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Béatrice Caseau
1. Introduction
Dès les débuts du christianisme, certains des enfants de famille chrétienne, des
filles principalement, sont destinés par leurs parents à la vie religieuse. Cette
consécration d’un enfant à Dieu a comme conséquence l’adoption par l’enfant
pour sa vie durant du célibat et d’une vie ascétique menée soit dans le cadre
domestique soit après le IVe siècle dans un monastère ou une institution
ecclésiastique. Contrairement au mariage qui requiert, en droit sinon
pleinement en réalité, le consentement des conjoints, le don d’enfant à Dieu ne
nécessite pas l’accord de l’intéressé et peut se faire dès avant la naissance. Il ne
rencontre pas d’obstacle juridique dans une société qui admet aussi la vente des
enfants en esclavage ou leur exposition 1. Ce choix de faire vivre l’enfant dans
la virginité consacrée est conçu par les parents comme un engagement
irrévocable parce que c’est un don et un sacrifice 2. Ce don est présenté comme
un geste assurant le salut de l’enfant et attirant des bénéfices spirituels sur
l’ensemble de la famille, donc comme un geste louable. Toutefois, le bénéfice
spirituel n’était pas le seul facteur de ce choix de vie pour un enfant, les aspects
économiques entraient aussi en ligne de compte. Il n’était pas nécessaire de
fournir une éducation avancée et coûteuse à un petit garçon destiné dès
l’enfance à ne pas faire carrière au service de l’empereur. La consécration
d’une fille à la vie virginale menée à la maison évitait de devoir lui fournir une
dot et permettait de détourner une partie des ressources ainsi dégagées sur les
autres enfants. Cet article se propose d’examiner comment la puissance
parentale s’exerce dans ce domaine, quelles motivations poussent les parents à
consacrer leurs enfants à Dieu et quelles stratégies familiales se dessinent
quand il y a plusieurs enfants. Enfin, il faut souligner l’existence de voix tant
dans les rangs ecclésiastiques que dans la législation impériale, qui s’opposent
à cette pratique de vouer l’enfant à la vie religieuse sans vérifier son inclination
pour ce genre de vie. L’engagement dans la vie monastique y est présenté
comme un espace de liberté.
1 J. BOSWELL (1988) ; Cl. DUPONT (1937), p. 27-28 : la vente de ses enfants en esclavage,
interdite sous Dioclétien (CJ., IV, 43), fut de nouveau autorisée sous Constantin, mais avec
une possibilité de rachat (CTh., V, 10, 1).
2 M. B. DE JONG (1996).
12 CTh., IX, 43, 2 ; sur les tutelles et curatelles, Cl. DUPONT (1937), n. 2, p. 208-218.
13 Cl. DUPONT (1962), p. 306.
14 Vie de Théodore de Sykéôn §26, éd et trad. A. J. FESTUGIERE (1970), grec, p. 23-25, trad. p.
122-127.
250 LES STRATÉGIES FAMILIALES DANS L’ANTIQUITÉ TARDIVE
considérer les voix enfantines comme ayant pleine autorité dans cet ordre de
choses, mais la jeune fille qui est âgée de plus de seize ou dix-sept ans, si elle
est maîtresse de ses raisonnements, si après avoir été soumise à un assez long
examen, elle a persévéré, si elle demande avec insistance et supplie qu’on
l’admette, alors il faut l’inscrire parmi les vierges, ratifier la profession qui
présente de telles garanties, et en punir impitoyablement la violation »15. Basile
réclame donc que l’engagement dans la vie religieuse soit fait par la personne
qui s’engage et non par ses parents. Pour plus de sûreté, il fixe à seize ou dix-
sept ans l’âge auquel une jeune fille est assez mûre pour s’engager
définitivement dans la vie monastique. Basile ne considère pas que le cas des
