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Archives de pédiatrie 10 (2003) 448–461

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Mise au point

Soins médicosociaux précoces et accompagnement psychoéducatif :


revue de la littérature étrangère
Early intervention and psycho-educational support:
a review of the english language litterature
A.C. Dumaret *
Inserm U 502, centre de recherche médecine, sciences, santé et société, 7, rue Guy-Môquet 94801 Villejuif cedex, France

Reçu le 21 janvier 2003 ; accepté le 27 janvier 2003

Résumé
Alors que les évaluations de prises en charge précoces sont encore rares en France, elles ont fait l’objet de très nombreuses publications
scientifiques en langue anglaise. Cet article vise à montrer l’apport de ces programmes de prévention au développement ultérieur des enfants et aux
modifications survenues dans les familles. Vingt-six programmes avec visites à domicile, soins médicosociaux et support psycho-éducatif ont été
menés pendant plus d’un an auprès de populations locales ou hospitalières sélectionnées à partir d’échelles de risque. L’évaluation de la majorité
de ces programmes repose sur des études randomisées. Les soins et accompagnements précoces concernent essentiellement des familles de milieu
défavorisé et à risques multiples, mais aussi des familles avec enfant prématuré et/ou à petit poids de naissance et des familles à risque psychosocial
et psychiatrique. Les programmes, notamment ceux ayant commencé en période prénatale, de durée assez longue et portant à la fois sur le bien-être
et les besoins des familles, montrent à des degrés divers les influences positives sur le développement intellectuel et social des enfants et la qualité
des relations parents–enfant. Les effets les plus nets et qui se maintiennent à long terme concernent surtout la situation scolaire. Si des effets
positifs ont également été constatés auprès de populations spécifiques (mères mineures, mères présentant des retards mentaux...), dans l’ensemble,
l’efficacité de ces prises en charge reste limitée, particulièrement liée à la motivation et l’implication des parents dans les soins ainsi qu’au cumul
des facteurs de risque familiaux. Même s’il est difficile d’évaluer des prises en charge agissant sur plusieurs facteurs de risque, des approches
qualitatives venant compléter les analyses statistiques seraient nécessaires.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
While research on early-intervention programs remains rare in France, there are numerous scientific publications in the English-language
litterature. This article attempts to describe the contribution of such programs in terms of children subsequent development and changes in their
families. Twenty-six programs incorporating home intervention, care, social support and early-childhood education, have been conducted for more
than a year within local and hospital populations selected through various scales of risk. The large majority of the programs have randomized trials.
Intervention and early education applied essentially to families from deprived environment, families with premature or low-birth-weight infants,
and families exhibiting psychosocial or psychiatric risks. Programs of relatively long-term and addressing to families’ needs and well-being,
initiated in the prenatal period, resulted in variable degrees of positive influences on children cognitive, behavioural and social development, and
on parent-child relationships. The most remarkable results with the most prolonged effects concerned school attendance and school performance.
Positive effects were also recorded in specific populations (adolescent mothers, mentally retarded mothers...). Nevertheless the efficacy of such
programs remained limited and mainly dependent upon parents’ motivation and involvement and concurrent family risk factors. Although
evaluation of intervention programs regarding multiple risk factors remains difficult, qualitative analyses complementing the available statistical
data appear necessary.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Soins médicosociaux précoces ; Prise en charge éducative ; Familles à risque
Keywords: Early intervention; Educational program evaluation; Mother-child relations; Families at-risk; Infant-maternal welfare

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : dumaret@vjf.cnrs.fr (A.C. Dumaret).

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.


DOI: 10.1016/S0929-693X(03)00078-2
A.C. Dumaret / Archives de pédiatrie 10 (2003) 448–461 449

Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté des programmes lier dans le cas de pauvreté persistante. En revanche, de
éducatifs compensatoires auprès de familles socio- nombreux travaux ont montré des corrélations entre d’une
économiquement désavantagées, c’est-à-dire essentiellement part QI bas ou troubles du langage avant 5 ans et comporte-
les populations des ghettos noirs (Head Start Programs), ont ments antisociaux ultérieurs, et d’autre part entre niveau
été initiés aux États-Unis depuis environ quatre décennies. À intellectuel, réussite scolaire et insertion socioprofession-
l’origine, ces programmes d’intervention étaient orientés nelle ultérieure. Des études longitudinales ont souligné l’im-
vers les enfants et visaient leur développement cognitif sur la portance des effets cumulatifs et interactifs des facteurs de
base d’évaluations de leur quotient intellectuel (QI) [1,2]. risque biologiques, périnataux et environnementaux sur le
Après le constat des limites des supports sociaux locaux, en devenir des enfants et des adolescents (QI, troubles affectifs,
particulier sous l’influence de la perspective socioécologique troubles émotionnels, comportements déviants...). Les
de Bronfenbrenner, l’attention s’est portée sur le rôle crucial auteurs s’accordent pour mettre en avant la prédominance
des parents, premiers donneurs de soins. Dans l’optique des facteurs de risque familiaux, qui sont en revanche, sou-
d’une meilleure collaboration avec les professionnels, il s’est vent prévalents dans certaines pathologies parentales (fa-
avéré nécessaire de mieux connaître les conditions de vie milles très carencées, dépression maternelle) : c’est le nom-
(ressources personnelles et familiales, utilisation des services bre de risques et leur degré de sévérité, plutôt que le type de
sociaux et de santé...). L’accent a été mis sur les interactions risque ou même le diagnostic parental, qui exercent des effets
mère–enfant, le renforcement des compétences parentales, négatifs sur le développement cognitif et affectif des enfants
sur le traitement thérapeutique des dyades mère–enfant selon ainsi que sur leurs compétences sociales [6–10].
le modèle de Fraiberg [3]. À la suite de la diffusion de la
théorie de l’attachement, on s’est intéressé à l’amélioration
de la communication parent–enfant, puis à l’aide à la paren- 2. La nécessité de prises en charge médicosociales très
talité. Ces nouvelles perspectives posaient les parents comme précoces
éducateurs et thérapeutes par l’intermédiaire de l’alliance
avec les professionnels. Les prises en charge se sont élargies Toute naissance entraîne un stress lié à la découverte des
à d’autres groupes « à risque » : enfants prématurés et/ou soins à prodiguer à un bébé dépendant et provoque chez les
avec un faible poids de naissance, enfants de mères mineures, parents des réaménagements psychologiques pouvant entraî-
malades mentales ou « borderlines », enfants de parents ner des désorganisations psychiques graves, des perturba-
maltraitants. La période récente, marquée par un contexte de tions des interactions parents–enfant précoces, et pouvant
restriction budgétaire, a vu une dévalorisation du système ainsi avoir des conséquences à long terme sur le développe-
d’assistance au profit de la notion de participation active des ment des enfants. Environ 10 à 20 % des mères sont atteintes
parents : l’accès à ces programmes est, depuis le milieu des de dépression postpartum dans les premiers mois [11,12]. On
années 1990, conditionné par la nécessité d’activité profes- sait en revanche, que la dépression maternelle est associée à
sionnelle des parents, justifiant leur volonté d’engagement des difficultés au niveau de la parentalité, particulièrement
dans l’amélioration de leur situation. S’ils sont fondés sur pour les mères ayant vécu des carences affectives et des
une toute autre conception, les soins publics de santé en séparations dans leur enfance [13] et à des problèmes d’ajus-
France et les programmes d’action précoce de guidance pa- tement ultérieur sur le plan cognitif, relationnel et social chez
rentale, menés par la protection maternelle et infantile, les les enfants. On comprend ainsi que des prises en charge
centres d’action médicosociale précoce..., montrent égale- familiales précoces, particulièrement en milieu défavorisé,
ment une grande diversité, tant dans leurs objectifs que dans participent d’une prévention médicopsychosociale ; leurs
leur mise en pratique. Toutefois, les études françaises qui en effets seront variables selon qu’elles agissent sur un ou plu-
ont évalué les effets sont encore rares. sieurs facteurs de risque et que les soutiens sont de plus ou
Nous présentons ici une synthèse de travaux étrangers moins longue durée.
portant uniquement sur les prises en charge très précoces
ayant donné lieu à des évaluations du devenir des familles.
3. Les programmes de recherche
Cette synthèse est le fruit d’une réflexion plus générale me-
née au cours de nos travaux portant sur les effets des modifi- Les programmes présentés ont été sélectionnés à partir du
cations environnementales sur le développement des enfants, Handbook of Early Childhood Intervention [14], la recher-
dans le cadre de changement radical de milieu comme che bibliographique a été complétée par la consultation de
l’adoption précoce ou tardive ou partiel comme des place- plusieurs banques de données dont celle de Medline, de
ments familiaux stables et de longue durée [4,5]. CNRS/Pascal et de lecture en « boule de neige » de référen-
ces mentionnées dans les articles. De nombreux articles et
1. De la précarité sociale aux facteurs de risques ouvrages ainsi que plusieurs revues leur ont été consacrés,
cumulés et interactifs certains centrés sur l’ « éducation compensatoire » des en-
fants ou sur les visites à domicile et l’environnement familial,
Le lien entre milieu social, précarité, et difficultés déve- d’autres sur certains aspects de la santé et du développement
loppementales des enfants n’est plus à démontrer, en particu- de l’enfant ou l’évolution des familles et des compétences
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parentales, d’autres encore sur l’évaluation des coûts–béné- 3.2. Investigation des enfants et des parents
fices ultérieurement. Nombre d’études n’ont pas évalué si-
multanément les effets auprès des enfants et des parents. Ce sont les outils standardisés évaluant les aspects cogni-
Seuls ont été retenus dans cet article les programmes effec- tifs du développement qui ont été les plus faciles à mettre en
tués par des professionnels pendant une durée d’au moins un place par rapport à ceux concernant les aspects socio-
an (puéricultrices, infirmières psychiatriques, psychologues, affectifs et relationnels manquant plus souvent de méthodo-
pédiatres, travailleurs sociaux) auprès de familles et d’en- logies rigoureuses. Pour le quotient de développement (QD)
fants âgés de moins de 2 ans, réévalués ultérieurement. Les et le QI, des échelles classiques ont été utilisées (Gesell,
prises en charge d’enfants porteurs de handicap spécifique Bayley, Cattell) pour les plus jeunes, puis le Wisc et la Wais
(trisomie 21, autisme...), et celles centrées uniquement sur pour les plus âgés. Les situations scolaires sont parfois diffi-
l’attachement et les relations mère–enfant sans support social ciles à comparer étant donné que les tests de connaissances et
ont été exclues. Il en est de même pour celles concernant des de niveau ainsi que les diplômes varient selon les régions.
enfants légèrement plus âgés, dont les résultats vont dans le Néanmoins, des indicateurs tels que les redoublements, les
même sens que ceux des travaux décrits. scolarités en milieu « normal », en classes spécialisées ou
dans des institutions médicalisées sont significatifs. Pour
l’étude des comportements et des interactions, on s’est long-
temps fondé sur les observations des cliniciens et les
3.1. Objectifs de ces prises en charge
comptes-rendus des parents, avant de diversifier les sources
de données : entretiens parents et enseignants, questionnaires
Vingt-six programmes aux protocoles bien précisés pré- standardisés (échelles de Rutter, Child Behaviour Checklist,
sentent actuellement des évaluations à court et long terme questionnaire de dépression de Beck ou d’attachement de
auprès des familles. Le Tableau 1 qui les résume présente les Ainsworth...), observations vidéo, registres scolaires et de la
populations suivies, la durée et le type de soins, et leurs effets justice, inventaire de la Home pour l’environnement familial.
chez les parents et les enfants. Ils fournissent aux parents une Pour la maltraitance, les comparaisons sont difficiles étant
gamme de services plus ou moins étoffés pour renforcer leurs donné l’hétérogénéité des définitions (blessures, signale-
compétences et les aider à résoudre les problèmes de la vie ments, placements...) et le manque de mesures standardisées.
quotidienne : promotion de la santé de la mère et de l’enfant,
information sur les besoins du bébé, sur les attitudes paren-
4. Familles socialement et économiquement pauvres
tales, aide psychologique, développement du support social
et affectif des membres de la famille élargie, transports gra- Seize programmes d’intervention concernent ces familles
tuits vers les lieux de soins ou de garde des enfants, groupes et ont des évaluations en cours de soins ou à moyen terme.
de parents, réseaux locaux d’aide (formation des adultes, Pour la majorité d’entre eux, les visites à domicile ont eu lieu
planning familial, conseils en économie familiale, recherche de façon hebdomadaire pendant 2 ou 3 mois avant de dimi-
de logement et d’emploi). D’autres sont plus tournés en nuer ultérieurement, et des groupes de rencontre de parents
direction des enfants : mode de garde à la journée, activités étaient menés à des régularités variables. À ces visites s’ajou-
enfantines d’éveil dans les centres à mi-temps ou à temps taient des consultations pédiatriques avec parfois des plans
plein. Ces 2 modèles d’intervention peuvent se conjuguer. alimentaires et d’hygiène.
L’objectif principal qui est de faciliter le développement 4.1. Huit programmes s’adressent aux parents sous forme
optimum des enfants sous-tend l’hypothèse que ces derniers de visites à domicile et de support social dès la naissance
vont profiter directement des prises en charge socio- de l’enfant [15–18] ou avant la naissance [19–22]
éducatives et indirectement de l’aide dont auront bénéficié
leurs parents. Les populations hospitalières ou locales ont été Deux seulement ont des données à long terme, dont celui
sélectionnées par des équipes de cliniciens et de chercheurs à mené en Finlande qui ne s’adresse pas uniquement à des
partir d’indices ou d’échelles de risque (risque environne- populations très défavorisées [23–25]. Le programme de
mental, niveau de revenus, risque de maltraitance...). Les Larson au Canada [20] montre l’importance du soin précoce
trois quarts de ces recherches, rarement réalisées en popula- et des aides apportées en période prénatale : les mères font
tion générale, ont des essais randomisés (n = 19) permettant mieux face aux problèmes des bébés (alimentation), sont
de meilleures estimations des effets des protocoles proposés ; plus sensibles à leurs besoins et sont également plus vigilan-
quelques unes ont constitué des groupes de comparaison par tes ; les pères sont plus participants. Toutefois, le programme
appariement ultérieur (sexe, milieu socioéconomique, ori- le plus remarquable est celui mené à Elmira dans l’État de
gine culturelle). Dans certains cas, par souci éthique, ce sont New York par Olds et al. [21,24,25], auprès de femmes
les différents types d’intervention qui ont été comparés. Les américaines d’origine européenne, programme également
familles ont été suivies jusqu’à ce que les enfants entrent en appliqué à Memphis à des femmes américaines d’origine
maternelle ou à l’école primaire dans près de la moitié des africaine [22]. Son originalité est d’avoir suivi pendant 2 ans
situations, les suivis les plus courts concernent surtout les à la fois les parents et les enfants (une visite par semaine
situations à risque périnatal. pendant 20 mois). Les évaluations montrent :
Tableau 1
Soins précoces, support socioéducatif et devenir des familles
Sujets étudiés Participation (âge) et durée Évaluations Parents Enfants : développement
Familles pauvres à risques multiples
Colorado - Family Oriented Home Visit Program (R): Gray et al. [15]
100 M, 75 % EA, Naissance à 24 mois 17 et 35 mois : QD E = C parentalité QD : E = C
25 % HA E : V et consultations pédiatriques interactions M/E E < C hospitalisations graves, blessures
Risque maltraitement E = C taux de maltrait. et de placement
Caroline Nord : Thompson et al. [16]
40 M enceintes AA, Naissance à 24 mois 30 mois : QI E > C interactions M/E E > C (QI 98 vs 90, ns), moins de QI < 85,
18 ans V mensuelles interactions M/E enfants plus coopérants
Finlande – Helsinki (R): Aronen [17, 23]
160/170 familles Naissance à 5 ans 2–3 ans : observations E > C santé mentale (moins de troubles)
17 % à haut risque C : V pendant 6 mois psychiatriques
E : + 10 V/an (santé mentale) 10 ans: interviews parents 10–11 ans : influence du cumul des risques 10–11 ans: problème comportements lié

