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Thèse présentée
à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval
dans le cadre du programme de doctorat en technologie éducative
pour l'obtention du grade de Philosophias Doctor (Ph.D.)
2009
TABLEAU 14 LES QUATRE PRINCIPES À RESPECTER LORS D'UNE ANALYSE PAR TRIANGULATION 49
TABLEAU 23 CAPACITÉS ESSENTIELLES DU CERVEAU POUR FORMER LA CONSCIENCE SELON SEARLE (2000) 96
HUMAIN 140
TABLEAU 50 : PRINCIPAUX CONSTATS TIRÉS DES ÉTUDES ET DES FORMATIONS LIÉES AUX COMPÉTENCES HUMAINES DANS LES
ORGANISATIONS 162
TABLEAU 52 : PRINCIPAUX CONSTATS LIÉS AU CONCEPT DE LA COMPÉTENCE TIRÉS DE LA LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE , 167
TABLEAU 57 : CHANGEMENT CONCEPTUEL ENGENDRÉ PAR LE NIVEAU DU CONFLIT COGNITIF DU GESTIONNAIRE EN REGARD DE LA
TABLEAU 62 : LIENS ENTRE LES PIÈCES MANQUANTES DU MANAGEMENT ET L'IMPACT NÉGATIF SUR L'EMPLOYÉ 186
TABLEAU 66 : LIENS ENTRE LES APPROCHES D'ENSEIGNEMENT ET LES CARACTÉRISTIQUES DE LA MÉTACONSCIENCE 207
TABLEAU 70 : PARALLÈLE DE CORRESPONDANCE DES QUATRE DIMENSIONS DE LA COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE ET DES APPROCHES
CORRESPONDANTES 232
TABLEAU 74 : COMPLÉMENTARITÉ DES TROIS ZONES DE COLLABORATION EN RECHERCHE MANAGÉRIALE : THÉORICIEN, PRATICIEN ET
CONSULTANT 241
Vil
Avant-propos
La conscience est l'unique voie qui puisse véritablement conduire à la liberté.
Serge Marquis
Remerciements
Mes premiers mots de profonde gratitude s'adressent à mes défunts parents. À mon père,
dont les valeurs de respect et de responsabilisation ont guidé les décisions dans le but qu'il
s'était donné d'assurer les besoins d'une famille nombreuse en manifestant à son épouse
amour, respect et tendresse. À ma mère si aimante, et dont le principal leitmotiv a été, jus-
qu'à son dernier souffle, le bonheur de ses enfants. Quant à Véronique et Pierre-Luc, mes
enfants qui, depuis leur naissance (23 et 22 ans) voient leur mère étudier, lire et écrire, re-
connaissance semble un mot bien faible : il s'agirait plutôt de leur « rendre grâce ». Ils ont
appris à accepter et à respecter les horaires peu orthodoxes d'une mère sur le marché du
travail et aux études devant vaquer en même temps à ses obligations familiales. Ils ont dû
développer une autonomie et un niveau de responsabilisation supérieur à la moyenne des
jeunes de leur âge.
L'amour que je devrais qualifier d'inconditionnel plutôt que de familial de mes frères et
sœurs m'a, à plus d'une reprise, aidée à surmonter les idées noires et le découragement om-
niprésents. Merci Jocelyne pour tes pensées que je lis et relis. Merci Micheline pour ta gé-
nérosité au moment opportun. Merci Mariette, pour ces massages qui m'ont fait tant de
bien. Merci Lorette, Gisèle, Yvette, René et Christiane : vos mots d'encouragement ont fait
mouche à chaque fois. Merci Claude, Nick et Fernand : votre présence dans mon environ-
nement est d'un réconfort inestimable.
L'amitié est aussi mise en valeur avec des personnes extraordinaires qui, par une parole
d'encouragement, un geste généreux, contribuent à nourrir ma volonté et mon enthousias-
me. Je ne peux passer sous silence le soutien de personnes avec lesquelles j'ai, tout au long
de mes études, partagé des moments de joie et d'amour. Merci Jimmy pour ta disponibilité
lors de ces déjeuners de quelques heures à écouter mes lamentations, mes idées folles et
mes humeurs en montagnes russes. Merci aussi pour ton apport financier qui m'a permis
d'accorder le temps requis au blitz final de cette rédaction.
Merci Gilles, pour ta lecture et ta critique avisée. Merci Jacques et Mario pour votre géné-
reuse disponibilité à écouter mes théories intéressantes... Merci Real, arrivé depuis peu
dans ma vie : tu m'as aidée à consolider mes énergies afin de terminer ma rédaction. Tout
un exploit! Merci de croire en moi.
Beaucoup de gens ont croisé ma route professionnelle lors de la rédaction de cette thèse.
Chacun d'entre eux a eu une influence, plus ou moins importante, sur mon processus ré-
flexif. Je tiens ici à remercier Marc Bélanger, un gestionnaire dont la simplicité, l'humilité
et l'intégrité l'amènent à questionner, et obligent les gens de son entourage à constamment
aller plus loin dans leur réflexion et leurs actions. Il est le meilleur praticien réflexif que je
connaisse : un modèle d'autonomie, de morale et de créativité.
La collaboration de personnes de confiance et en mesure de guider mes réflexions dans le
cadre d'un projet de rédaction de thèse constitue un atout majeur. Dans ce sens, j'ai bénéfi-
cié de l'aide précieuse d'un professeur qui s'intéresse depuis plusieurs années aux proces-
sus mentaux, et plus spécifiquement à la métaconscience et à ses caractéristiques. Il a, mal-
gré un emploi du temps occupé par un projet colossal, accepté de m'indiquer certains prin-
cipes fondamentaux que je devais respecter afin de terminer la rédaction de ma thèse. Merci
Gaston Marcotte d'abord pour votre inspiration, et le partage de votre réflexion et de vos
connaissances. Merci pour votre disponibilité, pour ces petits déjeuners de suivi et pour vos
corrections riches de commentaires et d'idées. Mille fois merci!
Finalement, le remerciement le plus important va à Jean-Pierre Fournier, sans qui il
m'aurait été impossible de mener ce projet à terme. Son empathie et le respect qu'il a pour
ses étudiants en regard des situations de vie n'ont d'égal que sa préoccupation pour le déve-
loppement des compétences de chacun. Ce sont des qualités humaines essentielles, et si
rares. La présence tranquille, le bon livre au bon moment. Merci d'avoir pris la peine de
vous intéresser à mon sujet de recherche. Peu de professeurs ont cette humilité et cette
grande sagesse d'accepter de faire des découvertes en parallèle avec leurs étudiants. Vous
avez accepté d'aller sur une piste peu débroussaillée, et de m'aider à élaguer. Merci!
XI
Résumé court
Les gestionnaires évoluent dans un contexte de double contrainte de par la nature même de
leur travail. Cette double contrainte met en opposition les valeurs morales de l'individu et
celles de l'entreprise. Cette situation est cause de stress et de nombreux problèmes mentaux
dans les milieux de travail, ce qui occasionne des coûts personnels, organisationnels et so-
ciaux en progression constante. Une meilleure compréhension de leur métaconscience, de
ses caractéristiques, de ses exigences de fonctionnement et de ses obstacles permettrait aux
gestionnaires de développer davantage leur autonomie, leur créativité et leur moralité.
Après avoir défini la métaconscience et ses principales caractéristiques, nous présentons
quatre approches d'enseignement qui satisfont les principes pédagogiques directeurs que
nous avons préalablement définis. Ces connaissances sur la métaconscience, les principes
pédagogiques directeurs et les approches d'enseignement proposées peuvent sous-tendre un
éventuel programme de formation sur la métaconscience pour les gestionnaires.
Xll
Résumé long
Les coûts humains, organisationnels et sociaux liés à l'épuisement professionnel et aux
autres problèmes mentaux causés par le stress au travail ne cessent d'augmenter. Il apparaît
que les gestionnaires sont constamment confrontés au phénomène de la double contrainte,
c'est-à-dire, en contradiction entre leurs valeurs personnelles et les valeurs corporatives
liées à la notion de performance et de profit à court terme. Une des causes importantes de
cette situation est liée au manque de connaissances sur le développement de leur métacons-
cience, le métaprocessus mental responsable de la gestion globale de leur être.
Les gestionnaires ne semblent pas bénéficier d'une offre de formation visant à connaître et
à développer leur métaconscience qui devrait déboucher sur plus d'autonomie, plus de créa-
tivité et plus de moralité. Notre recherche a d'abord permis d'identifier les principales ca-
ractéristiques de la métaconscience, ses exigences de développement et certains obstacles à
son actualisation. Dans un deuxième temps, nous avons défini les principes pédagogiques
directeurs à respecter et identifié quatre approches d'enseignement favorables à une forma-
tion visant le développement de la métaconscience chez les gestionnaires. Nous avons, au
cours de cette recherche, expérimenté personnellement différentes pratiques afin de mieux
comprendre le fonctionnement de la métaconscience ainsi que les exigences et obstacles à
son développement. Nous avons rédigé notre journal de bord, fait de la méditation, de la
respiration consciente, de l'introspection et de la visualisation, en demeurant centrée sur
notre projet de rédaction. Nous avons comparé nos observations avec certains travaux en
philosophie, en psychologie et en neurosciences. La métaconscience peut être comprise,
développée et maîtrisée comme processus dans l'expérience subjective qui se déroule entiè-
rement dans l'univers mental d'une personne qui vise à réaliser un but tel que la rédaction
d'une thèse de doctorat sur la métaconscience.
Par son caractère phénoménologique, notre expérience personnelle ne prétend pas être gé-
néralisable ni considérée comme un programme de formation en soi. Elle nous a toutefois
amenée à reconnaître un lien congruent entre les principes pédagogiques à respecter et une
éventuelle approche pédagogique efficace pour enseigner le développement de la méta-
conscience aux gestionnaires.
Xlll
Introduction
La présente thèse est réalisée dans le cadre d'un doctorat en technologie éducative. La pro-
blématique et le développement auxquels elle répond ont pris forme à la suite d'un ques-
tionnement existentiel de l'auteure : pourquoi la majorité des gens se lèvent le matin pour
accomplir un travail dans lequel ils semblent se valoriser de moins en moins? Cette ques-
tion a émergé le matin où nous avons ressenti ce pincement intérieur qui indique que le
sentiment défaire ce qu'il faut pour être heureux avait disparu pour laisser place à un vide
sentiment d'incompétence humaine. Ce vide intérieur, précurseur d'un état dépressif dans
notre conscience, semblait aussi manifeste au niveau organisationnel, voire au niveau de la
société.
Le choix de la métaconscience comme sujet d'étude découle cependant d'un cheminement
professionnel, personnel et universitaire. C'est dans le cadre d'activités de gestion, de coor-
dination et de développement organisationnel que la présente recherche situe ses origines.
En tant qu'employée et mère de famille aux prises avec les dissonances travail/famille et les
valeurs professionnelles/ personnelles, nous avons senti le besoin de prendre un recul pour
retrouver un équilibre psychologique menacé. Nous avons décidé de quitter l'organisation
et de poursuivre une thèse doctorale sur le comportement humain en entreprise commencée
cinq ans plus tôt. En fait, le présent ouvrage représente notre troisième tentative de mener à
terme notre projet de recherche puisque nous avions formulé antérieurement deux problé-
matiques sur le même thème. Nous n'arrivions cependant pas à canaliser le temps et
l'énergie nécessaires à la poursuite simultanée de ces trois priorités : vie de famille, travail
et thèse de doctorat.
Dans le cadre d'un cours portant sur « le mental », les concepts étudiés nous ont fait réali-
ser qu'il était possible d'influencer nos processus mentaux, ceci afin de mieux gérer notre
vie et d'assumer, avec moins de stress, nos responsabilités familiales et professionnelles
tout en réalisant plus efficacement nos différents projets.
Par des lectures et le partage de certaines expériences avec les autres membres du groupe
issus de différents milieux (travail social, éducation, consultation et formation en entrepri-
se), nous avons découvert la complexité du mental et son importance capitale dans toute
activité humaine. Nous avons également pris conscience du rôle central que l'évolution du
cerveau a joué dans le processus d'hominisation des membres de l'espèce humaine, et qui
XIV
il faut s'efforcer d'en analyser le fonctionnement dans la réalisation d'un but. Nous analy-
sons le rôle de notre métaconscience dans la rédaction de notre thèse de doctorat afin d'en
saisir non seulement ses caractéristiques, mais également ses exigences de développement
et de bon fonctionnement ainsi que les obstacles à son actualisation. Nous utilisons la mê-
me démarche pour analyser les informations concernant le développement humain ainsi que
les théories et les approches d'apprentissage.
Au chapitre trois, notre recherche sur les connaissances liées à l'évolution et au fonction-
nement physiologique du mental nous fait mieux comprendre la complexité du cerveau.
Nous nous sommes intéressée principalement aux auteurs qui ont établi une distinction en-
tre les différentes sortes et les différents niveaux de conscience. Nous avons pu identifier
ainsi les caractéristiques d'un métaprocessus distinctif de la conscience sensorielle par sa
fonction d'intégrateur des fonctions mentales, ce qui permet de mieux utiliser le potentiel
de chacun des processus mentaux. Ainsi, nous constatons que la métaconscience, par son
action intégratrice, par ses caractéristiques et ses exigences, peut amener l'humain à agir
avec une plus grande autonomie, à actualiser davantage sa créativité et à se donner et à res-
pecter une éthique.
Le chapitre quatre expose les caractéristiques humaines liées à l'apprentissage. Nous y
abordons la réalité du gestionnaire apprenant et nous exposons sommairement les principa-
les théories d'apprentissage qui devraient sous-tendre un programme de formation sur la
métaconscience.
Le chapitre cinq répertorie les principes pédagogiques directeurs susceptibles de favoriser
le développement de la métaconscience. Nous y décrivons les quatre approches
d'enseignement favorables pour la formation des gestionnaires en fonction des principes
pédagogiques énoncés.
Finalement, nous proposons au chapitre six les activités et les outils d'apprentissage per-
mettant le développement de la métaconscience en respectant les principes pédagogiques
énoncés et compatibles aux quatre approches d'enseignement analysées. Nous plaidons
pour une nouvelle modélisation de la formation pour les gestionnaires axée sur la réduction
de l'effet de la double contrainte. Nous formulons quelques recommandations pouvant gui-
der la conception d'un programme de formation à l'éveil de la métaconscience chez le ges-
tionnaire.
CHAPITRE I :
PROBLÉMATIQUE
Le point de départ de la problématique décrite dans cette thèse fut un questionnement exis-
tentiel concernant la difficulté de l'humain à se dire heureux dans le cadre de son travail.
Après quelques recherches, et à la suite de conversations avec le professeur Marcotte, cette
question nous a conduite à une problématique d'une portée beaucoup plus large. La crise de
sens, dénoncée de plus en plus fortement par les spécialistes et chercheurs des sciences hu-
maines et écologiques ainsi que par les philosophes, lève le voile sur un constat alarmant.
Les pratiques de gestion mises de l'avant depuis l'éclosion de l'ère industrielle ont certes
fait prospérer l'économie mondiale. Par contre, elles ont altéré la condition humaine sur
l'ensemble de la planète.
La manifestation de cette crise de sens soulève un problème au plan du développement hu-
main. Il semble en effet que, derrière plusieurs catastrophes, il y ait des humains qui or-
chestrent des activités qui s'avèrent destructrices. Nous nous sommes interrogée sur le dé-
veloppement des processus mentaux liés à ces comportements. Nous avons alors constaté
que les principaux auteurs ayant écrit sur les processus mentaux — parmi lesquels James
(1983), Eccles (1991), Crick (1994), Damasio (2001, 2002) et Edelman (2000, 2004) — ont
identifié différents niveaux de conscience auxquels ils ont attribué des caractéristiques spé-
cifiques. Ces informations nous ont amenée à observer qu'il y a un métaprocessus1 mental
1
La conscience se définit comme un processus tel qu'utilisé en psychologie cognitive selon le Dictionnaire
de la psychologie (2003). Le terme processus est, depuis 1960, très utilisé en psychologie. : «S'il y dési-
gne,comme dans les autres champs du savoir, des développements, des évolutions, il s'y attache, sous
l'influence de la psychologie cognitive, un sens plus circonscrit renvoyant à des enchaînements d'opérations
internes, mentales, notamment de traitement de l'information. » Si l'on admet que la métaconscience englobe
les informations générées par les processus mentaux, nous constaterons que la métaconscience est en fait un
métaprocessus.
dont la principale fonction est d'agir comme intégrateur des niveaux de conscience. C'est
sous cet aspect d'intégration que la compréhension du développement chez l'humain nous
apparaît insatisfaisante. Afin de comprendre les rôles des différents niveaux de conscience,
nous nous sommes interrogée sur l'utilité du concept de la métaconscience qui sera l'objet
du chapitre trois de notre thèse.
Il semble que le mode d'organisation dont s'est doté l'humain afin d'optimiser l'utilisation
des ressources soit devenu, à force de quête de pouvoir et de manipulations politico-
économiques, de plus en plus confus et de moins en moins respectueux de l'humain. De par
la nature même de sa constitution, l'entreprise est une entité légale, une personne morale;
elle est une définition, elle a une mission et elle est un centre de profit. Le gestionnaire se
retrouve donc au coeur d'un paradoxe présent dans la définition même de la forme juridique
de l'entreprise : « C'est un centre de décision [juridiquement autonome] où l'autorité assure
la cohérence des actions et la prévalence de l'intérêt collectif sur les intérêts particuliers »2.
Bakan (2006) illustre ainsi l'obligation, pour les administrateurs d'entreprises, d'être
loyaux envers les actionnaires, c'est-à-dire, de faire croître les profits. C'est leur obligation
légale, au-delà de toute considération humaine, sociale et morale :
Le concept de corporation, que l'on retrouve dans des centaines de lois de sociétés du monde
entier, est pratiquement toujours le même... Les administrateurs ont une obligation légale en-
vers les actionnaires, et cette obligation est de rentabiliser leur argent. Les administrateurs et les
cadres de direction qui ne s'y plient pas peuvent être poursuivis en justice par les actionnaires.
... Les questions éthiques et sociales sont donc non recevables ou sont perçues comme des obs-
tacles au mandat premier de la corporation.3
Cette situation génère une confusion de valeurs liée au double rôle sujet/objet du gestion-
naire. Sur le plan subjectif, le gestionnaire est concerné par ses valeurs personnelles. Quand
il doit prendre des décisions au plan corporatif (il est alors objectif), il doit répondre aux
valeurs organisationnelles, lesquelles peuvent entrer en conflit avec ses valeurs personnel-
les (dans son rôle de sujet).
Il semble que ce phénomène se produise chez bon nombre de gestionnaires. Pruzan (2001)
a fait un exercice qui permet de bien saisir ce phénomène chez des gestionnaires de haut
2
Tarondeau, J.-C. et Huttin, C. (2006). Dictionnaire de stratégie d'entreprise. Paris : Librairie Vuibert, pa-
ge 167.
Bakan, J. (2006). La Corporation. Montréal : Les Éditions Transcontinental, page 47.
niveau. Il leur a d'abord demandé de réfléchir à leurs valeurs personnelles et d'en dégager
les cinq plus populaires du groupe. Dans un deuxième temps, il a répété le même exercice,
avec les mêmes gestionnaires, mais cette fois-ci, pour les valeurs corporatives :
On a large wall hung seven pairs of flip-over papers; for each of the seven groups there was one
sheet of paper with the most important personal values and one sheet with the most important
corporate values. It was obvious to all that there was absolutely no correspondence between
these two sets of values for any of the groups.4
Le tableau 1 illustre que les deux séries de valeurs sont valables et positives en regard de
leur contexte respectif :
Le plus souvent, à cause des exigences requises pour atteindre le degré d'efficacité souhaité
par l'entreprise, les employés doivent hypothéquer leur santé. Us n'ont plus le temps de
prendre de bons repas et de faire de l'exercice, et leur sommeil est perturbé par les situa-
tions non réglées. L'employé trouve difficile de rester tout à fait honnête envers lui-même
lorsque le fait d'exprimer son désaccord risque de déplaire à son supérieur et lui faire per-
dre des responsabilités, donc du pouvoir. Le fait de vouloir obtenir des meilleurs résultats
que leurs collègues mine souvent les sentiments affectifs des employés. Les exigences liées
à l'impression de succès génèrent un stress qui laisse aux gens le sentiment qu'ils peuvent
faire mieux. Il est donc difficile pour eux d'être vraiment satisfaits. La productivité demeu-
re une préoccupation constante, ce qui perturbe la conscience de façon quasi continue.
Il devient pratiquement impossible de prendre une décision en accord avec les deux séries
de valeurs, comme le constate Lii (2001) : «When managers make business ethics judg-
ments, the decision inevitably has impact on them. Sometimes managers reluctantly put
4
Pruzan, P. (2001). «The Question of Organizational Consciousness: Can Organizations Have Values, Vir-
tues and Visions? » Journal of Business Ethics, vol. 29, no 3, pages 271-284.
s
Ibidem.
organizational profit as their first priority and make decisions against personal values.»6
Cette situation se traduit, la plupart du temps par un malaise, ou un déséquilibre physiolo-
gique de plus en plus fréquent : au point de faire reconnaître différentes formes de dépres-
sion comme maladies professionnelles. Desjardins Sécurité financière a publié une étude
menée auprès de 78 organisations canadiennes regroupant en tout 464 000 employés en mai
2007. Il en ressort que : « 65 % des Canadiens considèrent que les valeurs de leur milieu de
travail ne concordent pas avec leurs valeurs personnelles. »7
Par la théorie de l'action, Argyris et Schôn (2002) mettent en perspective le caractère dé-
fensif des comportements et attitudes des gestionnaires dans des situations professionnelles.
La théorie professée (ce que le gestionnaire prétend vouloir faire) et la théorie d'usage (ce
que le dit gestionnaire fait dans la réalité) sont mises en conjoncture de façon à mettre en
lumière le conflit émergent. Argyris et Schôn transposent ce phénomène à l'organisation
dans leur modèle d'apprentissage organisationnel. Ils mettent en évidence la contradiction
existant entre les règles et procédures adoptées par l'entreprise et les messages incitant les
employés à agir différemment : « Il n'est pas rare que les documents officiels d'une organi-
sation, tels que les organigrammes, la politique officielle et les descriptions d'emplois,
contiennent des théories d'action professées incompatibles avec les schémas d'activité réels
de l'organisation. »8
Par exemple, une entreprise peut vanter son service à la clientèle, et évaluer le personnel du
service en fonction de la rapidité avec laquelle le client est servi. Heath & Heath, par exem-
ple, ont observé que :
Customers who record their contentious customers-service calls and post them online, as one
person did recently with Earthlink (and others famously did with AOL last year), are outraged
by hypocrisy: companies that say, « Make the customer happy. » but pay service reps on criteria
like speed or quotas.9
Malgré une volonté louable, il ressort que le fait de satisfaire aux critères de rendement
d'une organisation va souvent à l'encontre de la satisfaction des besoins humains. Et en-
gendre des problèmes personnels, sociaux et environnementaux.
6
Lii, P. (2001). «The Impact of Personal Gains on Cognitive Dissonance for Business Ethics Judgments».
Teaching Business Ethics, vol. 5, no 1, pages 21-33.
7
http://www.leiacquescartier.com/article- 100279-Un-sondage-dernontre-uue-la-travaillite-aigue-perd-du-
terrain.html. vu le 7 mai 2007.
8
Argyris, C. & Schôn, D.A. (2002). Apprentissage organisationnel, traduit de l'américain par Mariane Aus-
sanaire et Pierre Garcia-Melgares Paris : De Boeck Université, page 37.
9
Heath, D. et Heath, C. (novembre 2007). «Analysis of Paralysis». Fast Company. No 120, page 68.
1.1.1.La double contrainte
On trouve dans les travaux de Bateson (1980) une explication à ce phénomène en mettant
en perspective la communication paradoxale définie par le concept de la double contrainte,
c'est-à-dire une directive qui comporte deux instructions contradictoires. L'exemple le plus
cité pour illustrer ce concept est lorsque la mère qui rencontre son fils fait un pas en arrière
en lui disant : « Tu n'embrasses pas ta mère! » L'enfant, en voyant sa mère reculer, a
l'impression de satisfaire à sa demande en demeurant distant. Par contre, en entendant ce
qu'elle dit, il constate que son comportement déplaît à sa mère, chose qu'il voulait éviter. Il
a la perception qu'il ne peut pas faire ce que sa mère attend de lui, peu importe qu'il
l'embrasse ou non. La double contrainte suppose des conditions dont :
Cette situation perdure malgré les ravages observés sur la santé mentale et physique des
humains à l'intérieur des organisations.
Nous observons que la grande majorité des gens en entreprise ne sont pas conscients de cet
état de double contrainte. Ils ne comprennent tout simplement pas ce qui motive les déci-
sions valorisant le gain de productivité au profit de leur qualité de vie. Us critiquent, ils pro-
testent, ils s'y font et ils n'en font plus de cas. Le système rationnel semble s'être adapté à
une situation irrationnelle. Parce qu'il ne met pas en valeur le potentiel de ses processus
mentaux pour évaluer, sélectionner et organiser les informations, le gestionnaire s'enfonce
dans ce cercle vicieux d'adaptation destructrice.
Selon Marcotte (2006), l'actualisation du potentiel humain : « dépend directement d'un
apprentissage intentionnel. »" L'adulte n'ayant pas eu l'opportunité d'acquérir les connais-
sances et de construire une conception juste de son potentiel ne peut jouir de ses facultés en
10
Watzlawick, P. et al. (1972). Une logique de la communication, traduit de l'américain par Janine Morche.
Paris : Seuil, page 212.
" Marcotte, G. (2006). Le Manifeste du Mouvement Humanisation. Québec : Éditions Humanisation, page 46.
dormance. Il n'arrive pas à combler ses désirs, ses besoins et ses aspirations de façon adé-
quate. Il en résulte des carences qui affectent sa santé mentale et physique. Cet état n'est
sans doute pas étranger au fait que, le plus souvent, les gens abordent leur travail comme un
mal nécessaire à leur survie économique.
La crise dans les entreprises est illustrée par le cercle vicieux de la course à l'excellence au
détriment des exigences du développement humain. La section « Affaires » du journal La
presse du 17 décembre 2007 publiait une étude révélant que « La perte de productivité au
travail pour des raisons de santé coûte jusqu'à 10 millions de dollars par année à une orga-
nisation canadienne moyenne de plus de 250 employés, soit environ 5,4 % de sa masse sa-
lariale ».12
Cette étude, réalisée par Watson Wyatt Canada auprès de 3 000 travailleurs, stipule que
plus de 25 % d'entre eux disent ne pas se sentir aussi productifs qu'ils ne le devraient. Mal-
gré ces constats, les employeurs, fidèles à « la corporation », visent avant tout à augmenter
le rendementfinancier:
• (...), plus de 36 % s'attendent à augmenter leur objectif de rendement financier pour
l'année qui vient;
• 35 % veulent aussi revoir à la hausse l'effort exigé de leurs employés bénéficiant de
primes de rendement.
Par ailleurs, le plan de retraite de plusieurs employés contient des actions de l'entreprise
pour laquelle ils travaillent. Exigeant un rendement croissant de leurs placements, ces ac-
tionnaires augmentent les objectifs de rendement de la part des administrateurs de cette
entreprise. Pour y répondre adéquatement, les gestionnaires se voient forcés d'amorcer une
restructuration impliquant une coupure de postes. Parfois, le poste d'employés, détenteurs
d'actions, etc.
Cette illustration peut sembler farfelue, pourtant, elle est réelle pour un nombre croissant de
groupes de travail. C'est ce que Tremblay et Bédard (2004) ont voulu dénoncer :
Les actionnaires n'ont aucune idée des conséquences de leurs exigences. Ils ne se rendent pas
compte que, pour livrer les rendements annuels qu'ils réclament, les organisations licencient
sans réfléchir et abusent ensuite des employés qui restent. Quels inconscients, ces actionnaires! '
Comment croient-ils qu'une société peut livrer années après années des rendements de 20 %?
Pour y parvenir, il n'y a pas 36 solutions : soit on pressure les ressources au maximum, soit on
maquille les comptes!13
12
Benoît, J. « Absentéisme: stress et santé mentale au premier rang », dans La Presse Affaires.
http://lapresseaffaires.cvberpresse.ca/apps/pbcs.dll/article7AID=/20. vu le 17 décembre 2007.
13
Tremblay, R. et Bédard, D. (2004). Les fous du roi. Montréal : Les Éditions Transcontinental, page 28.
8
L'humain a mis sur pied des organisations afin de répondre plus efficacement à une soif de
pouvoir. Elles sont devenues le lieu où plusieurs y perdent le sens de leur vie et voient leur
santé se dégrader. Selon Ziegler (2002) :
Sur ces milliards de personnes, les seigneurs du capital mondialisé exercent un droit de vie et de
mort. Par leurs stratégies d'investissement, par leurs spéculations monétaires, par les alliances
politiques qu'ils concluent, ils décident chaque jour de qui a le droit de vivre sur cette planète et
de qui est condamné à mourir.14
Il semble donc que les conditions de travail maintiennent des pratiques valorisant les inté-
rêts financiers à court terme et sont, conséquemment, souvent néfastes pour l'intégrité psy-
chologique des travailleurs, la société et l'environnement. En 2008, Morin dénonce encore :
« Pourtant, on continue de gérer le travail de façon à produire des résultats financiers atten-
dus, ... »15, ce qui se traduit par une multiplication des procédures restrictives et la manifes-
tation du pouvoir de plus en plus harcelant. Il s'ensuit une escalade des statistiques sur le
malaise de vivre liées à la vie au travail, comme l'indiquent ces données compilées (tableau
3) dans différents milieux de travail, dans différentes villes et par différentes firmes de son-
dage.
« Plus de 50 % des travailleurs canadiens sont malheureux au travail » (La Presse, janvier 2003)
« 51 % des travailleurs disent endurer un stress important au travail. »
« 92 000 des salariés au Québec auraient été victimes de harcèlement psychologique au travail en 1998. »
« Selon le Centre for Disease Control, 51 % de toutes les maladies et invalidités sont le résultat de la façon
dont les personnes vivent. »
« 40 % des appels faits au PAE [programme d'aide aux employés] sont liés à la dépression. »
Tableau 3 : Quelques statistiques liées au malaise de vie au travail
Un rapport produit par l'Institut national de santé publique du Québec est d'ailleurs élo-
quent à ce sujet : « Les recherches nous rapportent que cette course contre la montre a des
conséquences importantes au plan de la santé physique et mentale des individus et de leurs
17
déterminants ainsi qu'au plan économique. »
14
Ziegler, J. (2002). Les nouveaux maîtres du monde et ceux qui leur résistent. Paris : Éditions Fayard, pa-
ge 15.
15
Morin, E. (2008). Sens du travail, santé mentale et engagement organisationnel, rapport R-543. Montréal :
IRSST, page 2.
16
Ducharme, C. (2006). Une approche stratégique pour une organisation en santé. Montréal : La Société
Watson Wyatt Canada, page 2.
17
St-Amour, N. et al. (2005). Direction développement des individus et des communautés. La difficulté de
concilier travail-famille : ses impacts sur la santé physique et mentale des familles québécoises. Québec :
Institut national de santé publique du Québec, page 23.
Les tableaux 4 et 5 illustrent les principales conclusions de ce rapport. Le premier énumère
les statistiques au plan de la santé physique et mentale, alors que le deuxième expose les
constats émergeants au plan du travail et au plan économique.
Les interrelations entre le mode de vie au travail et les différents problèmes de santé physi-
que et mentale ressortent clairement de ces études.
Selon l'Enquête sociale générale (ESG) de 1998, les parents et les mères monoparentales âgées de 25 à
44 ans signalent le plus haut taux de stress relié au manque de temps.
Il existe une corrélation élevée entre les situations de conflit travail-famille et la dépression (soulevée
dans la méta-analyse de Allen et coll., 2000).
Il existe un lien entre les situations de conflit travail-famille et les troubles d'anxiété et d'humeur chez
les femmes en particulier (Frone, 2000).
Il existe un lien entre les situations de conflit travail-famille et les coûts requis pour les consultations
médicales des travailleurs (Duxburry et Higgins, 1999).
Il existe un lien entre le conflit travail-famille et l'incidence de maladies physiques comme
l'hypertension artérielle, l'hypercholestérolémie, les troubles gastro-intestinaux, les allergies et les
migraines (Duxbury, Higgens Mills, 1991; Frone, Russes/Barnes, 1996; Thomas et Ganster, 1995).
Les difficultés de conciliation travail-famille ont des répercussions négatives sur les habitudes ali-
mentaires et la pratique de l'activité physique (C. Dubé et coll., 2002; Hitayesu, 2003).
Le conflit travail-famille est associé à une augmentation de la dépendance à l'alcool et la consomma-
tion de drogues chez les hommes en particulier (Frone, 2000).
Les parents qui se sentent débordés par leurs multiples tâches auraient une attitude moins chaleureuse
avec leurs adolescents et seraient plus enclins à développer des interactions conflictuelles avec ces
derniers (Galambos, Sears, Akmeida et Klokeric, 1995).
Le conflit travail-famille a été relié à l'insatisfaction face à la vie familiale et conjugale (St-Onge et
coll., 2002).
Les horaires de travail atypiques et le conflit travail-famille ont été associés au manque de temps pour
partager les repas en famille. Pourtant, ces moments sont considérés comme des moments privilégiés
de socialisation qui ont des répercussions émotionnelles positives sur les relations parent-enfant (US
Council of Economie Advisors 2002).
IS
Tableau 4 : Conséquences au plan de la santé physique et mentale
Les impacts existentiels se répercutent forcément au plan socio-économique.
18
http://\vww.inspq.qc.ca/pdtypublications/375-ConciliationTravail-Famille.pdf. vu le 21 avril 2008.
10
Selon l'étude de DuxBury et Higgins les personnes qui vivent un conflit travail-famille sont
27 % à se dire satisfaites de leur travail alors que les employés qui ne sont pas dans une tel-
le situation le sont à 80 %.
La méta-anlayse de Allen et coll. (2000) démontre que les employés qui vivent des problè-
mes de conciliation travail-famille songent davantage à changer d'emploi et sont plus
susceptibles de vivre de l'épuisement professionnel.
La conciliation travail-famille est aussi reliée à un rendement professionnel inférieur, à une
augmentation de l'absentéisme, à un roulement élevé du personnel et à une perte de moti-
vation (Duxbury 1998).
L'insatisfaction professionnelle des employés entraîne des coûts supplémentaires pour les
employeurs et pour le système de santé, car elle est associée à un absentéisme accru, à un
roulement du personnel et aux problèmes de santé des travailleurs. Les employés satis-
faits de leur emploi vivent plus longtemps et sont moins susceptibles d'être malades (Rob-
bins, 1993 dans Duxbury et Higgins, 1999)
Des chercheurs ont estimé que les jours d'absence au travail des employés qui vivent des
difficultés de conciliation entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle ont représen-
té des coûts de 2,7 milliards de dollars pour les entreprises canadiennes en 1997. (Coo-
per et coll.; Levi et Lunde-Jensen, dans Duxbury et Higgins, 1999).
Cette dernière étude permet d'estimer à plus de 100 millions de dollars par année les
coûts en soins associés à la difficulté de concilier travail et famille au Québec.
L'examen des banques de publications et des contacts avec des experts n'a fait ressortir au-
cune documentation de l'impact sur la santé de mesures gouvernementales particulières
dans le domaine de la conciliation travail-famille.
19
Tableau 5 : Conséquences au plan du travail et au plan économique
Ces conséquences révèlent la difficulté à concevoir un sens du travail compatible avec le
sens d'une vie en harmonie avec ses aspirations, ses désirs, ses besoins et ses valeurs. Les
considérations corporatistes semblent heurter les considérations sociales, économiques et
existentielles et environnementales.
Au cours des dernières années, nous avons vu progresser le taux de maladies professionnel-
les, surtout les maladies de nature psychologique, de façon stupéfiante. En 2003, Statistique
Canada a recensé 92 millions de journées de travail perdues en raison d'absences liées à un
problème d'ordre mental. Cela représente une perte de profitabilité de 16 milliards de dol-
19
http://www.inspq.qc.ca^dt/publications^75-ConciliationTravail-Famille.pdf. vu le 21 avril 2008.
11
lars, soit un coût neuf fois plus élevé que les arrêts de travail dus à des conflits de travail.20
L'impact en matière de santé chez l'humain est inquiétant et le coût social est aussi extrê-
mement préoccupant : « Une personne sur quatre aura un problème de santé mentale au
cours de sa vie. Pas moins de 33 milliards de dollars. Voilà ce que coûtent annuellement les
problèmes de santé mentale dont souffrent de plus en plus d'employés [au Canada] »21. Par
ailleurs, Pauchant et al. (1996) soulèvent des problématiques en ce sens et proposent diffé-
rentes pistes de recherche liées au sens que l'humain tente de donner à ses activités profes-
sionnelles, mais aussi personnelles, familiales et sociales.
Les conclusions de recherches récentes démontrent que le contexte de travail dans les en-
treprises crée de nombreux problèmes existentiels qui influencent négativement la qualité
de vie des employés et leur santé. Soares (2003) observe que « ..., les problèmes de santé
mentale sont de plus en plus fréquents. Selon le Bureau international du travail (BIT), un
travailleur sur dix souffre de dépression, d'anxiété, de stress ou de surmenage et risque, de
ce fait, l'hospitalisation et le chômage »22.
Nous constatons que ces problèmes sont liés, pour la plupart, à la satisfaction au travail et à
la productivité des employés. Ils peuvent être dus, entre autres, à des abus de pouvoir, à un
taux d'absentéisme élevé, à des troubles de comportements, à des décisions aux conséquen-
ces néfastes, etc. Le tableau 6 illustre une synthèse inspirée de quatre auteurs dont les tra-
vaux s'intéressent à cette réalité. Considérant que notre sujet d'étude vise l'enseignement
des principes et pratiques de développement et de fonctionnement de la métaconscience, un
processus intégrateur du mental, notre intérêt porte principalement sur les manifestations
d'ordre mental.
20
Ducharme, C. (2005). La santé mentale, une question d'environnement de travail. Québec : Watson Wyatt
Worldwide, page 7.
21
Dansereau, S. « Les coûts effarants de la santé mentale ». Les Affaires. 26 février 2005.
22
Soares, A. « La santé mentale au travail : s'attaquer aux sources du problème ». Dans Effectif. Volume 6,
numéro 4, septembre/octobre 2003.
12
Plusieurs études, dont celle de De Linares (2002), semblent confirmer que le coût social et
organisationnel de ces problèmes existentiels est considérable dans la plupart des pays in-
dustrialisés. Les coûts associés aux seuls problèmes de santé mentale représentent entre
3 % et 4 % du PIB national dans les pays de l'Union européenne. En France, la dépression
est maintenant reconnue comme une maladie professionnelle : « Voilà que les instances
judiciaires et médico-sociales suivent le mouvement. La dépression commence à être re-
connue comme une maladie professionnelle. »24 Aux États-Unis, les dépenses publiques
associées à la dépression se situent entre trente et quarante-quatre milliards de dollars. Se-
23
Inspiré de Lussato, B. (1996). Pauchant et coll. (1996). Diakité, S. (1985) et Claessens, M. (1998).
24
De Linares, J. (2002). « La dépression, maladie professionnelle reconnue ». Le Nouvel observateur, no
1941, semaine du 17 janvier.
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/pl941/articles/a65480 vu le 14 novembre 2008.
13
Ion une étude de l'Unité de promotion de la santé mentale du Canada, en 1998, le fardeau
total de 14,4 milliards de dollars a fait des problèmes de santé mentale l'une des maladies
les plus coûteuses au pays. Dans cette même étude, la perte de productivité associée à la
dépression et à la détresse à court terme a été évaluée à six milliards de dollars25. Au Qué-
bec, les indemnités versées par la Commission de la santé et de la sécurité du travail
(CSST) associées à la dépression, à l'anxiété et à d'autres problèmes de santé mentale ont
grimpé de 1,5 milliard en 1990 à 5,3 milliards en l'an 20002".
Le constat de cette augmentation faramineuse des coûts reliés à la santé et aux services so-
ciaux impose une attention particulière à ces phénomènes puisque plus de 35 % du budget
du Québec est consacré aux soins de santé. De plus, le besoin croissant de professionnels
autres qu'enseignants dans les écoles (psychologues, orthophonistes, etc.) pour offrir des
services devenus nécessaires aux jeunes vivant des difficultés d'intégration sociale, de
consommation de drogue, de violence, etc. augmente aussi de façon considérable la facture
sociale. Au Québec toujours, la dépression est reconnue comme maladie professionnelle
sous certaines conditions. Nous estimons que les récentes études feront évoluer le lien de
causalité entre le travail et la santé mentale.
Global Business and Economie Rountable of Mental Health rapporte que :
En 1998, les maladies mentales au travail ont entraîné des pertes de 14,4 milliards de dollars
pour l'économie canadienne.
Environ 75 % des réclamations pour invalidité à court terme sont liées aux maladies mentales.
Environ 79 % des réclamations pour invalidité à long terme sont liées aux maladies mentales.27
Zindel et al. (2006) soulèvent que : « Une projection récente de l'Organisation Mondiale de
la Santé estime qu'en 2020, de toutes les maladies, la dépression viendra en deuxième posi-
tion au niveau mondial. »28
Ces données suivent l'évolution de la culture de l'urgence, l'illusion de la motivation par
les résultats, la peur de mal paraître. De Gaulejac (2005) a accompagné des gestionnaires
afin de constater les causes fondamentales de certains problèmes de démotivation : « Quand
il faut tous les jours écrire des papiers auxquels on ne croit pas, au bout d'un moment on se
dit : « Où est le sens? Quel est le sens de tout ça? Y a pas de sens comme métier dans tout
25
http://vvwvv.acsm-ca.qc.ca/virage/dossiers/fardeau-maladie-mentale.html vu le 20 avril 2009.
26
Soares, A. (2003), op. cit.
http://\vvvw.gov.ns.ca/health/mhs/pubs/depression/depression workplacefaq french.pdf vu le 27 avril
2009.
28
Zindel, V. et al. (2006). La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression. Bruxel-
les : De Boek, page 33.
14
ça? »... « Rémunération en contrepartie de dire des choses auxquelles on ne croit pas, ré-
munération dont on devient prisonnier ».29 Le gestionnaire se sent coincé entre sa volonté
de bien faire son travail, être cohérent avec ses valeurs et son sentiment d'améliorer sa qua-
lité de vie.
Heidegger (2002), Tillich (1999), Fromm (1978), Morin (2001) et bien d'autres traitent,
chacun à leur façon, des questions existentielles touchant l'humain et son évolution. Ils
explorent les liens d'interdépendance entre l'humain, la nature et les systèmes dans lesquels
les niveaux de responsabilisation se déterminent. Heidegger (2002) élabore sur la liberté de
l'humain en fonction d'un processus naturel :
... we mean that human action as such is not primarily cause by natural processes; it is not
bound by the lawfulness of natural processes and their necessity. This independence from na-
ture can be grasped in a more essential way by reflecting that the inner decision and resolve of
man is in a certain respect independent of the necessity which resides in human fortunes.30
Alors que Tillich (1999) aborde les angoisses existentielles qui semblent incontournables
pour les humains :
... trois formes d'angoisses existentielles, [l'angoisse du destin et de la mort, l'angoisse du vide
et de la perte du sens et l'angoisse de la culpabilité et de la condamnation] d'abord en regard de
leur réalité dans la vie de l'individu, puis de leurs manifestations sociales à des périodes parti-
culières de l'histoire de l'Occident. Il faut préciser, au départ, que la différence de ces types
d'angoisse ne signifie pas qu'elles s'excluent mutuellement.31
Fromm (1978), pour sa part, dénonce les conséquences du système économique : «Notre
discussion, jusqu'ici, a montré que les traits de caractère engendrés par notre système so-
cio-économique, c'est-à-dire par notre façon de vivre, sont pathogènes et finissent par pro-
duire des individus malades et, par conséquent, une société malade. »32 En ce sens, De Gau-
lejac (2005) a observé que : « Chaque individu veut réussir sa vie dans une compétition où
on lui propose de monter toujours plus haut, de gagner toujours plus d'argent, d'acquérir un
plus grand pouvoir. Quand bien même il sait que les satisfactions proposées sont largement
illusoires, il ne résiste pas au désir d'y croire. »33 Ce sentiment de compétition, dénoncé,
entre autres, par Pauchant (1996), Senge (1990), Goleman (1997, 1999), Kegan (1982,
29
De Gaulejac, V. (2005). La société malade de la gestion. Paris : Éditions du Seuil, page 141.
30
Heidegger, M. (2002). The Essence of Human Freedom : An Introduction to Philosophy, traduit par Ted
Sadler. London: Continuum International Publishing Group, page 4.
31
Tillich, P. (1999). Le courage d'être, traduit par Jean -Pierre Lemay. Paris : Éditions du Cerf ; Genève :
Labor et Fides ; Québec : Presses de l'Université Laval, page 33.
