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Au cours d’une émission récente, la télévision française a consacré une brève séquence
à certains phénomènes mal connus ou mal compris, tel le "parler en langues". Si bien des
explications se trouvent dans la nature elle-même, la psychologie et les capacités
humaines, bien des chrétiens y voient des manifestations divines ou même des miracles.
C’était l’occasion de solliciter l’éclairage du cardinal Suenens qui, dans le Renouveau
Pentecostal, s’est préoccupé notamment de la prière "en langues" 1.
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Voir Fabien Deleclos, « Les charismatiques courent des risques ».
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F.D. Vous rejetez donc l’interprétation religieuse du phénomène ?
C.S. Le "Pentecôtisme classique" a présenté le "parler en langues" comme un
don miraculeux, signe attestant que l’on a reçu ce baptême spécial qu’ils
appellent le "baptême dans l’Esprit". L’Eglise catholique n’accepte pas ce
"superbaptême" : pour elle, le baptême sacramentel initial implique dès le
départ toute la richesse de signification inhérente au mystère de notre
régénération en Jésus-Christ. Il n’y a donc pas place pour ce signe qui serait
réservé à des superchrétiens.
F.D. S’il n’y a ni "don" ni miracle, de quoi s’agit-il positivement?
C.S. J’ai répondu en quelques pages dans l’un de mes livres 2. Ne pouvant
reprendre tout le développement ici, j’attire votre attention sur la
signification positive essentielle. Il s’agit, fondamentalement, d’une grâce de
prière (et non d’un parler en langues inconnues) qui prend la forme d’une
prière non discursive, expression préconceptuelle d’une prière spontanée à la
portée de qui veut l’exercer, et qui reste toujours sous votre contrôle.
F.D. Vous êtes donc partisan de la prière en langues ?
C.S. Oui, et ce mode de prière a une valeur spirituelle incontestable. Ce mode
de prière suppose un dégagement de soi, un déblocage de ses inhibitions, une
libération intérieure devant Dieu et les hommes. Si, au départ de
l’expérience, on accepte cet acte d’humilité et de simplicité, ce risque de
paraître enfantin et ridicule, on découvre un mode de prier par-delà les mots
et au-delà de tout formalisme Ce mode bien compris est créateur de paix et
d’épanouissement. J’en ai fait l’expérience moi-même avec joie et un réel
profit surnaturel.
Il y a quelque temps, un groupe du Renouveau assistait avec moi à une messe
privée du Pape. Après la communion, une "prière en langues" fut chantée dans
la chapelle par les assistants. Au sortir de la célébration eucharistique, je dis
au Saint-Père : "Saint-Père, j’espère que la prière en langues ne vous a pas
dérangé" ! Et voici sa réponse : "Au contraire, elle m’a aidé à prier plus
profondément". Je livre cela à votre réflexion car nous sommes ici au vrai
cœur des choses.
© Fabien Deleclos
2
Cardinal Suenens, Une Nouvelle Pentecôte ? Desclée de Brouwer, 1973. Notice bibliographique
(1975).