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Avent 2008

l‛oraison concrètement…

Questions pratiques sur la prière silencieuse

par les sœurs du Carmel de Domont


Il n‛est pas exact de croire que prier est facile. Cela peut être facile par
moments. Mais disons le clairement : il est normal de se heurter à des
difficultés, dans la vie de prière comme dans les autres domaines.
Avec le propos d‛essayer de rendre plus aisée notre
pratique quotidienne de la prière Nous allons aborder les
points suivants :
¨ cadrer sa prière

¨ qu‛est-ce que la prière ?

¨ parole et silence

¨ quel Dieu prions-nous ?

¨ difficultés courantes et remèdes possibles

¨ prier dans les occupations de chaque jour


Pour prier personnellement,
Cadrer sa prière

La tradition des grands priants souligne 5 points qui peuvent faciliter


notre prière solitaire :
1. une décision ferme
2. un rythme
3. un lieu
4. un support
5. une préparation

1. une décision ferme


Un jour, il faut se décider. Décider de prendre désormais du temps pour
prier. Sainte Thérèse ajoutait : coûte que coûte, advienne que pourra. Un vague
désir, un je voudrais bien ne suffisent pas. Il faut une décision qu‛on peut dater,
qu‛on prend posément, à froid, et qu‛on ne remettra pas en cause si facilement.
C‛est aussi bien concret : un rendez-vous marqué sur l‛agenda. Cet
engagement est prévu pour une durée que je détermine: 1 an, ou 1 mois ou … D‛ici-
là je ne me permettrai pas de remettre en cause ma décision.

2. un rythme

Ce qui va m‛aider maintenant à tenir parole, c‛est de fixer le moment dans mon
emploi du temps, de réfléchir à quelle heure je peux envisager concrètement de
prier. Je vais déterminer une heure fixe, qui semble convenir et à mes
obligations et à ce que je sais de moi.
Une fois que j‛ai choisi l‛heure qui semble adaptée, il me faut encore
déterminer la fréquence de ma prière ; avec réalisme. Chaque jour ? Les jours où
je ne travaille pas ? A moi de trouver ce qui peut m‛aller et se concilier avec mes
obligations et occupations.

Il me faut enfin préciser une durée. Avec bon sens, c‛est à dire en excluant
un temps très long (2h de suite) ou 1 temps très court (2‛). Le projet est de vivre
une rencontre avec Dieu, pas de me faire une plage de loisir, pas non plus de
n‛avoir pas le temps de me poser. 1/4h ou 1/2 h peuvent convenir. Je verrai à
l‛usage.

3. un lieu
On peut prier n‛importe où, c‛est bien vrai. Mais nous avons un corps et
nous « tomberons » plus aisément dans la prière si nous le faisons dans un lieu
porteur. Un lieu que nous aurons choisi et adapté. Les possibles sont multiples et
très divers. Depuis la chapelle où j‛ai choisi de me tenir devant le tabernacle,
jusqu‛à mon bureau dans le 1er tiroir duquel j‛ai placé une image ou une petite
statue. A moi de trouver ce qui va m‛aller, compte tenu du minimum indispensable
de solitude et de continuité.
La posture a son importance. Globalement, pour prier, il vaut mieux être à
l‛aise, sans être en position de détente profonde.

4. un support
Non, prier n‛équivaut pas à s‛ennuyer, comme on le croit souvent. Pourtant
il arrive que le temps paraisse bien long quand on prie. Comme, dans le temps de
la prière, nous sommes inactifs, notre imaginaire, nos soucis ou nos activités
courantes risquent d‛envahir tout le champ de notre esprit… Un support pour nos
sens peut aider à revenir à Dieu. Thérèse d‛Avila, par exemple, recommandait
d‛aller à la prière avec un livre, ou avec une icône, ou une image.
Alors, quand nous nous constaterons soudain, perdus dans nos pensées, lire
un peu nous remettra dans le droit fil de la prière, nous réchauffant le cœur et
permettant de renouer le dialogue avec Dieu.