32
Fromm, É. (1978). Avoir ou être? Un choix dont dépend l'avenir de l'homme, traduit par Théo Cartier.
Paris : Robert Lafond, page 25.
33
De Gaulejac, V. (2005). La société malade de la gestion. Paris : Éditions du Seuil, page 131.
15
1984), Argyris (1998, 2000, 2002) et Brun (2007), contribue au sentiment de crise dans les
entreprises. Il génère des comportements et des attitudes incompatibles avec les exigences
de développement du potentiel humain.
Morin (2007) précise : « Il est intéressant de noter que la compétition, comme émulation, a
laissé place à la compétitivité comme objectif en soi. Ce qui, au départ, était un moyen est
devenu une fin. »34 Les objectifs de rendement exigés par les actionnaires amènent les ges-
tionnaires à dépasser leurs limites et à agir sans comprendre les causes de la dégradation de
leur condition de santé.
Morin (2007) parle de crise et de développement comme de processus concomitants. Le
constat d'une situation de crise est aussi l'occasion d'innover. Il reprend ainsi la formula-
tion d'Antonio Negri : « La crise n'est pas le contraire du développement, mais sa forme
même ».35 Jacquard (1991) invite à prendre position et à agir : « Maintenant l'humanité a
une existence réelle. Sa forme, sa structure résultent de cette dynamique non gérée. Il est
temps de chercher à en évaluer les fruits, et d'éventuellement la réorienter. »36 Dans le mê-
me ordre d'idées, Gore (2007) exprime sa confiance dans le potentiel humain pour freiner
l'érosion galopante et amorcer une « restauration de l'équilibre naturel du système écologi-
que de la Terre. » Pour ce faire, il est urgent de cesser d'agir exclusivement sur les effets, et
de se concentrer à en comprendre les causes.
À l'instar de Morin (2007), qui ramène à la nécessité d'une conscience écologique, les tra-
vaux de Marcotte (2006) sur les causes fondamentales de cette crise humaine démontrent
un lien indéniable entre l'évolution biologique de l'espèce et l'importance du développe-
ment mental.
Selon ce chercheur, « Il y a cependant une dimension qui a permis aux humains de se dis-
tinguer progressivement du règne animal, et de devenir une nouvelle espèce : la dimension
mentale d'où émerge la dimension morale. »
Le potentiel que procure le néocortex porte cependant ses propres exigences de développe-
ment et de bon fonctionnement. Jacquard (1991) reconnaît le potentiel existant chez
l'humain : « Ce bébé, ou même ce fœtus, n'est pas, dans son état actuel, intelligent; certes,
34
Ibidem, page 123.
35
Morin, E. (2007), Morin, E. (2007). Où va le monde? Paris : Éditions de L'Herne, page 32.
36
Jacquard, A. (1991). Inventer l'homme. Bruxelles : Éditions Complexe, page 117.
37
Marcotte, G. (2006), op. cit., page 45.
16
mais il recèle en lui les éléments à partir desquels son intelligence future va se développer
... »38 Lorsqu'il est privé d'une éducation et de modèles valorisant l'équité humaine et
l'éthique, l'humain, peu importe son statut, aura des comportements aux conséquences dis-
cutables. Selon Jacquard (1991), cela s'explique, en partie : «Mais l'homme est récent,
quelques dizaines de milliers d'années sont peu de choses dans le calendrier de l'évolution
des espèces. Sans doute est-il encore trop neuf pour être capable de faire face aux richesses
potentielles qui sont en lui... »39 Les découvertes des neurosciences, jumelées aux recher-
ches en anthropologie, psychologie et sociologie, ouvrent un angle d'observation par lequel
les processus mentaux peuvent être développés de façon intentionnelle.
La crise humaine et écologique actuelle démontre des lacunes importantes dans le dévelop-
pement humain et dans l'utilisation des potentialités mentales disponibles mais inexploi-
tées. Les processus mentaux sont présents, mais exigent des conditions favorables à leur
développement afin de permettre à l'humain d'en prendre conscience et de les actualiser
efficacement.
On constate que l'évolution biologique de l'humain semble s'achever. Selon Sir J. C. Ec-
cles (1978), prix Nobel de la médecine, l'énergie est, depuis les derniers 250 000 ans,
concentrée sur le développement mental de l'espèce. Cette dimension mentale résulte du
développement progressif du néocortex chez l'espèce humaine : « L'hominisation fait sau-
ter le verrou entre l'homme et l'animal et nous permet de nous voir sous un angle différent.
... Ce n'est pas une différence de degré, c'est une différence de nature qui sépare l'homme
de l'animal le plus proche de lui. »40
La différence majeure chez l'humain est la manifestation d'une dimension mentale qui pla-
ce l'humain dans un état de libre arbitre (autonomie) quand à ses croyances et valeurs (mo-
rale), ce qui lui permet de créer et recréer sa vie (créativité). Cette émergence de
38
Jacquard, A. (1991), op. cit., page 141.
39
Ibidem, page 168.
Fortin, R. (2003). Comprendre l'être humain. St-Nicolas : Éditions Dépul, page 76.
17
41
Le lecteur peut consulter les travaux d'Antonio R. Damasio (2000, 2001) pour de plus amples informations
concernant les anomalies et les conséquences sur le fonctionnement du cerveau et de la conscience.
42
Eccles, J. C. (1981). Le mystère humain, traduit de l'anglais par Anne-Marie Graulich et Marc Richelle.
Bruxelles : Pierre Mardaga, éditeur, page 145.
43
Marcotte, G. (2006), op. cit., page 45.
Morin, E. (2000). Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, op. cit., page 49.
18
une compréhension holistique de l'humain dans son environnement. Pour ce faire, Morin
(1990) soutient qu'il est impératif de concevoir «la complexité de la réalité anthropo-
sociale, dans sa microdimension (l'être individuel) et dans sa macrodimension (l'ensemble
planétaire de l'humanité) »45. Considérer l'évolution de la conscience vers la métaconscien-
ce permet de mieux concilier les apports des différentes sciences humaines et de dégager
une meilleure compréhension du rôle du mental sur la dynamique recursive des dimensions
humaines et planétaires.
1.3.1.Intérêt historique dans les processus mentaux 46
C'est à partir de la fin du 19e siècle que les psychologues, les psychanalystes et les psychia-
tres ont commencé à s'intéresser au cerveau et à ses différents processus. En fait, l'étude
scientifique des processus mentaux a débuté en 1879 dans le premier laboratoire de psycho-
logie expérimentale mis en place par le philosophe allemand Wilhelm Wundt47. En 1929,
James48 a fait ressortir la nécessité d'étudier la conscience dans l'espoir de trouver des
moyens d'en améliorer le rendement. Comme plusieurs autres auteurs qui l'ont suivi, James
était convaincu que les êtres humains actualisaient très peu ce potentiel extraordinaire
d'humanité dont ils héritent en naissant.
Lé psychologue William Uttal49 considère le Mind-Body Problem, c'est-à-dire la relation
entre nos corps physique et « l'insubstantielle - mais non moins réelle - vie mentale dont
nous sommes tous personnellement conscients, comme la source d'un nombre de problè-
mes d'une telle ampleur que tous les autres problèmes de la philosophie, de la science et de
la technologie pâlissent dans l'insignifiance en comparaison »50.
Dans la même veine, le psychiatre Kenneth R. Pelletier51 considère que les bouleverse-
ments sociaux, écologiques et individuels qui se déroulent dans le monde sont symptomati-
ques d'une profonde transformation évolutive de la conscience humaine. Il ajoute que:
« People of all times, geographic locations, and cultures have known the intricacies of con-
45
Morin, E. (1990). Introduction à la pensée complexe. Paris : ESF Éditeur, page 20.
46
Certaines données de cette section sont adaptées d'un texte inédit de Gaston Marcotte (2002).
47
http://fr.vvikipedia.org/wiki/Wilhelm Wundt vu le 20-04-2009.
48
James, W. (1929). The Varieties of Religious Experience. Londres : Green and Company.
49
Uttal, W. (1948). The Psychobiology of Mind. New-York : John Wiley and Sons, page 3.
50
Marcotte, G. (2004). Texte inédit.
51
Pelletier, K. R. (1998). Toward a Science ofcousciousness. New-York : Dell Publishery, page 1.
19
chercheurs sur le mental et le rôle essentiel que ces processus mentaux, et tout particuliè-
rement la conscience, jouent dans la vie individuelle et collective des humains. Cependant,
il n'existe pas, actuellement, à notre connaissance, une véritable science du mental et un art
pour le développer, et ce, malgré certains efforts isolés en ce sens. Nous pensons ici aux
efforts du Dr. Alfonso Caycedo qui fonda, en 1960, la Sophrologie et mit en place une éco-
le scientifique qui s'était donnée comme mandat d'étudier la conscience humaine. Nous
savons également qu'à son retour de voyage sur la lune l'astronaute Edgar Mitchell fonda
The Institute for Noetic Sciences dans le but d'explorer la nature de la conscience (cons-
ciousness).
Les découvertes sur le mental et les observations impliquant les fonctions abstraites sont
considérées de façon indépendante et exclusive et sont surtout utilisées dans une approche
curative. On les applique davantage pour guérir ou corriger certaines déficiences humaines
que pour actualiser le potentiel incroyable du cerveau qu'on laisse en friche malgré un be-
soin urgent de plus de conscience dans le monde. Fortin (2003), en reprenant la théorie de
la complexité telle que décrite par Edgar Morin, dénonce fortement cette notion de parcelli-
sation de la connaissance et des conséquences néfastes sur la science elle-même :
Le développement des sciences va de pair avec le développement de la spécialisation. L'histoire
des sciences, à peu de chose près, correspond à la séparation des sciences en disciplines, sous-
disciplines, spécialités, sous-spécialités. Les sciences se sont développées en se fragmentant
toujours plus et en fragmentant toujours plus la réalité.61
Quant aux conséquences sur la pensée développées par les chercheurs sur l'humain, Fortin
s'interroge sur le rapport de la personne à la liberté :
La science semble avoir tranché le débat : nous sommes prisonniers de notre patrimoine généti-
que et notre apparente liberté n'est que soumission aux gènes et à notre hérédité (« biologis-
me », « sociobiologisme »); nous sommes façonnés par la culture et la société (« sociologis-
me », « culturalisme »), façonnés par l'histoire (« historicisme ») qui nous imposent leurs dé-
terminations, leurs codes, leurs normes, leurs règles, leurs interdits. Nous subissons les
contraintes du milieu naturel (l'environnement) et nous ne faisons que réagir passivement à ces
contraintes (« behaviorisme »). Nous sommes biologiquement, sociologiquement, culturelle-
ment, historiquement, écologiquement déterminés.62
Malgré l'ouverture des neurosciences sur le cerveau et la conscience, nous sommes tou-
jours devant une réalité éclatée. Victime de l'approche disciplinaire et expérimentale, le
mental est disséqué. Ses parties sont étudiées séparément par différentes sciences, avec des
méthodes et techniques propres à leur champ de spécialisation.
61
Fortin, R. (2003), op. cit., page 37.
662
2
Ibidem, page 35.
IhiAam narrf. IS
21
Comme nous l'avons mentionné, certaines sciences opposent encore le mental aux émo-
tions, et traitent chacun de ces thèmes en les dissociant et en les isolant. On se retrouve
donc aujourd'hui avec une somme impressionnante et disparate de données scientifiques
sur le mental, sur les émotions et les fonctions physiologiques, mais sans lieu rassembleur
pouvant synthétiser, intégrer et rendre disponibles ces précieuses connaissances sur
l'humain et son développement en vue d'applications possibles dans différents secteurs de
l'activité humaine.63 La plus récente phase développementale de l'humain, le développe-
ment du néocortex, abrite un potentiel dont l'ampleur surprend encore.
Les nouvelles technologies pour étudier le cerveau et son fonctionnement permettent
d'établir des associations intéressantes entre les nouvelles connaissances liées au cerveau et
à la conscience. Ces découvertes révèlent de nouvelles possibilités et ouvrent un champ de
pratique sur les concepts entourant la conscience, tant comme entité individuelle que par
niveaux multiples.
De fait, certains chercheurs placent les phénomènes entourant la conscience au cœur de
l'agir intentionnel des êtres humains. Cet assemblage de connaissances pourrait collaborer
aux efforts de tout être humain dans sa volonté à être heureux. Selon Damasio (2001),
l'impact de cette (re)connaissance du rôle de la conscience est majeur : « Et lorsque les
humains sont incapables d'apercevoir la tragédie fondamentale de l'existence consciente,
ils sont moins enclins à chercher à l'adoucir, et peuvent, de ce fait, avoir moins de respect
pour la valeur de la vie. »M
Beaucoup de connaissances liées à la conscience sensorielle65 et à la métaconscience sont
donc disponibles, mais encore trop éparses et plus ou moins comprises et utilisées, si ce
n'est que de façon trop parcellaire pour être vraiment profitables. Damasio (2002) souligne
la confusion : « Pour certains non-spécialistes, la conscience et l'esprit sont quasiment im-
possibles à distinguer, de même que la conscience et la conscience morale, la conscience et
l'âme, ou la conscience et le spirituel »66. Cette confusion au plan des connaissances entraî-
63
Inspiré d'un texte inédit de Gaston Marcotte. 2002.
64
Damasio, A. R. (2001). L'erreur de Descartes, traduit de l'américain par Marcel Blanc. Paris : Les Éditions
Odile Jacob, page 339.
Le premier niveau de conscience est appelé conscience primaire, conscience noyau ou conscience perceptive, selon les
différents auteurs. Afin d'éviter toute confusion dans notre texte, nous parlerons de conscience sensorielle pour identifier
le premier niveau de conscience sans citer un autre auteur.
66
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, traduit de l'américain par Claire Larsonneur et Claudine
Tiercelin. Paris : Éditions Odile Jacob, page 43.
22
ne, de façon inévitable, des répercussions sur la pratique : « La plus vaste contrée encore
inexplorée est située entre nos deux oreilles. »67 Senge (1991) ne pouvait mieux exprimer
cette réalité déconcertante. Il est par ailleurs difficile d'établir des pratiques liées au poten-
tiel mental et physiologique de façon cohérente tant que les connaissances sont maintenues
isolées les unes des autres.
1.3.2.Le mental comme sujet d'études
67
Senge, P. (1991). La cinquième discipline, traduit de l'américain par Hervé Plagnol. Paris : FIRST Édi-
tions, page 210.
68
Afin de stimuler les recherches scientifiques, le Dalaï-Lama a convié des scientifiques à une série de ren-
contres afin de confronter les points de vue de chacun en regard du fonctionnement du cerveau, de l'esprit et
de la conscience.
Dalaï-Lama. (2000). Le pouvoir de l'esprit, entretiens avec des scientifiques, traduit Patrick Carré. France :
Fayard.
69
Le terme métaconscience, objet de notre étude, sera défini au chapitre 3.
23
humaine.
Une approche transdisciplinaire permet de considérer chacune des sciences susceptibles
d'alimenter un corpus de connaissances requis pour constituer un discours cohérent et logi-
que autour d'un objet d'études: Selon De Koninck (2003), considérer la somme des
connaissances issues de l'ensemble des connaissances générées par chaque champ d'études
comme un tout significatif de l'être humain, « Ce serait n'avoir rien compris ».™ II en est
de même du mental.
Certes, faire le tour d'une université en s'arrêtant à chaque discipline particulière permettrait
d'additionner bout à bout les points de vue et donc les abstractions ou les réductions possibles -
ce ne serait à vrai dire que le début d'une série infinie - auxquelles on pourrait soumettre le
même être concret, et pourquoi pas tout de suite le plus concret et le plus complexe d'entre eux,
l'être humain? Physique, biologie, chimie, mathématiques, anthropologie, psychologie, socio-
logie, économie, sciences politiques, sciences religieuses, littérature, beaux-arts, linguistique,
histoire, géographie, etc., etc., toutes ces disciplines ont quelques aspects indispensables de
l'être humain à révéler, mais chacune n'en offre ce faisant, qu'une part infime.71
70
De Koninck, T. (2003). En préface de Comprendre l'être humain, par Robin Fortin. Québec : Éditions
D.PUL, page 14.
71
Ibidem.
72
Marcotte, G. (2004). Texte inédit.
24
Les découvertes des quinze dernières années, en psychologie, en sciences cognitives, in-
cluant surtout les neurosciences, entre autres, rendent disponibles les éléments d'un art et
d'une science du mental. Malgré ce fait, les connaissances sur le .mental et, surtout, sur les
processus mentaux sont très peu exploitées lors des activités humaines. Intégrer ces
connaissances dans un but pratique permettra d'améliorer la qualité de la gestion humaine
en entreprise, mais aussi, cela rendra ces connaissances applicables dans tous les secteurs
de l'activité humaine. Une telle intégration des connaissances exige cependant une nouvelle
conception du potentiel des facultés mentales de la part de tout gestionnaire dont les res-
ponsabilités professionnelles ont un impact sur la qualité de vie d'êtres humains et sur
l'environnement.
Ce changement de paradigme requiert une bonne compréhension du fonctionnement des
processus mentaux, donc du cerveau. Cette nouvelle conception permettrait aux gestionnai-
res de mieux saisir la portée du développement et de l'utilisation consciente de leurs cartes
mentales. Edelman et Tononi (2000) ont bien démontré, avec le concept de réentrée,
l'importance de l'expérience consciente. Les fonctions du néocortex, par l'actualisation
integrative des processus mentaux (perception, sensation, émotion, mémoire, créativité,
etc.), doivent être exploitées de façon consciente afin d'influencer positivement les compor-
tements humains.
Les actionnaires, tout comme les gestionnaires et les employés de niveau opérationnel sont
avant tout des êtres humains dotés d'un cerveau exécutant des fonctions mentales. Chaque
être humain est unique et est doté de facultés mentales en potentiel. Nous savons aussi que
chaque individu normalement constitué peut utiliser ses fonctions mentales pour actualiser
son potentiel.
Le fait qu'il n'y ait pas de programme de formation sur la métaconscience, ses caractéristi-
ques, ses exigences de développement et ses obstacles engendre des répercussions sur la
façon dont les gestionnaires assument leurs responsabilités personnelle, sociale et profes-
sionnelle. De ce point de vue, nous sommes d'accord avec Argyris (1998) : « One of the
25
most helpful things we can do in organizations - indeed, in life - is to require that human
beings not knowingly kid themselves about their effectiveness. »73 L'humain doit prendre
conscience de son potentiel mental et l'actualiser afin d'être plus efficace dans la réalisation
de ses projets personnels, sociaux et professionnels.
À l'instar des différentes espèces animales, l'humain naît avec des potentialités à dévelop-
per. La plupart de celles-ci se développent à partir des sens et des émotions. Chez les ani-
maux, par exemple, les dimensions affective, sociale (bien que de façon élémentaire),
sexuelle, corporelle et écologique se développent de façon naturelle et instinctive. Se réfé-
rant à la conscience sensorielle, elles sont interdépendantes et permettent à l'espèce de sur-
vivre et de se reproduire, ce qui est le but de leur vie. Marcotte (2006) reprend l'analogie
suivante : « Le lion deviendra tout à fait lion si sa niche écologique lui procure les éléments
nécessaires à la satisfaction de ses besoins fondamentaux. L'être humain, par contre, n'est
pas programmé pour réaliser automatiquement son développement optimal. »74 Sans une
éducation axée sur l'actualisation des processus mentaux et plus spécifiquement sur la mé-
taconscience, les humains se privent d'un métaprocessus qui sous-tend leur autonomie, leur
créativité et leur moralité.
Cette représentation de l'humain permet de mieux saisir les causes de certains manques en
ce qui a trait au développement humain lié au mental. L'éducation, telle qu'elle est prati-
quée dans l'ensemble des sociétés actuelles, incite les gens à acquérir des connaissances
pratiques, techniques et scientifiques sur tous les sujets imaginables, mais valorise peu les
connaissances liées au processus d'humanisation.
Les connaissances fondamentales sur l'évolution de l'espèce, les conditions optimales du
développement de son potentiel humain, et le bon fonctionnement de son être dans ses rap-
ports avec la réalité, la vie, lui-même, autrui, la société, l'humanité et l'environnement, sont
grandement négligées.
Les humains utilisent donc leurs différents processus mentaux pour répondre à leurs be-
soins, sans vraiment les connaître et les distinguer de leurs désirs et de leurs aspirations, ni
voir les liens d'interdépendance dans la conduite de leur vie personnelle, sociale et profes-
sionnelle. Ceci les amène parfois à poser des gestes dont la portée peut sembler inconceva-
73
Argyris, C. Empowerment: The emperor's clothes. Harvard Business Review, (mai-juin 1998), page 105.
74
Marcotte, G. (2006), op. cit., page 44.
26
ble. L'exemple de M. Paulson, qui a encaissé 3,7 milliards de dollars en spéculant sur
l'endettement à risque de milliers d'Américains, ce qui devait conduire à la crise hypothé-
caire de 200775, traduit bien ce qui peut être considéré comme un geste parfaitement légal,
mais très immoral. Les résultats, tant aux plans personnel, organisationnel que planétaire,
de décisions basées sur des paramètres liés à l'acquisition de biens, se prennent trop sou-
vent au détriment de l'intégrité humaine. Fromm (1978) cite le prix Nobel de la Paix de
1952, Albert Schweitzer, pour illustrer le paradoxe de l'évolution de l'humain et le sous-
développement de ses processus mentaux : « L'homme est devenu un surhomme... Mais le
surhomme, avec sa puissance surhumaine, ne s'est pas haussé au niveau de la raison sur-
humaine. Plus sa puissance grandit, plus l'homme s'appauvrit... » 7<s
Le management efficace peut donc se distinguer, voire aller à l'encontre du management
éthique et moral. Nous attribuons ce manque au sous-développement des processus men-
taux. Goleman (1997), Pauchant (2000), Kegan (2001), Bohm (2003) et plusieurs autres
dénoncent l'état de crise existentielle, et questionnent les pratiques qui ne considèrent pas
l'être humain dans sa complexité et sa transdisciplinarité. Ces auteurs instaurent la quête de
sens, l'individualité et la gestion des émotions au cœur de leurs préoccupations. À l'instar
de ces auteurs, nous constatons qu'une conception évoluée du fonctionnement des proces-
sus mentaux chez l'être humain doit être développée.
Nous remarquons, dans les propos de ces mêmes auteurs, un sentiment d'urgence à modi-
fier la conception actuelle qu'ont les gestionnaires de leur situation au travail. Nous enten-
dons par « conception » plus que les définitions du Nouveau Petit Robert11 : une représen-
tation, une intellection, une opinion. Navel (2007) précise en citant Potvin et Thouin : « . . . ,
une sorte de modèle personnel qu'un individu a d'un phénomène scientifique et qu'il utilise
pour interpréter la réalité physique qui l'environne. »78 La conception de la conscience du
gestionnaire en regard de sa situation au travail influence directement ses attitudes, ses
comportements et ses décisions. Il est donc urgent de rassembler les connaissances sur le
mental afin d'assurer une conception toujours plus juste. Nous nous référons à Navel
(2007) pour mettre en perspective quelques caractéristiques d'une conception (tableau 8),
75
L'actualité : « Le chiffre 3,7 milliards ». fl"juin 2008). Vol. 33, no 09, page 13.
76
Fromm, E. (1978). Avoir ou être. Paris : Éditions Robert Lafont, page 19.
77
« Conception », Le nouveau petit Robert de la langue française 2007, Paris : Robert, page 493.
78
Navel, C. (2007). Pertinence de l'intégration d'une conception explicite et complexe de l'être humain chez
l'enseignant. Examen de thèse de doctorat. Québec : Faculté des sciences de l'éducation Université Laval,
page 31.
27
lesquelles nous permettront de mieux adapter notre proposition et de contourner les obsta-
cles qu'elle pose :
• Une conception est généralement ancrée depuis longtemps dans la tête de la personne.
• Une conception présente peut résister à de nouvelles idées et à certaines stratégies
d'enseignement. Elles interfèrent positivement ou négativement sur l'apprentissage.
• Une conception peut servir de point d'appui sur lequel on peut construire ou faire évoluer, voire
déconstruire pourreconstruiresa compréhension.
• Une conception est considérée comme étant un élément de la compréhension.
Le maintien des conceptions actuelles dans les organisations encourage une propension à
vouloir uniformiser les modes de penser plutôt que de susciter les débats d'idées et de met-
tre en valeur les ressentis des travailleurs pour rénover leurs conceptions et, par le fait mê-
me, leurs pratiques.
Cette stagnation conceptuelle représente un des pièges les plus sournois de tout gestionnai-
re et superviseur. Ces derniers ont la conviction que leur conception des modes de gestion
est partagée par tous. Ils s'attendent donc à ce que leurs pairs et leurs subordonnés manifes-
tent des comportements et attitudes similaires aux leurs. Ils s'attendent à ce que devant une
situation ou une information, les autres pensent comme ils auraient eux-mêmes pensé dans
la même situation. Ainsi, on entend souvent : « Comment a-t-il pu réagir de cette fa-
çon!?!? » « C'est bien évident que ça voulait dire ça... Je ne comprends pas qu'il n'ait pas
compris... » Selon Greenspan (1998), cette attitude résulte de la propension de l'adulte à
projeter ses sentiments, émotions et niveaux de conscience sur une personne par rapport à
laquelle on se trouve en position d'autorité. :
Mais outre nos sentiments et émotions, et de façon encore plus accentuée et peut-être encore
moins reconnue, nous projetons aussi sur [autrui] notre structure mentale et notre niveau de
conscience. Une personne capable de réfléchir au moins sur certaines de ses émotions
s'imaginera facilement que tout un chacun en fait autant.80
Cette attitude semble ankyloser le gestionnaire dans sa quête de sens. Pauchant (1996) dé-
nonce cette façon de gérer qui encourage l'obéissance à ces conceptions valorisant la per-
formance, et ce, peu importe le prix humain qu'il en coûte, lorsqu'il écrit que «... la quête
de l'excellence poursuivie dans de nombreuses entreprises actuelles mène en fait à une per-
79
Inspiré de Navel (2007).
80
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend. Paris : Éditions Odile Jacob, page 179.
28
te de l'existence. »81 D'autre part, par l'exploitation des notions de l'intelligence émotion-
nelle (Goleman 1995, 1998) ainsi que par l'usage du pouvoir et de l'influence à travers les
codes moraux reconnus, le gestionnaire, en tant qu'être humain, semble avide de se recon-
naître en tant qu'être accompli et pleinement conscient de sa joie de vivre, tant dans le ca-
dre de ses activités professionnelles que personnelles et sociales.
Une meilleure compréhension du fonctionnement des différents processus mentaux, de
leurs fonctions et tout particulièrement de la métaconscience permet le développement
d'une conscience morale. Nous rejoignons en ce sens l'idée de Howard (1996) :
La tendance actuelle vers une politisation de la vie d'organisation, vue sous son aspect le plus
positif, représente la quête d'un fondement moral dans notre vie. De nos jours, le désespoir qui
se cache derrière cette quête est presque palpable*2.
Dans « In Over Our Head », Kegan (1994) met l'accent sur les exigences grandissantes de
la vie moderne sur le mental. L'auteur estime que seul un changement qualitatif dans la
complexité de notre mental pourra conduire à la maîtrise de ces nouvelles exigences :
«... our current cultural design requires of adults a qualitative transformation of mind »83.
Or, quand Kegan parle d'une transformation qualitative du mental, il entend par là un chan-
gement de niveau de conscience (cousciousnesss thresholds). Il ressort, à la lecture de Ke-
gan, que l'évolution de la conscience est essentielle au développement des êtres humains et
à leur capacité de répondre efficacement aux demandes nombreuses, variées et complexes
de la. vie postmoderne. En avançant que la conscience est un fabricant de sens qui évolue
constamment, Kegan en fait l'élément central de tout processus d'humanisation. Considé-
rant le coût exorbitant du maintien des conceptions limitatives sur ce plan, l'urgence d'agir
en matière de développement des compétences mentales prend tout son sens.
Un jour, les humains disposeront sûrement d'une science et d'un art du mental qu'ils appli-
queront à différents secteurs de l'activité humaine tels que l'éducation, la recherche, les
affaires et la médecine de la même façon qu'on s'efforce de le faire actuellement dans le
sport. Notre travail est beaucoup plus modeste. Il vise à définir et à caractériser ce que nous
considérons être un métaprocessus mental au cœur de toute identité humaine et responsable
ultime de notre degré d'humanité.
81
Pauchant, T. (1996). La quête du sens. Montréal : Les Édition HEC, page 101.
82
Howard, S. et Schwartz, H. S. (1996). « Reconnaître les dimensions sinistres de la vie organisationnel le »,
dans La quête de sens. Pauchant, T. Montréal : Les Éditions HEC, page 138.
83
Kegan, R. (1994). In Over Our Heads. Cambridge : Harvard University Press, page 11.
29
Depuis environ deux décennies, nous assistons à une prolifération de programmes offrant à
tout gestionnaire l'occasion ultime de devenir un vrai coach ou un « leader nouvelle géné-
ration ». Un des principaux constats de cette vague de formation est le caractère « fast
food » de plusieurs de ces initiatives. Bien que développées selon les principes des théories
de l'apprentissage éprouvées (béhaviorisme, constructivisme, socioconstructivisme, cogni-
tivisme, etc.), les formations sur la maîtrise personnelle et les sessions de coaching indivi-
duel semblent produire des effets limités et à très court terme. On vous offre de devenir un
coach en trois jours ou deux semaines, pour un prix modique allant de 1 500 $ à 15 000 $.
Les concepts présentés sont, le plus souvent, très valables, mais l'intégration n'est pas in-
cluse dans le prix. Ces ateliers visent à modifier les comportements de façon instantanée.
Comme si l'être humain pouvait modifier des schemes mentaux et des attitudes acquises
sur une période de 20 à 60 ans après une session de trois jours ou de deux semaines. Ces
pratiques permettent, somme toute, de se donner bonne conscience; mais elles ne permet-
tent pas de modifier ses conceptions, d'actualiser son potentiel mental, et d'acquérir une
plus grande conscience et efficacité de sa métaconscience à long terme.
Que ce soit pour « devenir leader », « changer ses processus mentaux » ou toute autre nou-
velle approche de gestion, il est nécessaire de bien se connaître et de reconnaître les poten-
tialités humaines dans toutes leurs dimensions. Ensuite, nous pouvons évaluer le paradigme
de la formation et du coaching. En ce sens, nous sommes d'accord avec Goleman (1999) :
« Trop souvent ces programmes trahissent une évaluation indigente des besoins. Mal
conçus et mal appliqués, ils ne peuvent avoir qu'un impact tout à fait dérisoire sur
l'efficacité professionnelle des participants, w85
Les formations visant le leadership, le coaching et toute forme de compétence dite émo-
tionnelle nécessitent l'acquisition de connaissances fondamentales sur le fonctionnement
humain afin d'avoir un impact signifiant sur les compétences humaines, lesquelles se reflè-
tent dans toutes activités personnelles, sociales et professionnelles.
Le travailleur a donc un pouvoir sur sa façon de percevoir son travail et sa qualité de vie au
travail. Ce pouvoir est lié, selon Morin (2000), à la : « conscience à la fois du caractère
85
Goleman, D. (1999). L'intelligence émotionnelle 2. Paris : Éditions Robert Lafont, page 304.
31
complexe de son identité et de son identité commune avec tous les autres humains »86.
Marcotte (2006) ajoute, en parlant de cette prise de conscience du potentiel de l'humain et
des moyens pour l'actualiser : « Nous deviendrons de plus en plus conscients que la qualité
de nos vies dépend directement de la qualité de nos rapports avec nous-mêmes, autrui, la
société, l'humanité et l'environnement.»87 Ces rapports découlent de la qualité des valeurs,
des principes et des normes qui guident les comportements humains. Et ces valeurs, ces
principes et ces normes qui fondent l'éthique, devraient découler des exigences de bon dé-
veloppement et de bon fonctionnement de l'être humain dans ses nombreux rapports avec
la réalité, la vie, lui-même, la société et l'environnement. Dans de nombreux rapports, les
rapports intersubjectifs sont cruciaux dans la construction, par la métaconscience, de son
identité.
L'environnement de travail constitue un milieu de vie pour le gestionnaire. C'est aussi un
lieu dans lequel nous retrouvons un climat de double contrainte. Kegan (2001) l'exprime de
la façon suivante :
The thinking of people like Argyris and Torbert and those who are interested in workplace de-
mocracy (Hecksecher, 1978, 1979; Mackin, 1979) informs us not only about what such settings
might look like, but what some experiments - of greater and lesser self-consciousness - actually
do look like. At any rate, we can see how such an environment, as opposed to traditional bu-
reaucratic settings, supports a qualitatively different evolution of meaning.88
Le gestionnaire doit donc prendre conscience de son état émotif en regard de la double
contrainte dans laquelle il se trouve avant d'ambitionner de contrôler lui-même la régula-
tion de ses émotions et d'améliorer ses chances d'éviter les symptômes liés aux émotions
négatives.
Kegan (2001) compare le comportement des adultes au travail à la propension des parents à
occulter l'esprit critique de leur enfant. Dans le passage suivant, il met en perspective un
aspect du phénomène d'adaptation à une culture d'entreprise déviante par des comporte-
ments à tendance dépressive :
The traditional workplace overholds. ideological adulthood just as surely as a mother and father
can overhold a five-year-old by failing to contradict her "subjective" confusion or her impulses
with those of her parents. And just as surely as her inability to separate can manifest itself in
depression or a depressive equivalent such as school phobia, an ideological adult with no sup-
ports for development beyond the institutional, who is overheld or struggling at all costs to res-
ist a new emergence from embeddedness, is vulnerable to depression or a depressive equivalent
1
Morin, E. (2000). Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, op. cit., page 13.
Marcotte, G. (2006), op. cit., page 73.
Kegan, R. (2001). The Evolving Self Cambridge: Harvard University Press, page 247.
32
such as workaholism.
Senge (1996) et Goleman (1997, 1998) font état de la nécessité, pour le gestionnaire, de
développer les compétences dites émotionnelles et relationnelles. Ils en définissent certains
paramètres dont le premier est la conscience de soi. Marcotte (2006) dénonce, pour sa part,
un vide à combler en matière d'outils et de processus d'enseignement et de formation dont
l'objectif vise le développement des potentialités mentales.
Alors que Senge soutient l'importance de connaître les fondements de l'organisation, Go
leman insiste plus fortement sur le volet relationnel. Marcotte, pour sa part, met en perspec
tive le potentiel mental à développer. Le tableau 9 illustre le parallèle des modèles proposés
par ces auteurs. Notons que la maîtrise de soi (métaconscience chez Marcotte) et la cons
cience de soi (vision personnelle chez Senge) apparaissent dans les trois approches.
Senge Goleman
Marcotte
Acquérir la maîtrise Compétences émotionnelles et
Processus mentaux à actualiser
personnelle sociales élémentaires
L'esprit de l'organisation intelli Humanisation
gente
La maîtrise personnelle, une La maîtrise de soi Métaconscience
discipline
La vision personnelle La conscience de soi ■ La conscience de soi
Maintenir une tension créatrice La créativité
Le conflit structurel
La motivation
L'empathie
La raison
Le langage
L'apprentissage/la mémoire
Les aptitudes humaines
La volonté
La moralité
L'autonomie/la liberté
Une pratique visant le développement humain quant à tous ses potentiels mentaux doit in-
tégrer un langage commun et accessible afin de simplifier la compréhension et
l'applicabilité des processus humains. Les différentes pratiques convergent de façon quasi
incontournable vers la conscience. Certaines pratiques voient la conscience comme un tout
alors que certains auteurs la voient comme un processus et proposent d'en considérer diffé-
rents niveaux.
Il serait illusoire de prétendre modifier nos attitudes et nos comportements de façon défini-
tive sans une compréhension fondamentale du processus humain qui nous gouverne tant au
plan conscientiel, émotionnel que rationnel. En tant que professionnelle œuvrant dans une
grande entreprise dans le secteur du développement des compétences dans le département
de la gestion des ressources humaines, nous avons cherché des programmes de formation
de développement humain, individuels ou de groupe, et efficaces à long terme. Finalement,
toujours insatisfaite des résultats obtenus, nous avons quitté un travail régulier, et repris la
rédaction de notre thèse de doctorat amorcée cinq ans plus tôt, à temps partiel. Il nous appa-
raissait clair que la problématique de la domination de l'humain par le travail méritait d'être
mieux documentée. Quels sont les principaux paramètres du développement personnel chez
l'adulte au travail? Comment composer avec le concept de la double contrainte, sournoise-
ment présente et ravageuse? Comment conscientiser les davantage les gestionnaires à cette
double contrainte?
Tout en consacrant beaucoup de temps à la rédaction de notre thèse, il est toutefois néces-
saire de subvenir à nos besoins financiers. C'est donc en tant que consultante en gestion et
enseignante en management que nous expérimentons les modèles de formation et de coa-
ching basés sur les concepts courants de motivation et d'actualisation de soi. Il apparaît de
plus en plus évident que parmi les facteurs de succès de première ligne, nous retrouvons
l'importance de bien connaître les modes de fonctionnement fondamentaux par lesquels
l'être humain se développe. Une bonne compréhension de la puissance de la conscience, de
la conscience de soi, de la conscience des autres et de son environnement nous a amenée à
explorer le niveau meta de la conscience et de son potentiel de développement et d'action.
Considérant que nous consacrions le plus clair de notre temps à la rédaction de la thèse et
que le travail de consultation auprès des gestionnaires se faisait à temps partiel, notre expé-
rimentation s'est faite en regard de notre rédaction. Il aurait en effet été hasardeux
d'impliquer un gestionnaire dans une démarche dont nous n'avions pas encore expérimenté
34
90
Kegan, R. (2001). The Evolving Self, traduction libre, op. cit., page 1.
91
Ibidem, page 6.
35
compose meaning, which we often experience as the loss of our own composure. ».92 Puis-
que le sous-développement mental est une source importante des problèmes vécus par les
gestionnaires, on peut supposer qu'une meilleure connaissance de la métaconscience leur
permettrait de la développer et de la maîtriser. Cette prémisse a guidé notre recherche.
1.5. BUT ET OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
o Dans quelle mesure est-il possible de dégager les approches d'enseignement pour
aider les gestionnaires à développer leur métaconscience?
o Quels sont les principes pédagogiques et les conditions à respecter pour élaborer
une formation sur les caractéristiques, les exigences de développement et les obsta-
cles de la métaconscience aux gestionnaires?
Afin de répondre adéquatement à notre problématique de départ, nous avons convenu
d'utiliser une méthodologie à quatre temps de Rowe (2002) que nous décrivons dans le
prochain chapitre.
92
Ibidem, page 11.
36
CHAPITRE II :
MÉTHODOLOGIE
93
Huberman, A. M. et Miles, M. B. (1991). Analyse des données qualitatives. Bruxelles : De Boeck - Weas-
mael, page 32.
94
Ibidem, page 33.
Rowe, F. et al. (2002). Faire de la recherche en système d'information. Paris : Vuibert, page 22.
37
répondre à certaines questions de recherche, l'utilisation de plus d'une approche est souhai-
table. Il aborde la question de la méthode de recherche sous l'angle épistémologique. Il met
en perspective trois courants majeurs pour appuyer ses choix : le normatif, le descriptif et le
phénoménologique. Premièrement, il met en parallèle les courants positivistes et le cons-
tructivisme en soulevant le caractère normatif des deux approches, tout en y dégageant les
oppositions :
Positivisme et constructivisme fixent des critères à la recherche, ils sont normatifs. Le positi-
visme estime que l'épistémologie concerne la validité des connaissances. Il propose le critère de
falsification : on doit prouver que les hypothèses sont fausses (Popper, 1972). Le constructivis-
me considère que l'épistémologie est l'étude de la constitution de connaissances valables (Pia-
get, 1967)."
96
Ibidem.
97
Ibidem.
98
Torlak, G. N. (2002). « Reflexions on Multimethology ». Systemic Practice and Action Research, vol. 14,
no 3, 2001, page 310.
99
Ibidem.
38
Les différentes méthodes mettent en valeur, considérant des ressources intellectuelles vala-
bles, des caractéristiques cataloguées en quatre parties :
Problématique
La question de recherche
Théorisation Objectivation
Le résultat L'objet de recherche
Expérience
L'origine des connais-
sances
101
Figure 1 : Questions de recherche dans l'histoire de la science
Nous avons appliqué cette méthode à notre processus pour mettre en perspective les carac-
téristiques de notre métaconscience. Notre question de départ était directement liée au
comportement des gestionnaires et aux conséquences de leurs décisions. L'objet de la re-
cherche couvre dans un premier temps la métaconscience, et ensuite, les approches pédago-
giques valables pour en enseigner les caractéristiques, les exigences et les obstacles. Les
connaissances sont issues majoritairement de la littérature.
Notre expérience a contribué à valider, à compléter et à consolider les connaissances dispo-
nibles pour identifier les caractéristiques, les exigences de développement et les obstacles
de la métaconscience. Les outils, les pratiques et les exercices pédagogiques ont été les
éléments contributifs du changement.
Considérant les objectifs à atteindre pour répondre à nos sous-questions de recherche, le
pluralisme méthodologique comme proposé par Rowe (2002) nous semble pertinent.
De fait, nous aborderons notre recherche avec trois modes d'analyse.
L'analyse conceptuelle nous permettra de retirer des écrits les plus pertinents les connais-
sances sur la métaconscience et d'en dégager les caractéristiques, les exigences de dévelop-
pement et les obstacles à son fonctionnement.
L'analyse de cas nous amènera à formuler les principes et les paramètres se dégageant de
notre expérience personnelle.
L'analyse de principes pédagogiques et d'approches d'enseignement nous conduira à
produire une grille regroupant les principaux paramètres à considérer pour l'enseignement
de la métaconscience.
L'analyse conceptuelle favorise la construction d'un schéma d'interprétation des données
recueillies sous une forme explicite quant à l'objectif visé, comme mentionné par Huber-
man et Miles (1991) :
Un cadre conceptuel décrit, sous une forme graphique ou narrative, les principales dimensions à
étudier, facteurs-clés ou variables-clés et les relations présumées entre elles. Un cadre peut
prendre plusieurs formes et formats. Il peut être rudimentaire ou élaboré, basé sur la théorie ou
sur le bon sens, descriptif ou causal.'02
Ainsi, nous sommes en mesure de considérer les quatre questions soumises plus tôt pour
construire notre cadre conceptuel afin d'atteindre notre premier objectif.
102
Huberman, A. M. et Miles, M. B. (1991). Analyse des données qualitatives. Bruxelles : Éditions De
Boeck-Wesmael, page 49.
40
Pour aborder le sujet de la métaconscience, il nous est clairement apparu que nous devions
satisfaire à des critères de collecte de données pertinentes à notre sujet d'étude. Nous ras-
semblerons les connaissances appropriées à la conscience et à la métaconscience selon les
philosophes, les psychologues, les neurologues et les biologistes. Regrouper ces connais-
sances nous permettra de mettre en perspective les caractéristiques de la métaconscience.
-2.1.3.L'expérience
Une recherche sélective des documents les plus récents sur la conscience et la métacons-
cience permettra de rassembler les connaissances nécessaires. Compte tenu de la masse de
documents publiés sur la conscience et la métaconscience, nous avons élaboré au départ
deux grilles de sélection afin de bien cibler cette recension d'écrits. Cela nous permettra
d'éviter des pertes de temps et d'optimiser l'efficacité de la recherche. Les éléments de la
grille de sélection pour la recherche sur la conscience sont présentés au tableau 10 et ceux
sur la métaconscience au tableau 11.
La recherche documentaire doit fournir suffisamment de connaissances pour favoriser
l'élaboration d'un paradigme de la métaconscience. Elle doit également permettre de déga-
ger les caractéristiques de la métaconscience ainsi que les exigences de développement et
ses obstacles. Ces connaissances constitueront une large part du contenu d'un programme
de formation.
41
Importance de la conscience
Bref historique de l'étude sur la conscience
Définition des concepts clés
Évolution du cerveau
Structure du cerveau
Processus mentaux
Différentes consciences
Importance de la métaconscience
Structure et fonctionnement
Caractéristiques
Fonctions
Processus de conscientisation
Niveaux de conscience
Contenus de la métaconscience
Sources de contenu
Tableau 11 : Grille de sélection pour la recherche documentaire sur la métaconscience
De fait, cette recherche documentaire synthétisera les plus récentes découvertes sur la mé-
taconscience. À partir de ces informations, il sera possible de présenter une conception plus
claire et précise de la métaconscience et de son fonctionnement.
Nous nous inspirons, pour cette quête de connaissances, sur la conscience et la métacons-
cience d'auteurs reconnus pour la valeur de leurs découvertes et la richesse de leurs dé-
monstrations scientifiques en regard du développement de la conscience et de
l'interprétation qu'ils font des différents niveaux de conscience.
Nous aurons particulièrement recours à l'analyse descriptive dans le but d'illustrer l'état
actuel de l'avancement de la recherche quant aux neurosciences et aux sciences cognitives.
