les astreignant à
ralentir leurs activités, voire à un repos complet de deux à dix­huit mois. Le tableau 38 il­
lustre les principales exigences à respecter et les obstacles liés au temps qui peuvent nuire à
la réalisation d'un projet.

Caractéristique Exigences Obstacles


•Objectifs clairs et bien définis. •Impression d'éternité.
•Délais précis et réalistes. •Délais non précisés.
•Plan de travail. •Priorisation inadéquate des
Atemporelle
•Priorisation des objectifs. objectifs.
•Considération de l'énergie disponible •Appât du gain irréaliste.
pour un nombre d'heures données. •Multiplicité des tâches
Tableau 38 : La métaconscience est atemporelle
124

3.4.1.9. La métaconscience est volontaire

La logique n a jamais fait raisonner droitement personne, et la science


morale, si elle existe, n 'a jamais donné à personne une bonne conduite.
William James

On remarque qu'il y a une certaine ambiguïté quant à l'usage du terme volontaire en psy-
chologie : « Les termes volontaire et volonté, qui ont une longue histoire dans la langue
courante et la psychologie du sens commun qu'elle véhicule, restent, pour cette raison, d'un
usage indécis en psychologie scientifique. »314 C'est pourquoi nous estimons d'abord im-
portant de définir ce que nous entendons par cette caractéristique attribuée à la métacons-
cience. D'abord, nous référons à James (1999) :
Tout le monde sait par expérience ce qu'est un désir, un souhait, une volition; à définir ces états
de conscience on ne les rendrait pas plus clairs. Nous désirons sentir, avoir, faire, ce qu'au mo-
ment même nous ne sentons pas, n'avons pas, ne faisons pas. Ajoutez au désir un sentiment de
son accomplissement impossible, et vous avez un souhait, un sentiment de son accomplisse-
ment possible, et vous avez une volition. La volition est effective; nous sentons, nous avons,
nous faisons réellement ce que nous avons vraiment voulu sentir, avoir et faire, soit immédia-
tement après l'avoir voulu, soit quelque temps après, quand il y a quelques mouvements préli-
minaires à accomplir pour atteindre la fin voulue.3I5

James (1999) distingue donc le désir, le souhait et la volonté. Selon lui, le facteur différen-
ciateur réside dans le pouvoir qu'a l'individu sur l'action à entreprendre :
Seule la volonté de « faire » se réalise immédiatement, parce que seuls les mouvements du
corps suivent immédiatement la volition; tandis que toute volonté de « sentir » ou d' « avoir »
nécessite, avant de se réaliser, l'accomplissement de mouvements préliminaires.316

Ce pouvoir de vouloir, selon Damasio, est présent dans les formes de vie les plus primaires,
sans parler de volonté au sens propre. Il reconnaît dans l'acte de reproduction de la vie ce
processus découlant d'un désir de rester en vie et, par la « disposition à l'action », la volon-
té de se reproduire afin de maintenir la vie.
Il soutient que :
Le désir involontaire et inconscient de rester en vie se traduit, dans une simple cellule, par une
opération compliquée qui exige de « sentir » l'état du profil chimique situé à l'intérieur de la
limite, et qui exige une « connaissance inconsciente » et involontaire de ce qu'il faut faire, chi-
miquement parlant, ... Pour le dire en d'autres termes : il exige, pour sentir le déséquilibre,
quelque chose qui n'est pas sans ressembler à la perception; il exige quelque chose qui n'est pas
sans ressembler à la mémoire implicite, sous forme de dispositions à l'action, afin de maintenir
son savoir-faire technique.. ,317

114
Doron, R. et Parot, F. (2003), op. cit., page 754.
315
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 563.
316
Ibidem.
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 181.
125

La cellule ici ne possède pas de néocortex, ni de système nerveux. Le désir - et le pouvoir -


de rester en vie et de la reproduire ne sont donc pas conscients : ils sont tout de même pré-
sents. L'apparition du néocortex permet de rendre conscients ce désir de vivre et la mani-
festation de son pouvoir. Les fonctions du cerveau, par la captation de l'information et le
traitement réflexif qu'il en fait, transforment ce désir inconscient en volonté. Damasio
poursuit :
Mais lorsque les cerveaux font leur apparition, ils concernent toujours la vie, et ils préservent et
étendent leur capacité à sentir l'état interne, à maintenir le savoir-faire dans les dispositions, et à
utiliser ces dispositions pour répondre aux changements dans l'environnement entourant les
cerveaux. Les cerveaux permettent la régulation on ne peut plus effective du désir de vivre, et, à
un certain stade de l'évolution, en le sachant.3'8

C'est donc avec l'apparition du néocortex que le processus réflexif permet d'actualiser les
désirs en volonté, puis en action. James (1999) le précise :
... pour qu'un mouvement soit volontaire, il faut que sa représentation précède son exécution;
cette représentation n'est pas celle de l'innervation qu'il requiert; c'est la représentation antici-
pée de ses propres effets sensibles, tant locaux qu'éloignés, et souvent bien éloignés en effet.
De telles représentations déterminent la nature de nos mouvements.3'9

Ainsi, en se développant de façon adéquate, la métaconscience est en mesure d'assumer ses


responsabilités de façon naturelle et sans effort volontaire. C'est ce que Fouillée a constaté :
« Tout état de conscience est idée en tant qu'enveloppant un discernement quelconque, et il
est force en tant qu'enveloppant une préférence quelconque. Toute force psychique est, en
dernière analyse, un vouloir. »320
La volonté est, de fait, considérée comme ce qui engendre l'action et la maintient. Il peut
s'agir d'un simple geste quasi mécanique destiné à atteindre un but presque inconsciem-
ment. La représentation d'une intention suffit à déclencher un mouvement volontaire. Par
exemple, lorsque nous apercevons une mousse sur notre vêtement, le geste d'y passer la
main pour tenter de la faire disparaître répond immédiatement à la volonté de faire disparaî-
tre cette mousse. Il n'y a pas de délibération. James (1999) a observé que « Sans doute il y
a entre les deux [représentation du mouvement et le mouvement] toutes sortes de processus
neuromusculaires, mais nous les ignorons tout à fait. »321 De même, le musicien joue volon-
tairement sa mélodie, mais il ne délibère pas à chacune de ses notes; l'écrivain et le peintre

318
Ibid, page 182.
319
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 572.
320
Fouillée, A. (1893), op. cit., page 38.
321
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit, page 573.
126

ont en tête l'œuvre qu'ils veulent produire, et les gestes pour ce faire vont de soi. Selon
James (1999), ces gestes sont conscients et volontaires. Ils visent le résultat plutôt que le
geste proprement dit : « Pour se rendre compte de l'acte volontaire, et comprendre qu'il
peut exister sans fiat ni décision expresse, il faut commencer par se bien convaincre que
tout état de conscience tend de lui-même à l'action, est essentiellement impulsif'par natu-
322
re. »
La volonté serait, dans ce sens, le phénomène précédant toute action, peu importe le niveau
d'automatisme de cette action. Il répond à l'intention. On peut observer que la nature même
de la métaconscience, quand elle se développe, consiste à devenir de plus en plus volontai-
re.
Toujours selon James (1999), lorsque l'effort est mis à contribution pour atteindre un but, il
s'agit alors d'une volonté génératrice d'une interaction entre les informations reçues, les
représentations nouvelles et anciennes, les croyances, etc. :
La conduite d'un homme à l'état de veille est ainsi en tout temps la résultante de deux forces
nerveuses antagonistes. Avec une finesse inimaginable, des courants épars dans les cellules et
les fibres du cerveau agissent sur les nerfs moteurs, tandis que d'autres courants, non moins
inimaginablement fins que les premiers, agissent sur eux, secondent ou obstruent leur cours et
modifient par là leur direction ou leur vitesse. La conclusion de tout cela, c'est que les courants,
qui doivent toujours en fin de compte s'échapper par quelques nerfs moteurs, s'échappent tantôt
d'un côté et tantôt d'un autre; tantôt même ils se font mutuellement équilibre et, si longtemps
qu'un observateur superficiel pourrait penser qu'ils ne trouvent aucune voie de sortie.323

Cet acte conscient, de transformation de désir ou d'intention en volonté, rejoint Assagioli


(1987) quand il décrit la volonté, comme étant un processus long et complexe.324 C'est à
cette capacité humaine d'utiliser son pouvoir intérieur de façon consciente à laquelle il fait
référence en présentant la volonté comme un pouvoir intérieur. La volonté est cet attribut
de la métaconscience qui la pousse à satisfaire, par l'action, ses besoins, ses désirs et ses
aspirations dont dépendent son bonheur et la survie de l'organisme dont elle est l'ultime
responsable.
Le Lannou (2003) enrichit cette idée en associant la volonté au consentement pour atteindre
la réalisation effective d'une intention : « La reconduction de la volonté au consentement

322
Ibidem, 511.
323
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 579.
324
Assagioli, R. (1987). Un acte de volonté. Montréal : Le Centre de Psychosynthèse de Montréal inc., page
153.
127

atteindra enfin à sa propre cohérence dans et par la réalisation d'une pleine adhésion.»325
Par ce consentement, cette acceptation, nous retrouvons le concept de la liberté. En ce sens,
Le Lannou indique que « La logique propre de la volonté positive conduit au dépassement
de l'humain. »326 Parce qu'ils nécessitent une réflexion, un choix d'action, les mouvements
volontaires en sont des secondaires de l'organisme. Ils résultent des idées issues du désir ou
d'une impulsion, et de représentations d'une résultante en mémoire. James est clair à ce
sujet : « La première condition de la vie volontaire est donc que l'on ait une provision de
représentations des divers mouvements possibles, ... .»327 II poursuit :
Ainsi donc, tout ce que l'introspection nous découvre dans la conscience, avant l'acte volontai-
re, se réduit à des images anticipatrices des sensations que va produire le mouvement, accom-
pagnées (en certains cas) d'un fiat328, ou consentement à l'actualisation de ces sensations.329

La volonté est donc une manifestation de la liberté de choisir l'action en fonction de diffé-
rents paramètres associés à des représentations existantes.
Bergson, repris par François dans Saltel (2002), propose une représentation de ce phéno-
mène de « gradation de l'intention » avec le phénomène de tension pour illustrer la volon-
té : « Grâce à cette notion de tension, Bergson permet donc de penser une sorte d'échelle
des êtres, dont les différents degrés seraient marqués par autant d'intensités possibles de
volonté. »330 II cite directement Bergson :
La plus ou moins haute tension de la durée [des êtres], qui exprime, au fond, leur plus ou moins
grande intensité de vie, détermine ainsi et la force de concentration de leur perception et le de-
gré de leur liberté à propos de l'évolution créatrice, sur l'identification possible entre vie et vo-
lonté.331

Eccles (1997), pour sa part, reconnaît à la volonté une « structure spatio-temporelle qui lui
permet d'exercer une action effective. »332 Selon Damasio (2001), la volonté représente
« une démarche consistant à choisir en fonction d'un objectif à long terme plutôt qu'en
fonction d'un objectif à court terme.»333 C'est prendre une décision d'action fondée sur un
gain potentiel malgré le sentiment d'un « sacrifice » à court terme. Par exemple, économi-
325
Le Lannou, J.-M. (2003). La volonté. Paris : Éditions KIMÉ, page 104.
326
Ibidem, page 105.
327
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 565.
328
ht flat se définit comme une décision volontaire mettant fin à une délibération. Selon Le Petit Larousse en
couleurs (1991), page 428.
329
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 569.
330
François, A. (2002). « La volonté chez Bergson » dans La volonté. Paris. Saltel, P. : Ellipse Éditions Mar-
keting S. A, page 231.
331
Ibidem.
332 \
' Eccles, J. (1997). Comment la conscience contrôle le cerveau, op. cit., page 35.
333
Damasio, R. A. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 243.
128

ser (se priver du plaisir d'acheter de nouveaux vêtements chaque semaine) dans le but
d'acheter une nouvelle voiture dans deux ans. C'est aussi faire du jogging régulièrement
(malgré les inconvénients et un horaire chargé) afin de maintenir une bonne forme physi-
que, etc.
La décision peut alors générer un malaise dans l'immédiat, mais la perspective d'une satis-
faction plus grande dans un moyen ou long terme permet à l'organisme de pencher pour un
« acte de volonté ». Ce sont nos valeurs et notre considération morale qui guident en ce
sens nos actes volontaires.
James (1999), pour sa part, décrit le phénomène d'intensité volontaire par les différents
niveaux des états de conscience et de prise de décision. Ces états de conscience sont in-
fluencés par les inhibitions naturelles, les pulsions spontanées, les préférences, le sentiment
d'urgence, etc. : « C'est que différents états de conscience sont loin d'avoir un même coef-
ficient d'automatisme; les uns peuvent se trouver en dessous, les autres en dessus du point
de décharge, qui sert ainsi de critérium de leur efficacité pratique. »
Ainsi, l'action volontaire générée par un désir, une intention ou autre est responsabilisante.
Janiaud , dans Saltel (2002), la définit ainsi : « La volonté serait l'apanage de l'homme res-
ponsable, cohérent, capable de s'inscrire non seulement dans la résistance aux épreuves
mais dans un projet positif et exigeant. »335 Cette affirmation induit forcément une capacité
reflexive permettant de comparer les résultats de l'action et ceux de la non-action. Le ta-
bleau 39 illustre les principales exigences à respecter, et les obstacles omniprésents dans
l'exercice de la volonté.

Caractéristique Exigences Obstacles


•Intentions cohérentes à ses valeurs morales. •Croyance en la pensée magi-
•Objectif clair. que
•Discipline. •Manque de discipline.
•Capacité à concentrer ses efforts. •Course du profit à court ter-
•Reconnaissance de la valeur ajoutée du sacri- me.
Volontaire fice du profit à court terme en faveur du long •Contraintes restrictives
terme. d'action.
•Connaissance suffisante liée à l'élément •Obligations limitant la liberté
désiré. d'action.
•Liberté d'action permettant de faire un choix. •Manque de connaissances
liées à l'élément désiré.
Tableau 39 : La métaconscience est volontaire

334
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 587.
1
Saltel, P. (2002), op., cit., page 59. http://fr.wikipedia.org/wiki/Raison
129

3.4.1.10. La métaconscience est reflexive

Le fait que l'on ait défini très tôt l'humain comme un animal raisonnable fait ressortir le
rôle central de la pensée reflexive et critique dans un processus d'humanisation : « La rai-
son est une faculté de l'esprit humain dont la mise en œuvre nous permet de fixer des critè-
res de vérité et d'erreur, de discerner le bien et le mal et de mettre en œuvre des moyens en
vue d'une fin donnée. Cette faculté a donc plusieurs emplois, scientifique, technique et
éthique.»336 Déjà, en l'an -330, Aristote, à l'instar de Platon, distingue la raison comme une
partie distincte de l'âme.
La réflexion constitue en fait la caractéristique qui permet d'orienter les activités mentales,
«... car les processus du raisonnement supposent la réalisation d'opérations telles que :
comparaison des conséquences possibles, classement des résultats par ordre d'importance,
et élaboration de déductions. »
Le caractère réflexif contribue donc au développement et à l'efficacité de la métaconscien-
ce. Cette caractéristique lui permet d'utiliser les différents processus mentaux, et de les
faire interagir dans un but déterminé. Damasio (2002) met bien en évidence le niveau au-
quel réfèrent le processus de l'intelligence et celui de la mémoire par rapport au niveau de
la métaconscience par la réflexion.
La conscience étendue n'est pas l'intelligence. La première donne à l'organisme un accès im-
médiat au plus grand ensemble possible de connaissances tandis que l'intelligence consiste à
pouvoir manipuler le savoir de manière à concevoir et à implémenter de nouvelles réponses.

La conscience étendue ne se confond pas non plus avec la mémoire de travail, bien que cette
dernière joue un rôle important au sein de la conscience étendue. La conscience-noyau fait par-
tie des outils de base d'organismes complexes tels que les nôtres : sa mise en œuvre dépend du
génome ainsi, dans une moindre mesure, que de l'environnement initial. 11 se peut qu'elle puis-
se être modifiée par les acquis culturels, ... . La conscience-étendue dépend également du gé-
nome, mais les acquis culturels influent de manière significative sur son développement en cha-
que individu.339

La capacité de réfléchir se développe et évolue donc à mesure que les processus mentaux
sont nourris d'informations, et qu'ils sont soumis à des stimuli. Nous constatons
l'importance de la sélection des informations et de la qualité de l'environnement dans le-
quel évolue l'humain dès sa tendre enfance. Car, à partir de nouvelles données, intérocepti-

336
http://fr.wikipedia.org/wiki/Raison vu le 27 avril 2009.
337
Kunzmann et al. (1995). Atlas de la philosophie, traduit par Zoé Housez et Stéphane Robillard. Paris
France Loisirs, page 51.
338
Damasio, A.-R. (2001). L'erreur de Descartes, op., cit., page 271.
339
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 259.
130

ves ou extéroceptives, l'humain développe de nouvelles idées et de nouvelles conceptions.


Ce sont ces nouvelles conceptions qui lui permettent d'envisager de nouvelles initiatives.
En effet, selon le Dictionnaire de la psychologie (2003) :
Le caractère réfléchissant implique :
1. la projection des données antérieures sur un nouveau palier;
2. la réflexion qui les y reconstruit sous forme de structures plus riches. En un sens plus ex-
tensif, la pensée formelle (dès 11 ou 12 ans) comporte un caractère réflexif, puisqu'elle est
la représentation d'actions possibles.
L'infinité des possibilités offertes aux humains au cours de leur existence exigeait un pro-
cessus mental pouvant les aider à faire les meilleurs choix possibles. La réflexion avec sa
capacité d'intégrer, de synthétiser, de discriminer, de hiérarchiser, de comparer, d'évaluer
et de choisir remplit cette fonction centrale chez tous les humains.
C'est par la réflexion que la métaconscience permet à l'humain de faire des choix judicieux
par la sélection et la discrimination. Selon le Dictionnaire de la philosophie (1964), « la
réflexion est : une attitude mentale de celui qui évite la précipitation dans ses jugements,
l'impulsivité dans sa conduite. La réflexion désigne, plus particulièrement, la concentration
par laquelle l'esprit éclaircit ses idées, analyse ses sentiments. »341 C'est donc la réflexion
qui permet aux humains de prendre leur distance face à leurs pulsions et à leurs émotions
afin d'agir de plus en plus rationnellement et moralement. Le caractère réflectif de la méta-
conscience comporte aussi des exigences et des obstacles à considérer (tableau 40).
Caractéristique Exigences Obstacles

•Avoir un but. •Croyance en la pensée magi-


•Avoir conscience de ses processus men- que
taux. •Manque de stimuli
•Capacité d'attention. •Stagnation au niveau de
•Référence à la mémoire. l'acquisition de nouvelles
Reflexive
•Volonté à évoluer et à se développer. connaissances et expériences
•Capacité de sélection et de discrimina- •Paresse
tion. •Processus mentaux dysfonc-
•Multiplicité des expériences et des tionnels et médication
connaissances.
Tableau 40 : La métaconscience est reflexive
Ces notions de réflexion et de volonté, qui ont des exigences à satisfaire et des obstacles à
surmonter, sont à la base de l'autonomie et de la responsabilisation, lesquelles constituent,

Dictionnaire de la psychologie, op. cit., page 613.


Dictionnaire de philosophie, op. cit., page 261.
131

nous le verrons, des propriétés émergentes de la métaconscience. La question est de recon-


naître les causes d'une autonomie et d'une responsabilisation défaillantes, et de mettre en
perspective des moyens efficaces afin de les surmonter. Le bon fonctionnement de la méta-
conscience est tributaire de la reconnaissance et du respect de ses caractéristiques qui dé-
terminent son efficacité.

3.5. LE FONCTIONNEMENT DE LA MÉTACONSCIENCE

Nous avons vu que la métaconscience est un métaprocessus. De par ses caractéristiques


d'intégration et d'organisation, elle permet de mettre en perspective les fonctions des trois
niveaux du cerveau et de les associer aux différents niveaux de conscience pour répondre
aux besoins de l'organisme dans l'espace et le temps. Ce métaprocessus se traduit par la
prise de décision et l'accomplissement d'activités choisies d'après les informations fournies
par les sens, les émotions, les intelligences, nos projets, nos valeurs et nos recherches.
Marcotte (2002) propose une représentation du processus intégrateur de la métaconscience
(figure 15). On y retrouve les principales fonctions des trois cerveaux, trois niveaux de
conscience. La caractéristique reflexive de la métaconscience permet de mettre à profit dif-
férents processus mentaux, dont les intelligences et la mémoire pour se fixer des buts et
avoir la volonté de les réaliser.
Ce processus dynamique et complexe met en perspective les processus mentaux, de la per-
ception sensitive jusqu'à l'actualisation volontaire par la métaconscience. Ce processus
dynamique se réalise en fonction des caractéristiques de la métaconscience.
(N

IM
.« o
3
<3
O C 3
'5 "O C
O > a o

O
^
Icgc c
o c
c
_o 1 s c
O

1
_o
'G
c
'zz i
^-* 1*]
s
>.
u ^>
1
E>*
C
C g
o
s
U M
o
1- crt .-*
c
c >3 Q <
C3 u
■w eu M
O -W c* o £
Çj T

C
o
u
n
•s
■«
ON
E
es o
o
™ (N
v
U
3
n ëO
y

1
er '■fi
3
C3 u JJ O S
E "3 T3 S
•u
3 c J
c — . V
13
a '^ o o « « .32 > c
E •O im 2 c «n ■4)
o U u u C o
00 Q 6
in
a. 8-
S '5 n o
w 3
T3
^*
«
ci.
M
'5b c 3c E ■o
o E d c a. '* ■1)
& <
_: 5
T3
^ -U ^
M
ç £ rt
133

La figure 15 offre une représentation des différents outils de la métaconscience. Marcotte y


met en perspective les consciences, les intelligences et certains processus mentaux en rela-
tion avec leurs fonctions. Il démontre que la métaconscience agit comme un métaprocessus
intégrateur des consciences (sensitive, affective et morale) et des processus mentaux;
qu'elle peut actualiser ses processus mentaux de façon intentionnelle et volontaire afin de
devenir toujours plus efficace dans l'action. Ce métaprocessus peut également reconnaître
les outils qui déterminent son efficacité, et faire en sorte de les développer selon ses projets
de vie.
La métaconscience permet à l'intention de se manifester, et évalue la décision et l'action
qui en découlent. Nous référons une fois de plus à Damasio (2002) : « S'il est vrai que la
conscience-noyau est le rite initiatique pour accéder à la connaissance, il est pareillement
vrai que les niveaux de connaissance qui rendent possible la créativité humaine sont ceux
que seule autorise la conscience-étendue. »343
Le métaprocessus de fonctionnement de la métaconscience prend naissance à partir de sa
propre volonté à intégrer les informations, et à les associer aux mémoires afin de prendre
les meilleures décisions possibles, et de poser les gestes les plus efficaces dans la réalisa-
tion des besoins, des désirs et des aspirations de l'organisme.
Une intégration systémique des observations du fonctionnement du cerveau, de la cons-
cience et de la métaconscience met en évidence un circuit récursif; c'est-à-dire que les sys-
tèmes se coproduisent et se cogénèrent l'un l'autre. Fortin (2000) soutient que :
Tout et parties sont toujours relatifs l'un à l'autre, relationnels. Ils fondent cette unité complexe
que Morin appelle système. La reconnaissance de leur complémentarité nous permet de com-
prendre comment des émergences peuvent apparaître au sein du tout comme au sein des parties,
elle nous permet d'apercevoir des scissions, antagonismes qui existent entre le tout et les par-
. . , . • ii *> 344

ties, qui existent entre les parties elles-mêmes.


Les perceptions et sensations provoquent la production de neurotransmetteurs et
d'hormones dont l'humain prend conscience de façon évolutive. Inspirée de Kegan (1982)
et de Damasio (2000), la figure 16 illustre le processus de l'actualisation des potentialités
mentales telles que la conscience de soi, la raison, la mémoire, l'apprentissage, la volonté et
le langage ainsi que le résultat de l'actualisation : l'autonomie, la moralité et la créativité,
caractéristiques éminemment humaines.
4
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 31.
44
Fortin, R. (2000). Comprendre la complexité, op. cit., page 41.
134

Figure 16 : Circuit récursif du cerveau, la conscience et la métaconscience

Chaque partie nourrit le processus, lequel, par sa dynamique, provoque l'émergence d'une
nouvelle partie, laquelle nourrit le processus, etc.
135

3.6. LA DÉFINITION DE LA MÉTACONSCIENCE

Le fondement ne jjeut logiquement être


du même ordre que ce qu il rend possible.
Emmanuel Kani

Nos recherches sur les caractéristiques, les exigences de développements et les obstacles de
la métaconscience nous ont permis de découvrir des pratiques de toutes sortes, parmi les-
quelles le spiritisme qui définit la métaconscience comme un phénomène quasi paranor-
mal.345 Notre objectif n'est pas de porter un jugement sur ce qui est fait, mais de clarifier, à
l'aide des connaissances disponibles, le concept de la métaconscience de façon à en amélio-
rer sa connaissance, son développement et son enseignement. Nous nous détachons donc,
dans le cadre de notre thèse, des autres appellations de la métaconscience dont certaines la
comparent à Dieu (Jacob, 2008), alors que d'autres la nomment aussi pure conscience, su-
praconscient ou état transpersonnel. La métaconscience est alors décrite comme « la Grâce
dont parlent les mystiques.»346 Certaines de ces pratiques considèrent la conscience et le
mental comme des entités indépendantes et mutuellement exclusives (Sabourin, 2007). Par
contre, une pratique impliquant les connaissances adéquates, et considérant le mental et
l'émotion peut avoir des effets bénéfiques comme le démontre, entre autres, Damasio
(2000, 2002, 2005) :
Le fait que les observations obtenues par introspection ont de plus en plus été révisées par les
données scientifiques fournies par la neurologie moderne a enlevé de son attrait à la conception
dualiste du problème de l'esprit et du corps. Les phénomènes mentaux se sont révélés dépendre
intimement de l'opération de nombreux systèmes spécifiques liés à ces circuits cérébraux.347

Le processus de la métaconscience génère une intention, un désir, une anticipation, une


action. Il met en perspective la notion du temps passé, présent et futur. Il provoque
l'émergence d'une nouvelle gamme d'émotions telles que la hâte, le stress du retard, la joie
par anticipation, le regret par rétroaction.
Le processus d'intégration consciente est appuyé par Changeux (2002) dans son avancée
sur les niveaux de conscience. Il reprend, d'une part, la notion d'organisation hiérarchique
de la conscience initiée par Aristote, et dont Kant s'est inspiré pour élaborer sa vision sur
les facultés de l'esprit.

145
http://cf.groups.vahoo.com/group/mctaconscience/. vu le 24 mars 2008.
146
http://sophro-holistic.moniste.wanado.fr/page3.html. vu le 24 mars 2008.
347
Damasio, A. R. (2005). Spinoza avait raison, op. cit., page 197.
136

Selon Changeux (2002), l'intégration se fait selon un ordre logique en fonction duquel :
« ..., des mécanismes intégrateurs doivent relier différents 'territoires' pour que soient as-
surées les 'fonctions sociales supérieures' du cerveau. »348
Dans un premier temps, les organes sensitifs perçoivent les impressions : c'est la sensibili-
té. Par la suite, les sensations, classées selon les concepts, représentent la faculté de
l'entendement349. Finalement, il y a : « la raison, qui contient les principes grâce auxquels
nous connaissons les choses et gouvernons les concepts produits spontanément par
l'entendement.»350
Changeux fait ici allusion aux fonctions du néocortex, responsable de la réflexion, de la
décision et de l'action, caractéristiques incontournables de la métaconscience. Damasio
(2001) exprime bien ce lien d'interdépendance entre les niveaux physiologiques initiateurs
de la conscience et le néocortex. Il illustre ce phénomène ainsi : «... le néocortex fonction-
ne de pair avec les parties anciennes du cerveau, et la faculté de raisonnement résulte de
leur activité concertée. »351
Nous savons que le néocortex est le siège de la métaconscience dont les fonctions permet-
tent à l'être l'humain de prendre la responsabilité de son développement et de son bon fonc-
tionnement dans ses rapports avec la réalité, la vie, lui-même, autrui, la société, l'humanité
et l'environnement. La description des caractéristiques permet de reconnaître les fonctions
attribuées à la métaconscience. L'ensemble des activités humaines est le résultat de ces
fonctions.
Nous avons précédemment défini la métaconscience comme un métaprocessus. Afin de
compléter cette définition, nous y intégrons ses modes de fonctionnement et ses principales
caractéristiques. Dans un texte inédit, Marcotte (2009) définit la métaconscience de la façon
suivante :
Un métaprocessus mental dont la fonction est d'actualiser volontairement ses différents proces-
sus mentaux, afin de devenir de plus en plus efficace dans la sélection, l'intégration,
l'organisation et le traitement rationnel des multiples données fournies par les différents systè-
mes d'information de l'organisme dont il est l'ultime responsable afin de faire les meilleurs
choix et réaliser les actions les plus profitables dans l'atteinte des buts qu'il s'est intentionnel-

348
Changeux, J.-P. (2002). L'Homme de vérité, op. cit., page 50.
340
L'entendement se définit ici comme « Faculté de comprendre, distincte de la sensibilité. » selon le Petit
Larousse en couleurs. Dictionnaire encyclopédique. (1991). Paris : Éditions Larousse, page 385.
341
Changeux, J.-P. (2002). L'Homme de vérité, op. cit., page 47.
342
Damasio, A. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 181.
137

lement fixés dans le temps.352

Nous considérons cette définition comme valable. À ce stade de notre recherche, nous en
sommes toutefois à considérer la métaconscience comme un métaprocessus dont
l'utilisation est sous le contrôle de l'être humain. Nous empruntons donc à Marcotte (2009)
l'essentiel de la définition, mais nous considérons l'être humain dans son entité comme
premier responsable de son actualisation. Notre définition devient donc :
un métaprocessus mental dont la fonction est de permettre à l'être humain d'actualiser volontai-
rement ses différents processus mentaux afin de devenir de plus en plus efficace dans la sélec-
tion, l'intégration, l'organisation et le traitement réfléchi des données captées par les différents
systèmes d'information de son organisme. Ces caractéristiques lui permettent d'identifier ses
valeurs morales, de développer son autonomie et sa créativité afin de réaliser ses aspirations,
ses désirs et de combler ses besoins tout en respectant les limites spatiales et temporelles aux-
quelles il est confronté.

Cette définition de la métaconscience nous semble correspondre aux principales conclu-


sions de notre recherche. Elle réfère à ce métaprocessus de conscientisation et à ces phé-
nomènes de sélection et de traitement de l'information au niveau .supérieur du cerveau.
C'est-à-dire qu'elle considère la capacité de la métaconscience à.prendre conscience de ses
différents états de conscience lors de la sélection et du traitement des informations. Cette
représentation de la métaconscience rejoint les idées exprimées par Cuipo (1988) : «La
discrimination consciente représente l'information qui fait la différence, au sens où
l'apparition d'un état de conscience donné peut conduire à des conséquences qui sont diffé-
rentes, en termes de pensées et d'action,... .»353 Le phénomène de discrimination de
l'information par la métaconscience ainsi que le traitement de celle-ci influencent la prise
de décision et le comportement humain : «... l'unité de la conscience crée un goulot
d'étranglement pour le choix et pour l'action... . »354
Edelman et Tonini (2000) évoquent le processus de la façon suivante : « Seuls les individus
dotés d'une conscience de niveau supérieur peuvent évoquer leurs états conscients. Ils ont
conscience d'être conscients. »355
Les connaissances disponibles sur le cerveau, la conscience et la métaconscience permet-
tent de concevoir l'être humain comme un être évolutif. Un être capable de contrôler de

352
Marcotte, G. (2009). Texte inédit.
353
Cuipo, M. (1988). La neuropsychologie de la sophrologie. Sainte-Foy : Media-Lys-tique inc., page 45.
354
Ibidem, page 49.
355
Edelman, G. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 127.
138

plus en plus les paramètres de son propre processus de développement et, avec la génétique,
ceux de son évolution. L'apprentissage est le processus par lequel il peut prendre action sur
son propre développement personnel, professionnel, et social. En d'autres mots, l'être hu-
main peut se responsabiliser de façon volontaire. C'est en travaillant en fonction de sa mé-
taconscience que l'être humain peut se doter de valeurs, de principes et de normes aptes à
guider son comportement, et s'obliger à les respecter. C'est dans cette perspective que l'on
peut concevoir l'émergence de la conscience morale propre à l'humain et de sa liberté.
Les caractéristiques de la métaconscience nous font découvrir son rôle capital dans la vie
individuelle et collective des êtres humains. Selon les experts du domaine, elle serait le plus
haut niveau de réalisation dans un processus d'humanisation. On peut se demander pour-
quoi on n'a pas mis le développement de la métaconscience au cœur de l'éducation. Il est
difficile de comprendre pourquoi les humains n'ont pas porté plus d'attention au processus
duquel émergent notre autonomie, notre moralité et notre créativité.
Il nous apparaît important que ceux qui dirigent d'autres personnes soient sensibilisés à
cette dimension centrale d'un être humain qu'est la métaconscience afin de les encourager à
la connaître, à la développer et à la maîtriser. L'enseignement de la métaconscience, ses
caractéristiques, ses exigences de développement et ses obstacles, nous apparaît de plus en
plus indispensable pour contrer les problèmes de santé mentale en entreprise liés au com-
portement humain.
139

CHAPITRE IV :

LA MÉTACONSCIENCE ET LE PROCESSUS DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN


De nouvelles complexités apparaissent ei se développent dans le monde
biologique, et encore plus dans le monde humain, là même où une sociologie
arrogante traite sociétés et individus comme des machines déterministes triviales
Edgar Morin

L'être humain se développe à partir de ses caractéristiques et de ses potentialités. Nous sa-
vons maintenant qu'il lui est possible d'exercer un contrôle volontaire sur l'actualisation et
l'usage de la plupart de ses processus mentaux. Les informations sur le fonctionnement du
cerveau et les recherches liées à l'émergence de la conscience permettent de mettre en
perspective le phénomène générateur d'une métaconscience et de son apport capital au dé-
veloppement humain. Le tableau 41 présente un rappel de certains principes de fonction-
nement reconnus chez l'être humain que nous avons dégagés jusqu'à maintenant.

Chaque être humain naît avec un ensemble de potentialités mentales spécifiques à son espèce.
L'humain répond à ses instincts de survie et de reproduction, en s'adaptant à son environnement grâce à
l'actualisation de ses potentialités, surtout mentales.
L'humain a un potentiel créatif influencé par ses instincts, ses mémoires et ses intelligences.
Les potentialités humaines sont développées à partir de l'intention et de l'action.
Chaque être humain est unique et subjectif.
L'être humain agit de façon discriminatoire : en fonction des considérants d'ordre moral, selon les informa-
tions qu'il a en mémoire, résultant de ses connaissances, de ses expériences et de son intention.
L'être humain oriente ses actions vers un but, de façon volontaire.
L'être humain est conscient de son environnement.
Le développement humain est tributaire de sa métaconscience, en fonction de sa volonté.
L'être humain se développe en cherchant l'ordre à partir du chaos; il construit sa réalité à partir de
l'émergence de sa conscience et de sa métaconscience.
Tableau 41 : Principes de développement humain

4.1. LES CONCEPTIONS DU DÉVELOPPEMENT HUMAIN

Prendre conscience de son développement humain et du potentiel mental latent devient


donc un phénomène métaconscient. C'est un phénomène car, comme mentionné précé-
140

demment, la conscience est en soi une émergence individuelle, évolutive et subjective par
définition. C'est métaconscient, puisque ce processus débouche sur une prise de conscience
progressive de sa propre conscience et de son développement. C'est par l'actualisation de
ce processus métaconscient que l'humain est en mesure de prendre conscience de ses ap-
prentissages en utilisant les processus mentaux à sa disposition comme la mémoire, les in-
telligences, et les émotions pour les améliorer et en actualiser le potentiel.
Différentes conceptions sont utilisées pour illustrer les dimensions du développement hu-
main. Nous avons constaté que le paradigme de la métaconscience se reconnaît très tôt,
qu'il soit illustré par l'approche intellectuelle, psychologique, psychosociale, développe-
mentale ou en relation avec son environnement. Nous constatons que certaines caractéristi-
ques de la métaconscience apparaissent comme dominantes pour chacune des conceptions
du développement, telles qu'illustrées au tableau 42.

Caractéristiques de la métaconscience et des


Modèle Paradigme
processus mentaux
Implication des facultés intellectuelles en fonction de
Piaget Intellectuel
l'évolution de son identité et de sa subjectivité.
Manifestation de ses intentions et sélection en fonction
Maslow Psychosocial/ besoins de l'évaluation phénoménologique de ses actions. Peu de
gens atteignent le niveau d'actualisation de soi.
Accomplissement de sa créativité en fonction de
Psychosocial/ développe-
Erikson l'évolution de son identité. Le stade de l'intégrité est
ment
atteint, de façon générale, vers l'âge de 55 ans.
Manifestation de sa conscience morale en fonction de
Kohlberg Développement moral l'évolution de son identité. Environ 25 % de la popula-
tion atteint le stade de la morale au sixième niveau.
Implication des facultés intellectuelles en fonction de
Greenspan Développement affectif
l'évolution de sa conscience affective.
Réalisation de son autonomie et de son authenticité en
Développement des pro-
Loevinger fonction de l'évolution de sa subjectivité et de son iden-
cessus mentaux
tité.
Développement des pro- Manifestation de son autonomie en fonction de
Kegan
cessus mentaux l'évolution de sa subjectivité et de son identité.

Tableau 42 : Caractéristiques de la métaconscience dominantes dans chacune des conceptions du déve-


loppement humain

Parce qu'ils mettent en perspective la relation de l'individu avec son autonomie, les
conceptions proposées par Loevinger et Kegan permettent une intégration plus efficace des
caractéristiques et des processus de la métaconscience. Greenspan, pour sa part, se démar-
que par sa propension à amener l'humain à développer son autonomie par la créativité. Cet-
141

te créativité pourra s'appliquer à la création d'un soi autonome et responsable.