5. la préparation
Les distractions sont fréquentes quand on prie ; en partie inévitables, il
arrive aussi que nous en soyons un peu responsables. Car le temps de prière n‛est
pas décroché du reste de la journée. Si on « déboule » dans la prière, il va falloir
le temps que le corps s‛apaise, le temps que s‛évacue le stress …

Ce qui pourrait aider, c‛est que le temps de prière ne soit pas une simple
parenthèse, décrochée du reste du vécu. En fait, c‛est très simple : toutes les
attentes incontournables…et exaspérantes, à la caisse du supermarché, au
téléphone… peuvent être autant d‛occasions de mini rencontres de Dieu. Tous les
amoureux vivent cela. Et cela me permet de me poser, de me calmer et d‛arriver
tout prêt à l‛heure de la prière.

Pour terminer, voici ce que Thérèse d‛Avila répétait et qui l‛a tant
encouragée : Dieu n‛est pas difficile : il nous aime tellement qu‛il est tout
heureux du moindre signe d‛attention, du moindre regard et il y répond en
surabondance. Alors courage !

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Qu‛est- ce que prier ?

On peut dire qu‛il y a prière chrétienne quand il y a rencontre.


La prière commence vraiment
quand je cesse de dire il
et que je dis tu,
quand je ne parle plus de Dieu
mais que je parle à Dieu.

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Parole et silence

Dans la prière, la parole a donc une place importante. La parole des 2


personnes qui se rencontrent : la Parole de Dieu et la mienne. 2 paroles surgies
d‛un cœur et d‛une pensée, 2 paroles vivantes.
Du côté de Dieu, la parole est le Verbe, Jésus-Christ. Lui, Jésus, me
dit l‛être du Père.
C‛est la Bible, c‛est l‛Evangile, qui me redit les actes et les paroles de
Jésus.
La Bible se présente comme un livre, avec des paroles écrites.
Mais elle a ceci de particulier que la parole y est vivante.
Chacun de nous en fait l‛expérience : un jour une phrase, telle phrase, nous
devient vivante: de toute évidence elle est dite pour nous et elle nous ouvre de
larges horizons.
C‛est Dieu qui nous touche par sa parole.
En face de la parole de Dieu il y a place aussi pour ma parole à moi
qui prie. C‛est inouï de dire cela ; et pourtant c‛est vrai : ma parole est
irremplaçable dans ma rencontre de Dieu.
dans la rencontre de Dieu, ce
qui est bienvenu c‛est une parole qui
monte du plus profond, du plus humain,
du plus incarné de moi: le souci que je
me fais pour mon enfant, la bonne
nouvelle que j‛ai reçue aujourd‛hui, mes
joies, mes désirs, mes regrets, mes
recherches…
La prière est le tissage de cette double parole : de l‛homme à Dieu, de Dieu
à l‛homme, dans l‛écoute et dans l‛échange. Fondamentalement il y a prière quand
il y a rencontre vraie. Le reste n‛est que l‛enveloppe.

Pas le silence absence !


le silence plein,

le silence aussi a place dans la prière


qui résonne de la parole entendue,
qui laisse retentir la parole de
l‛autre, silence d‛espace
où la parole prend toute sa dimension.
La prière s‛articule ainsi entre silence et parole.
Avec cette caractéristique encore qu‛on ne peut jamais savoir si on a bien
prié, car la prière ne se réduit pas au ressenti. Elle va tellement au-delà !
Cependant il faut affirmer que la prière porte fruit mais ailleurs,
autrement, de façon certaine, mais imprévisible. Et le 1er fruit est assurément
qu‛elle donne le goût d‛y revenir.

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Quel Dieu prions- nous ?

Peut-être avez-vous envie de répondre : à Dieu ; et c‛est bien certain, mais


à quel Dieu ? Car enfin, la foi chrétienne nous dit que Dieu est 1 en 3. A qui des 3
personnes de la Trinité vous adressez-vous le plus couramment quand vous
priez ? Le flou ne facilite pas une vraie rencontre…

Est-ce à Jésus que vous vous adressez de préférence ? Jésus, le Fils,


est Celui des 3 qui est peut-être le plus facilement abordable. Parce qu‛il a eu
une vie humaine en tout point semblable à la nôtre comme dit l‛Ecriture.
Jésus est un grand homme pour bien des gens, en tout cas quelqu‛un de
sympathique. Nous Chrétiens, nous croyons, de foi, qu‛il est aussi Dieu, né de
Dieu ; qu‛il est ressuscité d‛entre les morts, lui le 1er, et nous ouvre la voie à sa
suite. Il est le plus accompli des enfants des hommes, mais il est aussi Dieu avec
nous, le Chemin, la Vérité, la Vie.