Nous considérons les avancées de ces champs de recherche comme étant un cadre de réfé-
rence pertinent à notre problématique.
Cette expérience nous a permis de réaliser une première grille synthèse pour le volet
conceptuel de la métaconscience.
2.1.4. La théorisation
Développer, à la lumière des connaissances acquises, sur la métaconscience et sur les mé-
thodes d'entraînement, les principes pédagogiques et les méthodes d'enseignement à établir
et à respecter dans le cadre de la formation visant l'utilisation des caractéristiques de la
métaconscience chez les gestionnaires.
2.2.1. La question
o Quels sont les principes pédagogiques et les paramètres à respecter lors de la forma-
tion et de l'accompagnement du gestionnaire en regard des caractéristiques et des
exigences du développement de la métaconscience?
2.2.2.L'objectivation
Le but sera de cerner les principes pédagogiques et les considérants en regard du sujet et
des participants dans la perspective du développement d'une formation sur la métacons-
cience s'adressant à des gestionnaires.
2.2.3.L'expérience
103
James, W. (1926). Introduction à la philosophie. Paris : Librairie des sciences politiques et sociales, pa-
ge 17.
43
104
Edelman, G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience. Paris : Éditions Odile Ja-
cob, page 30.
Daniel C. Dennett (2002). «How could I be wrong? How wrong could I be?» Journal of Counciousness
Studies. (13 Janvier 2002). Center for Cognitive Studies.Tufts University. Medford, MA 02155.
106
Wilber, K. An Integral Theory of Consciousness. Journal of Consciousness Studies, vol. 4, no 1, Imprint
44
Bohm (1980), Argyrys et Shôn (2000), entre autres, ont par ailleurs démontré la validité de
recherches empiriques répondant à des principes plus évolutifs. Ces recherches reconnais-
sent le caractère récursif des interactions entre l'objet, le sujet et l'environnement. Ils font
de plus état de la boucle reflexive de l'objet envers lui-même. Cayer (1996), dans sa re-
cherche doctorale en management sur l'application des principes du dialogue de Bohm, fait
état de la valeur que peut avoir une approche holistique lors d'échanges entre personnes
autour d'un sujet de discussion. La volonté de ces chercheurs de reconnaître la validité
d'une démarche reconnaissant le caractère subjectif et holistique d'une recherche semble
manifeste.
De ce fait, la chercheure, dans le but avoué de considérer les recommandations des princi-
paux auteurs, a fait l'expérience des principales caractéristiques de la métaconscience dans
le cadre de son projet de rédaction de thèse comme sujet d'étude afin d'y valider les princi-
paux fondements parallèlement à ses découvertes. Nous sommes consciente du fait que de
proposer que la chercheure soit à la fois l'objet et le sujet d'étude puisse susciter des ques-
tionnements quant à la valeur scientifique de cette recherche. Cependant, nous estimons que
le but recherché par la présente recherche ne pourra pas, si l'on en croit les auteurs men-
tionnés plus avant, être atteint uniquement avec l'approche positiviste. Voilà pourquoi nous
avons jugé pertinent d'ajouter une démarche pratique afin d'avoir une connaissance non
seulement théorique, mais existentielle de la métaconscience.
Afin d'adapter la méthode à notre problématique, nous empruntons aux recherches en sys-
tèmes d'information le concept redéfini de la recherche qualitative. À cet égard, inspirée
par le collectif coordonné par Rowe (2002), nous adapterons la méthode du journal de bord
aux perspectives de la recherche qualitative énoncées : « Toute recherche (quantitative ou
qualitative) est fondée sur des principes sous-jacents concernant ce que constitue une re-
107
Pour l'analyse des approches d'enseignement, nous évaluerons quatre approches, utilisées
par des auteurs reconnus et dont les travaux sont documentés, pour former les gestionnaires
sur les compétences humaines. Plusieurs articles des revues spécialisées en management et
en éducation109 abordent le développement de l'être humain au travail. Les auteurs propo-
sent des articles visant à comparer les impacts de différents modes de formation afin de
mieux comprendre les phénomènes humains en gestion. Ces articles mettent en perspective
les modèles de développement humain en considérant les découvertes des nouvelles scien-
ces. Ces chercheurs sont des sources d'information et d'inspiration pour notre démarche.
Puisqu'ils s'intéressent aux mêmes problématiques que nous, ils nous inspirent quant à la
direction à donner à notre analyse.
Une grille comparative permettra de dégager les principaux principes pédagogiques appli-
cables au but de notre recherche. L'analyse de ces approches devra permettre de mettre en
perspective les principaux facteurs à considérer lors de la conception d'un programme de
formation des gestionnaires en situation de travail. Nous mettrons en perspective les princi-
pes pédagogiques mis de l'avant par ces quatre approches d'enseignement quant au déve-
loppement humain auprès de gestionnaires.
2.3.1. La théorisation
Le résultat de l'analyse des approches d'enseignement sera présenté sous la forme d'un
tableau comparatif des quatre approches analysées en fonction des critères permettant
d'évaluer la pertinence des approches utilisées en regard du contenu visé par notre recher-
che, soit la métaconscience. Ce tableau met en perspective les méthodes suivantes :
Approches analysées
1- Kolb : l'apprentissage expérientiel.
2- Mintzberg : la récursivité r^ ~ ^
expérience théorie
t_ _|
109
Citons, entre autres, International Journal of Value Based Management, Teaching Business Ethics et Jour-
nal of Adult Development.
47
La conclusion de la recherche doit être argumentée par des données dont la validité est dé-
montrée. Pour ce faire, Huberman et Miles (1991) proposent ce qu'ils appellent des tacti-
ques d'interprétation des données : « Il existe toujours une multitude de tactiques spécifi-
ques d'analyse, permettant d'élaborer et de vérifier des conclusions, que l'analyste emploie
tout au long du processus. » "° Ces auteurs exposent le problème de la validation des don-
nées qualitatives de la façon suivante : «... il n'existe pas de canons, règles de décision,
algorithmes, ou même d'heuristique reconnue en recherche qualitative permettant
d'indiquer si les conclusions sont valables et les procédures solides ». Gohier (2001), à
l'instar de Huberman (1991), cite Guba (1981, 2000) : «Ces derniers [Lincoln et Guba,
2000] parlent plutôt de validité et d'authenticité de la démarche ».'12
permettra l'émergence d'une nouvelle information possédant les qualités et les capacités
nécessaires à cette heuristique pour développer la connaissance d'un sujet aussi subjectif
que la métaconscience.
Les approches recensées sont conceptualisées et éprouvées par des auteurs et des praticiens
dont la renommée est garante de la validité de leur pertinence dans le domaine de la forma-
tion s'adressant à des gestionnaires. Les critères d'analyse sont basés sur des considérations
pédagogiques reconnues et efficaces. Comme le mentionnent Marquis et al. (1995) :
Si nos progrès dans cet apprentissage [langue nouvelle] sont importants, nous sommes d'abord
redevables à l'enseignant d'avoir favorisé cet apprentissage. Nous avons ici de bonnes raisons
de croire que cet enseignant a su choisir une formule pédagogique appropriée . . . l u
2.5. LA TRIANGULATION
" 3 Marquis, D., Lavoie, L. et Chamberland, G. (1995). 20 formules pédagogiques. Québec: Presses de
l'Université du Québec, page 2.
49
Considérant le fait que la présente recherche soit constituée de trois modes d'analyse diffé-
rents, la validation des conclusions doit permettre de dégager les émergences de la combi-
naison des trois synthèses : « Essentiellement, la triangulation est supposée confirmer un
résultat en montrant que les mesures indépendantes qu'on en a faites vont dans le même
sens, ou tout au moins ne le contredisent pas. »114
Selon Jacobsen115, les quatre principes à respecter pour la triangulation sont ceux présentés
au tableau 14 :
• La question de recherche doit être claire.
• Les forces et les faiblesses de chaque méthode doivent être complémentaires.
• Les méthodes de collecte de données doivent correspondre à la nature du phénomène étudié.
• L'approche utilisée doit faire l'objet d'une évaluation continue tout au long de la recherche.
Tableau 14 : Les quatre principes à respecter lors d'une analyse par triangulation
Nous considérons que les méthodes de cueillette de données ainsi que le processus suivi
lors de la recherche en cours satisfont à ces critères. De ce fait, nous utiliserons la méthode
de triangulation, illustrée à la figure 2, pour dégager les principales conclusions de notre
recherche.
114
Huberman, A. M. et Miles, M. B. (1991), op.cit., page 425.
Jacobsen, M. http://www.ucalgarv.ca/~dmiacobs/phd/mcthods/sld001.htm, vu le 14 novembre 2008.
50
Analyse conceptuel-
lé
Analyse des
Journal de bord approches péda-
gogiques
Par cette recherche, nous ne prétendons pas, comme nous le mentionnions plus haut, créer
de nouvelles connaissances en ce qui concerne la métaconscience. Nous avançons cepen-
dant que le fait de rassembler et de maîtriser les connaissances existantes sur la conscience
et la métaconscience permettra de les utiliser dans le cadre de programmes de formation et
de développement des gestionnaires. De ce fait, nous anticipons, à l'issue de cet exercice,
être en mesure d'influencer de façon signifiante les connaissances des gestionnaires de sor-
te que leurs paradigmes de gestion pourront évoluer de concert avec leur métaconscience.
Le résultat de l'exercice de triangulation proposé devrait, en effet, permettre dans un pre-
mier temps de regrouper et de structurer l'information existante sur la métaconscience de
façon à respecter les principes pédagogiques correspondant à ce type d'enseignement. Par
l'analyse des cas, et des recherches faites en regard des formations touchant des thèmes
dont les facteurs d'apprentissage se rapprochent de ceux que nous dégagerons sur la méta-
conscience, nous serons en mesure de proposer des critères de succès pour la formation
proposée.
À l'instar de Winn (2003), nous avançons que la recherche en éducation doit utiliser les
51
116
Winn, W. (2003). Research Methods and Types of Evidence for Research in Educational Technology.
Educational Psychology Review, vol. 15, no 4, décembre 2003, page 372.
52
CHAPITRE III:
LA MÉTACONSCIENCE
Dans ce troisième chapitre nous démontrons que l'étude de la métaconscience se situe dans
la continuité des conclusions tirées des principales recherches sur le cerveau et la conscien-
ce.
Nous retrouvons parfois l'utilisation du thème de la métaconscience dans les approches de
psychologie alternative et de spiritualité :
La métaconscience est la conscience naturelle dans laquelle devrait baigner tout être humain.
Que vous l'appeliez psychologie-alternative, métaconscience, supramental, conscience-
évolutive, conscience réelle, Genèse du Réel, cette nouvelle conscience fera partie intégrale de
l'évolution de l'être humain sur cette planète.117
Nous savons que les animaux ont conscience de la douleur, de la chaleur et de leurs signes
internes de faim et autres fonctions physiologiques. Ils sont en mesure d'associer leurs sen-
117
http://cf.groups.yahoo.com/group/metaconscience/. vu le 4 mai 2007.
118
Delfour, F. et Carlier, C, http://www.vivantinfo.com/uploads/media/Reconnaissancc soi.pdf. page 2, vu le
4 mai 2007.
53
sations à leurs expériences passées et d'en démontrer une appréciation consciente. Ils ne
sont cependant pas dotés de la capacité reflexive permettant de prendre conscience de cette
conscience et d'en faire une analyse constructive susceptible d'en évaluer les caractéristi-
ques.
Chez l'être humain, lors de la sélection et du traitement de l'information, la métaconscience
considère des caractéristiques, des exigences de fonctionnement et des obstacles suscepti-
bles de menacer l'intégrité de l'organisme lors de l'agir humain : « ... l'unité, la cohérence
et le caractère privé de la conscience comptent parmi ses traits phénoménologiques géné-
raux les plus frappants... »119
Searle (1997) soulève ainsi la notion de la conscience, à savoir que la cause des états de
conscience serait corollaire aux processus neurobiologiques :
« Le problème de la conscience », quel est-il? C'est celui d'expliquer comment exactement des
processus neurobiologiques dans le cerveau causent nos états subjectifs de sensibilité ou de
connaissance immédiate, comment exactement ces états sont réalisés dans les structures du cer-
veau et comment exactement la conscience fonctionne dans l'économie globale du cerveau.120
Afin de satisfaire à cette exigence et de faciliter notre compréhension du phénomène de la
conscience, puis de la métaconscience, nous exposons, dans un premier temps, brièvement
les principales composantes et fonctions du cerveau. Dans un deuxième temps, nous abor-
dons la conscience, son fonctionnement en considérant les différents niveaux tels que dé-
crits par les principaux auteurs. Ces connaissances nous permettent, dans un troisième
temps, de dégager les caractéristiques spécifiques de la métaconscience. Finalement, nous
décrivons le fonctionnement et nous définissions la métaconscience.
La conscience prend forme au niveau des deux premiers cerveaux et est présente chez
l'espèce animale. Les processus mentaux résultent de l'activité neuronale générée par le
• 171
22
Nous élaborerons davantage cette idée au chapitre 4.
123
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 32.
55
Selon Buraud (1951), « Les mots nous gouvernent politiquement, socialement, culturelle-
ment et économiquement. »125 D'où l'importance de choisir les concepts que nous utilise-
rons et de les définir minutieusement, surtout lorsqu'ils représentent une dimension aussi
fondamentale de notre être que le mental. Cet exercice prend d'autant plus d'importance
qu'au cours des siècles, différentes croyances, religions, philosophies et idéologies se sont
livrées et continuent de se livrer des batailles souvent meurtrières pour contrôler l'univers
mental des êtres humains.
Tout au long de leur histoire, les humains ont été intrigués par leur univers mental. Depuis
des siècles, les prêtres-sorciers, les théologiens, les philosophes, les hindouistes, les boudd-
histes, les psychologues et les cognitivistes se sont intéressés à tour de rôle aux différents
phénomènes mentaux. Chaque groupe s'est efforcé, selon son contexte spécifique et les
connaissances disponibles, de comprendre et d'influencer les phénomènes qui se déroulent
dans ce monde mystérieux et si difficile d'accès qu'est le cerveau humain. Tant que le dis-
cours sur le mental était dominé par les gourous, les moines bouddhistes, les théologiens et
les philosophes, il demeurait subjectif et abstrait. N'ayant aucun accès direct aux divers
processus mentaux et aucun moyen d'en mesurer l'activité, ils utilisèrent l'intuition,
l'introspection, l'expérience et la réflexion pour acquérir des connaissances sur cette elusi-
ve réalité qu'est l'univers mental des être humains. Aujourd'hui, la technologie nous aide à
mieux comprendre les bases génétiques, biologiques et physiologiques des différents pro-
cessus mentaux, mais l'analyse phénoménologique requiert toujours l'intuition,
l'introspection, l'expérience et la réflexion comme points de départ de la connaissance de la
conscience et de la métaconscience.
Les sciences cognitives, regroupant, entre autres, les sciences psychologiques et neurologi-
ques, ont aujourd'hui à leur disposition de nouvelles technologies qui permettent de décou-
vrir et de documenter les fondements de notre univers mental avec plus d'objectivité. Par
exemple, notons l'utilisation de l'électroencéphalographe, la tomographic par émissions de
positrons, la résonance magnétique nucléaire et la biologie moléculaire, qui mesurent
l'activité chimique et électrique du cerveau lorsqu'une personne s'engage dans différentes
24
Les données sur la clarification des concepts sont inspirées d'un texte inédit de Gaston Marcotte.
125
Buraud, G. (1951). Pie X, le pape de l'unité. Bruges : Desclée de Brouwer, page 121.
56
activités mentales. Les recherches effectuées avec ces instruments très sophistiqués ont
contribué à la découverte de certaines caractéristiques biologiques des différents processus
mentaux (perception, sensation, intuition, mémoire, intelligence, conscience) qui permet-
tent aux chercheurs de les définir avec plus de précision.
L'une des tâches importantes d'une nouvelle science comme celle du mental est de mettre
un peu d'ordre, de sens et de cohérence dans les anciens concepts qu'elle a reçus en hérita-
ge des différentes traditions et les modèles qu'elle a créés pour rendre compte de la réalité
qu'elle étudie.
Un tel processus de clarification est tout à fait normal dans un nouveau champ de recher-
che, surtout s'il est précédé par un lourd passé théologique, mystique et philosophique
comme c'est le cas pour toutes les sciences qui étudient les processus mentaux. Par exem-
ple, la conscience est entourée d'un tel brouillard conceptuel qu'il est difficile de savoir ce
dont les gens parlent lorsqu'ils utilisent ce mot. Le neurologue A. Damasio (1999) est très
conscient de ce problème sémantique lorsqu'il écrit que « le terme de conscience, uni de
manière polygamique à bien trop de significations, a souvent entravé tout accord sur la dé-
finition du problème. »126 Certains exemples peuvent illustrer l'ambiguïté des discours en-
tourant la conscience.
Notons, entre autres, le livre de John Eccles (1994) intitulé How the Self Controls the Brain
qui fut traduit en 1997 par Comment la conscience contrôle le cerveau121. Il faudra retenir
ce rapport synonymique entre le Soi et la conscience qu'effectue Eccles quand nous discu-
terons plus loin du problème de la conscience et de l'identité de soi.
Un exemple encore plus frappant du brouillard conceptuel entourant la conscience nous est
donné dans la traduction du livre de Francis Crick The Astonishingly Hypothesis : The
Scientific Search for the Soul. Cependant, le livre débute par « This book is about the mys-
tery of consciousness - how to explain it in scientific terms.»128 Si on s'en tient strictement
au vocabulaire utilisé par Crick, soul serait synonyme du terme conciousness. Il nous sem-
ble utopique que les théologiens, les philosophes et les scientifiques admettent cette séman-
tique. De fait, l'hypothèse stupéfiante de Crick avance que Y âme n'est en fait que « le com-
portement d'une vaste assemblée de cellules nerveuses et leurs molécules associées. »129
La traduction des livres de John Searle en est un autre exemple. Il publie en 1994 The Dis-
covery of the Mind130, traduit en 1995 par La redécouverte de l'esprit.ux II écrit ensuite The
Mystery of Consciousness^2 qui devient les Mystères de la conscience™ en français. Il
apparaît clairement que la langue française, ne possédant pas de substantif pour l'adjectif
mental, ne dispose pas de mot pour traduire le concept mind. Ce concept est donc substitué
par le mot esprit qui n'a pas, en français, la même signification que spirit en anglais. De
plus, il est à noter que Searle est passé du mot mind à celui de consciousness, en cinq ans,
deux expressions traduites par conscience en français.
Une question se pose alors : est-ce que mind est maintenant synonyme de consciousness
dans la pensée de Searle?
En 1991, Daniel Dennett a écrit : « Consciousness Explained »134, traduit en 1993 par « La
conscience expliquée »135\ Ce même auteur a écrit en 1996 « Kinds of Minds : Toward and
Understanding of Consciousness »136, comme si le mot mind était synonyme de conscious-
ness, comme le laisse également sous-entendre Searle.
On a également traduit The Modularity of Mind]31 de Fodor par La modularité de
l'esprit1 . Là encore, les mots mind et esprit sont traités comme des synonymes sans consi-
dérer les définitions respectives de ces termes selon les dictionnaires et la littérature. Varel-
la et al. (1991), dans The Embodied Mind : Cognitive Science and Humain Experience1 ,
proposent L'inscription corporelle de l'esprit, sciences cognitives et expériences humai-
nes1*0 comme traduction française. Le terme esprit devient la traduction de mind.
Penrose a écrit Shadows of the Mind: A Search for the Missing Science of Consciousness.
129
Crick, F. (1994). L 'hypothèse supéfiante, op. cit., page 3.
130
Searle, J.-R. (1992). The Discovery of the Mind. Cambridge, Mass.: MIT Press.
131
Searle, J.-R (1995). La redécouverte de l'esprit. Paris: Éditions Gallimard.
132
Searle, J.-R. (1993). The Mystery of Consciousness. New York : New-York Review of Books.
133
Searle, J.-R. (1999). Le mystère de la conscience, op. cit.
134
Dennett, D. (1991). Consciousness Explained. Boston : Little Brown.
135
Dennett, D. (1993). La conscience expliquée. Paris : Éditions Odile Jacob.
136
Dennett, D. (1993). Kinds of Minds: Toward an Understanding of Consciousness. New York: Basic Book.
137
Fodor, J.-A. (1983). Modularity of Mind. Cambridge (Mass.) : MIT Press.
138
Fodor, J.-A. (1986). La modularité de l'esprit. Paris : Éditions de Minuit.
139
Varella, F. (1991). The Embodied Mind: Cognitive Science and Humain Experience. Cambridge (Mass) :
MIT Press.
140
Varella, F. (1993). L'inscription corporelle de l'esprit: sciences cognitives et expériences humaines.
Paris : Seuil.
141
Penrose, R. (1994). Shadows of the Mind: A Search for the Missing Science or Conciousness. New-York :
58
Ces constats nous encouragent à nous simplifier la tâche pour le choix des mots dont nous
Oxford
142
University
Penrose, Press.
R. (1995). Les ombres de l'esprit. Paris : InterÉditions.
143
Penrose, R. (1989). The Emperor's New Mind Concerning Computers, Minds, and the Laws of Physics.
New-York : Oxford University Press.
44
Penrose, R. (1992). L'esprit, l'ordinateur et les lois de la physique. Paris : InterÉditions.
145
Edelman, G. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit.
59
ferons usage ainsi que des définitions que nous retiendrons. Les tableaux 15, 16 et 17 pré-
sentent les titres de certains ouvrages anglophones publiés depuis 1990 contenant les ter-
mes soul, mind et consciousness dans leur titre.
The Astonishingly Hypothesis: The Scientific Search for the Soul (1994)
The Engine of Reason; the Seat of the Soul (1995)
The Quantum Self: Human Nature and Consciousness Defined by the New Physic (1990)
Consciousness Reconsidered (1992)
Self and Consciousness (1992)
Neurophysiology of Consciousness (1993)
Experimental and Theoretical Studies of Consciousness (1993)
The Chemistry of Conscious States (1994)
The Science of Consciousness: Psychological, Neurological and Clinical Reviews (1996)
Consciousness Lost and Found (1997)
The Nature of Consciousness (1997)
Explaining Consciousness: the "Hard Problem" (1997)
Scientific Approaches to Consciousness (1997)
The User Illusion: Cutting Consciousness Down to Size (1998)
Consciousness and Human Identity (1998)
The Physics of Consciousness (2000)
ness sont souvent utilisés comme des synonymes interchangeables comme le sont les mots
âme, esprit et conscience en français. Une clarification du concept de la conscience nous
permettra de mieux comprendre ses différents niveaux de fonctionnement.
3.1.2. Les connaissances liées au cerveau
L'importance d'étudier le cerveau pour comprendre les divers processus mentaux est re-
connue par plusieurs membres de la communauté scientifique. Selon Churchland (2002),
« It is necessary to understand the brain, and to understand it at many levels of organi-
zation, in order to understand the nature of the mind. »146
La difficulté relative à la définition de la conscience en tant qu'élément ou réalité distincte,
soulevée tant par la communauté scientifique (incluant la psychologie et les neurosciences)
que par la communauté philosophique, est soulignée par Edelman :
La conscience pose un problème très spécial qu'on ne rencontre dans aucun autre domaine
scientifique. En physique et en chimie, nous expliquons certaines entités par d'autres entités et
par des lois. Nous pouvons décrire l'eau en langage usuel, mais aussi, tout du moins en princi-
pe, en termes d'atomes et selon les lois de la mécanique quantique.147
La pensée étant la résultante d'une prise de conscience subjective, elle place les chercheurs
devant l'énigme de cette définition. À l'instar de Damasio (1995), Edelman (2000), Kegan
(2001) et plusieurs autres, nous soutenons que la connaissance du fonctionnement du cer-
veau contribue à la compréhension de la complexité de la conscience : « Pour développer
une théorie adéquate de la conscience, on doit surtout comprendre comment le cerveau
fonctionne pour comprendre des phénomènes comme la perception et la mémoire, qui
contribuent à la conscience. »148
146
Churchland, P. S. (2002). Brain-Wise. London : The MIT Press, page 30.
47
Edelman, G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 25.
148
Edelman, G. (2004). Plus vaste que le ciel. Paris : Éditions Odile Jacob, page 28.
61
3.1.3.L'évolution du cerveau
Selon Edelman (2000), inspiré des travaux de Darwin : « Avoir un esprit et un cerveau hu-
mains résulte à l'évidence d'un processus d'évolution » ,49. Tout en concédant ce fait de
l'évolution, Kegan (2001) nous invite à revoir la façon de concevoir les modèles de déve-
loppement humain :
No framework can hope to supply a theory of the developing person without some profound
acknowledgment of our biological reality. Psychoanalysis provided one, and no framework
since has offered an alternative vision with anything like comparable scope or plausibility. A
profound acknowledgment of our reality addresses how we are animated, but it is much more
than a theory of motivation. At bottom it is a conception of the life force itself and how we fig-
ure in it. 15°
Nous nous limitons dans ce chapitre à une description sommaire des principales caractéris-
tiques anatomiques, biologiques et physiologiques de cet objet qui, malgré de nombreuses
recherches et expériences, demeure encore en grande partie un mystère pour la communau-
té scientifique moderne. Comme l'exprime Edelman (2004), « Le cerveau humain est
l'objet matériel le plus compliqué qu'on connaisse dans l'univers. »151
C'est donc de façon très succincte, incomplète, et à l'intérieur des limites des connaissances
actuelles que nous transmettons dans ce chapitre une description des notions de base sur la
structure du cerveau et de son mode de fonctionnement.
Selon MacLean (1990), cette masse, dont le poids moyen chez l'humain est de 1,5 kilo-
gramme152 et dont « le tissu nerveux forme un réseau extraordinairement complexe avec de
30 à 100 milliards de neurones, 1 milliard de milliards de connexions possibles et
49
Edelman, G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 101.
150
Kegan, R. (2001). The Evolving Self, op. cit., page 42.
151
Edelman, G. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 29.
152
Changeux (2002) soulève toutefois que le poids, la taille et la forme du cerveau varient d'un individu à
l'autre. Cette variation serait attribuable à l'hérédité. Voir Changeux, J.-P. (2002). L'Homme de vérité. Paris :
Éditions Odile Jacob, page 285.
62
3 .153
600 millions de synapses par mm » , s'est développée en trois phases distinctes (figure
3), du bas vers le haut, chez les espèces animales, du reptile jusqu'à l'homme. I54
♦ Néocortex
Cerveau limbique
La première partie, le cerveau reptilien, aussi appelé le cerveau primitif, est apparue il y a
plus de 500 millions d'années156 chez les amphibiens. Il a évolué pendant 250 millions
d'années, jusqu'à l'apparition des reptiles. Il part de la colonne vertébrale et comprend le
cervelet et le tronc cérébral.
Par la suite, il y a 150 millions d'années, le cerveau limbique s'est développé chez les pre
miers mammifères. Cette partie du cerveau comprend l'hippocampe, l'amygdale et
l'hypothalamus157. Son évolution s'est poursuivie avec les espèces de mammifères en aug
mentant de volume et en complexifiant les interactions neuronales.
Finalement, le néocortex est apparu avec les primates du genre Homo, il y a deux ou trois
millions d'années. Son développement s'est réalisé par la formation de six couches distinc
tes. Les connexions de ces couches sont structurées de façon distincte les unes des autres.
Certaines médiatisent les sens dont l'ouïe, le toucher et la vue, alors que d'autres sont dé
diées aux fonctions motrices et aux muscles. Changeux (2002) observe que :
On peut désormais distinguer les six couches du cortex cérébral, et il est intéressant de noter
que les couches V et VI, les plus profondes, se déposent les premières, tandis que les plus su
perficielles, les couches II et III, celles qui, selon nous, contribuent à l'espace de travail, ne
prennent leur position définitive qu'ensuite.158
Vu de l'extérieur, le cortex cérébral est divisé en deux hémisphères, le gauche et le droit
(figure 4), lesquels sont reliés par un large faisceau de fibres nerveuses appelé le corps cal
153
vvww.univtours.fr/desco/l.icPsv/Neuroscilntro.html#Descartes. vu le 22 mars 2005.
154
http://www.webperso.easyconnect.fr/baiIlement/maclean.html, vu le 22 mars 2005.
155
http://www.webperso.easvconnect.fnôaillemenl%iaclean.htrnl , vu le 22 mars2005.
156
http://www.lecerveau,mcgill,ca/. vu le 22 mars 2005.
157
Les fonctions distinctes de ces différentes parties seront précisées au prochain chapitre portant sur le fonc
tionnement du cerveau.
158
Changeux, J.P. (2002). L'homme de vérité, op. cit., page 289.
63
leux.159 . Chaque hémisphère comprend les lobes frontaux, pariétaux, temporaux et occipi-
taux; de plus, tous deux contiennent un cinquième lobe, appelé lobe limbique, lequel cor-
respond au « cerveau paléo-mammifère » venant coiffer les structures préexistantes, c'est-à-
dire le « cerveau reptilien » 160
Hémisphère ère
gauche
Lobes
occipitaux
161
Figure 4 : Le cerveau vu d'en haut
Corps
calleux SOMMKSEWOtï
Frontal
cipital
Temporal
159
Chauveau Dupin, A. et al. (1980). Psychologie, science de l'homme. Montréal : Les Éditions HRW Ltée,
page 61.
160
http://schwann.free.fr/etaEC sus tentoriel.html. vu le 25 mars 2005.
161
wwAv.lecerveau.mcaill.ca. vu le 22 mars 2005.
64
épine,
dendiill que.
163
Figure 7 : Un neurone et la synapse
Les neurones (figure 7) communiquent entre eux par émissions électriques d'influx nerveux
(figure 8). II se forme ainsi des substances chimiques appelées neurotransmetteurs pour
chaque type de neurones. Ainsi, une cinquantaine de molécules sont répertoriées dont, entre
Edelman, G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 55.
www.lecerveau.mcgill.ca. vu le 22 mars 2005.
65
-
Transmission Conduction électrique
chimique
milliards de circuits qui se bouclent sur eux-mêmes fait qu'il est très difficile d'avoir des « pen-
sées entièrement rationnelles » ou des « émotions pures ».167
Il semble que plus les connaissances évoluent, plus l'organisation structurelle du cerveau
fascine. Comme le mentionne Uttal (1978): «The beauty of the cerebellum... is that its in-
ternal neural architecture is exceedingly specific and orderly yet complex in terms of the
behavioral sequences it controls.»168 En raison de son nombre de cellules, d'interactions
neuronales et de synapses, le cerveau représente l'activité métabolique la plus forte du
corps humain. Les recherches de Damasio (2005) démontrent que :
Ce pouvoir s'exerce selon un dispositif simple : premièrement, quelque chose change dans
l'environnement d'un organisme individuel, de façon interne ou externe. Deuxièmement, ce
changement a le potentiel d'altérer le cours de la vie de l'organisme. (Il peut constituer une me-
nace pour son intégrité ou bien une occasion de mieux-être.) Troisièmement, l'organisme détec-
te le changement et agit en fonction dé lui d'une façon conçue pour créer la situation la plus bé-
néfique à sa préservation et à son fonctionnement efficient.1 9
Par exemple, lors de l'expérience vécue par l'odorat, que Goleman présente comme la
« source la plus ancienne de notre vie émotionnelle »170, le groupe de neurones sensibles à
ce stimulus capte les odeurs. Si elles sont perçues comme menaçantes par le cervelet, il y
aura une réaction de fuite ou de combat. Sinon, une partie des informations passe par le
cerveau moyen afin d'être comparée aux mémoires reliées à cette odeur. Une émotion
émerge, et il y a alors une réaction d'appréciation positive ou négative, selon le souvenir
qui lui est associé. L'autre partie des informations va au néocortex, et une anticipation des
conséquences liées à la réaction d'appréciation ou de dégoût va générer une action ou une
attitude exprimant le résultat de cette analyse. En résumé, les trois niveaux cérébraux, le
cerveau reptilien, le système limbique et le cortex cérébral (néocortex), correspondent res-
pectivement aux fonctions illustrées à la figure 9:
167
www.lecerveau.mcgill.ca. vu le 22 mars 2005.
68
Uttal, W. R. (1978). The Psychology of Mind. New-Jersey : Lawrence Erlbaum Associates, page 177.
169
Damasio, A. R. (2005). Spinoza avait raison. Paris : Éditions Odile Jacob, page 42.
170
Goleman, D. (1997). L 'intelligence émotionnelle. Paris : Éditions Robert Lafond. page 25.
67
Au premier niveau, nous retrouvons le cerveau reptilien qui assure les fonctions vitales de
l'organisme en contrôlant la fréquence cardiaque, la respiration, la température corporelle,
l'équilibre, etc. Il comprend le tronc cérébral et le cervelet, que l'on retrouve chez les repti-
les. Il réagit en fonction des informations qu'il perçoit de façon spontanée par l'entremise
des sens. C'est le siège des comportements réflexes. C'est l'étage de l'instinct et de la pul-
sion.
Nous avons vu qu'au deuxième niveau, le cerveau limbique mémorise les comportements
agréables ou désagréables, et il donne naissance aux différentes émotions. Il comprend
principalement l'hippocampe, l'amygdale et le thalamus. C'est le siège de la mémoire, des
émotions et de nos jugements de valeur, souvent inconscients, qui exercent une grande in-
fluence sur notre comportement.
L'amygdale traite les informations et sonne l'alarme devant une situation nouvelle ou me-
naçante. Sa fonction est d'activer les réactions physiologiques (rythme cardiaque, sudation,
etc.) et de mettre en attente les réactions physiques, en attendant que l'information soit trai-
tée.
Le thalamus filtre les informations relatives à la vision, à l'audition, à la gustation et au
toucher. Selon l'ampleur de la réaction entre la nouvelle information et celles en mémoire,
il dirige les informations en vrac vers l'amygdale. À ce moment, l'amygdale communique
avec l'hippocampe et active les fonctions émotives : peur, surprise, dégoût, etc. La prise de
conscience du stimulus se fait. Au même moment, les informations sont dirigées vers le
cortex où elles sont analysées. C'est l'analyse consciente, la prise de conscience. Les ré-
ponses sont transmises à l'hippocampe puis à l'amygdale afin d'ajuster les réactions phy-
68
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La figure 12 illustre le circuit rationnel. Une partie importante de l'information transite par
le néocortex et l'hippocampe, ce qui permet de préciser l'information, d'en faire une analy-
se et d'ajuster les réactions physiologiques en conséquence.
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Figure 1 1 : Circuit d'un stimulus: réponse F i g u r e " : Circuit d'un stimulus : réponse « ana-
« émotion »,i7i
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1174
Figure 13 : Cerveau émotionnel
L'utilisation de l'électroencéphalogramme (EEG) permet, à l'aide d'un détecteur placé sur
le cuir chevelu d'une personne, de suivre l'évolution de l'activité électrique dans les diffé-
rentes parties du cerveau. C'est à ce niveau que sont possibles le raisonnement par associa-
tion, le contact avec le présent et la projection dans l'avenir.
Dès 1921, Fouillée souligne le caractère holistique du fonctionnement du cerveau. C'est-à-
dire que dès qu'une cellule est affectée par une sensation, l'ensemble des fonctions cérébra-
les est impliqué :
La suggestion des représentations mentales et des mouvements corrélatifs peut être comparée,
comme nous l'avons déjà dit, aux phénomènes d'induction électrique par lesquels un courant
exerce son influence sur un autre et produit une aimantation. Le cerveau est à l'état de tension
et agit toujours dans sa totalité; chaque pensée particulière suppose une décharge cérébrale qui
ne peut se produire sans altérer les tensions de toutes les autres parties et sans amener par cela
même une suite infinie d'autres décharges dans une direction déterminée.175
Ces données descriptives sont universalisées et simplifiées pour une compréhension globale
du fonctionnement. Un principe darwinien, repris avec conviction par Edelman (2000),
exprime cette complexité et cette singularité :
73
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi. Paris : Éditions Odile Jacob, page 26.
174
http://www.guerir.fr. vu le 22 février 2005.
175
Fouillée, A. (1921). La psychologie des idées forces. Paris : Librairie Félix Alcan, page 210.
71
... deux cerveaux ne sont jamais semblables, et le cerveau de chaque individu change sans ces-
se. Ces variations touchent tous les niveaux de l'organisation cérébrale, de la biochimie à la
morphologie globale, et la force de myriades de synapses individuelles change constamment
sous l'effet de l'expérience. 176
Dans le même ordre d'idées, Changeux (2002) fait état d'expériences par imagerie fonc-
tionnelle menées afin de démontrer les variations de poids, de taille et de forme du cerveau.
Il ressort clairement que, même chez les jumeaux identiques (jumeaux monozygotes), les
cerveaux ne sont pas identiques : « Or ces études, qu'elles soient anatomiques ou compor-
tementales, mettent clairement en évidence le fait que les cerveaux de deux vrais jumeaux
ne sont pas identiques. »177
Quoi qu'il en soit, malgré son individualité, le cerveau, dans des conditions normales, pré-
sente un fonctionnement pour ainsi dire universel quant à son processus intégrateur : « Il est
clair que pour l'individu, le cerveau est le système intégrateur/organisateur central. »'78
Cette compréhension du phénomène de traitement de l'information par le cerveau sera utile
pour cerner les principes fondamentaux de la pédagogie chez l'humain en général et, plus
spécifiquement, chez l'adulte.
Il faudra donc tenir compte des principes du développement et du fonctionnement du cer-
veau lorsque nous aborderons les processus du développement humain et du traitement de
l'information lors d'activités pédagogiques. Au tableau 18, nous résumons les principales
caractéristiques du cerveau.
Chaque cerveau est unique.
Le cerveau a une plasticité.
Chaque étage du cerveau a des fonctions spécifiques et exclusives.
Les trois étages du cerveau sont interdépendants pour un fonctionnement normal chez l'humain.
Le cerveau est le siège des facultés humaines, tant psychiques, cognitives que physiques.
Chaque faculté humaine, y compris la morale, est liée à une zone spécifique du cerveau.
Le fonctionnement du cerveau est systémique et complexe.
Le cerveau génère des activités chimiques et électriques.
Le cerveau évolue tout au long de la vie de l'humain, de la conception à la mort.
Le cerveau influence chaque cellule du corps.
Tableau 18 : Principales caractéristiques du cerveau
176
Edelman G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 101.
177
Changeux, J. P. (2002). L'Homme de vérité, op. cit., page 286.
178
Morin, E. (1973). Le paradigme perdu : la nature humaine. Paris : Éditions du Seuil, page 217.
72
L'analyse du fonctionnement du cerveau doit permettre une intégration des concepts de son
évolution, de son fonctionnement et des émergences ainsi que les relations avec lui-même
et son environnement. Nous verrons plus loin l'apport de cette perspective lors du proces-
sus d'apprentissage. Les dernières décennies sont riches en observations à cet égard. Pour
Edelman (2004), le processus du développement humain s'explique, en grande partie, par le
fonctionnement du cerveau. Greenspan (1998) exprime bien cette relation recursive : cer-
veau-développement-comportement-expérience-environnement-développement-cerveau :
Le lien entre cerveau et le comportement apparaît de plus en plus clairement à double sens : le
comportement et l'expérience ne sont pas simplement formés par le cerveau, ils influencent sa
structure et sa formation. Il semble qu'au début de la vie, il y ait une surproduction génétique-
ment induite de neurones. L'expérience intervient pour affiner ou pour « tailler » cette structure
émergente. L'expérience mène aussi à une nouvelle croissance de dendrites (connexions inter
neuronales) et aux changements biochimiques qui permettent cette croissance. La maturation du
système nerveux et de nombreuses parties du cerveau induite par l'expérience n'intervient pas
seulement pendant le début de la vie mais tout au cours du développement. Intervenant presque
immédiatement en réponse aux expériences appropriées, on peut l'associer à un éventail de ca-
pacités, depuis les aptitudes cognitives complexes jusqu'aux phénomènes bien connus
d'intégration. Il semble que l'évolution ait voulu que certains aspects importants du dévelop-
pement du cerveau répondent à l'environnement auquel il doit s'adapter. 17
Cette découverte est d'une importance capitale pour tout chercheur intéressé à l'étude du
comportement du gestionnaire en entreprise. Elle met en perspective la pertinence de déve-
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend. Paris : Les Éditions Jacob, page 340.
180
Damasio, A. R. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 67.
73
Nous constatons l'évolution remarquable des théories liées à l'humain au cours du dernier
siècle. En effet, les découvertes liées au développement du cerveau permettent de mieux
expliquer les principales étapes du développement humain.
181
Ibidem, page 176.
182
Pour une description plus complète et détaillée du fonctionnement du cerveau et des systèmes nerveux et
hormonal, vous pouvez consulter le site www.lccerveau.mcgill.ca auquel l'Institut de recherche en santé du
Canada et les Instituts des neurosciences, de la santé mentale et de la toxicomanie du Canada sont associés.
183
Inspiré de Damasio (2001, 2002).
74
Pour assurer un développement humain adéquat, il est essentiel de respecter les exigences
provenant des caractéristiques de l'être humain. À cette fin, Marcotte (2006), pour qui cha-
que caractéristique humaine « impose aux humains des exigences et des contraintes qui
devraient fonder leur éthique et guider ensuite leurs comportements », dégage 19 caractéris-
tiques propres à l'être humain.
Nous les reprenons au tableau 20.
Un être naturel/matériel
Un être vivant/mortel
Un être sexuel
Un être évolutif
Un être systémique
Un être relationnel/social/communicatif
Un être processuel
Un être potentiel
Un être déterminé/indéterminé
Un être d'autonomie/de liberté
Un être conscient de soi
Un être de raison
Un être qui aspire au bonheur
Un être de sens
Un être culturel
Un être moral
Un être d'apprentissage
Un être affectif
184
Tableau 20 : Principales caractéristiques de la nature humaine
Les exigences imposées par ces caractéristiques se traduisent en intérêts, désirs, valeurs et
besoins dans la recherche de satisfaction. Chaque être humain étant unique de par sa nature,
il est distincti.f quant à ces caractéristiques. De par son potentiel de développement,
l'humain a donc la responsabilité de définir ses propres valeurs et de combler ses besoins.
Les être humains ne sont pas génétiquement déterminés à satisfaire les nombreuses exigences
d'une vie vécue humainement. Ils ont cependant hérité, en potentiel, des processus mentaux
dont la fonction est de découvrir et de respecter les exigences de leur organisme et de
l'environnement dont ils dépendent. I85
L'humain doit donc apprendre à identifier les valeurs qui lui permettront de combler ses
besoins physiques (liés à la survie biologique et aux caractéristiques de développement
physique) et ses besoins psychologiques (liés au développement psychologique et aux fonc-
tions mentales) en fonction de ses défis.
Apprendre à développer sa métaconscience permet d'améliorer et d'utiliser ses processus
184
Marcotte, G. (2006), op. cit., page 85.
185
Ibidem, page 78.
75
mentaux dans le but de définir ses valeurs et d'identifier les meilleures stratégies pour
combler ses besoins physiques et psychologiques. Tout système d'apprentissage doit les
considérer. Chaque caractéristique génère des besoins spécifiques qui sont d'ordre physique
ou psychologique.
Le développement humain est un processus évolutif, complexe et continu. Damasio (2001)
l'exprime ainsi : « La primauté du thème du corps dans l'activité cérébrale est également
observable dans l'évolution : du simple au complexe, depuis des millions d'années, le cer-
veau a consacré ses activités d'abord à l'organisme dans lequel il se trouvait. »186 II en ré-
sulte que l'humain se comporte en véritable laboratoire électro-biochimique en fonction de
ses caractéristiques. Chaque étape de l'évolution humaine remet en perspective la nécessité
d'adaptation à un environnement, lui-même influencé par le comportement humain. En
effet, selon Fortin (2000) : « Tous les systèmes actifs doivent puiser dans leur environne-
ment pour leur organisation et leur régénération. »187 Les interactions sont en fait des phé-
nomènes récursifs188, puisqu'ils permettent à chaque élément d'exister et de générer un
nouvel état d'être.
La plupart des espèces vivantes, végétales et animales, connaissent d'instinct les compor-
tements à adopter pour assurer leur survie et leur reproduction. Elles répondent aux stimuli
de leur environnement en utilisant leur ressenti immédiat et leur mémoire.
Elles actualisent de façon innée leur potentiel de développement jusqu'à maturité. Les ap-
prentissages se limitent aux notions de survie, dont le volet émotif est essentiel. Kant
(1993) a en effet observé que l'humain, quant à lui, semble devoir s'éduquer : « L'homme
est la seule créature qui doive être éduquée. Par éducation on entend, en effet, les soins (...)
et la discipline, et l'instruction avec la formation. »189
Avec la formation du néocortex, l'homme dispose donc d'un potentiel mental plus évolué
mais qui, sans instruction, demeure inexploité donc inutile. En donnant à l'humain la capa-
cité d'apprendre, de réfléchir, de créer et d'anticiper, le néocortex lui délègue la responsabi-
186
Damasio, A. R. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 308.