Ces trois modèles serviront à dégager les styles cognitifs pour chacun de leur stade de déve-
loppement afin de démontrer l'évolution du processus de la métaconscience lors de
l'apprentissage. Le développement humain se fait en fonction du développement du cer-
veau. Il en va de même pour le processus de la métaconscience. Les cartes mentales se for-
ment dès les premières expériences de vie et ne cessent d'évoluer en fonction des informa-
tions reçues et de la façon d'utiliser ses processus mentaux pour les traiter. Les caractéristi-
ques de la métaconscience, et plus particulièrement l'organisation, permettent d'actualiser
les processus mentaux selon le stade de développement :
Alors que les aspects physiques du cerveau jouent un rôle important dans le stockage des sou-
venirs et l'organisation des expériences, les expériences elles-mêmes définissent certains as-
pects irréductibles de ces organisations. Peut-être que ce qui rend l'esprit unique, c'est qu'il
s'appuie sur et se forge à partir d'un ensemble particulier d'opérations physiques qui participent
à l'organisation d'un ensemble tout aussi particulier d'expériences affectives de développe-
ment356

Cette notion d'acquisition de « patterns » semble trouver écho dans la « théorie des mar-
queurs somatiques » avancée par Damasio (2001) :
... il s'agit des mécanismes sous-tendant les émotions primaires. Ceux-ci sont génétiquement
prédisposés à prendre en compte les signaux relatifs au comportement personnel et social, et ils
comprennent dès le départ les rouages permettant de coupler un grand nombre de situations so-
ciales à des réponses somatiquement adaptées. ... la plupart des marqueurs somatiques dont
nous faisons usage pour prendre des décisions ont probablement été élaborés dans notre cerveau
au cours des processus d'éducation et de socialisation, par l'établissement d'un lien entre des
classes particulières de stimuli et des classes particulières d'états somatiques.357

Ce phénomène explique l'influence que peut exercer les facteurs culturels chez l'humain.
Ces facteurs mettent en évidence les réactions socio-behavioristes. C'est pourquoi la culture
d'une organisation doit faire l'objet d'une réflexion responsable de la part de ses adminis-
trateurs et stratèges. Parce que la métaconscience est réfléchie, elle est nécessairement criti-
que. Un programme de développement de la métaconscience devrait permettre de dévelop-
per une pensée critique de la culture, et ainsi influencer, de façon recursive, cette culture
lorsqu'elle devient source de stress.

4.2. STADES DE DÉVELOPPEMENT ET STYLES COGNITIFS

356
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 345.
357
Damasio, R. A. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 245.
142

La faculté d'apprendre évolue chez chaque individu en fonction de son rythme de croissan-
ce, de son stade de développement et des facteurs de son environnement. Afin de fournir
une représentation conceptuelle du style cognitif, nous avons modélisé les approches de
Loevinger, Kegan et Greenspan en nous inspirant du cadre de Limoges (1993). Pour chaque
approche, nous avons établi, en fonction du stade de développement, la phase du contrôle
des impulsions et le développement du caractère, les styles interpersonnels, les préoccupa-
tions métaconscientes et les styles cognitifs. Comme l'illustrent les tableaux 43, 44 et 45, à
chaque stade de développement humain, le style cognitif s'adapte. Les méthodes
d'enseignement devraient donc respecter cette évolution des processus mentaux et des pré-
occupations conscientes.
,3 «3 . 1
c 8 ^
S
c. II c
3 U 3JJ
O. o; M o
c m CX S 8 &
o o <u S
i U]
il
a. u y
MU "­
8 M. ­ u c

~ c
~2î o
■s o
ej MU
3
u "*
"E.MU
ES
o ­
i
. S MU
■3-8 ■« W)

8.1
55 'S5 O 2 S>s
il
u g ■s a
o S vi 2 '3 11
'S xu
c o- c
o v o
_u .41
c. os
U
en u
'3 3 </>
u u M *>
C ■ -S
o
11 U
1- S
MU g
o 'G .

11
3
S J2
u a­ Es
*
'y: g — c
8f s-s SS
a ■2 S .2 E -S
3
u 8 r| c »>
'Sa u >
>
gu. 2 g ac S 01 g &■ u
a
g, D S U »
s- =>
; » 2 S V) Vi c
P ^ «
^ en f. « E
Il& e
«> MU
u o.
x MU en

< 13 n.
u
c
c
o
t. -a
c s-a o -a
& o S ë6 <: « ­ a
G >
c o '■Q
•il 01 w 3 » - = &- 8 .S
-o
1.2 2c J« S K I « T3 I §
m
fi S î g­J C
4) r
ai
il | ï
c+^
■S 'JE D. o
u ~ E
•U
­O Q
M
ce o.
il 1
1 CO u
ES
Vi c

s s u M ? 3
J
« 3£ o
u a ee.S E E -1
a =
„ u o
3 .«

°i 05 vi
2
3
j2
•s o
S S3
o
s
2 3 s
a 3 g JJ
I-
— c
c
o
MU
H .g
i §
o f CT
MU MU
>
i3 rg •o
eu
E

11
u 3 V,
g.| a
-a c L.
3
en S Sï '■5
a.
O
D.
•c g i e 2 § 3 «I
ë J2 o
i l o. ««s c
i
c
o
u
> 3
<u o
^ of
y o
■S —
li 1
"S H - S»
03 a Se S i -S c
U 3
S3 J ■a
— ca

3-fe E
S .2
*
3
& S<2
o
c 1 T
3
00
3
o
U
cj c*.
01 C
C O o
T3 i S
< o o S < a
H
3 oi

V.
9
2
v;
ï
- p
« 5 Is T3
5
­g T3
Vi Vi
U. OÙ
Si 8v Vi w

•O «*
U U «
z
'O 9 .5
O
S..2 O u SI S 3
c X >
il
a 3; 3 oî
'■J
s:
3i
o
s t. '> ~ ce) o
u —
> ej
a u a u
§ I |3 8 e
t/5 o c I s- o g.
c ■

51
5§.s
II il . eu Q.
^3 S 8 E
g &.I

U
CQ 8 a lis
U Ti a
o > S o
S •a
MU H O S. 3 MU

Z 2 "£ "H
tu ■o
U c
O —
■ ™

U
118
Z ■a
o
u
■Xi
1 B
M
u
c
o
Q <*­ri X
3 u
X «a
M .o
D <u 2 x 'C
ja *
< 3
o
> J2
Hg yî

~
-O
3
o C c
ei.2 i O CJ

ÇO MU '5b 3
Z t. Oï

O
c/3

U

O
T3
cet
8-3
•b g g il
al
i
S g
CO • •
s 8 il i s a
I en
B
<2

.S § •
C

B" eu J i
a 8
Ë S
■a "o
c c
c/: eu T3 .2
LU
■O 4) Q • S 4) C c '5X
-eo o O
-o
co ™ • ■. *4* *5
|» V3 « ■S? S

tyj
g*
^S ë
I I«ee) o
B U
c
i C
_e ej
5 '<2 I S
en
4 .a
6X1
eu
14
=3 .2
,3 cet i ys
e c o .5
U "5 c 3 & g. 8 ë • s
K (9 M v C o
c* § JB
o
E
'C

c a
S g eu
E ON
C v\
11 eu
a
M
en
o a eu
e _o 5p
a p CJ 23 -S
a > o
|af l?!
C
"S F ca c ■eu E
Oî ^ J
VI
CU c
co -S
^ - S ■O
M > 3
■° S
n
3
E a1 3 B * ■o
en -ë
U M m oï LU eu
U
=5 Q " " MU ca B
o EL
il
!
3
LU
c
c ■5
o 1-
D
ao 3
Q.
Q.
E
C
c/3 u E ■S
c «
9 g
t/3 .2 >
Li. o — t3 «
tt M uc | j
t!r3 -
Z 3 § E t/î
■2 ë
■o t a
5 où
~ ex
u
CO ,&
o s S. g -*o
© C L ni
o — C M- i 8 5 O o
u o a ■g E E -o ■ S ^
G -S S
b
P o MU
Q,
■ ' —

u o r% «0 T3 O
LU
-3
—; •m

VI —
ï3
° E

il I l - s 1 1 ,0 U B .S g §
c B ta -o g . 3 .2 -o VI

tyj
l'i2 1 1 1 Se
CO U O- co
Ë

H U
9
u —
co =
€ 8 s.o .2. ."2 M * M <
a
N r-
-ta M
x

Û*5
U Ë II J U D -o

3 ■
LU

u §1 O oi
o

§ Ig
oi _
e
oO o>
u
o y c o»
g a u
1
Z ■O ~
O t S •2 M C
Cj
LU rj a 3I g. s J
a
Q x -a
§"5 s o. ■3 E
X
D
E -nj Pi
.a §
i|
wi -a -S «
■8 l S
L,
ë
oc
ej *- 3
uo) s ■« 3 e VI
g 8 5 4) C
< ra
e>
3 "O 4> O C
LU
ej u
'S 5 !s
B N ,M

- ^
8
11
8*1
> oi

s se
O
II Q 'Ô eu « <
x> c
-<D U
efl 0Ô.O C
a Su s ?
en cd c

oi "s
G
C -«
4> Z ,
S 5.1 I
U O T3 B
il

-J
LU
S eo -a
eS-8 J S
O
S =3 c VI

i_. e- H
•4» M -, u
4) C 13
o
LU 5 S fi -G C B S S t— Vi 3 u
O
*4»
■o 1
•u
M S)

c
S
s
o.
E •a 'En
•«J £: =
I Ë <
— M

L- i S'
VI

C e * " «'I g ■S 0
LU i* 1 SB v .S S
-1
3 E
oil 5
u x u 3 oi g -3 S «
c E
4> ' g
O 'C

1* Jii f i § illai
cd 4>

5 S
a
o

<a E U a.
s g §
o
on i
Z < E
o w
S3 3
s
s£O Ë
E a u c
S u j> eu rn
s SS * K MU ON
3 -O ej « g tS E
eu
W■ H a.
fil
sa « u- -~ •■* a. eu
SLU S: <U Q.T3
§. 8 Si
BS « 5 *i H o
O UJ
b- eu

&-s 1
v
i
■v
2 >
1 I3 = ~ -J 8.1 a
H -U E "O en ■o
Z
O
O
Q
H
w
— ë 4»
W 4» «_.
•< UJ S III! 3 u
D -o < < S
ol
eu
■a
H
Pi U c J
eu
O

< « MO u I 3
3
V3
- o S3 3 -3
LU .ca eu ca _ C in -a
§ | ° <£ O
.S
'5 S. c C E 3
on
• 3 ce)
ces
2 Cu
'e
«
11> c
ej
o
' 3 a5
«
•a
eiO o o
c
o
.S
DU

3
5 «
£1 <
3
H
.146

La nature des relations entre l'humain et son environnement influence de façon déterminan-
te le développement de la métaconscience, et ce, même au terme du développement biolo-
gique du cerveau : « Mais nous avons vu que le cerveau se développe en interaction cons-
tante avec le vécu affectif. Toute entrave à ces interactions handicape le développement de
la conscience. »361 Nous notons par ailleurs que, à chaque stade de développement, le ni-
veau de conscience évolue et influence le style cognitif.
Les travaux de Greenspan démontrent que, même si le cerveau fonctionne normalement,
des personnes qui ont vécu des manques au plan affectif au cours de leur croissance ne dé-
veloppent pas leur capacité de réflexion de la même façon. De fait, un développement af-
fectif approprié permet au cerveau d'être plus efficace en matière de codification et de
structure des informations. La conscience résulte donc de l'interaction de deux éléments,
l'un de nature generative et l'autre de nature organisatrice. Cette conception renforce celles
que nous avons illustrées dans les tableaux précédents sur le développement humain :
On peut donc concevoir la conscience comme étant constituée de deux composantes. L'une, de
nature generative, implique la réactivité des cellules neuronales et leur activité physiologique et
affective (par exemple, une sensation agréable de toucher). La seconde, de nature organisatrice,
est le hardware du système nerveux : au cours de ses interactions avec certains types
d'expériences, elle nous permet d'intégrer et d'organiser des schémas sensoriels et affectifs.
Ces deux composantes travaillent de pair pour produire la conscience.362

Ces modèles de développement humain indiquent une progression en fonction de


l'évolution du potentiel humain et, plus particulièrement, mental. Nous observons que
l'individu progresse vers plus d'autonomie, de créativité et de morale au fur et à mesure
que sa métaconscience se développe. C'est ce processus qui détermine le niveau
d'humanisation que la personne atteindra au cours de sa vie.
Greenspan dégage sept principes favorables à un apprentissage respectant la nature humai-
ne, ses caractéristiques et son développement. Nous les présentons au tableau 46 en indi-
quant leurs fonctions pour un gestionnaire en apprentissage.

Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 124.


362
Ibidem, page 127.
Ibidem, naee
147

Principes Fonctions
1- Un environnement sûr et sécurisant. Inclut au moins une relation stable avec un adulte stable,
prévisible et protecteur. Qualités requises : maturité, res-
ponsabilité, réciprocité, compréhension et dévouement.
2- Des relations durables et riches vécues avec Contribue à la formation de l'intelligence et de la maturi-
les mêmes personnes. té affective. Permet de développer des liens intimes et
profonds initiant un sentiment d'humanité partagée cons-
tituant la base de l'empathie et de la compassion.
3- Un besoin d'interactions riches et continues. Permettent de développer la conscience de ses intentions
par des relationsfranchesqui imposent des limites et im-
pliquent le respect de valeurs morales.
4- Un besoin d'un environnement respectueux du Encourage à tirer parti des différences. Permet le déve-
caractère et du rythme d'évolution de chacun. loppement de la conscience de soi en tant qu'individu
distinct et membre de groupes particuliers.
5- Un besoin d'avoir la possibilité Permet d'ancrer son sens des valeurs, de développer la
d'expérimenter, de trouver des solutions, de confiance en soi et la persévérance pour un projet plus
prendre des risques et même d'échouer à des complexe et laborieux.
tâches données. Prendre des initiatives et es-
sayer différentes approches, requérir l'aide et
l'assistance d'autres personnes, chercher des
alliés à son projet et évaluer différentes op-
tions.
6- Un besoin de structures et de limites claires, Permet de développer l'autodiscipline et le sens de la res-
favorisant un sentiment de sécurité. Connaître ponsabilité entre autres, par les liens construits entre les
ce que les autres attendent d'eux et comment pensées et les sentiments.
exprimer leurs propres attentes dans une at-
mosphère affectueuse et comprehensive.
7- Un besoin d'un environnement social stable Permet de développer l'entraide et les relations affecti-
offrant des ressources appropriées, matures et ves.
accessibles.
Tableau 46 : Sept principes fondamentaux à l'apprentissage pour un gestionnaire.

L'on attribue aux sciences de la psychologie un apport important en regard du développe-


ment des concepts liés à l'éveil et au développement des caractéristiques de l'identité chez
l'humain. Nous constatons cependant que, peu importe l'angle d'analyse, l'humain est
considéré de façon parcellaire, et non pas dans sa globalité. Il s'ensuit une quantité impres-
sionnante de publications qui décrivent dans les moindres détails ce qu'est, ou devrait être,
un bon leader, un parent responsable, un bon mari et une épouse exemplaire. Le gestionnai-
re avide de promotion a un choix considérable de livres et de formations traitant de mille et
un trucs pour devenir un coach, un bon administrateur, etc. Cependant, peu de publications
et de formations s'adressent au gestionnaire dans le but de l'encourager à développer et à
optimiser son potentiel humain dans sa globalité et, plus spécifiquement, son potentiel men-
tal. Kegan (2000) dénonce cette situation :

1
Ibidem, page 283.
148

People who write, teach, and shape the discourse about management apparently do not read the
literature about intimacy. The people who create the leadership literature do not read the parent-
ing literature. All these people are trained in different professions, each with distinct identities,
modes of analysis, heroes and heroines, and ways of framing the questions that need answer-
ing.364

Quel que soit le poste occupé dans l'organisation, les gestionnaires de tous les niveaux ainsi
que les travailleurs professionnels et les techniciens ont appris leur métier sur les bancs
d'écoles, par l'expérience sur le tas en entreprise, ou en créant leur propre entreprise. Ils
ont acquis les connaissances théoriques et pratiques, les expériences techniques et relation-
nelles, les méthodes de résolution de problèmes ainsi que les principes de la gestion, de la
communication et de l'ingénierie. La forte majorité n'a, à aucun moment, eu accès à une
formation de savoir être humain et de savoir devenir humain à partir d'une conception na-
turelle et complexe de l'être humain, et de son processus d'humanisation.
Parce qu'ils n'ont pas reçu cette formation sur le fonctionnement fondamental de l'humain,
ils n'ont pas été amenés à se doter d'une compréhension universelle de ce que doit être la
relation entre l'individu et lui-même (conscience de soi); entre lui et ses pairs (conscience
de l'autre); entre l'individu et l'organisation sous toutes ses formes (conscience de
l'environnement). Force est de reconnaître un fort potentiel en dormance pour un grand
nombre de gestionnaires.
Limiter l'éducation au transfert d'informations alors que les recherches sur le développe-
ment humain regorgent de découvertes mettant en valeur son potentiel phénoménologique
nous semble incompréhensible. En fait, il nous apparaît possible de donner écho à Kant
quant au cercle vicieux de l'éducation du fait que l'homme soit éduquépar l'homme, lui-
même éduquépar l'homme. D'où la question cruciale : qui devrait éduquer les éducateurs?
L'évolution des connaissances liées au fonctionnement humain permet de considérer
l'actualisation du potentiel mental par l'introspection et l'autoréflexion. Ceci permet
d'élargir le concept d'éducation proposé par Kant : « Mais comme l'éducation d'une part
ne fait qu'apprendre certaines choses aux hommes et d'autre part ne fait que développer en
eux certaines qualités, il est impossible de savoir jusqu'où vont les dispositions naturelles
de l'homme. »365

Les constats au sujet du développement humain illustrent une progression dans le mode
364
Kegan, R. (2000). In Over Our Heads, op. cit., page 6.
365
Kant, E. (1993). Réflexions sur l'éducation. Paris : Librairie philosophique J. Vrin, page 73.
149

d'intégration des connaissances et de déduction reflexive d'un individu en fonction de son


stade de développement, selon l'âge. L'oeuvre de Piaget, à l'origine du constructivisme,
démontre en effet que l'humain évolue par assimilation et par accommodation. Il assimile
des informations issues de son environnement, et modifie son comportement en fonction de
ces informations : c'est ce que l'on désigne par le terme accommodation. Ruano-Borbalan
(2001) reprend ainsi cette idée :
L'intelligence se construit grâce au processus d'équilibration des structures cognitives, en ré-
ponse aux sollicitations et aux contraintes de l'environnement. Deux actions y contribuent,
l'assimilation et l'accommodation. L'assimilation est l'action de l'individu sur les objets qui
l'entourent, en fonction des connaissances et des aptitudes acquises par le sujet. Mais il y a in-
versement une action du milieu sur l'organisme, appelée accommodation, qui déclenche des
ajustements actifs chez ce dernier.366

Bateson, pour sa part, est reconnu comme l'instigateur du concept des niveaux
d'apprentissages. La conception d'apprentissage séquentiel qu'il a développée a été reprise
par Bandler et Grinder (1975, 1976, 1979, 1981) avec la Programmation Neurolinguistique
(PNL)367, puis améliorée par Dilts (1990, 1995) avec la notion des niveaux logiques. Ils
expriment les différents niveaux de conscience en éveil séquentiel contributifs à la mise en
valeur de son identité dans un environnement donné. Nous proposons au tableau 47 trois
modèles de niveaux d'apprentissage : celui de Bateson défini avec trois niveaux
d'apprentissage; celui de Dilts, avec trois niveaux logiques; et celui de Kegan (2001), inspi-
ré de Piaget (1936, 1937, 1948, 1962, 1969, 1970) et de Kohlberg (1969, 1971, 1972,
1976), qui exprime une conception évolutive, divisible en trois niveaux, du développement
de la conscience de soi chez l'humain.

366
Ruano-Borbalan, J.-C. (2001). Éduquer et former. Auxerre Cedex : Éditions Sciences humaines, page 85.
367
La PNL réfère à un concept de développement humain en fonction de son potentiel individuel en interac-
tion avec son environnement. Les systèmes de formation instaurés considèrent le pouvoir potentiel de
l'individu à partir de ses caractéristiques innées et acquises sur son environnement selon la perception qu'il en
a.
150

Bateson368 Dite*" Kegan


L'apprentissage zéro se caractéri- Niveau logique 1 : Incorporatif : « Est » ses réflexes,
se par la spécificité de la réponse, l'environnement. ses sensations et ses mouvements.
qui —juste ou fausse — n'est pas Prendre conscience de son envi- Peu de contrôle.
susceptible de correction. Le ronnement à travers nos sens phy-
même stimulus provoque la même Impulsif : « Est » ses perceptions,
siques. son héros.
réaction (retirer la main quand ça
brûle.) C'est une réponse sponta- Influence de l'environnement sur Distingue sa personne dans son
née au stimulus. soi. environnement.
Influence que nous pouvons avoir
sur notre environnement.
L'apprentissage I est le condi- Niveau logique 2 : le comporte-
tionnement. Le behaviorisme, tel ment.
que Skinner et Pavlov l'ont élabo- Toute action, telle que perçue par
ré. Il est possible de conditionner autrui.
un comportement en intervenant
Actions conscientes sur notre envi-
sur deux stimuli à la fois. Pavlov
présentait un steak à son chien et ronnement.
en même temps, faisait sonner Observation des faits et gestes,
une cloche. Après un certain passés, présents et à venir.
temps, le chien salivait au simple
son de la cloche, son réflexe de
salivation ayant été conditionné.
La théorie de la récompense et de
la coercition (instrumentale)
s'applique aussi à ce niveau
d'apprentissage.

L'apprentissage II est un change- Niveau logique 3 : les capacités. Impérial : « Est » ses relations
ment dans le processus qui touche Conscience de ses habiletés, talents interpersonnelles, sa mutualité.
la majorité des apprentissages et compétences actuels et en poten- Décide pour lui-même. Se détache
sociaux. Il est possible de transfé- tiel, en lien avec une situation, dans des dépendances familiale et pa-
rer un apprentissage dans un un contexte et un environnement rentale. Apprivoise le sentiment
contexte différent. Après avoir donnés. d'être seul. Sujet à sombrer dans
appris à conduire une voiture, un état dépressif: ambivalence
l'apprentissage est transférable à entre le sentiment de rejet et la
d'autres modèles de voiture. Ce satisfaction d'indépendance.
niveau d'apprentissage demeure
une application de concepts à
partir d'instructions reçues.

368
Bateson, G. (1980). Vers une écologie de l'esprit. Paris : Éditions du Seuil, page 97.
369
http://wwvv.repere-pnl.com/site/PNL-et-niveaux-logiques-du-stress-par-JL-MONSEMPLS-28042005-
172.html. vu le 30 septembre 2008.
151

Bateson368 DiltsJ6y Kegan


L'Apprentissage III vise une mo- Niveau logique 4 : les valeurs et les Interpersonnel : « Est » son auto-
dification de la structure de la croyances. nomie, son estime de soi, son
pensée. Modification des modèles Convictions personnelles en fonc- identité.
mentaux existants. A ce niveau tion de notre éducation, nos Capable d'indépendance face aux
d'apprentissage, il y a influence connaissances et expériences. perceptions des autres.
sur le cadre de références. Par
exemple, si, après avoir conduit Niveau logique 5 : l'identité.
différents modèles de voitures Image consciente de soi. De nature
dans différentes conditions de phénoménologique. Influencé par
route, je peux suggérer au fabri- la perception du regard d'autrui.
cant de modifier certaines carac- Niveau logique 6 : l'appartenance.
téristiques des prochains modèles L'environnement auquel
afin d'augmenter les performan- j'appartiens. Identification à une
ces de conduite. culture, des valeurs, des groupes
familial, professionnel et social.
Conscience de notre évolution
personnelle.

Tableau 47 : Parallèles de trois modèles illustrant des niveaux d'apprentissage

Cette conception de l'apprentissage permet de mieux comprendre l'importance de prendre


conscience de son développement en tant qu'être humain en apprentissage. Ces connaissan-
ces, associées à la mise en œuvre du processus de la métaconscience fondé sur ses caracté-
ristiques, ses exigences et ses obstacles, deviennent un atout majeur à considérer lors des
activités de formation et de développement pour tous les humains. Notre recherche ayant
été inspirée par les gestionnaires œuvrant au sein des organisations, nous concentrons nos
propos en fonction des caractéristiques qui correspondent à leur réalité.
Dans le prochain chapitre (chapitre 5), nous mettrons en perspective les principes pédagogi-
ques et les conditions à respecter dans l'enseignement des principes et des pratiques du dé-
veloppement et du fonctionnement du processus de la métaconscience aux gestionnaires.
Cette mise en perspective correspond à notre deuxième objectif de recherche.

4.3. L'HUMAIN ET LES MODES D'APPRENTISSAGE

L 'homme ne peut devenir homme que par l'éducation. (...) l'homme n est éduqué
que par des hommes et par des hommes qui ont également été éduqués
Emmanuel Kant

L'évolution du cerveau et de la métaconscience trouvent donc leur corollaire au niveau de


l'apprentissage. La proximité de l'étude de la métaconscience et de la cognition est sans
152

équivoque. Comme le mentionne Changeux (2002), en réponse à Searle (1999), pour qui la
compréhension de la conscience passe par l'étude des processus neurobiologiques du cer-
veau : « ... comprendre les processus neurobiologiques à l'origine de la conscience, ... est
devenu une étape décisive pour la compréhension des processus de connaissances et la mise
à l'épreuve de leur vérité. »370 Car il s'agit bien, dans notre propos, de mettre en évidence le
processus d'intégration des connaissances dans le but de servir au mieux l'aspiration de
1
tous les humains au bonheur.
Buzan (2003) démontre que pour instaurer un rapport positif entre le cerveau et
l'information, il faut structurer celle-ci de façon à l'insérer aussi facilement que possible
dans le mécanisme cérébral. Il illustre ainsi les cinq fonctions (tableau 48) que le cerveau
exploite pour traiter les informations de façon logique et séquentielle en réseau.
Fonctions du cerveau Processus engendrés
Recevoir l'information L'information arrive au cerveau soit de façon exteroceptive ou
interoceptive.
Ancrer l'information L'information perçue comme utile est emmagasinée dans les zo-
nes spécifiques des mémoires à court et à long terme.
Analyser l'information L'information est associée aux concepts déjà enregistrés et mémo-
risés pour ensuite permettre une nouvelle organisation des
connaissances.
Produire Une nouvelle pensée, une idée personnelle, une intention émer-
gente des processus antérieurs.
Contrôler l'impact de l'information Les réactions psychologiques et physiologiques sont adaptées à
l'information traitée.

Tableau 48 : Processus de traitement de l'information par le cerveau


Nous avons vu au chapitre 2 que le cerveau fonctionne selon certains principes. Chacun de
ces principes influence le résultat du traitement de l'information tel que décrit ici. La com-
préhension plutôt récente de la complexité des fonctions du cerveau et de ses principes de
fonctionnement impose de reconsidérer la façon d'aborder les théories de l'apprentissage.
Les récentes études démontrent de plus en plus, et de mieux en mieux, la relation interdé-
pendante entre le cerveau et le caractère affectif de l'humain. Lehrer (2007) rétablit bien
cette réalité:
Ever since Plato, scholars have drawn a clear distinction between thinking and feeling. Cogni-

1
Changeux, J.-P. (2002). L'Homme de vérité. Paris : Éditions Odile Jacob, page 111.
371
Inspiré de Buzan (2003).
153

tive psychology tended to reinforce this divide: emotions were seen as interfering with cogni-
tion; they were the antagonists of reason. Now, building on more than a decade of mounting
work, researchers have discovered that it is impossible to understand how we think without un-
derstanding how we feel.372

Cette nouvelle conception de l'apprentissage, associée aux principes de développement


humain, met en perspective l'impact des mémoires affectives et des cartes mentales résul-
tant des expériences et de l'environnement des gestionnaires. Ce phénomène devra être pris
en compte lorsque nous aborderons les principes de l'enseignement chez l'adulte : « Plus le
phénomène étudié est complexe, qu'il s'agisse de la formation des étoiles ou de la composi-
tion des cellules, plus les fondements établis par nos expériences affectives antérieures sont
nécessaires. »373 Cette conception de l'apprentissage exige une compréhension du fonction-
nement des processus mentaux.
Il nous apparaît ainsi que de considérer les caractéristiques de la métaconscience dans le
cadre de l'apprentissage de son processus permettra à l'apprenant d'en optimiser le déve-
loppement dans le cadre de ses activités.

4.4. LE GESTIONNAIRE APPRENANT

Aussi l'affectivité peut étouffer la çonnaissiince, mais elle peut aussi I ctofjci
Edgar Morin

Les gestionnaires entreprennent leur carrière professionnelle avec les cartes mentales qu'ils
ont développées depuis leur naissance. Ils interprètent les informations et les événements
selon leurs valeurs, le plus souvent basées sur une religion et des croyances véhiculées par
la culture dans laquelle ils ont évolué précédemment. Senge et al. (2005) dénonce cette
situation : « ... adults carry the memory, expectations, and emotions of their own experi-
ence as schoolchildren... .»374 Selon ces auteurs, les mêmes modes de transmission des
paradigmes sont reproduits dans les entreprises :
The same old true in businesses: the organization's members become vehicles for presenting
the prevailing systems of management because those systems are most familiar. ... we will con-

372
Lehrer, J. (2007). Hearts & Minds. The Boston Globe.
http://www.boslon.com/news/education/higher/articles/2007/04/29/hearts minds?mode=PF, vu le 17 dé-
cembre 2007.
173
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 49.
374
Senge, P. et al. (2005). Presence. An Exploration of Profound Change in People, Organizations, and Soci-
ety. New-York : Currency Doubleday, page 9.
154

tinue to re-create institutions as they have been, despite their disharmony with larger world, and
the need of all living system to evolve.375

La conception qu'ont développée les gestionnaires de la vie est imprégnée de paradigmes


limitatifs quant au développement de leur potentiel d'autonomie, de morale et de créativité.
Ils se sentent menacés et trop insécures pour assumer leur sens moral de façon autonome et
responsable, ce qui les maintient dans leur situation de double contrainte.
Cris Argyris observe que, malgré des programmes de formation bien structurés et menés
par des formateurs chevronnés, plusieurs initiatives visant à améliorer les compétences hu-
maines échouent : « Human resource professionals devise impressive theories of internal
motivation. Experts teach management. Executives themselves launch any number of pro-
grams from reengineering to continuous improvement to TQM [Total Quality Manage-
ment]. But little of it works. »376
Le manque de connaissances sur le fonctionnement des processus mentaux, plus spécifi-
quement de la métaconscience, dévie le résultat de l'intention initiale. Selon Argyris
(1998), cette déviation est attribuable au fait que les gestionnaires ne voient pas la contra-
diction entre l'intention manifestée et le besoin exprimé : « executives do not always seem
to want what they say they need .»
Dans le même ordre d'idées, Jean-Pierre Brun, à l'issue de recherches menées auprès d'une
vingtaine d'entreprises et de plus de 17 000 employés et gestionnaires, a défini sept pièces
manquantes au management378: 1. la rareté des marques d'appréciation; 2. le manque de
soutien; 3. le manque de respect ; 4. la difficulté de concilier travail et vie personnelle; 5. la
surcharge de travail; 6. l'absence de participation aux décisions; et 7. l'ambiguïté des rôles.
Ces pièces manquantes ne sont certes pas attribuables à de mauvaises intentions de la part
des gestionnaires. Elles sont plutôt la conséquence d'un manque de connaissances liées à
l'existence d'une compétence humaine en potentiel chez tout gestionnaire. Oh observe par
ailleurs des pistes de développement de cette compétence dans le paradigme de la méta-
conscience, qui est le sujet de notre travail.

375
Ibidem.
376
Argyris, C. (1998). Empowerment: the emperor's new clothes. Harvard Business Review, (mai-juin 1998),
page 98.
377
Ibidem, p. 101.
378
Brun, J.-P. (2008). Sept pièces manquantes au management. Montréal : Les Éditions Transcontinentales.
155

Lors de notre parcours professionnel, nous avons été à même de constater ce malaise géné-
ré par les décisions de rentabilité à court terme au profit de la santé des humains. Dans le
cadre de nos activités professionnelles, les décisions prises par les dirigeants nous ont
confrontée à des conditions imposant un rythme de travail néfaste pour le maintien d'un
équilibre travail/famille, voire un équilibre travail/santé. C'est, en effet, en constatant une
détérioration de notre santé et un déséquilibre émotionnel que nous avons pris la décision
de réévaluer nos valeurs et nos priorités.
Selon notre éducation et nos concepts d'alors, nous étions en dissonance en regard de nos
valeurs et de nos obligations professionnelles et personnelles. Nos valeurs personnelles
entraient en conflit avec les valeurs de l'organisation pour laquelle nous consacrions entre
dix et quatorze heures par jour, cinq, et parfois six jours par semaine. Quelque chose a
commencé à bousculer notre conscience.
La métaconscience permet d'agir plus rapidement sur ce sentiment nuisible pour la santé et
permet, par le fait même, d'améliorer la condition de santé de plusieurs gestionnaires.
Comme le mentionne Damasio (2001) : «... lorsque la conscience est présente, les senti-
ments ont leur impact maximal, et les individus sont également capables de réfléchir et de
dresser des plans. Ils disposent d'un moyen pour contrôler la tyrannie omniprésente de
l'émotion : cela s'appelle la raison. »379 Damasio précise toutefois que la raison a aussi be-
soin de l'émotion pour être efficace : « C'est ainsi que certains travaux de mon laboratoire
ont montré que l'émotion fait partie intégrante des procédures de raisonnement et de prise
de décision, pour le meilleur et pour le pire. »380 Le gestionnaire doit se donner des outils
afin de tirer profit de ce processus mental de façon efficace.
Le fait de développer sa métaconscience permet à l'individu de prendre contact avec cet
aspect fondamental de son développement, soit la source de son malaise. Greenspan (1998)
souligne que plusieurs symptômes émotionnels peuvent avoir une cause qui n'est pas dia-
gnostiquée, ce qui rend plus difficile le travail du médecin :
Les problèmes psychosomatiques sont eux aussi souvent traités au niveau du symptôme et non
du développement affectif. Les réactions émotionnelles se manifestent physiquement, par
exemple par des douleurs au cœur, des maux de tête, des vertiges, des insomnies et des raideurs
dans la nuque. Les médecins sont toujours bien en peine de trouver une cause physique à ces
maux, que le patient ne relie jamais à ses émotions, à son anxiété, son stress, sa tristesse, sa co-

79
Damasio, R. A. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 81.
380
Ibidem, page 58.
156

1ère, etc. Sa conscience est tellement dépendante de son corps qu'il ne peut conceptualiser son
problème et la solution de celui-ci qu'en termes de maux physiques.38'

Le gestionnaire doit actualiser son potentiel d'autonomie et de créativité. Des outils visant
l'utilisation des processus mentaux et une pratique de techniques de réflexion et
d'introspection doivent être développés et mis au service de sa métaconscience. Ces outils
devront permettre un changement conceptuel dans son mode de fonctionnement profes-
sionnel. En ce sens, Kegan (2001) soulève que les modes de gestion de plus en plus stan-
dardisés entraînent souvent une confusion au niveau de la perception de l'individu dans son
milieu de travail :
Families which become overinvested in a child's given evolutionary truce and unwittingly dig
in against the child's bigger life-project do so a great cost to the child and the family. This is
well known. But the situation is really no different in the workplace. Work organizations that
will not recognize the employee's growth often force the employee to choose between the job
and his or her own life-project. Most workplaces are appallingly unconcerned about this choice,
judging that its costs are almost entirely borne by the employee.382
Il apparaît évident que cette situation ne respecte pas les principes de fonctionnement de
l'humain. La connaissance du processus des mentaux permet de concevoir le rôle, les exi-
gences et les obstacles de la métaconscience, ainsi que l'importance d'en favoriser son dé-
veloppement. Cette notion doit être incluse au centre de notre préoccupation première, tant
pour notre évolution personnelle et professionnelle que pour notre pouvoir d'influence au-
près des décideurs.
Les programmes de formation destinés aux gestionnaires doivent amener ces derniers à
changer les paradigmes de leur développement personnel et professionnel. Comme le sou-
lignent Nelson et Stolerman (2003), ce changement doit être intentionnel : « ... our charac-
ter is (even when stable and deeply rooted) open to change in intentional ways. » '
Le changement conceptuel doit se faire en mettant en place des conditions favorables au
processus de la métaconscience et la valorisation de ses caractéristiques. Afin de bien situer
notre argumentation dans le contexte des entreprises, il est pertinent d'illustrer, ne serait-ce
que de façon sommaire, les principaux paramètres mis en valeur par les approches actuel-
lement utilisées pour la formation, considérées comme étant les plus efficaces. Par la suite,
nous décrirons les quatre approches qui, selon la littérature, favorisent le mieux

381
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 218.
382
Kegan, R. (2001). The evolving self. Op. cit., page 249.
383
Nelson, H. G. et Stolerman, E. (2003). The Design Way. Intentional Change in an Unpredictable World.
New-Jersey : International Technology Publications, page 296.
157

l'implication des processus mentaux du gestionnaire dans le cadre de son développement


professionnel.