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sur 5 ans pour 76 familles. + entretien psychiatrique familiaux sur le comportement des enfants au type de soins
(40 enfants), échelle Rutter 14–15 ans : E < C, dépression,
Follow-up à 11–15 ans (perte : 13 %) 15 ans : CBCL anxiété plaintes somatiques, agressivité
Queensland- Autralie (R) : Fraser et al. [18]
181 familles, Naissance à 18 mois Home + index stress E < C dépression (multipares), 7 mois : E < C risque de maltraitance
M : problème santé E : V et support social parental + échelle E > C équilibre affectif (primipares) physique mais disparaît après.
mentale et ex-maltraitées, C : soins pédiatriques normaux dépression postnatale, E > C acceptation enfant mais disparaît après 1 an : E > C appel au médecin
alcool, drogue perte de sujets : 24 % (E) santé enfant, maltrait. E = C compétences parentales (C : automédication)
Washington (R) : Gutelius et al. [19]
64/95 M primipares, Six mois de grossesse à 3 ans 6 mois E > C M diplômes de fin d’études E > C + scolarisés en maternelle,
AA, 15–18 ans, sans E: V + pédiatre + réunions parents 1–3 ans : QD, QI P stabilité au travail QI : 99 vs 91, l’écart diminue avec l’âge.
maladie, PN > 2500g perte de sujets : 12 % à 4 ans et 3–6 ans : quest. famille E > C compétences parentales et interactions Alimentation meilleure
33 % à 6 ans Interactions M/E, + d’échanges verbaux, moins de punitions 6 ans : C >E : + de problème de santé,
de sociabilité et de comport.
Montréal – Home Visiting Study (R) : Larson [20]
115 M, 18–35 ans Naissance à 15 mois 6–18 mois: Home, E1 > E2 > C : mères + sensibles/besoins enfant E2 : 2 fois moins d’accidents à 1 an.
ouvrières, employées E1: V prénatal, maternité, postnatal. interviews M E1 > E2 = C compétences parentales, E2 < E1: problèmes alimentaires
études secondaires E2 : V mensuelles dès 6 semaines environnement stimulant,
C : pas d’intervention, appariement pères + participants
(suite page suivante)

451
Tableau 1

452
(suite)
Sujets étudiés Participation (âge) et durée Évaluations Parents Enfants : développement
Elmira, NY – Nurse Home Visitation Program (R): Olds et al. [21, 24, 25]
400 M, 89 % EA, 30 semaines de grossesse à 24 mois Bien-être des bébés E : + de partenaires/M à la naissance M E > C (chez M mineures) : PN plus élevés ;
47 % < 19 ans, C1: suivi standard santé ; 12–24 mois: QD, Home fument – (amélioration PN, moins de préma.), E3, E4 < C (pleurs, irritabilité, humeur) ; tendance
2/3 seules et/ou pauvres, C2 : + transports gratuits ; Interviews M + attentives/besoins enfant, moins de conflits QD meilleurs 111/102 ;moins d’accidents,
61 % premier enfant, E3 : + V prénat. ; E4 : + V postnat. dossiers : protection enfance, et de recours aux punitions, moins de recours d’hospitalisation en urgence et plact.
semirural Sollicitation famille élargie hôpitaux aux aides sociales, + stimulation–éducation E4 4 % maltraités / C 18 % / E3 19 %
85 % : 1 seul risque suivi 2 ans après les soins 48 mois : QI, Home, E > C M + actives prof., intégration (services E = C taux de maltrait. mais dans E4 : moins
24 % : les 3 risques interviews M, dossiers sociaux, médicaux), soucieuses de la sécurité d’abus et de négligence, moins d’hospitalisations
de l’enfant, reconnaissent leurs faiblesses, et d’accidents + de stimulations
font face, s’impliquent QI : pas d’effet, E =107–108 / C = 104
324 mères follow-up à 15 ans Rapports M (santé, E4 > E3 > C1, C2 : mères moins mal adaptées ; E > C (chez M à risque) : moins de comportements
perte de sujets : 19 % travail, vie quotidienne, moins de grossesses, moins de comportements antisociaux (arrestations, tabac, alcool) ; moins de
aides...) registres état, antisociaux (alcool, drogue, vols, prison) fugue ; moins de partenaires sexuels