187
Fortin, R. (2000). Comprendre la complexité. Québec : Éditions Les Presses de l'Université Laval, pa-
ge 52.
88
Nous utilisons le terme récursif dans le sens défini par Morin repris par Fortin : « L'idée de recursion,...,
est l'idée logique qui signifie production de soi et régénération. L'idée de recursion est l'idée logique qui
signifie autonomie. » Fortin, R. (2000). Comprendre la complexité. Québec : Éditions Les Presses de
l'Université Laval, page 70.
189
Kant, E. (1993). Réflexions sur l'éducation. France : Librairie Philosophique J. VRIN, page 69.
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78
Ces différentes conceptions mettent en évidence différentes approches pour expliquer les
phases de développement chez l'humain. Piaget décrit les étapes de développement humain
en fonction de son évolution intellectuelle. L'enfant considère son environnement en utili-
sant ses facultés intellectuelles de façon de plus en plus efficace entre 0 et 20 ans.
Maslow et Erikson utilisent une approche psychosociale. Maslow explique le développe-
ment humain en mettant en perspective l'évolution des besoins en fonction de l'évolution
sociale plutôt qu'en fonction de l'âge. Pour sa part, Erikson définit l'évolution de l'humain
sous l'angle développemental. Il situe l'individu en fonction d'une dialectique opposant ce
qu'il considère comme les phases identitaires de la personne.
Kohlberg utilise le dilemme moral pour situer les stades de développement chez l'humain.
Selon lui, l'évolution d'un individu passe par la façon dont il identifie et agit'en fonction de
ses valeurs morales, allant de l'intérêt personnel à une éthique sociale et humaine confir-
mée. Pour Greenspan, le développement humain repose sur l'environnement affectif. Il
établit les bases d'une évolution humaine en fonction des caractéristiques affectives de
l'environnement social.
Finalement Kegan et Loevinger mettent en perspective les phases de développement des
processus mentaux. Ils évaluent les phases de développement en fonction de la capacité de
l'individu à prendre conscience de son environnement et à y adapter son mode relationnel à
chaque phase de son développement.
Nous observons de plus que chaque prise de conscience a un potentiel de conscientisation
d'elle-même à chaque niveau. Pour chaque phase du développement humain, les chercheurs
y ont identifié des apprentissages et des caractéristiques émergentes.
Les informations scientifiques nous permettent de décrire la conscience en fonction de ses
différentes formes et niveaux, ce qui nous guidera vers une conception de la métaconscien-
ce.
79
3.3. LA CONSCIENCE
La conscience préoccupe depuis des siècles les gourous, les moines, les croyants et les phi-
losophes, depuis un peu plus d'un siècle, les psychologues, les psychanalystes et les psy-
chiatres, et, depuis près d'un demi-siècle, les neuroscientifiques.
Les moines tibétains abordent la conscience sous différents angles (Thich, 2006). Ils la dé-
finissent comme un processus à trois dimensions : observatrice, égotique et conceptuelle.
Ils lui attribuent trois niveaux distincts : perception directe, perception deductive et percep-
tion erronée. Ils identifient six consciences : une pour chaque sens et le mental. Cela de-
vient un peu large comme concept pour illustrer un phénomène qui demande d'être bien
compris tant au plan de son potentiel que de son fonctionnement pour l'utiliser de façon
efficace et pour expliquer le développement humain.
Selon le Larousse :
la conscience est le sentiment que chacun a de son existence et de ses actes. - On la qualifie de
conscience de soi. - La notion de conscience morale réfère au sentiment intérieur correspondant
aux jugements de valeurs entre le bien et le mal. Avoir bonne ou mauvaise conscience, se re-
procher ou pas quelque chose qu'on a fait ou pas fait.
191
« Conscience », Petit Larousse en couleurs. Dictionnaire encyclopédique. (1991) Paris : Éditions Larous-
se, page 256.
80
Les avancées issues des neurosciences mettent en lumière une multitude de facettes du po-
tentiel du cerveau. Cette science moderne, à partir des questions et des conclusions de la
philosophie et de la psychologie, offre une perspective d'étude des plus enrichissantes,
permettant de corroborer le lien entre le fonctionnement du cerveau et l'émergence de la
conscience. Cependant, les distorsions de langage demeurent. En effet, le mot « conscien-
ce » ou en anglais « consciousness », continue de semer l'ambiguïté quant aux méthodes
d'étude utilisées. Selon Crick (1994),
Since the problem of consciousness is such a central one, and since consciousness appears so
mysterious, one might have expected that psychologists and neuroscientists would now direct
major efforts toward understanding. This, however, is far from being the case. The majority of
modern psychologists omit any mention of the problem, although much of what they study en-
ters into consciousness. Most modern neuroscientists ignore it.192
Pour Dennett (1993), la confusion est tout aussi présente. Il fait d'ailleurs l'éloge de cette
ambiguïté :
Mais avec la conscience, nous sommes toujours terriblement embourbés. La question de la na-
ture de la conscience est aujourd'hui le seul sujet qui laisse souvent perplexes et muets les pen-
seurs les plus subtils. Et, comme pour tous les autres mystères antérieurs, beaucoup soutiennent
- espèrent - qu'on ne pourra jamais démystifier la conscience. Après tout, les mystères sont ex-
citants et contribuent à rendre la vie amusante. I93
Damasio (1999) reconnaît lui aussi le vide scientifique quant à la nature de la conscience :
« Il n'y a pas eu accord chez ceux qui étudient le problème de la conscience, .... »194 Plus
loin, à l'instar d'Edelman (2000) cité plus haut, il aborde la conscience comme un phéno-
mène individuel à partir duquel chacun se situe en rapport avec sa propre perspective :
La conscience est le terme général chapeautant les phénomènes mentaux qui permettent cette
étrange confection au terme de laquelle vous êtes celui qui observe ou qui connaît des choses
observées, où vous êtes le propriétaire des pensées formées selon votre perspective, où vous
êtes l'acteur potentiel de la scène. La conscience fait partie de votre processus mental, elle ne
lui est pas extérieure.195
Afin de parvenir à une représentation dont les connaissances seront aisément transférables
pédagogiquement, nous utiliserons une approche unifiant les conclusions des trois discipli-
nes. Nous considérerons les principales idées issues des courants philosophiques, psycho-
logiques et neuroscientifiques concernant la conscience. Nous anticipons, ce faisant, mettre
192
Crick, F. (1994). The Astonishing Hypothesis, op. cit., page 13.
193
Dennett, C. D. (1993). La conscience expliquée, op. cit., page 36.
194
Damasio, A. R. (1999). Le sentiment même de soi, op. cit., page 43.
Pour une description plus précise sur les indications linguistiques associées au mot conscience, se référer au
même ouvrage aux pages 295-299.
195
Ibidem, p. 168.
81
en lumière des synthèses reliant les idées phares liées à ce phénomène. Nous serons ainsi en
mesure de relier les principes de fonctionnement du cerveau en lien avec l'émergence de la
conscience consciente d'elle-même et des apprentissages émergents.
... these are things like understanding how the brain coordinates sensory information to control
behavior or how we're able to verbalize what we're feeling ... on one hand you have neurons;
on the other, memories and feelings and inspiration, appearing one after the other in rapid suc-
cession in your mind. The two have to be connected.1
196
Ingram, J. (2005). Theater of the Mind. Toronto : Harper Collins Publishers Ltée, page 52.
197 .
Trotter, R. J. et McConnell, J. V. (1980). Psychologie, science de l'homme, traduit de l'anglais par Annie
Chauveau-Dupin, Charles-Henri et Rachel Farley et Louise Villeneuve. Montréal: Les Éditions HRW Ltée,
page 12.
198
Ibidem..
199
Edelman G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 39.
200
Searle, J. R. (2003). « La conscience et le vivant ». Le cerveau et la pensée. Auxerre Cedex : Éditions
Sciences humaines, page 185.
82
« ..., même si la conscience reste un phénomène unique dans le monde du vivant : elle
n'existe qu'à titre d'expérience personnelle ». S'il en est ainsi, la conscience du phénomène
de notre propre conscience peut être considérée comme un processus phénoménologique, et
elle a un rôle clé dans l'apprentissage et l'éducation.
En effet, l'évolution des courants psychologiques nous amène à concevoir le rôle essentiel
de la conscience dans l'activité d'apprentissage. Ce constat est mis en évidence par Gibbs
(1981), cité par Noël (1997) : « L'étudiant doit devenir plus conscient de son apprentissage.
(...) Plus que tout autre chose, c'est l'encouragement à une réflexion de l'étudiant à propos
de son étude qui est la pierre angulaire de son développement. »201 Afin de concevoir la
possibilité d'être conscient qu 'il est conscient qu 'il apprend, nous devons aborder la ques-
tion à un niveau « meta ». Nous y reviendrons.
Le tableau 22 illustre l'évolution des courants psychologiques se rapportant à l'étude de la
conscience du début du siècle jusqu'à la fin des années 1970.
201
Noël, B. (1997). «La métacognition l'art d'évaluer ses performances » Dans Le cerveau et la pensée.
(2003). Coordonné par Jean-François Dortier. Auxerres Cedex : Éditions Sciences humaines,, page 339.
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84
Dans In Over Our Head, Kegan (2000) a mis l'accent sur les exigences grandissantes de la
vie moderne sur le mental. Pour maîtriser ces nouvelles exigences, l'auteur estime que
seul : «... un changement qualitatif dans la complexité de notre mental »205 pourra y par-
venir. Or, quand Kegan parle d'une transformation qualitative du mental {mind), il entend
par là un changement de niveau de conscience (consciousnesss thresholds). Il ressort, à la
lecture de Kegan, que l'évolution consciente de la conscience est centrale au développe-
ment des êtres humains et à leur capacité de répondre efficacement aux demandes nom-
203
Dortier, J.-F. (2003). « Histoire des sciences cognitives. » Le cerveau et la pensée, op. cit., page 26.
204
Ibidem, page 27.
205
Kegan, R. (2000/ In Over Our Heads (traduction libre), op. cit., page 6.
85
206
Sujet abordé au chapitre 4.
07
James, W. (1983). Principles of Psychology. Cambridge : Harvard University Press, page 241.
208
Ibidem, page 279.
209
Changeux, J. P. (2002). L'Homme de vérité, op. cit., page 111.
86
Le fait qu'il y ait différents états de conscience, différents niveaux de conscience et diffé-
rents processus mentaux qui influencent les attitudes et les comportements humains rend
difficile le choix d'un mot qui traduira bien cet objet d'études dont nous cherchons à expli-
citer les différentes caractéristiques.
Les chercheurs semblent d'accord sur certaines observations et conclusions, dont :
• La conscience prend naissance à l'intérieur, par une réaction entre le cerveau et une in-
formation issue d'une sensation, d'une perception, d'une émotion, d'une idée; mais elle
se manifeste à l'extérieur par une réaction, soit une attitude ou un comportement.
. Le phénomène peut être décrit par la personne impliquée, ou par un observateur, lequel se
voit alors lui-même devenir le sujet de sa propre observation. Damasio (2002) explique ce
phénomène en établissant un lien à trois entrées entre :
1/ certaines manifestations externes, par exemple l'éveil, les émotions d'arrière-pi an,
l'attention, les comportements spécifiques; 2/ les manifestations internes correspondantes de
l'être humain qui a ces comportements, telles que ce dernier les rapporte; et 3/ les manifesta-
tions internes que nous autres, en tant qu'observateurs, pouvons vérifier en nous-mêmes lorsque
nous nous trouvons dans des circonstances comparables à celles de l'individu observé.211
. Le phénomène de la conscience induit un processus physiologique permettant de ressentir
un « état d'être » que l'on qualifie d'état de conscience. Plusieurs espèces sont dotées de
cette faculté de conscience sensorielle, c'est-à-dire avoir conscience de capter, avec ses
sens, une information interoceptive ou exteroceptive. Damasio explique bien ce phéno-
mène qu'il relie à la notion d'éveil. De fait, il est question de conscience sensorielle
quand un organisme ressent une sensation ou manifeste une émotion que les humains par-
tagent avec les animaux. Il est important de bien saisir le phénomène de régulation biolo-
210
Searle, J. (1997). Le mystère de la conscience, op. cit., page 220.
211
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 112.
87
212
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 121.
Damasio, A. (2001). L erreur de Descartes, op. cit., page 308.
88
L'apport scientifique, aidant à distinguer les différents processus liés au cerveau et de re-
connaître les rôles spécifiques de chacune de ses composantes, permet d'attribuer certains
comportements et attitudes à ces fonctions. Spinoza, cité par Changeux (2002), l'avait par
ailleurs énoncé : « Les hommes jugent les choses suivant la disposition de leur cerveau. »215
Les différentes fonctions humaines sont tributaires de ces processus et des activités menta-
les liées au fonctionnement de la conscience. La majorité des philosophes, psychologues et
neuroscientifiques décrivent la conscience en précisant au moins deux niveaux opération-
nels (Damasio 2000, Edelman 2001); d'autres en distinguent trois et Kegan (1994) en décrit
cinq. Ce dernier précise qu'il entend par ordre de conscience un phénomène évolutif et non
pas une catégorisation : « I use the term 'order' not in the sense of 'sequence' but in the
sens of'dimension'. Each successive principle 'goes meta' on the last; each is: 'at a whole
different order' of consciousness. »216 Ces notions d'évolution et de meta permettent de
mieux différencier la conscience de la métaconscience.
Après Kant (1724-1804) qui, à l'instar d'Aristote (384-322 av. JC), décrit les trois facultés
de l'esprit par la sensibilité, l'entendement217 et la raison, Fouillée (1838-1921), à la suite
de Bergson (1859-1941) et James (1842-1910), faisait état de trois niveaux de conscience à
l'intérieur de son concept des « Idées-forces » :218
14
Edelman, G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 99.
215
Changeux, J.-P. (2002). L'homme de vérité, op. cit., page 12.
216
Kegan, R. (1994). In Over our Heads, op. cit., page 34.
Nous reprenons l'appellation de l'entendement en faisant référence à l'interprétation qu'en fait Kant : « Fonction de
l'esprit qui consiste à relier les sensations en systèmes cohérents (la raison faisant la synthèse des concepts de
l'entendement). Robert, P. (2007). Le nouveau Petit Robert. Paris : Éditions du Petit Robert, page 884.
218
Fouillée, A. (1921), op. cit., page xv.
89
1- « un discernement quelconque, qui fait que l'être sent ses Changements d'état, et
qui est ainsi le germe de la sensation et de l'intelligence; » (sensibilité)
2- « un bien-être ou malaise quelconque, aussi sourd qu'on voudra, mais qui fait
que l'être n'est pas indifférent à son changement; » (entendement)
3- « une réaction quelconque, qui est le germe de la préférence et du choix, c'est-à-
dire de l'appétition. » (raison)
Depuis, les conceptions relatives au phénomène de la conscience ne cessent d'évoluer.
Nous observons cependant que l'essentiel des observations décrivent une gradation des
niveaux de conscience essentiellement similaire.
La sensibilité, l'entendement et la raison deviennent ainsi la manifestation observée de la
conscience.
Nous pouvons, à partir de ce modèle d'étude, comprendre certains phénomènes liés au pro-
cessus et à l'interprétation que l'on se fait de certaines variations perceptuelles. Par exem-
ple, qu'est-ce qui influence la perception de la luminosité d'une surface peinte? Au début
du 21e siècle, les observations de Bergson exposent le phénomène de la luminosité pour
influencer les manifestations externes de la conscience. En effet, la couleur sur un mur peut
varier en passant du bleu foncé au violet selon l'intensité et la position de l'éclairage de la
pièce. La première activité cérébrale remarque le changement de couleur [sensibilité]. C'est
en effectuant une réflexion plus profonde que l'observateur se demande ce qui cause cette
variation [entendement]. II prend alors conscience du déplacement de la source lumineuse,
puis il fait le lien entre la simultanéité de la variation de l'éclairage et du changement appa-
rent de la couleur [raison]. Le degré d'attention porté à l'éclairage influencera de façon
signifiante la rapidité quant à la variation de la perception : « ... étant donné une certaine
excitation provoquant une certaine sensation, la quantité d'excitation qu'il faut ajouter à la
première pour que la conscience s'aperçoive d'un changement sera dans un rapport cons-
tant avec elle. »219
De même, l'observateur qui entend des pas dans la rue, sans voir le marcheur, enregistre le
son transmis par les pieds. Il se représente alors une série de pas successifs, et imagine une
personne avançant d'un pas régulier. La conscience possède cette faculté de faire des liens
et des différenciations entre des sons successifs, à intensités et intervalles plus ou moins
219
Bergson, H. (2002). Philosophie de l'existence. Paris : Éditions France Loisirs, page 524.
90
réguliers, et à en dégager des perceptions selon les mémoires et les connaissances enregis-
trées. En augmentant le degré d'attention porté au son des pas, l'image se précise.
Bergson définit ce phénomène, par lequel la perception évolue, par les états de conscience.
Il définit deux niveaux de conscience : la conscience de perception et la conscience réflé-
chie. La conscience de perception permet de lier ce que les sens enregistrent et les mémoi-
res, tandis que la conscience réfléchie permet d'anticiper un futur potentiel lié au résultat
émergeant de la conscience de perception. La conscience de perception est innée, alors que
la conscience réfléchie est acquise.
Cette faculté d'associer des idées à un niveau supérieur et de les orienter dans une direction
déterminée induit un métaprocessus dont les caractéristiques permettent de distinguer les
niveaux de maîtrise de sa conscience.
Fouillée (1893) définit ainsi le caractère évolutif et la complexité des états de conscience :
Nous n'admettons aucun état de conscience réellement simple; tout état de conscience est la ré-
sultante d'un ensemble prodigieux d'actions et de réactions entre nous et l'extérieur, et il a pour
corrélatif la totalité des mouvements qui, en un moment donné, s'accomplissent dans le cerveau.
Cette résultante est spécifique, originale en raison même de sa complexité, mais elle n'est pas
pour cela simple à la manière d'un atome indivisible et homogène. Des états de conscience
vraiment simples seraient indiscernables comme les atomes fictifs de la physique, qu'on discer-
ne uniquement par leur position dans l'espace et dans le temps.220
Cette notion de niveaux de conscience est, par ailleurs, défendue par l'ensemble des princi-
paux scientifiques, qu'ils soient philosophes, psychologues ou neuroscientifiques. Ainsi,
comme le mentionne Dennett (1996): « So the conscious mind is not just the place where
the witnessed colors and smells are, and not just the thinking thing. It is where the apprecia-
ting happens. »221 L'appréciation peut également être décrite au deuxième niveau de cons-
cience, Bergson (1888, 2002) la définit de la façon suivante :
La vérité est que le moi, par cela seul qu'il a éprouvé le premier sentiment, a déjà quelque peu
changé quand le second survient : à tous les moments de la délibération, le moi se modifie et
modifie aussi, par conséquent, les deux sentiments qui l'agitent. Ainsi se forme une série dy-
namique d'états qui se répètent, se renforcent les uns les autres, et aboutiront à un acte libre par
une évolution naturelle.222
220
Fouillée, A. (1921), op. cit., page XVIII.
221
Dennett, C. D. (1991). Conciousness Explained, op. cit., page 31.
22
Bergson, H. (2002). Philosophie de l'existence, op. cit., page 577.
91
passons jamais deux fois par le même état total de la conscience, par le même sentier de la
223
vie. »
Kant (1720-1804), Fouillée (1838-1921), James224 (1842-1910) et Bergson (1859-1941) ont
corroboré, chacun à leur façon, le fait des différents états de conscience. Leurs observations
constituent le premier élément conduisant à établir la conscience comme un processus :
« De tous les états que nous présente la vie intérieure, le premier et le plus concret est sans
contredit celui-ci : des états de conscience vont s'avançant, découlant et se succédant sans
trêve en nous. »225 Afin de tirer parti de ses prises de conscience, l'humain doit aborder un
métaprocessus permettant un apprentissage de ses prises de conscience de sa conscience.
Les paradigmes émergents des récentes recherches sur la cognition tendent à démontrer la
pertinence d'utiliser ce métaprocessus phénoménologique dans un contexte d'apprentissage.
Comme nous le mentionnions plus haut, avec l'avènement des sciences cognitives et plus
particulièrement des neurosciences, Edelman et Tonini (2000) et Damasio (2000, 2001,
2002) ont élaboré des modèles plus complets et plus complexes de la conscience. Nous
abordons leurs travaux dans le but de clarifier l'évolution du processus de la conscience et
de l'apprentissage potentiel par la conscientisation de ce processus.
L'utilisation de l'imagerie par résonance magnétique et d'autres technologies récentes per-
met de démontrer, données comparatives à l'appui, les principes d'apparition et de fonc-
tionnement de la conscience. Les scientifiques utilisent les résultats des tests faits avec des
gens dont certaines fonctions du cerveau sont dysfonctionnelles ou démontrent des signes
de fonctionnement différents du fonctionnement général du cerveau chez l'humain.
Ils comparent les résultats obtenus aux résultats de tests effectués avec des gens dont le
comportement est considéré normal. Ces expériences permettent de mieux isoler la cons-
cience de l'idée, de la morale, de l'éthique et de la pensée. Damasio (2000) explique que :
Cette approche, qui est connue sous le nom de méthode des lésions, nous permet de faire pour
la conscience ce que nous faisons depuis longtemps pour la vision, le langage ou la mémoire :
étudier une dégradation du comportement, la rattacher à une dégradation des états mentaux (la
223
Fouillée, A. (1893), op. cit., page XVIII.
224
Bien qu'il ait conçu le premier dictionnaire de psychologie, James a d'abord exposé ses idées en philoso-
phie. C'est pourquoi nous considérons ainsi sa conception de la conscience en tant que philosophe.
25
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 30.
92
cognition) et rapprocher les deux à une lésion cérébrale focale (une zone de lésion cérébrale cir-
conscrite)...226
Ces méthodes d'analyse et d'observation permettent d'établir des cadres de référence afin
de contourner certaines difficultés liées à l'analyse de la conscience. Damasio (2002) met
en perspective quatre pistes d'études possibles par la voie des données neurologiques et des
neurosciences. La première piste fait état de la possibilité d'étudier la conscience, en partie,
en référant aux régions anatomiques du cerveau : « ... certains aspects des processus inhé-
rents à la conscience peuvent être reliés au fonctionnement de régions et de systèmes céré-
braux spécifiques; ouvrant ainsi la voie à la découverte de l'architecture neuronale sous-
tendant la conscience. »227
Le deuxième point permet de valider les avancées liées à l'étude de différents niveaux de
conscience : « la conscience et l'éveil, ainsi que la conscience et l'attention de faible niveau
228
peuvent être séparées. »
La troisième piste représente une part fondamentale du phénomène de la conscience, à sa-
voir qu'elle est liée de façon non réductible à l'émotion : «... la conscience et l'émotion ne
sont pas séparables. ... lorsque la conscience est détériorée, l'émotion l'est aussi. »229
La quatrième piste permet de constater que chez les humains, le développement de la cons-
cience peut être étudié en parties séparées.
Plus précisément, nous pouvons décrire les trois phases du processus de la façon suivante :
1. Lors du développement du cerveau, il y a formation d'un répertoire primaire de dif-
férents groupes de neurones.
C'est la sélection développementale230 effectuée lors des premiers stades du déve-
loppement d'un individu. C'est-à-dire, lors du stade initiatique du cerveau. Les
premières connexions neuronales sont déterminées en grande partie par les gènes et
l'hérédité. Les groupes de neurones interagissent et forment des sous-groupes spéci-
fiques selon les espèces et les individus.
2. Lors de l'acquisition d'une expérience, un répertoire secondaire de circuits neuro-
naux se forme.
226
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 115.
227
Ibidem, page 29.
228
Ibidem.
Ibidem.
230
Expression tirée de Edelman (2000), page 103.
93
Les frontières des sous-groupes initiaux se transforment ensuite selon les informa-
tions et les expériences. Les sensations senties provoquent de nouvelles connexions
et en défont d'autres, selon leur intensité.
Edelman (2000) définit les sous-groupes neuronaux formés à l'aide des cartes
contenant les informations enregistrées. Par exemple, les cartes du cerveau issues
des informations tactiles reçues par l'utilisation des doigts sont modifiées selon le
nombre de doigts impliqués.
3. Les connexions sont coordonnées et situées selon des perceptions dans l'espace et
dans le temps.
C'est le phénomène nommé « réentrée », un processus dynamique qui permet la synchroni-
sation des mouvements et la coordination spatiotemporelle des événements sensoriels. Il
relie les informations reçues par les sens et enregistrées dans les deux hémisphères du néo-
cortex. La réentrée serait responsable des processus de différenciation, de sélection et de
l'organisation des informations. Cette notion permet, comme le reconnaît Damasio (2002),
d'expliquer les subtilités des sélections et des liaisons neuronales qui influencent les para-
mètres de la pensée consciente.
Damasio (2002) parle ainsi de la conscience noyau et de la conscience étendue : « La cons-
cience n'est pas monolithique, du moins, pas chez les humains : elle peut être séparée en
espèces simples et complexes, et les données neurologiques montrent la séparation dans
toute sa transparence. »231
La conscience noyau est définie comme la conscience du moment présent et du passé im-
médiat. Elle ne concerne pas le futur. C'est le premier niveau de conscience. À ce stade, les
informations sensorielles s'enregistrent, mais demeurent à l'état présent, sans transforma-
tion. Elle est le phénomène de sa propre représentation de soi. Elle est le sentiment qu'a un
individu de son implication dans le processus de sa propre existence et de l'existence
d'autrui :
(...) dans son fonctionnement normal et optimal, la conscience-noyau est le processus qui
consiste à réaliser une configuration neuronale et mentale rassemblant, presque au même ins-
tant, la configuration de l'objet, la configuration de l'organisme et la configuration de la rela-
tion entre les deux.232
Pour sa part, la conscience étendue «... se construit sur les fondements de la conscience
231
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 30.
232
Ibidem, page 251.
94
noyau »233. Elle englobe le passé, le présent et anticipe le futur. Elle induit une sélection
puis une transformation des informations. Elle permet d'intégrer les informations immédia-
tes et de les lier aux connaissances acquises de différentes façons et stockées dans la mé-
moire avec une valeur positive, neutre ou négative.
Les informations ainsi agencées aux différentes parties du cerveau, selon leur nature, se
traduisent de différentes façons, soit en gestes, en expressions, et ultimement chez
l'humain, par le langage. La conscience étendue initie l'intention et les valeurs morales.
La conscience étendue est donc la capacité de connaître immédiatement tout un ensemble
d'entités et d'événements. Autrement dit, la faculté de construire un point de vue individuel, un
sentiment de possession et d'agentivité sur un ensemble de connaissances plus vaste que celui
qui échoit à la conscience-noyau.234
Le concept de la conscience étendue de Damasio, bien qu'il n'expose que deux niveaux de
conscience et non trois, nourrit le concept des hiérarchisations de Kant, Fouillée, Bergson
et James décrit précédemment. En effet, les deux conceptions débouchent sur une dimen-
sion exclusive à l'espèce humaine, la raison, processus mental par lequel émerge la cons-
cience morale : «... il me semble que nous touchons à la source de la conscience morale,
cette fonction spécifiquement humaine. »236. Cette idée aurait par ailleurs sans doute plu à
James (1983) alors qu'il cherchait une meilleure classification, à tout le moins plus précise,
des phénomènes liés aux différents états de conscience :
But, if consciousness corresponds to the fact of rearrangement itself, why, if the rearrangement
stop not, should the consciousness ever cease? And if a lingering rearrangement brings with it
one kind of consciousness, why should not a swift rearrangement bring another kind of con-
233
Ibidem, page 31.
234
Ibidem, page 257.
235
Ibidem, page 31.
236
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 296.
95
Pour leur part, Edelman et Tonini (2000) parlent de conscience primaire et de conscience
secondaire qu'ils recoupent en quatre grandes étapes de l'évolution de la conscience. La
première réfère au niveau de la catégorisation perceptuelle, à la portée de tous les animaux.
Ce sont les signaux perçus par les organes sensoriels : la vue, l'ouïe, la kinesthésie, etc.
En deuxième lieu apparaît la notion de concept. Ils entendent par concept la capacité à dé-
gager des caractéristiques générales et abstraites à un ensemble d'objets ou d'idées. Ils ci-
tent en exemple la perception d'un visage : « des visages différents ont beaucoup de détails
différents, mais le cerveau se débrouille pour reconnaître que tous ont des traits généraux
semblables. »238 Ce niveau de conscience permet la symbolisation.
Les processus trois et quatre sont, pour leur part, liés à la mémoire et à la valeur. Ils permet-
tent de discriminer et de classer, en quelque sorte, les informations selon une échelle
d'appréciation allant de négatif à positif. Cette classification est utile lors de la prise de dé-
cision. C'est l'accumulation des informations classifiées qui donne la valeur à l'expérience
vécue. Ces deux phénomènes sont interreliés dans le fonctionnement de la conscience La
mémoire étant définie comme « une aptitude à répéter ou à supprimer de façon spécifique
un acte mental ou physique »239, elle est influencée par des contraintes de valeurs qui per-
mettent une sélection et une catégorisation des concepts enregistrés. À l'instar de Damasio,
ils amorcent l'idée de l'émergence de la conscience morale à ce niveau.
Searle (2000) a repris pour sa part la prémisse proposée par Edelman (1992, 2000) pour
appuyer le processus de la conscience sensorielle (tableau 23). Il contribue à rendre le mo-
dèle plus pragmatique : « Pour avoir la conscience ..., le cerveau a au moins besoin des
choses suivantes » :240
237
James, W. (1983). Principles of Psychology, op. cit., page 239.
38
Edelman, G. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 128.
239
Ibidem.
Searle, J. (2000). Le Mystère de la conscience, op. cit., page 55.
96
1- Une mémoire active, qui permet une recatégorisation améliorée chaque fois qu'elle est sollicitée. Par
exemple, à la vue d'un lion, un humain réfère à l'image stockée d'un lion. Il se produit alors une « mi-
se à jour ». L'ancienne image fait place à la nouvelle, considérant le contexte, différent ou non. La ca-
tégorie « lion » est ainsi réinventée et reclassée.
2- Un système d'apprentissage, lequel consiste, en utilisant la mémoire active, à améliorer les connais-
sances existantes. Les nouvelles informations sont mises en priorité en fonction du rapport avec
l'information en mémoire et d'un objectif. La nouvelle connaissance est par la suite intégrée dans le
cadre d'un changement apporté à un comportement.
3- Une aptitude de discrimination entre le soi et le non-soi. Il s'agit, pour l'humain, de différencier la
conscience d'avoir soif (état intérieur) et de réaliser, consciemment qu'il y a de belles fleurs autour de
lui, état de conscience provoqué par l'extérieur. La valeur de l'information est reconnue.
4- La formation de concepts constitue une condition majeure pour découvrir les caractéristiques du niveau
de conscience supérieur. Par exemple, voir le lion initie une mise à jour de la notion « lion » dans la
mémoire. Voir le lion et l'entendre rugir à la vue de nourriture, associe le son émis par le lion lorsqu'il
voit ou sent de la nourriture. Le lien entre les informations « le lion manifeste son contentement par tel
type de rugissement quand il voit de la nourriture » devient une compréhension d'un même concept.
5- Le cerveau doit aussi être capable de valoriser les éléments dans les catégories selon les situations vé-
cues. Par exemple, la sensation de la chaleur sur la peau d'un humain peut être perçue comme ré-
confortante. Par conséquent, en situation de froid, l'humain cherchera à se couvrir le corps de vête-
ments chauds pour retrouver cette sensation de chaleur qu'il préfère au froid. Il met en priorité toute si-
tuation procurant de la chaleur plutôt que du froid.
6- Les liens entre les connexions du système mémoriel et des systèmes sensoriels et perceptifs engendrent
le processus de la conscience sur deux niveaux différents.
Tableau 23 : Capacités essentielles du cerveau pour former la conscience selon Searle (2000)
Nous remarquons que les trois premières capacités sont associées aux cerveaux reptilien et
limbique, et que les trois dernières sont essentiellement celles du néocortex, qui actualise
les fonctions des cerveaux reptilien et limbique.
Ces trois axes descriptifs de la conscience mettent en perspective deux niveaux de traite-
ment des informations et des impressions. Il apparaît de plus en plus clairement que la
conscience, telle que nous la concevons, se développe sur des niveaux distincts. Un état de
conscience évolue pour augmenter la valeur de l'état précédent. Il s'agit d'un métaproces-
sus qui permet de dégager des apprentissages de sa conscience en utilisant les processus
mentaux mentionnés : la mémoire, la créativité, les intelligences, etc.
Robert Kegan (1982), pour sa part, a développé dans « The Evolving Self »241 une approche
empirique opérationnelle des personnes comme fabricants de sens. Dans ce livre, il ex-
plore: «... a view of human being as meaning-making and exploring the inner experiences
241
Kegan, R. (1982). The Evolving Self. Cambridge, op. cit.
97
Environnement Transformation de
externe ^- ^^-^ la conscience
242
Kegan, R. (1994). In Over Our Heads, op. cit., page 1.
243
Ibidem, page 6.
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99
Le cerveau réagit aux stimuli internes et externes par la sécrétion d'hormones et d'échanges
électriques et chimiques entre les neurotransmetteurs. C'est l'adaptation par homéostasie,
suite de réactions physiologiques automatiques (transpiration, accélération cardiaque, trem-
blement, etc.), qui assurent la survie d'un organisme vivant.
Ce que nous savons maintenant, grâce, entre autres, aux travaux des neuroscientifiques, est
que cette dite adaptation peut constituer en fait une émotion ou un sentiment latent, suscep-
tible de dégénérer en sentiment négatif, donc nocif pour la santé :
... il nous arrive bien souvent, dans telle ou telle situation, de nous rendre compte, de façon tout
à fait soudaine, que nous nous sentons anxieux et mal à l'aise, contents ou apaisés, et il est ma-
nifeste que l'état de sentiment particulier que nous connaissons alors n'a pas commencé au
moment de connaître mais bien plutôt un peu avant. Ni l'état de sentiment ni l'émotion qui y a
conduit n'ont été « dans la conscience », et pourtant, ils se sont déroulés sous forme de proces-
sus biologique.246
Certains événements peuvent aussi provoquer, dans un premier temps, des mécanismes
émotionnels sans que la personne en ait conscience. C'est-à-dire qu'un gestionnaire peut
44
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 61.
245
Ibidem, page 68.
Damasio, A. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 52.
100
déclencher, dans son système neuronal, des émotions négatives ou positives en regard
d'une tâche à effectuer sans en être conscient. C'est le processus de régulation biologique
qui génère la production des hormones responsables des émotions que Damasio (2001,
2002) nomme les émotions d'arrière plan :
... les mécanismes fondamentaux qui sous-tendent l'émotion ne nécessitent pas la conscience,
même s'ils finissent par y avoir recours : on peut être à l'origine des processus en cascade qui
conduisent à une manifestation émotionnelle, sans être conscient de ce qui a pu servir
d'inducteur à l'émotion et encore moins des étapes intermédiaires qui y ont conduit.247
Les conflits mentaux incessants, implicites ou explicites, les efforts physiques prolongés
imposent une régulation biologique dont nous prenons conscience après un certain temps,
lorsque l'émotion devient sentiment. Souvent, c'est un sentiment de malaise, une humeur
maussade, un état de fatigue, entre autres, qui fait prendre conscience à un individu de son
état émotionnel.
Le cerveau enregistre les informations dans la mémoire à long terme et transmet aux cellu-
les l'indication physiologique correspondante au stress en cause. Ces mémoires sont sollici-
tées chaque fois qu'un facteur interne ou externe les sollicite. L'interprétation émergente de
ce processus se fait par le sujet lui-même. Nous constatons ainsi que la métaconscience est
introspective :
• elle peut devenir consciente d'elle-même;
• elle peut se reconnaître, s'évaluer, s'améliorer;
• elle favorise la véritable maîtrise de soi, donc son efficacité;
• elle est en fait le plus vieux moyen de se connaître, à la condition que cela se tra-
duise par l'action, le changement, l'évolution.
La présence du néocortex chez l'humain lui permet d'interpréter les représentations de la
conscience sensorielle, de les évaluer et de les transformer en intentions. Ces intentions se
manifestent par des décisions et des actions par la volonté d'atteindre un but défini (téléo-
logique). C'est le processus métaconscient en action.
Nous dégageons dans la partie suivante les caractéristiques de la métaconscience et nous
mettrons en perspective son mode de fonctionnement. Il sera alors possible de mieux la
définir.
247
Ibidem, page 60.
101
3.4. LA MÉTACONSCIENCE
Il est reconnu que la métaconnaissance se définit comme «toute connaissance sur des
connaissances. »248; la métacognition comme «... un domaine de connaissance particulier,
à savoir nos connaissances à propos de la cognition.... »249; et la métamémoire comme des
« connaissances explicites, verbalisables des individus à propos de la mémoire. »250 Le ter-
me « meta », utilisé comme préfixe, donne à un processus un sens d'analyse de ce proces-
sus par ses propres paradigmes. C'est en ce sens que nous utiliserons ce préfixe afin de se
représenter la « connaissance de sa conscience », ce qui devient la métaconscience. Nous
rejoignons ainsi Delfour et Carlier (2005) qui soutiennent le fait que la reconnaissance de
sa conscience est un phénomène de second ordre, donc meta. Hobson (2007) va dans le
même sens : "Awareness of ourselves implies an awareness of awareness; that is, the con-
scious recognition that we are conscious beings. Awareness of oneself implies meta-
awareness."251
Si cette forme de conscience est 1'ultime processus mental qui intègre les données de tous
les autres processus mentaux pour décider des actions à prendre, le mot choisi doit bien
signifier cette position en surplomb de cette conscience englobante. Or, le préfixe meta en
français indique : « ce qui dépasse et englobe »252 en philosophie et dans les sciences hu-
maines.
En anglais, Hobson parle de méta-awareness : «Awareness of ourselves implies an aware-
ness of awareness; that is, the conscious recognition that we are conscious beings. Aware-
ness of oneself implies meta-awareness.»253 Le préfixe qualifie bien le rôle que joue ce pro-
cessus mental qui est propre aux êtres humains, par l'action du néocortex. Voilà pourquoi
le mot métaconscience s'est imposé de façon évidente pour nommer la réalité que nous
désirons étudier.
48
Doron, R. et Parot, F. (2003). Dictionnaire de psychologie. Paris : Presses universitaires de France.
249
Ibidem.
250
Ibidem.
251
Hobson, A. (2007). States do Consciousness: Normal and Abnormal Variation, dans Zelazo, P. D. et al.
The Cambridge Handbook of Consciousness. New York : Cambridge University Press, page 435.
52
Robert, P. (1996). Le nouveau Petit Robert. Paris : Dictionnaires Le Robert, page 1393.
253
Hobson, A. (2007), op. cit., page 435.
102
Kegan (2000) utilise lui aussi cette interprétation pour illustrer son modèle des ordres de
conscience : «Each successive principle 'goes meta' on the last, each is 'at a whole diffe-
rent order' of consciousness.»254
Le terme métaconscience rejoint donc les trois principales définitions du développement de
la conscience par la philosophie, les neurosciences et la psychologie, et que l'on retrouve
dans les travaux publiés par des chercheurs associés à l'une ou à l'autre de ces disciplines.
Elle se définit par ses caractéristiques, ses exigences de développement et ses obstacles.
Le fait de reconnaître la métaconscience comme un métaprocessus permettant à l'humain
de reconnaître ses processus mentaux en action et en utiliser les émergences pour influen-
cer son développement constitue une définition de l'objet d'analyse. Afin de bien utiliser ce
métaprocessus, il est nécessaire d'en connaître les principales caractéristiques, les exigen-
ces et les obstacles.
3.4.1.Les caractéristiques, exigences et obstacles de la métaconscience
Au cours de notre recherche, la métaconscience nous est donc apparue comme le métapro-
cessus mental le plus complexe, sophistiqué et important dans l'accomplissement des acti-
vités humaines. Nous avons constaté que l'ignorance de ce métaprocessus mental, respon-
sable de la gestion globale de notre être, prive l'humain du plein développement de son
potentiel. Nous avons remarqué que la métaconscience possède des caractéristiques qui
assurent son développement et son actualisation comme processus.
Hobson (2007) définit la conscience par les caractéristiques qu'il base sur les conclusions
de James : « We may discern at least the ten distinct capacities of mind (...). These are the
faculties of the mind that have been investigated by scientific psychologist since their for-
mulation by William James in 1890 ».255 Les dix composantes de la conscience auxquelles
il fait allusion sont l'attention, la perception, la mémoire, l'orientation, la pensée, la narra-
tion, l'émotion, l'instinct, l'intention et la volition. Cet auteur confond des processus men-
taux comme la mémoire, la perception, la pensée et les caractéristiques de la métaconscien-
ce comme l'attention, l'intention et la volition. D'autres auteurs proposent des caractéristi-
254
Kegan, R. (2000). In Over Our Head, op. cit., page 34.
255
Hobson, A. (2007), op. cit., page 437.
103
Le seul vécu auquel il ait intimement accès sur le mode direct est le sien,
les autres ne seront jamais qu 'une interprétation basée sur une empathie
Pierre Vermcrseh
Non seulement l'humain se reconnaît en tant que personne, mais il a le potentiel pour agir
et influencer son développement. Lorsqu'on examine les données fournies par les cher-
cheurs dont nous nous inspirons tout au long de cette thèse, nous sommes à même de re-
connaître que, par la complexité même du processus de développement, chaque humain
s'adapte en fonction de ses caractéristiques propres. Il en ressort que, malgré la généralisa-
tion des paramètres du développement humain qui le distingue des autres espèces, chaque
individu est unique en soi. Chaque être humain possède sa propre identité, son « soi », ré-
sultat de sa subjectivité.
Chaque être humain vient au monde avec des caractéristiques en potentiel qui lui sont pro-
pres. Damasio (2001) le spécifie bien : « les circuits innés n'interviennent pas seulement
dans la régulation biologique du corps; ils interviennent aussi dans le développement et le
105
Pour cette raison, les connaissances et les expériences transmises aux enfants, dès leur nais-
sance, doivent leur permettre d'encoder dans leur mémoire des informations qui les valori-
sent en tant qu'humains et leur présenter un monde bienveillant.
Edelman (2004) souligne que l'activité neuronale, aussi complexe et dynamique soit-elle,
n'a aucune valeur qualitative par elle-même. Elle prend son sens par le processus de la
conscience, puisque «... l'activité neuronale, mesurée et comprise par un observateur
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scientifique, n'a aucune des propriétés que nous assignons aux qualia.» Le résultat ne se
limite pas à la superposition observable des qualia : « Une explosion ne ressemble pas à un
explosif. »262
Kolb (1984) va plus loin par la relation qu'il met en évidence entre le concept du dévelop-
pement conscient et l'apprentissage, il illustre l'évolution de la pensée de James :
William James (1890), in his studies on the nature of human consciousness, marveled at the fact
that consciousness is continuous. How is it, he asked, that I awake in the morning with the same
consciousness, the same thoughts, feelings, memories and sense of who I am that I went to
sleep with the night before?263
L'interprétation du moi, accessible par introspection, est tributaire de notre unicité généti-
259
Damasio, A. R. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 157.
260
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 288.
261
Le terme « qualia » n'est pas défini dans les dictionnaires de la langue française, de philosophie ou de
psychologie, ni dans le dictionnaire de la langue anglaise. Ce terme est pourtant abondamment utilisé par
Edelman, Dennett, Churchland, entre autres. Ce terme désigne un processus phénoménologique. Il identifie la
présence d'un phénomène de couleur, d'odeur ou autre sens perçu. L'exemple le plus souvent utilisé est la
perception de la couleur rouge. On perçoit la couleur, c'est rouge. Personne d'autre que le sujet ne perçoit la
même intensité de couleur, ne ressent la même sensation. Il est pratiquement impossible de définir ce qu'est le
rouge comme objet. Il en est de même pour identifier une odeur : on peut la qualifier, l'apprécier, mais cela
demeure une information phénoménologique.
262
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, traduit de l'anglais par Jean-Luc Fidel. Paris : Éditions
Odile Jacob, page 84.
263
Kolb, D. A. (1984). Experiential Learning. New Jersey : Prentice Hall Inc., page 27.
106
que et des expériences vécues dans cette perspective de processus continu. Bien
qu'influencé par l'environnement, le génotype reste unique et individuel. La relation entre
le génotype et l'environnement se déroule sur trois niveaux d'influence, comme illustré au
tableau 26 :
La partie du cerveau ayant des structures préci-
Génome, caractéristiques innées.
ses.
L'activité de l'individu et les circonstances (dans
lesquelles le mot final revient à l'environnement Influence des facteurs de l'environnement.
humain et physique aussi bien qu'au hasard).
Actualisation, par la métaconscience, des caractéristi-
Les tendances à Pauto-organisation émanant de la
ques innées et de l'influence recursive de
pure complexité du système.
l'environnement sur le processus.