4.5. LES THÉORIES DE L'APPRENTISSAGE

Si on respecte ses limites, I esprit humain


est une merveilleuse machine à apprendre.
( irccnspan

Morin (2000) commence son ouvrage Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur de
la façon suivante :
Il est remarquable que l'éducation qui vise à communiquer les connaissances soit aveugle sur ce
qu'est la connaissance humaine, ses dispositifs, ses infirmités, ses difficultés, ses propensions à
l'erreur comme à l'illusion, et ne se préoccupe nullement de faire connaître ce qu'est connaî-
tre. »384

Ce que Morin souligne ici est mis en évidence par d'autres chercheurs et observateurs so-
ciaux depuis des siècles jusqu'à aujourd'hui. Socrate, Aristote et Kant, Marcotte (2006),
Pauchant (1996), Goel A. et Goel S.L. (2005), Senge (2002), Kegan, (1982, 1994), entre
autres, ont dénoncé cette triste réalité. Ce qu'on entend par « éducation » est en fait un ap-
prentissage, une formation visant à accomplir un travail rémunéré, ce qui représente une
utilisation quasi frauduleuse d'un mot d'une si grande portée. De fait, le Dictionnaire de
psychologie aborde la définition du mot « éducation » sur ce ton : « L'un de ces mots dont
tout le monde croit bien connaître le sens à condition de ne pas avoir à le définir. »385
Nous l'avons mentionné plus tôt, au XVIIIe siècle, Kant posait le problème de l'éducateur
sous-éduqué. Il questionnait le fait que, si la génération actuelle d'humains est sous-
éduquée, comment peut-elle prétendre éduquer convenablement la génération suivante?
Dans le même ordre d'idées, Marcotte (2006) reprend les propos de Peccei, tirés des Actes
du Congrès mondial des sciences de l'éducation en 1981, selon qui l'éducation
... doit viser au développement intégral de l'homme. C'est en effet un développement sans le-
quel aucun autre développement -économique, scientifique, technologique, institutionnel, voire
politique-, aucune stratégie au plan du projet d'avenir ne peuvent être couronnés de succès; un
développement sans quoi l'humanité ne pourra s'arrêter dans sa course vers le précipice.386

Selon Marcotte (2006), cette éducation renouvelée doit s'appuyer sur une transmission res-

84
Morin, E. (2000). Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, op. cit., page 11.
85
Doron, R. et Parot, F. (2003). Le dictionnaire de psychologie, op. cit., page 239.
386
Marcotte, G. (2006), op. cit., page 51.
158

ponsable des connaissances liées à l'humain et au développement de son potentiel :


Les sciences du mental et les sciences cognitives ont produit une mine de connaissances inesti-
mables sur notre univers mental. Cependant, toutes ces connaissances théoriques et pratiques
sont éparpillées dans de multiples disciplines qui souvent s'ignorent.387

Le fait de transmettre les connaissances liées à l'humain par disciplines renie la nature hu-
maine dans son potentiel intégrateur de ses dimensions physique, biologique, psychique,
culturelle, sociale et historique. Cette façon d'éduquer génère une conception de l'humain
défaillante, provoquant des désordres psychologiques de plus en plus néfastes. Dans cette
perspective, la pensée de Morin (2000) mérite toute notre attention :
La suprématie d'une connaissance fragmentée selon les disciplines rend souvent incapable
d'opérer le lien entre les parties et les totalités et doit faire place à un mode de connaissance ca-
pable de saisir ses objets dans leurs contextes, leurs complexes, leurs ensembles.388

Dans le même ordre d'idées, Senge (1990) dénonce la façon dont les connaissances sont
réduites à une uniformisation conceptuelle par des recettes comportementales au sein des
organisations, ce qui nuit à l'apprentissage :
Le fait que les organisations apprennent mal n'est pas un accident. La manière dont elles sont
constituées et gérées, la façon dont les tâches sont définies, et surtout les modes de pensée et de
relation qu'on nous a inculqués (dans les organisations et dans la vie), les rendent incapables
d'apprendre. Ces infirmités subsistent malgré les meilleurs efforts de personnes engagées et in-
telligentes. Souvent, plus elles font d'efforts, plus les résultats sont mauvais.38Ç

Le paradigme erroné perpétué par les institutions responsables de l'éducation relève d'une
sous-utilisation des connaissances disponibles, d'une conception limitée du potentiel hu-
main, et d'une connaissance insuffisante du fonctionnement de son cerveau. Une consé-
quence majeure de ce faux paradigme de l'éducation a des répercussions qui s'intensifient
tout au long du développement de l'humain, de l'enfance à l'âge adulte. D'abord, l'enfant
ne reçoit pas les connaissances sur le fonctionnement humain, ni sur les phases et les prin-
cipes de développement qui lui permettraient d'intégrer ces connaissances du fonctionne-
ment de son cerveau et de son potentiel. En conséquence, il ne développe pas une concep-
tion adéquate de ses dimensions mentales, du potentiel de sa métaconscience ni de son pro-
cessus en respectant son propre stade de développement.
Les théories de l'apprentissage émergent principalement de recherches regroupant la psy-

Ibide m.
88
Morin, E. (2000). Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, op. cit., page 12.
389
Senge, P. (1990). La cinquième discipline, op. cit., page 35.
159

chologie développementale, la psychologie cognitive et le développement cognitif. Les


sciences cognitives, bien qu'étant le résultat de plus d'un siècle et demi de réflexions,
d'expérimentations et de formulations d'hypothèses par l'ensemble de la communauté
scientifique, ont été nommées pour la première fois vers 1975 (Dortier 2003). Elles sont dé-
finies comme étant : « l'ensemble des sciences qui étudient les mécanismes de la connais-
sance (psychologie, linguistique, neurobiologie, logique, informatique. »390 Selon le Dic-
tionnaire de psychologie (2003), les sciences cognitives « regroupent l'ensemble des pro-
grammes de recherches qui, au sein de diverses disciplines, ont pour objet commun l'étude
des processus mis en œuvre par les systèmes de traitement de l'information.»391 Dortier
(2003) définit pour sa part les sciences cognitives comme : « un vaste continent de recher-
ches qui touchent à plusieurs disciplines. »
Plus récemment, les courants issus de l'apprentissage expérientiel placent l'expérience
comme source première d'apprentissage en mettant en perspective la prise en compte de
l'expérience comme levier de l'apprentissage. Il s'agit là d'une perspective que partage
Balleux (2000) : « ..., c'est la vie elle-même qui est éducatrice et l'expérience source pre-
mière de tout apprentissage. »393 Damasio (2005) voit aussi l'apprentissage comme un cata-
lyseur des processus humains :
Le génome démontre que tous ces procédés [physiologie des émotions et des sentiments] sont
actifs dès la naissance, ou tout de suite après, et qu'ils ne dépendent pas ou presque pas d'un
apprentissage, bien qu'au fil de la vie, l'apprentissage joue un rôle important dans la détermina-
tion du moment où ces procédés se déploient.394

L'ensemble des recherches récentes liées aux sciences de l'apprentissage converge vers ce
même constat. Tiberghien et Jeannerod (1995) y ajoutent le volet comportemental : « La
recherche en sciences cognitives se caractérise ainsi essentiellement par une mise en cor-
respondance systématique des différents niveaux neurologique, cognitif et comportemen-
tal. »395
Selon Balleux (2000), les modes d'apprentissages auraient un impact sur deux dimensions

1
Sciences cognitives : Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007. Paris : SEJER, page 459.
391
Doron, R. et Parot, F. (2003), op. cit., page 648.
392
Dortier, J.-F. (2003). Le cerveau et la pensée. Entretien avec Jean-Pierre Changeux, op. cit., page 4.
393
Balleux, A. (2000). Évolution de la notion d'apprentissage expérientiel en éducation des adultes : vingt-
cinq ans de recherche. Revue des sciences de l'éducation, vol. XXVI, no 2, page 282.
394
Damasio, A. R. (2005). Spinoza avait raison, op. cit., page 41.
395
Tiberghien et Jeannerod. (1995). Neurosciences : neuropsychologie et neurologie. Revue internationale de
psychologie, no 18/1995, page 197.
160

au niveau du développement humain : -


• Construction du savoir : dimension individuelle de l'apprentissage. : « Pour De-
wey396, l'expérience doit être intégrée au processus d'apprentissage à l'école et tou-
tes les méthodologies de l'éducation nouvelle doivent tendre vers cette direc-
tion. »397 L'expérience est considérée comme un nouveau savoir à intégrer.
• Construction du sens : dimension à tendance sociale. L'expérience doit être inter-
prétée en fonction de son existence : « Cette nouvelle dimension s'inscrit logique-
ment dans la perspective où la réflexion joue un rôle important dans l'intégration de
l'expérience de l'apprenant à sa propre histoire. »398
Selon Mintzberg (2004), la théorie est essentielle pour tirer un apprentissage signifiant de
son expérience. Il insiste pour sa part sur la complémentarité du savoir et du sens :
Theory is a dirty word in some managerial quarters. That is rather curious, because all of us,
managers especially, can no more get along without theories than libraries can get along with-
out catalogs - and for "[E]xperience is not enough. People may learn little from their experi-
ence, unless they have a means for classifying and analysing it" (Sims et al. 1994:284).399

Ainsi, le défi réside dans la façon d'utiliser la théorie en vue d'en faire un outil efficace
permettant au gestionnaire d'optimiser son potentiel humain. Ce faisant, le rendement sera
amélioré, et la performance de l'entreprise en profitera d'autant. Il deviendra alors possible
de diminuer Y effet double contrainte observé chez les gestionnaires. Mintzberg insiste sur
la nécessité de la théorie pour aider le gestionnaire à développer ses compétences : « ... we
use theory whether we realize it or not. So our choice is not between theory and practice so
much as between different theories that can inform our practice.»400
Notre intérêt portant essentiellement sur l'intégration des connaissances sur la métacons-
cience et son processus de développement en vue d'aider les gestionnaires à respecter les
caractéristiques de leur propre métaconscience, nous présentons sommairement (tableau 49)
les principales théories dont les fondements nous sont utiles.

396
Considéré comme l'un des pères fondateurs de "1'experiential learning".
397
Balleux, A. (2000), op. cit., page 282.
398
Balleux, A. (2000), op. cit., page 277.
99
Mintzberg, H. (2004). Managers not MBAs. San Francisco : Berrett-Koehler Publishers Inc., page 249.
400
Ibidem, page 250.
u
'5 IM

en '3 'S
eu
x> >
(9
eo
>
Ht
en
U 3 3
SO c- u: u tm k. TJ -O
C '5 '5 '5 'S 'S U V
co
.0 > > > C
> >
't/3 cd cd es u a es 00 00
C co n en co en en *a>
3 3 3 3 3 '£ <0
u T3 T3
il
13 ■a
c . c
E -a •o
c C C c C e c c
c 0 O c O o 0 0
S — ■J
- J

'-> CJ CJ
3 u CJ

u
en
c
*-*
y
V)
c
S 5 | g Ss
to
C
eo
C
co
B
t-
"cO
C 1eo
C
en
C c 3 1ë s 3
O O O O O O
U U U V U U U t3 U u

1 1
i
B a. ■a
eo OJ
c
C e CJ 3
"S u c g 0
ej g Ë
o
8 o i CL
en
o
eo vi ce) -S
0
2 -0 U
O
c 3 CJ
en EL c
'S C u -J -a C u
3 'C
E '5b •—
to
eo
« > c O
U O -<u OJ)

Ë o
o
J C a o en a.
CL
X e
a,
cd

U a. §
'
■ u u
S3 -S ed 00 _u "â
« '1
ÇO

C/5
X
3
'co
B.» ■a
.2
-ej
en
>
ce) eo cj ca
en 2 - C • u '•B U en
U c a.
c C3
T3
Oj
'e
en S. ej
ej
00
O CJ '■B S
o
> O en U
U

£8
E u o c
to U
o u E
ce) T 3
ce]
a E c w
eo
E E c -eu C .22 3
3
V) J*-•
3 t o -u
u cc j o u
o '.a
C
-cj
co en 3
00 c _JJ
1 S

"1' if
Vi
u U CL CJ c
to
H 3 3 en
C 'C
Ë
3 en
U
«

1
ce)
2 eu s. O
a. -cj -o ca
o. •cj a. s ■o cj
u. .g eo CL
co CJ u
_ÇJ o U 1 c c
o tS
- J
u 3 eo
ca
43 o "53
eo .çj
5 i
•2 S . 2 «5
T3 eu

■6 "3
S1 il5^!
C _3 w 1-
co' 03 O
eo O c
|
3
e: V5 ._—
U
c -cj
E E V) eu
eo M
u 2 E S
J 55 -ej CJ

1
XI 4)
IJ ce)
iJ Q O
o
en CJ
■a
JO
co g "ej
u en
et)
1
C ­CJ
a 3 c 3
3.2
3c CO
CJ
~3
_3
w —
aai
u ,-c» -a CJ -CJ ej
3 .22
ce)

u c O
a
£ c en ce)
c/) E o fi - 00 &
I
to
*-» ej
c u 3 JU
eu U co w
C 3 E U U
E en
O
!
U c co "33 OJ c , u 1 JJ
E 3
T
"3 CL ' CD
c

c
c ■o
c
0 -*- le:
en 3 c
u E o
■o
c
o
'5b

o
1
il
o
u
3 cj
3
T3
C
eo
t-
et)
en
CD
T3
M u
>>T3
en -cj

p
il
­
o.
CL
a
S «n
lu 15 to
-a T3 T3g e- *; «
CO
to
c C C
C
'+-•
o sR §5 ■3 g.
c Z S °°
g o
ev>
o g c _Çj ce) ej ^
.2 u
sS
Is
E '-Çj en
a «2 en U C

'E
— iIB «3
es
U CJ
c
C

•cj
K 2
ce) û

F cou _g •a -0 -s S .2" en § <N


B
9 T5 '•B '■3 Ja 'en Q . ce)
X 0 -0 S u
K
■i> o o o
'5
u O
C U 3 0 H5 = .Si .
2 S s 2 U —. - U s 8.1 o
ÇO CJ
-S o*
•41 a cd
eu eu
c eS* f
c 0 •eu ej
o eo
co

M
eo CL *^ s,
o
v\ 3 "s .22 'c
c3
in o
o o
g" ' o [3 C
.a
'C '5b (in
o
eo ' o .2
'C
00
E
^O
-
O «N

-8 o
eo
U
op o
U
i
cj
•C w ce) en
U x CJ
H ^
to
CJ
CO
> en
en
■a 8 T3
en en eo
> g
o >
s C
et)
'C
U U

"C
.2
'C cd
3 où
CO
C a. -8 -8 -8 ffl
CJ U O
o a. je je JB
Z 0 ffl U < H H H h 3 ?
162

La lecture du tableau précédent met en perspective le caractère évolutif des théories. En


effet, nous remarquons que les fondements et les processus appuyant les théories neurophy-
siologistes sont implicites pour les théories subséquentes. Il en va de même pour les théo-
ries cognitives induites dans les théories behavioristes, etc. De ce point de vue, nous recon-
naissons ici le phénomène des poupées russes.
Afin de vérifier les modes d'intervention utilisés pour la formation des gestionnaires, nous
avons consulté des articles dans les principales revues portant sur le développement humain
en organisation. Nous avons sélectionné les trois principales revues portant sur le sujet, soit
Journal of Adult Development, International Journal of Value Based Management et Tea-
ching Business Ethics. Les résultats de recherches-action portant sur le respect de l'éthique
et du sens moral des gestionnaires œuvrant dans différents types d'organisations (gouver-
nementales et multinationales) y ont été publiés. Le tableau 50 présente quelques constats
émergents :

L'enseignement de l'éthique est plus efficace lorsque la démarche inclut une pratique reflexive.
Le code moral est influencé par l'intérêt individuel à court terme.
Plus le gestionnaire est autonome, plus il manifeste un sens moral élevé en fonction de ses valeurs.
Les gestionnaires impliqués dans un processus de formation reflexive prennent plus conscience de
l'impact de leurs décisions, au moins, à court terme.
Plus le sens moral est élevé, plus le niveau de conscience des impacts sur les décisions est reconnu.
La conscience de soi peut se développer à différents niveaux. Cela requiert un entraînement et par-
fois une supervision par un entraîneur qualifié, lui-même conscient de ses niveaux de conscience.
La capacité à être créatif est liée au degré d'autonomie atteint par les gestionnaires.
Tableau 50 : Principaux constats tirés des études et des formations liées aux compétences humaines
dans les organisations

À la suite de la publication de ces résultats, les chercheurs ont commencé à émettre des
recommandations : la plupart concernent l'éthique. Cette compétence semble de fait être
considérablement remise en cause depuis les dix dernières années. Cordeiro (1999), par
exemple, retient quatre suggestions des entrevues réalisées avec des gestionnaires, et qui
rejoignent les recommandations de plusieurs auteurs :
As noted earlier, the managers I interviewed made four suggestions on how to retard the decline
in ethics: (1) teach ethics in schools, (2) develop Codes of Ethical Conduct, (3) establish a bet-
ter monitoring and reporting mechanism, and, (4) hire "more honest people". Many authors ha-
ve offered similar recommendations. 3

403
Cordeiro, W. P. (1999). Teaching Business Ethics : Theory and Practice. Business Ethics. Vol. 2, no 3,
pages 273-290.
163

Ces recommandations nous semblent, de prime abord, raisonnables. En les plaçant dans un
contexte de compétence humaine, nous émettons cependant quelques remarques :
1- Il est question de retarder le déclin... Ne peut-on pas aspirer à l'enrayer de façon cultu-
rellement définitive?
2- Les recommandations 2 et 3 nous semblent plus contrôlantes que responsabilisantes pour
le gestionnaire; ne serait-il pas préférable de centrer les formations davantage sur le déve-
loppement de l'autonomie et la morale?
3- Engager des gens plus honnêtes; nous sommes en mesure de prétendre que plusieurs
gestionnaires arrivent dans une organisation très honnêtes. Pour eux, le dilemme commence
après quelque temps dans l'organisation, avec les conflits de valeurs et le phénomène de la
double contrainte.
Il apparaît donc que les démarches de formation et de développement humain destinées aux
gestionnaires sont principalement centrées sur l'éthique et le leadership. Or, l'éthique et le
leadership sont des métacompétences, des démonstrations de la créativité et du niveau
d'autonomie de l'humain appliquées à la gestion ainsi que la responsabilisation de son sens
moral. Les trois mêmes processus émergent de la métaconscience qui, comme nous l'avons
déjà mentionné, manque au paradigme de la conception actuelle du gestionnaire.
Nous avançons que les processus d'intervention initiés auprès des gestionnaires pour le
développement des compétences humaines doivent considérer cette notion de métacompé-
tence, centrée sur l'implication expérientielle du sujet ainsi que sur sa relation à lui-même
et aux participants (enseignants et apprenants).
Le caractère processuel de la métaconscience rend possible cette conception de
l'enseignement et de l'apprentissage systémique. L'enseignant est en situation
d'apprentissage, de lui-même et de la part des apprenants. De la même façon, l'apprenant
peut constater qu'il s'enseigne à lui-même ainsi qu'aux autres participants et enseignants.
La figure 17 illustre cette dynamique de récursivité de l'enseignement et de l'apprentissage
de la métaconscience et du développement d'une métacompétence.
164

Enseignement et
Apprentissage autoréflexif

Action de l'enseignant

Concepts liés au développement


de la métaconscience

Action de l'apprenant
î I
Pédagogie et
Apprentissage autoréflexif

Figure 17 : Dynamique systémique de l'enseignement et de l'apprentissage d'une métacompétence

La suite du chapitre 4, et le chapitre 5 présentent de façon intégrée ces quatre éléments : la


compétence humaine, le développement de la métaconscience, l'apprentissage et
l'enseignement.

4.6. L'ÉMERGENCE D'UNE MÉTACOMPÉTENCE

Dans l'élude du transfert /des connaissances!. I enjeu est


d'abord la reconstruction d'une compétence de l'activité humaine.
Louis Toupin

Qu'est-ce qu'une compétence? Au-delà du savoir, du savoir-faire et du savoir-être, la com-


pétence est, selon le Dictionnaire psychologique (2003), la « Capacité dans un domaine
165

.404
donné, ou capacité à produire telle ou telle conduite. » Dans les références officielles du
gouvernement du Québec, on y retrouve l'énoncé suivant :
Le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport définit la compétence comme un pouvoir
d'agir, de réussir et de progresser fondé sur la mobilisation et l'utilisation efficace d'un ensem-
ble intégré de ressources pour traiter un ensemble de situations de vie/ 05

Toupin (2001) met en perspective les définitions proposées par différents auteurs et cher-
cheurs. Nous les reprenons au tableau 51 :
Auteurs Définitions
Legendre « habileté acquise, grâce à l'assimilation de connaissances pertinentes et à l'expérience,
qui consiste à conscrire et à résoudre des problèmes spécifiques, w406
(1988)
« la compétence est davantage un « savoir comment » qu'un « savoir que » qui suppose
Bruner(1983) trois choses : que l'on soit capable de sélectionner dans la totalité de l'environnement les
éléments qui apportent l'information nécessaire pour fixer une ligne d'action... w407
Chéné(1980) « la compétence est la capacité personnelle de remplir un rôle, une fonction ou une tâche
selon des critères de performance établis.408
« La compétence est un « pouvoir » et un « vouloir » qui se traduit dans l'action. Ce
Argyris et
pouvoir-vouloir est associé, pour les tenants de la praxéologie, à la capacité pragmatique
Schôn (1985) déjuger les actes dans leurs conséquences. ... la compétence prend un caractère stable,
•i i J ' • • 409
susceptible de revision, ... . »
« La compétence est une construction discursive qui se tient pour légitime à une époque
Toupin (2001) déterminée, notamment en se proposant comme référentiel, par exemple, en « imposant »
sa logique aux pratiques sociales qui relèvent de celle-ci. »41
« La compétence se présente donc comme une reconstruction formelle de procédés
Serres (1990) d'objectivation présents au sein des schemes d'action, c'est-à-dire de capacités qui
consistent à sélectionner, à fédérer et à appliquer à une situation, des connaissances, des
habiletés et des comportements. »4"

Tableau 51 : Principales définitions de la compétence répertoriées par Toupin (2001)

Dejoux (2001) parle de différents axes de compétence, parmi lesquels la compétence indi-
viduelle :
La compétence est une mise en situation (principe d'action), elle est contingente, contextualisée
à une finalité (principe téléologique), elle est une construction dans le temps (principe de dyna-
mique), elle est un attribut de l'homme, elle doit être reconnue par les autres pour acquérir une
crédibilité (principe normatif à l'égard d'autrui), elle est transférable dans le cadre d'un proces-

404
Doron, R. et Parot, F. (2003), op. cit., page 132.
405
http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/formationBase/pdf/doc/glossaire.pdf. vu le 28 février 2008.
406
Toupin, L. (2001). Les facettes de la compétence, dans Éduquer et former, coordonné par Jean-Claude
Ruano-Borbalan. Paris : Éditions Sciences humaines, page 40.
407
Ibidem.
*°s Ibidem, page 41.
409
Ibidem, page 42.
410
Ibidem, page 41.
411
Ibidem, page 42.
166

sus d'apprentissage individuel et/ou organisationnel, elle a un caractère permanent si elle est
mise en œuvre (principe de régularité).412

En 2000, Balleux pour qui «... la compétence dépasse l'exercice unique du métier... »413,
cite Lindeman (1926) qui, à l'instar de James, Bergson et plus récemment Greenspan et
Kegan, affirmait que « le développement doit être un processus qui intègre émotions, pen-
sées et capacité d'évolution, et que « l'expérience découle de toutes les situations qui ac-
compagnent un élargissement de la pensée. »»414 Deux ans plus tard, Balleux redéfinit le
concept de compétence en dénonçant sa polysémie :
Concept polysémique par excellence, la compétence au travail a fait l'objet d'une investigation
tous azimuts. De Stroobants (1991) jusqu'à Bouteillier (2000), en passant par Le Boterf (1994),
Wittorski (1998), Dejoux (2001) et bien d'autres, elle n'a cessé, depuis une quinzaine d'années,
d'échapper à l'enfermement d'une définition qui aurait fait l'unanimité. Loin des débats, nous
proposons ici une vision qui, fidèle à nos données de recherche, tente d'éclairer sa complexité
agissante. Ainsi, la compétence nous apparaît aujourd'hui davantage comme la maîtrise à ex-
ploiter ses propres ressources dans l'exercice réel d'une tâche, d'un métier, d'une profession.

Sandberg et Targama (2007) abondent dans le même sens que Balleux : « In other words,
the specific way to engage in developing competence and the competence that is developed
at work form an indissoluble unit through individuals' ways of understanding work. »415
Gale (2007) appuie cette conception de la compétence. Il reprend les données de Cheetham
et Chivers (1998). Ces auteurs, à la recherche d'une compréhension holistique pour définir
la compétence, ont interviewé 80 professionnels de 20 pratiques. Les résultats ont démontré
des similitudes avec la pratique reflexive de Schôn (1983 et 1987) : « ... taking a professio-
nal approach to a situation all based on reflection - the crucial professional competen-
416
ce.»
Selon Le Bortef (2008) : « Ce qui est évalué, ce n'est pas la compétence en soi, mais ce qui
est nommé compétence par le dispositif d'évaluation (concepts, instruments, règles, instan-
ces). »417 Selon Sandberg et Targama (2007), cette compréhension est centrale : «... a per-

12
Dejoux, C. (2001). Les compétences au cœur de l'entreprise. Paris : Éditions d'Organisation, page 71.
413
http://vvww.inrp.fr/Acces/Biennale/7biennale/Contrib/longue/7290.pdf, vu le 13 octobre 2008.
414
Balleux, A. (2000). Évolution de la notion d'apprentissage expérientiel : vingt-cinq ans de recherche. Re-
vue des sciences de l'éducation, vol. XXVI, no 2, page 266.
415
Sandberg, J. et Targama, A. (2007). Managing Understanding in Organizations. London : SAGE Publica-
tions, page 75.
416
Gale, A. (2007). Competencies: Organizational and Personal, dans The Wiley Guide to Project Organi-
zation & Project Management Competencies. Peter W. G. Morris et Jeffrey K. Pinto. New Jersey : John
Wiley & Sons inc., page 148.
417
Le Bortef, G. (2008). Repenser la compétence. Paris : Éditions d'Organisation, page 101.
167

son's knowledge and skills are preceded by and are based on the person's understanding of
his or her work. »418 Cette compréhension se traduit par une conscience des processus hu-
mains en lien avec sa perception de la tâche à accomplir.
On peut donc considérer la compétence comme étant plus qu'un bagage de connaissances,
et la démonstration d'habiletés dans l'exécution d'une tâche. Elle peut inclure la relation
entre l'humain et son travail. Sandberg et Targama (2007) insistent sur le volet relationnel.
Il définissent la compétence comme « ... a set of knowledge, skills and attitudes possessed
by a person in relation to a particular type of work. »419
Lorsque l'on considère l'ensemble de ces définitions et représentations, il est possible de
dégager, dans le tableau 52, les points suivants sur le concept de la compétence :

Il ne se traduit pas par la triade « savoir, savoir-faire, savoir être.»


Il fait une différence entre le savoir et la capacité de faire.
Il est associé à l'action.
Il considère que la compétence est mesurable.
Il inclut le volet relationnel de l'exécutant et son travail.
Il considère le contexte du travail.
Il est évolutif.
Il est complexe.
Tableau 52 : Principaux constats liés au concept de la compétence tirés de la littérature scientifique.

Ces constats sont considérés par Balleux et Tardif (2004) qui s'inspirent de Massot et Feis-
thammel pour proposer de considérer la compétence avec une gradation de six dimensions.
Us regroupent les dimensions sous deux axes (tableau 53). L'axe orienté « travail » inclut
les dimensions opérationnelle et fonctionnelle. L'axe orienté « métier » inclut pour sa part
les dimensions liées à la relation, à la structure, à la culture et à la hiérarchie.

418
Sandberg, J. et Targama, A. (2007), op. cit., page 75.
419
Ibidem.
168

Axe Dimension

Opérationnelle : pratiques et conduites de la personne


lors de l'acte professionnel.
Travail
Fonctionnelle : pratiques et conduites de la personne
encadrant les activités professionnelles.
Relationnelle : pratiques et conduites liées à la commu-
nication et aux modes de transaction personnels.
Structurelle : pratiques et conduites liées à l'organisation,
à la structure interne, à la carrière, à la rémunération, etc.
Métier Culturelle : pratiques et conduites liées au sentiment
d'appartenance, à la mission et aux valeurs de
l'entreprise.
Hiérarchique : pratiques et conduites liées au manage-
ment et à l'autorité de l'organisation.
420
Tableau 53 : Dimensions de la compétence en fonction de son axe

Cette conception de la compétence met en perspective une évolution quant aux savoirs,
savoir-faire et savoir-être impliquant différents processus mentaux selon l'axe. Les dimen-
sions liées à l'axe du travail impliquent l'utilisation des fonctions mémorielles et les habile-
tés techniques. Les dimensions liées à la fonction réfèrent au contexte de l'organisation, et
encadrent les dimensions liées au travail et à l'organisation. Elles induisent principalement
les processus mentaux responsables de la raison, du jugement et de l'intelligence interper-
sonnelle.
Ce modèle ne propose cependant pas de dimensions liées à l'axe humain pour encadrer
celles liées à la fonction et au travail. L'axe humain nécessite les dimensions générant les
comportements et les attitudes reconnus chez les leaders, comme répertoriés par les cher-
cheurs au tableau 51. Il s'agit de l'autonomie, de la créativité et de la morale, lesquels
émergent du processus de la métaconscience. La figure 18 illustre la hiérarchie des dimen-
sions en fonction des axes du travail, du métier et de l'humain.

1
Inspiré de Balleux et Tardif (2004).
169

Axe des • Créativité


dimensions liées • Autonomie
• Morale
à l'humain
• Relationnelle
Axe des
• Structurelle
dimensions liées • Culturelle
au métier • Hiérarchique

Axe des
• Opérationnelle
dimensions liées • Fonctionnelle
au travail

Figure 18 : Hiérarchie des dimensions de la compétence

En référant aux propos de Brown (1993), nous devrions considérer l'axe des dimensions
humaines comme une métacompétence puisqu'il génère des habiletés d'ordre supérieur à
celles des deux axes précédents :
A distinction is made between managerial processes which are competence-based-skills based
on knowledge, and those which are based on meta-competences-the higher order abilities which
have to do with being able to learn, adapt, anticipate and create. (...) connects knowledge with
the concept of meta-competences, and suggests that metacompetences are a prerequisite for the
development of managerial capacities such as judgement, intuition and acumen, as well as the
capacity to undertake managerial tasks successfully.421

L'ensemble de ces informations invite à considérer de nouvelles modalités de formations


destinées aux gestionnaires. Afin de concevoir des projets de formation, les concepteurs
devront considérer les principes pédagogiques congruents avec la réalité du gestionnaire.
De plus, les outils de formation devront aussi satisfaire à cette congruence afin d'assurer au
gestionnaire une formation adaptée au développement de sa métaconscience.

http://mlq.sagepub.eom/cgi/content/abstract/25/2/289, vu le 23 octobre 2008.


170

CHAPITRE V :

LA PÉDAGOGIE DE LA MÉTACONSCIENCE

l nderstanding human competence is thus particularly important for being


able to manage and organize professionals and their work effectively.
Sandberg et Targama

Au terme de la présentation des connaissances liées au développement de l'humain, à la


métaconscience et au paradigme conceptuel des gestionnaires, comme présentées aux cha-
pitres 3 et 4, certains constats émergent. Nous les présentons au tableau 54 qui suit :

Les gestionnaires agissent en fonction de la conception qu'ils ont de leur situation au travail.
Les gestionnaires n'ont pas conscience de la double contrainte dans laquelle ils se trouvent dans le
cadre de leur travail.
Il y a un lien d'interdépendance entre le cerveau et l'affectif chez l'humain.
Considérer le volet émotionnel en situation de gestion n'est pas reconnu comme une compétence en
gestion.
Les processus mentaux doivent être abordés de façon métaconsciente.
La connaissance des caractéristiques de la métaconscience permet d'optimiser l'efficacité de
l'apprentissage dans le cadre des activités de gestion.
Prendre conscience de l'impact du stress de la double contrainte peut influencer la santé de
l'humain.
Uniformiser les modes de pensée plutôt que de susciter les débats d'idées a un impact négatif sur
l'innovation et le rendement.
Il est possible d'influencer les processus mentaux, physiologiques et physiques par l'apprentissage
et les émotions.
L'humain détermine le sens de ses actions en fonction de son identité, caractéristique de sa méta-
conscience.
Aider le gestionnaire à développer son autonomie, sa moralité et sa créativité devrait être le but
premier de tout système de formation. ___
i
Tableau 54 : Constats sur l'apprentissage chez l'humain.

Ces constats témoignent que nous devons considérer de nouvelles modalités de formation
pour les gestionnaires. Nous pourrons ainsi agir positivement sur les statistiques qui illus-
trent, encore de nos jours, une détérioration de la condition de l'humain au sein de son or-
ganisation. Une conception renouvelée de la pédagogie auprès des gestionnaires permettra
171

d'agir de façon mieux adaptée à l'humain en considérant les caractéristiques qui lui sont
propres. Voici ce que Brown (1993) affirme à ce sujet :
... the possible definition and assessment of competences at high managerial level become
clear: competence is something which non-managers, or almost managers can be trained to
demonstrate. A «real» manager, however, is not trained, but is educated into his/her post, and if
any competences are concerned, these are meta-competences, the high-level, intellectual, ab-
stract, knowledgebased abilities.422

Le développement de cette métacompétence managériale semble avoir les mêmes exigen-


ces que le développement de la métaconscience. Cette métacompétence doit en effet cou-
vrir les connaissances liées aux processus mentaux et au développement humain. Ce savoir
est essentiel pour exercer une pratique intégrant le potentiel des trois niveaux du cerveau
afin d'amener le gestionnaire à développer son autonomie, et à optimiser son potentiel de
création. Il sera par la suite possible de mettre en valeur les qualités morales desquelles
émergent la compassion, l'amour et l'éthique.
5.1. ENSEIGNER LA MÉTACONSCIENCE

l a compétence n 'est pas un état. ( ' 'est un processus.


(iuy Le Bprlcf

La pertinence de développer la métaconscience pour les gestionnaires prend son sens dans
l'évolution de la pensée managériale. La situation actuelle dénoncée dans la problématique
de cette recherche impose un virage important dans la conception du développement hu-
main dans le contexte actuel. Les statistiques démontrent que, tant en institution ou dans les
lieux de travail, les programmes de formation existants ne semblent pas diminuer la dégra-
dation des conditions humaines, tant aux plans individuel, social que planétaire. L'écart
conceptuel entre la compétence et la métacompétence est bien démontré par Sandberg et
Targama (2007) :
Managers have probably not fully realized all the consequences of what it means to manage by
influencing people's understanding of their own and the company's task. Certainly, advocates
of management by ideas have adopted the insight from interpretative research studies that un-
derstanding forms the basis of people's work performance. But when these advocates later de-
scribe how people's understanding can be influenced, they generally fall back into the tradi-
tional rationalistic principles of management.423

Toupin (2001) voit une évolution par rapport au processus d'apprentissage au sein des or-

422
Brown, R. B. (1993). Meta-Competence: A Recipe for framing the Competence Debate, Personal Review,
vol. 22, no 6, pages 25-36.
423
Sandberg, J. et Targama, A. (2007), op. cit., page 20.
172

ganisations (tableau 55). II constate, à l'instar de Mintzberg (1994), Argyris (1984) et plu-
sieurs autres, dont Sandberg et Targama (2007), la recherche de l'étonnement et du sens à
travers les expériences : « Les démarches de professionnalisation correspondent à des par-
cours, à des itinéraires de plus en plus variés où formation, recherche et action
s'entremêlent tout au long de la vie. »4

Caractéristiques de l'apprentissage Recherche du sens


Il est en cours et il fait partie de nos vies; ce n'est pas
L'apprentissage est propre à la nature humaine.
une activité dissociée du reste de notre existence.
L'apprentissage consiste d'abord et avant tout Cela engage toute notre personne dans un rapport dy-
en l'habileté de négocier un nouveau sens. namique de participation et de réification.
Les nouvelles connaissances permettent de redéfinir ses
L'apprentissage crée des structures émergentes.
cartes mentales.
L'apprentissage est fondamentalement expé- Par la réflexion consciente de sa pratique et de la nature
rientiel et social. relationnelle de ses activités.
Par l'influence de nos processus mentaux et notre redé-
L'apprentissage transforme notre identité.
finition de soi.
425
Tableau 55 : Caractéristiques de l'apprentissage

Prendre conscience de ces caractéristiques à un niveau meta permet de considérer la systé-


mique de l'apprentissage par l'émergence d'une métacompétence : la métaconscience. Pour
soutenir le développement de la métaconscience, et pour améliorer les programmes de for-
mation, les apprentissages doivent dans un premier temps être réalisés individuellement.
Par la suite, un soutien doit être apporté par un coach ou un mentor. De cette situation
émerge des questions fondamentales afin de répondre au deuxième objectif de notre thèse :

1. Peut-on enseigner (ou éduquer à) la métaconscience?


2. Peut-on faciliter le développement de la métaconscience chez les gestionnaires?
3. Comment peut-on encadrer ou soutenir le développement de la métaconscience chez
le gestionnaire?
Après avoir identifié les composantes de la métaconscience, et analysé le concept de
l'apprentissage et sa complexité, nous proposons un ensemble de principes pédagogiques
directeurs à respecter, ce qui répond à notre deuxième objectif.

44
Toupin, L. (2001). Les facettes de la compétence. Paru dans Éduquer et former, coordonné par Jean-
Claude Ruano-Borbalan. Paris : Éditions Sciences humaines, page 233.
425
Inspiré de Toupin (2001).
173

5.2. LES COMPOSANTES DE LA MÉTACOMPÉTENCE MÉTACONSCIENCE

C e qui fait peut-être défaut, c est la compréhension que les


exigences du travail.. ne nécessitent pas I introduction de
nouvelles habiletés mais l'atteinte d'un seuil de conscience
Robert Kegan

Les activités de développement du potentiel humain du gestionnaire doivent commencer


par une connaissance et une compréhension de l'humain en tant que système autonome et
distinct. Dans un deuxième temps, le développement de son habileté à utiliser ses caracté-
ristiques de façon interactive et consciente lui permet d'agir de façon à optimiser son poten-
tiel humain. Finalement, la conscience de la complexité relationnelle de ses actes lui permet
d'actualiser ses processus mentaux afin de développer son autonomie, son sens moral et sa
créativité.
Développer sa métaconscience implique (tableau 56), dans un premier temps, une intros-
pection en trois étapes pour en connaître le rôle et les caractéristiques :

Étapes Signification
Analyse consciente de la nature de la démar- Qu'est-ce qui initie cette démarche?
che.
Identification de ses valeurs, principes de vie,Respecter ses valeurs et considérer la nature de
croyances, etc. ses croyances amènent l'apprenant à prendre
conscience de sa responsabilisation en regard
de son développement humain.
Analyse de son environnement et des facteurs La relation entre l'apprenant et son environ-
externes susceptibles d'influencer la démarche. nement prend son sens dans la reconnaissance
de la complexité de cette relation.
Tableau 56 : Trois étapes du développement de l'habileté de la métaconscience

La pratique de la métaconscience nécessite de reconnaître l'apport de ses émotions, de ses


mémoires, de ses sensations, de ses valeurs et de ses intelligences. Cette pratique exige éga-
lement de considérer les liens avec les facteurs de l'environnement et leur influence. Com-
me le souligne Damasio (2001) :
174

la perception de vos états émotionnels, autrement dit la conscience de vos émotions, vous per-
met une réponse modulable en fonction de l'histoire individuelle de votre interaction avec
l'environnement. Bien que vous ayez besoin de mécanismes innés pour amorcer votre proces-
sus d'acquisition de connaissance sur le monde, la perception consciente de vos réactions émo-
tionnelles vous apporte plus.426

Comprendre la métaconscience comme une métacompétence initie un changement de para-


digme. Sandberg et Targama (2007) partagent aussi ce point de vue: « We, however,
claimed that the alleged paradigm shift has mostly taken place at a rhetorical but not at a
practical level. The main argument was that managers have failed to turn the paradigm shift
into practice because they have continued to act within the rationalistic perspective.»427
Cette métacompétence implique la relation avec son travail, tant au niveau de sa conscien-
ce, des sensations intéroceptives qu'extéroceptives. Greenspan (1998) exprime bien cette
nécessité de reconnaître le mode de fonctionnement de ses processus mentaux :
Même parvenu à un haut niveau de fonctionnement, personne ne se sert [de sa capacité de déve-
loppement mental] tout le temps ni dans tous les domaines de la vie. Qui ne s'est jamais trouvé
coincé dans une discussion apparemment insoluble, les deux parties s'abritant derrière des posi-
tions manichéistes, toutes noires ou toutes blanches? Qui n'a jamais répondu à la peur par la
certitude du malheur qui allait suivre? Faire preuve d'un bon niveau de réflexion dans certains
domaines de la vie ne veut pas dire qu'il se manifeste toujours. On mesure le fonctionnement
mental d'une personne à ses réponses à une large gamme de sentiments et à sa stabilité en cas
de crise ou de tension. Garde-t-elle sa capacité de réflexion quand elle est blessée, apeurée, in-
sultée, déçue, rejetée, inquiète, exténuée ou pressée? Ou retombe-t-elle dans des formes rigides
de réponses, une pensée polarisée ou des actions concrètes? En d'autres termes, étudie-t-elle les
alternatives et pèse-t-elle le pour et le contre, évalue-t-elle les possibilités, les points de vue, ou
agit-elle précipitamment, fond-elle en larmes, blâme-t-elle les autres et énonce-t-elle des stéréo-
types? Il faut aussi s'interroger sur les domaines émotionnels où elle réagit de façon plus polari-
sée et désorganisée.428

Nous estimons donc nécessaire d'assurer une compréhension adéquate du fonctionnement


humain afin d'optimiser la valeur de la formation à la métaconscience.