filles soit particulier, il admet une même liberté de décision pour les garçons:
« pour eux aussi, j’estime qu’il convient de commencer par les interroger, et par
recevoir d’eux une profession claire ». Pour Basile de Césarée, il est nécessaire
que l’engagement monastique soit libre, volontaire et pris par un adulte après
ample réflexion 16. Ce principe d’un engagement librement consenti à l’âge
adulte s’oppose à la pratique courante qui est pour les parents d’imposer leur
choix à leurs enfants, et pour le droit de considérer ce choix comme valide. Ce
sont les parents qui organisent tant qu’ils sont en vie les fiançailles et les
mariages de leurs enfants, mais aussi leur entrée dans la vie religieuse,
puisqu’avec la christianisation de la société, les parents ont désormais aussi le
choix d’orienter leurs enfants vers la vie monastique et de les vouer à la vie
virginale 17. En effet, les parents s’octroient face à la vie religieuse les mêmes
droits que ceux qu’ils ont pour organiser les fiançailles et les mariages de leurs
enfants. Basile n’était pas hostile à la présence d’enfants dans les monastères
mais il recommandait la prudence concernant les dons d’enfants du vivant des
parents. Il exigeait que des témoins soient présents au moment de la remise de
l’enfant (infans) par les parents et que leur consentement soit explicite 18. Il
conseillait aussi de ne pas tonsurer tout de suite ces enfants. Voici ce qu’il
recommande dans la question XV: « il faut les recevoir, certes, mais pas
d’emblée, et il ne convient pas de les mettre au nombre et au rang des frères
dans la communauté, de peur que la honte d’un insuccès ne rejaillisse sur la vie
consacrée à Dieu 19 ». On connaît un cas où cette recommendation est mise en
pratique : celui de Daniel le futur stylite. Les parents de Daniel, le futur stylite,
choisirent de la consacrer à Dieu « comme le prophète Samuel » et ils
frappèrent à la porte du monastère pour confier leur fils âgé de cinq ans, mais
l’higoumène refusa l’enfant car il était trop jeune: « Quand tu pourras jeûner,
15 Basile de Césarée, ep. 199, 18, trad. Y. COURTONNE (1961), p. 156 ; B. CASEAU (2009).
16 Basile de Césarée, Regulae fusius tractatae, question XV, 1, PG, XXXI, c. 951-4.
17 B. CASEAU (2010), p. 420-423.
18 Basile de Césarée, Regula a Rufino Latine versa, 7 : Oportet tamen infantes, voluntate et
consensu parentum, sub testimonio plurimorum suscipi; ut omnis occasio maledicti gratia
excludatur hominum pessimorum.
19 Basile, Regulae fusius tractatae, Question XV, PG, XXXI, c. 951-4.
B. CASEAU, LE CHOIX DE LA VIRGINITÉ CONSACRÉE 251
psalmodier, subir nos fatigues, tu viendras chez nous »20. Les parents
renouvellèrent leur démarche quand l’enfant eut douze ans. L’hagiographe met
en scène la mère qui révèle à son fils qu’elle l’a consacré à Dieu. Nulle mention
d’une discussion offrant un choix à l’enfant en la matière. Le vœu de la mère
engage le fils. L’explication qu’elle lui donne sert simplement à justifier son
départ pour le monastère. L’hagiographe montre l’enfant se présentant dans un
monastère et suppliant les moines de l’accepter, ce qu’il obtint puisque malgré
des réticences, l’higoumène finit par l’accueillir dans sa communauté. Dès qu’il
fut admis « Daniel vécut dans la communauté » mais il ne reçut pas tout de
suite la tonsure cependant, ce sont ses parents de passage au monastère qui
demandèrent à l’higoumène de la lui donner 21. L’higoumène avait opté pour
une solution d’accueil et d’apprentissage de la vie monastique sans engagement
de la part de l’enfant.