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protection enfance Peu d’effet sur la santé mentale E < C registres maltraitements
Tennesse - Memphis New Mothers Project (R) projet identique au précédent : Kitzman et al. [22]
671/1139 M, 92 % AA 29 semaines de grossesse à 24 mois 24 mois : QD et CBCL E4 : + allaitement/sein, mères fument moins, E4 : moins d’hospitalisation en urgence et
milieu urbain, 2/3 < 18 C1 et C2 ; éducation à la santé + actives prof., moins de recours aux aides d’accidents
ans, peu d’études et/ou E3 et E4 : V prénatale et postnatale Interviews M sociales, utilisent + les services de la pas d’effet sur le dév. mental et les comportements
chômage, 12–24 mois : Home communauté, moins de grossesses ultérieures,
85 % < seuil de pauvreté E seuls suivis : 10 % de perte moins de stress (parentalité), + attacht.
et communication M/E ; + de stimulations
intellectuelles
Sans effet sur santé mentale et emploi
Milwaukee Project : Garber [26]
55 enfants (E et C) AA, 3/6 mois à 5 ans 6–24 mois : QD E > C mères font face aux situations, interactions E > C QD ; E > C QI (120 vs 94) puis baisse à
mères à QI < 75 V (10–12 h/semaine), enfant au centre TP, 6–10 ans : QI verbales et aides à l’enfant ; emploi + stable 9 ans (104 vs 86) ; amélioration aussi dans la
support social et éducation parentale interactions M/E fratrie ; E > C scolarité élémentaire (lecture et
pendant 2 ans ; math),
perte de sujets: 25% après 4 ans E = C capacités, compétences éducatives Moins de redoublement et éducation spéciale
Syracuse – University Family Development Research Program : Lally et al. [27]
108 enfants, M AA, Naissance à 5 ans 3–5 ans : QI E1, E2 parents fiers de leurs enfants, attitudes E > C, 1 écart standard de QI qui disparaît
85 % seules, peu E1: aides prénatales + V, + enfant au Observation en école sociales positives ensuite ; moins de problèmes affectifs et
qualifiées ou chômage centre mi-temps de 6 à 15 mois puis TP Interviews parents d’agressivité
âge M m = 18 ans peu E2 : V à partir de 6 mois. E = C vie quotidienne et situation E > C importance de la scolarité, fréquentation
d’études E1 + E2 : groupe de parents ; 15 ans : quest. élèves, professionnelle scolaire (filles seules).
C : enfants de 3 ans appariés registres délinquance, Meilleure estime de soi et contrôle.
follow-up 10 ans après (perte : 50 %) évaluation enseignants 15 ans : E < C problème justice 6 % / 22 %
(suite page suivante)
Tableau 1
(suite)
Sujets étudiés Participation (âge) et durée Évaluations Parents Enfants : développement
Connecticut – Yale Child Welfare Research Project : Seitz et al. [28, 38]
35 familles AA en de la grossesse à 2 ans 1/2 30 mois : QD E > C support social et familial, M + stimulantes, E > C développement langage et adaptation
majorité, peu d’études, E : V, soins pédiatriques + aide éduquées, autonomes E = C pour QI mais moins d’enfants E en
majorité adolescentes psychologique, enfant au centre jusqu’à 10 ans : QI, tests scolaires, E > C pratiques parentales, investissement/enfant éducation spéciale (fratries aussi), + adaptés
Premier né 1 an, lien services sociaux. CBCL (écoles, M) à 10 ans : intérêt parental / scolarité, moins de socialement, scolairement
Aide scolaire aux mères. Interviews parents + école naissances, moins de demande d’aides sociales + fréquentation scolaire,
C : enfants de 2 ans 1/2 appariés (comportements social et et meilleur emploi professionnel, moins d’agressivité chez les garçons
Follow-up de 10 ans (14/17 paires) affectif de l’enfant) moins de recours justice
Houston - Parent Child Development Center (R) : Andrews [29], Johnson et Walker [39]
102/216 M HA, enfant ≤ 1 an, durée : 2 ans 2–3 ans : QD et vidéo E : M continuent leur formation, soins + E > C 8 points de QD mais l’écart diminue
études : fin primaire première A : V + enfant au centre mi-tps 3 ans : QI et Home, appropriés envers l’enfant, encouragent sa E > C math et lecture. Léger effet sur les
âge M m = 28 ans puis TP, sessions éducatives M et 4–7 ans : comportement enfant verbalisation, le punissent moins performances scolaires, moins de problèmes selon
groupes de parents. Week-ends selon la mère E > C : parentalité, interactions M/E, mères : + sensibles, + concentrés, moins

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famille élargie. stimulations, environnement + stable destructeurs
Follow-up à 8–11 ans Performances scolaires et E > C : environnement familial stable, E > C en vocabulaire, verbal, lecture
perte de sujets : 47 % (E) et 16 % (C) comportement enfant selon meilleur voisinage, M + satisfaites en général Moins de problèmes comportements surtout
enseignants chez les garçons (moins hostiles, impulsifs,
agressifs, + autonomes)
Caroline – Abcederian Project (R) : Ramey, Campbell et al. [30,34]
109 familles à haut 1/3 mois à 54 mois 3–15 ans : QI E > C interactions à 3 ans 3 ans : E > C QI (101 / 81) ; 8 ans : 7 points
risque, 98 % AA, E : V + support social + enfant au 54 mois : Home, tests scolaires E = C environnement familial et attitudes d’écart, pas de redoublement en classes
Âge M m = 20 ans, centre, groupes de parents ; + connaissances, compétences éducatives à 3 et à 7–8 ans élémentaires, lecture meilleure ;
25 % biparentalité C : nutrition + vitamines sur 15 mois selon parents 12 ans : E > C + de QI > 85 et QIV
QI M m = 85, peu perte de sujets à 12 ans: 10 % (E), 15–21 ans : résultats scol. + meilleur ;à 15 ans : QI 5 points d’écart mais
d’études 20 % (C), à 15–21 ans : 6 % connaissances + données baisse du gain ; moins de redoublements et
délinquance d’éducations spéciales ; 21 ans : maintien des
performances de 15 ans (lecture et math)
Caroline Nord – Project CARE (R) : Wasik et al. [31]
59/65 familles à haut Naissance à 5 ans 12–54 mois : QD, QI E = C environnement familial et attitudes QI à chaque âge, à 3 ans : E2 > C > E1 : 103/
risque, 90 % AA, V pendant 3–4 ans : E1 : V (éducation Home jusqu’à 7 ans parentales, interactions M/E (18–36 mois) 93/88, peu d’écarts après
75 % M seules, familiale), E2 : V (instituteurs) + Compétences parentales Meilleurs résultats si fréquentation du centre,
Age M m = 22 ans enfant au centre à TP. E1 et E2 avec E2 : enfants + concentrés à 48–54 mois :
QI M m = 85 groupes de parents et familles E2 = C > E1
perte de sujets : 9 % à 54 mois pas de différence : maltraitement
Cohorte USA - Infant Health Development Program (R) : Brooks-Gunn et al. [32,36,37]
913/ 985 familles, 52 % suivi en maternité, jusqu’à 3 ans santé et morbidité E > C : M moins déprimées, + chaleureuses et 2 et 3 ans : E > C (9 points de QI)
AA, 37 % EA, 11 % HA E (1/3 familles) : V + soins 1–5 ans : QD, QI aidantes à 12 mois PN élevés : E > C (14 points de QD)
pédiatriques, enfant au centre mi-temps 3 ans : CBCL E > C à 3 ans, M : reprise de formation, + PN bas : E > C (7 points de QD)
prématurité, PN < 2500 g à 1 an puis TP, + groupes parents à Home, Video actives professionnelles, interactions renforcées, PN élevés : E > C Verbal à 3 ans, 2 fois moins de
[2/3 PN 1300–2000] 2–3 ans, classes parentales dépression et anxiété M moins de punitions envers garçons, problème de comportement ; E : moins de QI > 70
milieu culturel et socio- fonctionnement social et familial + M + (sauf chez les petits PN), mais + de problèmes
follow-up à 5–8 ans (perte : 18 %) et à économique chaleureuses et aidantes mineurs de santé
et à 10 ans (perte : 10 %) Importance du taux de participation 5 ans : QI = 93, différences ont diminué
10 ans : E = C problème de comportement
(suite page suivante)

453
Tableau 1

454
(suite)
Sujets étudiés Participation (âge) et durée Évaluations Parents Enfants : développement
Comprehensive Child Development Program (R) 21 sites : St. Pierre et al. [33]
4410 familles, 43 % AA, Naissance à 5 ans 2 ans : éducation parentale aide à 2 ans : E > C mères en formation (22 % vs + d’enfants en activité préscolaire
26 % HA, 26 % EA, V paraprofessionnel + à 1 an à la parentalité 6 %), + de grossesse satisfaction au travail,
Pas d’aide professionnels. Moitié des enfants au Quest. mères + retardées, + utilisation des services sociaux,
35 % M <18 ans, centre de 4 à 5 ans ; classes parentales + attitudes parentales éducatives et
études primaires. perte des sujets à 1 an : 20 %, 5 ans : évaluation investissement avenir/enfant E = C dév. cognitif et socio-affectif
à 2 ans 1/2 : 44 %, à 5 ans : 25 % intellectuelle à 5 ans : E = C compétences parentales,
comportements maternels (alcool{), interactions
Familles avec enfant prématuré ou de petit poids de naissance
Philadelphie (R) : Scarr et al. [40]
30 familles AA, avant naissance jusqu’à 1 an 12 mois : QD E : gain de poids
majorité M jeunes V hebdomadaires Observations des BB E > C dév. mental (QD = 95 vs 86)