5.3. COMPRENDRE, UN PHÉNOMÈNE COMPLEXE

Développer une métacompétence à dimension humaine signifie plus que cumuler des
connaissances. C'est un aller-retour récursif entre une connaissance additionnelle et son
influence sur l'ensemble du système tel que perçu au même moment. C'est ce qui se passe
au plan physiologique lorsqu'une nouvelle information est captée par un organe humain. La

26
Damasio, A. (2001). L erreur de Descartes, op. cit., page 187.
427
Sandberg, J. et Targama, A. (2007), op. cit., page 21
428
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 180.
175

réaction du système indique la teneur de l'impact de l'information. C'est comme lire les
lettres d'un mot une à une, de façon décousue : ces lettres n'ont de signification que lors-
qu'elles sont interprétées les unes par rapport aux autres. Par la suite, le mot prend son sens
lorsqu'il est placé avec d'autres mots dans une phrase, et ainsi de suite. Ultimement, le sens
du texte est interprété selon les perceptions et les filtres du lecteur. Il y a alors une discri-
mination consciente. La compréhension prend forme à ce moment, et peut varier d'un lec-
teur à l'autre en fonction de ses caractéristiques individuelles. Même si quatre personnes
lisent les mêmes lettres, les mêmes mots, les mêmes textes (ce qui représente une somme
de connaissances), les interprétations peuvent varier considérablement en fonction de leur
conception initiale du thème.
Ainsi, un gestionnaire en situation de double contrainte peut se sentir très affecté par
l'annonce d'une restructuration de l'organisation où il travaille. C'est-à-dire qu'il peut res-
sentir des symptômes physiologiques importants alors que la même information peut passer
presque sous silence pour un de ses collègues, selon la compréhension de chacun.
L'émotion ressentie sera différente.
Pour le premier gestionnaire, cette restructuration peut être perçue comme une menace de
perdre son emploi ou une surcharge de travail, et pour l'autre, comme une promotion éven-
tuelle. Sandberg et Targama (2007) expliquent cette nuance quant à la façon de comprendre
la réaction humaine, l'émotion : « In understanding, as an existential, that which we have
such competence over is not a «what », but Being as existing. «(Heidegger, 1962/1927:
,83)429

La même information provoquera ainsi des réactions physiologiques différentes chez des
individus différents : le corps comprend en fonction de la sélection, de l'intégration et de
l'organisation qu'il fait des nouvelles informations : « Understanding signifies our inextri-
cable relation to our world. »430
C'est ce qui est mis en évidence dans le paradigme de conflit cognitif soulevé par Navel
(2007). Le conflit cognitif (tableau 57) génère trois niveaux de réactions selon l'individu.

429
Sandberg, J. et Targama, A. (2007), op. cit., page 82.
430
Sandberg, J. et Targama, A. (2007), op. cit., page 60.
176

Conflits cognitifs du gestionnaire Changements conceptuels

1-a) Le gestionnaire ignore sa double contrainte, le


Il ne peut y avoir de changement conceptuel.
conflit cognitif est élevé.

1-b) Le gestionnaire rejette, exclut, maintient en


Il n'y a pas de changement conceptuel, mais il y a
suspens l'information de la double contrainte, le
conflit cognitif est mis à jour. prise de conscience des contradictions.

2- Le gestionnaire réinterprète selon sa compréhen-


Une faible restructuration de la conception initiale
sion la double contrainte. Le conflit cognitif se
s'amorce.
transforme en questionnements.
3- Le gestionnaire comprend le phénomène de la
double contrainte. Le conflit cognitif laisse place à Une restructuration conceptuelle prend forme.
la nouvelle information.
Tableau 57 : Changement conceptuel engendré par le niveau du conflit cognitif du gestionnaire en re-
gard de la double contrainte

Afin d'arriver à enseigner la métaconscience, nous devons donc considérer à la fois le


conflit cognitif du gestionnaire et le niveau auquel il se situe. L'évolution de ce changement
conceptuel sera fortement influencée par le fonctionnement physiologique de l'humain, son
contexte d'évolution, ses caractéristiques personnelles, son potentiel émotif et sa capacité
reflexive. L'enseignement de la métaconscience doit se faire avec une perspective holisti-
que de la personne en relation avec elle-même et son environnement.

5.4. LES PRINCIPES PÉDAGOGIQUES DIRECTEURS

(...) an important job of cognition is to make predictions that guide


decisions The better the predictive ca/Ktcities. the better, oilier
things being equal, the organism 's chance to survival.
Patricia Smith Churchland

Le transfert des connaissances liées au processus de la métaconscience peut se faire à


l'intérieur des activités régulières du gestionnaire ou dans un cadre de formation plus for-
mel et structuré. D'abord, nous reconnaissons qu'il est impératif de considérer l'apprenant
comme un individu unique et à part entière, avec ses connaissances et ses expériences. Cet-
te conception de l'apprenant le place comme l'acteur principal du développement de sa
compétence métaconscience. Navel (2007) remarque que :

Inspiré de Navel (2007).


177

Les connaissances antérieures apparaissent également de manière récurrente dans les considéra-
tions à prendre en compte dans le cadre d'études portant sur le changement conceptuel. (...) ces
connaissances antérieures peuvent jouer à la fois le rôle d'assise pour l'intégration ou être un
obstacle au changement conceptuel.432

La façon de considérer les antécédents de l'apprenant a un impact affectif majeur, ce qui


influence la réceptivité, et contribue à diminuer le conflit cognitif.
Pour Freire (2003), le dialogue est la base de la relation entre le formateur et l'apprenant.
Selon lui, la parole a deux dimensions soient l'action et la réflexion : « Si elle n'est que
discours, elle est verbiage. Si elle n'est qu'action, elle est activiste. »433 Le formateur accep-
te cette responsabilité de représenter ce qu'il enseigne. Il doit afficher humilité, confiance et
il doit aimer les gens.
Du fait de la complexité de cette compétence et de la nature integrative de son développe-
ment, certains principes liés au formateur, au contenu, à la méthode et à l'apprenant sont
incontournables. Nous nous inspirons, entre autres, des travaux de Greenspan, Kegan et
Buzan pour répertorier ces principes.

5.4.1.Les principes liés au formateur

...l'éducateur doit connaître avant tout les éléments


généraux et le fonctionnement de l esprit.
William J;iines

Le premier principe fondamental de tout enseignement réside en la reconnaissance des ca-


ractéristiques et au respect des exigences de développement de sa métaconscience dans son
quotidien. C'est un préalable qui permet une meilleure reconnaissance des caractéristiques
humaines de l'apprenant, et ainsi d'adapter son enseignement. Les principes liés au forma-
teur (tableau 58) exposent donc les exigences, dans ses activités, de relier et d'intégrer les
caractéristiques inhérentes à la métaconscience, et de baser ses décisions sur ces caractéris-
tiques.

Navel, C. (2007). Pertinence d'une conception explicite et complexe de l'être humain chez l'enseignant,
examen de doctorat. Québec : Faculté des sciences de l'éducation, Université Laval, page 39.
Minot, A. (2003). Résumé et commentaires du cours de Paulo Freire : Pédagogie des opprimés. France :
Viroflav. http://w\vw.resaq.org/article.php3?id article=721 vu le 12 octobre 2008.
178

Principes Actions
Enseigner la métaconscience exige d'en intégrer soi- Faire les exercices liés à la conscience de soi, à la
même les bienfaits. respiration consciente et contrôlée et, s'il en sent le
besoin, méditer.
Pratique quotidienne des activités autoréflexives de
ses processus mentaux : introspection et journal de
bord.
L'apprenant est un être humain à part entière. Utiliser le potentiel des apprenants. Certains exem-
Ce mouvement de centratjon sur l'élève conduit à mieux prendre en ples tirés de la vie familiale ou sociale peuvent
considération les individualités en matière d'histoire personnelle et constituer une valeur ajoutée à l'enseignement.
sociale, mais surtout dans le pilotage diversifié des apprentissages 4!4
Créer un lien affectif nécessaire à l'établissement de la Ajuster l'enseignement au niveau de développe-
confiance en soi et en la relation d'apprenant / forma- ment de l'individu. Le maître doit connaître l'élève
teur. et être en mesure de bien évaluer son niveau et ses
capacités.
Pour apprendre, le corps doit se reposer et de se déten- Commencer l'activité par un exercice de respiration
dre. profonde et rythmée.
L'accumulation de tension nerveuse nuit à Bouger le corps au début de l'exercice et à chaque
l'apprentissage. pause.
Les processus de compréhension et de mémorisation Ménager des pauses régulières par période de 20 à
doivent fonctionner ensemble pour une efficacité maxi- 50 minutes, quel que soit le travail accompli.
male.
Bien que le niveau de compréhension puisse se maintenir à un niveau
constamment élevé, la mémorisation de ce qui a été compris va aller en
se détériorant si aucune pause n'est accordée à l'activité mentale
(Buzan, 2003: 148).
Reconnaître l'affectif et l'émotionnel en regard de Ajuster la quantité d'information théorique et les
l'information apprise favorise l'intégration et périodes d'application pratique et les expériences.
l'organisation des nouvelles idées et des concepts nou-
vellement appris.
Des renforcements positifs et des ajustements rapides Assurer un encadrement comprenant une structure
lorsque requis maintiennent la motivation et un bon et des limites adéquates. Évaluer les apprentissages
niveau de confiance chez l'apprenant. régulièrement, selon des paramètres précis et faci-
lement reconnaissables.

L'utilisation des théories adaptées au contexte encourage Utiliser des théories de façon à provoquer des réac-
la contribution des apprenants. tions. Les énoncés doivent générer des discussions
et faire évoluer les croyances et les paradigmes
existants.
Tableau 58 : Principes pédagogiques liés au formateur
Ces principes mettent en perspective l'importance, pour le formateur, de connaître et
d'utiliser lui-même les pratiques de développement de sa métaconscience. Il en va de sa
crédibilité et de son influence auprès des apprenants. Le formateur doit aussi maintenir à
jour ses connaissances, et les intégrer de façon continue à son enseignement.

434
Astolfi, J.-P. (2001). « Les mutations du paysage pédagogique », dans Éduquer et former. Coordonné par
Jean-Claude Ruano-Borbelan. Paris : Éditions Sciences humaines, page 18.
179

5.4.2.Les principes liés au contenu

... le plus important des facteurs influençant


I apprentissage est ce que I apprenant suit déjà.
David A usuncl

Les différentes stratégies d'apprentissage proposent des conceptions de mise en forme des
informations à transmettre dans un contexte d'apprentissage. Le contenu de la métacompé­
tence métaconscience se compose en grande partie de ce que l'apprenant sait de façon plus
ou moins consciente. La section plus scientifique porte sur la biologie et la physiologie, elle
représente la portion des connaissances déclaratives. Les connaissances procédurales cons­
tituent le plus souvent des prises de conscience lors d'une pratique reflexive et la tenue
d'un journal de bord. Les principes à considérer se situent au niveau déclaratif pour la natu­
re de l'information. Le volet procédural impose pour sa part de considérer les connaissan­
ces actuelles de l'apprenant, le contexte environnemental dans lequel il évolue ainsi que ses
objectifs de développement. Lorsque vient le temps de la planification des contenus et des
activités de formation, tous les principes suivants (tableau 59) doivent être considérés :

Principes Actions

L'organisation et la structure des informations Élaborer un contenu de base divisé en niveaux, de


influencent la qualité de l'enseignement. façon à assurer une adéquation entre ce que le par­
ticipant connaît et les connaissances qu'il doit ac­
quérir.
Les nouvelles connaissances s'ancrent sur les an­ Adapter les contenus au contexte et aux connais­
ciennes. sances actuelles de l'apprenant.
De par son unicité, le participant interprète les in­ Ajuster les contenus, la vitesse et le rythme de
formations de façon personnelle. l'apprentissage en fonction du potentiel cognitif de
l'apprenant
L'apprenant peut apprendre avec tous ses sens. Diversifier les structures et les médias utilisés.
L'être humain apprend en considérant une hiérar­ Reconnaître les obstacles à l'apprentissage et facili­
chie des informations et de l'apprentissage. ter l'établissement de liens entre différents ■
concepts.
Une même information est perçue de façon diffé­ Ajuster les activités d'apprentissage aux tendances
rente en fonction du contexte d'apprentissage. naturelles et à la façon dont l'apprenant perçoit la
situation.
L'apprenant est motivé à apprendre quand il perçoit Assurer une adéquation directe entre la pertinence
l'utilité de l'apprentissage. de l'information et son utilité pour le gestionnaire.
Tableau 59 : Principes pédagogiques liés au contenu
La sélection des informations et des exercices, la façon de les organiser, de les structurer et
de les communiquer doivent satisfaire aux critères de la pertinence et aux caractéristiques
de l'apprenant. L'approche d'enseignement doit permettre de transférer le contenu élaboré.
180

5.4.3. Les principes liés à l'approche d'enseignement

Que I on forme ou que I on contribue à la formation d autrui


l'engagement dans la formation est d'abord une recherche
permanente certains diraient même une quête de sens.
Pierre Caspar

Les approches d'enseignement varieront selon que l'on aborde la construction du savoir, ou
la construction du sens. Considérant la nature des informations à transférer, des habiletés à
développer et des comportements et attitudes à intégrer, l'approche sera cognitiviste, phé-
noménologique, expérientielle, integrative, etc. Pour l'ensemble des situations, certains
principes doivent être respectés. Ces principes (tableau 60) sont inspirés des approches
d'enseignement de Kolb, Mintzberg, Argyris & Schôn et Bohm que nous aborderons au
point 5.5. Ils nous aident dans le choix des activités et des outils d'enseignement et
d'encadrement.
181

Principes Actions

L'émotion joue un rôle de premier ordre dans le phénomè- Utiliser des approches adaptées aux objectifs
ne de l'apprentissage. d'apprentissage et au contexte dans lequel l'apprenant
Si par exemple, on vous raconte deux histoires de même évolue.
longueur et présentant le même nombre de faits, ne dif- Établir les valeurs et le sens des apprentissages afin
férant que parce que l'une d'entre elles a une forte te- d'en dégager les émotions.
neur émotionnelle, vous aurez un souvenir bien plus
détaillé de cette dernière.435
Le formateur ancre les apprentissages sur les connaissan- L'approche doit permettre de concevoir et de structurer
ces et expériences de l'apprenant. les sessions en fonction des compétences actuelles et de
la réalité de l'apprenant.
Nous apprenons quand nous détectons une erreur et que Mettre en place des approches qui permettent à
nous la corrigeons. ... Nous apprenons également l'apprenant d'exercer une réflexion honnête sur ses
quand nous obtenons une concordance entre l'intention actions et ses perceptions. Elles doivent inclure un
et le résultat.436 espace pourrevenirsur ses premières conceptions.
La démarche menant à une meilleure utilisation de sa Offrir un accompagnement afin de permettre une ré-
métaconscience implique forcément un retour sur troaction objective complétant l'apprentissage généré
l'expérience. par le processus phénoménologique.
Ultimement, l'apprentissage se fait par mémorisation, Assurer une variété de méthodes pour chaque phase de
observation et réflexion. l'apprentissage.
L'apprenant prend plaisir à l'activité en cours, pas juste au Soutenir l'intérêt et la motivation au cours des activités
résultat final. d'apprentissage à l'aide de méthodes variées et adap-
tées.
L'expérience tirée d'un apprentissage expérientiel peut Assurer que l'approche fournisse un document de façon
servir d'information pertinente pour le futur. à permettre une traçabilité de l'apprentissage.

Tableau 60 : Principes pédagogiques liés à l'approche d'enseignement

Nous constatons que l'apprenant et son contexte influencent le choix de l'approche


d'enseignement utilisée. L'apprenant est très impliqué dans le déroulement de son appren-
tissage; il est considéré comme le premier responsable du résultat.

5.4.4.Les principes liés à l'apprenant

El pourtant, on ne saurait nier l'individualité qui est là à l'intérieur


de chaque boîte noire se trouve une personne très complexe qui
aborde des phénomènes comme la perception, I apprentissage
ou la mémoire d'une manière qui lui est propre
Kel de Vrics

Dans sa condition de double contrainte, le gestionnaire se retrouve souvent sous pression; il


doit prendre des décisions rapidement, et le droit à l'erreur est souvent une question théori-
que. Cette condition impose d'autre part un apprentissage responsable. Un apprentissage
qui va plus loin que l'acquisition de connaissances et la pratique. Le formateur doit consi-

35
Damasio, A. (2002). Le sentiment même de soi. Paris : Les Éditions Odile Jacob, page 374.
436
Argyris, C. (2003). Savoir pour agir. Paris : Dunod, page 17.
182

dérer le conflit cognitif associé à la double contrainte, et permettre à l'apprenant de réaliser


un changement conceptuel adéquat.
Dans quelles situations les patterns dominants tels la colère, la compassion, l'irritabilité
sont-ils les plus apparents? En groupe, dans l'intimité, en situation de stress, d'échéancier
serré? Greenspan (1998) rappelle l'importance de la dimension affective :
La santé émotionnelle est donc la formation incessante de capacités variées, qui commence
avec l'acquisition des niveaux de base du développement mental... La maîtrise de ces niveaux
peut se faire à des moments différents et de façons très diverses. Les être humains présentent
des gammes de talents, de capacités, de conceptions, de caractères, de tendances et de pen-
chants très variés qui s'inscrivent toutes dans les limites d'un bon développement.437

Greenspan y va de cette précision : « Les expériences que j'ai menées avec Stephen Porges
(université du Maryland) prouvent que les zones du cerveau et les parties du système ner-
veux spécialisées dans la régulation des émotions jouent un rôle essentiel dans la cogni-
tion. »438
Considérant l'impact des émotions sur le travail de réflexion, il apparaît important de
considérer l'état émotionnel des participants lors d'activités de formation. Cet état est in-
fluencé par la personnalité même de l'apprenant et par le contexte du moment. Par exem-
ple, comme le précise Greenspan (1998), la capacité de réflexion sera différente à la suite
de l'annonce d'une augmentation du chiffre d'affaires ou de l'annonce de la vente de
l'entreprise à un concurrent :
À un autre niveau, c'est l'aptitude à organiser et réguler les sensations, perceptions et émotions
qui est affectée. Dans les états d'humeurs extrêmes, ce sont les émotions plutôt que les idées qui
ne se regroupent plus en schémas. Des sentiments intenses traversent et bouleversent l'esprit,
provoquant d'énormes vagues affectives qui font basculer et détruisent la pensée, la logique et
le sens de la réalité. Animée par la joie et l'enthousiasme, la personne croit tout possible. Ou
alors, saisie d'une immense tristesse, elle craint de ne jamais rien réussir. Ou encore, persuadée
qu'elle est millionnaire, elle fera des cadeaux trop onéreux pour elle, puis accablée de déses-
poir, elle essaiera de se tuer à propos d'un revers mineur. L'émotion ne correspondant pas à la
réalité et ne lui répondant pas de manière proportionnée, l'intellect ne peut fonctionner lucide-
ment.439

Nous avons dégagé, à partir des travaux de Greenspan (1998), Kegan (1982 et 1986), Bu-
zan (2000) et Sandberg et Targama (2007), (tableau 61), les principes liés à l'apprenant que
doit considérer le formateur dans ses activités pédagogiques.
L'apprenant doit assumer son apprentissage. Il doit donc utiliser le soutien du formateur de
13
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 201.
438
Ibidem, page 20.
439
Ibidem, page 206.
183

façon à s'assurer de bien intégrer les connaissances dans sa pratique.


L'ensemble des principes directeurs rejoint les sept principes liés au développement hu-
main, comme proposés par Greenspan (1998) au chapitre 3 :
• un environnement sûr et sécurisant ;
• des relations durables et riches vécues avec les mêmes personnes;
• un besoin d'interactions riches et continues;
• un besoin d'un environnement respectueux du caractère et du rythme d'évolution de
chacun;
• un besoin de prendre des initiatives et d'un environnement permettant la résolution
de problème en cas d'erreur;
• un besoin de structure et d'encadrement clairement définis;
• un besoin d'un environnement social stable et offrant des ressources appropriées,
matures et accessibles.
Une personne peut éprouver de la colère. Cependant, elle peut réagir de différentes façons
selon le niveau de conscience qu'elle a de son émotion, et la facilité avec laquelle elle ex-
prime son ressenti.
184

Principes Actions
L'adulte, quel que soit le poste qu'il occupe, est un Considérer chaque apprenant comme une personne.
être humain à part entière. Concevoir le contenu et la méthode de façon à
The people who create the leadership literature do not read encourager l'apprenant à considérer tous les aspects
the parenting literature. All these people are trained in dif- de sa vie dans le développement et l'intégration de
ferent professions, each with distinct identities, modes of la compétence métaconscience.
analysis, heroes and heroines, and ways of framing the
questions that need answering there is no place to look
to consider what is being asked of the adult as a whole. An
adult is not only a worker, only a spouse, only a parent An
adult may be all of these things.440
L'apprenant est responsable de ses apprentissages. Etablir dès le départ les responsabilités de chacun.
Les gestionnaires ont une compréhension person- S'assurer de la congruence entre la compréhension
nelle de leur organisation, de leurs tâches, de leur de l'apprenant et les informations recueillies pour
performance, des facteurs internes et externes : développer le programme de formation.
Employees as well as managers all have an un-
derstanding of their specific company's specific
tasks, business, market, competitors, and so
441
on.
Les gestionnaires créent leur compréhension à Valider la compréhension du participant de façon
partir des informations qu'ils perçoivent. régulière et s'assurer de combler les écarts le cas
échéant.
Les gestionnaires agissent en fonction de leur com- Utiliser la compréhension du participant pour an-
préhension. Cette compréhension guide leur per- crer les nouvelles informations.
formance et les compétences qu'ils vont chercher à
développer :
Employees as well as managers act in line with their under-
standing, which also forms the basis for their work perform-
ance and the competence they develop and use in accomplish
their work.442
Quand la compréhension change, les performances Encourager le participant à prendre conscience des
et les compétences sont influencées et modifiées en influences et des comportements émergents.
conséquence.
... when people change their understanding they will also
change their competence and work performance.443
L'humain perçoit l'information en fonction de son Assurer un climat propice à l'activité prévue.
état émotif.

Tableau 61 : Principes pédagogiques liés à l'apprenant

Afin d'évaluer le niveau de corrélation entre les principes pédagogiques et la situation réel-
le du gestionnaire, le formateur peut poser les questions suivantes :
• Est-ce que la personne peut fixer son attention, et se sentir en sécurité?
• Établit-elle des relations et s'implique-t-elle?
• Situe-t-elle ses limites et capte-t-elle des signaux non-verbaux de communication

440
Kegan, R. (1986). In Over Our Heads. Massachussets : Harvard University Press, page 6.
441
Sandberg, J. et Targama, A. (2007). Managing Understanding in Organizations. London : SAGE Publica-
tions, page 111.
442
Ibidem.
443
Ibidem.
185

pour décrypter ses propres intentions et celles des autres?


Est-ce qu'elle crée des idées ou des images à partir de ses sentiments?
Établit-elle des liens entre les images et les utilise-t-elle pour raisonner émotionnel-
lement et résoudre ses problèmes?
Étend-elle son aptitude à raisonner à propos de ses émotions à d'autres domaines, à
de nouvelles activités et à de nouveaux défis?444

Certaines approches d'enseignement auprès des gestionnaires répondent partiellement à


certains principes favorisant le développement de la métaconscience. Nous en avons dégagé
quatre que nous avons regroupés sous le titre « approches d'enseignement à dimension hu-
maine ». Nous en présentons les éléments favorables au développement de la métacons-
cience, et nous suggérons certaines pistes afin d'en augmenter l'efficacité au prochain cha-
pitre.

5.5. LES APPROCHES D'ENSEIGNEMENT À DIMENSION HUMAÎNE POUR LES GESTIONNAI-

RES

Concevoir I être humain, c 'est réfléchir sur ce qui le


caractérise fondamentalement. Il est impossible de le saisir
à partir d'un seul attribut ou d une seule dimension.
Robin Fortin

Dans son édition du 12 au 18 janvier 2008, le journal Les Affaires titre en page 19 : « Em-
ployés heureux, entreprise prospère. »; « Il y aurait un lien étroit entre de bons résultats
financiers et le niveau d'engagement des employés. »445 Madame Dansereau relate les ré-
sultats d'un sondage mondial sur la main-d'œuvre mené par la firme Towers Perrin. Alors
que le premier facteur d'influence sur le niveau d'engagement des employés est directe-
ment lié au souci de la haute direction pour le bien-être des employés : « seulement 6 % des
employés ont le sentiment d'être importants pour la haute direction de leur entreprise, w446
Ceci nous ramène aux pièces manquantes (Brun, 2008), citées au chapitre 4. Nous rappe-
lons le contexte. C'est à la suite de plus de 20 sondages auprès de 17 000 employés

Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 204.


445
Dansereau, S. (2008) Employés heureux, entreprise prospère, Journal Les Affaires, (du 12 au 18 janvier
2008), page 19.
446
Ibidem.
186

d'organisations privées, publiques et parapubliques, que Jean-Pierre Brun (2008)447 a réper-


torié sept pièces manquantes (tableau 62) liées aux compétences de management chez les
gestionnaires. Nous remarquons une correspondance marquée entre les pièces manquantes
et les facteurs de malaises psychologiques chez les gestionnaires.

Impacts du manque sur


Pièces manquantes Définitions
l'employé
La reconnaissance au Pratique qui consiste à témoigner, de façon
travail authentique et constructive, de l'appréciation. Sentiment d'incompétence
L'existence et la disponibilité de personnes de
confiance qui peuvent conseiller ou assister en
Le soutien social Isolement
cas de difficultés émotionnelles ou pour une
résolution de problème.
La perception d'un comportement qui aide à
préserver les normes de civilité mutuellement
Le respect au travail Harcèlement
acceptables au travail et qui comprend une rela-
tion positive et constructive avec autrui.
L'amélioration des conditions de travail contri-
La conciliation travail Double contrainte famil-
bue à améliorer les conditions de vie personnel-
et vie personnelle le/travail
le et vice-versa.
Equilibre perçu entre le travail demandé (quan-
tité, rythme, intensité et délai) et l'effort requis
La charge de travail pour le faire (concentration, temps). L'écart se Épuisement
traduit par le niveau de motivation, de fatigue,
de stress, d'isolement, etc.
La cohérence entre la latitude et la marge de
manoeuvre requises pour prendre une décision et
La participation aux le niveau de responsabilité à assumer. Inclut la
Dévalorisation
décisions possibilité de réagir aux informations de façon
transparente entre les niveaux hiérarchiques
ainsi que la valorisation de la créativité.
La définition du rôle ou de l'attribution des
La clarté du rôle tâches telle que perçue par l'employé. Peut Sentiment d'insécurité, stress
provoquer une perception de conflit de rôles.

Tableau 62 : Liens entre les pièces manquantes du management et l'impact négatif sur l'employé 44*

L'humain hérite en potentiel des processus mentaux susceptibles de lui permettre de satis-
faire ses besoins, ses désirs et ses aspirations s'ils sont actualisés. Développer la métacons-
cience comme une métacompétence humaine converge vers la mise en valeur de
l'autonomie, de la moralité et de la créativité chez le gestionnaire.
Les théories d'apprentissage offrent des possibilités de développement de la métaconscien-
ce, et la métaconscience a ses exigences pour se développer. Nous l'avons mentionné plus

Brun, J.-P. (2008), op. cit., page 22.


Inspiré de Brun (2008).
187

tôt, il est important de considérer le volet émotionnel lors de toutes les étapes du dévelop-
pement humain. Il en va de même pour les approches d'enseignement sur le développement
humain et l'apprentissage destinées au gestionnaire. Nous rejoignons en ce sens la position
de Kegan quand il cite Piaget : « There are not two developments, one cognitive and the
other affective, two separate psychic functions, nor are there two kinds of objects : all ob-
449
jects are simultaneously cognitive and affective.» Goleman (1997) affirme, lui aussi,
cette personnalisation des réactions humaines :
... chaque émotion fondamentale possède une signature biologique caractéristique; quand elle
devient dominante, elle entraîne une série de transformations radicales dans le corps, et celui-ci
émet alors automatiquement un ensemble particulier de signaux. 45°

Giordan (2001) abonde dans le même sens, et dénonce le peu de considération pour cette
réalité de la part des principaux intéressés :
La sphère affectivo-émotionnelle, si elle n'est niée par personne, n'a pas non plus été prise en
compte, faute de modèle explicitant les liens entre le cognitif et l'affectif. Pourtant les senti-
ments, les passions, les désirs éventuels jouent un rôle stratégique très important dans l'acte
d'apprendre.451

De par leur caractère multidisciplinaire et l'utilisation des processus mentaux, les approches
d'enseignement constituent un facteur dynamique du processus d'apprentissage. Le déve-
loppement des sciences liées à l'apprentissage s'est, pour une grande part, articulé autour
des mêmes concepts scientifiques que la conscience. Ces sciences prennent leur source au
niveau des représentations individuelles et collectives. Elles sont utilisées pour développer
des modèles de compréhension des réalités sociales, pour guider l'orientation des actions
lors de recherches action. Nous les utilisons comme cadre d'analyse pour interpréter le sens
donné à une action, et pour définir les paradigmes d'un modèle (Dortier, 2006).
L'apport des sciences de l'apprentissage nous amène vers un nouveau paradigme de
l'apprentissage, donc de l'enseignement. Ce nouveau paradigme induit le concept de la
métaconscience comme élément déterminant, voire comme la pierre angulaire de la morali-
té, de l'autonomie et de la créativité. Nous avons déjà défini la métaconscience comme un
processus par lequel la conscience prend conscience d'elle-même, par l'acquisition de
connaissances, lesquelles sont intégrées par le phénomène de valorisation et de priorisa-

449
Kegan, R. (2001). The Evolving Self, op. cit., page 83.
Goleman, D. (1997), op. cit., page 367.
451
Giordan, A. (2001). (Re)construire les connaissances. Dans Éduquer et former. Coordonné par Jean-
Claude Ruano-Borbelan. Paris : Editions Sciences humaines, page 99.
188

tion. Nous sommes ici en mesure de constater que la métaconscience est un métaprocessus
intégrateur des processus mentaux chez l'humain. Bien que ces concepts généraux soient
universels et applicables à l'ensemble des humains, ce paradigme requiert une pratique
adaptée à la métaconscience des apprenants et au contexte dans lequel ils évoluent. Selon
Caspar (2001),
... les nouveaux territoires de la formation s'inscrivent plus directement dans le travail lui-
même, à travers de multiples tentatives pour valoriser la « formation dans et par le travail »,
pour lier de façon réciproque l'activité productive et le développement de compétences.452
Nous présentons les quatre approches d'enseignement que nous considérons les mieux do-
cumentées, et qui permettent une ouverture pour mettre en perspective les éléments liés à la
conscience et à la métaconscience. Ces approches utilisent de façon integrative et systémi-
que les principes mentionnés plus tôt. Nous présentons donc un survol de ces quatre appro-
ches : Kolb, Mintzberg, Argyris et Schôn ainsi que Bohm. Ces approches décrivant des
processus nous semblent favorables à l'enseignement, l'accompagnement et au soutien au
développement de la métaconscience vue comme une métacompétence, ou un état avancé
d'humanisation du gestionnaire.
La pratique reflexive, initiée par Schôn (1994), nous apparaît essentiel pour encadrer un
programme de formation de la métaconscience, puisque sa principale caractéristique et la
réflexivité. C'est donc sous l'influence des prémisses de l'apprentissage expérientiel et de
la pratique reflexive, utilisées par Kolb, par Bohm et avec lesquels Mintzberg (2004) sem-
ble en accord, que nous analysons quatre systèmes de formation dont s'inspirent les systè-
mes de formation les plus populaires auprès des gestionnaires : « The key ingredient for
management education is natural experience, that has been lived in every day life, on the
job and off. »453

S.S.I.L'approche de Kolb

La pratique a des savoirs que la science ne produit pas


Adrien Paqucttc et Claude Champagne

L'apprentissage expérientiel a été mis en valeur par l'approche de Kolb (1984, 1985, 1991).

52
Caspar, P. (2001). Bilan et perspectives en formation continue. Dans Éduquer et former, op. cit., page 33.
453
Mintzberg, H. (2004). Managers, not MBAs. San Francisco : Berrett-Koehler, page 247.
189

Inspiré par les travaux de Dewey, Lewin et Piaget, ce modèle met en évidence la relation
entre l'expérience, son analyse, l'apprentissage émergent et la rétroaction expérientielle. Il
met en perspective le savoir en amont et en aval de l'expérience : « Pour Kolb,
l'apprentissage expérientiel suppose une double relation du savoir par rapport à
l'expérience : d'une part, le savoir tire son origine des expériences vécues; d'autre part, il
se valide dans de nouvelles expériences vécues. »454
Dans un premier temps, Kolb met en perspective la dualité liée au mode de traitement de
l'information par l'humain. À partir de ce qu'il perçoit, l'humain appréhende un sens à
l'événement. Il interprète l'information par ce qu'il ressent: «They are simply there,
grasped through a mode of knowing here called apprehension.»455 Cette appréhension, ré-
sultant de la conscience sensorielle, devient la réalité jusqu'à ce qu'il y ait une réflexion
consciente, c'est-à-dire, une métaconscience. Cette analyse de l'appréhension observée
amène à une compréhension de l'expérience. Selon les caractéristiques individuelles et les
expériences de l'apprenant, le niveau d'analyse varie. Il en résulte que certains auront ten-
dance à interpréter leur expérience en fonction de leur appréhension, alors que d'autres se
refuseront à toute interprétation avant de comprendre cette expérience par une analyse adé-
quate, plus globale.
À la dualité appréhension/compréhension pour capter l'expérience, Kolb transpose celle de
1'intention/1 'extension pour convertir l'expérience en apprentissage. Cette dimension réfère
au mode de transformation de l'information. L'intention réfère au processus réflexif subjec-
tif. L'apprenant interprète l'expérience par ce qu'elle lui inspire en fonction de ses propres
caractéristiques. C'est une transformation subjective de l'information, centrée sur le sujet.
Une conception objective de l'information tirée de l'expérience réfère pour sa part à une
interprétation extensive. L'extension implique une analyse fondée sur des paramètres ex-
ternes, c'est-à-dire liés à l'objet par opposition au sujet : «We learn the meaning of our
concrete immediate experiences by internally reflecting on their presymbolic impact on our
feelings, and/or by acting on our apprehended experience and thus extending it.»456
Sa conception de l'apprentissage considère donc l'individualité des apprenants lors du

454
Chevrier, J. et Charbonneau, B. (2000). « Le savoir-apprendre expérientiel dans le contexte du modèle de
David Kolb ». Revue des sciences de l'éducation, Vol. XXVI, No. 2, page 289.
455
Ibidem, page 43.
456
Ibidem, page 52.
190

processus : «... the learning process is not identical for all human beings. Rather, it ap-
pears that the physiological structures that govern learning allow for the emergence of
unique individual adaptive processes... .»457
Son approche inclut les deux dimensions dialectiques décrites, soit la captation de
l'expérience et la transformation de celle-ci en informations et en apprentissages : « The
central idea here is that learning, and therefore knowing, requires both a grasp or figurative
458
representation of experience and some transformation of that representation.
L'information émerge soit d'une expérience concrète ou d'un concept, c'est l'axe de capta-
tion. Le deuxième axe, celui de la transformation de l'information, est mis en forme par une
expérimentation active ou par une observation reflexive. La figure 19 illustre la transposi-
tion des deux dimensions du processus d'apprentissage.
Expérience concrète
Capter l'information
par appréhension

Expérimentation Transformation Transformation Observation


par extension par intention
active reflexive

Capter l'information par


compréhension

Concept ualis ation abstra It *


Figure 19 : Transposition des dimensions et des processus d'apprentissage

Selon les caractéristiques individuelles, les expériences antérieures et le contexte culturel,


les apprenants développent un style d'apprentissage différent. Kolb a répertorié ces styles
en quatre catégories : le style accommodant, divergent, convergent et assimilant. Les prin-
cipales caractéristiques de chacun de ces styles sont illustrées dans le tableau 63:

Ibidem, page 62.