Cette liberté de l’enfant à s’engager dans la vie ascétique est aussi
reconnue par une homélie attribuée à Basile de Césarée par les manuscrits
médiévaux, mais peut-être plutôt de la plume d’Athanase 22. Elle contraste avec
les discours sur la consécration à Dieu des enfants par leurs parents, à la suite
d’un vœu ou pour d’autres motifs. Les cas les plus fréquents de consécration à
Dieu par un parent concernent de jeunes enfants. Dans les milieux de
l’aristocratie romaine que fréquentait Jérôme, des filles étaient vouées à la
virginité perpétuelle dès avant leur naissance, sans qu’il vienne à l’idée de
Jérôme qu’elles puissent déplorer ce choix, une fois devenues adultes. La jeune
Asella, par exemple, promise à Dieu avant sa naissance, devint religieuse à
l’âge de dix ans. Selon Jérôme, dès douze ans, elle décida d’elle-même de
s’imposer des mortifications sévères, comme de se revêtir d’un cilice, de se
nourrir à peine et de vivre dans une austère solitude. Jérôme insiste sur sa
démarche personnelle de vendre son collier d’or et d’échanger son vêtement
pour une tunique grossière que sa mère lui aurait refusée mais sa seule marge
de liberté tenait dans le degré d’ascèse qu’elle s’imposait tandis que le don
parental l’avait consacrée à Dieu sans qu’il lui soit possible de revenir sur ce
choix 23. La jeune Paula, fille de Laeta et de Toxotius fut aussi « consacrée au
Christ avant que de naître »24. Jérôme est particulièrement content que Laeta ait
promis à Dieu son aînée: « J’affirme avec confiance que tu recevras d’autres
enfants, puisque tu as donné au Seigneur ton premier rejeton »25. Le don de
l’enfant, comme le don des prémices, entre dans une stratégie visant à attirer
sur soi et sa famille la faveur divine. Dans sa longue lettre à Eustochium,
Jérôme vante les avantages qu’il y a pour une famille à avoir une sponsa
Christi, une épouse du Christ en son sein. Il explique que sa mère devrait se
réjouir d’être devenue la belle-mère de Dieu (socrus Dei), car elle peut en tirer
un grand avantage (beneficium) 26.
29 Vie de saint Nicolas de Sion, éd. I. ŠEVCENKO N. PATTERSON ŠEVCENKO (1984), p. 24.
30 Vie de saint Nicolas de Sion, éd. I. ŠEVCENKO N. PATTERSON ŠEVCENKO (1984), p. 26.
31 J. BOSWELL (1988).
32 Théodoret de Cyr, Histoire des moines de Syrie, XXVI, 4 éd. P. CANIVET (1979), p. 167.
33 Sophrone, Vie de Marie l’égyptienne, PG 87, col. 3697-3726, à c. 3697 ; traduction anglaise
par M. KOULI dans Holy Women of Byzantium, éd. A.-M. TALBOT (1996), p.71 ; traduction
française par A. d’ANDILLY et J. LACARRIÈRE (1985), p. 29-96.
34 A. PAPACONSTANTINOU (2002), p. 511-526.
254 LES STRATÉGIES FAMILIALES DANS L’ANTIQUITÉ TARDIVE
marié depuis treize longues années sans enfant, son père s’était rendu auprès
d’un ascète pour qu’il prie Dieu de lui donner un fils. Macedonius lui promit
son intercession mais le prévint qu’il lui « faudrait le rendre à Celui qui l’aurait
donné »35. Contrairement aux parents de Daniel, ceux de Théodoret ne mirent
aucun empressement à donner leur fils unique à un monastère. Ils le firent
entrer dans le clergé comme lecteur 36 ce qui n’excluait pas un mariage. Ce n’est
qu’à leur mort que Théodoret entra au monastère. Sa décision n’est peut-être
pas étrangère au fait que Macedonius, auquel il continuait à rendre visite,
faisait pression sur lui en lui rappelant la promesse de ses parents : « Avant ta
naissance, tu as été promis en offrande »37.
Dédier un enfant à la vie virginale au nom de Dieu faisait partie des options
envisageables pour des parents chrétiens, qu’ils aient un ou plusieurs enfants,
mais la démarche était sans doute plus facile et plus fréquente quand il y avait
plusieurs enfants. Certaines sources nous renseignent sur la manière dont il
convient que les parents choisissent quels sont les enfants à marier et quels sont
ceux qui seront consacrés à Dieu. Les canons du pseudo Athanase, qui datent
probablement de la fin du IVe siècle ou peut-être du début du Ve siècle,
recommandent à chaque famille de consacrer à la vie virginale une fille, pour le
salut de l’ensemble de la famille 38. Il faut choisir l’enfant avec soin : observer
si la petite fille a de la modestie dans le regard, si elle est obéissante et soumise
même quand elle est grondée et si elle aime le jeûne. Inversement, il faut
vérifier qu’elle n’est portée ni sur la boisson, ni sur la nourriture, qu’elle ne
semble pas prone aux passions de la chair ou interessée par les vanités de ce
monde. Si la famille n’a pas de fille, il convient de choisir une servante pour
remplir cette fonction et l’élever comme s’il s’agissait de son enfant 39. Ces
canons considèrent que la consécration à la vie virginale d’un membre de la
famille fournit protection et chance de salut pour l’ensemble de la parenté. Sant
doute faut-il rattacher ces canons à la littérature ascétique qui fleurit à cette
époque pour modeler le comportement des femmes chrétiennes et créer un idéal
de la famille, dans lequel la virginité consacrée a une place privilégiée40.