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(21 ans) et seules Perte : 40 % (C) et 24 % (E)
PN < 1800 g (USI)
Miami (R) : Field et al. [41]
150 M AA, dont 60 Naissance à 12 mois 4–8 mois : QD, Home E > C milieu familial stimulant, soins mieux don- 4 mois : E > C pour taille, poids, pression
mineures, seules, E : V, stimulation M/E tempérament BB selon M nés (moins de problèmes alimentation), meil- artérielle; E = C dév. moteur
prématurité, leur contrôle verbal et émotionnel des mères, 8 mois : E > C tempérament moins difficile et
PN < 2500 g interactions M/E +, M + réalistes + adaptable des BB
Ross [42]
80 familles, 43 % AA, Naissance à 1 an 12 mois : QD, Home E > C meilleure organisation de l’environne- E > C pour dév. mental (99 vs 89)
35 % HA V + thérapie, stimulation M/E tempérament BB selon M ment, meilleur contrôle verbal et émotionnel, + E = C pour dév. moteur
prématurité, C : pas d’intervention, appariement stimulations, attitudes éducatives, interactions E > C tempérament moins difficile et
PN < 2100 g (USI) M/E+ + adaptable des BB
Ontario – Developmental Programing Intervention (R) : Barrera et al. [43]
57 bébés prématurés et Naissance à 1 an 4–16 mois : QD, Home E2 > E1 M empathiques, + aptes à répondre aux 16 mois : E = C pour dév. moteur,
PN < 2000 g (USI) E1 : V + stimulations tempérament BB selon M besoins de l’enfant. Interactions +, milieu E > C pour dév. mental
milieu plutôt pauvre E2 : V + interactions familial stimulant mais peu de changement. E1, E2 > C indépendance verbale
C : nés à terme E = C tempérament des BB
E2 : enfants + sécures (émotions)
Floride (R) : Resnick et al. [44]
221 bébés, majorité M : Naissance à 2 ans 1–2 ans : QD E > C interactions (surtout verbales et E > C dév. mental et moteur
AA, non mariées V hôpital puis domicile, éducation interactions M/E positives) (22 % d’écart à 24 mois)
PN < 1800 g (USI) parentale.
Perte des sujets : 76 % à 2 ans
Familles à risque psychologique et psychiatrique
Family Support Project (R) : Lyons-Ruth et al. [46,51]
62/76 familles, Naissance/9 mois jusqu’à 18 mois Dépression M, isolement E = C1 = C2, comportement maternel et E > C1 et C2 (10 points de QI)
60 % risque psychiatrique (soins m = 13 mois) ; E : V + groupes 1–1 1/2 an : QD interactions M/E, isolement social, E = C2 chez M dépressives : 2 fois plus
40 % sans aide, de parents (thérapie M-E) ; C1 haut Vidéo d’enfants sécures (57 % vs 20 %) et moins
40 % M ex-maltrait. risque sans soins, C2 pauvres Quest. attacht. implication M/E liée à la durée des soins d’enfants désorganisés (43 % vs 80 %) que
seulement dans C1
perte de sujets : 18 %
(suite page suivante)
Tableau 1
(suite)
Sujets étudiés Participation (âge) et durée Évaluations Parents Enfants : développement
Seattle – New Born Clinical Nursing Models Study (R) : Barnard et al. [47]
95/147 M (21 ans) 22 semaines de grossesse à 12 mois santé mère enfant E2 : M moins dépressives, + compétentes et QD > 100 : E1 = E2
90 % EA, 70 % seules, E1 : V (information, éducation) ; 1–2 ans : QD, Home, vidéo recherche d’aide, légère amélioration
risque : alcool, problème E2 : V (santé mentale) 2–3 ans : CBCL interactions M/E Enfants de mères avec retard mental dans E1
mental, aide publique perte de sujets : 20 % (E1), 47 % (E2) 3 ans : langage et E2 : meilleurs résultats au QI et attacht.
75 % peu d’études Question dépression M M à risque et/ou avec retard mental : + plus sécure à 1 et 2 ans
Compétences parentales d’effet meilleure alliance thérapeutique
Lieberman et al. [48]
100 M HA, 21–39 ans, 1 à 2 ans : V (thérapie M-E) relations M/E E : mères + empathiques et interactives avec E = C2 < C1 : comportements moins agressif
à risque : dépression, E : anxieux Vidéo l’enfant, initiatives sociales et évitant entre 12–18 mois. Comportements
attacht. C1 : anxieux, C2 : sécures Question attacht. E = C1 = C2 attitudes éducatives en lien avec l’implication maternelle dans le
perte de sujets : 18 % de dyades programme

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Maryland (R) : Black et al. [49]
43/60 familles, M seules grossesse jusqu’à 18 mois 6–18 mois : QD, Home M + nombreuses à avoir arrêté la drogue, 6 mois : E > C (QD et dév. moteur), puis les dif-
multipares, 40 % VIH + 2 V prénat. + programme parental Interviews M + compliantes, férences s’estomptent
toxicomanes compliance/pédiatres E > C + stimulantes, + sensibles aux besoins
2/3 : prison, études perte de sujets : 28 % des enfants, utilisent + les ressources de la
secondaires communauté
Project STEEP (R) Steps forward Effective Enjoyable Parenting : Erickson [50]
154 mères > 17 ans, pri- deuxième trimestre de grossesse à 18 mois 1–2 ans : compétences sociales E > C compréhension des besoins/enfant, 24 mois : tendance à une relation + sécure : E
mipares, 92 % seules, V (thérapie M-E) + groupes de et parentales, compétences dans la vie courante, autonomie, (46 %) mais C (67 %)
majorité ex-maltraitées parents, centres de santé Home, attacht. emploi, attitudes parentales
E > C moins de dépression et d’anxiété
E = C attacht., environnement
R : avec essais randomisés ; M : mères ; AA : d’origine africaine américaine ; HA : hispanique américaine ; EA : européenne américaine ; E : groupes expérimentaux ; C : groupes de comparaison ; USI : unités
de soins intensifs en néonatal ; QD : quotient de développement ; QI : quotient intellectuel ; CBCL : Child Behavior Checklist ; Home : Home Observation for Measurement of Environment, de Bradley et Caldwell
(1984) ; BB : bébé ; TP : temps plein ; mi-tps : mi-temps ; Ht : haut ; comport : comportement ; maltrait. : maltraitement, maltraité ; attacht. : attachement ; plact. : placement ; prob. : problème ; dév. : développement.