1
Ibidem, page 42.
191

L'apprenant s'implique dans l'action. Il élabore des plans et s'implique dans de


Accommodant nouvelles expériences. Il est à l'aise avec les gens et a une belle ouverture. Il est
à l'affût des opportunités et peut prendre des risques. Son attitude proactive est
parfois perçue comme impatiente.
Il privilégie l'observation avant de passer à l'action. Il a une bonne capacité à
Divergent discerner la situation idéale parmi plusieurs. Il a un bon sens de l'organisation. Il
est à l'écoute de ses émotions et conscient de son environnement et exprime des
idées nouvelles. Il s'intéresse aux gens.
Il privilégie l'apprentissage par observation et conceptualisation abstraite. Il
Assimilant élabore des modèles théoriques et a une bonne capacité d'induction. Peu orienté
vers les relations, il préfère s'accorder des moments de réflexion. Il a un sens
aigu de la précision et de la logique.
Il prend des décisions. Il a un sens pratique développé. Il privilégie les modèles
Convergent de raisonnement d'hypothèse et déduction et il est habile en résolution de pro-
blème. Il a tendance à contrôler ses émotions et préfère être assigné à des tâches
techniques. II est peu attiré vers les activités sociales et les relations.

Tableau 63 : Les quatre profils d'apprentissage selon Kolb (1984)

Cette reconnaissance de son style d'apprentissage facilite l'estimation du délai requis pour
identifier les approches les plus susceptibles de procurer de l'intérêt et une émotion positive
chez l'apprenant. En appliquant le style d'apprentissage aux dimensions de captation et de
transformation, Kolb situe chaque profil en fonction de sa prédisposition dominante à ap-
prendre. La figure 20 illustre les profils dominants d'apprentissage en fonction des dimen-
sions de captation et de transformation selon Kolb.
Expérience concrète
Capter l'information
par appréhension

Accomodant Divergent

Expérimentation Transformation Transformation Observation


par extension par intention
Active reflexive

Convergent Assimilant

Capter l'information par


compréhension

Concept ualiï ation abstra It


Figure 20 : Les profils dominants d'apprentissage selon Kolb (1984)
192

Les apprenants se situent à différents endroits sur les deux axes. Cette classification oppose
principalement deux types de profil : les concrets/abstraits et les réflexifs/actifs. Ce modèle
met en perspective l'intérêt à considérer les différences quant au fonctionnement des modè-
les mentaux des apprenants. Le défi devient de compléter les quatre phases, et d'en dégager
un apprentissage répondant aux objectifs auxquels l'apprenant doit répondre :
L'expérience concrète donne suite à l'observation et à la réflexion qui mènent à la formation de
concepts abstraits et de généralisation qui eux donnent suite à des hypothèses que l'on vérifie
dans les actions ultérieures qui à leur tour suscitent de nouvelles expériences. 459

Afin de bien positionner ses convictions, Kolb (1984) dégage six caractéristiques de
l'apprentissage expérientiel :

1- L'apprentissage doit être perçu comme un processus, non comme un résultat.


Que ce soit par la réflexion ou par l'action, le processus de l'apprentissage est vivant. Le
résultat du processus devient la connaissance.

2- L'apprentissage est un processus continu basé sur l'expérience.


Cette caractéristique met en perspective la conscience de l'apprenant de sa propension à
développer de nouvelles connaissances par la reconnaissance de son expérience.

3- Le processus d'apprentissage doit considérer l'exercice dialectique des modes


d'adaptation issus des confrontations expérience/concept abstrait et y reconnaître la
connaissance émergente.
Réfléchir sur l'expérience met en parallèle l'observation et l'action d'une part; et oppose la
conceptualisation abstraite et l'expérience concrète d'autre part. La pratique doit permettre
à l'observation de servir l'action et vice-versa. De même, réfléchir et conceptualiser le ré-
sultat de l'analyse doit enrichir l'expérience de nouvelles connaissances à mettre en prati-
que.

4- L'apprentissage est un processus holistique d'adaptation.


L'apprentissage est le processus intégrateur des différentes dimensions environnementales
par l'humain. Il considère la complexité recursive qui permet à l'humain de s'adapter à son
environnement.

459
Kolb, D. A., Rubin, I. M., McLntyre, J. M. (1976). Comportement organisationnel : une démarche expé-
rientielle. Montréal : Guérin, éditeur limitée, page 40.
193

5- L'apprentissage implique une relation transactionnelle entre la personne et son


environnement.
Cette caractéristique met en valeur le caractère subjectif du processus d'apprentissage. Le
caractère perceptuel de la transaction met en évidence l'importance de considérer
l'individualité lors de l'apprentissage.

6- L'apprentissage est le processus créatif de la connaissance.


La connaissance est le résultat émergent du processus. Elle est influencée par les caractéris-
tiques de l'apprenant impliqué dans le processus.
Le modèle comprend quatre activités en séquence (figure 21) :
3^

u L»
o en U
en
en IS
O -eu
g, u J=
>
u E en *-* 'C3
u
«
u
O en
— -C
E 9- Oc 3
Ê E en O"
° 8 ■+-• %
es-»
- c c '5 o.
o o
cBS en TJ Vi
C
'*-<
i_ o
-t) U
■o
B.E: 3en
C/l 4-1
C t—* , u
c_ u O
■■§
■d
i
>-l o >

50
OS

■o

x
C
T •4*
-nu
-OJ C E
& C —
'
Cfj O
•4-» 1 -eu o ox
■*J
■ cu v o
o* c C8
c C3 -4—» u .S e+^
.S eu eu
s
4-»

g +-» eu u J2 en en
eu -a
D
t: -C
en en
<U -a
-a
-e
o O eu T3 a.
o O Q . en on Ceu a.
c en <u c eu ed

E en
E en
en
ca ■o
Q. o (U '-£» eu
en
o
o +-»
en
'.—» eu
w
O
O C
i-
en

-"3
_<D o C
K en M C eu 3 ■o
c i- 3
u en o
<u D. en
eu a
.-» en
E
S-
■ * - •

en en eu
Vi u CL eu eu -*J
ed o U
eu c a o U
« Ceu J o #>
€C J S _> 'S bû Q . en
Cfj Q. 'en c« >- en
E eu C — 3(.
CQ 1- en Ui
eu C JU 3
E E .2
1—1 •CU
E >—i
-eu '-^ eu Ci
u.
'-£- eu E s
M
195

5.5.2.L'approche de Mintzberg

// est plus nécessaire d'étudier les hommes que les livres


Francois duc de la Rochefoucauld

Selon Mintzberg, le concept de l'éducation utilisé dans les universités pour former les ges-
tionnaires doit être repensé. Il soutient que pour former des gestionnaires et développer leur
leadership de façon efficace, il est essentiel que les apprenants exercent déjà une fonction
de gestion. Pour bien apprendre, le mieux est de baser l'apprentissage sur des faits
d'expérience. Selon Mintzberg, cette prérogative permet de considérer le contexte dans
lequel évolue l'apprenant, lequel a une influence indéniable sur la qualité et le résultat de la
formation : « ... that is not 'individuals' who should be developed, but members of a social
system in which leadership is embedded : that only those who already have managerial
responsibility can be educated and developed as managers;... .»460 II énonce huit proposi-
tions pour encadrer le développement des compétences du gestionnaire.

Proposition 1

La formation en gestion doit être offerte aux gestionnaires en fonction

Cette proposition stipule que la sélection des candidats est un facteur important à considé-
rer. Qui encourage à poursuivre un programme de formation? Par qui la sélection doit être
faite? Selon quels critères? À quel moment durant la carrière du candidat? Voilà des ques-
tions pertinentes que l'on doit se poser lors du recrutement et de l'élaboration des critères
d'admission aux différents programmes.
Notre recherche se centrant plutôt sur les modes d'apprentissage, nous retenons de cette
proposition l'importance accordée à l'expérience de l'apprenant. Les expériences des ges-
tionnaires utilisées en classe nourrissent l'apprentissage. L'utilisation des cas permet par la
suite au gestionnaire de comparer son expérience et sa vision des concepts avec d'autres
apprenants.

1
Mintzberg, H. (2004). Managers not MBA 's. San Francisco : Berrett-Koehler Publisher inc., page 242.
196

Proposition 2

La classe doit utiliser l'expérience des gestionnaires dans le cadre de la formation

Suite logique de la première proposition, la façon de mettre en valeur les expériences de


chacun doit permettre d'optimiser l'apprentissage. Il met ici en perspective la différence
entre l'expérience créée par le formateur et l'utilisation de l'expérience vécue par
l'apprenant. Sans nier la valeur considérable de l'utilisation de cas dans les classes de ges-
tion, il apparaît clairement que les participants enrichissent davantage leur apprentissage
par l'analyse de leurs expériences vécues : « The most powerful learning comes from re-
flecting on experiences that have been lived naturally.»461 Le partage des expériences des
participants, combiné à l'expertise de chacun, permet au formateur d'optimiser la valeur
cognitive des théories abordées.

Proposition 3

Les théories permettent aux gestionnaires de donner un sens à leurs expériences

Pour tirer profit d'un apprentissage issu d'une expérience, les connaissances liées aux théo-
ries précédentes sont essentielles. Mintzberg reprend ainsi les propos de Weick (1996 :257-
58): « People [in executive education] do want to know what to do, but even more, they
want to know what things mean, how to make sense of events. »462 Pour permettre un réel
apprentissage, toute théorie doit ouvrir sur une nouvelle perspective. Il ne suffit pas de co-
pier un comportement à l'aveuglette ou d'appliquer une théorie sans en ancrer les fonde-
ments dans sa pratique. Pour ce faire, un temps de réflexion et d'analyse est nécessaire. Il
identifie cinq caractéristiques des théories performantes (tableau 64), c'est-à-dire suscepti-
bles d'offrir un cadre d'analyse pertinent pour appuyer les apprentissages visés. Selon
Mintzberg, les théories doivent être :

461
Mintzberg, H. (2004), op. cit., page 247.
462
Ibidem, page 252.
197

Surprenantes Elles permettent une nouvelle perspective. Peut amener l'apprenant à sortir
de sa zone de confort. Remet les croyances en question.
C'est une représentation de la réalité, souvent simplifiée. Son but est de
Irréelles permettre une base de réflexion pour prendre des décisions sur des paramè-
tres connus et considérés valables.
Une théorie est donc utilisée parce qu'elle est pratique en certaines circons-
Alternatives : tances, pas parce qu'elle est vraie de façon absolue. Plus d'une théorie peut
donc être considérée lors de l'analyse d'une problématique organisationnel-
le.
Le fait d'envisager différentes théories plutôt qu'une seule peut placer le
Inconfortables gestionnaire dans une situation inconfortable. Cela demande au gestionnaire
de considérer des idées différentes et d'en dégager une nouvelle. Cette idée
va à l'encontre de plusieurs programmes universitaires.
Descriptives Une théorie doit décrire un phénomène, non prescrire des solutions toutes
faites.

Tableau 64 : Caractéristiques des théories en enseignement selon Mintzberg.

Proposition 4
La clé de l'apprentissage réside dans le concept émergent de la réflexion sur l'action

Le management doit permettre un temps de réflexion aux gestionnaires. La réflexion est


nécessaire pour donner un sens à l'action et à l'événement afin de les transformer en expé-
riences. Ce qu'entend Mintzberg par « réflexion » est un exercice qui exige perseverance et
rigueur : « It [reflecting] means wondering, probing, analyzing, synthesizing, connecting -
« to ponder carefully and persistently [the] meaning [of an experience] to the self», w463
La réflexion ne se limite pas au quoi et au pourquoi le gestionnaire pense que l'événement
a généré telle action. Elle implique d'évaluer les théories et des modèles de gestion dispo-
nibles alternatifs qui permettent de remettre ses croyances en question et de se donner une
vision enrichie de la situation.
Bien que par nature, la réflexion soit une activité individuelle, il est possible, voire souhai-
table, d'avoir des sessions de réflexion en groupe. Nous aborderons ces aspects avec le dia-
logue de Bohm.

Ibidem, page 254.


198

Proposition 5

Partager leurs compétences respectives permet aux gestionnaires d'élever le niveau de


conscience de leur pratique

L'apprentissage des compétences dans une salle de classe ne fait pas nécessairement des
gestionnaires compétents. La connaissance en cette matière prend son sens dans la pratique.
L'apprentissage d'une même compétence par cinq gestionnaires différents dans une même
classe peut être mise en pratique différemment selon la personnalité du gestionnaire et le
contexte dans lequel il évolue. La richesse du partage des compétences réside dans cette
différenciation de la pratique.
Les activités de formation permettant aux gestionnaires de partager leurs compétences gé-
nèrent des constantes profitables pour tous. Que les pratiques aient généré des résultats po-
sitifs ou négatifs, le fait d'en partager les analyses et les retombées demeure un apprentis-
sage efficace : « Getting them out [practices] exposes the managers to alternate ways of
behaving, just as getting out different conceptual models exposes them to alternate ways of
thinking.»464 Ce genre d'exercice permet en fait au gestionnaire de continuer à apprendre à
partir de ses expériences en élevant son niveau de conscience sur ses compétences.

Proposition 6

Au-delà de la formation en classe, il y a l'impact réel dans l'organisation

La formation du gestionnaire doit avoir une répercussion réelle au profit de l'organisation.


C'est bien d'évaluer le gestionnaire quant à son apprentissage et à la satisfaction qu'il retire
de la formation. Il reste toutefois aussi, sinon plus important, d'en évaluer l'impact dans
l'organisation : « The organization commits to the individual, and the individual has an
obligation to spread his or her learning back into the organization. »465 Le gestionnaire doit
faire profiter l'organisation de ses nouvelles habiletés et compétences, soit en coachant les
gens de son équipe, en partageant ses nouvelles connaissances, etc. Pour que cette prémisse
soit réalisable, il est essentiel de briser l'isolement dans lequel se trouve le gestionnaire qui
est allé seul à une formation, et qui a l'impression que personne n'y porte intérêt. Il doit se

464
Ibidem, page 261.
465
Ibidem, page 262.
199

remettre au travail et se mettre à jour le plus vite possible. Cette réaction d'isolement au
retour d'une formation augmente le coût réel de la formation du fait que les retombées en
deviennent négligeables.
Mintzberg encourage les entreprises à faire participer plus d'une personne au même pro-
gramme de formation. Elles sont ainsi en mesure de travailler ensemble sur des problémati-
ques liées à l'organisation. De retour au travail, il est aussi plus facile et encourageant de
renforcer l'impact de la formation au profit de l'organisation.

Proposition 7

L'intégration des propositions précédentes devrait mener à un processus de « ré-


flexion sur l'expérience »

L'école fournit la carte et le gestionnaire vit sur le territoire. À partir des connaissances et
des concepts vus en classe et de ses expériences de travail, le gestionnaire amorce une ré-
flexion de laquelle émerge un apprentissage. En appliquant cet apprentissage au travail, il
peut en évaluer les retombées organisationnelles. Ces impacts au plan de l'organisation
constituent de nouvelles matières à réflexion, lesquelles sont traduites en expériences par
l'analyse encadrée par des nouveaux concepts, et des connaissances proposées par
l'institution d'enseignement. Pour être efficace, le matériel pédagogique doit être centré sur
la réalité de l'apprenant afin de permettre une réflexion plus pertinente, donc une meilleure
intégration.

Proposition 8

Le design pédagogique, l'aménagement des lieux et l'institution d'enseignement doi-


vent, de concert, passer de centre de contrôle pédagogique en centre de ressources au
service de l'apprenant, en fonction de son contexte expérientiel et son objectif de de-
venir

L'objectif est de configurer l'enseignement en système facilitant l'apprentissage : « In other


words, it has to support the learning, not drive the teaching.»466 Aménager le lieu physique,
la salle, la disposition des tables et des chaises, l'espace occupé par le professeur, de façon
à permettre les interactions dynamiques entre le professeur et les apprenants. Le design
pédagogique doit prévoir des moments où les participants sont encouragés à discuter entre

' Ibidem, page 269.


200

eux des thèmes liés à leur travail. Le professeur prend alors un rôle de facilitateur, et encou-
rage les débats d'idées.
Pour rendre possible cette élaboration des formations, l'institution de formation doit
s'impliquer en favorisant la mise en œuvre de programmes collaboratifs. Il doit y avoir des
vases communicants entre les différents départements lors de la conception du matériel
pédagogique. Le gestionnaire en formation est alors en mesure de faire les réflexions sur
ses thèmes en considérant les différents angles de gestion.

5.5.3.L'approche de Argyris et Schôn

Pour Argyris (2003), l'important est de développer un savoir actionnable : « Ce n'est pas
seulement le savoir que réclame le monde de la pratique; c'est aussi le savoir qui sert à le
créer. »467 II base son approche, en partie, sur le principe que « l'action est informée par la
théorie. »468 II convient de préciser qu'Argyris a observé la validité de ses théories auprès
de gestionnaires de différentes nationalités, hommes et femmes, et de différentes classes
sociales, pauvres ou riches.
Ce sont des constats liés à la nature humaine. Ils mettent en perspective les idées liées aux
émotions et aux réactions physiologiques décrites précédemment : « On peut imaginer qu'il
y a quelque part dans le cerveau un programme maître qui commande telle ou telle conduite
habile, tel ou tel savoir-faire, et les déclenche automatiquement dans la vie quotidienne. »469
Argyris (2003) met en perspective la dualité émergente entre la volonté du gestionnaire à
bien faire et ses actions aux conséquences douteuses. Le gestionnaire possède des croyan-
ces et des valeurs personnelles. Il manifeste son intention à agir en fonction de celles-ci et
pour le bien de tous. Il met en pratique les théories qu'il a apprises. Il se convainc que ses
actions ont été bien exécutées et est surpris de constater des conséquences négatives sur le
climat organisationnel, sur le ratio de profitabilité, etc.
C'est en observant des gestionnaires en action qu'Argyris a, avec la collaboration de Do-
nald Schôn, élaboré la théorie de l'action. Cette théorie résulte de plusieurs observations de
gestionnaires et de leurs comportements humains, dans différents types d'organisation.

Argyris, C. (2003). Savoir pour agir, traduit par Georges Loudière. Paris : Dunod, page 15.
463
Ibidem, page 21.
469
Ibidem, page 34.
201

Voici une description simplifiée de son fonctionnement.


Lorsqu'il prend connaissance des impacts non souhaités de ses comportements, le gestion-
naire développe une attitude défensive, et ce, de façon plus ou moins consciente : « Quand
nous sommes confrontés à une situation perçue comme embarrassante ou menaçante, il
existe fréquemment alors un écart entre la théorie que nous évoquons pour expliquer nos
actes (théorie professée) et la théorie sous-jacente à nos actions (théorie d'usage). »470 C'est
la théorie d'usage Modèle I à laquelle il attribue quatre valeurs directrices471 :
1- Réaliser l'objectif fixé.
2- Maximiser les gains et minimiser les pertes.
3- Éliminer les émotions et les sentiments négatifs.
4- Adopter une conduite considérée comme rationnelle.
Les comportements et les processus répondant à ces valeurs provoquent la manifestation de
stratégies d'action adaptées :
1- Le gestionnaire défend sa position.
2- Il évalue les pensées et les actes des autres acteurs.
3- Il justifie les conséquences par des causes qu'il attribue à d'autres facteurs ou acteurs.
Le résultat de cette application théorique est une attitude défensive et autoprotectrice. Ces
attitudes génèrent des erreurs et des malentendus parfois très coûteux pour une organisa-
tion. Argyris et Schôn, à travers leurs efforts visant à aider les gestionnaires à développer
un modèle d'action amélioré, ont constaté que ces routines défensives conduisent à trois
niveaux de conséquences :
Premier ordre : elles entravent la détection et la correction des erreurs.
Deuxième ordre : elles gênent la résolution des problèmes et la prise de décision.
Troisième ordre : l'efficacité de l'organisation s'affaiblit.
Ce constat est d'autant plus important qu'il soulève de façon plus ou moins explicite le fac-
teur de double contrainte : « ...qu'il s'agisse de l'individu ou du système, les desseins
humains sont la cause du comportement sur lequel nous nous penchons... .» 73 En mettant à

470
Ibidem, page 309.
471
Ibidem, page 69.
472
Nous attribuons à dessein le sens de l'intention fondamentale, dans le contexte organisationnel. Ce concept
rejoint la notion de double contrainte telle que décrite dans le chapitre précédent.
473
Argyris, C. (2003). Savoir pour agir, op. cit., page 77.
202

profit la pratique reflexive, c'est-à-dire, en explorant le savoir tacite et les sentiments sous-
jacents aux comportements défensifs, il est possible d'agir au niveau des valeurs directrices
de la théorie d'usage de niveau I : « ... c'est-à-dire à transformer en formulations explicites
les intuitions, les valeurs et les stratégies d'action qu'apportent à leur pratique les praticiens
expérimentés. »474 En prenant conscience de l'écart entre l'intention de la théorie professée
et les résultats des comportements, il est possible de faire un apprentissage, et d'appliquer
les nouvelles connaissances aux valeurs directrices. Il s'agit de modifier les valeurs direc-
trices afin d'introduire des comportements :
Pour développer sa propre efficacité et améliorer la compréhension qu'on en a, il est essentiel
de bien comprendre comment nous diagnostiquons et construisons notre expérience, comment
nous décidons de nos actes, et comment nous surveillons notre suivi.475

Les valeurs directrices du modèle II sont :


1- Recueillir les informations pertinentes aux choix à faire.
2- S'assurer de la validité de l'information.
3- Assurer un suivi lors de la mise en œuvre des choix afin d'y apporter les corrections à
mesure que les erreurs sont décelées.
Les comportements et les processus répondant à ces valeurs provoquent la manifestation de
stratégies d'action adaptées :
1- Le gestionnaire défend sa position.
2- Il évalue ses pensées et ses actes et ceux des autres acteurs.
3- Il repère les causes, en discute ouvertement avec les autres acteurs, et apporte les correc-
tions nécessaires.
Le passage du niveau I au niveau II requiert une volonté d'agir et d'apprendre. Des proces-
sus doivent être mis en place afin de soutenir les gestionnaires et les organisations dans leur
quête d'amélioration.
Nous sommes d'avis que le fait d'ajouter au modèle II la valeur «respecterles exigences de
la métaconscience » permettra au gestionnaire de s'assurer que le comportement anticipé
répond à l'objectif d'autonomisation, de moralisation et de création du gestionnaire.

474
Argyris, C. et Schôn, D. (1999). Théorie et portique professionnelle, traduit et adapté par Jacques Heyne-
mand et Dolorès Gagnon. Outremeont : Les Éditions Logiques, page 28.
475
Ibidem, page 47.
203

5.5.4. L'approche de Bohm

David Bohm (2003), physicien et penseur de renom, a utilisé le dialogue comme processus
de réflexion sur l'action. Sa conception du dialogue implique un motif à aborder : il doit y
avoir une raison qui donne une orientation de départ. Lin Do (2003) résume ce qu'est le
dialogue de façon pragmatique : « ce dernier est une conversation, un questionnement, une
exploration et une remise en question de ses croyances ainsi que de ses prémisses, une créa-
tion de sens, une méditation collective et un processus de participation. »476
Certains principes doivent être respectés afin d'obtenir satisfaction de l'exercice :
• Le dialogue peut se faire avec un groupe de taille plus ou moins importante. Il peut
aussi se faire de façon individuelle, et être partagé par la suite.
• Le moment doit être propice à instaurer une attitude favorable au dialogue.
• Le dialogue doit se faire sans pression et permettre une ambiance sereine.
• Le rythme du dialogue doit permettre aux participants de prendre connaissance des
propos de tous, et de réagir au bon moment en fonction du sujet abordé.
• Une relation de respect mutuel doit être ressentie chez les participants.
• Les participants sont considérés au même degré d'importance; la hiérarchie est
inexistante.
• Les participants doivent dire vraiment ce qu'ils pensent.
• Les idées et opinions doivent être cohérentes avec le sens du dialogue.
• Les idées émises ne sont pas jugées : elles appartiennent au groupe et elles sont dé-
personnalisées.
Cayer (1996) a, dans le cadre de sa thèse de doctorat, mené une recherche-action en utili-
sant l'approche du dialogue de Bohm. Il expose les cinq dimensions du dialogue. Nous en
avons adapté les caractéristiques en dégageant les activités, les exigences et les résultats
pour chacune des dimensions au tableau 65.

476
Lien Do, K. L'exploration du dialogue de Bohm comme approche d'apprentissage en recherche collabo-
rative. Thèse déposée pour l'obtention d'un grade Ph.D. Faculté des sciences de l'éducation. (2003). Univer-
sité Laval. Québec, page 2, version électronique :
http://archimede.bibl.ulaval.ca/archimede/files/d0el4t93-3198-473f-a2b3-bfff51bae88c/20640.html , vu le 26
octobre 2008.
204

Dimensions Activités Exigences Résultats

Parler ensemble, sans Respect, empathie, Comprendre l'expérience de


agenda. attention, réceptivité, l'intention de l'autre.
Le dialogue comme sollicitude.
Écouter l'autre. Raisonnement interperson-
conversation nel.
Réciprocité.
Collecte des données Ouverture et courage. Elève le niveau de conscien-
sous formes de supposi- L'art du questionne- ce.
tions, de croyances et de ment. Réflexion.
Le dialogue comme sentiments. Désapprendre avant
outil d'investigation Investiguer le contenu et d'apprendre.
le processus.

Circulation des interpré- Diversité des points de Suspension du jugement.


tations autour et parmi vue. Une forme de thérapie socia-
Le dialogue comme les participants. Partage des consciences. le.
création de sens par- Interpréter est une façon
tagé d'exprimer son être.
Accepter le risque d'être
transformé.
Participation autonome, Une nouvelle façon de Perception de notre intercon-
non hiérarchisée. voir le monde. nexion.
Le dialogue comme
Une nouvelle forme de Moins d'attachement au
processus participa- conscience. langage conceptuel.
tif La vraie nature des choses
évolue dans la participation.
Acceptation du moment Cultiver l'attention. Créativité sociale et « illumi-
présent réel, sans tenter Une sorte d'intelligence nation ».
de changer les autres. subtile au-delà de
Dialogue comme l'observateur/observé.
méditation collective Diriger l'attention en
considérant le processus
de la pensée individuel-
le et de groupe.
Tableau 65 : Dimensions du dialogue de Bohm

Le concept du dialogue permet de prendre conscience de la valeur de ses expériences et de


ses connaissances à un niveau meta : « You build up Knowledge through experience,
through practice. You think about it, you organize it, it goes into memory and becomes
knowledge.»478 Bohm met en perspective l'importance du savoir tacite, lequel implique les
connaissances, les pensées, les émotions et la pratique dans le même processus.
Il est donc possible d'utiliser cette forme de dialogue pour aider les gestionnaires à mieux
apprendre de leurs expériences de façon métaconsciente, c'est-à-dire en mettant en perspec-
tive les caractéristiques de leur métaconscience et leurs décisions et actions. Lin Do (2003)

477
Adapté de Cayer (1996).
478
Bohm, D. (2003). On Dialogue. London : LeeNichol Editions, page 52.
205

aborde l'approche du dialogue de Bohm comme « un outil puissant permettant la formation


d'un esprit recadrant, c'est-à-dire capable deremettreen question les modèles mentaux, qui
souvent à notre insu, influencent la pensée. »479
L'idée commune des chercheurs et des experts du management permet de prendre cons-
cience des différents concepts abstraits dont on a conscience lors de nos activités humaines.
Selon Sandberg et Targama: «... work performance is largely carried out in practical con-
sciousness. Practical consciousness consists of all the things which actors know tacitly
about how to "go on"... .»480 Une synthèse juxtaposant les éléments (tableau 66) illustre la
pertinence des principes proposés pour permettre à l'apprenant de connaître, et d'actualiser
les caractéristiques de sa métaconscience. Cette pertinence et congruence vont dans les
deux sens, des caractéristiques vers les principes et des principes vers les caractéristiques.

479
Lien Do, K., op. cit., page 2.
480
Sandberg, J. et Targama, A. (2007). Managing Understanding in Organisations. California : SAGE Publi
cations ltée, page 48.
O
(N
sO
Caractéristiques de la

<

-C
C
U
Vi
c

il
O
o

"o
JS

.fi
CQ

4)
E

••O

Û0
c/1

60
1
métaconscience
La métaconscience est Met en valeur le caractère Met en valeur les caractéristiques Met en perspective le sens L'identité est abordée au
identitaire. unique de l'apprenant. humaines et l'expérience du ges- moral de chacun et son expé- deuxième niveau, pour répondre
Chaque participant a ses tionnaire. rience personnelle. à la volonté d'apprentissage
propres filtres perceptuels C'est la pierre angulaire de la La pratique reflexive place individuel et collaboratif.
et conceptuels. démarche d'apprentissage à partir l'identité au cœur du processus La façon dont les idées sont
Le processus de retour sur de l'expérience. d'apprentissage tant individuel traitées et la place accordée aux
la connaissance et qu'organisationnel. réflexions et à l'introspection et
l'expérience traduit à l'extrospection mettant en
l'importance accordée à valeur le caractère phénoméno-
l'introspection et à logique de la métaconscience, ce
l'extrospection. qui confirme l'identité.

La métaconscience est En considérant la conscien- L'intention annoncée de la métho- Met en évidence deux niveaux La démarche illustre une inten-
intentionnelle. ce de l'apprenant, elle de sécurise l'apprenant. d'intention : une manifestée et tion individuelle de liberté
permet de valider la une exprimée. d'expression et une intention
congruence de l'intention d'apprentissage collectif.
avec les objectifs et les
valeurs.
^
3
U

(M
'>
u

c
ca

su
en

ca

en
00

Le volet dialectique du La dynamique de la méthode est Le but est clairement lié à la


D.
O.

La métaconscience est
j 8
•2, S
tu
o =

téléologique. traitement et de la captation fonction de l'objectif de dévelop- dimension du sens de la ges-


de l'information permet pement du gestionnaire. tion.
l'ajustement en continu du
processus vers l'objectif.
La métaconscience est Permet de respecter les L'apprenant est impliqué dans la Cette méthode évalue le niveau Le participant doit s'assurer de
sélective. caractéristiques individuel- sélection des concepts à approfon- de sélection des participants sélectionner les éléments perti-
les de l'apprenant lors de dir et des objectifs à réaliser. quand au choix des faits obser- nents à la discussion afin de
l'expression de ses percep- vables utilisés lors de la résolu- contribuer à son apprentissage. Il
tions et de ses choix. tion de problèmes. est également responsable de la
sélection de ses acquis.

La métaconscience est Centre l'intérêt du partici- La capacité d'attention du partici- Oblige l'apprenant à porter L'attention permet de centrer les
pant en fonction de ses pant est mise à contribution lors attention au niveau supérieur à discussions sur les facteurs
attentionnelle.
propres problématiques. des choix d'apprentissage et lors l'observation d'autrui. Permet pertinents. La capacité
de la démonstration des résultats. d'en augmenter l'efficacité. d'attention évolue par cette
nécessité.
fa u
'c c S5 w­ •cj ^2 g
.. uû DS. en
eu o 3 eu 3
u E "i en ­
a «
II
­ en — •2" c u •=
11 si
eu —

o EC eu
■eu O eu
c
c — — eu S.
eu \ s ._ D.

ii
c
(N -tu *J u J= . _
E en .2 en ""
C eu CJ 3
-ej C en

si i
U «1 en ' C eT
S —' en D . T 3 O "> c
en C C C VI vi C '_
o .2 "o U O S 8U
3
eu •­.
C2 tn J2
U eu ■a — ^ I oil
eu T
ca ' o
.2­ « o —
T3
O ea
ca "g
­
ca Z x
eu t s o
2- ë g | O. c o
Û ­eu
c <* y
C •£- SU
c 2 .23 | u .2 u "eu eu O 5 en 00 ZJ
u — ca «
— c oob
u u
3 -S
00 3
2 "5 III I - IIS 2
T3
eu u
ca >
ES CJ ' 3 5u
S c T3 T3 j w| su eu *! '5C J V 'O O. en
eu •o etta ' u 3 O
u c ca u
J 3 eu
3 ■a — eu
3 00 3
«
c
.E c en ca ça
C c 3
c O I t. «i V
:0 .23 ­ cj o
je ca « sc 5- ^ c
«2 3^ & ■eu »ï C

eu en ej- 3
Vi c
•a tu a. eu . t ; C 's es eu
uen " O «; o "5 D . •• E
S eu _ S 3 en
es x u
ca j u -g c «eu
O E eu > O 2" c c
c
C -s '«J tjo-u — — eu
O. — 8.1
8 _o
CO
O . CJ y c ea T 3 ■!>
a •« E •E o es T3
■S PC
c
B cj
2 >
a en eu
c c X £ 3
eu w
« CJ 3 s S '5
p eu C
-2 " Oil ir.
« c "S § c
o C r-,
ej
> S- S ta u c es E u •CJ
C eu eu
< a. • r°i S fa B.-S ' , ï" 3 C
— —i en ■a c
O
ca ca eu CJ
eu
CJ
-a en tu t~ c
S es
c >; *-
C
CJ en «
-o
n
o U Vi — c
y ca
eu eu
u .­S ­ â
E en E "° _ÇJ
eu -CJ
T3
CJ
u
en
C
— en ca en O eu en
U eu
> c
ou
eu —
i § ~eu «g eu
C
U
2
­eu ■ail
— H
c
3
O
es o
C 'en -cj
i u
CS
eu
■a
E ca ca .o
ca en
o ­b ë g x eu oo c
ë c
en
es 3
o •s
cS ' è j
en
CJ
u — en .2 §• 3c Q B.J, — -ÇJ r 3
-fi o ­ca oo E
i ca eu
CJ eu 4.8 g aea. ­ — -o
CJ
E T3
Bu CJ
3 8 o a Gfl ­ 2P CJ
— _u JO"
a
il o. g en
0 eu en eu ca
U en
en C
CJ 00
VI
D . Cu - S3 > en
y
ti
CL-O 0
C U
— eu o £ — eu Q . - 3 g O
c en ­ n
■ n rrt
o en S -« 5S ej . 2 eu
73
eu 8
•eu ej C
CJ
O
C
c CJ
o CJ
es
cj
c -cj CJ
C u
« -a ca ' «
CJ
c o. o -8 oo es
'S c
C CS

■°'l ­eu .2 « y. o ­ë
•cj c tu Ci
3
LU cr en
CJ O

E 2 3TJT3 ca i en O. 3
en

Q. 3
•O c eu ca
•CJ CJ en

jo ­8 8-2
u Cu eu
a s- C
O
'S

'3 ica ca -o
eu~ c
> ­eu Ê c
r
o
c E
,eu
CS -cj eu _CS es C
O a.
es
C
ca eu .fa J eu _Ç3
o ca U T3 D. oo ca J ­a Q T3 D.

u
u.
­o
eu eu Q. g
I § b C
CJ
CJ
s
' ■ -
CJ c ox
CJ
B.J s- » ca 3
u CJ
2 j •es H

eu

-ca E .2" 3 00 3
C J3
eu
O CJ 3 X)
— eu c
CJ 0 8 S
£ « Vi ,çi3 ce) o
—'
ca en
C g ­ en QC eu
ca u a a TJ
> eu eu D . eu cj
f | es — J3
£ • eu
fcj
X •O en _ 3
— eu Q T3 !-* 3 O"
O C C •-- O en 'U Cu
eu ' o *5 en
en 2
Ë S Sg ?
CJ
CJ ca
r oo
eu
o
>
ca
c
£
o .2
Cu
CS
c o -i 3

— u
ta
4J
en C
O

II
y

'■S
eu

c
y O
'3 iri
c
u
u
o
en
C »
'd u c .£ O
o■
S
eu ^O
■eu cej 3 à
Q 7? E > 3

5 O a «
I S 5b .a
.<5 e/j
i Q.
E
'S
u
CS

fi
S3
C « ­eu S3 O 5S CS

= e/5 J D.
E
J ta
208

L'intérêt lié à notre question de recherche se situe surtout au niveau des principes appli-
qués, à la dimension du savoir ou du sens, aux impacts physiologiques et aux caractéristi-
ques des modalités pédagogiques émergentes. Nous présentons au tableau 67 les caractéris-
tiques pédagogiques émergentes des quatre modèles de développement en fonction des pa-
ramètres à considérer pour l'actualisation de la métaconscience. Il y a donc une nécessité de
modéliser de nouveaux modes de formation et d'accompagnement qui tiennent compte de
la réalité de la double contrainte du gestionnaire ainsi que des caractéristiques de dévelop-
pement et des exigences de bon fonctionnement de sa métaconscience.
o •o _ 5J 'S
CM M •3 2 S J u ' > ~S 3"
s j ;
o > ' 3 3 es
00 CJ
-ô •o
I eu - 3 cs
> S ° ES
•3 eu ­o eu
s = 1 111
O
E
tu s o C
■§ I Jl
a. »
en 60
2 i - S * £S en !9 J) ea çr E
a — — -eu o -a
o H 5 S3 S > S Ji O > S
3 ë E ■o 3 ­a t. c
eu O
S - «'3
a" E
• — -eu
■a S: •3 S o
g « > SE g
0
T3 3 3 g|
.22 en
u­ eu
­eu 3
u *J eu _
ic "5
ta >= — ^
O. C 3
« 8
= 00 c
e=
s'il . il Ë 3 ï '
■J >
E ^S "3
­ ­ 3 .s
■S
-CS eu

■21
S t«J 11
3 o- t
1.1 8 0 .eo
ed
c r!
V
- u.
SiC
oes H
**
oo c as 2 X 5 e" «^
■ O ; § Ï eo

U
es

«
Q.
&
S M
­1 2
-
U

a ■ eu
" o
(* .2 __
.5 £■■2" if J*li u eu
cj — i |B ? fag."S sg
Si éa es

3 a.>
E 2 D . T 3 X>
cu­5 c eu E
> S ej 3
-ej .— cm o

c
CJ

^ . S
CS 5 S
en u


Vi
C C a
cr; C ~ ^
î
en Il
crt tu
en
ej

C ^
e a
eu o
ë i • 3 eu
1 É
C
eu
Vi

Q.
­eu g I I il «e
3 w
CQ
8
■e

fa en Sus
­*­ O en C ■es 2 = S «
u ë S..2
•ëeS
u- O
l 3
sil
§ S S
es en 8 u
EL J P
-eu £ g es T3
C 9
E ijs i
— c Vi -S .-2 ««
oo— £ E o x
eu ­
£ eu a. w
a c t
en 'es
SE."
0 *•■ U O u
a. ­3 o PU -eu T3

es
.fa
1
3
> „ O
B CL £
CU •cd
-a c
o
T3
en S.
c C

o fi en ~S M O en ea =.
'é/ï o VI CJ
C
eu
.£ c
u
CJ
•n ,—
'cao ; "CJ C
(U
-a
CJ
0
en
!
CS en n
-3 Vi c0 ■a
O 3 o C
> CJ 0 O 3
■MÎ Sf '3
■éa
en S
■a

.3 « B
en en
C § i
t 5 -a. -s O
£ g c 0 •0
<»> en
<2
­eu

'In OJ
C
O
O
CO <_.
E 2

d . en
Èfl

g
o
E
en
C
ilH .1
en T3 <q CJ
CJ 3 , . eu S

& o
■ 5
es g -
i £]L
fa . -'J
OÙ u 1) eu T3 ej
11 . ._ eu ■Q
u ï O «
« e u O
E
en
eu
D.
— — 5
en es O
Î5 « ' S if ÏJ
c u
­
^j
ë=i
en
a
a
n
3
c
S.J2
c eu C
2­a.S
| cj
3
a
D.
il
> T3
ea» lX 3 !o »
13
eu eu c O eu
e?8 Si* ô 3 â eu
s §•£ D g.
C

g? C/3

o E
O -C
o c
00 O
G CQ
a
es
a.
r-
<
210

Nous constatons, à la lecture de ce tableau synthèse, que les approches utilisées sont vala-
bles, dans leur intention, pour initier des activités de formation à la métaconscience. Elles
permettent de considérer quelques-uns des principes du développement de la métaconscien-
ce. La construction du savoir permet d'aborder la construction du sens. Dégager des im-
pacts physiologiques et psychologiques amène à définir la meilleure stratégie pour aborder
la formation. Nous observons aussi que les caractéristiques pédagogiques émergentes of-
frent une ouverture pour aborder le développement de la métaconscience.
Ces quatre approches ont en commun l'utilisation de la pratique reflexive, capacité spécifi-
que de la métaconscience, initiée par Schôn. Mintzberg se démarque par la façon dont il
encourage le gestionnaire apprenant à utiliser la théorie dans sa pratique, et à bonifier cette
même théorie par l'analyse de sa pratique. L'apport de l'approche suggérée par Kolb est
d'aider l'apprenant à déterminer son propre style d'apprentissage, ce qui permet une analy-
se plus efficace de sa pratique et de son apprentissage. Pour sa part, Bohm permet de mettre
en valeur le concept du dialogue, une façon efficace pour consolider tout apprentissage et
toute pratique à un niveau où la mesure de l'intégration passe par les relations humaines.
Compte tenu de la complexité de la nature humaine quant au potentiel d'actualisation de
ses processus mentaux, et plus particulièrement de la métaconscience, nous réalisons
l'importance de proposer des activités et des outils de formation qui permettent d'adapter
ces approches et de respecter les principes pédagogiques énoncés.
211

CHAPITRE VI :

LES ACTIVITÉS ET OUTILS DE DÉVELOPPEMENT DE LA MÉTACONSCIENCE

l a personnalité créatrice doit penser et juger par elle-même car le


progrès moral de la société dépend exclusivement de son indépendance.
. liberI /listein

Les gestionnaires sont sollicités de toutes parts pour participer à des programmes de forma-
tion visant le développement de leur leadership et leur performance. Ils réfléchissent sur les
pratiques en vogue, font de la résolution de problème, élaborent des stratégies de manage-
ment de façon collaborative. Ces activités, parce qu'elles concentrent l'attention et les ac-
tions sur les stimuli externes (mission corporative, objectifs de rentabilité, gestion de
conflit, etc.) sans considérer les impacts internes du gestionnaire (stress, regret, sentiment
d'incompétence, fatigue, etc.), les conduisent souvent à augmenter l'effet de la double
contrainte à moyen et long terme. Les gestionnaires ne sont pas amenés à actualiser spécifi-
quement leur métaconscience; c'est-à-dire à utiliser tout le potentiel généré par la réflexion
sur les caractéristiques de leur métaconscience, l'intention, la volonté, etc. et le pouvoir
généré par le libre arbitre pour chacune. Ils ne sont pas informés de la richesse cachée par la
non-actualisation des différents processus mentaux (la conscience de soi, la raison, le lan-
gage, la volonté, l'apprentissage, la mémoire, la créativité, la moralité et
l'autonomie/liberté) qui permettent d'améliorer l'efficacité de la métaconscience. Les ges-
tionnaires ont besoin d'un soutien pédagogique efficace pour développer spécifiquement
leur métaconscience.