Prier Jésus, c‛est aussi considérer la voie qu‛il a suivie, envisager de le


suivre d‛une façon ou d‛une autre, marcher sur ses pas ; et chacun sait où ses pas
l‛ont mené…
Prier Jésus amène à un autre regard sur ce qui importe dans la vie. Quelles
valeurs a-t‛il faites siennes, Lui qui ose dire : heureux les pauvres, heureux les
doux…Ou encore vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l‛argent.
Prier Jésus amène à se poser la question de la réussite. Qu‛est-ce qu‛une
vie réussie ? Il a été confronté à l‛échec radical, abandonné par ses amis, trahi,
mis à mort…
Jésus ne retient pas sur lui les regards. Il les oriente vers un Autre, dont
il est le Fils, l‛unique et éternel fils. Fils de toujours à toujours, cela dépasse
notre compréhension, et cependant c‛est là tout l‛être de Jésus.

Est-ce que c‛est plutôt Dieu le Père que vous priez ? Le Père, c‛est le
Dieu créateur, le maître de l‛univers, celui dont spontanément chacun attend qu‛il
fasse tourner les affaires à notre guise et les choses à son avantage. Or la
réalité nous fait quotidiennement déchanter… Alors qu‛est-ce que cette toute-
puissance de Dieu ? Déjà au jardin d‛Eden, Dieu le créateur ne voit pas Adam, qui
se cache de lui, et il l‛appelle : Adam, où es-tu ? C‛était au début des temps ; mais
on dirait bien que depuis lors Dieu ne cesse d‛implorer l‛homme, sa créature :
qu‛as-tu fait de ton frère ?
Toute-puissance d‛amour de dieu le Père, qui n‛exerce pas de pression sur
l‛homme!
Dieu le Père, on ne le connaît pas directement,
il n‛a pas de visage pour nous
et d‛ailleurs on ne le représente guère en icône; mais Jésus nous le dévoile :
moi et le Père nous sommes 1 ;
qui me voit, voit le Père.
En regardant Jésus vivre dans l‛Evangile, on devine, ou plutôt on voit, l‛être du
Père.

Le Père, c‛est encore ce personnage que les paraboles de l‛Evangile nous


décrivent. Par exemple celle du Père aux 2 fils : un homme avait 2 fils…

Le 1er fils, l‛aîné, fidèle certes et travailleur irréprochable, mais raide, dur,
étriqué… Le 2èmefils, lui, avait soif d‛espace, appétit de vivre, et il a tout gaspillé,
tout, avec l‛argent du père. … Chaque matin, le père guettait sur le bord de la
route. Lorsque, enfin, le fils est revenu, pas un reproche; un accueil à bras
ouverts, qui a rendu l‛aîné malade de fureur. Et alors le père, encore, qui se met
entre les 2, qui essaie de faire le lien entre ses 2 enfants opposés.
Est-ce que c‛est ce Dieu là que vous avez goût de prier ? Dieu qui n‛a pas
supporté de nous laisser nous perdre, tant il nous aimait ; Dieu qui, pour nous
sauver, a envoyé son Fils unique, que nous avons tué, et qui nous a sauvés quand
même à travers la mort de son Fils unique bien-aimé.
Dieu qui a fait de nous ses fils aussi, alors que nous sommes créatures et
rebelles et difficiles à vivre. Dieu qui nous apprend à aimer comme lui, à nous
laisser aimer. Est-ce que c‛est à ce Père-là que nous nous adressons. Et
qu‛attendons-nous de lui ?