455
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• des effets significatifs à la naissance : réduction du taux social : elles doivent démarrer très tôt, être fréquentes et
de prématurité et de petits poids de naissance chez les soutenues, variées et étayées par un environnement aidant.
mères qui fumaient, moins d’accidents et d’hospitalisa- Le même protocole a été utilisé dans les 8 sites ayant
tions en urgence et de placements particulièrement pour appliqué l’Infant Health Development Program (IHDP)
les enfants de mères les plus démunies sur le plan cogni- auprès de familles ayant donné naissance à un enfant préma-
tif et psychologique (également [15]) ; turé ou de petit poids [32,36,37]. Toujours dans l’optique de
• à la fin des prises en charge et plusieurs années après : généraliser les résultats à des populations de cultures diffé-
C moins de stress au niveau de la parentalité, et meilleu- rentes, le Parent Child Development Program de Houston
res adaptation et insertion socioprofessionnelle chez [29] auprès de familles américaines d’origine hispanique a
les mères du groupe expérimental par rapport à celles également été utilisé auprès de familles américaines d’ori-
du groupe témoin ; gine africaine et européenne. En revanche, le Project Care
C les grossesses ultérieures sont moins nombreuses car [31] est une reprise de l’Abecedarian Project, orienté vers
plus espacées ; des populations urbaines auquel s’ajoute un accompagne-
C ces mères recourent moins aux aides sociales et ont ment auprès des familles. Le Yale Child Research Project
moins de comportements antisociaux (usage de dro- [28] s’est adressé en priorité aux mères adolescentes : un
gues, incarcérations). centre spécifique adjoint au système scolaire leur était ouvert
Un autre résultat notable est la nette réduction de la mal- afin de leur permettre de terminer leurs études. L’un des plus
traitance à la fin des deux ans de la prise en charge, situation récents [33] appartient à la série des Two-generation pro-
qui s’est maintenue à long terme jusqu’à l’adolescence, mon- grams dont l’un des objectifs est l’éducation parentale et la
trant ainsi la diminution des abus et négligences familiales. lutte contre l’analphabétisation et dont le suivi moyen est de
L’intérêt de ces visites à domicile et accompagnements pré- 3 ans au moins. Malheureusement, ce programme qui cible
coces se traduit également par la réduction du taux de trou- une population de plusieurs milliers de familles reste assez
bles de comportement des enfants à 2–3 ans (que les familles mal défini quant à l’aide aux parents dont la participation
soient suivies pendant les 6 premiers mois de l’enfant ou plus reste problématique.
longtemps), par la diminution des hospitalisations d’urgence, Pour ces doubles prises en charge, des modifications dans
des accidents domestiques, et des risques de maltraitance la vie quotidienne ont été soulignées : les mères ont terminé
dans les 2 premières années de l’enfant. leurs études, ont obtenu un diplôme d’enseignement secon-
daire ou continué une formation dans la moitié des situations
4.2. Dans les 8 autres programmes [26–33], et acquis une plus grande autonomie sociale ou financière ;
une éducation précoce en centre, ciblant directement l’environnement familial est stable [26–29,32,33,38,39].
le petit enfant (activités éducatives et de loisirs) est menée Comparativement aux mères des groupes contrôles, les mè-
parallèlement à l’accompagnement familial res sont moins déprimées, elles sont plus vigilantes face aux
besoins des enfants, leurs relations sont plus chaleureuses et
L’accompagnement familial a commencé pour 2 d’entre leurs interactions plus stimulantes notamment sur le plan
eux dans la période prénatale [27,28]. La durée des prises en verbal ; on observe moins d’attitudes punitives
charge est plus longue que dans les études précédentes. [26,28–30,32,36]. Bien que les parents disent être fiers de
Plusieurs suivis jusqu’à la pré-adolescence et au début de leurs enfants et investis dans leur scolarité [27–29,33], il n’y
l’âge adulte ont été effectués. Les données du Milwaukee a toutefois pas de changements importants à moyen terme
Project [26], expérience très médiatisée, n’ont été soumises à dans les attitudes parentales.
l’analyse scientifique qu’après de virulentes critiques ; l’ob- C’est sur le plan cognitif (dont le langage) que de très nets
jectif du projet était la prévention du retard mental chez des progrès ont été observés dans les mois qui suivirent ces
enfants de mères très limitées intellectuellement et la préven- interventions. Ces résultats n’ont pas été contestés : au moins
tion du déclin du QI des enfants « pauvres ». La plus grande 8–15 points de gain de QD puis de QI [26,27,29–31], moins
reconnaissance scientifique revient à l’Abecedarian Project d’enfants de faible niveau intellectuel, en particulier pour le
[30,34] qui comporte plusieurs cohortes dont les traitements groupe d’enfants de poids de naissance les moins bas
sont variables en intensité et en durée (haltes garderies pour (> 2000 g) [32,37], une meilleure scolarité à l’école dans les
les enfants, rencontres mensuelles entre parents) ; une aide classes élémentaires grâce aux apprentissages préscolaires et
complémentaire était ajoutée au moment de l’entrée à l’école à la fréquentation des centres [26–30]. On notera un résultat
primaire (agent de liaison parents–école). Les centres étonnant dans l’un des programmes où les visites à domicile
d’« éducation compensatoire » des enfants étaient situés sur ajoutées au programme princeps n’ont pas eu d’effet positif
les lieux universitaires et cette localisation a permis un im- au sein des familles : les enfants du groupe expérimental
portant recueil de données utilisées par des pédiatres, des réussissent moins bien dans les années préscolaires que ceux
sociologues... du groupe contrôle [31]. Deux explications ont été données,
Selon Ramey et Ramey [35], plusieurs principes gouver- valables également pour d’autres programmes : d’une part,
nent les interventions précoces visant au développement co- en raison du nombre important de programmes d’aide publi-
gnitif des enfants vulnérables sur les plans biologique et que et privée aux familles, les enfants du groupe contrôle ont
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pu également bénéficier d’aides éducatives par ailleurs, ce 6. Familles à risque psychologique et psychiatrique
qui n’a pu être contrôlé ; d’autre part, le programme proposé
était peut-être inadapté pour des familles en situation de très Cinq programmes s’adressent à des familles vivant dans
grande pauvreté devant faire face à de nombreux problèmes des environnements « à risque » (précarité, isolement, mal-
(logement, manque de transport, possibilité de travail ré- traitance, antisocialité, graves carences intergénérationnel-
duite...). les) et présentant des problèmes importants de santé mentale
(dépression et anxiété, alcoolisme et autres toxicomanies)
[46–50]. Les parents ayant des troubles importants d’ordre
5. Familles ayant un enfant prématuré ou de petit psychotique ne sont pas présents dans ce type de recherches.
poids de naissance Ici aussi, les soins ont en général duré moins de 2 ans. Par la
création d’un lien spécifique avec le parent (alliance théra-
Pour la majorité des 5 programmes concernés, les enfants
peutique), les interventions se proposent d’agir à la fois sur le
ont été sélectionnés en milieu hospitalier dans les unités
contexte social et matériel et sur les facteurs psychologiques
néonatales de soins intensifs parmi des familles défavorisées,
qui affectent les relations parents–enfant et la parentalité. Par
souvent monoparentales [40–44]. Alors que ces unités font