Par ailleurs, l'identité distinctive des humains nous force à considérer que la formation à la
métaconscience implique un changement conceptuel des gestionnaires en regard de leurs
paradigmes initiaux. Damasio (2002) constate que les humains sont conditionnés par leur
génome, leur environnement, leur éducation, leurs croyances, etc. :
Quand nous disons qu'une personne a été modelée par l'éducation reçue et la société environ-
nante, nous faisons référence à l'association de plusieurs contributions : 1/ les « traits » de ca-
212

ractère et les « dispositions » génétiques, 2/ des « dispositions » acquises très tôt lors du proces-
sus de développement sous l'influence conjointe des gènes et de l'environnement, et 3/ des épi-
sodes personnels uniques, vécus sous les auspices des deux précédents, sédimentés et continuel-
lement reclassés au sein de la mémoire autobiographique.481

Nous sommes d'avis qu'une stratégie de développement à la métaconscience chez les ges-
tionnaires devrait considérer les cartes mentales générées tout au long de leur vie. Il s'agit
donc de concevoir une méthodologie de changement conceptuel adaptée à la formation à la
métaconscience. La boucle recursive expérience/connaissance/introspection doit être appli-
quée pour amorcer le changement conceptuel souhaité.

Expérience Introspection
Expérience Introspection
Conception ini-
Nouvelle concep-
tiale
tion

Connaissance

Connaissance

Figure 22 : Processus d'évolution d'une conception par le processus métaconscient

La figure 22 représente le processus de récursivité de la conception initiale, laquelle peut


être conduite à une nouvelle conception en appliquant le processus de la métaconscience
dans une spirale sans fin.
Cette façon de présenter, d'une part, la récursivité des informations et, d'autre part,
l'évolution de l'apprentissage met en perspective l'importance de l'unicité de l'apprenant,
et le caractère phénoménologique et réflexif de la métaconscience. L'enseignant doit per-
mettre à l'apprenant d'utiliser ses connaissances et ses expériences afin d'actualiser au
mieux le potentiel de chaque caractéristique de sa métaconscience dans le cadre de ses acti-
vités humaines.

Damasio, R. A. (2002). Le sentiment même de soi, op., cit., page 286.


213

La métaconscience peut être considérée comme la métacompétence humaine dans la prati-


que des modes d'intervention reconnus pour leur propension à valoriser et à responsabiliser
l'humain dans le cadre de ses activités. Par le développement continu de son autonomie, de
sa moralité et de sa créativité, le gestionnaire sera sans contredit plus conscient de son rôle
et de son pouvoir personnel. Il sera ainsi en mesure de réduire l'impact de la double
contrainte sur son niveau de stress et de sa santé mentale.
Les activités d'enseignement de la métaconscience doivent se faire, dans un premier temps,
par des interventions individuelles. Ces interventions permettent au gestionnaire
d'apprendre les outils de développement de la métaconscience, soit la conscience de soi, la
respiration consciente et contrôlée, la méditation, la visualisation créatrice, l'introspection
et le journal de bord. Par la suite, il est possible d'aborder les activités et outils
d'accompagnement individuel par le coaching et le mentorat. Finalement, les activités cor-
poratives permettent de créer des contextes favorables à la communauté de pratique, au
codéveloppement, au développement de compétences collectives et, ultimement, d'initier
une culture d'empowerment.
Le développement de la métaconscience exige que le gestionnaire expérimente les activités
du niveau individuel avant de considérer les activités des niveaux deux et trois. Par ailleurs,
les récents travaux documentés liés au développement de compétences managériales abor-
dent le management collaboratif. Nous en exposons, de façon succincte, les principaux dé-
fis et avantages, ainsi que les facteurs de congruence de cette approche et le développement
de la métaconscience.
Finalement, nous prononçons un court plaidoyer, dans lequel nous insérons quelques re-
commandations, en faveur d'une nouvelle approche d'enseignement considérant la double
contrainte dans laquelle le gestionnaire doit évoluer.

6.1. LES ACTIVITÉS INDIVIDUELLES DE DÉVELOPPEMENT


214

Au fur et à mesure que les individus pratiquent la maîtrise personnelle,


des transformations s 'opèrent en eux. souvent très subtiles cl invisibles
Peter Senge

Le développement personnel, c'est-à-dire le développement du Soi, apparaît comme le


point de départ à tout projet de formation. Connaître le fonctionnement humain, identifier
ses valeurs, reconnaître les occasions de succès, et revoir les processus non satisfaisants sont
les outils de base de tout être humain, peu importe son emploi du temps. Le gestionnaire
conscient de lui-même est en mesure de mieux connaître les gens de son équipe, comme le
prétend Morin (2000) : « En fait, l'incompréhension de soi est une source très importante
de l'incompréhension d'autrui. »482. Nous référons à Senge et Gauthier (1991) qui parlent
de maîtrise personnelle : « Les individus qui bénéficient d'un haut niveau de maîtrise per-
sonnelle réussissent continuellement à améliorer leur capacité à atteindre de nouveaux ob-
jectifs. »483 Ces auteurs insistent sur l'importance de la discipline pour le développement
personnel : « La maîtrise personnelle n'est pas une qualité que l'on possède une fois pour
toutes. Elle est une discipline que l'on ne cesse d'acquérir. »484
Parce que la métaconscience est un métaprocessus intégrateur, elle permet de développer
cette maîtrise de soi. Nous présentons quatre exercices dont l'enseignement et la pratique
contribuent à optimiser le potentiel du gestionnaire par l'actualisation des caractéristiques
de sa métaconscience. Rappelons que le but visé par le développement de la métaconscien-
ce est d'arriver à augmenter son niveau d'autonomie, de moralité et de créativité. Pour ce
faire, il sera d'abord question de développer la conscience de soi. Connaître sa vision, ses
valeurs et le fonctionnement de son système physiologique et psychologique est la base de
tout développement humain. Ensuite, la respiration consciente permet de prendre le contrô-
le de cette fonction vitale de notre système humain.
La méditation, pratiquée sous différentes formes depuis des millénaires, peut contribuer à
mettre à profit son potentiel mental de façon efficace. Nous verrons par la suite certains
outils d'introspection et d'extrospection, et leur utilité : la visualisation créatrice et le jour-
nal de bord.

Morin, E. (2000). Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, op. cit., page 107.
483
Senge, P. et Gauthier, A. (1991). La cinquième discipline, traduit de l'américain par Hervé Plagnol. Paris :
Éditions First, page 187.
484
Ibidem, page 189.
215

La pratique des exercices individuels décrits plus haut nous a été bénéfique lors de la rédac-
tion de cette thèse. Il aurait été difficile de décrire les caractéristiques de la métaconscience
sans mettre en pratique les outils qui en permettent la reconnaissance et le développement.
De fait, nous avons observé une progression signifiante de l'évolution de notre projet à me-
sure que nous mettions en pratique chacun des outils mentionnés et que nous respections
les caractéristiques de la métaconscience.

6.1.1. La conscience de soi

En se basant sur le fait que la seule personne à avoir accès à son être intérieur est elle-
même, il apparaît évident que la conscience s'étudie de l'intérieur, donc par Soi. Par ail-
leurs, force est aussi d'admettre que le sujet qui s'auto-analyse émet un point de vue sub-
jectif plutôt qu'objectif. Parce que la métaconscience est consciente d'elle-même, elle évo-
lue d'un état de conscience actuel vers un nouvel état.
Edelman (2000), pour sa part, reprend la prémisse de Charles Sherrington, à savoir que la
conscience est tributaire de l'état du cerveau et de son fonctionnement. En fait, notre mon-
de, propre à chacun de nous, forgé à partir de nos connaissances, de nos expériences, de nos
capacités de jugements, de nos compétences, etc., bascule du tout au tout dès que le cerveau
subit un choc ou d'autres traumatismes physiques, chimiques ou psychologiques. C'est ce
que Schopenhauer (1997), repris par Edelman et Tonini (2000), a défini comme le « nœud
du monde ». Cette conception n'enlève toutefois rien à l'ampleur du mystère de la cons-
cience. Elle permet toutefois, selon ces auteurs, une représentation plus concrète, et de pro-
poser des combinaisons de théories dans le but d'aborder ce nœud :
Ne pourra-t-on jamais parvenir à une explication scientifique? Doit-on renoncer à défaire le
nœud du monde? Ou bien peut-on découvrir une voie permettant d'avancer de façon à la fois
théorique et expérimentale vers la résolution des paradoxes de la conscience?485

La conscience de soi met en perspective l'importance de l'attention, une caractéristique de


la métaconscience. Selon Goleman (1995), elle serait essentielle à l'intuition. : « Je donne à
la conscience de soi le sens d'une attention introspective, autoréflexive à sa propre expé-
rience vécue, ce que l'on appelle aussi tout simplement Y attention. »

Edelman, G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 27.
1
Goleman, D. (1995), op. cit., page 462.
216

Selon John Mayer, un de pères de l'intelligence émotionnelle, cité par Goleman (1995), « la
conscience de soi signifie que nous sommes 'conscient à la fois de notre humeur du mo-
487

ment et de nos pensées relatives à cette humeur.' » Goleman (1995) reprend la classifi-
cation de Mayer selon laquelle il y a trois niveaux de conscience de soi en fonction de leurs
rapports avec leurs émotions. Dans le tableau 68, nous y avons lié les fonctions sur lesquel-
les il est possible d'agir une fois entraîné.

Niveau de conscience
Rapport avec les émotions Fonctionnement
de soi
Sont capables de subtilité dans leur L'information est rapidement dirigée
vie affective. vers l'amygdale et vers le néocortex.
Ils sont indépendants, Les gens sont capables d'identifier la
en bonne santé psychologique. nature de l'émotion émergente et de
Ils ont le sens de la mesure. rediriger leur attention lorsque cette
Ils ont une conception positive de la émotion est négative.
vie. Ils dirigent leur attention sur leurs va-
Ceux qui ont cons-
Leur caractère attentif les aide à maî- leurs et font des choix en fonction de
cience d'eux-mêmes triser leurs émotions. celles-ci.
Ils sont conscients de leurs valeurs et
s'assurent de les respecter.
Ils sont capables de contrôler les
pensées qui surgissent à leur insu. Ils
sont capables de rester concentrés sur
de longues périodes.
Ont l'impression d'être contrôlés par L'information va principalement à
leurs émotions. l'amygdale et y reste plus longtemps.
Ils sont versatiles. Le néocortex a de la difficulté à déco-
Ils n'ont pas conscience de leurs der le ressenti et l'émotion.
sentiments. Les liens entre les réactions physiologi-
Ceux qui se laissent Tolèrent leur mauvaise humeur. ques et la raison sont lents à se faire.
submerger par leurs Ont le sentiment de ne pas contrôler L'attention semble figée.
émotions leur vie affective. La personne doit alors faire un effort
Les pensées qui surgissent en même pour modifier son attention et la rediri-
temps que leur centre d'intérêt im- ger vers la région du cœur488 afin de
médiat les submergent, ce qui les fait mieux identifier son émotion. Cet exer-
perdre leur concentration. cice devrait être fait de façon régulière
tous les jours.
Ceux qui acceptent Ont conscience de ce qu'ils éprou- L'information passe de l'amygdale au
leurs dispositions vent, mais ne font rien pour y remé- néocortex de façon aléatoire. Il n'y a
d'esprit dier. pas de contrôle volontaire.

Ibidem, page 78.


488
Cet exercice est documenté dans les travaux de Doc Childre : « La recherche scientifique que nous venons
d'examiner décrit... Les messages neuronaux, biochimiques, biophysiques et électromagnétiques que le cœur
génère transmet au cerveau et au reste du corps ont une influence profonde sur nos processus physiologiques,
mentaux et émotionnels. » Une liste de recherches faites et en cours est disponible sur www.heartmath.org.
Childre, D. et Howard, M. (2005). La solution Heart Math, traduit de l'américain par Michel St-Germain.
Outremont : Ariane Éditions, page 51.
217

Niveau de conscience
Rapport avec les émotions Fonctionnement
de soi
Certains sont généralement de bonne Les liens entre les réactions physiologi-
humeur et sont peu enclins à vouloir ques, psychologiques et la raison ne
modifier leur état. sont pas considérés suffisamment.
Certains ont conscience de leurs Ces personnes ont tendance à tourner
sautes d'humeur et les acceptent sans en rond, à minimiser les conséquences
rien faire. Ils sont souvent dépressifs, de leurs actions.
résignés à leur désespoir. Elles peuvent agir en faisant des exerci-
Leur concentration va et vient de ces réguliers pour centrer leur aUention
façon aléatoire. Ils écoutent une per- au niveau de la région du cœur, dans les
sonne sans y porter tout l'intérêt qu'il moments de joie et dans les moments
se doit. de peine.
Tableau 68 : Niveaux de conscience de soi et les rapports aux émotions

Le leader conscient de soi est donc mieux outillé pour assurer une présence d'esprit dans
l'accomplissement de ses activités. Ses relations sont plus sincères, et sa crédibilité est re-
connue. Cette capacité à rediriger son attention lui permet de mieux composer avec la dou-
ble contrainte en confirmant ses valeurs et en assumant ses choix, même lorsqu'ils requiè-
rent un lâcher-prise sur des acquis matériels convoités. Il en résulte une meilleure santé
physique et psychologique à long terme.
Les gens dont le niveau de conscience est au niveau 2 ou 3 doivent s'entraîner à diriger leur
attention à la région du cœur d'abord. Ceci permet de prendre conscience du ressenti et de
décider de le modifier. Dans un deuxième temps, il convient d'éliminer les obstacles à
l'attention, principalement la surcharge d'information ou d'émotion et de vérifier le niveau
d'intérêt pour la situation à régler. Il devient plus facile alors de clarifier les objectifs et de
centrer son attention au bon endroit, et ainsi augmenter le niveau de conscience de soi. On
remarque que les gens se sentent plus autonomes, ont plus de facilité à identifier et à res-
pecter leurs valeurs personnelles, et sont plus ouverts aux changements.
Dès le début de notre rédaction, nous avons dû remettre nos valeurs en question. Le fait de
quitter un travail bien rémunéré pour écrire une thèse de doctorat indique un changement
quant aux valeurs que nous aspirions à satisfaire. Premièrement, il nous a été nécessaire de
constater la situation de double contrainte dans laquelle nous évoluions. Cette prise de
conscience nous a amenée à identifier nos valeurs émergentes afin de positionner notre ob-
jectif en fonction de notre intention. L'exercice consistant à rediriger notre attention au ni-
veau de la région du cœur s'est avéré bénéfique pour nous aider à améliorer notre conscien-
218

ce de nous-même.
Une façon de rediriger son attention est de contrôler le rythme et la profondeur de sa respi-
ration.
6.1.2. La respiration consciente et contrôlée

Respirer est l'activité la plus importante du corps humain. Respirer, c'est assurer le fonc-
tionnement de l'organisme. Les fonctions vitales sont influencées par le débit d'air que les
organes reçoivent. Zindel et al. (2006) permettent de comprendre l'influence de notre respi-
ration :
Avez-vous déjà remarqué la façon dont la respiration change avec votre humeur - courte et fai-
ble quand nous sommes tendus ou en colère, plus rapide quand nous sommes énervés, lente et
ample quand nous sommes heureux, et disparaissant presque quand nous avons peur? Elle est là
avec nous tout le temps. Elle peut être utilisée comme un outil, comme une ancre, pour amener
de la stabilité dans le corps et l'esprit quand nous choisissons délibérément d'être conscient.489

Prendre conscience de sa respiration en ralentit presque instantanément le rythme. On de-


vient plus conscient de la pensée et de l'idée qui habite l'instant. Il est important de consta-
ter que le moment où l'on devient attentif à sa respiration peut en influencer le rythme et la
profondeur.
Par exemple, lorsqu'on prend son pouls après une activité intense, avant une présentation
importante ou au moment où on entend un chien aboyer avec vigueur, le rythme est rapide
et le « souffle est court.»
Par ailleurs, si on prend notre pouls au milieu d'un souper en douce compagnie ou en écou-
tant un film romantique, on remarque que le rythme est plus lent, et que l'air se rend au
niveau du plexus solaire. Finalement, quand on fait un exercice de respiration de détente,
juste avant de s'endormir, par exemple, le rythme est beaucoup plus lent, et l'air peut aller
jusqu'au niveau du ventre.
Les recherches démontrent de plus en plus qu'il est possible de contrôler sa respiration.
Ainsi, en contrôlant le rythme à la baisse, et en faisant un effort pour faire descendre l'air
jusque dans le ventre avant une présentation importante ou lors d'une situation de stress, il
est possible de diminuer les effets néfastes de ce stress. À l'instar de Zindel, St-Arnaud
(2002) affirme que :

489
Zindel, V. et al. (2006). La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression. Bruxel-
les : De Boek, page 174.
219

Par la seule action de la respiration, nous pouvons donc à la fois refléter et influencer l'état de
notre système nerveux. Nous pouvons apprendre à régulariser notre rythme cardiaque, notre
tension artérielle, la circulation du sang et même la digestion, en changeant tout simplement le
rythme et la profondeur de notre respiration.490

Le rythme et la profondeur de la respiration conditionnent les activités du cœur et du cer-


veau. Les chercheurs de l'Institut HeartMath491 ont démontré que les pensées, les émotions
et les sentiments ont une influence sur le rythme cardiaque et, par conséquent, sur le niveau
de stress :
Notre recherche démontre que l'on peut développer la capacité de maintenir un entraînement en
entretenant des états sincères et focalisés sur le cœur, comme la reconnaissance et l'amour. Les
résultats d'études sur l'entraînement tête-cœur suggèrent que, en modifiant intentionnellement
notre état émotionnel au moyen de techniques précises, nous modifions l'apport du cœur au
cerveau.492

En plus de contrôler la respiration et de centrer l'attention sur une pensée, cette pratique
suggère de choisir une pensée liée à un souvenir ou un à projet qui réjouit, qui génère
l'amour et la compassion. Cette pratique est basée sur le fait que de se centrer sur les émo-
tions et les sentiments est susceptible d'influencer les décisions et les comportements de
façon significative. Damasio (2001) va dans le même sens, et soutient qu'il est possible
d'anticiper la valeur d'une décision en étant à l'écoute de ses sensations à un moment pré-
cis :
... imaginez qu'avant d'avoir appliqué la moindre analyse de « coût/bénéfice » aux différents
cas de figure, et avant que vous ayez entamé le processus de raisonnement devant vous mener à
la solution du problème, quelque chose d'important se produit : lorsque vous visualisez dans
votre esprit, même fugitivement, la conséquence néfaste d'une réponse que vous pourriez choi-
sir, vous ressentez une sensation déplaisante au niveau du ventre.493

La pratique de la respiration consciente et contrôlée nécessite une attention soutenue et une


intention claire. Elle met en perspective la capacité à faire une sélection de ses pensées et
de ses émotions en fonction d'un but précis. La volonté d'allouer le temps nécessaire à la
pratique produit une différence sur le résultat obtenu. C'est une pratique exigeante pour
laquelle l'intention, la sélection, l'organisation et l'attention de la métaconscience sont sol-
licitées de façon soutenue. Son efficacité est cependant indéniable. Elle permet d'utiliser la
technique du recadrage au profit de l'apprentissage.

90
St-Arnaud, Y. (2002). La guérison par le plaisir. Ottawa : Éditjons Novalis, page 177.
491
Institut de recherche à but non lucratif. Leurs travaux portent principalement sur la réduction du stress dans
les milieux organisationnels.
492
Childre, D. et Howard, M. (2005), op. cit., page 59.
493
Damasio, R. A. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 239.
220

Mintzberg illustre cette notion de prise de conscience responsable de la modification des


modèles mentaux par le recadrage, par exemple : « People learn when they suspend their
disbeliefs, to entertain provocative ideas that can reshape their thinking. That is what educa-
tion is all about.»494 Un bon niveau de conscience de soi permet de recadrer la situation, et
d'éprouver une émotion plus positive à son égard.
Il est important de maintenir une intention positive et de pratiquer de façon régulière afin de
constater les effets positifs. Plusieurs recherches relatent les effets bénéfiques de la pratique
de la respiration consciente et contrôlée sur le stress. Les chercheurs de l'Institut HeartMath
ont constaté une diminution de divers symptômes (tableau 71) liés au stress après six se-
maines d'un programme dont la respiration consciente et les pensées positives sont les
principaux outils. Voici les paramètres pour un projet de réduction du stress auquel partici-
paient 17 membres de la haute direction d'une division de Shell International (tableau
69)495

Paramètre Amélioration
Rythme cardiaque trop rapide Diminution de 38 %
Tension artérielle élevée Diminution de 65 %
Douleurs et symptômes divers Diminution de 70 %
Colère Diminution de 65 %
Inquiétudes Diminution de 70 %
Fatigue Diminution de 87 %
Heureux Augmentation de 68 %
Désir de quitter l'entreprise Diminution de 44 %
Désir de changer de travail Diminution de 52 %
Capacité d'écoute Augmentation de 65 %
Prise de décision impliquant l'intuition Augmentation de 100 %
Alignement des objectifs personnels et corporatifs Augmentation de 107 %
Organisation des réunions Amélioration de 107 %
Efficacité Amélioration de 86 %
Créativité Amélioration de 119 %

Tableau 69 : Résultats de l'étude menée chez Shell International

La pratique régulière de la respiration consciente et contrôlée nous aide à mieux concentrer


notre attention sur les objectifs que nous nous sommes fixés. Nous expérimentons, avec
cette pratique, un retour au calme plus rapide après avoir vécu une situation stressante ou
1
Mintzberg, H. (2004), op. cit., page 249.
McCraty, R. (2001). Science of the Heart. Boulder Creek : Institute of HeartMath, page 41.
221

désagréable. Notre attention se refocalise rapidement sur notre objectif du moment.


Dans le cadre de notre projet de thèse, nous avons constaté que nous étions plus productive
les jours où nous pratiquions quinze minutes de respiration consciente et contrôlée avant de
commencer à rédiger. Ces exercices nous permettent souvent d'augmenter notre niveau
d'énergie avant d'entrer en classe pour enseigner ou avant une intervention de consultation.
Certains clients utilisent aussi cette technique et obtiennent des résultats convaincants.
La respiration consciente et contrôlée est souvent associée à la méditation.
6.1.3.La méditation

La méditation est pratiquée depuis des siècles, et ce, sous différentes formes. Bien qu'elle
soit souvent associée à un exercice spirituel ou religieux, il est opportun de la concevoir
également comme un outil de développement de la métaconscience. Cette pratique utilise
l'attention et la sélection comme principaux outils à la disposition de la métaconscience.
Voici le point de vue exprimé par Fiori (2006) à ce sujet :
... traduit l'une de nos capacités essentielles, à savoir l'attention sélective qui nous permet de
nous affranchir des stimulations sonores qui ne nous intéressent pas Ce à quoi nous ne prê-
tons pas attention parvient tout de même à notre cerveau, que, d'une manière ou d'une autre
nous sommes capables d'opérer un tri dans les informations qui nous parviennent et choisir de
n'en traiter qu'une partie et, bien plus, que nous pouvons déplacer notre attention. Notons que
ceci ne concerne pas seulement les informations issues de l'environnement : nous pouvons tout
à fait « faire semblant » d'écouter notre interlocuteur tout en portant notre attention sur une au-
tre conversation ou sur nos propres pensées.496

Cet exercice de méditation consciente requiert de centrer son attention sur un seul objet
mental (idée, émotion, etc.). Cette pensée, par exemple, est dans un premier temps dirigée
vers les parties du corps, et il importe de sentir chacune des parties. Il se produit alors un
ralentissement du système nerveux, et les fonctions physiologiques reprennent un rythme
plus calme. Cet ajustement des fonctions physiologiques augmente l'efficacité des proces-
sus mentaux lorsque la personne revient à ses activités régulières. Il existe différentes tech-
niques de méditation. La méditation guidée permet au débutant de bien comprendre le pro-
cessus, et d'obtenir des bons résultats assez rapidement.
Lorsque la méditation est pratiquée de façon régulière, les effets sont cumulatifs. C'est
pourquoi il est recommandé, pour augmenter l'efficacité de sa métaconscience, de la prati-
quer environ trente minutes par jour. Les effets sont clairement mis en perspective par Zin-
496
Fiori, N. (2006). Les neurosciences cognitives. Paris : Éditions Armand Colin, page 161.
222

del et al. (2006) dans le cadre de leur pratique de la thérapie cognitive basée sur la pleine
conscience pour la dépression.
Pelletier (1996) valorise aussi cette pratique, et en souligne le caractère personnel et res-
ponsabilisant : « Cette expérience fait découvrir que c'est moi qui colore mes souvenirs,
mes projets, les situations difficiles de la vie. C'est moi qui les colore, et, donc je peux,
comme le dit Ferrucci, les recadrer, les colorer autrement, sans, pour autant, tout recolorer
en rose. »497 Tout comme la respiration et la conscience de soi, la méditation, par les répon-
ses physiologiques qu'elle suscite, permet d'augmenter le niveau d'autonomie et de créati-
vité des gestionnaires.
Nous estimons que les exercices de méditation pratiqués au début de notre projet nous ont
permis de mieux assumer nos responsabilités connexes, et de concentrer nos efforts aux
bons endroits aux bons moments. Nous constatons une évolution dans notre pratique à me-
sure que nous méditons de façon régulière. Les idées sont plus claires et les liens entre les
informations se font plus rapidement. Nous avons l'impression d'être plus présente lors des
activités pendant lesquelles notre attention est sollicitée.
La méditation sur un projet à réaliser peut nous amener à un exercice de visualisation créa-
trice. C'est ce qui se produit quand nous méditons en gardant l'image de notre thèse com-
plétée pendant un moment. Cette capacité à focaliser notre attention contribue à voir le pro-
jet concrétisé. Il nous apparaît par la suite plus facile d'y consacrer temps et énergie.
6.1.4. La visualisation créatrice

Cet exercice peut être pratiqué de façon indépendante, juste en fermant les yeux, et en ima-
ginant notre objectif réalisé; ou encore, en le dessinant, et en regardant l'image de façon
régulière. Le but visé est de consolider l'objectif, l'intention et la volonté. Ce faisant, notre
attention est concentrée sur cet objectif, et notre métaconscience oriente son processus dans
cette direction.
Certaines méditations guidées permettent aussi de faire un exercice de visualisation créatri-
ce. Une voix nous dicte les étapes à suivre pour entrer en méditation. Lorsque notre rythme
cardiaque est suffisamment calme, le guide suggère des images que nous entendons de fa-
çon passive. C'est-à-dire que nous ne réagissons pas physiquement mais physiologique-

Pelletier, P. (1996). Les thérapies transpersonnelles. Montréal : Éditions FIDES, page 186.
223

ment; notre système nerveux répond à ce qui est dit. Par exemple, nous fermons les yeux,
respirons calmement de façon régulière. Une voix nous suggère un mets que nous appré-
cions, et nous sentons nos glandes salivaires fonctionner. Nous pouvons même parfois
avoir l'impression de goûter la nourriture.
Le fait de visualiser notre thèse terminée à certains moments où nous sentions le découra-
gement s'installer nous a aidée à maintenir notre attention, et à nourrir notre volonté à
consacrer l'énergie, le temps et les ressources pour la terminer. Les actions à poser sont
devenues par conséquent plus faciles. Nous accordions moins d'importance aux obstacles,
et une meilleure énergie aux exigences de notre métaconscience.
Comme la respiration et la méditation, cet exercice doit être répété à intervalles réguliers
pendant une période de temps assez longue pour être efficace. Nous pratiquons toujours ces
exercices pour notre thèse. Plus la fin approche, plus cela nous semble facile tout en conti-
nuant d'être efficace.
De plus en plus de gestionnaires s'ouvrent à ces pratiques. Ils en constatent les effets posi-
tifs assez rapidement. Le défi majeur consiste à maintenir le rythme de la pratique lorsque
le temps semble manquer. Ironiquement, c'est dans ces périodes où le stress est plus intense
que ces pratiques sont les plus bénéfiques. Avec la métaconscience, ces pratiques peuvent
aboutir à un meilleur contrôle de ses actions volontaires en fonction d'un objectif.
6.1.5. L'introspection

L'introspection consiste à revoir mentalement le déroulement de ses états de conscience ou


des actions passées ou à venir. Cette activité sollicite la mémoire et la capacité d'évaluer les
événements passés, présents ou à venir, en fonction des intentions de départ et des résultats
obtenus à la suite de ces actions.
De façon métaconsciente, il suffit de choisir les moments sur lesquels il est pertinent de
faire une analyse dans un but d'amélioration. Par la suite, la personne peut dégager des in-
tentions, et prendre des décisions cohérentes avec ses valeurs et ses objectifs.
Les multiples recherches menées par Argyris (1991) illustrent bien cette idée selon laquelle
l'humain choisit de prendre conscience de sa conscience ou non. Elles démontrent que
l'apprentissage est lié de près à cette conscience de sa conscience : « But effective double-
loop learning is not simply a function of how people feel. It is a reflection of how they
224

think, - that is the cognitive rules of reasoning they use to design and implement their ac-
tions. »498
L'introspection permet de pratiquer les exercices liés à la conscience de soi, et son efficaci-
té est augmentée par la pratique de la respiration consciente et contrôlée, ou encore par la
méditation.
Nous avons constaté la valeur de l'introspection plus particulièrement lorsque nous sentions
un temps où la productivité était faible. Cet exercice nous a permis d'évaluer les meilleures
conditions pour travailler sur notre projet de thèse. Les éléments qui dispersaient notre at-
tention ont pu être décelés, et diminués de façon considérable.
Afin de faire un suivi dans le but de concrétiser ses efforts, le gestionnaire est invité à tenir
un journal de bord de ses pratiques de la métaconscience. Comme pour les activités précé-
dentes, le facteur temps est le principal obstacle à la régularité de cette pratique.
La pratique de ces exercices de façon métaconsciente, c'est-à-dire en considérant ses carac-
téristiques de téléologie, d'intention, de volonté et de réflexion, entre autres, permet d'en
augmenter les bienfaits. En effet, le fait de mettre en pratique ce métaprocessus donne du
pouvoir à nos facultés mentales.
6.1.6.Le journal de bord

Tenir un journal de bord est une activité qui requiert une grande discipline. Il se distingue
du journal intime par la rigueur qu'il exige et par son volet réflexif et autoréflexif. Paré
(1987) le présente comme un élément essentiel de l'apprentissage : « C'est le contact avec
la réalité dans toute sa complexité, dans sa continuité, qui permet de dégager un sens et une
compréhension profonde. »499
De par sa nature, l'humain possède une propension à réagir, le plus souvent de façon spon-
tanée, à des faits et à des événements. Sans un retour sur lesdits événements et les réactions
provoquées, l'apprentissage ne se fait pas. Évidemment, pour être efficace, le journal doit
dépasser le volet descriptif des événements. Il devient un outil de développement construc-
tiviste dans la mesure où le chercheur y commente les faits de façon subjective dans la re-

498
Argyris, C. Teach to Smart People. Harvard Business Review, mai-juin 1991, page 6.
499
Paré, A. (1987). Le journal, instrument d'intégrité personnelle et professionnelle. Centre d'intégration de
la personne. Sainte-Foy, page 8.
225

connaissance de son essence propre. En fait, selon Paré (1987), le journal place la personne
vis-à-vis elle-même, dans sa propre quête de sens. Il constitue un outil d'apprentissage par
l'expérimentation, en ce sens qu'il permet à l'auteur d'évaluer ses actions et ses réflexions
en fonction des pratiques de développement de sa métaconscience, de ses expériences pré-
cédentes, de ses connaissances et de ses projets à venir. Il permet la manifestation de son
autonomie, de sa moralité et de sa créativité en fonction des quatre paramètres suivants :
o reconnaître ses sensations et ses idées en les identifiant à son identité et à ses inten-
tions;
o prendre la décision, implique donner un sens, faire un acte volontaire en fonction
d'une finalité;
o identifier les besoins perçus et les désirs ressentis par une sélection, en fonction de
répondre adéquatement et au bon moment;
o identifier et nommer ses perceptions, ses sensations et ses émotions et ses pensées,
et identifier le processus interne de son autonomie, de sa moralité et de sa créativité.