Et le Saint-Esprit, la 3ème personne du Dieu 1, est-ce que c‛est lui,


plutôt, que vous priez?
Plus que le prier pour lui-même, souvent on l‛invoque. On l‛appelle, pour qu‛il
nous aide à prier. C‛est que, dit l‛Ecriture, c‛est l‛Esprit qui intercède pour nous
en des gémissements inexprimables. Lui seul sait ce que Dieu veut. C‛est lui qui
prie en nous. Il a tout à nous enseigner. C‛est par lui qu‛on renaît d‛en haut.
L‛esprit ? On parle de lui par images :

de vent,

de feu,

de vie.

L‛esprit ? Entre le Père et le Fils, entre le Fils et le Père ; un lien d‛amour. Un


trait d‛union souple et vivant ; du Fils au Père, du Père au Fils, la danse de la vie.
L‛Esprit ? Un lien si fort qu‛il est une personne, unique, entre 2 personnes
uniques, et que les 3 sont 1, sans pour autant qu‛ils soient fusionnels. Mystère de
Dieu, dont cependant un cœur d‛homme pressent le possible et le réel.
L‛esprit, personne à part entière, dont Jésus annonce et promet la venue.
Lui vous enseignera toute choses, il vous conduira vers la vérité tout entière.

Oui, vers qui vous tournez-vous le plus souvent dans la prière ? Chacun de
nous a un appel propre et une originalité gravée en lui qui est la marque du saint-
Esprit de Dieu. Essayons de la découvrir un peu plus, pour lui permettre de se
déployer au service de cette rencontre qu‛est la prière.

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Difficultés dans la prière et remèdes possibles

Tôt ou tard on se heurte à des difficultés quand on prie ; lesquelles et quoi


faire ? En tout cas, ni honte ni culpabilité. On constate, voilà tout, et on essaie
de faire avec…

1 Pourquoi tant de difficultés à être fidèle à prier ?

Le 1er acte de la prière est de s‛y mettre… Et c‛est là aussi que se présente
la 1ère difficulté

Cette difficulté à commencer, on la retrouve


dans bien des initiatives, et déjà pour se lever
le matin.

Mais en fait il est tout aussi difficile d‛interrompre une activité. Tout se
passe comme si une sorte de pesanteur nous entraînait dans la passivité, comme
si les choses nous menaient. Or commencer implique une rupture, une prise en
mains, et au fond il y faut de l‛énergie et un humble courage.
Dans le cas de la prière, d‛autres motifs interviennent. Un sentiment de
stress déjà.
Nous sommes tous débordés aujourd‛hui, c‛est un fait.
Prendre le temps de la prière ou accepter de le perdre ? C‛est là un autre
souci : la prière n‛apparaît pas directement rentable. Perdre son temps, perdre
sa vie, c‛est un peu du même ordre.
Le silence aussi est une difficulté. Où qu‛on aille aujourd‛hui, on est bercé
par la musique... Du coup le silence heurte par l‛absence de bruit et il faut bien
avouer qu‛il fait peur. Le silence, c‛est la mort !

avec Etty Hillesum plaidoyer pour Dieu


ème
Pendant la 2 guerre mondiale, Etty était employée dans un camp de transit en Hollande.
Elle qui était juive, elle accueillait les personnes juives envoyées là, en état de choc, avant d‛être
expédiées, dans des wagons fermés, vers les camps d‛extermination. Témoin de beaucoup
d‛horreurs, elle qui n‛avait pas 30 ans, elle n‛a pas pu se faire beaucoup d‛illusions sur ce qui les
attendait tous. Or voici un extrait de son journal.
« Ce sont des temps d‛effroi, mon Dieu. Cette nuit, pour la 1ère
fois, je suis restée éveillée dans le noir, les yeux brûlants, des images
de souffrance humaine défilant sans arrêt devant moi. Je vais te
promettre une chose, mon Dieu, oh, une broutille : je vais t‛aider, mon
Dieu, à ne pas t‛éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir
d‛avance. Une chose cependant m‛apparaît de plus en plus claire : ce
n‛est pas toi qui peux nous aider, mais nous, qui pouvons t‛aider ; et ce
faisant, nous nous aidons nous-mêmes. C‛est tout ce qu‛il nous est
possible de sauver en cette époque et c‛est aussi la seule chose qui
compte : un peu de toi en nous, mon Dieu. Peut-être pourrons-nous
aussi contribuer à te mettre au jour dans les cœurs martyrisés des
autres. »

dans cette situation d‛urgence absolue, Etty a découvert la prière comme


le moyen de sauver la seule chose qui importe : l‛étincelle de Dieu en l‛homme,et
de faire germer cette étincelle de Dieu, en l‛autre homme, mon frère.