L’homélie grecque sur la virginité, déjà mentionnée, tient des propos assez
similaires à ceux des canons du pseudo Athanase 41. Il est de la responsabilité
des parents de pousser leurs enfants à rester vierges pour le Christ. L’auteur
cite I Corinthiens 7, 37 dans une version modifiée : « Celui qui aura pris dans
35 Théodoret de Cyr, Histoire des moines de Syrie, XIII, 16-17, éd. P. CANIVET (1977), p. 502-
506.
36 Théodoret de Cyr, Histoire des moines de Syrie, XII, 4, éd. P. CANIVET (1977), p. 466-467.
37 Théodoret de Cyr, Histoire des moines de Syrie, XIII, 18, éd. P. CANIVET (1977), p. 506-
507.
38 Canon 98 du pseudo Athanase, W. RIEDEL, W. E. CRUM (1904), p. 66-67.
39 Canon 104 du pseudo Athanase, W. RIEDEL, W. E. CRUM (1904), p. 62-63.
40 E. WIPSZYCKA (2009), p. 591-596.
41 D. AMAND et M.-Ch. MOONS (1953), p. 18-69 et 211-238.
B. CASEAU, LE CHOIX DE LA VIRGINITÉ CONSACRÉE 255
son cœur la décision de garder sa fille vierge, celui-là agira bien »42. Les
parents sont responsables de susciter chez leurs enfants le désir de la vie
virginale : « Que le père persuade son fils, et la mère sa fille de se conserver
purs pour le Christ, car à tous deux l’enfant leur appartient »43. Jérôme
considère que le mariage est béni puisqu’il engendre des vierges : « Je loue les
noces, je loue le mariage, mais parce qu’ils m’engendrent des vierges. Des
épines je cueille les roses »44.
Une fois l’enfant choisie ou convaincue, il faut encore l’éduquer en vue de sa
future vie consacrée. De Paula, fille de Laeta, Jérôme écrit : « Que celle qui est
née d’un vœu reçoive de ses parents une éducation digne de sa naissance »45.
Jérôme dresse pour l’enfant tout un programme qui la conditionne à son futur
statut de religieuse : « Que même son maintien et son costume lui enseignent à
qui elle fut promise. Ne lui perce pas les oreilles. Ne farde pas à la céruse et au
rouge un visage consacré au Christ. Que les perles ni l’or ne pèsent sur son
cou »46. Ce programme suppose une mise à l’écart de l’enfant, y compris des
repas familiaux puisqu’elle doit jeûner et ne jamais manger à sa faim :
« Qu’elle ne mange pas en public, c’est-à-dire au repas de ses parents pour ne
pas voir des mets qu’elle pourrait désirer »47. Jérôme propose à la mère, si elle
est incapable de se tenir au programme strict qu’il lui a défini, de donner
l’enfant à un monastère pour qu’elle y mène la vie angélique. Il vise
précisément le monastère fondé par la grand-mère de la petite Paula, monastère
situé à Jérusalem où vit aussi Eustochium, la tante de l’enfant et sur lequel
veille Jérôme 48.
De la même manière l’auteur de l’homélie sur la virginité recommende aux
parents de vérifier si le comportement de l’enfant correspond au projet de vie
virginale. Pour la fille, il faut tester son endurance au jeûne, sa persévérance et
vérifier que sa démarche est pudique, ses gestes bien réglés et son œil
respectueux. Il est recommendé de garder la fille à la maison et de lui interdire
tout contact avec les hommes. Pour le fils, il faut veiller à ne pas trop le nourrir
pour ne pas entretenir la vigueur du corps qui engendre le désir physique 49. On
trouve cette même recommendation sous la plume de Jean Chrysostome pour
50 Jean Chrysostome, Sur la vaine gloire et l’éducation des enfants, 79, A.-M. MALINGREY
(1972), p. 182-183.