exemple, dans l’étude de Barnard et al. [47], la coopération
souvent l’objet d’études épidémiologiques à long terme, ces
des mères au protocole d’intervention est liée à l’importance
programmes proposaient des prises en charge spécifiques
des facteurs de risque : les mères participant de manière
dont le but était de promouvoir le développement physique,
positive ont de meilleures interactions avec leur bébé ; cepen-
affectif et cognitif de l’enfant par l’amélioration des soins
dant ces différences avec le groupe de comparaison s’estom-
physiques donnés par les mères, et l’amélioration de la qua-
pent vers l’âge de 2 ans. Ces travaux s’inscrivent générale-
lité de la relation mère–enfant. Dans 4 des 5 programmes, les
ment dans le courant de recherche sur l’attachement et ont
soins ont duré moins de 2 ans [44]. L’aide a porté uniquement
utilisé la vidéo pour les observations à domicile.
sur le support sociofamilial ; c’est surtout la qualité des
La majorité de ces recherches notent des effets positifs
interactions et le tempérament des bébés qui ont été analysés.
chez les parents et/ou chez les enfants. On peut mettre en
Les protocoles d’enrichissements sensoriels offerts aux bé-
relation ces résultats avec l’amélioration des interactions
bés sont variés (stimulations visuelles, kinesthésiques, audi-
mère–enfant. Le support émotionnel a apporté un mieux-être
tives) ; ils ont été importants dans l’étude de Philadelphie
dans la vie quotidienne des familles, avec des effets positifs
[40] et l’étude canadienne [43] menées de façon identique.
sur le fonctionnement maternel (initiatives sociales, capacité
Ces programmes ayant comporté un soutien aux mères, il est
à rechercher de l’aide dans l’entourage, utilisation des servi-
difficile de cerner séparément l’influence directe des stimu-
ces de la communauté) et une diminution des stress et des
lations sur les enfants et celle due à l’aide aux soins mater-
états dépressifs chez les mères [47–51]. Ces programmes, à
nels. Dans 2 programmes, les pertes de sujets, questionnent
une exception près, montrent également à court terme une
les résultats, même s’il n’existe pas de différences sociodé-
certaine amélioration des comportements des enfants : senti-
mographiques avec les familles du groupe contrôle [40,44].
ment de contrôle des situations, moins d’agressivité, et sen-
Les progrès constatés concernent le développement mo-
timent de sécurité chez près de la moitié des jeunes.
teur, le rattrapage des retards sur le plan physique : gain de
poids et de taille, et gain sur le plan mental dans 4 des 5
programmes. Dans la majorité des cas on relève des évolu- 7. Les effets a long terme auprès des enfants
tions positives concernant l’adaptation et le tempérament des et des parents
bébés perçus par les mères, ainsi qu’un environnement fami-
lial plus stimulant ; les mères sont plus confiantes en elles, Les prises en charge médicosociales et éducatives les plus
mieux contrôlées sur le plan verbal et émotionnel. L’étude efficaces ont toujours une double approche : l’amélioration
canadienne est particulièrement intéressante dans la mesure du développement de l’enfant et la participation des parents,
où elle souligne que les 2 modèles d’intervention (stimula- ainsi que l’ont montré des études sur les populations pauvres
tions et interactions parents–enfant) donnent des résultats [52,53]. L’attention des pédiatres et des médecins de santé
identiques. On note aussi les effets positifs des visites à publique s’est particulièrement portée sur leurs effets dans la
domicile dans les récupérations de retard de développement petite enfance [54], mais ces effets se maintiendront-ils à
des enfants de familles pauvres et à risque sur le plan périna- long terme lorsque les familles n’auront plus d’étayage ?
tal, notamment dans l’étude de Resnick et al. conduite à
grande échelle jusqu’à 2 ans [44]. Au-delà de ces constats 7.1. Les effets auprès des jeunes
positifs, on peut regretter l’absence de suivi à long terme. En
effet, la littérature scientifique montre une évolution plutôt Les suivis de ces programmes de recherche sont générale-
défavorable des enfants de milieu très défavorisé tant sur le ment inférieurs à 5 ans et 1/4 seulement ont réalisé des études
plan cognitif que sur le plan psychologique et comportemen- longitudinales permettant une évaluation à long terme
tal ; ainsi Breslau et al. [45] ont rapporté une baisse du QI [23–27,34–39]. Les prises en charge s’adressaient à des fa-
entre 6 et 11 ans chez ces enfants, qu’ils soient prématurés ou milles socialement très démunies ; 4 fois sur 6, les aides aux
non. parents ont été conjuguées à une « éducation compensa-
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toire » également précoce. La durée des soins a été relative- quantitatif et qualitatif (sévérité des actes délictueux), mais
ment longue, en moyenne près de 4 ans. Dans le suivi, le taux ces résultats doivent être considérés avec prudence étant
de perte de sujets est peu élevé, ce qui a représenté un travail donné les biais dus aux pertes des sujets [27].
très lourd de suivi des familles pour les équipes.
7.1.3. Les relations entre développement cognitif
7.1.1. Développement intellectuel et scolaire et comportements sociaux
Les gains de QI observés dans la petite enfance et à la fin Même si les effets ont été modestes au niveau de la vie
des prises en charge ne se maintiennent pas, et les écarts entre quotidienne familiale, l’ « éducation compensatoire », avec le
moyennes des groupes expérimentaux et contrôle diminuent développement de la socialisation et du langage de l’enfant,
jusqu’à ne plus être significatifs. Dans les populations défa- et les accompagnements familiaux, notamment ceux ayant
vorisées, dès l’âge de 5 ans, les enfants en grande pauvreté proposé des aides en santé mentale, ont eu des effets signifi-
ont un QI moyen de 9 points plus bas que les autres enfants catifs visibles chez les enfants de 3 ans : interactions parents–
[55]. Pour certains auteurs, cette baisse ultérieure de QI est enfants, apprentissage et intérêt pour l’école (valorisation des
due à l’importance des risques familiaux (déficits cognitifs enfants par les parents), familles plus autonomes et moins
maternels importants) plus que sociaux. Néanmoins, 3 études stressées. Plusieurs programmes ont montré le rôle média-
montrent la diminution du nombre d’enfants présentant un teur de la qualité des interactions mère–enfant dans le déve-
retard mental. loppement intellectuel et du langage des enfants. Seitz et al.
Les effets positifs les plus homogènes et les plus nets [41] soulignent les modifications de l’environnement fami-
concernent la scolarité des jeunes [56], comme l’avaient lial et des compétences parentales en faisant remarquer que
souligné les programmes de la première génération [1,2]. La ces changements peuvent avoir une efficacité non encore
fréquentation précoce des centres d’éveil et d’activités enfan- mesurée (sleepers effects). On a également observé sur la
tines a augmenté le taux de scolarisation en maternelle et durée une relation entre les modifications dans les attitudes
permis une fréquentation scolaire plus importante parmi les parentales, l’amélioration du développement cognitif (ni-
groupes expérimentaux dans le primaire et dans le secon- veau intellectuel et scolarité) dans les premières années —
daire. De plus, les performances scolaires sont meilleures, en même si les gains de QI disparaissent — et les comporte-
particulier en lecture et mathématiques, et on dénombre ments sociaux ultérieurs. Peut-on voir là des pistes de recher-
moins de redoublements et de scolarité en classes d’éduca- che pour le futur ?
tion spéciale, ces effets pouvant également s’élargir aux
fratries. 7.2. Les effets auprès des familles