On peut se rendre plus aisée la fidélité à la prière par des moyens tout
simples. Par exemple s‛adjoindre à un groupe qui prie : à plusieurs on est plus fort
que tout seul.
On peut aussi entrer en douceur dans la prière. Par exemple, mettre une
musique de fond, calme et douce qui rende le climat porteur.

2 lors des moments de prière, je deviens muet, stupide,


hébété et ne trouve rien à dire.
Il arrive que les moments spécifiques de prière nous bloquent. Cela peut
s‛expliquer par notre histoire passée, mais peut-être aussi parce que nos mains,
notre corps sont inemployés tout à coup, et que nous avons besoin de nous en
servir, y compris quand nous prions.

Quand on a besoin d‛utiliser son corps pour prier (et


on en a tous besoin d‛une façon ou d‛une autre) il est
souvent aidant de marcher en priant, ou de prier en
marchant. La marche prolongée crée un rythme régulier;
elle occupe le corps, l‛apaise et elle rend l‛esprit libre de
vaquer à ses affaires. A ses affaires ou à sa prière.
Pourquoi la prière ne prendrait-elle pas la forme d‛une
marche, délibérément entreprise chaque jour ?

3 Que faire quand l‛esprit vagabonde ?


C‛est un fait, quand on prie on a une foule de distractions. C‛est d‛autant
plus incontournable que le temps de la prière est plutôt un temps de remise de
soi, où l‛on se détend. L‛imagination, cette folle du logis en profite amplement.
Incroyable toutes les idées qui peuvent venir quand on prie !
Les distractions de l‛esprit sont variables et multiples. Mais elles ont ce
point commun d‛être harcelantes comme des moustiques. Plus on les repousse,
plus vite elles reviennent.
Le cerveau humain ne peut pas rester vide. Donc déjà pas d‛inquiétude ! Ce
qui nous arrive est normal ! Mais comment faire pour que ce soit moi qui les gère
et non plus les pensées qui me mènent n‛importe où ?
Au lieu de repousser frontalement les pensées qui me harcèlent (ce qui ne fera
que les exciter encore), mieux vaut essayer de leur substituer d‛autres pensées.
Mais ces pensées-là je vais les choisir : mettre une pensée de Dieu à la place
d‛une pensée sans intérêt. Par exemple une parole d‛Evangile, de psaume, un
refrain :
Tu es ma vie, Seigneur, tu es le salut !
Dieu, mon bonheur et ma joie !
Seigneur, je crie vers toi.
Mon Seigneur et mon Dieu !
Aie pitié, Seigneur, car nous sommes pécheurs !
Seigneur Jésus, Fils du Père éternel, prends pitié de moi pécheur !
Je vais donc délibérément arrêter le
cours de ma rêverie,
Seigneur, je suis là pour toi ; c‛est toi
que j‛aime, et je te choisis.
A ce moment-là je mets concrètement
Dieu à la 1ère place dans ma vie.

Il se peut que la suite de ma prière soit paisible ; il se peut aussi que, certains
jours, j‛aie à reposer ce même choix à de multiples reprises. Alors je quitterai
peut-être le temps de prière avec un sentiment d‛échec, mais en réalité, n‛aurai-
je pas montré à Dieu qu‛il était vraiment 1er pour moi.