Nous retrouvons cette idée d'individuation dans les propos de Eccles (1997), pour qui le
« soi » est «... une unité d'expérience qui résulte de ce que la mémoire relie entre eux des
états de conscience éprouvés à des moments distincts, répartis sur toute la durée d'une
vie. »266 Kegan (2000) va dans le même sens et ajoute que la distinction de sa propre identi-
té est en relation avec le monde extérieur et résulte de l'évolution de la pensée. Cette per-
ception implique une conception de ses propres modèles mentaux et fait naître des désirs et
des intentions distincts des autres :
Hence, new way of knowing in such disparate domains as the inanimate, the social, and the in-
trospective may all be occasioned by a single transformation of mind. In each case, what is be-
ing demonstrated is the ability to construct a mental set, class, or category to order the things of
one's experience (physical objects, other people, oneself, desires) as property-containing phe-
nomena. 67
1
Inspiré de Damasio, A. R. (2002). L erreur de Descartes. Paris : Éditions Odile Jacob, page 159.
Doron, R. et Parot, F. (2003). Dictionnaire de psychologie. Paris : Éditions Quadrige, page 376.
Eccles, J. C. (1997). Comment la conscience contrôle le cerveau, op. cit., page 34.
267
Kegan, R. (2000). In Over our Head, op. cit., Press, page 21.
107
1
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 84.
'ibidem, page 81.
108
1
Ibidem, page 85.
Limoges, J. et Paul, D. (1981). Le développement du moi. Longueuil : Les Éditions Intelco inc, page 15.
Doron, R. et Parot, F. (2003), op, cit., page 391.
109
priété en vertu de laquelle la conscience est orientée vers ou porte sur des objets et des états
de choses qui sont d'abord dans le monde ». Il fait cependant une distinction entre inten-
tionnalité et intention. Selon lui : « ... le terme ne se confond pas avec le fait d' « avoir une
intention »- avoir une intention est intentionnel, mais l'« intentionnalité » renvoie à une
gamme plus large d'états de référence »273.
Il précise que les intrants susceptibles de générer une intention proviennent de différents
modes perceptuels, et que toutes les informations reçues ne génèrent pas nécessairement
une intention : « Il est cependant clair que tous les états conscients (l'humeur par exemple)
ne sont pas intentionnels. »274 Nous observons cependant que, bien que l'émotion et
l'humeur ne soient pas intentionnelles, elles influencent la volonté d'agir ou non en fonc-
tion de l'intention. L'impact se joue au plan de la motivation. Nous connaissons des gens
qui expriment plusieurs intentions louables, mais qui devant les efforts à fournir, n'arrivent
pas à agir en cohérence avec leurs intentions. Ne dit-on pas que l'enfer est pavé de bonnes
intentions! Les gens aux prises avec une dépendance à l'alcool, aux médicaments, ou qui
ne peuvent décrocher de leur travail fournissent de bons exemples d'intentions sans volonté
d'action, faute d'émotions positives ou de volonté.
La métaconscience, par son rôle intégrateur, permet de définir l'intention générée par les
entrées d'informations, à partir des états conscients de perception et de mémoire. Elle per-
met d'identifier les émotions émergentes et de faire les liens entre le but et la motivation à
agir, ce qui oriente la volonté, donc l'action. Comme le précise Damasio,
Il me semble que cette intentionnalité généralisée de l'esprit tire son origine dans le fonction-
nement narratif du cerveau. Ce dernier a pour tâche de représenter les états et les structures de
l'organisme; tandis qu'il régule l'organisme conformément à sa fonction, le cerveau forge natu-
rellement des histoires sans paroles sur ce qui arrive à un organisme pris dans un environne-
ment donné.275
Partant du même fondement, Husserl (1859-1938) précise les idées de Brentano : « ... il
existe des variétés spécifiques essentielles de la relation intentionnelle, ou en bref de
l'intention (qui constitue le caractère générique de 1' « acte ») »276. Le tableau 29 illustre les
trois sortes d'intentions primitives277 qui initient le « caractère de l'acte » selon Husserl :
73
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 150.
24
Ibidem.
75
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit, page 245.
76
Husserl cité dans : Husserl et I"intentionnalité : une introduction à la phénoménologie.
http:/7vvww.zulio.orq''iournal/post/2005/10/22/h. vu le 1er août 2008.
277
Ibidem.
110
L'intention est le point de départ de toute action réfléchie. Selon le stade de développement
humain, l'intention se manifeste soit par un comportement et une attitude égocentrés, al-
truistes ou relationnels. À la vue d'un chien, un enfant, un adolescent et un adulte auront
des intentions différentes. L'enfant, pour qui le jeu constitue la majeure partie de ses activi-
tés, aura l'intention déjouer avec le chien. Il agira sans se méfier, son but étant d'avoir du
plaisir. L'adolescent et l'adulte peuvent avoir l'intention de protéger l'enfant, de se protéger
eux-mêmes, de nourrir ou de faire marcher le chien, selon les expériences antérieures avec
ce genre d'animal. Ils poseront les gestes dictés par leur intention et manifesteront une atti-
tude amicale ou méfiante.
La compréhension du rôle de l'intention fait une différence pour le gestionnaire. Par exem-
ple, lors d'une situation conflictuelle, l'intention peut être de nourrir son ego, c'est-à-dire
de maintenir sa position à tout prix dans le but de ne pas être perçu comme un perdant.
L'intention peut aussi être de maintenir la relation à tout prix. Dans ce cas, l'un ou l'autre
aura à abdiquer, au risque d'être perçu comme celui qui avait tort. De ce point de vue, la
façon de traiter les informations en fonction de ses connaissances et expériences fait une
différence.
Il existe un ensemble extrêmement riche de répertoires sélectifs de groupes neuronaux dont les
réponses, par sélection, peuvent se régler sur la richesse infinie des entrées environnementales,
de l'histoire individuelle et de la variation individuelle. Selon cette conception, Pintentionnalité
et la volonté dépendent toutes deux des contextes locaux de l'environnement, du corps et du
cerveau...278
Le code moral, défini selon nos paramètres identitaires, a beaucoup à voir avec l'intention.
C'est la perception de ce qui est bien ou mal qui guide, ou du moins, justifie l'intention.
C'est d'ailleurs ce qui pose souvent problème au gestionnaire. Par exemple, quand il doit
appliquer une procédure de mise à pied, il n'a pas l'intention de nuire aux employés
1
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 136.
Ill
que ». »279 Tout comportement consécutif à une réflexion métaconsciente vise une fin anti-
cipée par l'individu : « Considérez la direction de votre esprit à n'importe quel moment :
vous trouverez qu'il s'occupe de ce qui est, mais en vue surtout de ce qui va être. »280 Cette
caractéristique est une conséquence de l'intentionnalité; elle donne un sens à l'action, et
oriente les efforts de la volonté.
Nous avons déjà établi que la conscience agit en fonction de répondre à un stimulus, sans
autre but que de réagir à une sensation, à un souvenir, à un désir. Au niveau de la méta-
conscience, un geste répondant à un stimulus (sensation, émotion, pensée) est posé avec
l'intention d'une finalité. James (1999) le précise bien de la façon suivante : «... la recher-
che volontaire d'un but implique l'activité continue de certains processus cérébraux assez
précis, tout le long d'une suite de pensées. »281
Une personne peut marcher dans la rue, soit pour se rendre à une destination précise, ou
pour faire de l'exercice. La finalité est, dans le premier cas, d'arriver à destination, et dans
le second, de se sentir en meilleure forme physique. Ce qui pousse la personne à agir est
une finalité réfléchie : son action est téléologique, elle poursuit un but. Alors qu'une per-
sonne peut courir parce qu'elle est effrayée par un bruit; elle court parce qu'elle a peur.
Elle veut échapper à un danger, c'est une action réactive. Elle répond à un stimulus.
Les exigences, présentées au tableau 31, sont incontournables afin de respecter l'intention
et d'éviter les distractions et le découragement qui représentent les principaux obstacles à la
réalisation de son intention.
Caractéristiques Exigences Obstacles
Définies sous forme de buts et Trop de buts et d'objectifs
d'objectifs Distractions
Spécifiques Découragement
Mesurables Ampleur de la tâche
Téléologique Atteignables Manque de temps
Réalistes Illusion d'éternité
Temporels Fatigue
Manque de compétence
Tableau 31 : La métaconscience est téléologique
79
Didier, J. (1964). Dictionnaire de la philosophie. Paris : Librairie Larousse, page 296.
80
Putois, O. (2005). La conscience. Paris : Éditions Flammarion, page 214.
281
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 379.
113
Selon James, « La conscience s'intéresse aux divers éléments de son contenu, accueille les
uns et rejette les autres : penser, c'est faire des sélections. »282 II définit jusqu'à sept étapes
de sélection, selon les fonctions humaines impliquées. Ce processus de sélection est néces-
saire du fait que les informations et les choix disponibles sont illimités et que le temps et
l'énergie pour les considérer et les réaliser sont, pour leur part, limités. Nous avons regrou-
pé les étapes proposées par James en trois niveaux en fonction des grandes divisions de
traitement de l'information chez l'humain. Nous avons, dans un premier temps, des impres-
sions captées par les sens, de façon interoceptive ou exteroceptive. Ces impressions font
l'objet d'une première discrimination : « Voici bien l'un des caractères les plus surprenants
de la vie mentale : nous ne percevons que la minime partie des impressions dont nous as-
siège constamment toute notre périphérie sensorielle. »283 Les informations captées sont
ensuite soumises à la mémoire et aux connaissances. À cette étape, le seul critère de dis-
crimination est l'appréciation de l'impression en fonction des désirs, des attentes et des
émotions générées. Ces informations ne sont pas dirigées et peuvent entraîner la personne
dans un tourbillon de pensées dévastatrices ou excentriques.
Au troisième niveau, la métaconscience sélectionne les informations liées à des intérêts, et
les canalise à la réalisation d'objectifs précis et en cohérence avec les buts et les valeurs
établis. Le tableau 32 illustre les trois niveaux de sélection selon la fonction impliquée.
282
James, W. (1999). Précis de Psychologie, op. cit., page 252.
283
Ibidem, page 310.
114
Organes Impressions
Perceptions
Sensations
Mémoires Attentes
Désirs
Émotions
Métaconscience Intérêts
Connaissances et expériences
Buts et objectifs
Valeurs
Tableau 32 : Niveaux de sélection des informations
La sélection devient donc une exigence de l'intention qui a choisi un but obligeant la cons-
cience à discriminer parmi toutes les options possibles pour l'atteindre.
Le tableau 33 indique les exigences et les obstacles à la sélection.
Caractéristique Exigences Obstacles
L'attention est la capacité de la métaconscience, qui est volontaire, de concentrer son temps
et son énergie à la réalisation de ses buts. Nous sommes soumis à plusieurs sources de sti-
muli en tout temps. Parce que nous sommes limités en temps et en énergie, nous ne pou-
vons pas accorder notre attention à chacun d'eux. Edelman le mentionne bien :
« L'expérience subjective de riches états intérieurs conscients contraste avec l'incapacité
d'un sujet conscient à mener à bien simultanément plus de trois actes conscients - par
exemple, taper un texte, réciter un poème et répondre à un questionnaire, le tout en même
temps. »285 Pour accorder de l'attention à un objet, il est nécessaire de laisser de côté les
autres. Il s'agit là d'une caractéristique majeure de notre métaconscience.
284
Inspiré de James (1999).
285
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 82.
115
286
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 315.
287
Ibidem.
288
Ibidem, page 317.
289
Ibidem, page 319.
290
Richard, J.-F. (1998). « Résolution de problèmes stratégies et impasses. » Dans Le cerveau et la pensée.
(2003). Coordonné par Jean-François Dortier. Auxerres Cedex : Éditions Sciences humaines, pages 325-330.
116
sont souvent très subtiles et discrètes. Elles requièrent une attention très focalisée. James
(1999) parle d'effort résolu qu'il décrit comme d'un état de conscience que nous connais-
sons tous :
Nous l'éprouvons dans le domaine des expériences sensibles quand nous voulons saisir une im-
pression extrêmement ténue, qu'il s'agisse d'une impression de la vue, de l'ouïe, du goût, de
l'odorat ou d'une impression de toucher; ou encore quand nous voulons discerner une sensation
noyée dans une masse de sensations semblables; ou enfin quand nous luttons contre l'attraction
d'objets très « excitants » en forçant notre esprit à s'absorber dans la contemplation d'un objet
sans séduction naturelle.29'
L'attention permet donc de cibler la sélection des informations en fonction d'un but et de
valeurs établies en priorité préalablement par la métaconscience. Cette capacité à maintenir
son attention est mise à l'épreuve de façon continue par la quantité d'informations et les
publicités de toutes provenances. Plusieurs de ces informations touchent les émotions et
visent à répondre aux désirs superficiels de l'humain. Lorsque le gestionnaire n'y prend
garde, il devient surchargé de messages, et il éprouve de la difficulté à faire une sélection
efficace centrée sur ses objectifs prioritaires. Voici (tableau 34) les exigences et obstacles
liés à l'attention.
Caractéristique Exigences Obstacles
Par sa structure des plus complexes, le cerveau est doté d'un mode de fonctionnement uni-
que. La métaconscience place les informations intrinsèques et extrinsèques de façon à faire
un tout identifiable et cohérent en fonction des paramètres cognitifs disponibles et de nos
intentions émergeant de nos valeurs et priorités. Selon Kegan (2000), c'est ce qui permet
d'utiliser nos connaissances pour satisfaire aux attentes de performance : «This capacity, by
now familiar, represents a qualitatively more complex system for organizing experience
than the mental operations that create values, beliefs, conviction, generalization, ideals,
Edelman parle de noyau dynamique295 pour illustrer cette hiérarchie fonctionnelle du cer-
veau : « Grâce à ces interactions, le noyau dynamique relie la mémoire valeur-catégorie à
l'organisation perceptive. En outre, il sert à connecter les cartes mémorielles et conceptuel-
les les unes aux autres. »296 C'est le principe utilisé par Buzan (2003) pour la conception du
Mind Maping qui consiste à organiser les informations sur un schéma qui permet de faire
les liens logiques entre les informations à traiter.
Cette caractéristique de la métaconscience place les informations perçues de façon à les
utiliser pour atteindre nos objectifs. Elle suppose donc que les buts et les objectifs soient
clairement définis.
Nous exposons dans le tableau 36 les principales exigences et les obstacles susceptibles
d'influencer la capacité de la métaconscience à organiser les informations en cohérence
avec les buts et objectifs.
292
Kegan, R. (2000). In Over our Heads. Cambridge, op. cit., page 185.
293
Changeux, J.-P. (1995). Le cerveau et la complexité. Dans Le cerveau et la pensée. (2003). Coordonné par
Jean-François Dortier. Auxerres Cedex : Éditions Sciences humaines, page 74.
294
295
Inspiré de Changeux (1995).
Edelman définit par noyau dynamique « Ce faisceau fonctionnel, doté de myriades d'interactions réentran-
tes dynamiques, surtout mais pas seulement dans le système thalomocortical... » Edelman, G. M. (2004). Plus
vaste que le ciel, op. cit., page 91.
296
Ibidem.
118
Nous savons que l'évolution de l'espèce humaine est le résultat d'un processus impliquant
le cerveau et ses fonctions. Nous soulignons le sens psychologique du terme processus
comme défini dans le Dictionnaire de psychologie : « S'il y désigne, comme dans les autres
champs du savoir, des changements, des transformations, des développements, des évolu-
tions, il s'y attache, sous l'influence de la psychologie cognitive, un sens plus circonscrit
renvoyant à des enchaînements d'opérations internes, mentales, notamment du traitement
de l'information.»297
Chaque être humain vit ce même processus évolutif par le développement de ses fonctions
cérébrales, sensorielles, émotives et mentales. L'appréciation d'un phénomène, la sensation
provoquée par un élément intéroceptif ou extéroceptif est unique au moment de sa prise de
conscience. Le même phénomène à un autre moment provoque une nouvelle prise de cons-
cience, laquelle, bien que pouvant faire référence à la précédente, est différente, ne serait-ce
que du fait de cette référence. James (1999) affirme que la conscience est sans cesse en
évolution. D'un état à l'autre, un développement s'opère : « Je ne veux que mettre l'accent
sur cette vérité qu'un état une fois disparu ne peut jamais revenir identique à ce qu'il
fut. »298 La métaconscience est donc, de par sa nature même, changeante comme l'a noté
Edelman (2004).
Les modèles proposés par Loevinger (1976) et Kegan (2000) démontrent que la métacon-
science est un métaprocessus développemental et systémique : «But the different orders are
developmental then 'mastering the fourth order' is more a matter of a gradual process of
holistic mental growth or transformation - the evolution of conciousness - than of master-
297
Doron, R. et Parot, F. (2003), op. cit., page 567.
1
James, W. (1999). Le précis de psychologie, op. cit., page 233.
119
ing new mental skills.»299 Navel (2007) traduit bien que ce processus est systémique par
cette citation de Morin :
Le cerveau est enfermé dans sa boîte crânienne, et il communique avec l'extérieur que par le
biais des terminaux sensoriels qui reçoivent les stimuli visuels, sonores, olfactifs, tactiles, les
traduisent en un code spécifique, transmettent ces informations codées en diverses régions du
cerveau, qui les traduisent et les transforment en perception. Ainsi toute connaissance, percepti-
ve, idéelle ou théorique, est à la fois une traduction et une reconstruction.300
Cette reconstruction se fait en continu et se traduit par des états subjectifs différenciés et
évolutifs. À l'instar de James (1999), pour qui la conscience est un courant d'états transitifs
et substantifs : « Appelons 'états substantifs' ceux où la pensée s'arrête, et 'états transitifs'
ceux où la pensée vole. »301 Edelman parle pour sa part de l'expérience consciente : « Sur
de courtes périodes de temps, elle peut passer par une multitude d'états intérieurs. »302
D'une transformation à l'autre, l'évolution est traduite par la métaconscience, laquelle défi-
nit les fondements de notre personnalité et de notre identité. Kegan (2000) l'exprime ainsi :
«Our arrival is not a place on a temporal continuum guaranteed by the passage of time. It is
rather a place on an evolutionary continuum made possible by the emergence of a qualita-
tively new order of consciousness.»303 Dans les faits, nous sommes en mesure de faire évo-
luer ou régresser notre métaconscience.
Edelman explique cette caractéristique par la quantité imposante et très rapide de
connexions neuronales au niveau du système thalomocortical, d'une part, et d'autre part,
par le grand nombre d'interactions internes dans ce même système :
Cela définit ce que nous avons appelé un faisceau fonctionnel : la plupart de ses transactions
neurales ont lieu au sein du thalamus et du cortex eux-mêmes, et seules des transactions assez
peu nombreuses se produisent avec d'autres parties du cerveau..., c'est là une propriété impor-
tante qui sert à distinguer les activités neuronales au service de la conscience de celles qui ne le
304
sont pas.
Bien que les systèmes de notre cerveau permettent à notre métaconscience de prendre cons-
cience de sa propre évolution, certains paradigmes et préjugés évoluent plus facilement que
d'autres.
Du fait de la capacité de la métaconscience à identifier des buts, à sélectionner des informa-
tions et à les organiser en cohérence, nous avons une influence sur notre propre dévelop-
299
Kegan, R. (2000). In Over our Heads, op. cit., page 187.
300
Navel, C. (2007), op. cit., page 30.
James, W. (1999). Le précis de psychologie, op. cit., page 240.
302
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 82.
03
Kegan, R. (2000). In Over our Heads. Cambridge : Harvard University Press, page 182.
304
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 91.
120
pement humain. Nous avons dégagé dans le tableau 37 les principales exigences et les obs-
tacles susceptibles d'influencer son caractère processuel.
Caractéristique Exigences Obstacles
Edelman, G. M. (2004). Plus vaste que le ciel, op. cit., page 144.
306
Dennett, C. D. (1991). Conciousness Explained, op. cit., page 31.
121
intentionnelles.
Uttal (1978) distingue trois discriminations relatives au temps :
1- La relativité de l'ordre temporel :
L'habileté de la conscience à distinguer, parmi deux événements, lequel s'est produit avant
l'autre. Par exemple, vous entendez un bruit sourd et vous apercevez un objet qui tombe du
deuxième étage. Il est parfois difficile de déterminer avec certitude si vous avez vu l'objet
tomber avant d'entendre le bruit. Vous avez l'impression d'avoir entendu le bruit en pre-
mier, parce que son intensité a eu un impact plus grand au plan de votre perception senso-
rielle. Cependant, considérant que vous avez le souvenir d'avoir vu l'objet tomber, vous
déduisez que vous l'avez certainement vu avant de l'avoir entendu.
2- L'acuité temporelle :
L'habileté de la conscience à faire la distinction séquentielle entre deux stimuli identiques à
l'intérieur d'un même événement. Par exemple, vous entendez un cri de panique en même
temps que le bruit d'une explosion. Vous êtes en mesure de relier le bruit de l'explosion à
l'objet qui a explosé et le cri à une personne.
3- La durée et l'intervalle :
L'habileté à évaluer la durée d'un événement ou le temps écoulé entre deux événements.
C'est cette conception du temps qui permet la planification.
Ces trois habiletés discriminatives jouent un rôle déterminant dans ce que Uttal appelle
«complex temporal pattern recognition»307. Elles représentent les outils de la métacons-
cience pour actualiser ce qu'il est d'usage d'appeler la gestion du temps.
La conscience sensorielle agit de façon spontanée dans le temps présent. Elle réfère au pas-
sé en consultant les mémoires pour qualifier la sensation présente. Quand il s'agit de pren-
dre conscience d'un espace temps, impliquant l'évaluation d'une durée ou d'un intervalle,
la métaconscience entre en action : « Notre perception du temps a donc pour unité une du-
rée située entre deux limites, l'une avant et l'autre arrière; ces durées ne sont pas perçues en
elles-mêmes, mais dans le bloc de durée qu'elles terminent. »308
La métaconscience évalue donc le temps par les intervalles entre deux activités ou deux
événements. Cette caractéristique est essentielle car, par sa nature, elle permet à la méta-
307
Uttal, W. R. (1978), op. cit., page 420.
308
Putois, O. (2005), op. cit., page 234.
122
L'être humain situe ses perceptions par des états de conscience. Il interprète les sensations
en situant dans un espace-temps chacune des perceptions, chaque état de conscience. En
deuxième lieu, la conscience métaconscience ordonne et positionne ces états de conscience
dans le temps. Denett (1993) va dans le même sens :
La représentation du temps par le cerveau est ancrée au temps lui-même de deux manières :
l'ordre même du représentant peut fournir les données ou déterminer le contenu, et la raison
même pour laquelle on représente le temps des choses peut être perdue si le représentant ne se
produit pas dans le temps pour faire la différence qu'il est supposé faire.3"
09
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 31.
10
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 167.
3
" Dennett, D. (1993). La conscience expliquée, op. cit., page 193.
12
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 260.
313
Dennett, D. (1993). La conscience expliquée, op. cit., page 190.
123
On remarque qu'il y a une certaine ambiguïté quant à l'usage du terme volontaire en psy-
chologie : « Les termes volontaire et volonté, qui ont une longue histoire dans la langue
courante et la psychologie du sens commun qu'elle véhicule, restent, pour cette raison, d'un
usage indécis en psychologie scientifique. »314 C'est pourquoi nous estimons d'abord im-
portant de définir ce que nous entendons par cette caractéristique attribuée à la métacons-
cience. D'abord, nous référons à James (1999) :
Tout le monde sait par expérience ce qu'est un désir, un souhait, une volition; à définir ces états
de conscience on ne les rendrait pas plus clairs. Nous désirons sentir, avoir, faire, ce qu'au mo-
ment même nous ne sentons pas, n'avons pas, ne faisons pas. Ajoutez au désir un sentiment de
son accomplissement impossible, et vous avez un souhait, un sentiment de son accomplisse-
ment possible, et vous avez une volition. La volition est effective; nous sentons, nous avons,
nous faisons réellement ce que nous avons vraiment voulu sentir, avoir et faire, soit immédia-
tement après l'avoir voulu, soit quelque temps après, quand il y a quelques mouvements préli-
minaires à accomplir pour atteindre la fin voulue.3I5
James (1999) distingue donc le désir, le souhait et la volonté. Selon lui, le facteur différen-
ciateur réside dans le pouvoir qu'a l'individu sur l'action à entreprendre :
Seule la volonté de « faire » se réalise immédiatement, parce que seuls les mouvements du
corps suivent immédiatement la volition; tandis que toute volonté de « sentir » ou d' « avoir »
nécessite, avant de se réaliser, l'accomplissement de mouvements préliminaires.316
Ce pouvoir de vouloir, selon Damasio, est présent dans les formes de vie les plus primaires,
sans parler de volonté au sens propre. Il reconnaît dans l'acte de reproduction de la vie ce
processus découlant d'un désir de rester en vie et, par la « disposition à l'action », la volon-
té de se reproduire afin de maintenir la vie.
Il soutient que :
Le désir involontaire et inconscient de rester en vie se traduit, dans une simple cellule, par une
opération compliquée qui exige de « sentir » l'état du profil chimique situé à l'intérieur de la
limite, et qui exige une « connaissance inconsciente » et involontaire de ce qu'il faut faire, chi-
miquement parlant, ... Pour le dire en d'autres termes : il exige, pour sentir le déséquilibre,
quelque chose qui n'est pas sans ressembler à la perception; il exige quelque chose qui n'est pas
sans ressembler à la mémoire implicite, sous forme de dispositions à l'action, afin de maintenir
son savoir-faire technique.. ,317
114
Doron, R. et Parot, F. (2003), op. cit., page 754.
315
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 563.
316
Ibidem.
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 181.
125
C'est donc avec l'apparition du néocortex que le processus réflexif permet d'actualiser les
désirs en volonté, puis en action. James (1999) le précise :
... pour qu'un mouvement soit volontaire, il faut que sa représentation précède son exécution;
cette représentation n'est pas celle de l'innervation qu'il requiert; c'est la représentation antici-
pée de ses propres effets sensibles, tant locaux qu'éloignés, et souvent bien éloignés en effet.
De telles représentations déterminent la nature de nos mouvements.3'9
318
Ibid, page 182.
319
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 572.
320
Fouillée, A. (1893), op. cit., page 38.
321
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit, page 573.
126
ont en tête l'œuvre qu'ils veulent produire, et les gestes pour ce faire vont de soi. Selon
James (1999), ces gestes sont conscients et volontaires. Ils visent le résultat plutôt que le
geste proprement dit : « Pour se rendre compte de l'acte volontaire, et comprendre qu'il
peut exister sans fiat ni décision expresse, il faut commencer par se bien convaincre que
tout état de conscience tend de lui-même à l'action, est essentiellement impulsif'par natu-
322
re. »
La volonté serait, dans ce sens, le phénomène précédant toute action, peu importe le niveau
d'automatisme de cette action. Il répond à l'intention. On peut observer que la nature même
de la métaconscience, quand elle se développe, consiste à devenir de plus en plus volontai-
re.
Toujours selon James (1999), lorsque l'effort est mis à contribution pour atteindre un but, il
s'agit alors d'une volonté génératrice d'une interaction entre les informations reçues, les
représentations nouvelles et anciennes, les croyances, etc. :
La conduite d'un homme à l'état de veille est ainsi en tout temps la résultante de deux forces
nerveuses antagonistes. Avec une finesse inimaginable, des courants épars dans les cellules et
les fibres du cerveau agissent sur les nerfs moteurs, tandis que d'autres courants, non moins
inimaginablement fins que les premiers, agissent sur eux, secondent ou obstruent leur cours et
modifient par là leur direction ou leur vitesse. La conclusion de tout cela, c'est que les courants,
qui doivent toujours en fin de compte s'échapper par quelques nerfs moteurs, s'échappent tantôt
d'un côté et tantôt d'un autre; tantôt même ils se font mutuellement équilibre et, si longtemps
qu'un observateur superficiel pourrait penser qu'ils ne trouvent aucune voie de sortie.323
322
Ibidem, 511.
323
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 579.
324
Assagioli, R. (1987). Un acte de volonté. Montréal : Le Centre de Psychosynthèse de Montréal inc., page
153.
127
atteindra enfin à sa propre cohérence dans et par la réalisation d'une pleine adhésion.»325
Par ce consentement, cette acceptation, nous retrouvons le concept de la liberté. En ce sens,
Le Lannou indique que « La logique propre de la volonté positive conduit au dépassement
de l'humain. »326 Parce qu'ils nécessitent une réflexion, un choix d'action, les mouvements
volontaires en sont des secondaires de l'organisme. Ils résultent des idées issues du désir ou
d'une impulsion, et de représentations d'une résultante en mémoire. James est clair à ce
sujet : « La première condition de la vie volontaire est donc que l'on ait une provision de
représentations des divers mouvements possibles, ... .»327 II poursuit :
Ainsi donc, tout ce que l'introspection nous découvre dans la conscience, avant l'acte volontai-
re, se réduit à des images anticipatrices des sensations que va produire le mouvement, accom-
pagnées (en certains cas) d'un fiat328, ou consentement à l'actualisation de ces sensations.329
La volonté est donc une manifestation de la liberté de choisir l'action en fonction de diffé-
rents paramètres associés à des représentations existantes.
Bergson, repris par François dans Saltel (2002), propose une représentation de ce phéno-
mène de « gradation de l'intention » avec le phénomène de tension pour illustrer la volon-
té : « Grâce à cette notion de tension, Bergson permet donc de penser une sorte d'échelle
des êtres, dont les différents degrés seraient marqués par autant d'intensités possibles de
volonté. »330 II cite directement Bergson :
La plus ou moins haute tension de la durée [des êtres], qui exprime, au fond, leur plus ou moins
grande intensité de vie, détermine ainsi et la force de concentration de leur perception et le de-
gré de leur liberté à propos de l'évolution créatrice, sur l'identification possible entre vie et vo-
lonté.331
Eccles (1997), pour sa part, reconnaît à la volonté une « structure spatio-temporelle qui lui
permet d'exercer une action effective. »332 Selon Damasio (2001), la volonté représente
« une démarche consistant à choisir en fonction d'un objectif à long terme plutôt qu'en
fonction d'un objectif à court terme.»333 C'est prendre une décision d'action fondée sur un
gain potentiel malgré le sentiment d'un « sacrifice » à court terme. Par exemple, économi-
325
Le Lannou, J.-M. (2003). La volonté. Paris : Éditions KIMÉ, page 104.
326
Ibidem, page 105.
327
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 565.
328
ht flat se définit comme une décision volontaire mettant fin à une délibération. Selon Le Petit Larousse en
couleurs (1991), page 428.
329
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 569.
330
François, A. (2002). « La volonté chez Bergson » dans La volonté. Paris. Saltel, P. : Ellipse Éditions Mar-
keting S. A, page 231.
331
Ibidem.
332 \
' Eccles, J. (1997). Comment la conscience contrôle le cerveau, op. cit., page 35.
333
Damasio, R. A. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 243.
128
ser (se priver du plaisir d'acheter de nouveaux vêtements chaque semaine) dans le but
d'acheter une nouvelle voiture dans deux ans. C'est aussi faire du jogging régulièrement
(malgré les inconvénients et un horaire chargé) afin de maintenir une bonne forme physi-
que, etc.
La décision peut alors générer un malaise dans l'immédiat, mais la perspective d'une satis-
faction plus grande dans un moyen ou long terme permet à l'organisme de pencher pour un
« acte de volonté ». Ce sont nos valeurs et notre considération morale qui guident en ce
sens nos actes volontaires.
James (1999), pour sa part, décrit le phénomène d'intensité volontaire par les différents
niveaux des états de conscience et de prise de décision. Ces états de conscience sont in-
fluencés par les inhibitions naturelles, les pulsions spontanées, les préférences, le sentiment
d'urgence, etc. : « C'est que différents états de conscience sont loin d'avoir un même coef-
ficient d'automatisme; les uns peuvent se trouver en dessous, les autres en dessus du point
de décharge, qui sert ainsi de critérium de leur efficacité pratique. »
Ainsi, l'action volontaire générée par un désir, une intention ou autre est responsabilisante.
Janiaud , dans Saltel (2002), la définit ainsi : « La volonté serait l'apanage de l'homme res-
ponsable, cohérent, capable de s'inscrire non seulement dans la résistance aux épreuves
mais dans un projet positif et exigeant. »335 Cette affirmation induit forcément une capacité
reflexive permettant de comparer les résultats de l'action et ceux de la non-action. Le ta-
bleau 39 illustre les principales exigences à respecter, et les obstacles omniprésents dans
l'exercice de la volonté.
334
James, W. (1999). Précis de psychologie, op. cit., page 587.
1
Saltel, P. (2002), op., cit., page 59. http://fr.wikipedia.org/wiki/Raison
129
Le fait que l'on ait défini très tôt l'humain comme un animal raisonnable fait ressortir le
rôle central de la pensée reflexive et critique dans un processus d'humanisation : « La rai-
son est une faculté de l'esprit humain dont la mise en œuvre nous permet de fixer des critè-
res de vérité et d'erreur, de discerner le bien et le mal et de mettre en œuvre des moyens en
vue d'une fin donnée. Cette faculté a donc plusieurs emplois, scientifique, technique et
éthique.»336 Déjà, en l'an -330, Aristote, à l'instar de Platon, distingue la raison comme une
partie distincte de l'âme.
La réflexion constitue en fait la caractéristique qui permet d'orienter les activités mentales,
«... car les processus du raisonnement supposent la réalisation d'opérations telles que :
comparaison des conséquences possibles, classement des résultats par ordre d'importance,
et élaboration de déductions. »
Le caractère réflexif contribue donc au développement et à l'efficacité de la métaconscien-
ce. Cette caractéristique lui permet d'utiliser les différents processus mentaux, et de les
faire interagir dans un but déterminé. Damasio (2002) met bien en évidence le niveau au-
quel réfèrent le processus de l'intelligence et celui de la mémoire par rapport au niveau de
la métaconscience par la réflexion.
La conscience étendue n'est pas l'intelligence. La première donne à l'organisme un accès im-
médiat au plus grand ensemble possible de connaissances tandis que l'intelligence consiste à
pouvoir manipuler le savoir de manière à concevoir et à implémenter de nouvelles réponses.
La conscience étendue ne se confond pas non plus avec la mémoire de travail, bien que cette
dernière joue un rôle important au sein de la conscience étendue. La conscience-noyau fait par-
tie des outils de base d'organismes complexes tels que les nôtres : sa mise en œuvre dépend du
génome ainsi, dans une moindre mesure, que de l'environnement initial. 11 se peut qu'elle puis-
se être modifiée par les acquis culturels, ... . La conscience-étendue dépend également du gé-
nome, mais les acquis culturels influent de manière significative sur son développement en cha-
que individu.339
La capacité de réfléchir se développe et évolue donc à mesure que les processus mentaux
sont nourris d'informations, et qu'ils sont soumis à des stimuli. Nous constatons
l'importance de la sélection des informations et de la qualité de l'environnement dans le-
quel évolue l'humain dès sa tendre enfance. Car, à partir de nouvelles données, intérocepti-
336
http://fr.wikipedia.org/wiki/Raison vu le 27 avril 2009.
337
Kunzmann et al. (1995). Atlas de la philosophie, traduit par Zoé Housez et Stéphane Robillard. Paris
France Loisirs, page 51.
338
Damasio, A.-R. (2001). L'erreur de Descartes, op., cit., page 271.
339
Damasio, A. R. (2002). Le sentiment même de soi, op. cit., page 259.
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Chaque partie nourrit le processus, lequel, par sa dynamique, provoque l'émergence d'une
nouvelle partie, laquelle nourrit le processus, etc.
135
Nos recherches sur les caractéristiques, les exigences de développements et les obstacles de
la métaconscience nous ont permis de découvrir des pratiques de toutes sortes, parmi les-
quelles le spiritisme qui définit la métaconscience comme un phénomène quasi paranor-
mal.345 Notre objectif n'est pas de porter un jugement sur ce qui est fait, mais de clarifier, à
l'aide des connaissances disponibles, le concept de la métaconscience de façon à en amélio-
rer sa connaissance, son développement et son enseignement. Nous nous détachons donc,
dans le cadre de notre thèse, des autres appellations de la métaconscience dont certaines la
comparent à Dieu (Jacob, 2008), alors que d'autres la nomment aussi pure conscience, su-
praconscient ou état transpersonnel. La métaconscience est alors décrite comme « la Grâce
dont parlent les mystiques.»346 Certaines de ces pratiques considèrent la conscience et le
mental comme des entités indépendantes et mutuellement exclusives (Sabourin, 2007). Par
contre, une pratique impliquant les connaissances adéquates, et considérant le mental et
l'émotion peut avoir des effets bénéfiques comme le démontre, entre autres, Damasio
(2000, 2002, 2005) :
Le fait que les observations obtenues par introspection ont de plus en plus été révisées par les
données scientifiques fournies par la neurologie moderne a enlevé de son attrait à la conception
dualiste du problème de l'esprit et du corps. Les phénomènes mentaux se sont révélés dépendre
intimement de l'opération de nombreux systèmes spécifiques liés à ces circuits cérébraux.347
145
http://cf.groups.vahoo.com/group/mctaconscience/. vu le 24 mars 2008.
146
http://sophro-holistic.moniste.wanado.fr/page3.html. vu le 24 mars 2008.
347
Damasio, A. R. (2005). Spinoza avait raison, op. cit., page 197.
136
Selon Changeux (2002), l'intégration se fait selon un ordre logique en fonction duquel :
« ..., des mécanismes intégrateurs doivent relier différents 'territoires' pour que soient as-
surées les 'fonctions sociales supérieures' du cerveau. »348
Dans un premier temps, les organes sensitifs perçoivent les impressions : c'est la sensibili-
té. Par la suite, les sensations, classées selon les concepts, représentent la faculté de
l'entendement349. Finalement, il y a : « la raison, qui contient les principes grâce auxquels
nous connaissons les choses et gouvernons les concepts produits spontanément par
l'entendement.»350
Changeux fait ici allusion aux fonctions du néocortex, responsable de la réflexion, de la
décision et de l'action, caractéristiques incontournables de la métaconscience. Damasio
(2001) exprime bien ce lien d'interdépendance entre les niveaux physiologiques initiateurs
de la conscience et le néocortex. Il illustre ce phénomène ainsi : «... le néocortex fonction-
ne de pair avec les parties anciennes du cerveau, et la faculté de raisonnement résulte de
leur activité concertée. »351
Nous savons que le néocortex est le siège de la métaconscience dont les fonctions permet-
tent à l'être l'humain de prendre la responsabilité de son développement et de son bon fonc-
tionnement dans ses rapports avec la réalité, la vie, lui-même, autrui, la société, l'humanité
et l'environnement. La description des caractéristiques permet de reconnaître les fonctions
attribuées à la métaconscience. L'ensemble des activités humaines est le résultat de ces
fonctions.
Nous avons précédemment défini la métaconscience comme un métaprocessus. Afin de
compléter cette définition, nous y intégrons ses modes de fonctionnement et ses principales
caractéristiques. Dans un texte inédit, Marcotte (2009) définit la métaconscience de la façon
suivante :
Un métaprocessus mental dont la fonction est d'actualiser volontairement ses différents proces-
sus mentaux, afin de devenir de plus en plus efficace dans la sélection, l'intégration,
l'organisation et le traitement rationnel des multiples données fournies par les différents systè-
mes d'information de l'organisme dont il est l'ultime responsable afin de faire les meilleurs
choix et réaliser les actions les plus profitables dans l'atteinte des buts qu'il s'est intentionnel-
348
Changeux, J.-P. (2002). L'Homme de vérité, op. cit., page 50.
340
L'entendement se définit ici comme « Faculté de comprendre, distincte de la sensibilité. » selon le Petit
Larousse en couleurs. Dictionnaire encyclopédique. (1991). Paris : Éditions Larousse, page 385.
341
Changeux, J.-P. (2002). L'Homme de vérité, op. cit., page 47.
342
Damasio, A. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 181.
137
Nous considérons cette définition comme valable. À ce stade de notre recherche, nous en
sommes toutefois à considérer la métaconscience comme un métaprocessus dont
l'utilisation est sous le contrôle de l'être humain. Nous empruntons donc à Marcotte (2009)
l'essentiel de la définition, mais nous considérons l'être humain dans son entité comme
premier responsable de son actualisation. Notre définition devient donc :
un métaprocessus mental dont la fonction est de permettre à l'être humain d'actualiser volontai-
rement ses différents processus mentaux afin de devenir de plus en plus efficace dans la sélec-
tion, l'intégration, l'organisation et le traitement réfléchi des données captées par les différents
systèmes d'information de son organisme. Ces caractéristiques lui permettent d'identifier ses
valeurs morales, de développer son autonomie et sa créativité afin de réaliser ses aspirations,
ses désirs et de combler ses besoins tout en respectant les limites spatiales et temporelles aux-
quelles il est confronté.
352
Marcotte, G. (2009). Texte inédit.
353
Cuipo, M. (1988). La neuropsychologie de la sophrologie. Sainte-Foy : Media-Lys-tique inc., page 45.
354
Ibidem, page 49.
355
Edelman, G. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 127.
138
plus en plus les paramètres de son propre processus de développement et, avec la génétique,
ceux de son évolution. L'apprentissage est le processus par lequel il peut prendre action sur
son propre développement personnel, professionnel, et social. En d'autres mots, l'être hu-
main peut se responsabiliser de façon volontaire. C'est en travaillant en fonction de sa mé-
taconscience que l'être humain peut se doter de valeurs, de principes et de normes aptes à
guider son comportement, et s'obliger à les respecter. C'est dans cette perspective que l'on
peut concevoir l'émergence de la conscience morale propre à l'humain et de sa liberté.
Les caractéristiques de la métaconscience nous font découvrir son rôle capital dans la vie
individuelle et collective des êtres humains. Selon les experts du domaine, elle serait le plus
haut niveau de réalisation dans un processus d'humanisation. On peut se demander pour-
quoi on n'a pas mis le développement de la métaconscience au cœur de l'éducation. Il est
difficile de comprendre pourquoi les humains n'ont pas porté plus d'attention au processus
duquel émergent notre autonomie, notre moralité et notre créativité.
Il nous apparaît important que ceux qui dirigent d'autres personnes soient sensibilisés à
cette dimension centrale d'un être humain qu'est la métaconscience afin de les encourager à
la connaître, à la développer et à la maîtriser. L'enseignement de la métaconscience, ses
caractéristiques, ses exigences de développement et ses obstacles, nous apparaît de plus en
plus indispensable pour contrer les problèmes de santé mentale en entreprise liés au com-
portement humain.
139
CHAPITRE IV :
L'être humain se développe à partir de ses caractéristiques et de ses potentialités. Nous sa-
vons maintenant qu'il lui est possible d'exercer un contrôle volontaire sur l'actualisation et
l'usage de la plupart de ses processus mentaux. Les informations sur le fonctionnement du
cerveau et les recherches liées à l'émergence de la conscience permettent de mettre en
perspective le phénomène générateur d'une métaconscience et de son apport capital au dé-
veloppement humain. Le tableau 41 présente un rappel de certains principes de fonction-
nement reconnus chez l'être humain que nous avons dégagés jusqu'à maintenant.
Chaque être humain naît avec un ensemble de potentialités mentales spécifiques à son espèce.
L'humain répond à ses instincts de survie et de reproduction, en s'adaptant à son environnement grâce à
l'actualisation de ses potentialités, surtout mentales.
L'humain a un potentiel créatif influencé par ses instincts, ses mémoires et ses intelligences.
Les potentialités humaines sont développées à partir de l'intention et de l'action.
Chaque être humain est unique et subjectif.
L'être humain agit de façon discriminatoire : en fonction des considérants d'ordre moral, selon les informa-
tions qu'il a en mémoire, résultant de ses connaissances, de ses expériences et de son intention.
L'être humain oriente ses actions vers un but, de façon volontaire.
L'être humain est conscient de son environnement.
Le développement humain est tributaire de sa métaconscience, en fonction de sa volonté.
L'être humain se développe en cherchant l'ordre à partir du chaos; il construit sa réalité à partir de
l'émergence de sa conscience et de sa métaconscience.
Tableau 41 : Principes de développement humain
demment, la conscience est en soi une émergence individuelle, évolutive et subjective par
définition. C'est métaconscient, puisque ce processus débouche sur une prise de conscience
progressive de sa propre conscience et de son développement. C'est par l'actualisation de
ce processus métaconscient que l'humain est en mesure de prendre conscience de ses ap-
prentissages en utilisant les processus mentaux à sa disposition comme la mémoire, les in-
telligences, et les émotions pour les améliorer et en actualiser le potentiel.
Différentes conceptions sont utilisées pour illustrer les dimensions du développement hu-
main. Nous avons constaté que le paradigme de la métaconscience se reconnaît très tôt,
qu'il soit illustré par l'approche intellectuelle, psychologique, psychosociale, développe-
mentale ou en relation avec son environnement. Nous constatons que certaines caractéristi-
ques de la métaconscience apparaissent comme dominantes pour chacune des conceptions
du développement, telles qu'illustrées au tableau 42.