B. CASEAU, LE CHOIX DE LA VIRGINITÉ CONSACRÉE 257
51 B. CASEAU (2005).
258 LES STRATÉGIES FAMILIALES DANS L’ANTIQUITÉ TARDIVE
52 G. COULON (1994).
53 Théodoret de Cyr, Histoire des moines de Syrie, éd. P. CANIVET (1979) XIII, 17, trad. p.
505.
54 Jérôme, Ep. 130, 6, éd. J. LABOURT (1961), p. 172.
55 R. LIZZI (1989).
56 S. HOLMAN (2001).
57 Augustin, Ep. 20*, 2, 3-4, CSEL 89, éd. p. 94-95.
B. CASEAU, LE CHOIX DE LA VIRGINITÉ CONSACRÉE 259
leurs frères ou par quelques-uns de leurs proches, non qu’elles aient été portées
d’elles-mêmes au célibat, mais parce que ceux-là veulent se ménager à eux-
mêmes quelques moyens de vivre. Ces jeunes filles, il ne faut pas les admettre
facilement, mais attendre que nous ayons cherché à connaître clairement leur
propre dessein »63.
La pratique du monachisme domestique est bien attestée en Occident mais aussi
en Orient. Elle perdure alors même que commencent à se répandre les
monastères pour femmes. La correspondance de Grégoire le Grand en fournit
des exemples pour l’Italie du VIe siècle. Mais elle trouve des détracteurs à la fin
de l’Antiquité. En Orient, au début du VIIe siècle, Sophrone de Jérusalem n’est
pas favorable au monachisme domestique. Il rapporte le cas d’une enfant d’un
peu moins de douze ans consacrée à Dieu qui reste sans supervision spirituelle,
en vivant chez elle et à qui il arrive des malheurs. Sophrone souligne que « à cet
âge, du fait de l’inexpérience, comme de l’insuffisance de la raison et de
l’intelligence, on ne peut dépendre de soi-même ». Il ajoute : « il n’est pas sans
danger que le jeune âge se gouverne dans l’indépendance, surtout quand il est
en guerre contre les démons, alors qu’il est absolument incapable de viser et
reconnaître la tête du serpent sortant pour ainsi dire en douceur, ou de se
protéger le talon qu’il vise »64. Les critiques à l’encontre du monachisme
domestique très libre et sans surveillance cléricale finirent par porter du fruit et
entraînèrent la création de monastères féminins au Moyen âge. Mais avant que
cette évolution n’aboutisse, la pratique du monachisme domestique avait connu
un grand succès. La possibilité d’orienter un ou plusieurs enfants, vers la vie
religieuse et non vers le mariage donnait plus de flexibilité aux familles
chrétiennes pour mieux établir les autres enfants et c’est probablement ce qui a
contribué à la progression rapide du nombre des vierges consacrées sur décision
parentale.
5. Conclusion
Il serait abusif de penser que tous les cas de virginité consacrée étaient liés au
choix des parents. Jérôme loue Demetrias d’avoir fait preuve de courage en
demandant à suivre cette voie d’elle-même. Il parle d’engouement pour la
virginité. Quand la soeur aînée d’Ambroise reçut le voile des mains du pape
Libère, quelle part de son engagement était due à un choix personnel, à la
pression de sa mère ou à une combinaison des deux, nul ne saurait le dire. Le
modèle hagiographique du saint qui doit lutter pour obtenir que sa famille le
laisse mener la vie religieuse ne reflète guère la réalité de la majorité des
enfants et se révèle être un topos hagiographique pour les filles qui n’avaient
Béatrice Caseau
Collège de France
65 V. VUOLANTO (2009).
66 Gerontius, Vie de Sainte Mélanie, trad. D. GORCE (1962), p. 131.
67 Novelle 6 de Majorien.
B. CASEAU, LE CHOIX DE LA VIRGINITÉ CONSACRÉE 263
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264 LES STRATÉGIES FAMILIALES DANS L’ANTIQUITÉ TARDIVE
DE BOCCARD
11, rue de Médicis, 75006 Paris
2012
TABLE DES MATIÈRES
Remerciements....................................................................................................................................................................v
Avant-Propos .......................................................................................................................................................................i
Introduction..........................................................................................................................................................................i
Résumés..........................................................................................................................................................................409
Bibliographie...................................................................................................................................................................417
Index...............................................................................................................................................................................451
Table des matières...........................................................................................................................................................473