4 Mes soucis prennent toute la place…


Ce n‛est pas mon imagination qui m‛a emporté ! C‛est mon cœur qui est
préoccupé et absorbé. Je ne suis pas absent du réel ; bien au contraire, je suis
aux prises avec ce qui constitue mon réel le plus personnel.
C‛est tout ce qui fait ma vie qui concerne Dieu.
Je lui parle comme à mon ami le plus cher ; et je lui confie tout ce qui me taraude
et me crève le cœur. Je lui dis les choses comme je les pense, même si elles me
révoltent ; je peux aussi lui dire mon cri, mon scandale et mon indignation face à
lui qui ne fait rien pour m‛aider. Marque de confiance, plutôt que blasphème !
Tout mon abcès de souffrance je le vide devant lui et je le pose là au pied de la
Croix.
Je laisse s‛étendre sur moi le grand silence de Dieu.
Je dépose un à un les prénoms et les visages de ceux que
j‛aime. Et j‛étends ma prière plus large que ces quelques
proches : il y a tant de malheureux dans le monde, tant de
souffrance et d‛injustice.
Pas besoin de nommer tout en détail: Dieu sait et cela
suffit. Avec eux, je prends place à l‛ombre de la Croix, et
je me repose en Dieu.
5 Me mettre en présence du seigneur me rend stupide…
Il arrive qu‛on n‛ait pas de souci spécial et pourtant qu‛au temps de la
prière on se trouve tout sec. On est là en position pour prier, et rien. On est
vide, sans pensée, sans désir ; on s‛ennuie.
Alors pourquoi ? Il se peut tout simplement que je m‛y prenne mal avec
moi-même. J‛ai un corps, j‛ai un tempérament. Si je n‛en tiens aucun compte, ils
vont crier à l‛heure de la prière. Une revendication, en quelque sorte ou une
rébellion à la base !
Il se peut aussi que j‛aie papillonné toute la journée, ou que je me sois
laissé absorber complètement par ce que je faisais (qui était à faire et qui était
très bien) et tout à coup c‛est l‛heure de la prière ; pouf ! je me pose d‛un coup.
Le problème, c‛est que ni mon esprit ni même mon corps ne sont réellement
posés : ils continuent leur tourbillon.
Pour remédier à cela, un petit truc: quand on constate qu‛on est de plus en plus
enthousiasmé par l‛activité en cours, que notre pas s‛accélère toujours plus, qu‛on
parle de plus en plus vite,

alors, tout de suite, freiner ! Arrêter la machine une


minute, ralentir le pas, baisser le ton, respirer un grand coup, lever un instant le
nez de l‛ordinateur.
Enfin qui est le maître ici ? Mon ordinateur ou moi ? Eh bien je décide que c‛est
moi et je reprends le contrôle de la situation. J‛arrête une minute, pas plus, je
respire et je me dis : c‛est pour toi, Seigneur! Oui, tu es le maître de ma vie !
Que font d‛autre les amoureux ? A chaque instant ils quittent leurs occupations
pour adresser une petite pensée à celle qu‛ils aiment.
Mais il arrive aussi que j‛aie mené ma journée calmement ; et que pourtant,
à l‛heure de la prière, je me retrouve pauvre et aride. C‛est déroutant mais au
fond c‛est compréhensible !
Dieu se met parfois à notre portée; il nous donne alors de goûter, d‛expérimenter
quelque chose de sa douceur.
A d‛autres moments, c‛est comme s‛il faisait un pas de plus, un pas de vérité. Il
est Dieu, non pas homme et il se donne à connaître tel qu‛il est, ce qui est
complètement déroutant. C‛est déjà ce qui se produit entre personnes humaines
quand une amitié s‛approfondit. D‛abord on s‛accorde, on se comprend à demi-
mot... Et tout à coup, on se heurte à une incompréhension, à un malentendu qui
semble total et qu‛on n‛a pas vu venir. Eh oui, l‛autre, si proche qu‛il soit, est
vraiment autre.
Et Dieu alors !
Peut-être que si je suis sec à l‛heure de la prière, c‛est simplement que Dieu se
donne à connaître de moi, comme il est ; il me fait confiance et il se montre sans
fard. Moi, avec ma sensibilité, je ressens un vide, mais Dieu n‛est pas présent à
ma manière. C‛est peut-être alors le temps de consentir à ce rien que je ressens,
à donner à Dieu le temps qui file sans que j‛y aie du goût : c‛est pour toi,
Seigneur ! Fais de moi ce qu‛il te plaira !
Il n‛en est pas moins vrai que je risque de m‛ennuyer ferme. Or ce n‛est
jamais souhaitable. Donc à moi de voir comment je peux m‛aider : lire un peu,
réciter le chapelet, regarder une image, tout ce dont on a déjà parlé.