Parce qu'ils mettent en perspective la relation de l'individu avec son autonomie, les
conceptions proposées par Loevinger et Kegan permettent une intégration plus efficace des
caractéristiques et des processus de la métaconscience. Greenspan, pour sa part, se démar-
que par sa propension à amener l'humain à développer son autonomie par la créativité. Cet-
141
Cette notion d'acquisition de « patterns » semble trouver écho dans la « théorie des mar-
queurs somatiques » avancée par Damasio (2001) :
... il s'agit des mécanismes sous-tendant les émotions primaires. Ceux-ci sont génétiquement
prédisposés à prendre en compte les signaux relatifs au comportement personnel et social, et ils
comprennent dès le départ les rouages permettant de coupler un grand nombre de situations so-
ciales à des réponses somatiquement adaptées. ... la plupart des marqueurs somatiques dont
nous faisons usage pour prendre des décisions ont probablement été élaborés dans notre cerveau
au cours des processus d'éducation et de socialisation, par l'établissement d'un lien entre des
classes particulières de stimuli et des classes particulières d'états somatiques.357
Ce phénomène explique l'influence que peut exercer les facteurs culturels chez l'humain.
Ces facteurs mettent en évidence les réactions socio-behavioristes. C'est pourquoi la culture
d'une organisation doit faire l'objet d'une réflexion responsable de la part de ses adminis-
trateurs et stratèges. Parce que la métaconscience est réfléchie, elle est nécessairement criti-
que. Un programme de développement de la métaconscience devrait permettre de dévelop-
per une pensée critique de la culture, et ainsi influencer, de façon recursive, cette culture
lorsqu'elle devient source de stress.
356
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 345.
357
Damasio, R. A. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 245.
142
La faculté d'apprendre évolue chez chaque individu en fonction de son rythme de croissan-
ce, de son stade de développement et des facteurs de son environnement. Afin de fournir
une représentation conceptuelle du style cognitif, nous avons modélisé les approches de
Loevinger, Kegan et Greenspan en nous inspirant du cadre de Limoges (1993). Pour chaque
approche, nous avons établi, en fonction du stade de développement, la phase du contrôle
des impulsions et le développement du caractère, les styles interpersonnels, les préoccupa-
tions métaconscientes et les styles cognitifs. Comme l'illustrent les tableaux 43, 44 et 45, à
chaque stade de développement humain, le style cognitif s'adapte. Les méthodes
d'enseignement devraient donc respecter cette évolution des processus mentaux et des pré-
occupations conscientes.
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La nature des relations entre l'humain et son environnement influence de façon déterminan-
te le développement de la métaconscience, et ce, même au terme du développement biolo-
gique du cerveau : « Mais nous avons vu que le cerveau se développe en interaction cons-
tante avec le vécu affectif. Toute entrave à ces interactions handicape le développement de
la conscience. »361 Nous notons par ailleurs que, à chaque stade de développement, le ni-
veau de conscience évolue et influence le style cognitif.
Les travaux de Greenspan démontrent que, même si le cerveau fonctionne normalement,
des personnes qui ont vécu des manques au plan affectif au cours de leur croissance ne dé-
veloppent pas leur capacité de réflexion de la même façon. De fait, un développement af-
fectif approprié permet au cerveau d'être plus efficace en matière de codification et de
structure des informations. La conscience résulte donc de l'interaction de deux éléments,
l'un de nature generative et l'autre de nature organisatrice. Cette conception renforce celles
que nous avons illustrées dans les tableaux précédents sur le développement humain :
On peut donc concevoir la conscience comme étant constituée de deux composantes. L'une, de
nature generative, implique la réactivité des cellules neuronales et leur activité physiologique et
affective (par exemple, une sensation agréable de toucher). La seconde, de nature organisatrice,
est le hardware du système nerveux : au cours de ses interactions avec certains types
d'expériences, elle nous permet d'intégrer et d'organiser des schémas sensoriels et affectifs.
Ces deux composantes travaillent de pair pour produire la conscience.362
Principes Fonctions
1- Un environnement sûr et sécurisant. Inclut au moins une relation stable avec un adulte stable,
prévisible et protecteur. Qualités requises : maturité, res-
ponsabilité, réciprocité, compréhension et dévouement.
2- Des relations durables et riches vécues avec Contribue à la formation de l'intelligence et de la maturi-
les mêmes personnes. té affective. Permet de développer des liens intimes et
profonds initiant un sentiment d'humanité partagée cons-
tituant la base de l'empathie et de la compassion.
3- Un besoin d'interactions riches et continues. Permettent de développer la conscience de ses intentions
par des relationsfranchesqui imposent des limites et im-
pliquent le respect de valeurs morales.
4- Un besoin d'un environnement respectueux du Encourage à tirer parti des différences. Permet le déve-
caractère et du rythme d'évolution de chacun. loppement de la conscience de soi en tant qu'individu
distinct et membre de groupes particuliers.
5- Un besoin d'avoir la possibilité Permet d'ancrer son sens des valeurs, de développer la
d'expérimenter, de trouver des solutions, de confiance en soi et la persévérance pour un projet plus
prendre des risques et même d'échouer à des complexe et laborieux.
tâches données. Prendre des initiatives et es-
sayer différentes approches, requérir l'aide et
l'assistance d'autres personnes, chercher des
alliés à son projet et évaluer différentes op-
tions.
6- Un besoin de structures et de limites claires, Permet de développer l'autodiscipline et le sens de la res-
favorisant un sentiment de sécurité. Connaître ponsabilité entre autres, par les liens construits entre les
ce que les autres attendent d'eux et comment pensées et les sentiments.
exprimer leurs propres attentes dans une at-
mosphère affectueuse et comprehensive.
7- Un besoin d'un environnement social stable Permet de développer l'entraide et les relations affecti-
offrant des ressources appropriées, matures et ves.
accessibles.
Tableau 46 : Sept principes fondamentaux à l'apprentissage pour un gestionnaire.
1
Ibidem, page 283.
148
People who write, teach, and shape the discourse about management apparently do not read the
literature about intimacy. The people who create the leadership literature do not read the parent-
ing literature. All these people are trained in different professions, each with distinct identities,
modes of analysis, heroes and heroines, and ways of framing the questions that need answer-
ing.364
Quel que soit le poste occupé dans l'organisation, les gestionnaires de tous les niveaux ainsi
que les travailleurs professionnels et les techniciens ont appris leur métier sur les bancs
d'écoles, par l'expérience sur le tas en entreprise, ou en créant leur propre entreprise. Ils
ont acquis les connaissances théoriques et pratiques, les expériences techniques et relation-
nelles, les méthodes de résolution de problèmes ainsi que les principes de la gestion, de la
communication et de l'ingénierie. La forte majorité n'a, à aucun moment, eu accès à une
formation de savoir être humain et de savoir devenir humain à partir d'une conception na-
turelle et complexe de l'être humain, et de son processus d'humanisation.
Parce qu'ils n'ont pas reçu cette formation sur le fonctionnement fondamental de l'humain,
ils n'ont pas été amenés à se doter d'une compréhension universelle de ce que doit être la
relation entre l'individu et lui-même (conscience de soi); entre lui et ses pairs (conscience
de l'autre); entre l'individu et l'organisation sous toutes ses formes (conscience de
l'environnement). Force est de reconnaître un fort potentiel en dormance pour un grand
nombre de gestionnaires.
Limiter l'éducation au transfert d'informations alors que les recherches sur le développe-
ment humain regorgent de découvertes mettant en valeur son potentiel phénoménologique
nous semble incompréhensible. En fait, il nous apparaît possible de donner écho à Kant
quant au cercle vicieux de l'éducation du fait que l'homme soit éduquépar l'homme, lui-
même éduquépar l'homme. D'où la question cruciale : qui devrait éduquer les éducateurs?
L'évolution des connaissances liées au fonctionnement humain permet de considérer
l'actualisation du potentiel mental par l'introspection et l'autoréflexion. Ceci permet
d'élargir le concept d'éducation proposé par Kant : « Mais comme l'éducation d'une part
ne fait qu'apprendre certaines choses aux hommes et d'autre part ne fait que développer en
eux certaines qualités, il est impossible de savoir jusqu'où vont les dispositions naturelles
de l'homme. »365
Les constats au sujet du développement humain illustrent une progression dans le mode
364
Kegan, R. (2000). In Over Our Heads, op. cit., page 6.
365
Kant, E. (1993). Réflexions sur l'éducation. Paris : Librairie philosophique J. Vrin, page 73.
149
Bateson, pour sa part, est reconnu comme l'instigateur du concept des niveaux
d'apprentissages. La conception d'apprentissage séquentiel qu'il a développée a été reprise
par Bandler et Grinder (1975, 1976, 1979, 1981) avec la Programmation Neurolinguistique
(PNL)367, puis améliorée par Dilts (1990, 1995) avec la notion des niveaux logiques. Ils
expriment les différents niveaux de conscience en éveil séquentiel contributifs à la mise en
valeur de son identité dans un environnement donné. Nous proposons au tableau 47 trois
modèles de niveaux d'apprentissage : celui de Bateson défini avec trois niveaux
d'apprentissage; celui de Dilts, avec trois niveaux logiques; et celui de Kegan (2001), inspi-
ré de Piaget (1936, 1937, 1948, 1962, 1969, 1970) et de Kohlberg (1969, 1971, 1972,
1976), qui exprime une conception évolutive, divisible en trois niveaux, du développement
de la conscience de soi chez l'humain.
366
Ruano-Borbalan, J.-C. (2001). Éduquer et former. Auxerre Cedex : Éditions Sciences humaines, page 85.
367
La PNL réfère à un concept de développement humain en fonction de son potentiel individuel en interac-
tion avec son environnement. Les systèmes de formation instaurés considèrent le pouvoir potentiel de
l'individu à partir de ses caractéristiques innées et acquises sur son environnement selon la perception qu'il en
a.
150
L'apprentissage II est un change- Niveau logique 3 : les capacités. Impérial : « Est » ses relations
ment dans le processus qui touche Conscience de ses habiletés, talents interpersonnelles, sa mutualité.
la majorité des apprentissages et compétences actuels et en poten- Décide pour lui-même. Se détache
sociaux. Il est possible de transfé- tiel, en lien avec une situation, dans des dépendances familiale et pa-
rer un apprentissage dans un un contexte et un environnement rentale. Apprivoise le sentiment
contexte différent. Après avoir donnés. d'être seul. Sujet à sombrer dans
appris à conduire une voiture, un état dépressif: ambivalence
l'apprentissage est transférable à entre le sentiment de rejet et la
d'autres modèles de voiture. Ce satisfaction d'indépendance.
niveau d'apprentissage demeure
une application de concepts à
partir d'instructions reçues.
368
Bateson, G. (1980). Vers une écologie de l'esprit. Paris : Éditions du Seuil, page 97.
369
http://wwvv.repere-pnl.com/site/PNL-et-niveaux-logiques-du-stress-par-JL-MONSEMPLS-28042005-
172.html. vu le 30 septembre 2008.
151
L 'homme ne peut devenir homme que par l'éducation. (...) l'homme n est éduqué
que par des hommes et par des hommes qui ont également été éduqués
Emmanuel Kant
équivoque. Comme le mentionne Changeux (2002), en réponse à Searle (1999), pour qui la
compréhension de la conscience passe par l'étude des processus neurobiologiques du cer-
veau : « ... comprendre les processus neurobiologiques à l'origine de la conscience, ... est
devenu une étape décisive pour la compréhension des processus de connaissances et la mise
à l'épreuve de leur vérité. »370 Car il s'agit bien, dans notre propos, de mettre en évidence le
processus d'intégration des connaissances dans le but de servir au mieux l'aspiration de
1
tous les humains au bonheur.
Buzan (2003) démontre que pour instaurer un rapport positif entre le cerveau et
l'information, il faut structurer celle-ci de façon à l'insérer aussi facilement que possible
dans le mécanisme cérébral. Il illustre ainsi les cinq fonctions (tableau 48) que le cerveau
exploite pour traiter les informations de façon logique et séquentielle en réseau.
Fonctions du cerveau Processus engendrés
Recevoir l'information L'information arrive au cerveau soit de façon exteroceptive ou
interoceptive.
Ancrer l'information L'information perçue comme utile est emmagasinée dans les zo-
nes spécifiques des mémoires à court et à long terme.
Analyser l'information L'information est associée aux concepts déjà enregistrés et mémo-
risés pour ensuite permettre une nouvelle organisation des
connaissances.
Produire Une nouvelle pensée, une idée personnelle, une intention émer-
gente des processus antérieurs.
Contrôler l'impact de l'information Les réactions psychologiques et physiologiques sont adaptées à
l'information traitée.
1
Changeux, J.-P. (2002). L'Homme de vérité. Paris : Éditions Odile Jacob, page 111.
371
Inspiré de Buzan (2003).
153
tive psychology tended to reinforce this divide: emotions were seen as interfering with cogni-
tion; they were the antagonists of reason. Now, building on more than a decade of mounting
work, researchers have discovered that it is impossible to understand how we think without un-
derstanding how we feel.372
Aussi l'affectivité peut étouffer la çonnaissiince, mais elle peut aussi I ctofjci
Edgar Morin
Les gestionnaires entreprennent leur carrière professionnelle avec les cartes mentales qu'ils
ont développées depuis leur naissance. Ils interprètent les informations et les événements
selon leurs valeurs, le plus souvent basées sur une religion et des croyances véhiculées par
la culture dans laquelle ils ont évolué précédemment. Senge et al. (2005) dénonce cette
situation : « ... adults carry the memory, expectations, and emotions of their own experi-
ence as schoolchildren... .»374 Selon ces auteurs, les mêmes modes de transmission des
paradigmes sont reproduits dans les entreprises :
The same old true in businesses: the organization's members become vehicles for presenting
the prevailing systems of management because those systems are most familiar. ... we will con-
372
Lehrer, J. (2007). Hearts & Minds. The Boston Globe.
http://www.boslon.com/news/education/higher/articles/2007/04/29/hearts minds?mode=PF, vu le 17 dé-
cembre 2007.
173
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 49.
374
Senge, P. et al. (2005). Presence. An Exploration of Profound Change in People, Organizations, and Soci-
ety. New-York : Currency Doubleday, page 9.
154
tinue to re-create institutions as they have been, despite their disharmony with larger world, and
the need of all living system to evolve.375
375
Ibidem.
376
Argyris, C. (1998). Empowerment: the emperor's new clothes. Harvard Business Review, (mai-juin 1998),
page 98.
377
Ibidem, p. 101.
378
Brun, J.-P. (2008). Sept pièces manquantes au management. Montréal : Les Éditions Transcontinentales.
155
Lors de notre parcours professionnel, nous avons été à même de constater ce malaise géné-
ré par les décisions de rentabilité à court terme au profit de la santé des humains. Dans le
cadre de nos activités professionnelles, les décisions prises par les dirigeants nous ont
confrontée à des conditions imposant un rythme de travail néfaste pour le maintien d'un
équilibre travail/famille, voire un équilibre travail/santé. C'est, en effet, en constatant une
détérioration de notre santé et un déséquilibre émotionnel que nous avons pris la décision
de réévaluer nos valeurs et nos priorités.
Selon notre éducation et nos concepts d'alors, nous étions en dissonance en regard de nos
valeurs et de nos obligations professionnelles et personnelles. Nos valeurs personnelles
entraient en conflit avec les valeurs de l'organisation pour laquelle nous consacrions entre
dix et quatorze heures par jour, cinq, et parfois six jours par semaine. Quelque chose a
commencé à bousculer notre conscience.
La métaconscience permet d'agir plus rapidement sur ce sentiment nuisible pour la santé et
permet, par le fait même, d'améliorer la condition de santé de plusieurs gestionnaires.
Comme le mentionne Damasio (2001) : «... lorsque la conscience est présente, les senti-
ments ont leur impact maximal, et les individus sont également capables de réfléchir et de
dresser des plans. Ils disposent d'un moyen pour contrôler la tyrannie omniprésente de
l'émotion : cela s'appelle la raison. »379 Damasio précise toutefois que la raison a aussi be-
soin de l'émotion pour être efficace : « C'est ainsi que certains travaux de mon laboratoire
ont montré que l'émotion fait partie intégrante des procédures de raisonnement et de prise
de décision, pour le meilleur et pour le pire. »380 Le gestionnaire doit se donner des outils
afin de tirer profit de ce processus mental de façon efficace.
Le fait de développer sa métaconscience permet à l'individu de prendre contact avec cet
aspect fondamental de son développement, soit la source de son malaise. Greenspan (1998)
souligne que plusieurs symptômes émotionnels peuvent avoir une cause qui n'est pas dia-
gnostiquée, ce qui rend plus difficile le travail du médecin :
Les problèmes psychosomatiques sont eux aussi souvent traités au niveau du symptôme et non
du développement affectif. Les réactions émotionnelles se manifestent physiquement, par
exemple par des douleurs au cœur, des maux de tête, des vertiges, des insomnies et des raideurs
dans la nuque. Les médecins sont toujours bien en peine de trouver une cause physique à ces
maux, que le patient ne relie jamais à ses émotions, à son anxiété, son stress, sa tristesse, sa co-
79
Damasio, R. A. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 81.
380
Ibidem, page 58.
156
1ère, etc. Sa conscience est tellement dépendante de son corps qu'il ne peut conceptualiser son
problème et la solution de celui-ci qu'en termes de maux physiques.38'
Le gestionnaire doit actualiser son potentiel d'autonomie et de créativité. Des outils visant
l'utilisation des processus mentaux et une pratique de techniques de réflexion et
d'introspection doivent être développés et mis au service de sa métaconscience. Ces outils
devront permettre un changement conceptuel dans son mode de fonctionnement profes-
sionnel. En ce sens, Kegan (2001) soulève que les modes de gestion de plus en plus stan-
dardisés entraînent souvent une confusion au niveau de la perception de l'individu dans son
milieu de travail :
Families which become overinvested in a child's given evolutionary truce and unwittingly dig
in against the child's bigger life-project do so a great cost to the child and the family. This is
well known. But the situation is really no different in the workplace. Work organizations that
will not recognize the employee's growth often force the employee to choose between the job
and his or her own life-project. Most workplaces are appallingly unconcerned about this choice,
judging that its costs are almost entirely borne by the employee.382
Il apparaît évident que cette situation ne respecte pas les principes de fonctionnement de
l'humain. La connaissance du processus des mentaux permet de concevoir le rôle, les exi-
gences et les obstacles de la métaconscience, ainsi que l'importance d'en favoriser son dé-
veloppement. Cette notion doit être incluse au centre de notre préoccupation première, tant
pour notre évolution personnelle et professionnelle que pour notre pouvoir d'influence au-
près des décideurs.
Les programmes de formation destinés aux gestionnaires doivent amener ces derniers à
changer les paradigmes de leur développement personnel et professionnel. Comme le sou-
lignent Nelson et Stolerman (2003), ce changement doit être intentionnel : « ... our charac-
ter is (even when stable and deeply rooted) open to change in intentional ways. » '
Le changement conceptuel doit se faire en mettant en place des conditions favorables au
processus de la métaconscience et la valorisation de ses caractéristiques. Afin de bien situer
notre argumentation dans le contexte des entreprises, il est pertinent d'illustrer, ne serait-ce
que de façon sommaire, les principaux paramètres mis en valeur par les approches actuel-
lement utilisées pour la formation, considérées comme étant les plus efficaces. Par la suite,
nous décrirons les quatre approches qui, selon la littérature, favorisent le mieux
381
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 218.
382
Kegan, R. (2001). The evolving self. Op. cit., page 249.
383
Nelson, H. G. et Stolerman, E. (2003). The Design Way. Intentional Change in an Unpredictable World.
New-Jersey : International Technology Publications, page 296.
157
Morin (2000) commence son ouvrage Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur de
la façon suivante :
Il est remarquable que l'éducation qui vise à communiquer les connaissances soit aveugle sur ce
qu'est la connaissance humaine, ses dispositifs, ses infirmités, ses difficultés, ses propensions à
l'erreur comme à l'illusion, et ne se préoccupe nullement de faire connaître ce qu'est connaî-
tre. »384
Ce que Morin souligne ici est mis en évidence par d'autres chercheurs et observateurs so-
ciaux depuis des siècles jusqu'à aujourd'hui. Socrate, Aristote et Kant, Marcotte (2006),
Pauchant (1996), Goel A. et Goel S.L. (2005), Senge (2002), Kegan, (1982, 1994), entre
autres, ont dénoncé cette triste réalité. Ce qu'on entend par « éducation » est en fait un ap-
prentissage, une formation visant à accomplir un travail rémunéré, ce qui représente une
utilisation quasi frauduleuse d'un mot d'une si grande portée. De fait, le Dictionnaire de
psychologie aborde la définition du mot « éducation » sur ce ton : « L'un de ces mots dont
tout le monde croit bien connaître le sens à condition de ne pas avoir à le définir. »385
Nous l'avons mentionné plus tôt, au XVIIIe siècle, Kant posait le problème de l'éducateur
sous-éduqué. Il questionnait le fait que, si la génération actuelle d'humains est sous-
éduquée, comment peut-elle prétendre éduquer convenablement la génération suivante?
Dans le même ordre d'idées, Marcotte (2006) reprend les propos de Peccei, tirés des Actes
du Congrès mondial des sciences de l'éducation en 1981, selon qui l'éducation
... doit viser au développement intégral de l'homme. C'est en effet un développement sans le-
quel aucun autre développement -économique, scientifique, technologique, institutionnel, voire
politique-, aucune stratégie au plan du projet d'avenir ne peuvent être couronnés de succès; un
développement sans quoi l'humanité ne pourra s'arrêter dans sa course vers le précipice.386
Selon Marcotte (2006), cette éducation renouvelée doit s'appuyer sur une transmission res-
84
Morin, E. (2000). Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, op. cit., page 11.
85
Doron, R. et Parot, F. (2003). Le dictionnaire de psychologie, op. cit., page 239.
386
Marcotte, G. (2006), op. cit., page 51.
158
Le fait de transmettre les connaissances liées à l'humain par disciplines renie la nature hu-
maine dans son potentiel intégrateur de ses dimensions physique, biologique, psychique,
culturelle, sociale et historique. Cette façon d'éduquer génère une conception de l'humain
défaillante, provoquant des désordres psychologiques de plus en plus néfastes. Dans cette
perspective, la pensée de Morin (2000) mérite toute notre attention :
La suprématie d'une connaissance fragmentée selon les disciplines rend souvent incapable
d'opérer le lien entre les parties et les totalités et doit faire place à un mode de connaissance ca-
pable de saisir ses objets dans leurs contextes, leurs complexes, leurs ensembles.388
Dans le même ordre d'idées, Senge (1990) dénonce la façon dont les connaissances sont
réduites à une uniformisation conceptuelle par des recettes comportementales au sein des
organisations, ce qui nuit à l'apprentissage :
Le fait que les organisations apprennent mal n'est pas un accident. La manière dont elles sont
constituées et gérées, la façon dont les tâches sont définies, et surtout les modes de pensée et de
relation qu'on nous a inculqués (dans les organisations et dans la vie), les rendent incapables
d'apprendre. Ces infirmités subsistent malgré les meilleurs efforts de personnes engagées et in-
telligentes. Souvent, plus elles font d'efforts, plus les résultats sont mauvais.38Ç
Le paradigme erroné perpétué par les institutions responsables de l'éducation relève d'une
sous-utilisation des connaissances disponibles, d'une conception limitée du potentiel hu-
main, et d'une connaissance insuffisante du fonctionnement de son cerveau. Une consé-
quence majeure de ce faux paradigme de l'éducation a des répercussions qui s'intensifient
tout au long du développement de l'humain, de l'enfance à l'âge adulte. D'abord, l'enfant
ne reçoit pas les connaissances sur le fonctionnement humain, ni sur les phases et les prin-
cipes de développement qui lui permettraient d'intégrer ces connaissances du fonctionne-
ment de son cerveau et de son potentiel. En conséquence, il ne développe pas une concep-
tion adéquate de ses dimensions mentales, du potentiel de sa métaconscience ni de son pro-
cessus en respectant son propre stade de développement.
Les théories de l'apprentissage émergent principalement de recherches regroupant la psy-
Ibide m.
88
Morin, E. (2000). Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, op. cit., page 12.
389
Senge, P. (1990). La cinquième discipline, op. cit., page 35.
159
L'ensemble des recherches récentes liées aux sciences de l'apprentissage converge vers ce
même constat. Tiberghien et Jeannerod (1995) y ajoutent le volet comportemental : « La
recherche en sciences cognitives se caractérise ainsi essentiellement par une mise en cor-
respondance systématique des différents niveaux neurologique, cognitif et comportemen-
tal. »395
Selon Balleux (2000), les modes d'apprentissages auraient un impact sur deux dimensions
1
Sciences cognitives : Le nouveau Petit Robert de la langue française 2007. Paris : SEJER, page 459.
391
Doron, R. et Parot, F. (2003), op. cit., page 648.
392
Dortier, J.-F. (2003). Le cerveau et la pensée. Entretien avec Jean-Pierre Changeux, op. cit., page 4.
393
Balleux, A. (2000). Évolution de la notion d'apprentissage expérientiel en éducation des adultes : vingt-
cinq ans de recherche. Revue des sciences de l'éducation, vol. XXVI, no 2, page 282.
394
Damasio, A. R. (2005). Spinoza avait raison, op. cit., page 41.
395
Tiberghien et Jeannerod. (1995). Neurosciences : neuropsychologie et neurologie. Revue internationale de
psychologie, no 18/1995, page 197.
160
Ainsi, le défi réside dans la façon d'utiliser la théorie en vue d'en faire un outil efficace
permettant au gestionnaire d'optimiser son potentiel humain. Ce faisant, le rendement sera
amélioré, et la performance de l'entreprise en profitera d'autant. Il deviendra alors possible
de diminuer Y effet double contrainte observé chez les gestionnaires. Mintzberg insiste sur
la nécessité de la théorie pour aider le gestionnaire à développer ses compétences : « ... we
use theory whether we realize it or not. So our choice is not between theory and practice so
much as between different theories that can inform our practice.»400
Notre intérêt portant essentiellement sur l'intégration des connaissances sur la métacons-
cience et son processus de développement en vue d'aider les gestionnaires à respecter les
caractéristiques de leur propre métaconscience, nous présentons sommairement (tableau 49)
les principales théories dont les fondements nous sont utiles.
396
Considéré comme l'un des pères fondateurs de "1'experiential learning".
397
Balleux, A. (2000), op. cit., page 282.
398
Balleux, A. (2000), op. cit., page 277.
99
Mintzberg, H. (2004). Managers not MBAs. San Francisco : Berrett-Koehler Publishers Inc., page 249.
400
Ibidem, page 250.
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162
L'enseignement de l'éthique est plus efficace lorsque la démarche inclut une pratique reflexive.
Le code moral est influencé par l'intérêt individuel à court terme.
Plus le gestionnaire est autonome, plus il manifeste un sens moral élevé en fonction de ses valeurs.
Les gestionnaires impliqués dans un processus de formation reflexive prennent plus conscience de
l'impact de leurs décisions, au moins, à court terme.
Plus le sens moral est élevé, plus le niveau de conscience des impacts sur les décisions est reconnu.
La conscience de soi peut se développer à différents niveaux. Cela requiert un entraînement et par-
fois une supervision par un entraîneur qualifié, lui-même conscient de ses niveaux de conscience.
La capacité à être créatif est liée au degré d'autonomie atteint par les gestionnaires.
Tableau 50 : Principaux constats tirés des études et des formations liées aux compétences humaines
dans les organisations
À la suite de la publication de ces résultats, les chercheurs ont commencé à émettre des
recommandations : la plupart concernent l'éthique. Cette compétence semble de fait être
considérablement remise en cause depuis les dix dernières années. Cordeiro (1999), par
exemple, retient quatre suggestions des entrevues réalisées avec des gestionnaires, et qui
rejoignent les recommandations de plusieurs auteurs :
As noted earlier, the managers I interviewed made four suggestions on how to retard the decline
in ethics: (1) teach ethics in schools, (2) develop Codes of Ethical Conduct, (3) establish a bet-
ter monitoring and reporting mechanism, and, (4) hire "more honest people". Many authors ha-
ve offered similar recommendations. 3
403
Cordeiro, W. P. (1999). Teaching Business Ethics : Theory and Practice. Business Ethics. Vol. 2, no 3,
pages 273-290.
163
Ces recommandations nous semblent, de prime abord, raisonnables. En les plaçant dans un
contexte de compétence humaine, nous émettons cependant quelques remarques :
1- Il est question de retarder le déclin... Ne peut-on pas aspirer à l'enrayer de façon cultu-
rellement définitive?
2- Les recommandations 2 et 3 nous semblent plus contrôlantes que responsabilisantes pour
le gestionnaire; ne serait-il pas préférable de centrer les formations davantage sur le déve-
loppement de l'autonomie et la morale?
3- Engager des gens plus honnêtes; nous sommes en mesure de prétendre que plusieurs
gestionnaires arrivent dans une organisation très honnêtes. Pour eux, le dilemme commence
après quelque temps dans l'organisation, avec les conflits de valeurs et le phénomène de la
double contrainte.
Il apparaît donc que les démarches de formation et de développement humain destinées aux
gestionnaires sont principalement centrées sur l'éthique et le leadership. Or, l'éthique et le
leadership sont des métacompétences, des démonstrations de la créativité et du niveau
d'autonomie de l'humain appliquées à la gestion ainsi que la responsabilisation de son sens
moral. Les trois mêmes processus émergent de la métaconscience qui, comme nous l'avons
déjà mentionné, manque au paradigme de la conception actuelle du gestionnaire.
Nous avançons que les processus d'intervention initiés auprès des gestionnaires pour le
développement des compétences humaines doivent considérer cette notion de métacompé-
tence, centrée sur l'implication expérientielle du sujet ainsi que sur sa relation à lui-même
et aux participants (enseignants et apprenants).
Le caractère processuel de la métaconscience rend possible cette conception de
l'enseignement et de l'apprentissage systémique. L'enseignant est en situation
d'apprentissage, de lui-même et de la part des apprenants. De la même façon, l'apprenant
peut constater qu'il s'enseigne à lui-même ainsi qu'aux autres participants et enseignants.
La figure 17 illustre cette dynamique de récursivité de l'enseignement et de l'apprentissage
de la métaconscience et du développement d'une métacompétence.
164
Enseignement et
Apprentissage autoréflexif
Action de l'enseignant
Action de l'apprenant
î I
Pédagogie et
Apprentissage autoréflexif
.404
donné, ou capacité à produire telle ou telle conduite. » Dans les références officielles du
gouvernement du Québec, on y retrouve l'énoncé suivant :
Le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport définit la compétence comme un pouvoir
d'agir, de réussir et de progresser fondé sur la mobilisation et l'utilisation efficace d'un ensem-
ble intégré de ressources pour traiter un ensemble de situations de vie/ 05
Toupin (2001) met en perspective les définitions proposées par différents auteurs et cher-
cheurs. Nous les reprenons au tableau 51 :
Auteurs Définitions
Legendre « habileté acquise, grâce à l'assimilation de connaissances pertinentes et à l'expérience,
qui consiste à conscrire et à résoudre des problèmes spécifiques, w406
(1988)
« la compétence est davantage un « savoir comment » qu'un « savoir que » qui suppose
Bruner(1983) trois choses : que l'on soit capable de sélectionner dans la totalité de l'environnement les
éléments qui apportent l'information nécessaire pour fixer une ligne d'action... w407
Chéné(1980) « la compétence est la capacité personnelle de remplir un rôle, une fonction ou une tâche
selon des critères de performance établis.408
« La compétence est un « pouvoir » et un « vouloir » qui se traduit dans l'action. Ce
Argyris et
pouvoir-vouloir est associé, pour les tenants de la praxéologie, à la capacité pragmatique
Schôn (1985) déjuger les actes dans leurs conséquences. ... la compétence prend un caractère stable,
•i i J ' • • 409
susceptible de revision, ... . »
« La compétence est une construction discursive qui se tient pour légitime à une époque
Toupin (2001) déterminée, notamment en se proposant comme référentiel, par exemple, en « imposant »
sa logique aux pratiques sociales qui relèvent de celle-ci. »41
« La compétence se présente donc comme une reconstruction formelle de procédés
Serres (1990) d'objectivation présents au sein des schemes d'action, c'est-à-dire de capacités qui
consistent à sélectionner, à fédérer et à appliquer à une situation, des connaissances, des
habiletés et des comportements. »4"
Dejoux (2001) parle de différents axes de compétence, parmi lesquels la compétence indi-
viduelle :
La compétence est une mise en situation (principe d'action), elle est contingente, contextualisée
à une finalité (principe téléologique), elle est une construction dans le temps (principe de dyna-
mique), elle est un attribut de l'homme, elle doit être reconnue par les autres pour acquérir une
crédibilité (principe normatif à l'égard d'autrui), elle est transférable dans le cadre d'un proces-
404
Doron, R. et Parot, F. (2003), op. cit., page 132.
405
http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/formationBase/pdf/doc/glossaire.pdf. vu le 28 février 2008.
406
Toupin, L. (2001). Les facettes de la compétence, dans Éduquer et former, coordonné par Jean-Claude
Ruano-Borbalan. Paris : Éditions Sciences humaines, page 40.
407
Ibidem.
*°s Ibidem, page 41.
409
Ibidem, page 42.
410
Ibidem, page 41.
411
Ibidem, page 42.
166
sus d'apprentissage individuel et/ou organisationnel, elle a un caractère permanent si elle est
mise en œuvre (principe de régularité).412
En 2000, Balleux pour qui «... la compétence dépasse l'exercice unique du métier... »413,
cite Lindeman (1926) qui, à l'instar de James, Bergson et plus récemment Greenspan et
Kegan, affirmait que « le développement doit être un processus qui intègre émotions, pen-
sées et capacité d'évolution, et que « l'expérience découle de toutes les situations qui ac-
compagnent un élargissement de la pensée. »»414 Deux ans plus tard, Balleux redéfinit le
concept de compétence en dénonçant sa polysémie :
Concept polysémique par excellence, la compétence au travail a fait l'objet d'une investigation
tous azimuts. De Stroobants (1991) jusqu'à Bouteillier (2000), en passant par Le Boterf (1994),
Wittorski (1998), Dejoux (2001) et bien d'autres, elle n'a cessé, depuis une quinzaine d'années,
d'échapper à l'enfermement d'une définition qui aurait fait l'unanimité. Loin des débats, nous
proposons ici une vision qui, fidèle à nos données de recherche, tente d'éclairer sa complexité
agissante. Ainsi, la compétence nous apparaît aujourd'hui davantage comme la maîtrise à ex-
ploiter ses propres ressources dans l'exercice réel d'une tâche, d'un métier, d'une profession.
Sandberg et Targama (2007) abondent dans le même sens que Balleux : « In other words,
the specific way to engage in developing competence and the competence that is developed
at work form an indissoluble unit through individuals' ways of understanding work. »415
Gale (2007) appuie cette conception de la compétence. Il reprend les données de Cheetham
et Chivers (1998). Ces auteurs, à la recherche d'une compréhension holistique pour définir
la compétence, ont interviewé 80 professionnels de 20 pratiques. Les résultats ont démontré
des similitudes avec la pratique reflexive de Schôn (1983 et 1987) : « ... taking a professio-
nal approach to a situation all based on reflection - the crucial professional competen-
416
ce.»
Selon Le Bortef (2008) : « Ce qui est évalué, ce n'est pas la compétence en soi, mais ce qui
est nommé compétence par le dispositif d'évaluation (concepts, instruments, règles, instan-
ces). »417 Selon Sandberg et Targama (2007), cette compréhension est centrale : «... a per-
12
Dejoux, C. (2001). Les compétences au cœur de l'entreprise. Paris : Éditions d'Organisation, page 71.
413
http://vvww.inrp.fr/Acces/Biennale/7biennale/Contrib/longue/7290.pdf, vu le 13 octobre 2008.
414
Balleux, A. (2000). Évolution de la notion d'apprentissage expérientiel : vingt-cinq ans de recherche. Re-
vue des sciences de l'éducation, vol. XXVI, no 2, page 266.
415
Sandberg, J. et Targama, A. (2007). Managing Understanding in Organizations. London : SAGE Publica-
tions, page 75.
416
Gale, A. (2007). Competencies: Organizational and Personal, dans The Wiley Guide to Project Organi-
zation & Project Management Competencies. Peter W. G. Morris et Jeffrey K. Pinto. New Jersey : John
Wiley & Sons inc., page 148.
417
Le Bortef, G. (2008). Repenser la compétence. Paris : Éditions d'Organisation, page 101.
167
son's knowledge and skills are preceded by and are based on the person's understanding of
his or her work. »418 Cette compréhension se traduit par une conscience des processus hu-
mains en lien avec sa perception de la tâche à accomplir.
On peut donc considérer la compétence comme étant plus qu'un bagage de connaissances,
et la démonstration d'habiletés dans l'exécution d'une tâche. Elle peut inclure la relation
entre l'humain et son travail. Sandberg et Targama (2007) insistent sur le volet relationnel.
Il définissent la compétence comme « ... a set of knowledge, skills and attitudes possessed
by a person in relation to a particular type of work. »419
Lorsque l'on considère l'ensemble de ces définitions et représentations, il est possible de
dégager, dans le tableau 52, les points suivants sur le concept de la compétence :
Ces constats sont considérés par Balleux et Tardif (2004) qui s'inspirent de Massot et Feis-
thammel pour proposer de considérer la compétence avec une gradation de six dimensions.
Us regroupent les dimensions sous deux axes (tableau 53). L'axe orienté « travail » inclut
les dimensions opérationnelle et fonctionnelle. L'axe orienté « métier » inclut pour sa part
les dimensions liées à la relation, à la structure, à la culture et à la hiérarchie.
418
Sandberg, J. et Targama, A. (2007), op. cit., page 75.
419
Ibidem.
168
Axe Dimension
Cette conception de la compétence met en perspective une évolution quant aux savoirs,
savoir-faire et savoir-être impliquant différents processus mentaux selon l'axe. Les dimen-
sions liées à l'axe du travail impliquent l'utilisation des fonctions mémorielles et les habile-
tés techniques. Les dimensions liées à la fonction réfèrent au contexte de l'organisation, et
encadrent les dimensions liées au travail et à l'organisation. Elles induisent principalement
les processus mentaux responsables de la raison, du jugement et de l'intelligence interper-
sonnelle.
Ce modèle ne propose cependant pas de dimensions liées à l'axe humain pour encadrer
celles liées à la fonction et au travail. L'axe humain nécessite les dimensions générant les
comportements et les attitudes reconnus chez les leaders, comme répertoriés par les cher-
cheurs au tableau 51. Il s'agit de l'autonomie, de la créativité et de la morale, lesquels
émergent du processus de la métaconscience. La figure 18 illustre la hiérarchie des dimen-
sions en fonction des axes du travail, du métier et de l'humain.
1
Inspiré de Balleux et Tardif (2004).
169
Axe des
• Opérationnelle
dimensions liées • Fonctionnelle
au travail
En référant aux propos de Brown (1993), nous devrions considérer l'axe des dimensions
humaines comme une métacompétence puisqu'il génère des habiletés d'ordre supérieur à
celles des deux axes précédents :
A distinction is made between managerial processes which are competence-based-skills based
on knowledge, and those which are based on meta-competences-the higher order abilities which
have to do with being able to learn, adapt, anticipate and create. (...) connects knowledge with
the concept of meta-competences, and suggests that metacompetences are a prerequisite for the
development of managerial capacities such as judgement, intuition and acumen, as well as the
capacity to undertake managerial tasks successfully.421
CHAPITRE V :
LA PÉDAGOGIE DE LA MÉTACONSCIENCE
Les gestionnaires agissent en fonction de la conception qu'ils ont de leur situation au travail.
Les gestionnaires n'ont pas conscience de la double contrainte dans laquelle ils se trouvent dans le
cadre de leur travail.
Il y a un lien d'interdépendance entre le cerveau et l'affectif chez l'humain.
Considérer le volet émotionnel en situation de gestion n'est pas reconnu comme une compétence en
gestion.
Les processus mentaux doivent être abordés de façon métaconsciente.
La connaissance des caractéristiques de la métaconscience permet d'optimiser l'efficacité de
l'apprentissage dans le cadre des activités de gestion.
Prendre conscience de l'impact du stress de la double contrainte peut influencer la santé de
l'humain.
Uniformiser les modes de pensée plutôt que de susciter les débats d'idées a un impact négatif sur
l'innovation et le rendement.
Il est possible d'influencer les processus mentaux, physiologiques et physiques par l'apprentissage
et les émotions.
L'humain détermine le sens de ses actions en fonction de son identité, caractéristique de sa méta-
conscience.
Aider le gestionnaire à développer son autonomie, sa moralité et sa créativité devrait être le but
premier de tout système de formation. ___
i
Tableau 54 : Constats sur l'apprentissage chez l'humain.
Ces constats témoignent que nous devons considérer de nouvelles modalités de formation
pour les gestionnaires. Nous pourrons ainsi agir positivement sur les statistiques qui illus-
trent, encore de nos jours, une détérioration de la condition de l'humain au sein de son or-
ganisation. Une conception renouvelée de la pédagogie auprès des gestionnaires permettra
171
d'agir de façon mieux adaptée à l'humain en considérant les caractéristiques qui lui sont
propres. Voici ce que Brown (1993) affirme à ce sujet :
... the possible definition and assessment of competences at high managerial level become
clear: competence is something which non-managers, or almost managers can be trained to
demonstrate. A «real» manager, however, is not trained, but is educated into his/her post, and if
any competences are concerned, these are meta-competences, the high-level, intellectual, ab-
stract, knowledgebased abilities.422
La pertinence de développer la métaconscience pour les gestionnaires prend son sens dans
l'évolution de la pensée managériale. La situation actuelle dénoncée dans la problématique
de cette recherche impose un virage important dans la conception du développement hu-
main dans le contexte actuel. Les statistiques démontrent que, tant en institution ou dans les
lieux de travail, les programmes de formation existants ne semblent pas diminuer la dégra-
dation des conditions humaines, tant aux plans individuel, social que planétaire. L'écart
conceptuel entre la compétence et la métacompétence est bien démontré par Sandberg et
Targama (2007) :
Managers have probably not fully realized all the consequences of what it means to manage by
influencing people's understanding of their own and the company's task. Certainly, advocates
of management by ideas have adopted the insight from interpretative research studies that un-
derstanding forms the basis of people's work performance. But when these advocates later de-
scribe how people's understanding can be influenced, they generally fall back into the tradi-
tional rationalistic principles of management.423
Toupin (2001) voit une évolution par rapport au processus d'apprentissage au sein des or-
422
Brown, R. B. (1993). Meta-Competence: A Recipe for framing the Competence Debate, Personal Review,
vol. 22, no 6, pages 25-36.
423
Sandberg, J. et Targama, A. (2007), op. cit., page 20.
172
ganisations (tableau 55). II constate, à l'instar de Mintzberg (1994), Argyris (1984) et plu-
sieurs autres, dont Sandberg et Targama (2007), la recherche de l'étonnement et du sens à
travers les expériences : « Les démarches de professionnalisation correspondent à des par-
cours, à des itinéraires de plus en plus variés où formation, recherche et action
s'entremêlent tout au long de la vie. »4
44
Toupin, L. (2001). Les facettes de la compétence. Paru dans Éduquer et former, coordonné par Jean-
Claude Ruano-Borbalan. Paris : Éditions Sciences humaines, page 233.
425
Inspiré de Toupin (2001).
173
Étapes Signification
Analyse consciente de la nature de la démar- Qu'est-ce qui initie cette démarche?
che.
Identification de ses valeurs, principes de vie,Respecter ses valeurs et considérer la nature de
croyances, etc. ses croyances amènent l'apprenant à prendre
conscience de sa responsabilisation en regard
de son développement humain.
Analyse de son environnement et des facteurs La relation entre l'apprenant et son environ-
externes susceptibles d'influencer la démarche. nement prend son sens dans la reconnaissance
de la complexité de cette relation.
Tableau 56 : Trois étapes du développement de l'habileté de la métaconscience
la perception de vos états émotionnels, autrement dit la conscience de vos émotions, vous per-
met une réponse modulable en fonction de l'histoire individuelle de votre interaction avec
l'environnement. Bien que vous ayez besoin de mécanismes innés pour amorcer votre proces-
sus d'acquisition de connaissance sur le monde, la perception consciente de vos réactions émo-
tionnelles vous apporte plus.426
Développer une métacompétence à dimension humaine signifie plus que cumuler des
connaissances. C'est un aller-retour récursif entre une connaissance additionnelle et son
influence sur l'ensemble du système tel que perçu au même moment. C'est ce qui se passe
au plan physiologique lorsqu'une nouvelle information est captée par un organe humain. La
26
Damasio, A. (2001). L erreur de Descartes, op. cit., page 187.
427
Sandberg, J. et Targama, A. (2007), op. cit., page 21
428
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 180.