7.1.2. Comportements sociaux et délinquance L’efficacité des soins précoces s’est révélée plus impor-
Des effets significatifs sur le plan social et comportemen- tante quand ils proposaient des services concrets et cohérents
tal ont été démontrés [23–25,38–39] : une meilleure adapta- aux familles (haltes-garderies, transports...) ; leur implica-
tion sociale et en milieu scolaire avec une agressivité moin- tion était alors plus grande. Lorsque la durée des prises en
dre et un plus faible pourcentage de troubles antisociaux charge a été suffisamment longue, et notamment quand elles
essentiellement chez les garçons. À l’adolescence, les symp- ont débuté en période prénatale, c’est surtout parmi certains
tômes psychiatriques sont moins nombreux dans les familles types de populations que des résultats positifs ont été obte-
ayant bénéficié non seulement de visites à domicile mais nus: mères mineures, mères toxicomanes, mères ex-
aussi de conseils en santé mentale. Le fait qu’il n’existe pas fumeuses [21,28,41,47, 49], mères présentant un retard men-
de différences entre enfants prématurés ou nés avec un petit tal, mères avec un faible niveau éducatif et sans compétences
poids de naissance et ceux du groupe contrôle témoigne en sociales [21–25,38,39,47], mères d’enfants prématurés
faveur de l’efficacité des soins précoces dans ce type de [36,37]. Ainsi dans le Nurse Home Visitation Program, on a
population [36,37]. Certains comportements comme le noté un plus faible taux de maltraitance chez des mères peu
contrôle et l’estime de soi, le faible taux d’antisocialité sont à sûres d’elles, manquant de contrôle et disposant de faibles
mettre en lien avec la découverte de l’intérêt envers l’école. ressources personnelles [57]. Selon certains auteurs, les ef-
Bien qu’aucun effet sur la santé mentale n’ait pu être montré, fets restent peu visibles dans certaines familles où le cumul
Olds et al. [57] notent une amélioration parallèle des compor- des facteurs de risque est trop élevé.
tements des mères et de leurs adolescents de 15 ans et plus, La limite de plusieurs programmes tient sans doute à la
avec la diminution de l’antisocialité (moins de consomma- sous-estimation de l’état psychologique des parents de mi-
tion de drogues, moins d’actes délictueux et moins de parte- lieux très précaires et à l’importance des stress vécus au sein
naires sexuels chez les jeunes). On peut associer ces effets des familles. En effet, la proportion de mères déprimées a été
positifs au travail de socialisation réalisé dans les groupes de évaluée à plus de 40 % dans 2 programmes ayant eu un taux
pairs, aussi bien pour les parents (groupes de parents, parti- élevé de perte de sujets dans les suivis pendant et après les
cipation des familles élargies, activités dans les associations) prises en charge. Le développement intellectuel des enfants
que pour les enfants. L’étude de Syracuse montre une dimi- et les sessions de formation parentale auraient-ils dû être les
nution des comportements de délinquance à la fois sur le plan premiers objectifs de ces programmes, sachant que la dépres-
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sion est un facteur de risque associée à des relations familia- face à un ensemble d’actions qui ne changent pas radicale-
les négatives et conflictuelles ? ment leurs conditions de vie dans le long terme, même si des
Les prises en charge visant le bien-être des parents et des bénéfices ont été obtenus pour l’ensemble de la communauté
bébés et qui comportaient une aide mentale et/ou psycholo- (moins de redoublements dans la scolarité et de placements
gique, très souvent à domicile, comptent parmi celles ayant en classes d’éducation spéciale, moins d’actes de délin-
apporté le plus de modifications comportementales : plus quance...).
d’autonomie et de compétences de la part des parents, moins Plusieurs études ont alimenté de nombreuses discussions
d’états dépressifs chez les mères, un attachement plus sécure et critiques (non mention des moyennes et écarts types des
et moins de troubles de comportement chez les enfants groupes dans les analyses longitudinales, etc...), notamment
[20,24,31,35,50,51,53]. Parmi les facteurs de réussite de ces le Milwaukee Project et l’IHDP dans le cadre de la contro-
programmes, plusieurs auteurs mentionnent la relation posi- verse hérédité-milieu, et l’étude de Ramey et al. [30,34,35].
tive entre les intervenants, acteurs des programmes, et les Enfin, les évaluations qui légitiment essentiellement l’appro-
parents, relation fondée sur la confiance réciproque et le che statistique et quantitative réduisent la portée générale des
respect des valeurs et de la culture des familles. Nombre de effets de ces prises en charge.
parents vivent en effet dans la crainte de toute intrusion au
sein de la famille et d’un éventuel placement de leurs enfants.
Ceci rejoint les observations sur la bientraitance des familles 9. Conclusion
faites en France depuis plus de 10 ans par les professionnels
de la santé et du social [58]. Il y a un quart de siècle, l’équipe d’épidémiologie psy-
chiatrique anglaise de Rutter soulignait que les effets des
facteurs de risque dépendent amplement du fait de leur pé-
8. Des prises en charge à efficacité mitigée rennisation. Les programmes de soins précoces et d’accom-
pagnement socioéducatif se sont efforcés d’apporter des
Ces programmes ont des coûts très élevés, notamment
changements dans l’environnement, afin de lutter contre les
ceux avec centres éducatifs pour enfants : un adulte pour un
effets cumulatifs et interactifs des handicaps psychosociaux.
enfant pendant la première année dans le Milwaukee Project
Malgré les efforts déployés, certains effets restent de faible
[29], soit environ 8600 dollars (soit à peu près autant d’euros)
portée : les programmes étaient-ils suffisamment adaptés aux
par an et par enfant pour le secteur public [33]) ; le plus
problèmes de ces familles ? Une de leurs limites réside dans
onéreux étant l’IHDP avec plus de 15 000 dollars par an et
la rupture avec un milieu stimulant offert pendant les inter-
par enfant [35]. Avec le temps, les évaluations se sont com-
ventions et le retour à une réalité sociale et un environnement
plexifiées avec la prise en compte des différents facteurs
scolaire de moindre qualité [59]. Les modifications environ-
intervenant dans l’adhésion des familles aux interventions.
nementales n’étaient certainement pas assez profondes. En
Les résultats en sont variables et parfois limités. À cela,
effet, face à des situations d’adversité familiale et de grande
plusieurs explications peuvent être données : les programmes
précarité, une alliance thérapeutique et un accompagnement
n’ont pas tous la même durée ; la qualité des services propo-
médico-socioéducatif de plusieurs mois, voire de quelques
sés aux parents ou des centres fréquentés par les enfants n’est
années, semblent insuffisants au regard de l’histoire transgé-
pas uniforme ; les protocoles prévus n’ont pas toujours été
nérationnelle marquée par l’accumulation des problèmes
intégralement respectés, alors que le maintien de la partici-
économiques et de santé, des carences multiples et les dys-
pation des familles tout au long du programme est primordial
fonctionnements sociaux et familiaux. Le travail sur le sup-
pour pouvoir en évaluer les effets. Ainsi dans l’IHDP, alors
port social et la parentalité reste primordial ; l’implication
qu’il était prévu 84 visites à domicile, en réalité seulement 67
des pères devrait être mieux prise en compte. Les premières
ont été effectuées en moyenne ; de même alors qu’il était
prises en charge doivent être poursuivies pour consolider
prévu une fréquentation du centre par les enfants de
l’émergence des compétences des parents et des enfants par
498 jours, elle n’a été en définitive que de 267 jours en
des stratégies de travail en réseau et sur le long terme avec
moyenne, et sur les 12 groupes de parents prévus 3,7 seule-
l’école, les services sociaux, de santé et de justice. Depuis
ment ont été réalisés. La proportion de familles ayant suivi
quelques années seulement en France, notamment avec le
l’ensemble des programmes est parfois inférieure à 60 %
développement des réseaux en périnatalité, cette question de
[30,53], et on ne sait pas toujours si les 2 parents ont participé
l’accès aux soins précoces et du travail d’accompagnement
au programme. Il y a lieu également de s’interroger sur la
auprès de familles vulnérables a commencé à faire l’objet
légitimité des critères de sélection des sous-populations (dif-
d’études évaluatives de type qualitatif.
férenciation ethnique...), et sur l’adéquation de programmes
initialement conçus pour certains types de populations appli-
qués à d’autres (rurales vs urbaines, problèmes périnataux
Références
d’étiologies insuffisamment définies). S’ils peuvent s’expli-
quer par la difficulté de retrouver des familles souvent insta- [1] Lazar I, Darlington R, Murray H, Royce J, Snipper A. Lasting effects
bles géographiquement, certains taux élevés de pertes de of early education: A report on the Consortium for Longitudinal
sujets sont liés aussi à leur manque de motivation ou d’intérêt Studies. Monogr Soc Res Child 1982;47 (2–3, serial n° 195).
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