Ce petit catalogue de difficultés peut paraître décourageant. Il n‛est


certes pas le tout de la prière. Dieu ne nous laissera pas en péril.
Thérèse d‛Avila s‛écriait : regardez le ; il n‛attend que cela, que nous
le regardions ! Il est là, lui sur le bord de la route, à attendre le moment
où enfin nous déciderons de nous tourner vers lui. Il nous en saura gré, il
nous tendra les bras et il nous aidera.

*************************

Comment prier dans les occupations quotidiennes

Priez sans cesse, dit saint Paul. Il invite à


être constamment orienté vers Dieu, comme un
tournesol l‛est vers le soleil. Avec cette différence
qu‛une personne humaine ne se tourne pas
spontanément vers Dieu.
Prier sans cesse ne demande pas une
contrainte de tous les instants. Plutôt une
orientation délibérée et obstinée.
Il y a bien des façons de prier.
La prière de la liturgie des heures en est une. On n‛a pas à chercher
formes ou formules, on se coule dans la prière prévue par l‛Eglise, on prie avec
les mêmes mots que beaucoup de gens de par le monde.
L‛Eglise propose divers offices adaptés aux diverses heures du jour :
l‛office de laudes, au commencement du jour, l‛heure médiane au milieu du jour,
l‛office de vêpres à la tombée de la nuit, pour ne citer que les principaux.
Leur propos ? Rythmer la journée et aider par ce fait même à orienter
toutes ses activités vers Dieu.
C‛est aussi le sens de l‛Angélus,tel qu‛immortalisé par le tableau de Millet.
Une autre forme de prière consiste à écouter la Parole de Dieu, avant d‛y
réfléchir ou simplement d‛entrer en silencieux dialogue avec Dieu.
Ce qui est sûr, c‛est qu‛ on ne prie jamais seul et aussi que toujours
quelqu‛un prie pour nous quelque part, même si on ne sait ni qui, ni où ; on le
saura plus tard quand on sera près du Bon Dieu.

Avant d‛aller dormir …


mettre son vécu du jour sous le regard de Dieu. Ce peut être un examen de
conscience, mais il peut s‛avérer préférable de chercher ce que Dieu a fait de
bon pour moi aujourd‛hui : est-ce que j‛ai perçu une petite délicatesse de sa
part ?
Ensuite il peut être bienvenu de dire ou chanter le cantique du vieillard
Syméon : maintenant Seigneur, laisse ton serviteur s‛en aller en paix selon ta
parole…
Et ainsi je m‛endors en Dieu qui veille sur mon sommeil et l‛habite.

Quand je m‛éveille…
Avant de courir regarder le temps qu‛il fait, avant de grogner parce qu‛il
est trop tôt ou trop tard, avant de sauter du lit… cultiver une petite pensée pour
Dieu. En prendre l‛habitude : bonjour, Seigneur, merci de cette bonne
nuit ! Aide moi à vivre ce jour avec toi ! Aide moi, Seigneur dans ce matin qui se
lève !
Le début et la fin du jour orientent la journée : comme vous savez, on se
lève du pied droit ou gauche selon les jours, pourquoi ne pas prendre l‛habitude
de commencer par Dieu. Une petite orientation du cœur.

**************
la présence à Dieu

Un frère carme a beaucoup à nous apprendre sur la présence à Dieu à


travers les multiples occupations quotidiennes.
Le frère Laurent de la Résurrection est né en Lorraine en 1614 ; il entre
au carmel à 26 ans, après avoir embrassé une carrière militaire et après avoir,
semble t‛il, commis quelques exactions.

Il est frère convers, c'est-à-dire chargé des


gros travaux de la vie communautaire.
Il travaille d‛abord à la cuisine dont il sera
responsable pendant une quinzaine d‛années. Quand
il ne peut plus assurer ce service, on lui confie la
savaterie, c'est-à-dire fabrication et réparation
des sandales du couvent. Or le couvent compte plus
de 100 frères, donc, du point de vue du cordonnier,
plus de 200 pieds !
Un frère convers n‛est pas tenu à la prière
liturgique. Son 1er service est de travailler ; frère
Laurent a peu de temps libre pour prier ; il veut
pourtant être tout à Dieu.

Il cherche comment faire ???