175
réaction du système indique la teneur de l'impact de l'information. C'est comme lire les
lettres d'un mot une à une, de façon décousue : ces lettres n'ont de signification que lors-
qu'elles sont interprétées les unes par rapport aux autres. Par la suite, le mot prend son sens
lorsqu'il est placé avec d'autres mots dans une phrase, et ainsi de suite. Ultimement, le sens
du texte est interprété selon les perceptions et les filtres du lecteur. Il y a alors une discri-
mination consciente. La compréhension prend forme à ce moment, et peut varier d'un lec-
teur à l'autre en fonction de ses caractéristiques individuelles. Même si quatre personnes
lisent les mêmes lettres, les mêmes mots, les mêmes textes (ce qui représente une somme
de connaissances), les interprétations peuvent varier considérablement en fonction de leur
conception initiale du thème.
Ainsi, un gestionnaire en situation de double contrainte peut se sentir très affecté par
l'annonce d'une restructuration de l'organisation où il travaille. C'est-à-dire qu'il peut res-
sentir des symptômes physiologiques importants alors que la même information peut passer
presque sous silence pour un de ses collègues, selon la compréhension de chacun.
L'émotion ressentie sera différente.
Pour le premier gestionnaire, cette restructuration peut être perçue comme une menace de
perdre son emploi ou une surcharge de travail, et pour l'autre, comme une promotion éven-
tuelle. Sandberg et Targama (2007) expliquent cette nuance quant à la façon de comprendre
la réaction humaine, l'émotion : « In understanding, as an existential, that which we have
such competence over is not a «what », but Being as existing. «(Heidegger, 1962/1927:
,83)429
La même information provoquera ainsi des réactions physiologiques différentes chez des
individus différents : le corps comprend en fonction de la sélection, de l'intégration et de
l'organisation qu'il fait des nouvelles informations : « Understanding signifies our inextri-
cable relation to our world. »430
C'est ce qui est mis en évidence dans le paradigme de conflit cognitif soulevé par Navel
(2007). Le conflit cognitif (tableau 57) génère trois niveaux de réactions selon l'individu.
429
Sandberg, J. et Targama, A. (2007), op. cit., page 82.
430
Sandberg, J. et Targama, A. (2007), op. cit., page 60.
176
Les connaissances antérieures apparaissent également de manière récurrente dans les considéra-
tions à prendre en compte dans le cadre d'études portant sur le changement conceptuel. (...) ces
connaissances antérieures peuvent jouer à la fois le rôle d'assise pour l'intégration ou être un
obstacle au changement conceptuel.432
Navel, C. (2007). Pertinence d'une conception explicite et complexe de l'être humain chez l'enseignant,
examen de doctorat. Québec : Faculté des sciences de l'éducation, Université Laval, page 39.
Minot, A. (2003). Résumé et commentaires du cours de Paulo Freire : Pédagogie des opprimés. France :
Viroflav. http://w\vw.resaq.org/article.php3?id article=721 vu le 12 octobre 2008.
178
Principes Actions
Enseigner la métaconscience exige d'en intégrer soi- Faire les exercices liés à la conscience de soi, à la
même les bienfaits. respiration consciente et contrôlée et, s'il en sent le
besoin, méditer.
Pratique quotidienne des activités autoréflexives de
ses processus mentaux : introspection et journal de
bord.
L'apprenant est un être humain à part entière. Utiliser le potentiel des apprenants. Certains exem-
Ce mouvement de centratjon sur l'élève conduit à mieux prendre en ples tirés de la vie familiale ou sociale peuvent
considération les individualités en matière d'histoire personnelle et constituer une valeur ajoutée à l'enseignement.
sociale, mais surtout dans le pilotage diversifié des apprentissages 4!4
Créer un lien affectif nécessaire à l'établissement de la Ajuster l'enseignement au niveau de développe-
confiance en soi et en la relation d'apprenant / forma- ment de l'individu. Le maître doit connaître l'élève
teur. et être en mesure de bien évaluer son niveau et ses
capacités.
Pour apprendre, le corps doit se reposer et de se déten- Commencer l'activité par un exercice de respiration
dre. profonde et rythmée.
L'accumulation de tension nerveuse nuit à Bouger le corps au début de l'exercice et à chaque
l'apprentissage. pause.
Les processus de compréhension et de mémorisation Ménager des pauses régulières par période de 20 à
doivent fonctionner ensemble pour une efficacité maxi- 50 minutes, quel que soit le travail accompli.
male.
Bien que le niveau de compréhension puisse se maintenir à un niveau
constamment élevé, la mémorisation de ce qui a été compris va aller en
se détériorant si aucune pause n'est accordée à l'activité mentale
(Buzan, 2003: 148).
Reconnaître l'affectif et l'émotionnel en regard de Ajuster la quantité d'information théorique et les
l'information apprise favorise l'intégration et périodes d'application pratique et les expériences.
l'organisation des nouvelles idées et des concepts nou-
vellement appris.
Des renforcements positifs et des ajustements rapides Assurer un encadrement comprenant une structure
lorsque requis maintiennent la motivation et un bon et des limites adéquates. Évaluer les apprentissages
niveau de confiance chez l'apprenant. régulièrement, selon des paramètres précis et faci-
lement reconnaissables.
L'utilisation des théories adaptées au contexte encourage Utiliser des théories de façon à provoquer des réac-
la contribution des apprenants. tions. Les énoncés doivent générer des discussions
et faire évoluer les croyances et les paradigmes
existants.
Tableau 58 : Principes pédagogiques liés au formateur
Ces principes mettent en perspective l'importance, pour le formateur, de connaître et
d'utiliser lui-même les pratiques de développement de sa métaconscience. Il en va de sa
crédibilité et de son influence auprès des apprenants. Le formateur doit aussi maintenir à
jour ses connaissances, et les intégrer de façon continue à son enseignement.
434
Astolfi, J.-P. (2001). « Les mutations du paysage pédagogique », dans Éduquer et former. Coordonné par
Jean-Claude Ruano-Borbelan. Paris : Éditions Sciences humaines, page 18.
179
Les différentes stratégies d'apprentissage proposent des conceptions de mise en forme des
informations à transmettre dans un contexte d'apprentissage. Le contenu de la métacompé
tence métaconscience se compose en grande partie de ce que l'apprenant sait de façon plus
ou moins consciente. La section plus scientifique porte sur la biologie et la physiologie, elle
représente la portion des connaissances déclaratives. Les connaissances procédurales cons
tituent le plus souvent des prises de conscience lors d'une pratique reflexive et la tenue
d'un journal de bord. Les principes à considérer se situent au niveau déclaratif pour la natu
re de l'information. Le volet procédural impose pour sa part de considérer les connaissan
ces actuelles de l'apprenant, le contexte environnemental dans lequel il évolue ainsi que ses
objectifs de développement. Lorsque vient le temps de la planification des contenus et des
activités de formation, tous les principes suivants (tableau 59) doivent être considérés :
Principes Actions
Les approches d'enseignement varieront selon que l'on aborde la construction du savoir, ou
la construction du sens. Considérant la nature des informations à transférer, des habiletés à
développer et des comportements et attitudes à intégrer, l'approche sera cognitiviste, phé-
noménologique, expérientielle, integrative, etc. Pour l'ensemble des situations, certains
principes doivent être respectés. Ces principes (tableau 60) sont inspirés des approches
d'enseignement de Kolb, Mintzberg, Argyris & Schôn et Bohm que nous aborderons au
point 5.5. Ils nous aident dans le choix des activités et des outils d'enseignement et
d'encadrement.
181
Principes Actions
L'émotion joue un rôle de premier ordre dans le phénomè- Utiliser des approches adaptées aux objectifs
ne de l'apprentissage. d'apprentissage et au contexte dans lequel l'apprenant
Si par exemple, on vous raconte deux histoires de même évolue.
longueur et présentant le même nombre de faits, ne dif- Établir les valeurs et le sens des apprentissages afin
férant que parce que l'une d'entre elles a une forte te- d'en dégager les émotions.
neur émotionnelle, vous aurez un souvenir bien plus
détaillé de cette dernière.435
Le formateur ancre les apprentissages sur les connaissan- L'approche doit permettre de concevoir et de structurer
ces et expériences de l'apprenant. les sessions en fonction des compétences actuelles et de
la réalité de l'apprenant.
Nous apprenons quand nous détectons une erreur et que Mettre en place des approches qui permettent à
nous la corrigeons. ... Nous apprenons également l'apprenant d'exercer une réflexion honnête sur ses
quand nous obtenons une concordance entre l'intention actions et ses perceptions. Elles doivent inclure un
et le résultat.436 espace pourrevenirsur ses premières conceptions.
La démarche menant à une meilleure utilisation de sa Offrir un accompagnement afin de permettre une ré-
métaconscience implique forcément un retour sur troaction objective complétant l'apprentissage généré
l'expérience. par le processus phénoménologique.
Ultimement, l'apprentissage se fait par mémorisation, Assurer une variété de méthodes pour chaque phase de
observation et réflexion. l'apprentissage.
L'apprenant prend plaisir à l'activité en cours, pas juste au Soutenir l'intérêt et la motivation au cours des activités
résultat final. d'apprentissage à l'aide de méthodes variées et adap-
tées.
L'expérience tirée d'un apprentissage expérientiel peut Assurer que l'approche fournisse un document de façon
servir d'information pertinente pour le futur. à permettre une traçabilité de l'apprentissage.
35
Damasio, A. (2002). Le sentiment même de soi. Paris : Les Éditions Odile Jacob, page 374.
436
Argyris, C. (2003). Savoir pour agir. Paris : Dunod, page 17.
182
Greenspan y va de cette précision : « Les expériences que j'ai menées avec Stephen Porges
(université du Maryland) prouvent que les zones du cerveau et les parties du système ner-
veux spécialisées dans la régulation des émotions jouent un rôle essentiel dans la cogni-
tion. »438
Considérant l'impact des émotions sur le travail de réflexion, il apparaît important de
considérer l'état émotionnel des participants lors d'activités de formation. Cet état est in-
fluencé par la personnalité même de l'apprenant et par le contexte du moment. Par exem-
ple, comme le précise Greenspan (1998), la capacité de réflexion sera différente à la suite
de l'annonce d'une augmentation du chiffre d'affaires ou de l'annonce de la vente de
l'entreprise à un concurrent :
À un autre niveau, c'est l'aptitude à organiser et réguler les sensations, perceptions et émotions
qui est affectée. Dans les états d'humeurs extrêmes, ce sont les émotions plutôt que les idées qui
ne se regroupent plus en schémas. Des sentiments intenses traversent et bouleversent l'esprit,
provoquant d'énormes vagues affectives qui font basculer et détruisent la pensée, la logique et
le sens de la réalité. Animée par la joie et l'enthousiasme, la personne croit tout possible. Ou
alors, saisie d'une immense tristesse, elle craint de ne jamais rien réussir. Ou encore, persuadée
qu'elle est millionnaire, elle fera des cadeaux trop onéreux pour elle, puis accablée de déses-
poir, elle essaiera de se tuer à propos d'un revers mineur. L'émotion ne correspondant pas à la
réalité et ne lui répondant pas de manière proportionnée, l'intellect ne peut fonctionner lucide-
ment.439
Nous avons dégagé, à partir des travaux de Greenspan (1998), Kegan (1982 et 1986), Bu-
zan (2000) et Sandberg et Targama (2007), (tableau 61), les principes liés à l'apprenant que
doit considérer le formateur dans ses activités pédagogiques.
L'apprenant doit assumer son apprentissage. Il doit donc utiliser le soutien du formateur de
13
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 201.
438
Ibidem, page 20.
439
Ibidem, page 206.
183
Principes Actions
L'adulte, quel que soit le poste qu'il occupe, est un Considérer chaque apprenant comme une personne.
être humain à part entière. Concevoir le contenu et la méthode de façon à
The people who create the leadership literature do not read encourager l'apprenant à considérer tous les aspects
the parenting literature. All these people are trained in dif- de sa vie dans le développement et l'intégration de
ferent professions, each with distinct identities, modes of la compétence métaconscience.
analysis, heroes and heroines, and ways of framing the
questions that need answering there is no place to look
to consider what is being asked of the adult as a whole. An
adult is not only a worker, only a spouse, only a parent An
adult may be all of these things.440
L'apprenant est responsable de ses apprentissages. Etablir dès le départ les responsabilités de chacun.
Les gestionnaires ont une compréhension person- S'assurer de la congruence entre la compréhension
nelle de leur organisation, de leurs tâches, de leur de l'apprenant et les informations recueillies pour
performance, des facteurs internes et externes : développer le programme de formation.
Employees as well as managers all have an un-
derstanding of their specific company's specific
tasks, business, market, competitors, and so
441
on.
Les gestionnaires créent leur compréhension à Valider la compréhension du participant de façon
partir des informations qu'ils perçoivent. régulière et s'assurer de combler les écarts le cas
échéant.
Les gestionnaires agissent en fonction de leur com- Utiliser la compréhension du participant pour an-
préhension. Cette compréhension guide leur per- crer les nouvelles informations.
formance et les compétences qu'ils vont chercher à
développer :
Employees as well as managers act in line with their under-
standing, which also forms the basis for their work perform-
ance and the competence they develop and use in accomplish
their work.442
Quand la compréhension change, les performances Encourager le participant à prendre conscience des
et les compétences sont influencées et modifiées en influences et des comportements émergents.
conséquence.
... when people change their understanding they will also
change their competence and work performance.443
L'humain perçoit l'information en fonction de son Assurer un climat propice à l'activité prévue.
état émotif.
Afin d'évaluer le niveau de corrélation entre les principes pédagogiques et la situation réel-
le du gestionnaire, le formateur peut poser les questions suivantes :
• Est-ce que la personne peut fixer son attention, et se sentir en sécurité?
• Établit-elle des relations et s'implique-t-elle?
• Situe-t-elle ses limites et capte-t-elle des signaux non-verbaux de communication
440
Kegan, R. (1986). In Over Our Heads. Massachussets : Harvard University Press, page 6.
441
Sandberg, J. et Targama, A. (2007). Managing Understanding in Organizations. London : SAGE Publica-
tions, page 111.
442
Ibidem.
443
Ibidem.
185
RES
Dans son édition du 12 au 18 janvier 2008, le journal Les Affaires titre en page 19 : « Em-
ployés heureux, entreprise prospère. »; « Il y aurait un lien étroit entre de bons résultats
financiers et le niveau d'engagement des employés. »445 Madame Dansereau relate les ré-
sultats d'un sondage mondial sur la main-d'œuvre mené par la firme Towers Perrin. Alors
que le premier facteur d'influence sur le niveau d'engagement des employés est directe-
ment lié au souci de la haute direction pour le bien-être des employés : « seulement 6 % des
employés ont le sentiment d'être importants pour la haute direction de leur entreprise, w446
Ceci nous ramène aux pièces manquantes (Brun, 2008), citées au chapitre 4. Nous rappe-
lons le contexte. C'est à la suite de plus de 20 sondages auprès de 17 000 employés
Tableau 62 : Liens entre les pièces manquantes du management et l'impact négatif sur l'employé 44*
L'humain hérite en potentiel des processus mentaux susceptibles de lui permettre de satis-
faire ses besoins, ses désirs et ses aspirations s'ils sont actualisés. Développer la métacons-
cience comme une métacompétence humaine converge vers la mise en valeur de
l'autonomie, de la moralité et de la créativité chez le gestionnaire.
Les théories d'apprentissage offrent des possibilités de développement de la métaconscien-
ce, et la métaconscience a ses exigences pour se développer. Nous l'avons mentionné plus
tôt, il est important de considérer le volet émotionnel lors de toutes les étapes du dévelop-
pement humain. Il en va de même pour les approches d'enseignement sur le développement
humain et l'apprentissage destinées au gestionnaire. Nous rejoignons en ce sens la position
de Kegan quand il cite Piaget : « There are not two developments, one cognitive and the
other affective, two separate psychic functions, nor are there two kinds of objects : all ob-
449
jects are simultaneously cognitive and affective.» Goleman (1997) affirme, lui aussi,
cette personnalisation des réactions humaines :
... chaque émotion fondamentale possède une signature biologique caractéristique; quand elle
devient dominante, elle entraîne une série de transformations radicales dans le corps, et celui-ci
émet alors automatiquement un ensemble particulier de signaux. 45°
Giordan (2001) abonde dans le même sens, et dénonce le peu de considération pour cette
réalité de la part des principaux intéressés :
La sphère affectivo-émotionnelle, si elle n'est niée par personne, n'a pas non plus été prise en
compte, faute de modèle explicitant les liens entre le cognitif et l'affectif. Pourtant les senti-
ments, les passions, les désirs éventuels jouent un rôle stratégique très important dans l'acte
d'apprendre.451
De par leur caractère multidisciplinaire et l'utilisation des processus mentaux, les approches
d'enseignement constituent un facteur dynamique du processus d'apprentissage. Le déve-
loppement des sciences liées à l'apprentissage s'est, pour une grande part, articulé autour
des mêmes concepts scientifiques que la conscience. Ces sciences prennent leur source au
niveau des représentations individuelles et collectives. Elles sont utilisées pour développer
des modèles de compréhension des réalités sociales, pour guider l'orientation des actions
lors de recherches action. Nous les utilisons comme cadre d'analyse pour interpréter le sens
donné à une action, et pour définir les paradigmes d'un modèle (Dortier, 2006).
L'apport des sciences de l'apprentissage nous amène vers un nouveau paradigme de
l'apprentissage, donc de l'enseignement. Ce nouveau paradigme induit le concept de la
métaconscience comme élément déterminant, voire comme la pierre angulaire de la morali-
té, de l'autonomie et de la créativité. Nous avons déjà défini la métaconscience comme un
processus par lequel la conscience prend conscience d'elle-même, par l'acquisition de
connaissances, lesquelles sont intégrées par le phénomène de valorisation et de priorisa-
449
Kegan, R. (2001). The Evolving Self, op. cit., page 83.
Goleman, D. (1997), op. cit., page 367.
451
Giordan, A. (2001). (Re)construire les connaissances. Dans Éduquer et former. Coordonné par Jean-
Claude Ruano-Borbelan. Paris : Editions Sciences humaines, page 99.
188
tion. Nous sommes ici en mesure de constater que la métaconscience est un métaprocessus
intégrateur des processus mentaux chez l'humain. Bien que ces concepts généraux soient
universels et applicables à l'ensemble des humains, ce paradigme requiert une pratique
adaptée à la métaconscience des apprenants et au contexte dans lequel ils évoluent. Selon
Caspar (2001),
... les nouveaux territoires de la formation s'inscrivent plus directement dans le travail lui-
même, à travers de multiples tentatives pour valoriser la « formation dans et par le travail »,
pour lier de façon réciproque l'activité productive et le développement de compétences.452
Nous présentons les quatre approches d'enseignement que nous considérons les mieux do-
cumentées, et qui permettent une ouverture pour mettre en perspective les éléments liés à la
conscience et à la métaconscience. Ces approches utilisent de façon integrative et systémi-
que les principes mentionnés plus tôt. Nous présentons donc un survol de ces quatre appro-
ches : Kolb, Mintzberg, Argyris et Schôn ainsi que Bohm. Ces approches décrivant des
processus nous semblent favorables à l'enseignement, l'accompagnement et au soutien au
développement de la métaconscience vue comme une métacompétence, ou un état avancé
d'humanisation du gestionnaire.
La pratique reflexive, initiée par Schôn (1994), nous apparaît essentiel pour encadrer un
programme de formation de la métaconscience, puisque sa principale caractéristique et la
réflexivité. C'est donc sous l'influence des prémisses de l'apprentissage expérientiel et de
la pratique reflexive, utilisées par Kolb, par Bohm et avec lesquels Mintzberg (2004) sem-
ble en accord, que nous analysons quatre systèmes de formation dont s'inspirent les systè-
mes de formation les plus populaires auprès des gestionnaires : « The key ingredient for
management education is natural experience, that has been lived in every day life, on the
job and off. »453
S.S.I.L'approche de Kolb
L'apprentissage expérientiel a été mis en valeur par l'approche de Kolb (1984, 1985, 1991).
52
Caspar, P. (2001). Bilan et perspectives en formation continue. Dans Éduquer et former, op. cit., page 33.
453
Mintzberg, H. (2004). Managers, not MBAs. San Francisco : Berrett-Koehler, page 247.
189
Inspiré par les travaux de Dewey, Lewin et Piaget, ce modèle met en évidence la relation
entre l'expérience, son analyse, l'apprentissage émergent et la rétroaction expérientielle. Il
met en perspective le savoir en amont et en aval de l'expérience : « Pour Kolb,
l'apprentissage expérientiel suppose une double relation du savoir par rapport à
l'expérience : d'une part, le savoir tire son origine des expériences vécues; d'autre part, il
se valide dans de nouvelles expériences vécues. »454
Dans un premier temps, Kolb met en perspective la dualité liée au mode de traitement de
l'information par l'humain. À partir de ce qu'il perçoit, l'humain appréhende un sens à
l'événement. Il interprète l'information par ce qu'il ressent: «They are simply there,
grasped through a mode of knowing here called apprehension.»455 Cette appréhension, ré-
sultant de la conscience sensorielle, devient la réalité jusqu'à ce qu'il y ait une réflexion
consciente, c'est-à-dire, une métaconscience. Cette analyse de l'appréhension observée
amène à une compréhension de l'expérience. Selon les caractéristiques individuelles et les
expériences de l'apprenant, le niveau d'analyse varie. Il en résulte que certains auront ten-
dance à interpréter leur expérience en fonction de leur appréhension, alors que d'autres se
refuseront à toute interprétation avant de comprendre cette expérience par une analyse adé-
quate, plus globale.
À la dualité appréhension/compréhension pour capter l'expérience, Kolb transpose celle de
1'intention/1 'extension pour convertir l'expérience en apprentissage. Cette dimension réfère
au mode de transformation de l'information. L'intention réfère au processus réflexif subjec-
tif. L'apprenant interprète l'expérience par ce qu'elle lui inspire en fonction de ses propres
caractéristiques. C'est une transformation subjective de l'information, centrée sur le sujet.
Une conception objective de l'information tirée de l'expérience réfère pour sa part à une
interprétation extensive. L'extension implique une analyse fondée sur des paramètres ex-
ternes, c'est-à-dire liés à l'objet par opposition au sujet : «We learn the meaning of our
concrete immediate experiences by internally reflecting on their presymbolic impact on our
feelings, and/or by acting on our apprehended experience and thus extending it.»456
Sa conception de l'apprentissage considère donc l'individualité des apprenants lors du
454
Chevrier, J. et Charbonneau, B. (2000). « Le savoir-apprendre expérientiel dans le contexte du modèle de
David Kolb ». Revue des sciences de l'éducation, Vol. XXVI, No. 2, page 289.
455
Ibidem, page 43.
456
Ibidem, page 52.
190
processus : «... the learning process is not identical for all human beings. Rather, it ap-
pears that the physiological structures that govern learning allow for the emergence of
unique individual adaptive processes... .»457
Son approche inclut les deux dimensions dialectiques décrites, soit la captation de
l'expérience et la transformation de celle-ci en informations et en apprentissages : « The
central idea here is that learning, and therefore knowing, requires both a grasp or figurative
458
representation of experience and some transformation of that representation.
L'information émerge soit d'une expérience concrète ou d'un concept, c'est l'axe de capta-
tion. Le deuxième axe, celui de la transformation de l'information, est mis en forme par une
expérimentation active ou par une observation reflexive. La figure 19 illustre la transposi-
tion des deux dimensions du processus d'apprentissage.
Expérience concrète
Capter l'information
par appréhension
Cette reconnaissance de son style d'apprentissage facilite l'estimation du délai requis pour
identifier les approches les plus susceptibles de procurer de l'intérêt et une émotion positive
chez l'apprenant. En appliquant le style d'apprentissage aux dimensions de captation et de
transformation, Kolb situe chaque profil en fonction de sa prédisposition dominante à ap-
prendre. La figure 20 illustre les profils dominants d'apprentissage en fonction des dimen-
sions de captation et de transformation selon Kolb.
Expérience concrète
Capter l'information
par appréhension
Accomodant Divergent
Convergent Assimilant
Les apprenants se situent à différents endroits sur les deux axes. Cette classification oppose
principalement deux types de profil : les concrets/abstraits et les réflexifs/actifs. Ce modèle
met en perspective l'intérêt à considérer les différences quant au fonctionnement des modè-
les mentaux des apprenants. Le défi devient de compléter les quatre phases, et d'en dégager
un apprentissage répondant aux objectifs auxquels l'apprenant doit répondre :
L'expérience concrète donne suite à l'observation et à la réflexion qui mènent à la formation de
concepts abstraits et de généralisation qui eux donnent suite à des hypothèses que l'on vérifie
dans les actions ultérieures qui à leur tour suscitent de nouvelles expériences. 459
Afin de bien positionner ses convictions, Kolb (1984) dégage six caractéristiques de
l'apprentissage expérientiel :
459
Kolb, D. A., Rubin, I. M., McLntyre, J. M. (1976). Comportement organisationnel : une démarche expé-
rientielle. Montréal : Guérin, éditeur limitée, page 40.
193
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195
5.5.2.L'approche de Mintzberg
Selon Mintzberg, le concept de l'éducation utilisé dans les universités pour former les ges-
tionnaires doit être repensé. Il soutient que pour former des gestionnaires et développer leur
leadership de façon efficace, il est essentiel que les apprenants exercent déjà une fonction
de gestion. Pour bien apprendre, le mieux est de baser l'apprentissage sur des faits
d'expérience. Selon Mintzberg, cette prérogative permet de considérer le contexte dans
lequel évolue l'apprenant, lequel a une influence indéniable sur la qualité et le résultat de la
formation : « ... that is not 'individuals' who should be developed, but members of a social
system in which leadership is embedded : that only those who already have managerial
responsibility can be educated and developed as managers;... .»460 II énonce huit proposi-
tions pour encadrer le développement des compétences du gestionnaire.
Proposition 1
Cette proposition stipule que la sélection des candidats est un facteur important à considé-
rer. Qui encourage à poursuivre un programme de formation? Par qui la sélection doit être
faite? Selon quels critères? À quel moment durant la carrière du candidat? Voilà des ques-
tions pertinentes que l'on doit se poser lors du recrutement et de l'élaboration des critères
d'admission aux différents programmes.
Notre recherche se centrant plutôt sur les modes d'apprentissage, nous retenons de cette
proposition l'importance accordée à l'expérience de l'apprenant. Les expériences des ges-
tionnaires utilisées en classe nourrissent l'apprentissage. L'utilisation des cas permet par la
suite au gestionnaire de comparer son expérience et sa vision des concepts avec d'autres
apprenants.
1
Mintzberg, H. (2004). Managers not MBA 's. San Francisco : Berrett-Koehler Publisher inc., page 242.
196
Proposition 2
Proposition 3
Pour tirer profit d'un apprentissage issu d'une expérience, les connaissances liées aux théo-
ries précédentes sont essentielles. Mintzberg reprend ainsi les propos de Weick (1996 :257-
58): « People [in executive education] do want to know what to do, but even more, they
want to know what things mean, how to make sense of events. »462 Pour permettre un réel
apprentissage, toute théorie doit ouvrir sur une nouvelle perspective. Il ne suffit pas de co-
pier un comportement à l'aveuglette ou d'appliquer une théorie sans en ancrer les fonde-
ments dans sa pratique. Pour ce faire, un temps de réflexion et d'analyse est nécessaire. Il
identifie cinq caractéristiques des théories performantes (tableau 64), c'est-à-dire suscepti-
bles d'offrir un cadre d'analyse pertinent pour appuyer les apprentissages visés. Selon
Mintzberg, les théories doivent être :
461
Mintzberg, H. (2004), op. cit., page 247.
462
Ibidem, page 252.
197
Surprenantes Elles permettent une nouvelle perspective. Peut amener l'apprenant à sortir
de sa zone de confort. Remet les croyances en question.
C'est une représentation de la réalité, souvent simplifiée. Son but est de
Irréelles permettre une base de réflexion pour prendre des décisions sur des paramè-
tres connus et considérés valables.
Une théorie est donc utilisée parce qu'elle est pratique en certaines circons-
Alternatives : tances, pas parce qu'elle est vraie de façon absolue. Plus d'une théorie peut
donc être considérée lors de l'analyse d'une problématique organisationnel-
le.
Le fait d'envisager différentes théories plutôt qu'une seule peut placer le
Inconfortables gestionnaire dans une situation inconfortable. Cela demande au gestionnaire
de considérer des idées différentes et d'en dégager une nouvelle. Cette idée
va à l'encontre de plusieurs programmes universitaires.
Descriptives Une théorie doit décrire un phénomène, non prescrire des solutions toutes
faites.
Proposition 4
La clé de l'apprentissage réside dans le concept émergent de la réflexion sur l'action
Proposition 5
L'apprentissage des compétences dans une salle de classe ne fait pas nécessairement des
gestionnaires compétents. La connaissance en cette matière prend son sens dans la pratique.
L'apprentissage d'une même compétence par cinq gestionnaires différents dans une même
classe peut être mise en pratique différemment selon la personnalité du gestionnaire et le
contexte dans lequel il évolue. La richesse du partage des compétences réside dans cette
différenciation de la pratique.
Les activités de formation permettant aux gestionnaires de partager leurs compétences gé-
nèrent des constantes profitables pour tous. Que les pratiques aient généré des résultats po-
sitifs ou négatifs, le fait d'en partager les analyses et les retombées demeure un apprentis-
sage efficace : « Getting them out [practices] exposes the managers to alternate ways of
behaving, just as getting out different conceptual models exposes them to alternate ways of
thinking.»464 Ce genre d'exercice permet en fait au gestionnaire de continuer à apprendre à
partir de ses expériences en élevant son niveau de conscience sur ses compétences.
Proposition 6
464
Ibidem, page 261.
465
Ibidem, page 262.
199
remettre au travail et se mettre à jour le plus vite possible. Cette réaction d'isolement au
retour d'une formation augmente le coût réel de la formation du fait que les retombées en
deviennent négligeables.
Mintzberg encourage les entreprises à faire participer plus d'une personne au même pro-
gramme de formation. Elles sont ainsi en mesure de travailler ensemble sur des problémati-
ques liées à l'organisation. De retour au travail, il est aussi plus facile et encourageant de
renforcer l'impact de la formation au profit de l'organisation.
Proposition 7
L'école fournit la carte et le gestionnaire vit sur le territoire. À partir des connaissances et
des concepts vus en classe et de ses expériences de travail, le gestionnaire amorce une ré-
flexion de laquelle émerge un apprentissage. En appliquant cet apprentissage au travail, il
peut en évaluer les retombées organisationnelles. Ces impacts au plan de l'organisation
constituent de nouvelles matières à réflexion, lesquelles sont traduites en expériences par
l'analyse encadrée par des nouveaux concepts, et des connaissances proposées par
l'institution d'enseignement. Pour être efficace, le matériel pédagogique doit être centré sur
la réalité de l'apprenant afin de permettre une réflexion plus pertinente, donc une meilleure
intégration.
Proposition 8
eux des thèmes liés à leur travail. Le professeur prend alors un rôle de facilitateur, et encou-
rage les débats d'idées.
Pour rendre possible cette élaboration des formations, l'institution de formation doit
s'impliquer en favorisant la mise en œuvre de programmes collaboratifs. Il doit y avoir des
vases communicants entre les différents départements lors de la conception du matériel
pédagogique. Le gestionnaire en formation est alors en mesure de faire les réflexions sur
ses thèmes en considérant les différents angles de gestion.
Pour Argyris (2003), l'important est de développer un savoir actionnable : « Ce n'est pas
seulement le savoir que réclame le monde de la pratique; c'est aussi le savoir qui sert à le
créer. »467 II base son approche, en partie, sur le principe que « l'action est informée par la
théorie. »468 II convient de préciser qu'Argyris a observé la validité de ses théories auprès
de gestionnaires de différentes nationalités, hommes et femmes, et de différentes classes
sociales, pauvres ou riches.
Ce sont des constats liés à la nature humaine. Ils mettent en perspective les idées liées aux
émotions et aux réactions physiologiques décrites précédemment : « On peut imaginer qu'il
y a quelque part dans le cerveau un programme maître qui commande telle ou telle conduite
habile, tel ou tel savoir-faire, et les déclenche automatiquement dans la vie quotidienne. »469
Argyris (2003) met en perspective la dualité émergente entre la volonté du gestionnaire à
bien faire et ses actions aux conséquences douteuses. Le gestionnaire possède des croyan-
ces et des valeurs personnelles. Il manifeste son intention à agir en fonction de celles-ci et
pour le bien de tous. Il met en pratique les théories qu'il a apprises. Il se convainc que ses
actions ont été bien exécutées et est surpris de constater des conséquences négatives sur le
climat organisationnel, sur le ratio de profitabilité, etc.
C'est en observant des gestionnaires en action qu'Argyris a, avec la collaboration de Do-
nald Schôn, élaboré la théorie de l'action. Cette théorie résulte de plusieurs observations de
gestionnaires et de leurs comportements humains, dans différents types d'organisation.
Argyris, C. (2003). Savoir pour agir, traduit par Georges Loudière. Paris : Dunod, page 15.
463
Ibidem, page 21.
469
Ibidem, page 34.
201
470
Ibidem, page 309.
471
Ibidem, page 69.
472
Nous attribuons à dessein le sens de l'intention fondamentale, dans le contexte organisationnel. Ce concept
rejoint la notion de double contrainte telle que décrite dans le chapitre précédent.
473
Argyris, C. (2003). Savoir pour agir, op. cit., page 77.
202
profit la pratique reflexive, c'est-à-dire, en explorant le savoir tacite et les sentiments sous-
jacents aux comportements défensifs, il est possible d'agir au niveau des valeurs directrices
de la théorie d'usage de niveau I : « ... c'est-à-dire à transformer en formulations explicites
les intuitions, les valeurs et les stratégies d'action qu'apportent à leur pratique les praticiens
expérimentés. »474 En prenant conscience de l'écart entre l'intention de la théorie professée
et les résultats des comportements, il est possible de faire un apprentissage, et d'appliquer
les nouvelles connaissances aux valeurs directrices. Il s'agit de modifier les valeurs direc-
trices afin d'introduire des comportements :
Pour développer sa propre efficacité et améliorer la compréhension qu'on en a, il est essentiel
de bien comprendre comment nous diagnostiquons et construisons notre expérience, comment
nous décidons de nos actes, et comment nous surveillons notre suivi.475
474
Argyris, C. et Schôn, D. (1999). Théorie et portique professionnelle, traduit et adapté par Jacques Heyne-
mand et Dolorès Gagnon. Outremeont : Les Éditions Logiques, page 28.
475
Ibidem, page 47.
203
David Bohm (2003), physicien et penseur de renom, a utilisé le dialogue comme processus
de réflexion sur l'action. Sa conception du dialogue implique un motif à aborder : il doit y
avoir une raison qui donne une orientation de départ. Lin Do (2003) résume ce qu'est le
dialogue de façon pragmatique : « ce dernier est une conversation, un questionnement, une
exploration et une remise en question de ses croyances ainsi que de ses prémisses, une créa-
tion de sens, une méditation collective et un processus de participation. »476
Certains principes doivent être respectés afin d'obtenir satisfaction de l'exercice :
• Le dialogue peut se faire avec un groupe de taille plus ou moins importante. Il peut
aussi se faire de façon individuelle, et être partagé par la suite.
• Le moment doit être propice à instaurer une attitude favorable au dialogue.
• Le dialogue doit se faire sans pression et permettre une ambiance sereine.
• Le rythme du dialogue doit permettre aux participants de prendre connaissance des
propos de tous, et de réagir au bon moment en fonction du sujet abordé.
• Une relation de respect mutuel doit être ressentie chez les participants.
• Les participants sont considérés au même degré d'importance; la hiérarchie est
inexistante.
• Les participants doivent dire vraiment ce qu'ils pensent.
• Les idées et opinions doivent être cohérentes avec le sens du dialogue.
• Les idées émises ne sont pas jugées : elles appartiennent au groupe et elles sont dé-
personnalisées.
Cayer (1996) a, dans le cadre de sa thèse de doctorat, mené une recherche-action en utili-
sant l'approche du dialogue de Bohm. Il expose les cinq dimensions du dialogue. Nous en
avons adapté les caractéristiques en dégageant les activités, les exigences et les résultats
pour chacune des dimensions au tableau 65.
476
Lien Do, K. L'exploration du dialogue de Bohm comme approche d'apprentissage en recherche collabo-
rative. Thèse déposée pour l'obtention d'un grade Ph.D. Faculté des sciences de l'éducation. (2003). Univer-
sité Laval. Québec, page 2, version électronique :
http://archimede.bibl.ulaval.ca/archimede/files/d0el4t93-3198-473f-a2b3-bfff51bae88c/20640.html , vu le 26
octobre 2008.
204
477
Adapté de Cayer (1996).
478
Bohm, D. (2003). On Dialogue. London : LeeNichol Editions, page 52.
205
479
Lien Do, K., op. cit., page 2.
480
Sandberg, J. et Targama, A. (2007). Managing Understanding in Organisations. California : SAGE Publi
cations ltée, page 48.
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Chaque participant a ses tionnaire. rience personnelle. à la volonté d'apprentissage
propres filtres perceptuels C'est la pierre angulaire de la La pratique reflexive place individuel et collaboratif.
et conceptuels. démarche d'apprentissage à partir l'identité au cœur du processus La façon dont les idées sont
Le processus de retour sur de l'expérience. d'apprentissage tant individuel traitées et la place accordée aux
la connaissance et qu'organisationnel. réflexions et à l'introspection et
l'expérience traduit à l'extrospection mettant en
l'importance accordée à valeur le caractère phénoméno-
l'introspection et à logique de la métaconscience, ce
l'extrospection. qui confirme l'identité.
La métaconscience est En considérant la conscien- L'intention annoncée de la métho- Met en évidence deux niveaux La démarche illustre une inten-
intentionnelle. ce de l'apprenant, elle de sécurise l'apprenant. d'intention : une manifestée et tion individuelle de liberté
permet de valider la une exprimée. d'expression et une intention
congruence de l'intention d'apprentissage collectif.
avec les objectifs et les
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pant en fonction de ses pant est mise à contribution lors attention au niveau supérieur à discussions sur les facteurs
attentionnelle.
propres problématiques. des choix d'apprentissage et lors l'observation d'autrui. Permet pertinents. La capacité
de la démonstration des résultats. d'en augmenter l'efficacité. d'attention évolue par cette
nécessité.
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208
L'intérêt lié à notre question de recherche se situe surtout au niveau des principes appli-
qués, à la dimension du savoir ou du sens, aux impacts physiologiques et aux caractéristi-
ques des modalités pédagogiques émergentes. Nous présentons au tableau 67 les caractéris-
tiques pédagogiques émergentes des quatre modèles de développement en fonction des pa-
ramètres à considérer pour l'actualisation de la métaconscience. Il y a donc une nécessité de
modéliser de nouveaux modes de formation et d'accompagnement qui tiennent compte de
la réalité de la double contrainte du gestionnaire ainsi que des caractéristiques de dévelop-
pement et des exigences de bon fonctionnement de sa métaconscience.
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Nous constatons, à la lecture de ce tableau synthèse, que les approches utilisées sont vala-
bles, dans leur intention, pour initier des activités de formation à la métaconscience. Elles
permettent de considérer quelques-uns des principes du développement de la métaconscien-
ce. La construction du savoir permet d'aborder la construction du sens. Dégager des im-
pacts physiologiques et psychologiques amène à définir la meilleure stratégie pour aborder
la formation. Nous observons aussi que les caractéristiques pédagogiques émergentes of-
frent une ouverture pour aborder le développement de la métaconscience.
Ces quatre approches ont en commun l'utilisation de la pratique reflexive, capacité spécifi-
que de la métaconscience, initiée par Schôn. Mintzberg se démarque par la façon dont il
encourage le gestionnaire apprenant à utiliser la théorie dans sa pratique, et à bonifier cette
même théorie par l'analyse de sa pratique. L'apport de l'approche suggérée par Kolb est
d'aider l'apprenant à déterminer son propre style d'apprentissage, ce qui permet une analy-
se plus efficace de sa pratique et de son apprentissage. Pour sa part, Bohm permet de mettre
en valeur le concept du dialogue, une façon efficace pour consolider tout apprentissage et
toute pratique à un niveau où la mesure de l'intégration passe par les relations humaines.
Compte tenu de la complexité de la nature humaine quant au potentiel d'actualisation de
ses processus mentaux, et plus particulièrement de la métaconscience, nous réalisons
l'importance de proposer des activités et des outils de formation qui permettent d'adapter
ces approches et de respecter les principes pédagogiques énoncés.
211
CHAPITRE VI :
Les gestionnaires sont sollicités de toutes parts pour participer à des programmes de forma-
tion visant le développement de leur leadership et leur performance. Ils réfléchissent sur les
pratiques en vogue, font de la résolution de problème, élaborent des stratégies de manage-
ment de façon collaborative. Ces activités, parce qu'elles concentrent l'attention et les ac-
tions sur les stimuli externes (mission corporative, objectifs de rentabilité, gestion de
conflit, etc.) sans considérer les impacts internes du gestionnaire (stress, regret, sentiment
d'incompétence, fatigue, etc.), les conduisent souvent à augmenter l'effet de la double
contrainte à moyen et long terme. Les gestionnaires ne sont pas amenés à actualiser spécifi-
quement leur métaconscience; c'est-à-dire à utiliser tout le potentiel généré par la réflexion
sur les caractéristiques de leur métaconscience, l'intention, la volonté, etc. et le pouvoir
généré par le libre arbitre pour chacune. Ils ne sont pas informés de la richesse cachée par la
non-actualisation des différents processus mentaux (la conscience de soi, la raison, le lan-
gage, la volonté, l'apprentissage, la mémoire, la créativité, la moralité et
l'autonomie/liberté) qui permettent d'améliorer l'efficacité de la métaconscience. Les ges-
tionnaires ont besoin d'un soutien pédagogique efficace pour développer spécifiquement
leur métaconscience.
Par ailleurs, l'identité distinctive des humains nous force à considérer que la formation à la
métaconscience implique un changement conceptuel des gestionnaires en regard de leurs
paradigmes initiaux. Damasio (2002) constate que les humains sont conditionnés par leur
génome, leur environnement, leur éducation, leurs croyances, etc. :
Quand nous disons qu'une personne a été modelée par l'éducation reçue et la société environ-
nante, nous faisons référence à l'association de plusieurs contributions : 1/ les « traits » de ca-
212
ractère et les « dispositions » génétiques, 2/ des « dispositions » acquises très tôt lors du proces-
sus de développement sous l'influence conjointe des gènes et de l'environnement, et 3/ des épi-
sodes personnels uniques, vécus sous les auspices des deux précédents, sédimentés et continuel-
lement reclassés au sein de la mémoire autobiographique.481
Nous sommes d'avis qu'une stratégie de développement à la métaconscience chez les ges-
tionnaires devrait considérer les cartes mentales générées tout au long de leur vie. Il s'agit
donc de concevoir une méthodologie de changement conceptuel adaptée à la formation à la
métaconscience. La boucle recursive expérience/connaissance/introspection doit être appli-
quée pour amorcer le changement conceptuel souhaité.
Expérience Introspection
Expérience Introspection
Conception ini-
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tiale
tion
Connaissance
Connaissance
Morin, E. (2000). Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, op. cit., page 107.
483
Senge, P. et Gauthier, A. (1991). La cinquième discipline, traduit de l'américain par Hervé Plagnol. Paris :
Éditions First, page 187.
484
Ibidem, page 189.
215
La pratique des exercices individuels décrits plus haut nous a été bénéfique lors de la rédac-
tion de cette thèse. Il aurait été difficile de décrire les caractéristiques de la métaconscience
sans mettre en pratique les outils qui en permettent la reconnaissance et le développement.
De fait, nous avons observé une progression signifiante de l'évolution de notre projet à me-
sure que nous mettions en pratique chacun des outils mentionnés et que nous respections
les caractéristiques de la métaconscience.
En se basant sur le fait que la seule personne à avoir accès à son être intérieur est elle-
même, il apparaît évident que la conscience s'étudie de l'intérieur, donc par Soi. Par ail-
leurs, force est aussi d'admettre que le sujet qui s'auto-analyse émet un point de vue sub-
jectif plutôt qu'objectif. Parce que la métaconscience est consciente d'elle-même, elle évo-
lue d'un état de conscience actuel vers un nouvel état.
Edelman (2000), pour sa part, reprend la prémisse de Charles Sherrington, à savoir que la
conscience est tributaire de l'état du cerveau et de son fonctionnement. En fait, notre mon-
de, propre à chacun de nous, forgé à partir de nos connaissances, de nos expériences, de nos
capacités de jugements, de nos compétences, etc., bascule du tout au tout dès que le cerveau
subit un choc ou d'autres traumatismes physiques, chimiques ou psychologiques. C'est ce
que Schopenhauer (1997), repris par Edelman et Tonini (2000), a défini comme le « nœud
du monde ». Cette conception n'enlève toutefois rien à l'ampleur du mystère de la cons-
cience. Elle permet toutefois, selon ces auteurs, une représentation plus concrète, et de pro-
poser des combinaisons de théories dans le but d'aborder ce nœud :
Ne pourra-t-on jamais parvenir à une explication scientifique? Doit-on renoncer à défaire le
nœud du monde? Ou bien peut-on découvrir une voie permettant d'avancer de façon à la fois
théorique et expérimentale vers la résolution des paradoxes de la conscience?485
Edelman, G. M. et Tononi, G. (2000). Comment la matière devient conscience, op. cit., page 27.
