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Nelly Arcan Burqa de Chair
Nelly Arcan Burqa de Chair
Putain
Seuil, 2001
et « Points », n° P1020
Folle
Seuil, 2004
et « Points », n° P1381
À ciel ouvert
Seuil, 2007
et « Points », n° P2347
BURQA
DE CHAIR
Préface de Nancy Huston
ÉDITIONS DU SEUIL
25, bd Romain-Rolland, Paris XIV e
isbn : 978-2-02-102882-9
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Que faire ?
Le plus dur, peut-être, est de se débarrasser de l’idée
que nous serions en train de nous acheminer, par
une série d’approximations successives, vers un état
d’harmonie prévu dès de départ. Non. Personne n’a
prévu que l’espèce humaine évoluerait comme elle l’a
fait, acquerrait une conscience, se rendrait compte
de sa mortalité et se raconterait des histoires. Que les
mâles percevraient la puissance féconde des femmes
comme une injustice et leur en tiendraient, aux femmes,
rigueur. Que les femmes finiraient par en avoir marre
d’être sautées par les hommes quand bon leur sem-
blait, et exigeraient quelque chose comme des droits,
etc. Qu’il faudrait, du coup, des lois contre le viol, des
punitions pour le viol, l’interdiction de l’assouvissement
spontané et automatique par les mâles de leurs pul-
sions. Rien de tout cela n’était prévu au programme,
puisqu’il n’y avait pas de programme.
La vérité, c’est que nous sommes libres de nous
rendre malheureux jusqu’à la fin des temps. Alors il me
semble que pour les relations hommes-femmes c’est
comme un peu pour les relations Blancs-Noirs : même
si, à beaucoup de Blancs très sympathiques, il semblait
non seulement acceptable, évident, d’avoir des esclaves
noirs, et même si certains esclaves se disaient satisfaits
de leur sort, il fallait vraiment mettre fin à l’esclavage.
Construites, prédiquées comme l’esclavage sur l’iné-
galité, la prostitution et la pornographie sont iniques
pour les mêmes raisons. Du reste, il s’agit ici comme là
d’un commerce, éminemment lucratif ; chaque année,
grâce à la souffrance physique et psychique des jeunes
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Dans une photo postée par Nelly Arcan sur son site
Internet, on voit une sorte de poupée Barbie étalée sur
le dos, apparemment à la suite d’une chute, les cheveux
blonds éparpillés sur le sol autour de sa tête, un tutu
blanc relevé révélant ses cuisses nues, un escarpin
rose encore sur son pied gauche, l’autre tombé à côté
de son pied droit. Disposés en spirale autour du joli
cadavre : des téléphones (rouge, noir, gris, beige, la
plupart au combiné décroché). Des ordinateurs. Une
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Nancy Huston
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aimée, qui m’ont haïe et que j’ai bannis, qui sont sortis
de ma vie ou que j’ai poussés hors d’elle, tous ces gens
sortant de nulle part pour entrer sur la scène du crime
dans un oh, ah, oh non. Des gens qui ne sont plus que
mains plaquées sur la bouche. Des gens qui revoient,
dans une succession de souvenirs précis et révélés, ce
qu’ils m’ont fait et ce que je leur ai fait. Des gens qui
me pardonnent mes fautes et qui s’en veulent des leurs.
Les morts meurent avec ceux qui restent, réduits au
silence imposé des trésors introuvables, engloutis par
les forces souterraines des océans, par leurs puissances
de soubassement. Les morts ont toujours le dernier
mot. Quand ils laissent une lettre derrière, c’est pareil.
C’est peut-être pire. Une lettre, c’est un long sermon.
Les sermons indulgents sont les plus durs, à cause de
la colère non autorisée chez les lecteurs.
Sur fond d’étoiles invisibles, je me suis souvent
éteinte. Et la plupart du temps, quand ces gens de
mon théâtre, leurs deux mains sur la bouche, quittent
la scène, je ne sais plus quoi faire de moi, alors je
recommence ailleurs à mourir, à être trouvée morte, et
à être pardonnée. Je recommence à m’écraser ailleurs,
comme un avion lancé dans le ciel qu’on a oublié d’en-
tretenir, dans les environs.
Aujourd’hui, je ne sors plus de ma robe de chambre,
que pour la laver. Quand je la lave, je reste nue. Mon
corps m’écœure, la vision même fugace de mon reflet
dans le miroir, quand je passe devant, est un sacrifice
qui s’impose.
Ce n’est pas parce qu’on veut mourir, qu’on doit
laisser puer la peau de sa mère.
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LA ROBE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 000
La robe de chambre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 000
Le déshabillé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 000
LA HONTE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 000
Dévisage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 000
Holt Renfrew . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 000
La commission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 000
La voyante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 000
LE SPEED-DATING . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 000