Aux âmes simples, il ne faut pas de moyens compliqués, comme dit la petite
Thérèse. Or frère Laurent est simple, tout autant qu‛épris de Dieu et docile.

Dans un premier temps, lors de la prière


silencieuse il s‛applique à ce qu‛on lui a dit convenir:
avec son intelligence et son imagination, il réfléchit.
Or il peine beaucoup, peut-être parce que cela ne
convient pas à son tempérament.

Mais quand il est occupé à son travail, il essaie de


demeurer dans la présence de Dieu. Et il s‛en trouve très
bien ; alors peu à peu, il étend cette manière de prier
même aux moments d‛oraison.
Au début, il a du mal et beaucoup de distractions… Puis cela lui devient très
doux !
Son secret pour réussir ? « Il ne faut ni finesse ni science pour aller à
Dieu, mais seulement un cœur résolu de ne s‛appliquer qu‛à lui ou pour lui et de
n‛aimer que lui. »
Frère Laurent n‛est pas impeccable, et il lui arrive comme à chacun de faillir ou
de tomber. Mais il ne s‛y arrête pas longtemps :

« Je ne ferai jamais autre chose, si vous me laissez


faire ; c‛est à vous de m‛empêcher de tomber et à
corriger ce qui n‛est pas bien ! »
« Quand je reconnais avoir manqué, j‛en tombe
d‛accord et dis : c‛est mon ordinaire, je ne sais faire
que cela ! »

Voici frère Laurent en pleine activité au


fourneau : « dans la voie de Dieu, les pensées sont
comptées pour peu, l‛amour fait tout. Et il n‛est pas
nécessaire d‛avoir de grandes choses à faire : je
retourne ma petite omelette dans la poêle pour
l‛amour de Dieu. Quand elle est achevée, si je n‛ai
rien à faire, je me prosterne par terre et adore
mon Dieu de qui m‛est venue la grâce de la faire ;
après quoi je me relève plus content qu‛un roi.

« On cherche des méthodes pour apprendre à aimer Dieu. On se donne beaucoup


de peine pour demeurer en la présence de Dieu par quantité de moyens. N‛est-il
pas bien plus court et bien plus droit de tout faire pour l‛amour de Dieu, de se
servir de toutes les œuvres de son état pour le lui marquer et d‛entretenir sa
présence en nous par ce commerce de tout notre cœur avec lui ? Il n‛y faut point
de finesses, il n‛y a qu‛à aller bonnement et simplement. »

Voici comment il conseille de se comporter : « il faut faire toutes nos


actions avec poids et mesure, sans impétuosité ni précipitation, qui marquent un
esprit égaré. Il faut travailler doucement et amoureusement avec Dieu, le prier
d‛agréer notre travail... Nous devons, pendant notre travail et autres actions,
même pendant nos lectures, pendant nos dévotions extérieures, nos prières
vocales, cesser quelque petit moment, le plus souvent que nous pourrons, pour
adorer Dieu au fond de notre cœur, le goûter en passant et comme à la dérobée,
le louer, lui demander son secours, lui offrir notre cœur et le remercier. Que
peut-il y avoir de plus agréable à Dieu que de quitter ainsi, 1000 et 1000 fois le
jour, toutes les créatures, pour se retirer et l‛adorer en son intérieur ?

Il n‛est pas nécessaire d‛être toujours à l‛église pour être avec Dieu. Nous
pouvons faire de notre cœur un oratoire, dans lequel nous nous retirerons de
temps en temps, pour nous y entretenir avec lui. Tout le monde est capable de
ces entretiens familiers avec Dieu. »
Voilà une manière de se rendre présent à Dieu qui est possible à chacun.
C‛est une voie accessible à tous, à condition que l‛on persévère à travers
difficultés et échecs.
Et pour nous encourager, rappelons une parole d‛un père du désert, réputé
pour son ascétisme et sa vertu. A la question: en quoi consiste votre vie ? il a
répondu : nous tombons, nous nous relevons ; nous tombons, nous nous relevons ;
nous tombons, nous nous relevons... Appliquons nous à faire de même, en
veillant simplement à nous relever vite parce que c‛est plus facile que si l‛on reste
longtemps à terre !

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