1
Goleman, D. (1995), op. cit., page 462.
216
Selon John Mayer, un de pères de l'intelligence émotionnelle, cité par Goleman (1995), « la
conscience de soi signifie que nous sommes 'conscient à la fois de notre humeur du mo-
487
ment et de nos pensées relatives à cette humeur.' » Goleman (1995) reprend la classifi-
cation de Mayer selon laquelle il y a trois niveaux de conscience de soi en fonction de leurs
rapports avec leurs émotions. Dans le tableau 68, nous y avons lié les fonctions sur lesquel-
les il est possible d'agir une fois entraîné.
Niveau de conscience
Rapport avec les émotions Fonctionnement
de soi
Sont capables de subtilité dans leur L'information est rapidement dirigée
vie affective. vers l'amygdale et vers le néocortex.
Ils sont indépendants, Les gens sont capables d'identifier la
en bonne santé psychologique. nature de l'émotion émergente et de
Ils ont le sens de la mesure. rediriger leur attention lorsque cette
Ils ont une conception positive de la émotion est négative.
vie. Ils dirigent leur attention sur leurs va-
Ceux qui ont cons-
Leur caractère attentif les aide à maî- leurs et font des choix en fonction de
cience d'eux-mêmes triser leurs émotions. celles-ci.
Ils sont conscients de leurs valeurs et
s'assurent de les respecter.
Ils sont capables de contrôler les
pensées qui surgissent à leur insu. Ils
sont capables de rester concentrés sur
de longues périodes.
Ont l'impression d'être contrôlés par L'information va principalement à
leurs émotions. l'amygdale et y reste plus longtemps.
Ils sont versatiles. Le néocortex a de la difficulté à déco-
Ils n'ont pas conscience de leurs der le ressenti et l'émotion.
sentiments. Les liens entre les réactions physiologi-
Ceux qui se laissent Tolèrent leur mauvaise humeur. ques et la raison sont lents à se faire.
submerger par leurs Ont le sentiment de ne pas contrôler L'attention semble figée.
émotions leur vie affective. La personne doit alors faire un effort
Les pensées qui surgissent en même pour modifier son attention et la rediri-
temps que leur centre d'intérêt im- ger vers la région du cœur488 afin de
médiat les submergent, ce qui les fait mieux identifier son émotion. Cet exer-
perdre leur concentration. cice devrait être fait de façon régulière
tous les jours.
Ceux qui acceptent Ont conscience de ce qu'ils éprou- L'information passe de l'amygdale au
leurs dispositions vent, mais ne font rien pour y remé- néocortex de façon aléatoire. Il n'y a
d'esprit dier. pas de contrôle volontaire.
Niveau de conscience
Rapport avec les émotions Fonctionnement
de soi
Certains sont généralement de bonne Les liens entre les réactions physiologi-
humeur et sont peu enclins à vouloir ques, psychologiques et la raison ne
modifier leur état. sont pas considérés suffisamment.
Certains ont conscience de leurs Ces personnes ont tendance à tourner
sautes d'humeur et les acceptent sans en rond, à minimiser les conséquences
rien faire. Ils sont souvent dépressifs, de leurs actions.
résignés à leur désespoir. Elles peuvent agir en faisant des exerci-
Leur concentration va et vient de ces réguliers pour centrer leur aUention
façon aléatoire. Ils écoutent une per- au niveau de la région du cœur, dans les
sonne sans y porter tout l'intérêt qu'il moments de joie et dans les moments
se doit. de peine.
Tableau 68 : Niveaux de conscience de soi et les rapports aux émotions
Le leader conscient de soi est donc mieux outillé pour assurer une présence d'esprit dans
l'accomplissement de ses activités. Ses relations sont plus sincères, et sa crédibilité est re-
connue. Cette capacité à rediriger son attention lui permet de mieux composer avec la dou-
ble contrainte en confirmant ses valeurs et en assumant ses choix, même lorsqu'ils requiè-
rent un lâcher-prise sur des acquis matériels convoités. Il en résulte une meilleure santé
physique et psychologique à long terme.
Les gens dont le niveau de conscience est au niveau 2 ou 3 doivent s'entraîner à diriger leur
attention à la région du cœur d'abord. Ceci permet de prendre conscience du ressenti et de
décider de le modifier. Dans un deuxième temps, il convient d'éliminer les obstacles à
l'attention, principalement la surcharge d'information ou d'émotion et de vérifier le niveau
d'intérêt pour la situation à régler. Il devient plus facile alors de clarifier les objectifs et de
centrer son attention au bon endroit, et ainsi augmenter le niveau de conscience de soi. On
remarque que les gens se sentent plus autonomes, ont plus de facilité à identifier et à res-
pecter leurs valeurs personnelles, et sont plus ouverts aux changements.
Dès le début de notre rédaction, nous avons dû remettre nos valeurs en question. Le fait de
quitter un travail bien rémunéré pour écrire une thèse de doctorat indique un changement
quant aux valeurs que nous aspirions à satisfaire. Premièrement, il nous a été nécessaire de
constater la situation de double contrainte dans laquelle nous évoluions. Cette prise de
conscience nous a amenée à identifier nos valeurs émergentes afin de positionner notre ob-
jectif en fonction de notre intention. L'exercice consistant à rediriger notre attention au ni-
veau de la région du cœur s'est avéré bénéfique pour nous aider à améliorer notre conscien-
218
ce de nous-même.
Une façon de rediriger son attention est de contrôler le rythme et la profondeur de sa respi-
ration.
6.1.2. La respiration consciente et contrôlée
Respirer est l'activité la plus importante du corps humain. Respirer, c'est assurer le fonc-
tionnement de l'organisme. Les fonctions vitales sont influencées par le débit d'air que les
organes reçoivent. Zindel et al. (2006) permettent de comprendre l'influence de notre respi-
ration :
Avez-vous déjà remarqué la façon dont la respiration change avec votre humeur - courte et fai-
ble quand nous sommes tendus ou en colère, plus rapide quand nous sommes énervés, lente et
ample quand nous sommes heureux, et disparaissant presque quand nous avons peur? Elle est là
avec nous tout le temps. Elle peut être utilisée comme un outil, comme une ancre, pour amener
de la stabilité dans le corps et l'esprit quand nous choisissons délibérément d'être conscient.489
489
Zindel, V. et al. (2006). La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression. Bruxel-
les : De Boek, page 174.
219
Par la seule action de la respiration, nous pouvons donc à la fois refléter et influencer l'état de
notre système nerveux. Nous pouvons apprendre à régulariser notre rythme cardiaque, notre
tension artérielle, la circulation du sang et même la digestion, en changeant tout simplement le
rythme et la profondeur de notre respiration.490
En plus de contrôler la respiration et de centrer l'attention sur une pensée, cette pratique
suggère de choisir une pensée liée à un souvenir ou un à projet qui réjouit, qui génère
l'amour et la compassion. Cette pratique est basée sur le fait que de se centrer sur les émo-
tions et les sentiments est susceptible d'influencer les décisions et les comportements de
façon significative. Damasio (2001) va dans le même sens, et soutient qu'il est possible
d'anticiper la valeur d'une décision en étant à l'écoute de ses sensations à un moment pré-
cis :
... imaginez qu'avant d'avoir appliqué la moindre analyse de « coût/bénéfice » aux différents
cas de figure, et avant que vous ayez entamé le processus de raisonnement devant vous mener à
la solution du problème, quelque chose d'important se produit : lorsque vous visualisez dans
votre esprit, même fugitivement, la conséquence néfaste d'une réponse que vous pourriez choi-
sir, vous ressentez une sensation déplaisante au niveau du ventre.493
90
St-Arnaud, Y. (2002). La guérison par le plaisir. Ottawa : Éditjons Novalis, page 177.
491
Institut de recherche à but non lucratif. Leurs travaux portent principalement sur la réduction du stress dans
les milieux organisationnels.
492
Childre, D. et Howard, M. (2005), op. cit., page 59.
493
Damasio, R. A. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 239.
220
Paramètre Amélioration
Rythme cardiaque trop rapide Diminution de 38 %
Tension artérielle élevée Diminution de 65 %
Douleurs et symptômes divers Diminution de 70 %
Colère Diminution de 65 %
Inquiétudes Diminution de 70 %
Fatigue Diminution de 87 %
Heureux Augmentation de 68 %
Désir de quitter l'entreprise Diminution de 44 %
Désir de changer de travail Diminution de 52 %
Capacité d'écoute Augmentation de 65 %
Prise de décision impliquant l'intuition Augmentation de 100 %
Alignement des objectifs personnels et corporatifs Augmentation de 107 %
Organisation des réunions Amélioration de 107 %
Efficacité Amélioration de 86 %
Créativité Amélioration de 119 %
La méditation est pratiquée depuis des siècles, et ce, sous différentes formes. Bien qu'elle
soit souvent associée à un exercice spirituel ou religieux, il est opportun de la concevoir
également comme un outil de développement de la métaconscience. Cette pratique utilise
l'attention et la sélection comme principaux outils à la disposition de la métaconscience.
Voici le point de vue exprimé par Fiori (2006) à ce sujet :
... traduit l'une de nos capacités essentielles, à savoir l'attention sélective qui nous permet de
nous affranchir des stimulations sonores qui ne nous intéressent pas Ce à quoi nous ne prê-
tons pas attention parvient tout de même à notre cerveau, que, d'une manière ou d'une autre
nous sommes capables d'opérer un tri dans les informations qui nous parviennent et choisir de
n'en traiter qu'une partie et, bien plus, que nous pouvons déplacer notre attention. Notons que
ceci ne concerne pas seulement les informations issues de l'environnement : nous pouvons tout
à fait « faire semblant » d'écouter notre interlocuteur tout en portant notre attention sur une au-
tre conversation ou sur nos propres pensées.496
Cet exercice de méditation consciente requiert de centrer son attention sur un seul objet
mental (idée, émotion, etc.). Cette pensée, par exemple, est dans un premier temps dirigée
vers les parties du corps, et il importe de sentir chacune des parties. Il se produit alors un
ralentissement du système nerveux, et les fonctions physiologiques reprennent un rythme
plus calme. Cet ajustement des fonctions physiologiques augmente l'efficacité des proces-
sus mentaux lorsque la personne revient à ses activités régulières. Il existe différentes tech-
niques de méditation. La méditation guidée permet au débutant de bien comprendre le pro-
cessus, et d'obtenir des bons résultats assez rapidement.
Lorsque la méditation est pratiquée de façon régulière, les effets sont cumulatifs. C'est
pourquoi il est recommandé, pour augmenter l'efficacité de sa métaconscience, de la prati-
quer environ trente minutes par jour. Les effets sont clairement mis en perspective par Zin-
496
Fiori, N. (2006). Les neurosciences cognitives. Paris : Éditions Armand Colin, page 161.
222
del et al. (2006) dans le cadre de leur pratique de la thérapie cognitive basée sur la pleine
conscience pour la dépression.
Pelletier (1996) valorise aussi cette pratique, et en souligne le caractère personnel et res-
ponsabilisant : « Cette expérience fait découvrir que c'est moi qui colore mes souvenirs,
mes projets, les situations difficiles de la vie. C'est moi qui les colore, et, donc je peux,
comme le dit Ferrucci, les recadrer, les colorer autrement, sans, pour autant, tout recolorer
en rose. »497 Tout comme la respiration et la conscience de soi, la méditation, par les répon-
ses physiologiques qu'elle suscite, permet d'augmenter le niveau d'autonomie et de créati-
vité des gestionnaires.
Nous estimons que les exercices de méditation pratiqués au début de notre projet nous ont
permis de mieux assumer nos responsabilités connexes, et de concentrer nos efforts aux
bons endroits aux bons moments. Nous constatons une évolution dans notre pratique à me-
sure que nous méditons de façon régulière. Les idées sont plus claires et les liens entre les
informations se font plus rapidement. Nous avons l'impression d'être plus présente lors des
activités pendant lesquelles notre attention est sollicitée.
La méditation sur un projet à réaliser peut nous amener à un exercice de visualisation créa-
trice. C'est ce qui se produit quand nous méditons en gardant l'image de notre thèse com-
plétée pendant un moment. Cette capacité à focaliser notre attention contribue à voir le pro-
jet concrétisé. Il nous apparaît par la suite plus facile d'y consacrer temps et énergie.
6.1.4. La visualisation créatrice
Cet exercice peut être pratiqué de façon indépendante, juste en fermant les yeux, et en ima-
ginant notre objectif réalisé; ou encore, en le dessinant, et en regardant l'image de façon
régulière. Le but visé est de consolider l'objectif, l'intention et la volonté. Ce faisant, notre
attention est concentrée sur cet objectif, et notre métaconscience oriente son processus dans
cette direction.
Certaines méditations guidées permettent aussi de faire un exercice de visualisation créatri-
ce. Une voix nous dicte les étapes à suivre pour entrer en méditation. Lorsque notre rythme
cardiaque est suffisamment calme, le guide suggère des images que nous entendons de fa-
çon passive. C'est-à-dire que nous ne réagissons pas physiquement mais physiologique-
Pelletier, P. (1996). Les thérapies transpersonnelles. Montréal : Éditions FIDES, page 186.
223
ment; notre système nerveux répond à ce qui est dit. Par exemple, nous fermons les yeux,
respirons calmement de façon régulière. Une voix nous suggère un mets que nous appré-
cions, et nous sentons nos glandes salivaires fonctionner. Nous pouvons même parfois
avoir l'impression de goûter la nourriture.
Le fait de visualiser notre thèse terminée à certains moments où nous sentions le découra-
gement s'installer nous a aidée à maintenir notre attention, et à nourrir notre volonté à
consacrer l'énergie, le temps et les ressources pour la terminer. Les actions à poser sont
devenues par conséquent plus faciles. Nous accordions moins d'importance aux obstacles,
et une meilleure énergie aux exigences de notre métaconscience.
Comme la respiration et la méditation, cet exercice doit être répété à intervalles réguliers
pendant une période de temps assez longue pour être efficace. Nous pratiquons toujours ces
exercices pour notre thèse. Plus la fin approche, plus cela nous semble facile tout en conti-
nuant d'être efficace.
De plus en plus de gestionnaires s'ouvrent à ces pratiques. Ils en constatent les effets posi-
tifs assez rapidement. Le défi majeur consiste à maintenir le rythme de la pratique lorsque
le temps semble manquer. Ironiquement, c'est dans ces périodes où le stress est plus intense
que ces pratiques sont les plus bénéfiques. Avec la métaconscience, ces pratiques peuvent
aboutir à un meilleur contrôle de ses actions volontaires en fonction d'un objectif.
6.1.5. L'introspection
think, - that is the cognitive rules of reasoning they use to design and implement their ac-
tions. »498
L'introspection permet de pratiquer les exercices liés à la conscience de soi, et son efficaci-
té est augmentée par la pratique de la respiration consciente et contrôlée, ou encore par la
méditation.
Nous avons constaté la valeur de l'introspection plus particulièrement lorsque nous sentions
un temps où la productivité était faible. Cet exercice nous a permis d'évaluer les meilleures
conditions pour travailler sur notre projet de thèse. Les éléments qui dispersaient notre at-
tention ont pu être décelés, et diminués de façon considérable.
Afin de faire un suivi dans le but de concrétiser ses efforts, le gestionnaire est invité à tenir
un journal de bord de ses pratiques de la métaconscience. Comme pour les activités précé-
dentes, le facteur temps est le principal obstacle à la régularité de cette pratique.
La pratique de ces exercices de façon métaconsciente, c'est-à-dire en considérant ses carac-
téristiques de téléologie, d'intention, de volonté et de réflexion, entre autres, permet d'en
augmenter les bienfaits. En effet, le fait de mettre en pratique ce métaprocessus donne du
pouvoir à nos facultés mentales.
6.1.6.Le journal de bord
Tenir un journal de bord est une activité qui requiert une grande discipline. Il se distingue
du journal intime par la rigueur qu'il exige et par son volet réflexif et autoréflexif. Paré
(1987) le présente comme un élément essentiel de l'apprentissage : « C'est le contact avec
la réalité dans toute sa complexité, dans sa continuité, qui permet de dégager un sens et une
compréhension profonde. »499
De par sa nature, l'humain possède une propension à réagir, le plus souvent de façon spon-
tanée, à des faits et à des événements. Sans un retour sur lesdits événements et les réactions
provoquées, l'apprentissage ne se fait pas. Évidemment, pour être efficace, le journal doit
dépasser le volet descriptif des événements. Il devient un outil de développement construc-
tiviste dans la mesure où le chercheur y commente les faits de façon subjective dans la re-
498
Argyris, C. Teach to Smart People. Harvard Business Review, mai-juin 1991, page 6.
499
Paré, A. (1987). Le journal, instrument d'intégrité personnelle et professionnelle. Centre d'intégration de
la personne. Sainte-Foy, page 8.
225
connaissance de son essence propre. En fait, selon Paré (1987), le journal place la personne
vis-à-vis elle-même, dans sa propre quête de sens. Il constitue un outil d'apprentissage par
l'expérimentation, en ce sens qu'il permet à l'auteur d'évaluer ses actions et ses réflexions
en fonction des pratiques de développement de sa métaconscience, de ses expériences pré-
cédentes, de ses connaissances et de ses projets à venir. Il permet la manifestation de son
autonomie, de sa moralité et de sa créativité en fonction des quatre paramètres suivants :
o reconnaître ses sensations et ses idées en les identifiant à son identité et à ses inten-
tions;
o prendre la décision, implique donner un sens, faire un acte volontaire en fonction
d'une finalité;
o identifier les besoins perçus et les désirs ressentis par une sélection, en fonction de
répondre adéquatement et au bon moment;
o identifier et nommer ses perceptions, ses sensations et ses émotions et ses pensées,
et identifier le processus interne de son autonomie, de sa moralité et de sa créativité.
Mais une relation d'où l'intimité et la réciprocité sont absentes n'amène jamais quiconque à dé-
passer ses idées polarisées ni à mieux définir sa conscience de lui-même. Il faut pour cela la mi-
se à l'épreuve de nouvelles idées et expériences émotionnelles et leur intégration dans les idées
et relations existantes. Cela demande du temps et un engagement émotionnel tel qu'il ne peut
avoir lieu que dans une relation de longue durée avec un ami, un compagnon, un conseiller, un
thérapeute ou un guide spirituel.500
Le coaching et le mentorat sont deux concepts de plus en plus populaires depuis le milieu
des années 80. Le coach amène le coaché à utiliser son potentiel à partir de ses propres ré-
flexions. Le mentor, pour sa part, expose à son dauphin (le gestionnaire dont il est le men-
tor) des idées à partir de ses expériences personnelles. Bien que les deux formules soient
fondamentalement différentes quant à leur processus et à leur finalité, les deux ont en
commun la fonction de conscience miroir du gestionnaire. Dans les deux cas, le coaché ou
le dauphin discutent de leurs perceptions de la réalité, de leurs impressions à la suite de
différentes expériences, etc. Le coach ou le mentor amène la réflexion sous un nouvel an-
gle. Selon Greenspan (1998), il y a une valeur ajoutée à partager ses perceptions lors de la
prise de décision :
... sans vouloir diminuer en rien la valeur d'orientation que peut avoir la perception normale
des émotions, on pourrait envisager de protéger la raison contre les vicissitudes que la percep-
tion anormale des émotions (ou les influences indésirables sur la perception normale) peut in-
troduire dans le processus de prise de décision.501
Ces activités peuvent prendre la forme d'une discussion critique, d'une activité sociale,
d'une consultation, d'un accompagnement réflexif, etc. C'est ultimement une activité rela-
tionnelle entre un gestionnaire et une personne-ressource (superviseur, expert, consultant,
etc.) dont l'objectif est de lui permettre d'évoluer dans le cadre de ses fonctions. Certaines
conditions favorisent l'atteinte des résultats visés par une intervention de coaching ou de
00
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 224.
501
Damasio, A. R. (2001). L'erreur de Descartes, op. cit., page 332.
227
mentorat :
- Exige un niveau de confiance élevé et une intégrité entre le coaché et le
coach.
- Est défini par un objectif précis.
- Les progrès sont signifiés rapidement.
- Les lacunes sont nommées, adressées et corrigées dès qu'elles sont repérées.
Nous reconnaissons plusieurs de ces caractéristiques dans le concept de la pratique reflexi-
ve comme développée par Schôn (1994) par le biais des trois activités suivantes :
1. Réfléchir en cours d'action.
2. Réfléchir sur l'action : « Les affects nous permettent d'identifier les phénomènes et
les objets, d'en comprendre la fonction et le sens, et, avec le temps, d'élaborer des
notions abstraites d'interrelation. »502
3. Dégager le savoir caché dans l'agir professionnel.
Le recours à un coach ou à un mentor est souvent utile pour aider le gestionnaire à mieux
aborder sa situation de double contrainte. Schôn (1994) a en effet remarqué que : « Les
travailleurs qui œuvrent dans le domaine du bien-être social sont tiraillés entre leur code
professionnel qui leur impose d'être attentifs à la personne et la pression bureaucratique qui
les incite à étudier les dossiers au plus vite. »503
Prendre conscience de ce sentiment de culpabilité apparemment inévitable en solitaire peut
amener le gestionnaire sur la voie de la dépression. D'autres encore, par dépit ou par décou-
ragement, vont cesser de participer aux activités de développement en utilisant des prétex-
tes plus ou moins valables. Comme Greenspan l'a constaté (1998) : « Bloqués à un certain
niveau de développement émotionnel, les gens trouvent mille astuces pour surtout ne pas
évoluer. »504
Le recours à un coach a été essentiel dans la réussite de notre projet. De fait, nous avions
recours à deux coachs exerçant dans deux spécialités différentes. Cela nous a permis de
mieux répondre à chacune des questions de cette recherche.
502
Greenspan, S. (1998). L'esprit qui apprend, op. cit., page 49.
503
Schôn, D. A. (1994). Le praticien réflexif, traduit de l'anglais par Jacques Heynemand et Dolores Gagnon.
Montréal : Les Éditions Logiques, page 37.
504
Greenspan, S. (1998). L 'esprit qui apprend, op. cit., page 213.
228
Le fait de partager les sentiments et émotions générés dans ces situations permet dans un
premier temps de recadrer et, par la suite, de trouver des ressources adéquates pour appuyer
le gestionnaire au besoin. Ce partage de vision permet surtout de confirmer le gestionnaire
dans l'évolution de son autonomie. Le fait d'identifier ses valeurs personnelles, et d'en dis-
cuter avec une personne de confiance produit cet effet miroir qui accentue l'impact du res-
pect de son sens moral. La créativité peut aussi être encouragée, et contribuer à la perfor-
mance du gestionnaire et de son coach ou mentor.
Rédiger une thèse de doctorat sans les recours à un coach et à un conseiller aurait été im-
pensable. Nous pouvions constater un ralentissement dès que nous espacions les rencontres
de coaching et de validation. La rédaction de notre journal de bord nous a permis de consta-
ter un lien direct entre la régularité de nos pratiques individuelles, l'efficacité et la fréquen-
ce de nos rencontres de coaching, et Y état d'avancement de notre rédaction. La rigueur
s'est imposée comme exigence fondamentale au développement de notre autonomie. Nous
sentions que notre moralité était de plus en plus influencée par notre assiduité, et que notre
créativité émergeait de la même façon, soit à mesure que nous respections les exigences de
développement de notre métaconscience. La rédaction de notre journal de bord et les ren-
contres de coaching nous ont permis de cibler les obstacles, de reconnaître les exigences, et
de les respecter.
Les activités corporatives ont comme préalable les pratiques individuelles afin de maintenir
une cohérence dans le développement humain des gestionnaires. C'est ce que nous allons
examiner dans la prochaine section.
mis de créer des modes de fonctionnement dont le but est, pour chacun, d'augmenter le
rendement des ressources. Depuis les travaux de Taylor (1906, 1911), les modèles proposés
par Senge (1998), Argyris et Schôn (1978, 1983, 1985, 1987, 1990), Kolb (1970), Mint-
zberg (1994), entre autres, les modèles de développement humain en entreprise évoluent.
De plus en plus, nous remarquons que le point de convergence de la plupart des modèles
émergents se rapproche du phénomène de la conscience, et des façons de la comprendre.
La communauté de pratique, le codéveloppement, les compétences collectives,
l'accompagnement professionnel et Y empowerment constituent des modèles de dévelop-
pement à caractère social. Chacun, par sa dynamique, interpelle une implication individuel-
le au service d'une organisation. Bien exploitées et avec la mise en valeur de la compétence
métaconscience, ces pratiques seront en mesure de pallier cette difficulté humaine des plus
courantes, et dont l'importance va en croissant, ce que Kegan (2000) nomme le respect de
la diversité :
The kind of learning that would help us to see that the actual differences we experience are dif-
ferences of attribution - differences we create by viewing the other according to the Tightness of
our own preferences- is what Gregory Bateson called « deutero learning», learning that reflects
on itself/05
6.3.1.La communauté de pratique
505
Kegan, R. (2000). In Over Our Head, op. cit., page 232.
230
Le codéveloppement peut se définir comme une façon d'apprendre par le partage des idées
et réflexions à l'intérieur d'un groupe. Cette pratique s'inspire, entre autres, des principes
de la pratique reflexive, de la réflexion sur l'action, et de la méthode des cas. Le groupe est
composé de quatre à dix personnes : professionnels et gestionnaires qui se rencontrent à
intervalles réguliers : aux deux semaines ou une fois par mois. Certains groupes peuvent
fonctionner de façon autonome, mais le plus souvent, un modérateur anime les discussions,
et s'assure de la pertinence des interventions afin de conclure sur des apprentissages signi-
fiants. Le mode de fonctionnement requiert une grande confiance entre les membres, une
ouverture aux idées différentes, et la volonté de partager ses connaissances et ses expérien-
ces. Payette et Champagne (2002) ont identifié sept objectifs poursuivis par les partici-
pants : apprendre à être plus efficace; comprendre et tenter de formaliser ses modèles;
Wenger, E. (2005). La théorie des communautés de pratique, traduit de l'anglais par Fernand Gervais.
Québec : Les Presses de l'Université Laval, page 235.
231
507
Senge, P. et Gauthier, A. (1991). La cinquième discipline, traduit de l'américain par Hervé Plagnol. Paris :
Éditions FIRST, page 300.
508
Amherdt, C.-H. et al. (2002). Compétences collectives dans les organisations. Québec : Les Presses de
l'Université Laval, page 28.
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233
6.3.4. L'empowerment
En français, on ne trouve pas le mot dans le dictionnaire, mais on obtient chez certains au-
teurs quelques définitions associées à ce concept; en voici quelques-unes :
« Action d'une personne, d'un groupe, d'une équipe, permettant à ceux qui y participent de
développer une autonomie et leur responsabilité sur eux-mêmes et sur leur environne-
510
« Empower » : Longman Dictionary of Contemporary English. (2003). England : Pearson Editions,
page 512. Traduction libre.
" Fetterman, D. M. et Wandersman, A. (2005). Empowerment Evaluation Principles in Practice. New York:
The Guilford Press, page 10.
234
ment. »512
« \f empowerment comporte quatre composantes essentielles : la participation, la compé-
tence, l'estime de soi et la conscience critique (conscience individuelle, collective, sociale
et politique). »513
« Terme anglo-saxon désignant le fait de déléguer le maximum de responsabilités à chaque
salarié de l'entreprise de manière à améliorer le service au client. »514
« Processus visant à donner et à développer ses propres moyens devant permettre à toute
personne de contribuer activement à l'organisation de sa propre vie et de sa communauté
sur les plans économique, social et politique. »515
De fait, la définition et le sens de la démarche de Y empowerment ne semblent pas encore
bien définis. Le tableau 72 illustre que les interprétations diffèrent selon le contexte et le
type d'organisation516.
Contexte Interprétation
Devient un processus au moment où il y a interaction entre la
Empowerment communautaire : coopération, la synergie, la transparence et la circulation de
l'information, le tout basé sur les forces du milieu.
Dans une approche de santé communau- Touche le plus souvent des groupes de personnes sans pou-
taire : voir reconnu.
Réfère principalement au transfert du pouvoir de l'équipe
Empowerment dans une perspective orga-
d'intervention vers une clientèle. Les équipes autonomes et
nisationnelle :
semi-autonomes en sont des exemples.
A une influence potentielle sur la formulation des politiques
Empowerment dans un contexte social :
de santé publique et la formation des programmes de santé.
Est le résultat qui permet de changer les structures actuelles
Empowerment dans une perspective poli-
et les relations de pouvoir entre les diverses instances, les
tique :
intervenants et les individus.
Tableau 72 : Différentes conceptions de ('empowerment selon le contexte d'intervention
Il semble donc que la conception du processus soit en évolution, et ne fasse pas encore
l'unanimité quant à l'attribution du pouvoir, entre autres.
Nous reconnaissons toutefois dans ces différentes interprétations le concept de volonté
512
w\v\v.rodhia.com.htm fr/developpement durable lexique.html. vu le 19 septembre 2007.
5,3
Longpré, C. et al. CESAF. (1998).
http://wwvv.cesaf.umontreal.ca/l'.iess.doss.empow.docl.html. vu le 19 septembre 2007.
514
wAvvv.ecogexport.com/aestion/dicosestion.htm. vu le 19 septembre 2007.
1
http://lacitovennete.com/magazine/mots/glossairecgaliteHF.php. vu le 19 septembre 2007.
1
Longpré, C. et al., op. cit.
235
d'appropriation de son pouvoir par le participant. Cette idée induit principalement deux
caractéristiques de la métaconscience : la volonté et l'intention, et requiert, d'entrée de jeu,
un bon degré d'autonomie, un sens moral fortement assumé et une bonne dose de créativité
afin de soutenir un groupe dans une telle démarche. Le développement de la métaconscien-
ce est au cœur de tout processus visant à acquérir de Y empowerment personnel.
Il nous apparaît nécessaire de respecter les trois niveaux d'intervention dans le cadre de tout
projet de développement de la métaconscience en entreprise. Instaurer des sessions de coa-
ching avec des gestionnaires qui n'ont pas préalablement fait les apprentissages du niveau
individuel risque d'être long, et les résultats seront peu valables à long terme. De même, la
mise en œuvre d'un programme visant à encourager une culture d'empowerment, par
exemple, doit inclure des périodes de formation de niveau individuel et en accompagne-
ment afin d'assurer une cohérence quant au processus, et une implication valable des parti-
cipants.
237
Cette tendance émergente offre de fait des possibilités d'évolution de la pensée managériale
susceptibles d'améliorer la qualité de vie dans les organisations ainsi que son efficacité.
Cette prémisse permet de poser les bases pour une ouverture plus grande vers une approche
collaborative en management. Amabile et al. (2001), et Shani et al. (2008) posent les pre-
mières balises pour une nouvelle conception du management. Shani et al. (2008) sont opti-
mistes à cet égard :
The argument for collaborative management research, at a basic level, is that by bringing man-
agement and researchers closer together, the rate of progress in understanding and addressing
issues such as innovation, growth, change, organisational effectiveness and economic develop-
ment will be faster than if either managers or researchers approach these topics separately.
517
Shani, A. B. et al. (2008). Handbook of Collaborative Management Research. California : Sage Publica-
tions inc., page 101.
518
Ibidem, page 9.
238
goals of the collaboration, effective team functioning, and benefits for the individual mem-
bers of the collaboration.»519 Toute progression vers l'objectif commun doit se faire en
mettant en perspective la valeur ajoutée d'une saine collaboration, et chacun doit y recon-
naître son profit. Arriver à démontrer ce genre de conciliation d'objectifs lors
d'interventions visant l'amélioration de la qualité de vie au travail facilitera à coup sûr le
développement de la métaconscience.
Le défi majeur de cette approche innovante est de fait cette conciliation des intérêts de cha-
cun dans un but commun : réduire l'effet de double contrainte du gestionnaire en confir-
mant son autonomie, sa moralité et sa créativité. Cette approche (figure 23) considère que
chaque champ de pratique doit poursuivre sa propre finalité, chaque intervenant doit identi-
fier ses intérêts, et établir ses indicateurs de performance.
Théoricien :
Publications scientifiques,
Réputation
Consultant
Praticien: Prospérité économique du
Actions gagnantes, client,
Décisions adéquates Réputation d'affaires
520
Figure 23 : Défi de l'approche collaborative
Dans notre travail de candidate au Ph.D., nous nous sommes retrouvée dans un contexte où
5,9
Amabile, T. et al. (2001). Academic-Practitioner Collaboration in Management Research: A Case of
Cross-profession Collaboration. Academic Management Journal, vol. 44, no 2, page 420.
520
Inspiré de Shani (2008).
239
Notre collaboration comme intervenants dans la rédaction de cette thèse nous a constam-
ment ramenés à la mise en valeur de nos intérêts respectifs (figure 24). Notre cohésion
d'équipe nous a obligés, par moments, à nous revalider les uns par rapport aux autres en
fonction de notre objectif commun. Cette collaboration nous a été nécessaire, du fait que
notre sujet couvre trois champs d'intervention : le fonctionnement de la métaconscience, le
gestionnaire et la formation.
Théoricien :
Publications scientifiques,
Consultant
Praticien: Prospérité économique du
Actions gagnantes, client,
Décisions adéquates Réputation d'affaires
Un apport majeur de notre étude se trouve dans les réponses que nous pouvons apporter aux
questions que les auteurs de Collaborative Research in Management abordent concernant la
complémentarité de ces trois champs d'intervention : recherche, pratique et consultation.
Au tableau 74, nous nous sommes inspirée de Shani et al. (2008) pour mettre en perspecti-
ve les zones de collaboration et les stratégies d'intervention collaboratives à privilégier lors
d'analyses managériales.
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Les zones de collaboration ainsi que les stratégies d'intervention collaboratives mention-
nées au tableau 74 exigent que les intervenants des trois professions fassent preuve d'une
autonomie, d'une moralité et d'une créativité responsables. Dans cette optique, les connais-
sances entourant les caractéristiques et le fonctionnement de la métaconscience doivent
constituer le cœur de la formation initiale du gestionnaire. Nous nous inspirons de La fortu-
ne (2008) pour modéliser la valeur de la triade, et en transposer le bénéfice aux méthodes
d'accompagnement et corporatives. En effet, Lafortune (2008) met en perspective
l'importance de garder des traces des différentes étapes d'une intervention, et d'en dégager
des apprentissages émergents. Elle propose en ce sens un « accompagnement-recherche-
formation », afin :
de favoriser une continuité des effets d'une recherche au-delà de la collecte de données, de faire
en sorte que les instruments de recherche servent d'outils de formation et inversement;
de favoriser des adaptations dans différentes activités d'accompagnement et de formation pour
des réinvestissements et un passage à l'action, mais aussi de garder des traces de ces démarches
et processus pour analyse, conceptualisation et modélisation. 22
Cette vision collaborative illustrée à la figure 25 nous apparaît comme un modèle pour ap-
puyer toute activité pédagogique visant la formation du gestionnaire au développement de
sa métaconscience. La formation vise l'acquisition de connaissances et le développement
de compétences. L'accompagnement profite à la formation par son rôle en ce qui a trait à la
réflexion et à la conception des liens théorie/pratique. Quant à la recherche, ses exigences
aux plans de la rigueur et de la traçabilité sont efficaces pour consolider les acquis sur un
long terme.
522
Lafortune, L. (2008) Un modèle d'accompagnement professionnel d'un changement. Québec : Les Presses
de l'université du Québec, p. 57.
243
Accompagnement :
Réflexion interactive
Liens théorie/pratique
Formation: Recherche
Construction du savoir Rigueur dans la démarche
Développement de compé Traçabilité de la démarche
tences
Les gestionnaires semblent plus que jamais aux prises avec les conséquences de modèles de
gestion leur exigeant d'être loyal à des valeurs corporatives qui sont en contradiction avec
leurs valeurs morales personnelles. Le dogme de la production/consommation/compétition
à tout prix du marché pousse les entreprises à élaborer des exigences de rendement qui am-
plifie à outrance l'effet de la double contrainte, ce qui a pour conséquence d'affecter direc-
tement la santé physique et psychologique de leurs employés.
Le phénomène de double contrainte semble donc incontournable. Cette situation crée un
contexte dans lequel le gestionnaire devient moins autonome et, par conséquent, moins
créatif. Il en résulte des coûts sociaux et personnels en constante progression. Enrayer le
stress causé par la double contrainte semble utopique. Il est cependant possible d'en réduire
les conséquences néfastes, en aidant les gestionnaires à développer leur autonomie, leur
créativité et leur moralité.
Un programme de formation offrant aux gestionnaires des connaissances sur le développe-
ment humain et les caractéristiques de la métaconscience nous semble nécessaire pour amé-
liorer la maîtrise de l'autonomie, de la créativité et de la moralité du gestionnaire. Les qua-
tre approches d'enseignement proposées offrent des avantages importants à considérer.
Elles permettent d'intégrer les apprentissages dans la pratique et de prendre conscience des
connaissances émergentes de leurs actions. Ces approches peuvent être adaptées et utilisées
en complémentarité afin d'en optimiser les avantages respectifs. Les retombées sont tribu-
taires du respect des principes pédagogiques pour encadrer les activités de développement.
Nous avons énoncé les principes directeurs à considérer afin d'assurer la congruence entre
les besoins de développement et les programmes de formation à concevoir. Nous avons
répertorié les pratiques pédagogiques les plus efficaces pour permettre le développement de
ce type de compétence.
Tout système de formation doit satisfaire à un besoin qui se définit et se précise tout au
long du parcours. Il doit inclure un but, des objectifs spécifiques, un contenu congruent, et
des indicateurs permettant d'en évaluer les résultats. Les nouvelles modalités de formation
devront intégrer les exigences pédagogiques, et respecter le caractère spécifique du partici-
pant et de l'accompagnateur, et ce, en fonction de leur réalité, de leur unicité et de leur en-
245
vironnement. Les outils et les pratiques proposés permettront une adéquation entre ces
considérants sur les trois niveaux de formation : individuel, en accompagnement individuel
et en organisation. Ce système de formation offrira donc des paramètres généraux afin de
guider toutes les interventions, mais devra permettre au formateur de l'adapter, au niveau
du design, à chaque participant en fonction de la réalité de ce dernier et de l'organisation
dans laquelle il évolue. Nous sommes en mesure d'anticiper, dans un avenir rapproché,
qu'il y aura de plus en plus de programmes de formation dédiés à l'éveil de la métacons-
cience, et que ceux-ci impliqueront les intervenants dans une dynamique de management
collaboratif, dans le meilleur intérêt de tous.
246
Conclusion
Les informations disponibles concernant la situation des gestionnaires dans les entreprises,
notre rôle de chargée de cours en gestion, et notre connaissance du milieu par nos activités
de consultation en gestion nous ont amenée à constater un vide en matière de connaissances
liées à ses processus mentaux, et plus spécifiquement à sa métaconscience.
À la suite de nos conversations avec notre directeur de recherche, M. Jean-Pierre Fournier
et de notre coach, M. Gaston Marcotte, le manque d'informations liées au développement
de la conscience et de la métaconscience nous est apparu comme une cause fondamentale
de la détresse psychologique rencontrée chez les humains dans leur milieu de travail. Nous
estimons qu'une meilleure connaissance et un développement plus adéquat de la métacons-
cience des gestionnaires amélioreront leur bien-être et leur efficacité, ainsi que le climat de
travail. Nous avons reconnu l'importance de ce processus lors de notre propre démarche
dans notre expérience de rédaction de thèse.
Notre question impliquait deux éléments, à savoir les caractéristiques, les exigences de dé-
veloppement et les obstacles de la métaconscience et les principes pédagogiques et les
conditions à respecter pour leur éventuel enseignement.
De fait, le premier objectif de cette thèse concernait la mise en forme d'un corpus de
connaissances au sujet de la conscience et, plus spécifiquement, de la métaconscience.
Nous avions, comme premier objectif, d'en maîtriser et d'en intégrer les caractéristiques et
les principes de fonctionnement lors de la rédaction de notre thèse. Le deuxième objectif
était, à partir des connaissances liées à la métaconscience, d'établir les approches et les
principes pédagogiques directeurs pouvant nous guider dans l'élaboration éventuelle d'un
programme de formation pour les gestionnaires.
Afin de répondre au premier objectif, nous avons décrit, de façon très succincte, les princi-
pes de fonctionnement du cerveau. Nous avons présenté les liens entre le fonctionnement
du cerveau, l'évolution de la conscience, et les phases du développement humain.
Notre recherche nous a permis de mettre en perspective le fait que la conscience est décrite,
par les auteurs de disciplines variées, comme un phénomène émergent avec différents ni-
veaux de manifestation Afin de mieux cerner le phénomène évolutif de la conscience, nous
l'avons abordée à un niveau meta. Ainsi, nous avons reconnu l'émergence de la métacons-
247
cience.
Pour répondre au deuxième objectif, nous avons d'abord énoncé les principes pédagogiques
à respecter pour enseigner les caractéristiques et les exigences de développement de la mé-
taconscience. Par la suite, nous avons recensé quatre approches de formation congruences
aux principes pédagogiques et dont les processus permettent de mettre en perspective les
caractéristiques de la métaconscience . Ces quatre approches ont le mérite de favoriser une
prise de conscience de certains processus mentaux et d'en encourager le développement.
Cela ne suffit cependant pas à mettre en valeur le potentiel de la métaconscience.
Tout gestionnaire possède, en potentiel, la capacité de développer son autonomie, sa créati-
vité et sa moralité. Il doit cependant développer sa métaconscience, en connaître les carac-
téristiques, et respecter ses exigences de bon fonctionnement et ses obstacles
La métaconscience représente une métacompétence dont l'efficacité dépend du respect des
exigences de développement et de bon fonctionnement qui conduisent à toujours plus
d'autonomie, de moralité et de créativité. La pratique reflexive, l'aller-retour entre la prati-
que et la théorie en respectant son style d'apprentissage, sont les approches les plus signi-
fiantes pour les apprentissages individuels, en accompagnement individuel ou collectifs.
Les considérations suggérées par le dialogue de Bohm permettent d'optimiser l'efficacité
de l'apprentissage.
Nous avons expérimenté le métaprocessus du développement de notre métaconscience lors
de la rédaction de la présente thèse. Ce projet nous a en effet permis d'intégrer et de maîtri-
ser suffisamment de connaissances et de pratiques sur la métaconscience pour songer sé-
rieusement à élaborer un programme de formation sur la métaconscience afin d'en faire
profiter les gestionnaires, comme nous en avons nous-même profité. Ce programme devra
considérer les caractéristiques et les exigences de développement de la métaconscience,
ainsi que les principes pédagogiques directeurs. De plus, les objectifs et le contenu devront
être contrôlables par des indicateurs répondant aux critères de congruence de tout système
de formation. De par son caractère phénoménologique et introspectif, cette formation devra
de plus être renouvelée pour chaque participant. En effet, comme nous l'avons mentionné
plus avant, chaque apprenant vit sa formation en intégrant les nouvelles connaissances de
façon particulière et privée. De ce fait, cette formation ne peut être généralisable qu'au plan
du contenu et de la structure pédagogique, c'est-à-dire que les principes directeurs, les ap-
248
proches et les outils peuvent être considérés comme un guide pour répondre à chaque be-
soin spécifique. L'analyse de besoin devra cependant permettre à chaque participant
d'établir ses propres indicateurs de développement en fonction de son état de départ et de
ses objectifs personnels. Le programme devra de plus permettre au participant d'évaluer, de
façon périodique, son cheminement et prévoir des espaces de temps pour ajuster les activi-
tés d'apprentissage et les objectifs de départ au besoin.
L'ouverture conceptuelle amenée par l'approche en management collaboratif en recherche
managériale nous encourage à continuer dans la direction entreprise. Nous croyons en effet
que des gestionnaires et des chercheurs dont le niveau d'autonomie est confirmé, et dont la
moralité est assumée, peuvent unir leurs intentions et leur volonté vers des objectifs et des
processus novateurs et efficaces. Ces objectifs et processus pourraient tendre vers une ges-
tion saine et éthique des ressources planétaires.
C'est, sans aucun doute, l'une des façons les plus économiques, efficaces et humaines de
contrer les conséquences néfastes, tant sur le plan humain qu'économique, de la double
contrainte auxquelles sont soumis les gestionnaires.
Nous concluons donc, avec une conviction grandissante, que pour tout être humain, la pé-
dagogie doit se faire en impliquant le développement de ses processus mentaux et du méta-
processus qu'est sa métaconscience. C'est ce qui nous semble être la voie à privilégier de
développement d'un être humain qui englobe les plans cognitif, émotif et social de façon
optimale.
249
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