Afin de contribuer efficacement au développement de la compétence métaconscience, le


journal de bord doit avoir une structure permettant de bien suivre les étapes de chemine-
ment et de réflexion. En introduction, on doit minimalement y retrouver les valeurs, les
objectifs poursuivis, et les principaux obstacles susceptibles de nuire à la poursuite de
l'objectif et au respect des valeurs énoncées.
Le journal de bord nous a permis de nous sensibiliser aux caractéristiques de notre méta-
conscience, de cerner les obstacles à éliminer, et les exigences à respecter lors de la rédac-
tion de cette thèse. Cette façon d'expérimenter le processus nous a été bénéfique, tant sur le
plan personnel que professionnel.
Ces activités contribuent à enrichir la manifestation de la métaconscience dans le cadre de
ses activités. Les activités en accompagnement permettent au gestionnaire de valider ses
processus, et d'enrichir ses connaissances, ce qui permet d'améliorer son niveau de satis-
faction et d'efficacité. Nous avons remarqué que le fait de tenir un journal de bord pendant
assez longtemps permet de constater suffisamment de bénéfices pour en encourager la
continuation.
226

6.2. L'ACCOMPAGNEMENT INDIVIDUEL

Les exercices de méditation enrichissent la réflexion personnelle. Il demeure tout de même


difficile pour une intelligence humaine d'être à la fois sujet et objet, et déjouer simultané-
ment le rôle de l'apprenant et celui du guide. Bien que la méditation permette une réflexion
profonde, le fait de partager ses réflexions avec des personnes ayant un vécu et des connais-
sances différentes est très utile au développement de la métaconscience.
6.2.1.Le coaching et le mentorat

Mais une relation d'où l'intimité et la réciprocité sont absentes n'amène jamais quiconque à dé-
passer ses idées polarisées ni à mieux définir sa conscience de lui-même. Il faut pour cela la mi-
se à l'épreuve de nouvelles idées et expériences émotionnelles et leur intégration dans les idées
et relations existantes. Cela demande du temps et un engagement émotionnel tel qu'il ne peut
avoir lieu que dans une relation de longue durée avec un ami, un compagnon, un conseiller, un
thérapeute ou un guide spirituel.500

Le coaching et le mentorat sont deux concepts de plus en plus populaires depuis le milieu
des années 80. Le coach amène le coaché à utiliser son potentiel à partir de ses propres ré-
flexions. Le mentor, pour sa part, expose à son dauphin (le gestionnaire dont il est le men-
tor) des idées à partir de ses expériences personnelles. Bien que les deux formules soient
fondamentalement différentes quant à leur processus et à leur finalité, les deux ont en
commun la fonction de conscience miroir du gestionnaire. Dans les deux cas, le coaché ou
le dauphin discutent de leurs perceptions de la réalité, de leurs impressions à la suite de
différentes expériences, etc. Le coach ou le mentor amène la réflexion sous un nouvel an-
gle. Selon Greenspan (1998), il y a une valeur ajoutée à partager ses perceptions lors de la
prise de décision :
... sans vouloir diminuer en rien la valeur d'orientation que peut avoir la perception normale
des émotions, on pourrait envisager de protéger la raison contre les vicissitudes que la percep-
tion anormale des émotions (ou les influences indésirables sur la perception normale) peut in-
troduire dans le processus de prise de décision.501

Ces activités peuvent prendre la forme d'une discussion critique, d'une activité sociale,
d'une consultation, d'un accompagnement réflexif, etc. C'est ultimement une activité rela-
tionnelle entre un gestionnaire et une personne-ressource (superviseur, expert, consultant,
etc.) dont l'objectif est de lui permettre d'évoluer dans le cadre de ses fonctions. Certaines
conditions favorisent l'atteinte des résultats visés par une intervention de coaching ou de
00
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 224.
501
Damasio, A. R. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 332.
227

mentorat :
- Exige un niveau de confiance élevé et une intégrité entre le coaché et le
coach.
- Est défini par un objectif précis.
- Les progrès sont signifiés rapidement.
- Les lacunes sont nommées, adressées et corrigées dès qu'elles sont repérées.
Nous reconnaissons plusieurs de ces caractéristiques dans le concept de la pratique reflexi-
ve comme développée par Schôn (1994) par le biais des trois activités suivantes :
1. Réfléchir en cours d'action.
2. Réfléchir sur l'action : « Les affects nous permettent d'identifier les phénomènes et
les objets, d'en comprendre la fonction et le sens, et, avec le temps, d'élaborer des
notions abstraites d'interrelation. »502
3. Dégager le savoir caché dans l'agir professionnel.
Le recours à un coach ou à un mentor est souvent utile pour aider le gestionnaire à mieux
aborder sa situation de double contrainte. Schôn (1994) a en effet remarqué que : « Les
travailleurs qui œuvrent dans le domaine du bien-être social sont tiraillés entre leur code
professionnel qui leur impose d'être attentifs à la personne et la pression bureaucratique qui
les incite à étudier les dossiers au plus vite. »503
Prendre conscience de ce sentiment de culpabilité apparemment inévitable en solitaire peut
amener le gestionnaire sur la voie de la dépression. D'autres encore, par dépit ou par décou-
ragement, vont cesser de participer aux activités de développement en utilisant des prétex-
tes plus ou moins valables. Comme Greenspan l'a constaté (1998) : « Bloqués à un certain
niveau de développement émotionnel, les gens trouvent mille astuces pour surtout ne pas
évoluer. »504
Le recours à un coach a été essentiel dans la réussite de notre projet. De fait, nous avions
recours à deux coachs exerçant dans deux spécialités différentes. Cela nous a permis de
mieux répondre à chacune des questions de cette recherche.

502
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 49.
503
Schôn, D. A. (1994). Le praticien réflexif, traduit de l'anglais par Jacques Heynemand et Dolores Gagnon.
Montréal : Les Éditions Logiques, page 37.
504
Greenspan, S. (1998). L 'esprit qui apprend, op. cit., page 213.
228

Le fait de partager les sentiments et émotions générés dans ces situations permet dans un
premier temps de recadrer et, par la suite, de trouver des ressources adéquates pour appuyer
le gestionnaire au besoin. Ce partage de vision permet surtout de confirmer le gestionnaire
dans l'évolution de son autonomie. Le fait d'identifier ses valeurs personnelles, et d'en dis-
cuter avec une personne de confiance produit cet effet miroir qui accentue l'impact du res-
pect de son sens moral. La créativité peut aussi être encouragée, et contribuer à la perfor-
mance du gestionnaire et de son coach ou mentor.
Rédiger une thèse de doctorat sans les recours à un coach et à un conseiller aurait été im-
pensable. Nous pouvions constater un ralentissement dès que nous espacions les rencontres
de coaching et de validation. La rédaction de notre journal de bord nous a permis de consta-
ter un lien direct entre la régularité de nos pratiques individuelles, l'efficacité et la fréquen-
ce de nos rencontres de coaching, et Y état d'avancement de notre rédaction. La rigueur
s'est imposée comme exigence fondamentale au développement de notre autonomie. Nous
sentions que notre moralité était de plus en plus influencée par notre assiduité, et que notre
créativité émergeait de la même façon, soit à mesure que nous respections les exigences de
développement de notre métaconscience. La rédaction de notre journal de bord et les ren-
contres de coaching nous ont permis de cibler les obstacles, de reconnaître les exigences, et
de les respecter.
Les activités corporatives ont comme préalable les pratiques individuelles afin de maintenir
une cohérence dans le développement humain des gestionnaires. C'est ce que nous allons
examiner dans la prochaine section.

6.3. LES ACTIVITÉS CORPORATIVES

/ apprentissage collectif n est pas seulement possible II est vital


pour que l'intelligence humaine donne le meilleur d'elle-même
Peter Senge
L'organisation, peu importe sa structure, son secteur d'activités et sa taille, est un système
ouvert et complexe. Les employés y sont en interactions constantes entre eux sous divers
prétextes. Ce phénomène organisationnel génère des groupes formels et informels appelés à
travailler ensemble dans l'atteinte d'un but commun.
Depuis le début du 20e siècle, l'organisation du travail et la recherche d'efficacité ont per-
229

mis de créer des modes de fonctionnement dont le but est, pour chacun, d'augmenter le
rendement des ressources. Depuis les travaux de Taylor (1906, 1911), les modèles proposés
par Senge (1998), Argyris et Schôn (1978, 1983, 1985, 1987, 1990), Kolb (1970), Mint-
zberg (1994), entre autres, les modèles de développement humain en entreprise évoluent.
De plus en plus, nous remarquons que le point de convergence de la plupart des modèles
émergents se rapproche du phénomène de la conscience, et des façons de la comprendre.
La communauté de pratique, le codéveloppement, les compétences collectives,
l'accompagnement professionnel et Y empowerment constituent des modèles de dévelop-
pement à caractère social. Chacun, par sa dynamique, interpelle une implication individuel-
le au service d'une organisation. Bien exploitées et avec la mise en valeur de la compétence
métaconscience, ces pratiques seront en mesure de pallier cette difficulté humaine des plus
courantes, et dont l'importance va en croissant, ce que Kegan (2000) nomme le respect de
la diversité :
The kind of learning that would help us to see that the actual differences we experience are dif-
ferences of attribution - differences we create by viewing the other according to the Tightness of
our own preferences- is what Gregory Bateson called « deutero learning», learning that reflects
on itself/05
6.3.1.La communauté de pratique

Le modèle initié par la communauté de pratique met en valeur la notion de l'identité et du


sens (téléologie), deux caractéristiques de la métaconscience. Elle illustre en quelque sorte
une continuité de la conscience de soi et de l'exercice de coaching ou de mentorat en élar-
gissant les concepts de la pratique reflexive et du dialogue à une communauté. Voici les
quatre dimensions (tableau 70) du design d'apprentissage de la communauté de pratique :

505
Kegan, R. (2000). In Over Our Head, op. cit., page 232.
230

Correspondances aux approches


Dimensions de la communauté de pratique d'enseignement et aux caractéristiques de la
métaconscience
La négociation de sens Par le retour sur l'expérience et la négociation du
sens lors de pratique émergente.
La préservation et la construction des connaissan- Par les interactions entre les membres qui créent
ces une mémoire collective et permet aux connaissan-
ces d'évoluer.
La diffusion de l'information La communication transparente et le dialogue per-
mettent de clarifier la perception et la compréhen-
sion des informations rapidement.
Un foyer pour les identités Favorise une identité riche de sens et en cohérence
avec la mission de l'organisation.

Tableau 70 : Parallèle de correspondance des quatre dimensions de la communauté de pratique et des


approches d'enseignement et la correspondance aux caractéristiques de la métaconscience

La philosophie de la communauté de pratique appuie la vision de l'enseignement de la mé-


taconscience, comme le précise Wenger (2005) : « En réalité, le processus agit dans les
deux sens, les communautés de pratique ne sont pas seulement un contexte d'apprentissage
pour les novices, mais aussi un contexte de transformation des prises de conscience en ty-
pes de savoirs. »506
6.3.2. Le codéveloppement

Le codéveloppement peut se définir comme une façon d'apprendre par le partage des idées
et réflexions à l'intérieur d'un groupe. Cette pratique s'inspire, entre autres, des principes
de la pratique reflexive, de la réflexion sur l'action, et de la méthode des cas. Le groupe est
composé de quatre à dix personnes : professionnels et gestionnaires qui se rencontrent à
intervalles réguliers : aux deux semaines ou une fois par mois. Certains groupes peuvent
fonctionner de façon autonome, mais le plus souvent, un modérateur anime les discussions,
et s'assure de la pertinence des interventions afin de conclure sur des apprentissages signi-
fiants. Le mode de fonctionnement requiert une grande confiance entre les membres, une
ouverture aux idées différentes, et la volonté de partager ses connaissances et ses expérien-
ces. Payette et Champagne (2002) ont identifié sept objectifs poursuivis par les partici-
pants : apprendre à être plus efficace; comprendre et tenter de formaliser ses modèles;

Wenger, E. (2005). La théorie des communautés de pratique, traduit de l'anglais par Fernand Gervais.
Québec : Les Presses de l'Université Laval, page 235.
231

prendre un temps de réflexion; se donner un groupe d'appartenance; consolider l'identité


professionnelle; apprendre à aider et à être aidé, et savourer le plaisir d'apprendre.
Un modérateur conscient des principes de développement de la métaconscience serait en
mesure de faire évoluer les participants d'un groupe de codéveloppement à un niveau supé-
rieur en matière d'autonomie, de moralité et de créativité.
6.3.3. Les compétences collectives

Les activités de développement de la métaconscience dans une organisation devraient


contribuer à l'émergence de compétences collectives. Le concept des compétences collecti-
ves est encore sous-exploité à l'intérieur des organisations.
En fait, les différents constats en regard du climat organisationnel ne favorisent pas, de
prime abord, l'émergence de telles compétences. Pourtant, Senge (1991) est formel : « Ja-
mais la maîtrise de l'apprentissage en équipe n'a été aussi nécessaire qu'aujourd'hui. Tou-
tes les grandes décisions, de la création d'un produit à la conquête d'un marché, sont prises
par des équipes ou en tout cas sont appliquées par elles. »507
Par définition, une compétence collective impose ses exigences. Amherdt et al. (2002) dé-
finissent la compétence collective comme un ensemble :
L'ensemble des savoir-agir (hard/soft skills and competences) qui émergent d'une équipe de
travail, combinant des ressources endogènes de chacun des membres, des ressources exogènes
de chacun des membres, et créant des compétences nouvelles issues de combinaisons synergi-
j 508
ques des ressources.
Douze conditions d'émergence des compétences collectives ont été répertoriées. Nous les
associons avec les modes de formation correspondant selon les approches de Kolb, Mint-
zberg, Agryris et Schôn et Bohm. Nous indiquons aussi les préalables nécessaires à la mé-
taconscience (tableau 71), sans lesquels les efforts de développement de toute compétence
collective risquent de ne pas aboutir à des résultats signifiants.

507
Senge, P. et Gauthier, A. (1991). La cinquième discipline, traduit de l'américain par Hervé Plagnol. Paris :
Éditions FIRST, page 300.
508
Amherdt, C.-H. et al. (2002). Compétences collectives dans les organisations. Québec : Les Presses de
l'Université Laval, page 28.
ts B B
(N c O 0 „ „
o E" B B
s"
x
à C 'x 0
'x O
2
2 U V
o ta ta
c: x
u VI
■0 « -D co

i O*
■a 'S
ca
00
k.
vî"
3
co 1
co

E
k.

C
i
s?
'i 00
ÔO
00 co k. O 0
c c E u 00
O
0 0
o o c a 0 X ■3
c U u u
x «3
VI
u e Gu
^J
•o
u
c sa. B
CS
CO
c c
> ~p 0 0
X
_52
o

Si
■*>

ft c
o ôb
I
0
u
'ôb
0 .
O
ta
k.
00
k.
c"
0
'*J
3
EO
co
u
CJ
1 B
CI
i00
es c c "3 0
00 X -u
'CJ o 0 E -«J U
la
'CD E 22 E 22 E k..
0 ç
c E
eu
§•2
- c
"3
>
G
es
c c 0 E"
E"
0
1c 0*
'ôb 'ôb
•a
E*
U c
ôb.2
•S x 'j3 0 0 0 x
o o 0
c
0 "*J
E
0 0
o «2 "3 0 0 «2
c c
jy
0
22
u B U S
JU
22 32
'S
B •—u cS
.-1 s
H 52 I ^ QJ
«^ A "J c c •4»
CA
ca
c •4)
CO
E
r co
T3
C
c c B E E E 3 O
O M ■« 'w ■*> S 0'
.2 -<U S 5'
.2 O O O 'CJ O co
•a Q -*r a.
c "3 0 'x 0 x — 1 8
*2 -o c
u
c C
U
■0
6
U
u u E E
U
E -CJ
B
U i ë V)
i)
E
£ ~B 2 2 VJ _ 2 2 £ 1—1 k. 2 5 B. C
s
cj
V) c
ta
U u 1

c D. 2 vi
0
vi -ea E E
3 vi c U U CJ
CQ O •"J U
B
T3 E c
t)
V
o
k. u
E
0
E

«
CJ
E
u
k. E 00
C es T3 c CM u cj «J CO SJ
CJ 3 CJ
O u 'C 3 M
Ï
'w 'C 'C E

o. 3 B
O
'C
*5J k.
-u
0.
•1)
C-
E
<u
3ca -u
Q. 3 3ca B
O
k.
U X B X ca
C/Î c X . u
— g ' ? CJ
VI u B CJ co
u C u u u
E
CJ 0 s tj
u
.sj 0 CJ B

E
U o
VI
u
VI
3 co
u
0
B CJ
k.
ES. CO 2 tj co
ÎJ ca vi
— .2
CJ .§

U
o
B
u
1n. VI
it
u
3
U
u
c .2
k.
>
'3
(j
E B
T3
ca
k.
'5
0
E
CO
u
'3
k. C
U
V)
g
.*
0.
X
o
C
U c
C u
■S
Q. "S Q. «2 S > CJ
•tj
■a
B > 3 ca g
su
u x *3 ^4> ' ^ ca ea EU
B V) 'G -u 0. 0. T3 O- OO
S. CO a. co •a S
22 —'«a a
y o. 3
E . k. k.
«J B E
c 1 e
O
0
P
3
-a "3
3
•O 00

1iI
3 CJ 0
00 a
'S to
o. o
E
0
CJ
co 3
co
er
,S E
U
CJ
ï . g S 1 8
0 GO
a a
ai
ca
eo CJ
u T3 S 1 CJ (j Ë CJ
E
a. tj E

ï il
- CJ
a .. B ea .3
C - .2 • caj 0 a. co
oo .s co >g c E I D.

ifflIIi
.. u 00 x •0 00
T3 P E
3 3
CJ B
3
U
T3
5 0
E

0. D.
0 s g
o •U J3 g, PQ
c/)
U ffl
tj
m-£ a. m
0 E
u
E
O
0.
k. tj CJ u > u 0. > CQ
u
S 43
•• Vi •u •D

O
■s ë oo 73 O
£? 00 *-
U
C 00 ■« •0
s00 ■ ° co •0 •0 .2
JS 00

i il
u. u cd k. k. «J h V k. CJ CJ CJ
■J
CJ .H CJ c CJ 3 — 22 fe
2 3
00
3 w
Xi
3
00
"O.
vi J2
1 -S a. U
-9
3
00 v i
V) -C 00 SO
co 3
00 „ J2
o. _o £> X" O U
a û 0 3 ■g, 9 = U _o a
a. ■S = B "3.
.2 O
"3
.S 2 K 00 •2 [S 00 ta CJ
B 0 c
< 5 ca ea
Q E S < S Q 8 < ­u
'r\ 5» •g* ro
< a ?
1 vi
i 1
a.
E
o
c u CJ
£
g
o. vi
Ë
'3 'x?
0

i!
e
32
"fl vi
Q
1
a
T3
vi

T3
co
T3
B
CJ
00
u M
u
u
vi co 3
vi 'CJ
E a (N
E u O
"2 E E

Vi
C
1
3
•a
u
E
3
S
E
Ë
ç
'5
B

co
B

ta
'>
'■B

O
T3
k.
O vi
fCL
O
(N

O VI o U 3 G
2 0 k. V)
O
eu
e o c
0
J=>
t/i
co
B
Q.
CJ 3
U
B
•5 VI o
u
c/î
U
ta
co
u VI V) co
U
IS a ■O O

i
u k. •u U
c VI VI ea u ■a
3 T3
■c
CJ
E
o e
CU
t! E
ej 'E u
s. '3 J2 CJ a.
ca
co ca ■C
U 3 3 _> > 'S > 0 CJ (S S
E
u es E 0 k. •0 O
E
VI
îi VI
C
E
E tj
"o
ju
co
B
ea
u
co
T3
E
O
CJ
tj
JSJ a.
S B
3
3
13*
U <
u e O
0
0
0
ca VI co "3 ca
■o g
ta u
B
O
T3
E u
-0
CJ S
u O
S
O
-a
c B E
o ■a CJ
c a O
E
1o. 1
ta O CJ ta
■4) x E co
. Vï Q. ta 5 ca0
U <U '35
c
'«J
k.
3
ca |5 "s IS "3 00
1 ■a
o O.
u
u
CO B 0
0
0
vi co
3 ,vi g C

U ai u. 0 ai -J 0
< s «!
su
< >
233

Évidemment, toutes les caractéristiques de la métaconscience étant sollicitées à différents


niveaux, nous avons dégagé, pour chaque condition, les plus importantes caractéristiques à
considérer. Ultimement, afin de former une communauté de pratique dont le fonctionne-
ment soit optimal, chaque participant doit augmenter son degré d'autonomie, respecter ses
valeurs à caractère moral, et mettre au profit du groupe son sens de la créativité.

6.3.4. L'empowerment

L'une des tendances en émergence concernant le développement humain en entreprise est


Y empowerment. Cette approche a cependant été remise en question par Argyris (1998) qui
est d'avis que ce mode de gestion semble facile dans l'intention, mais difficile quant à la
mise en œuvre. Ce concept est toutefois à la base d'initiatives intéressantes.
Le phénomène de responsabilisation et de conscientisation promu par les approches impli-
quant la reconnaissance des processus mentaux des individus en action semble engendrer
une culture d'empowerment. Il est important de préciser que le terme anglais n'est pas en-
core « francisé », à cause de la difficulté à y trouver un mot équivalent. La plupart des au-
teurs et des traducteurs conservent donc le mot empowerment et en traduisent le sens. Voi-
ci quelques définitions :
En anglais, on définit le terme empowerment comme le nom associé à empower : donner à
quelqu'un plus de contrôle sur sa vie ou sur une situation; donner le droit légal à quelqu'un
de faire quelque chose.510
Fetterman et Abraham citent Israel et al. (1994) : « Central to the empowerment concept is
the importance of individuals and communities having influence and control over decisions
that affect them. »5"

En français, on ne trouve pas le mot dans le dictionnaire, mais on obtient chez certains au-
teurs quelques définitions associées à ce concept; en voici quelques-unes :
« Action d'une personne, d'un groupe, d'une équipe, permettant à ceux qui y participent de
développer une autonomie et leur responsabilité sur eux-mêmes et sur leur environne-
510
« Empower » : Longman Dictionary of Contemporary English. (2003). England : Pearson Editions,
page 512. Traduction libre.
" Fetterman, D. M. et Wandersman, A. (2005). Empowerment Evaluation Principles in Practice. New York:
The Guilford Press, page 10.
234

ment. »512
« \f empowerment comporte quatre composantes essentielles : la participation, la compé-
tence, l'estime de soi et la conscience critique (conscience individuelle, collective, sociale
et politique). »513
« Terme anglo-saxon désignant le fait de déléguer le maximum de responsabilités à chaque
salarié de l'entreprise de manière à améliorer le service au client. »514
« Processus visant à donner et à développer ses propres moyens devant permettre à toute
personne de contribuer activement à l'organisation de sa propre vie et de sa communauté
sur les plans économique, social et politique. »515
De fait, la définition et le sens de la démarche de Y empowerment ne semblent pas encore
bien définis. Le tableau 72 illustre que les interprétations diffèrent selon le contexte et le
type d'organisation516.

Contexte Interprétation
Devient un processus au moment où il y a interaction entre la
Empowerment communautaire : coopération, la synergie, la transparence et la circulation de
l'information, le tout basé sur les forces du milieu.
Dans une approche de santé communau- Touche le plus souvent des groupes de personnes sans pou-
taire : voir reconnu.
Réfère principalement au transfert du pouvoir de l'équipe
Empowerment dans une perspective orga-
d'intervention vers une clientèle. Les équipes autonomes et
nisationnelle :
semi-autonomes en sont des exemples.
A une influence potentielle sur la formulation des politiques
Empowerment dans un contexte social :
de santé publique et la formation des programmes de santé.
Est le résultat qui permet de changer les structures actuelles
Empowerment dans une perspective poli-
et les relations de pouvoir entre les diverses instances, les
tique :
intervenants et les individus.
Tableau 72 : Différentes conceptions de ('empowerment selon le contexte d'intervention

Il semble donc que la conception du processus soit en évolution, et ne fasse pas encore
l'unanimité quant à l'attribution du pouvoir, entre autres.
Nous reconnaissons toutefois dans ces différentes interprétations le concept de volonté
512
w\v\v.rodhia.com.htm fr/developpement durable lexique.html. vu le 19 septembre 2007.
5,3
Longpré, C. et al. CESAF. (1998).
http://wwvv.cesaf.umontreal.ca/l'.iess.doss.empow.docl.html. vu le 19 septembre 2007.
514
wAvvv.ecogexport.com/aestion/dicosestion.htm. vu le 19 septembre 2007.
1
http://lacitovennete.com/magazine/mots/glossairecgaliteHF.php. vu le 19 septembre 2007.
1
Longpré, C. et al., op. cit.
235

d'appropriation de son pouvoir par le participant. Cette idée induit principalement deux
caractéristiques de la métaconscience : la volonté et l'intention, et requiert, d'entrée de jeu,
un bon degré d'autonomie, un sens moral fortement assumé et une bonne dose de créativité
afin de soutenir un groupe dans une telle démarche. Le développement de la métaconscien-
ce est au cœur de tout processus visant à acquérir de Y empowerment personnel.

6.4. LE DÉVELOPPEMENT DE LA MÉTACONSCIENCE

Nous constatons que les trois niveaux d'intervention (individuel, en accompagnement, et en


organisation) sont nécessaires afin d'assurer un développement optimal de la métacons-
cience du gestionnaire. En effet, avant de rencontrer son coach ou son mentor, le gestion-
naire doit avoir fait ses devoirs, et s'être assuré d'être au meilleur de sa forme, selon les
circonstances. Il doit être en processus de développement de son autonomie, de sa moralité
et de sa créativité. De même, lors d'activités de formation en entreprise, chaque gestionnai-
re est responsable de sa participation et de ses apprentissages.
Dans un premier temps, les concepts théoriques doivent être transmis au gestionnaire afin
qu'il comprenne bien le sens des exercices pratiques. Les quatre approches d'enseignement
décrites plus haut (Kolb, Mintzberg, Argyris et Schôn, et Bohm) proposent des concepts
pouvant être intégrés dans l'enseignement de la métaconscience.
Chacune de ces approches considère l'apprenant dans son contexte de vie, avec ses caracté-
ristiques personnelles et son potentiel de développement. Elles permettent un aller-retour
entre la théorie assimilée et l'utilisation pratique que le gestionnaire en fait. Ce faisant, il
est possible de consolider les acquis de façon continue.
Au tableau 73, nous reprenons, pour chaque niveau d'intervention, les principales connais-
sances et pratiques favorisant la mise en valeur des caractéristiques de la métaconscience
dans le but d'aider le gestionnaire à développer son autonomie, sa moralité et sa créativité.
236

Niveaux d'intervention Connaissances Pratiques


Concepts liés au fonctionnement Conscience de soi
du cerveau, aux fonctions physio- Respiration consciente et contrô-
logiques et psychologiques, au lée
développement humain, aux
considérations éthiques et morales Méditation
Individuel Introspection
(valeurs).
Phénomène de la double contrain- Visualisation créatrice
te et ses impacts. Journal de bord
Fixation d'unbut
Conscience de l'impact de ses Rencontres régulières avec un
impressions. Mettre ses communi- coach ou un mentor.
cations et le rôle des émotions en Journal de bord pour le suivi.
fonction de la cohérence d'équipe.
Dialogue de Bohm.
Considération de la double
En accompagnement indi- contrainte et la pertinence de
Questionnement sur ses propres
viduel confirmer et assumer ses valeurs, difficultés.
reconsidérer ses croyances.
Revoir ses actions et les impacts
sur soi et son environnement.

Mise en œuvre des résultats de ses Communautés de pratique.


réflexions. Établir les paramètres Codéveloppement professionnel.
sur tous les aspects de sa vie.
Entraînement à l'empowerment.
Établir ses valeurs, évaluer les
écarts entre ses valeurs personnel- Dialogue de Bohm.
En organisation les et les valeurs corporatives.
Reconnaître les situations de dou-
ble contrainte et établir, le dialogue
afin de négocier sa position dans
ce sens.

Tableau 73 : Niveaux d'intervention et activités du développement de la métaconscience

Il nous apparaît nécessaire de respecter les trois niveaux d'intervention dans le cadre de tout
projet de développement de la métaconscience en entreprise. Instaurer des sessions de coa-
ching avec des gestionnaires qui n'ont pas préalablement fait les apprentissages du niveau
individuel risque d'être long, et les résultats seront peu valables à long terme. De même, la
mise en œuvre d'un programme visant à encourager une culture d'empowerment, par
exemple, doit inclure des périodes de formation de niveau individuel et en accompagne-
ment afin d'assurer une cohérence quant au processus, et une implication valable des parti-
cipants.
237

6.5. LA MÉTACONSCIENCE ET LE MANAGEMENT COLLABORATIF

Nous constatons de plus en plus la nécessité de développer la métaconscience pour tout


gestionnaire. L'évolution du contexte managerial évolue, et nous remarquons que les exi-
gences requièrent des compétences de type multidimensionnel, et particulièrement le déve-
loppement de la pensée complexe. C'est ce que Shani et al. (2008) remarquent : « In addi-
tion, the reviewers of management practice point out that managerial skills are about deal-
ing with a series of interconnected problems in a single system, where solutions to one
problem may create new and unanticipated problems and solutions. »517 Ce constat amène à
identifier de nouvelles approches d'enseignement. Le modèle de recherche collaborative a
été élaboré afin de considérer le volet tridimensionnel que requiert la situation des gestion-
naires dans les organisations. Cette approche implique trois spécialistes (le théoricien, le
consultant et le praticien) et visent quatre intentions distinctes : la forme de collaboration,
les habiletés essentielles du chercheur, la valeur ajoutée à la science managériale, la valeur
ajoutée à la pratique. Cette émergence de l'approche collaborative peut être considérée
comme une lueur d'espoir afin de mettre le meilleur de chaque discipline au service du
bien-être du gestionnaire et du succès de l'entreprise.

Cette tendance émergente offre de fait des possibilités d'évolution de la pensée managériale
susceptibles d'améliorer la qualité de vie dans les organisations ainsi que son efficacité.
Cette prémisse permet de poser les bases pour une ouverture plus grande vers une approche
collaborative en management. Amabile et al. (2001), et Shani et al. (2008) posent les pre-
mières balises pour une nouvelle conception du management. Shani et al. (2008) sont opti-
mistes à cet égard :
The argument for collaborative management research, at a basic level, is that by bringing man-
agement and researchers closer together, the rate of progress in understanding and addressing
issues such as innovation, growth, change, organisational effectiveness and economic develop-
ment will be faster than if either managers or researchers approach these topics separately.

Pour leur part, afin de valider la démarche de recherche collaborative en management,


Amabile et al. (2001) ont ciblé trois indicateurs de succès que nous estimons incon-
tournables : « three indicators of success have been noted : progress toward achieving the

517
Shani, A. B. et al. (2008). Handbook of Collaborative Management Research. California : Sage Publica-
tions inc., page 101.
518
Ibidem, page 9.
238

goals of the collaboration, effective team functioning, and benefits for the individual mem-
bers of the collaboration.»519 Toute progression vers l'objectif commun doit se faire en
mettant en perspective la valeur ajoutée d'une saine collaboration, et chacun doit y recon-
naître son profit. Arriver à démontrer ce genre de conciliation d'objectifs lors
d'interventions visant l'amélioration de la qualité de vie au travail facilitera à coup sûr le
développement de la métaconscience.
Le défi majeur de cette approche innovante est de fait cette conciliation des intérêts de cha-
cun dans un but commun : réduire l'effet de double contrainte du gestionnaire en confir-
mant son autonomie, sa moralité et sa créativité. Cette approche (figure 23) considère que
chaque champ de pratique doit poursuivre sa propre finalité, chaque intervenant doit identi-
fier ses intérêts, et établir ses indicateurs de performance.
Théoricien :
Publications scientifiques,
Réputation

Consultant
Praticien: Prospérité économique du
Actions gagnantes, client,
Décisions adéquates Réputation d'affaires
520
Figure 23 : Défi de l'approche collaborative

Dans notre travail de candidate au Ph.D., nous nous sommes retrouvée dans un contexte où

5,9
Amabile, T. et al. (2001). Academic-Practitioner Collaboration in Management Research: A Case of
Cross-profession Collaboration. Academic Management Journal, vol. 44, no 2, page 420.
520
Inspiré de Shani (2008).
239

théoriciens (directeur et coach), praticiens (clients/gestionnaires) et consultante (nous-


mêmes) confrontaient continuellement leurs intérêts, idées et décisions. Cette situation nous
a amenée à réfléchir sur notre méthodologie à quatre temps : problématique, objectivation,
expérience et théorisation (chapitre 2). En passant à travers les quatre temps, nous décou-
vrons le réseau de connexions qui s'établit entre le théoricien, le praticien et le consultant.
Le produit de la recherche est plus qu'un simple document de recherche; il est un flux
d'informations et d'énergie qui circule entre ces trois intervenants.

Notre collaboration comme intervenants dans la rédaction de cette thèse nous a constam-
ment ramenés à la mise en valeur de nos intérêts respectifs (figure 24). Notre cohésion
d'équipe nous a obligés, par moments, à nous revalider les uns par rapport aux autres en
fonction de notre objectif commun. Cette collaboration nous a été nécessaire, du fait que
notre sujet couvre trois champs d'intervention : le fonctionnement de la métaconscience, le
gestionnaire et la formation.

Théoricien :
Publications scientifiques,

Consultant
Praticien: Prospérité économique du
Actions gagnantes, client,
Décisions adéquates Réputation d'affaires

Figure 24 : Application du modèle d'intervention à la rédaction de notre thèse


240

Un apport majeur de notre étude se trouve dans les réponses que nous pouvons apporter aux
questions que les auteurs de Collaborative Research in Management abordent concernant la
complémentarité de ces trois champs d'intervention : recherche, pratique et consultation.
Au tableau 74, nous nous sommes inspirée de Shani et al. (2008) pour mettre en perspecti-
ve les zones de collaboration et les stratégies d'intervention collaboratives à privilégier lors
d'analyses managériales.
y:
CJ 3
§ i OJj

B if E
C
<= I 'w

3
v.
.a «s
O
rcl n
3 c
c
'i^ C J
-o
U

3
VI
u ' 6 fi'-)
1 'CJ
C ça ^«j k.
o O. J2 et) O 22
u 3 y
a. jo
c
CJ
ca T3 CJ 3 JB S
CJ VI ■cj D.
CJ
c k. CJ C
g 0 c
-u O
'— E
CJ
i - .S
2 g O U
'0 CJ
Ë
> s J§ D. c Ë aJ 2 C
ÇJ '5
CJ -*-*

ca
« ça .2 .1*1 c
5
ca
k. ï
CJ
a.
D.
c kx„
te « « Ë S
J > tu
X CJ
o. „ 3% J
2 §
.2 73
U 'U o
CJ
B E
D
CJ
T3
3 «il
3 3
s 'Z
35
CO B Q
s
C C E p O E
ej 3 c
3 >k. 3 &
M o B'
C E c .2
'5
o
o
o 3
0 3
o
â3 "C
o
3 a. Vî
-cj
•ai
k.
3
c S CJ
CJ
c 3 CJ
eo ■a
O 'C c
TJ o
o X •cj
•<D 3
ïï
-J3
ca
3
ca
o •a «
1 il M
«
S
•CJ
8 âU £
■S E vi 3
E
« B 1 3 2-8 S "3 CJ
J=
j JE < JCJ tj

|il
k.
u
U
•CJ
c
c
J
E *
ca E Lâi2 v)
•3
E
k.
ea
cj
ca
J=
CJ
CJ
C u CJ VI L.
o k.
CJ <L> ca ■a cj x; O 3
k c
-3 J3 —
•a vi
a, B
c x .£ -U
Q.
u U .S «J « S3
S
-—' u
3 k.
£ 'S 1 "S
ils 3 O
'o 3
ca
CJ C « -o
8 *^ .ca

'i •«j ~â CJ
CJ
-a
0.3 —
U O C J
73 u 'B . îi s O

CS
-S '2 •CJ a. VI
CJ
~ a.' ■S ' u

E 3 ■8 S Ca* uU E E
c c o jf J g 3 u JE S E
O k. v i ej 2 o cj
-a -B a. c
3 a.j=
C E O
C4-i T 3 -a
M cj C J
CJ o -cj B "û s s « •S fa
E o C
V3
CJ
o -u O.
"S E •« ^ — T 3 u B
O
V.
CJ
-aj " «
CJ .-<
E n. n U k T3v i C. 2J N
H -C u c - C -B
«3 .« - ca E « E — 0
CJ
o
VI vi
o CJ ca ca
■n 2 ~ . ï -a o ■2 3 3
c j " a>
•cj 2 •oj o
xc°.j a s £ c Z » o '-S o O O T3 « S
< .2 ■
3v i —
o CJ
<
a i* fri ! -S 'S
§ i B.°-=3
CJ _ o T 3
— 'v\
ca
CJ
00
o
cj _ 3
o
u o -M « E ca
k. (N
k-
o J O T3 -J 3V I > S
X C
O
s
s
"Ô c •H '5c € •Cj
a o •CJ a
(D
OJ
o S
T3 Ë
i -s
c/î C/) SJ
4J
C
O
8
3
N s

■2
242

Les zones de collaboration ainsi que les stratégies d'intervention collaboratives mention-
nées au tableau 74 exigent que les intervenants des trois professions fassent preuve d'une
autonomie, d'une moralité et d'une créativité responsables. Dans cette optique, les connais-
sances entourant les caractéristiques et le fonctionnement de la métaconscience doivent
constituer le cœur de la formation initiale du gestionnaire. Nous nous inspirons de La fortu-
ne (2008) pour modéliser la valeur de la triade, et en transposer le bénéfice aux méthodes
d'accompagnement et corporatives. En effet, Lafortune (2008) met en perspective
l'importance de garder des traces des différentes étapes d'une intervention, et d'en dégager
des apprentissages émergents. Elle propose en ce sens un « accompagnement-recherche-
formation », afin :
de favoriser une continuité des effets d'une recherche au-delà de la collecte de données, de faire
en sorte que les instruments de recherche servent d'outils de formation et inversement;
de favoriser des adaptations dans différentes activités d'accompagnement et de formation pour
des réinvestissements et un passage à l'action, mais aussi de garder des traces de ces démarches
et processus pour analyse, conceptualisation et modélisation. 22

Cette vision collaborative illustrée à la figure 25 nous apparaît comme un modèle pour ap-
puyer toute activité pédagogique visant la formation du gestionnaire au développement de
sa métaconscience. La formation vise l'acquisition de connaissances et le développement
de compétences. L'accompagnement profite à la formation par son rôle en ce qui a trait à la
réflexion et à la conception des liens théorie/pratique. Quant à la recherche, ses exigences
aux plans de la rigueur et de la traçabilité sont efficaces pour consolider les acquis sur un
long terme.

522
Lafortune, L. (2008) Un modèle d'accompagnement professionnel d'un changement. Québec : Les Presses
de l'université du Québec, p. 57.
243

Accompagnement :
Réflexion interactive
Liens théorie/pratique

Formation: Recherche
Construction du savoir Rigueur dans la démarche
Développement de compé Traçabilité de la démarche
tences

Figure 25 : La mise en valeur de l'accompagnement-formation-recherche à l'éveil de la métaconscience

L'apprentissage et la pratique des exercices visant le développement de notre métacons-


cience nous ont été bénéfiques dans chacune de nos sphères d'activités personnelles, pro-
fessionnelles et sociales. Nous avons développé une autonomie assez forte pour assumer
des situations où les conditions de stress auraient pu nous amener à abandonner notre pro-
jet. Le fait d'avoir, à quelques reprises, confirmé nos valeurs nous a aussi été essentiel afin
de maintenir le cap vers notre objectif. Comme nous l'avons démontré, lorsque nous arri-
vons à développer plus d'autonomie, les symptômes physiologiques du stress diminuent, ce
qui permet à la créativité de s'épanouir. La créativité émergente procure à son tour un sen-
timent de satisfaction qui agit positivement sur notre bien-être.
Cette recherche nous a convaincue de la nécessité de pratiquer les activités soi-même avant
de prétendre à les enseigner à quiconque. De fait, le management collaboratif induit la ca-
pacité du consultant à catalyser les connaissances et les expériences afin d'offrir au prati-
cien un encadrement efficace.
244

6.6. PLAIDOYER POUR UNE NOUVELLE APPROCHE D'ENSEIGNEMENT

Les gestionnaires semblent plus que jamais aux prises avec les conséquences de modèles de
gestion leur exigeant d'être loyal à des valeurs corporatives qui sont en contradiction avec
leurs valeurs morales personnelles. Le dogme de la production/consommation/compétition
à tout prix du marché pousse les entreprises à élaborer des exigences de rendement qui am-
plifie à outrance l'effet de la double contrainte, ce qui a pour conséquence d'affecter direc-
tement la santé physique et psychologique de leurs employés.
Le phénomène de double contrainte semble donc incontournable. Cette situation crée un
contexte dans lequel le gestionnaire devient moins autonome et, par conséquent, moins
créatif. Il en résulte des coûts sociaux et personnels en constante progression. Enrayer le
stress causé par la double contrainte semble utopique. Il est cependant possible d'en réduire
les conséquences néfastes, en aidant les gestionnaires à développer leur autonomie, leur
créativité et leur moralité.
Un programme de formation offrant aux gestionnaires des connaissances sur le développe-
ment humain et les caractéristiques de la métaconscience nous semble nécessaire pour amé-
liorer la maîtrise de l'autonomie, de la créativité et de la moralité du gestionnaire. Les qua-
tre approches d'enseignement proposées offrent des avantages importants à considérer.
Elles permettent d'intégrer les apprentissages dans la pratique et de prendre conscience des
connaissances émergentes de leurs actions. Ces approches peuvent être adaptées et utilisées
en complémentarité afin d'en optimiser les avantages respectifs. Les retombées sont tribu-
taires du respect des principes pédagogiques pour encadrer les activités de développement.
Nous avons énoncé les principes directeurs à considérer afin d'assurer la congruence entre
les besoins de développement et les programmes de formation à concevoir. Nous avons
répertorié les pratiques pédagogiques les plus efficaces pour permettre le développement de
ce type de compétence.
Tout système de formation doit satisfaire à un besoin qui se définit et se précise tout au
long du parcours. Il doit inclure un but, des objectifs spécifiques, un contenu congruent, et
des indicateurs permettant d'en évaluer les résultats. Les nouvelles modalités de formation
devront intégrer les exigences pédagogiques, et respecter le caractère spécifique du partici-
pant et de l'accompagnateur, et ce, en fonction de leur réalité, de leur unicité et de leur en-
245

vironnement. Les outils et les pratiques proposés permettront une adéquation entre ces
considérants sur les trois niveaux de formation : individuel, en accompagnement individuel
et en organisation. Ce système de formation offrira donc des paramètres généraux afin de
guider toutes les interventions, mais devra permettre au formateur de l'adapter, au niveau
du design, à chaque participant en fonction de la réalité de ce dernier et de l'organisation
dans laquelle il évolue. Nous sommes en mesure d'anticiper, dans un avenir rapproché,
qu'il y aura de plus en plus de programmes de formation dédiés à l'éveil de la métacons-
cience, et que ceux-ci impliqueront les intervenants dans une dynamique de management
collaboratif, dans le meilleur intérêt de tous.
246

Conclusion
Les informations disponibles concernant la situation des gestionnaires dans les entreprises,
notre rôle de chargée de cours en gestion, et notre connaissance du milieu par nos activités
de consultation en gestion nous ont amenée à constater un vide en matière de connaissances
liées à ses processus mentaux, et plus spécifiquement à sa métaconscience.
À la suite de nos conversations avec notre directeur de recherche, M. Jean-Pierre Fournier
et de notre coach, M. Gaston Marcotte, le manque d'informations liées au développement
de la conscience et de la métaconscience nous est apparu comme une cause fondamentale
de la détresse psychologique rencontrée chez les humains dans leur milieu de travail. Nous
estimons qu'une meilleure connaissance et un développement plus adéquat de la métacons-
cience des gestionnaires amélioreront leur bien-être et leur efficacité, ainsi que le climat de
travail. Nous avons reconnu l'importance de ce processus lors de notre propre démarche
dans notre expérience de rédaction de thèse.
Notre question impliquait deux éléments, à savoir les caractéristiques, les exigences de dé-
veloppement et les obstacles de la métaconscience et les principes pédagogiques et les
conditions à respecter pour leur éventuel enseignement.
De fait, le premier objectif de cette thèse concernait la mise en forme d'un corpus de
connaissances au sujet de la conscience et, plus spécifiquement, de la métaconscience.
Nous avions, comme premier objectif, d'en maîtriser et d'en intégrer les caractéristiques et
les principes de fonctionnement lors de la rédaction de notre thèse. Le deuxième objectif
était, à partir des connaissances liées à la métaconscience, d'établir les approches et les
principes pédagogiques directeurs pouvant nous guider dans l'élaboration éventuelle d'un
programme de formation pour les gestionnaires.
Afin de répondre au premier objectif, nous avons décrit, de façon très succincte, les princi-
pes de fonctionnement du cerveau. Nous avons présenté les liens entre le fonctionnement
du cerveau, l'évolution de la conscience, et les phases du développement humain.
Notre recherche nous a permis de mettre en perspective le fait que la conscience est décrite,
par les auteurs de disciplines variées, comme un phénomène émergent avec différents ni-
veaux de manifestation Afin de mieux cerner le phénomène évolutif de la conscience, nous
l'avons abordée à un niveau meta. Ainsi, nous avons reconnu l'émergence de la métacons-
247

cience.
Pour répondre au deuxième objectif, nous avons d'abord énoncé les principes pédagogiques
à respecter pour enseigner les caractéristiques et les exigences de développement de la mé-
taconscience. Par la suite, nous avons recensé quatre approches de formation congruences
aux principes pédagogiques et dont les processus permettent de mettre en perspective les
caractéristiques de la métaconscience . Ces quatre approches ont le mérite de favoriser une
prise de conscience de certains processus mentaux et d'en encourager le développement.
Cela ne suffit cependant pas à mettre en valeur le potentiel de la métaconscience.
Tout gestionnaire possède, en potentiel, la capacité de développer son autonomie, sa créati-
vité et sa moralité. Il doit cependant développer sa métaconscience, en connaître les carac-
téristiques, et respecter ses exigences de bon fonctionnement et ses obstacles
La métaconscience représente une métacompétence dont l'efficacité dépend du respect des
exigences de développement et de bon fonctionnement qui conduisent à toujours plus
d'autonomie, de moralité et de créativité. La pratique reflexive, l'aller-retour entre la prati-
que et la théorie en respectant son style d'apprentissage, sont les approches les plus signi-
fiantes pour les apprentissages individuels, en accompagnement individuel ou collectifs.
Les considérations suggérées par le dialogue de Bohm permettent d'optimiser l'efficacité
de l'apprentissage.
Nous avons expérimenté le métaprocessus du développement de notre métaconscience lors
de la rédaction de la présente thèse. Ce projet nous a en effet permis d'intégrer et de maîtri-
ser suffisamment de connaissances et de pratiques sur la métaconscience pour songer sé-
rieusement à élaborer un programme de formation sur la métaconscience afin d'en faire
profiter les gestionnaires, comme nous en avons nous-même profité. Ce programme devra
considérer les caractéristiques et les exigences de développement de la métaconscience,
ainsi que les principes pédagogiques directeurs. De plus, les objectifs et le contenu devront
être contrôlables par des indicateurs répondant aux critères de congruence de tout système
de formation. De par son caractère phénoménologique et introspectif, cette formation devra
de plus être renouvelée pour chaque participant. En effet, comme nous l'avons mentionné
plus avant, chaque apprenant vit sa formation en intégrant les nouvelles connaissances de
façon particulière et privée. De ce fait, cette formation ne peut être généralisable qu'au plan
du contenu et de la structure pédagogique, c'est-à-dire que les principes directeurs, les ap-
248

proches et les outils peuvent être considérés comme un guide pour répondre à chaque be-
soin spécifique. L'analyse de besoin devra cependant permettre à chaque participant
d'établir ses propres indicateurs de développement en fonction de son état de départ et de
ses objectifs personnels. Le programme devra de plus permettre au participant d'évaluer, de
façon périodique, son cheminement et prévoir des espaces de temps pour ajuster les activi-
tés d'apprentissage et les objectifs de départ au besoin.
L'ouverture conceptuelle amenée par l'approche en management collaboratif en recherche
managériale nous encourage à continuer dans la direction entreprise. Nous croyons en effet
que des gestionnaires et des chercheurs dont le niveau d'autonomie est confirmé, et dont la
moralité est assumée, peuvent unir leurs intentions et leur volonté vers des objectifs et des
processus novateurs et efficaces. Ces objectifs et processus pourraient tendre vers une ges-
tion saine et éthique des ressources planétaires.
C'est, sans aucun doute, l'une des façons les plus économiques, efficaces et humaines de
contrer les conséquences néfastes, tant sur le plan humain qu'économique, de la double
contrainte auxquelles sont soumis les gestionnaires.
Nous concluons donc, avec une conviction grandissante, que pour tout être humain, la pé-
dagogie doit se faire en impliquant le développement de ses processus mentaux et du méta-
processus qu'est sa métaconscience. C'est ce qui nous semble être la voie à privilégier de
développement d'un être humain qui englobe les plans cognitif, émotif et social de façon
optimale.
249

Bibliographie
Albou, P. (1982). Problèmes humains de l'entreprise. Paris : Éditions Dunod.

Amherdt, C.-H. et al. (2002). Compétences collectives dans les organisations. Québec : Les
Presses de l'Université Laval.

Argyris, C. (1998). Comprendre les organisations : les relations de pouvoir, culture et


identité, le management, le changement en entreprise. Auxerre : Sciences humaines.

Argyris, C. (2000). Savoir pour agir, traduit par Georges Loudière. Paris : Dunod.

Argyris, C. et Schôn, D. A. (2002). Apprentissage organisationnel. Paris : DeBoeck Uni-


versité.

Assagioli, R. (1987). L'acte de volonté. Montréal : Le centre de psychosynthèse de Mon-


tréal inc.

Astuigton, J.W. (1993). The Childs Discovery of Mind. Cambridge: Harvard University
Press.

Baars, B. J. (1999). Beside the Theater of Conciousness: The Wokspace of the Mind.

Bakan, J. (2004). La corporation. Montréal : Les Éditions Transcontinental.

Balleux, A. (2000). Évolution de la notion d'apprentissage expérientiel en éducation des


adultes : vingt-cinq ans de recherche. Revue des sciences de l'éducation, vol. XXVI, no 2,
pages 263 à 285.

Baron, C. (2007). Le processus de développement de la conscience de gestionnaires indivi-


dualistes et stratèges : une investigation collaborative autour de l'expérience du pouvoir.
Thèse présentée à la Faculté ses études supérieures de l'Université Laval. Québec : Faculté
des sciences de l'éducation.

Bergson, H. (2002). Philosophie de l'existence. Paris : Éditions France Loisirs.

Bateson, G. (1980). Vers une écologie de l'esprit. Paris : Éditions du Seuil.

Bichot, X. (1973). Recherches physiologiques sur la vie et la mort. Paris : Éditions Gérard
et Co, Verviers.

Block, N.J., Floranger, 0,J. et Giiseldere, G. (1997) The Nature ofCousciousness: Philoso-
phical Debutes. Cambridge: MIT Press.

Bohm, D. (2003). On Dialogue. London : Lee Nichol Editions.

Brun, J.-P. (2008). Sept pièces manquantes au management. Montréal : Les Éditions Trans-
continental.
250

Buraud, G. (1951). Pie X le pape de l'unité. Bruges : Desclée de Brouwer.

Buzan, T. (2003). Dessine-moi l'intelligence. Paris : Éditions d'Organisation.

Cabanac, M. (1995). La quête du plaisir. Montréal : Liber.

Cayer, M. (1996). An Inquiry into the Experience of Bohm's Dialogue. Thèse de doctorat.
Saybrook Institute.

Changeux, J.-P. (2002). L'Homme de vérité. Paris : Éditions Odile Jacob.

Changeux, J.-P. et Rancœur, P. (1998). Ce qui nous fait penser. La nature et la règle.
Paris : Éditions Odile Jacob.

Chalmers, O.J. (1996). The Concious Mind. New-York: Oxford University Press.

Chemama, R. et Vandermersch, B. (2002). Dictionnaire de la psychanalyse. Paris : Édi-


tions France Loisirs.

Claessens, M. (1998). La technique contre la démocratie. Paris : Éditions du Seuil.

Clawson, J. G. S. et Haskins, M. E. (2006). Teaching Management. New-York : Cambridge


University Press.

Commenne, V. (2006). Responsabilité sociale et environnementale : l'engagement des ac-


teurs économiques. Paris : Éditions Charles Leopold Mayer.

Comte-Sponville, A. (2001). Dictionnaire philosophique. Paris : PUF.

Cordeiro, W. P. (1999). Teaching Business Ethics: Theory and Practice, vol. 2, no 3, pages
273 à 290.

Corwell, G.M. (1992). Conciousness and Human Identity. Oxford: Oxford University
Press.

Covey, S. (1995). Priorité aux priorités. Paris : Édition FIRST Businessman.

Crick, F. (1994). The Astonishing Hypothesis. New-York : Charles Scribner's Sons.

Crick, F. (1994). L'hypothèse stupéfiante, traduit de l'anglais par Hélène Prouteau. Paris :
Librairie Pion.

Crick, F.-H.-C. (1993). Experimental and Theoretical Studies of Consciousness. Ciba


Foundation Symposium, 144, Chichester John Wiley & co.

Csikszentmihalyi, M. (2004). Vivre, la psychologie du bonheur. Paris : Éditions Robert


Lafont.

Cuipo, M. (1988). La neuropsychologie de la sophrologie. Ste-Foy : Media-Lystique inc.


251

Dalaï-Lama. (2000). Le pouvoir de l'esprit, traduit Patrick Carré. France : Fayard.

Damasio, A. (2002). Le sentiment même de soi. Paris : Éditions Odile Jacob.

Damasio, A. (2001). L'erreur de Descartes. Paris : Éditions Odile Jacob.

Damasio, A. (2005). Spinoza avait raison. Paris : Éditions Odile Jacob.

Dansereau, S. (26 février 2005). Les coûts effarants de la santé mentale. Les Affaires. 26
février 2005.

De Gaulejac, V. (2005). La société malade de sa gestion. Paris : Éditions du Seuil.

De Linares, J. (2002). La dépression, maladie professionnelle reconnue. Le Nouvel obser-


vateur, no 1941. Semaine du 17-01-2002.

Dejoux, C. (2001). Les compétences au cœur de l'entreprise. Paris : Éditions


d'Organisation.

Delacour, J. (2001). Conscience et cerveau. Bruxelles : De Boeck Université. Dennett, D.


(1991). Consciousness Explained. Boston : Little Brown.

Dennett, D. (1993). La conscience expliquée. Paris : Éditions Odile Jacob.

Dennett, D. (1993). Kinds of minds: Toward an Understanding of Consciousness. New-


York : Basic Book.

Dennett, D. C. (2002). How could I be wrong? How wrong could I be? Journal of Con-
sciousness Studies. Center for Cognitive Studies.Tufts University. Medford, MA 02155 13
Janvier.

Diakité. S. (1985). Violence technologique et développement. Paris : L'Harmattan.

Dilts, R. et Binossone, G. (1995). Des outils pour l'avenir, traduit de l'américain par Do-
minique Blaess. Paris : La Méridienne.

Dion, M. (2004). L'éthique de l'entreprise. Montréal : Éditions Fides

Doron, R. et Parot, F. (2003). Dictionnaire de psychologie. Paris : Éditions Quadrige.

Dortier, J.-F. (1999). Le cerveau et la pensée. La révolution des sciences cognitives. Auxer-
re : Éditions Sciences humaines.

Dortier, J.-F. (2003). Le cerveau et la pensée. La révolution des sciences cognitives. Auxer-
re : Éditions Sciences humaines.

Dovero, M. et Grebot, E. (1995). Enseigner, former, conseiller avec la PNL. France : ESF,
éditeur.
252

Draghicesco, D. (1907). Le problème de la conscience. Paris : Félix Alcan, éditeur.

Ducharme, C. (2005). La santé mentale, une question d'environnement de travail. Québec :


Watson Wyatt Worldwide.

Ducharme, C. (2006). Une approche stratégique pour une organisation en santé. Mon-
tréal : La Société Watson Wyatt Canada.

Ducret, J.-J. (2000). Jean Piaget 1968-1979 : une décennie de recherches sur les mécanis-
mes de construction cognitive. Genève : SRED.

Eccles, J.C. (1991). Comment la conscience contrôle le cerveau. Paris : Fayard.

Eccles, J.C. (1981). Mystère humain, traduit de l'anglais par Anne-Marie Graulich et Marc
Richelle. Bruxelles : P. Madaga.

Edelman, G. M. (1992). Biologie de la conscience. Paris: Odile Jacob.

Edelman (2004). Plus vaste que le ciel, traduit par Jean-Luc Fidel. Paris : Éditions Odile
Jacob.

Edelman, G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devint conscience. Paris : Édi-


tions Odile Jacob.

Einstein, A. (1990). Conceptions scientifiques, traduit par Maurice Solovine. Paris : Flam-
mrion.

Edinger, E. (1989). La création de conscience. St-Hilaire : Éditions Séveyrat.

Fetterman, D. M. et Wandersman, A. (2005). Empowerment Evaluation Principles in Prac-


tice. New-York : The Guilford Press.

Fiori, N. (2006). Les neurosciences cognitives. Paris : Éditions Armand Colin.

Flanagan, O. J. (1991). The Science of Mind (2e éd.). Cambridge: MIT Press.

Flanagan, O. (1992). Consciousness Reconsidered. Cambridge: MIT Press.

Fodor, J.-A. (1983). Modularity of Mind. Cambridge (Mass.) : MIT Press.

Fodor, J.-A. (1986). La modularité de l'esprit. Paris : Éditions de Minuit.

Fortin, R. (2000). Comprendre la complexité. Québec : Édition Les Presses de l'Université


Laval.

Fortin, R. (2003). Comprendre l'être humain. Québec : Éditions Dépul.

Fouillée, A. (1921). La psychologie des idées forces. Paris : Librairie Félix Alcan.
253

French, H. et al. (2005). Élaborer les fondations pour la paix. Paru dans L'état de la planè-
te, redéfinir la sécurité mondiale. Genève : Worldwatch Institut.

Fromm, E. (1978). Avoir ou être? Paris : Éditions Robert Lafont.

Gardner, H. (2007). Five Minds for the Future. Boston : Harvard Business School Publish-
ing.

Gardner, H. (2007). Responsibility at Work. San Francisco : Howard Gardner Editor.

Gibbs, G. (1981). Learning to Study. Cambridge (England) : National Extension College.

Gohier, É. (2001). Méthodologie de recherche. Québec : Université Laval, faculté des


sciences de l'éducation. Document inédit.

Goel, A. et Goel, S. L. (2005). Human Values and Education. New Delhi : Deep & Deep
Publications PVT. LTD.

Goleman, D. (1997). L'intelligence émotionnelle. Paris : Éditions Robert Lafont.

Goleman, D. (1999). L'intelligence émotionnelle 2. Paris : Éditions Robert Lafont.

Gore, A. (2007). Une vérité qui dérange, traduit de l'anglais par Christophe Jacquet. Paris :
Éditions de la Martinière.

Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend. Paris : Les Éditions Jacob.

Heidegger, M. (2002). The Essence of Human Freedom : An Introduction to Philosophy,


traduit par Ted Sadler. London: Continuum International Publishing Group.

Heisenberg, W. (1962). La nature dans la physique contemporaine, traduit par Ugné Kar-
velis et A. E. Leroy. Paris : Gallimard.

Holmes, E. (1926). The Science of Mind. Jeremy P. Tarcher.

Heath, D. et Heath, C. (novembre 2007). Analysis of Paralysis,/Fast Company, no 120.

Holmes, E. (1972). La science du mental. Paris : Éditions Dangles.

Huberman, A. M. et Miles, M. B. (1991). Analyse des données qualitatives. Bruxelles : De


Boeck - Weasmael.

Ingram, J. (2005). Theater of the Mind. Toronto : Harper Collins Publishers Ltd.

Jackson; M. (1997). Problem Complexity; Proceedings of Third IEEE International Con-


ference on Engineering of Complex Systems (ICECCS'97).

Jacquard, A. (1991). Inventer l'homme. Bruxelles : Éditions Complexe.


254

Jacob, C. (2008). Pourquoi Dieu se marre devant la foi des hommes. Montréal : Fondation
littéraire Fleur de Lys.

James, W. (1983). Principles of Psychology. Cambridge : Harvard University Press.

James, W. (1928). Philosophie de l'expérience. Paris : Ernest Flammarion.

James, W. (1926). Introduction à la philosophie. Paris : Librairie des sciences politiques et


sociales.

James, W. (1929). The Varieties of Religious Experience. Longurans. Londres : Green and
Company.

Jasper, H. H., Descarries, L., Csatelluci, J. F. et Rossignol, S. (1998). Consciousness: At the


Frontiers of Neuroscience. New-York: Plenum Press.

Jelmans, M. éd. (1996). The Science of Consciousness: Psychological, Neurological and


Clinical Reviews. London: Routledge.

Julia, D. (1964). Dictionnaire de la philosophie. Paris : Librairie Larousse.

Jung, C. (1964). L'homme et ses symboles. Paris : Robert Lafont.

Jung, C. (1964). Dialectique du moi et de l'inconscient. Paris : Les Éditions Gallimard.

Kanz, H. et Kant, E. (1724 - 1804). Perspectives : revue trimestrielle d'éducation compa-


rée (Paris, UNESCO: Bureau international d'éducation), vol. XXVIII, nos 3-4, 1993,
p. 813-830.

Kant, E. (1993). Réflexions sur l'éducation. France : Librairie Philosophique J. VRIN.

Kegan, R. (1982). The Evolving Self. Cambridge : Harvard University Press.

Kegan, R. (1994). In Over Our Heads. Cambridge : Harvard University Press.

Kolb. D. A. (1984). Experiential Learning. New Jersey : Prentice Hall inc.

Kolb. D. A., Rubin, I. M., Mclntyre, J. M. (1976). Comportement organisationnel: une


démarche expérientielle. Montréal : Guérin.

Kunzmann et al. (1995). Atlas de la philosophie, traduit par Zoé Housez et Stéphane Robil-
lard. Paris : France Loisirs.

Lafortune, L. (2008). Un modèle d'accompagnement professionnel d'un changement. Qué-


bec : Presses de l'Université du Québec.

Lapierre, L. (1992). Imaginaire et leadership. Tome 1. Montréal : Les Éditions Québec/


Amérique.
255

Le Bortef, G. (2008). Repenser la compétence. Paris : Éditions d'Organisation.

Le Lannou, J.-M. (2003). La volonté. Paris : Éditions KIMÉ.

Lehrer, J. (2007). Hearts & Minds. The Boston Globe.

Lien Do, K. (2003). L'exploration du dialogue de Bohm comme approche d'apprentissage


en recherche collaborative. Thèse déposée pour l'obtention d'un grade Ph.D. Faculté des
sciences de l'éducation. Université Laval. Québec, version électronique.

Lii, P. (2001). The Impact of Personal Gains on Cognitive Dissonance for Business Ethics
Judgments. Teaching Business Ethics, vol. 5, no 1, p. 21-33.

Limoges, J. et Paul, D. (1981). Le développement du moi. Longueuil : Les Éditions Prolin-


gua.

Longman Dictionary of Contemporary English. (2003). England : Pearson Editions.

Loevinger, J. (1976). Ego Development. San Francisco : Jossey-Bass Publishers.

Lussato, B. (1996). L'échelle humaine contre le gigantisme technologique et bureaucra-


tique. Parie : R. Lafond.

MacLean, P. et Guylot, R. (1990). Les trois cerveaux de l'homme. Paris : Robert Lafont.

Marcotte, G. (2006). Le manifeste du mouvement Humanisation. Québec : Éditions Huma-


nisation,

Marquis, D., Lavoie, L. et Chamberland, G. (1995). 20 formules pédagogiques. Québec :


Presses de l'Université du Québec.

Massot, P. et Feisthammel, D. (2005). Pilotage des compétences et de la formation. St-


Denis La Plaine Cedex : AFNOR.

McCraty, R. (2001). Science of the Heart. Boulder Creek : Institute of HeartMath.

Metzinger T. (1995). Conscious Experience. Paderborn: Imprut Academy Schoehiugh.

Minot, A. (2003). Résumé et commentaires du cours de Paulo Freire 'Pédagogie des op-
primés '. France : Viroflay.

Mintzberg, H. (2004). Managers not MBAs. San Francisco : Berrett Koehler Publishers Inc.

Missa, J.-N. (1994). Le cerveau, l'ordinateur et les modèles de la conscience. Ordre biolo-
gique, ordre technologique. FrankTiland et Jean-Claude Beaune. Seyssel : Éditions Champ
Vallon.

Morgan, G. (1986). Images de l'organisation, traduit de l'anglais par Solange Chevrier-


Vouvé et Michel Audet. Québec : Les Presses de l'Université Laval,
256

Morin, E. (1973). Le paradigme perdu : la nature humaine. Paris : Éditions du Seuil.

Morin, E. (1981). Pour sortir du XXe siècle. Paris : F.Nathan.

Morin, E. (1990). Introduction à la pensée complexe. Paris : ESF Éditeur.

Morin, E. (2000). Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur. Paris : Les Éditions
du Seuil.

Morin, E. (2007). Où va le monde? Paris : Éditions de L'Herne.

Morin, E. et Hulot, N. (2007). L'an 1 de l'ère écologique. Paris : Édition Tallandier. Mor-
ris, P. W. G. et Jeffrey, K. Pinto. (2007). The Wiley Guide to Project Organization & Pro-
ject Management Competencies. New Jersey : John Wiley & Sons, Inc.

Navel, C. (2007). La pertinence de l'intégration d'une conception explicite et complexe de


l'être humain chez l'enseignant, examen de doctorat. Québec : Université Laval, Faculté
des sciences de l'éducation.

Noël, B. (1997). La métacognition. Paris, Bruxelles: De Boeck Université.

Norretarders, T. (1998). The User Illusion: Cutting Conciousness Down to Size. New-York:
Viking.

Ouimet, J. R. (1998). De nouveaux outils de gestion pour l'entreprise : apports au bonheur


et à la profitabilité, thèse de doctorat présentée à la Faculté des sciences économiques et
sociales. Université de Fribourg. Suisse.

Pauchant, T. (1996). La quête du sens. Montréal : Les Édition HEC.

Pearsal, J. (1996). The Oxford English Reference Dictionnary, 2e éd.,. Oxford: Oxford
University Press.

Pelletier, P. (1996). Les thérapies transpersonnelles. Montréal : Éditions FIDES.

Pelletier, K. R. (1998). Toward a Science of Consciousness. New-York : Dell Publishery.

Penrose, R. (1994). Shadows of the Mind: A Search for the Missing Science or Conscious-
ness. New-York : Oxford University Press.

Penrose, R. (1995). Les ombres de l'esprit. Paris : InterÉditions.

Penrose, R. (1989). The Emperor's New Mind Concerning Computers, Minds, and the Laws
of Physics. New-York : Oxford University Press.

Penrose, R. (1992). L'esprit, l'ordinateur et les lois de la physique. Paris : InterÉditions.

Penrose, R. (1994). Shadows of the Mind: A Search for the Missing Science of Conscious-
ness. New-York: Oxford University Press.
257

Petit Larousse en couleurs. Dictionnaire encyclopédique. (1991). Paris : Éditions Larousse.

Petrel la, R. (2004). Désir d'humanité le droit de rêver. Montréal : Les Éditions Écosociété.

Pinker, S. (1997). How the Mind Works. New-York : W.W.I. Norton and Company.

Pinker, S. (2000). Comment fonctionne I 'esprit. Paris: Odile Jacob.

Pruzan, P. (2001). The Question of Organizational Consciousness: Can Organizations Have


Values, Virtues and Visions? Journal of Business Ethics, vol. 29, no 3, p. 271-284.

Putois, O. (2005). La conscience. Paris : Éditions Flammarion.

Raffarin, J. P. (2002). Pour une nouvelle gouvernance. Paris : Éditions de l'Archipel.

Rancourt, B. (1996). Franchir les étapes de la conscience. Outremont : Les Éditions Qué-
bécor.

Reeves, H. (2003). Mal de terre. Paris : Éditions du Seuil.

Robert, P. (2007). Le nouveau Petit Dictionnaire. Paris : Dictionnaires Le Robert.

Rowe, F. et al. (2002). Faire de la recherche en système d'information. Paris : Vuibert.

Ruano-Borbalan, J.-C. (2001). Éduquer et former. Auxerre Cedex : Éditions Sciences Hu-
maines.

Saltel, P. (2002). La volonté. Paris : Ellipse Éditions Marketing S.A.

Sawyer, R. K. (2006). 777e Cambridge Handbook of The Learning Sciences. New-York :


Cambridge University Press.

Schôn, D. A. (1994). Le praticien réflexif, traduit de l'anglais par Jacques Heynemand et


Dolores Gagnon. Montréal : Les Éditions Logiques.

Searle, J.-R. (1992). The discovery of the Mind. Cambridge (Mass) : MIT Press.

Searle, J.-R. (1995). La redécouverte de l'esprit. Paris : Gallimard.

Searle, J.-R. (1993). The Mystery of Consciousness. New-York : Review of Books.

Searle, J.-R. (1999). Les mystères de la conscience. Paris : Éditions Odile Jacob.

Senge, P. (1991). La cinquième discipline. Paris : FIRST Éditions.

Servan-Schreiber, D. (2003). Guérir. Paris : Éditions Lafont.

Shani, A. B. et al. (2008). Handbook of Collaborative Management Research. California :


Sage Publications inc.
258

Shear, J. (1997). Explaining Cousciousness: the "HardProblems". Cambridge: MIT Press.

St-Amour, N. et al. (2005). Direction développement des individus et des communautés. La


difficulté de concilier travail-famille : ses impacts sur la santé physique et mentale des fa-
milles québécoises. Québec : Institut national de santé publique du Québec.

St-Arnaud, Y. (2002). La guérisonpar le plaisir. Ottawa : Éditions Novalis.

Stiglitz, J. E. (2003). Quand le capitalisme perd la tête, traduit par Paul Chelma. Paris :
Fayard.

Stiglitz, J. E. (2006). Un autre monde contre le fanatisme du marché. Paris : Éditions


Fayard.

Soares, A. (2003). La santé mentale au travail : s'attaquer aux sources du problème. Revue
Effectif vol. 6, no 4, septembre-octobre 2003.

Tarondeau, J.-C. et Huttin, C. (2006). Dictionnaire de stratégie d'entreprise. Paris : Librai-


rie Vuibert.

Tiberghien et Jeannerod. (1995). Neurosciences : neuropsychologie et neurologie. Revue


internationale de psychologie, no 18, p. 173-203.

Tillich, P. (1999). Le courage d'être, traduit par Jean-Pierre LeMay. Paris, Genève, Sainte-
Foy : Éditions du Cerf- Labor et Fides - Presses de l'Université Laval.

Thich, N. H. (2006). Pour une métamorphose de l'esprit, traduit de l'anglais par Mariane
Coulin. Paris : La Table Ronde.

Torlak, G. N. (2002). Reflexions on Multimethology. Systemic Practice and Action Re-


search, vol. 14, no 3.

Tourenne, Christian. (1981). Vers une science de la conscience. Paris : Éditions de l'Age de
l'Illumination.

Tremblay, R. et Bérard, D. (2004). Les fous du roi. Montréal : Les Éditions Transcontinen-
tal.

Trotter, R. J. et McConnell, J. V. (1980). Psychologie, science de l'homme, traduit de


l'anglais par Annie Chauveau-Dupin, Charles-Henri et Rachel Farley et Louise Villeneuve.
Montréal : Les Éditions HRW Ltée.

Uttal, W. (1948). The Psychobiology ofMind. New-York : John Wiley and Sons.

Varella, F. (1991). The Embodied Mind : Cognitive Science and Humain Experience. Cam-
bridge (Mass) : MIT Press.

Varella, F. (1993). L'inscription corporelle de l'esprit : sciences cognitives d'expériences


humaines. Paris : Seuil.
259

Wallier, E. H. (2000). The Physics of Conciousness: The Quantum Mind and the Meanning
of Life. Cambridge: Hersens Books.

Weiskrants, L. (1997). Conciousness Lost and Found: A Neuropsychologycal Exploration.


Oxford: Oxford University Press.

Wenger, E. (2005). La théorie des communautés de pratique, traduit de l'anglais par Fer-
nand Gervais. Québec : Les Presses de l'Université Laval.

Wilber, K. An Integral Theory of Conciousness. Journal of Consciousness Studies, vol. 4,


no 1, février 1997, p. 71-92.

Watzlawick, P. et al. (1972). Une logique de la communication. Paris : Seuil.

Winn, W. (2003). Research Methods and Types of Evidence for Research in Educational
Technology. Educational Psychology Review, vol. 15, no 4, décembre 2003.

Yinn, R. K. (1988). Case Study Research. California : Sage Publications.

Zelano, P. D. et al. (2007). The Cambridge Handbook of Conciousness. Toronto : Cam-


bridge University Press.

Ziegler, J. (2002). Les nouveaux maîtres du monde et ceux qui leur résistent. Paris : Édi-
tions Fayard.

Zindel, V. et al. (2006). La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dé-
pression, traduit de l'anglais par Claude Maskens. Bruxelles : Éditions de Boeck.

Zohan, O. (1990). The Quanttium Self Human Nature and Conciousness Defined by the
New Physic. New-York: William Morrow.

Revues

Academic Management Journal, (avril 2001). Vol. 44, no 2, p. 418-431.

American Psychologist. (1984). Vol. 39, no 2.

Balleux, A. (2000). Évolution de la notion d'apprentissage expérientiel en éducation des


adultes : vingt-cinq ans de recherche. Revue des sciences de l'éducation, vol. XXVI, no 2,
p. 263 à 285.

Fenwik, T. J. (2000). Expanding Conceptions of Experiential Learning: A Review of the


Five Contemporary Perspectives on Cognition. Adult Education Quarterly. 2000; 50, p. 243
à 272.

International Education Journal. (2004). Vol. 5, no 4.

Journal ofAdult Development. (2000). Vol. 7, no 4.


260

Journal of Business Ethics. (2001). Vol. 29.

Me Cormick, P. (1981). Sur le développement du concept de l'intentionnalité chez Brenta-


no et Husserl. Philosophiques, vol. 8, no 2, p. 227-237

Revue des sciences de l'éducation. (2000). Vol. XXXVI, no 2.

Teaching Business Ethics. (1997). Vol. 1.

Teaching Business Ethics. (2003). Vol. 7.

Sites Internet

http://www.guerir.fr, vu le 22 février 2005.

http://www.webperso.easyconnect.fr/baillement/maclean.html, vu le 22 mars2005.

http://www.lecerveau.mcgill.ca/. vu le 22 mars 2005.

wvvw.univ-tours.fr/desco/LicPsy/Neurosci-lntro.html#Descartes, vu le 22 mars 2005.

www.radio-canada.ca/actualite/decouverte/dossiers/83 cerveau/1 a.html, vu le 22 mars


2005.

http://schwann.free.fr/etage sus tentoriel.html. vu le 25 mars 2005.

http://cf.groups.vahoo.com/group/metaconscience/. vu le 4 mai 2007.

http://www.leiacquescartier.com/article-100279-Un-sondage-demontre-que-la-travaillite-
aigue-perd-du-terrain.html. vu le 7 mai 2007.

http://www.vivantinfo.com/uploads/media/Reconnaissance soi.pdf vu le 4 mai 2007.

www.rodhia.com.htm fr/developpement durable_lexique.html, vu le 19 septembre 2007.

http://www.cesaf.umontreal.ca/f.ress.doss.empow.docl.html, vu le 19 septembre 2007.

www.ecogexport.com/gestion/dicogestion.htm, vu le 19 septembre 2007.

http://lacitoyennete.com/magazine/mots/glossaireegaliteHF.php. vu le 19 septembre 2007.

http://sergecar.club.fr/textes/Bergson2.html vu le 17 octobre 2007.

http://lapresseaffaires.cvberpresse.ca/apps/pbcs.dlI/article?AID=/20, vu le 17 décembre
2007.
261

http://www.boston.com/news/education/higher/articles/2007/04/29/hearts minds?mode=P
F, vu le 17 décembre 2007.

http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/fonnationBase/pdf/doc/glossaire.pdf. vu le 28 février
2008.

http://web.iiniv-pau.fr/RECHERCHE/ClEH/programme.htm. vu le 22 mars 2008.

http://web.univ-pau.fr/RECHERCHE/CIEH/documents/Trocmel.pdf. vu le 22 mars 2008.

http://pagesperso-orange.fr/iules-verne/La%20confusion%20des%20genres.pdf. vu le 22
mars 2008.

http://cf.groups.vahoo.com/group/metaconscience/, vu le 24 mars 2008.

http://psychologie-alternative.com/origine.htm. vu le 24 mars 2008.

http://www.aiout-url.corn/goto.php3?id= 1398. vu le 24 mars 2008.

http://sophro-holistic.moniste.wanado.fr/page3.html, vu le 24 mars 2008.

http://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/375-ConciliationTravail-Famille.pdf. vu le 21 avril
2008.

http://id.erudit.org/iderudit/203 167ar. vu le 1er août 2008.

http://www.zulio.org/iournal/post/2005/10/22/husserl-et-intentionnalite-une-introduction-a-
la-phenomenologie-4. vu le 1er août 2008.

http://www.repere-pnl.com/site/PNL-et-niveaux-logiques-du-stress-par-JL-MONSEMPES-
28042005-172.html. vu le 30 septembre 2008.

http://archimede.bibl.ulaval.ca/archimede/files/d0el4f93-3198-473f-a2b3-
bfff51bae88c/20640.html. vu le 30 septembre 2008.

http://www.resaq.org/article.php37id article=721 vu le 12 octobre 2008.

http://www.inrp.fr/Acces/Biennale/7biennale/Contrib/longue/7290.pdf, vu le 13 octobre
2008.

http://mlq.sagepub.eom/cgi/content/abstract/25/2/289. vu le 23 octobre 2008.

http://archimede.bibl.ulaval.ca/archimede/files/d0el4f93-3198-473f-a2b3-
262

bfff51bae88c/20640.html, vu le 26 octobre 2008.

http://www.ucalgarv.ca/~dmiacobs/phd/methods/sldOO 1 .htm, vu le 14 novembre-2008.

http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/pl941/articles/a65480 vu le 14 novembre
2008.

http://www.acsm-ca.qc.ca/virage/dossiers/fardeau-maladie-mentale.html vu le 20 avril
2009.

http://fr.wikipedia.org/vviki/VVilhelm Wundt vu le 20 avril 2009.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Raison vu le 27 avril 2009.

http://www.gov.ns.ca/health/mhs/pubs/depression/depression workplace faq french.pdf,


vu le 27 avril 2009.

http://vvww.contrepoints.org/Le-cerveau-et-l-ordinateur.html vu le 27 avril-2009.

Vous aimerez peut-être aussi