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EMC-Endocrinologie 2 (2005) 179–197

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Faim et satiété, contrôle de la prise alimentaire


Hunger and satiety, control of food intake
F. Bellisle
INRA, Hôtel-Dieu, 1 Place du Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, France

MOTS CLÉS Résumé La prise alimentaire est un comportement complexe, périodique, grâce auquel
Faim ; un organisme tire de son environnement les ressources nutritionnelles nécessaires à la
Satiété ; survie. La faim et la satiété sont des états psychophysiologiques qui, respectivement,
Rassasiement ; déclenchent ou inhibent la consommation alimentaire. Des mécanismes homéostatiques
Prise alimentaire ;
(régulation de la glycémie ou des réserves adipeuses corporelles) ou non homéostatiques
Homéostasie
(conditions de disponibilité de l’aliment dans l’environnement) contribuent à déterminer
le déclenchement périodique de la prise alimentaire. Une fois un repas commencé, la
stimulation à manger est progressivement réduite par l’ingestion de nourriture. Ce
processus de rassasiement entraîne l’arrêt de la consommation avant même que les
nutriments ingérés n’aient été absorbés. La taille des repas est déterminée par une
interaction de facteurs sensoriels (qualité et variété de la stimulation alimentaire), des
signaux gastro-intestinaux, et des réponses neuroendocriniennes à l’arrivée de nutri-
ments dans le tractus digestif. Un mécanisme d’apprentissage de type pavlovien, par
lequel les qualités sensorielles de l’aliment sont associées aux conséquences métaboli-
ques de l’ingestion, met en place, pour chaque mangeur, le répertoire des goûts et des
rejets alimentaires. La satiété, cette période d’absence de faim qui suit le repas, dépend
de la composition nutritionnelle du repas et surtout de sa densité énergétique. Le choix
d’aliments très denses en énergie induit une faible satiété et favorise la «surconsomma-
tion passive». Chez l’homme, la culture, le milieu socioéconomique, le milieu familial, et
même les caractéristiques physiques de l’environnement affectent les choix alimentaires
et la taille des repas. Les mécanismes sélectionnés par l’Évolution naturelle pour assurer
la survie dans un environnement aux ressources alimentaires limitées favorisent la
compensation des manques énergétiques beaucoup mieux que celle des excès. Dans le
contexte de pléthore alimentaire actuelle, l’épidémie d’obésité reflète à la fois une
disposition biologique et la puissante stimulation à manger induite par l’environnement.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Abstract Food intake is a complex periodical behaviour through which a living organism
Hunger; can extract vital nutrient and energy substances from the environment. Hunger and
Satiety; satiety are psycho-physiological states that, respectively, elicit or inhibit food intake.
Satiation; Homeostatic (glucostatic or lipostatic) and non-homeostatic (environmental conditions)
Food intake; mechanisms contribute to the periodic initiation of food intake. Once a meal has started,
Homeostasis
the stimulation to eat is progressively antagonized by the cumulative effects of the
ingested foods. This satiation process brings the eating episode to an end before the
ingested nutrients have been absorbed. Meal size is determined by an interaction of
sensory (food quality and variety), gastro-intestinal, and neuroendocrine responses. A

Adresse e-mail : f.bellisle@wanadoo.fr (F. Bellisle).

1762-5653/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi: 10.1016/j.emcend.2005.08.003
180 F. Bellisle

Pavlovian learning mechanism allows the metabolic consequences of ingesting a particu-


lar food to become associated with the sensory characteristics of the food; as a
consequence, a unique repertoire of food acceptance and rejection responses is shaped
for each individual eater. Satiety, the post-meal phase of inhibition of eating, depends on
the nutrient composition of the meal and, mainly, on its energy density. The selection of
high energy-density foods induces little satiety and favours “passive over-consumption”.
In humans, culture, socio-economical status, family context, and even the physical
characteristics of the environment affect food choices and energy intake. The mecha-
nisms selected by Evolution in order to allow survival under environmental conditions of
food shortage seem more efficient at correcting for energy needs than excesses. In the
present context of food plethora, the obesity epidemic reflects both a biological bias and
the potent stimulation from the environment.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction La satiété, qui a été définie par Le Magnen2


comme l’état d’absence de faim, d’absence de
La prise alimentaire est un comportement com- désir de manger, s’accompagne généralement d’un
plexe qui assure la consommation périodique de état de détente associé à la satisfaction du besoin
substances sources d’énergie et de nutriments ti- métabolique, et parfois d’une somnolence post-
rées de l’environnement. Elle participe de façon prandiale.3 L’intensité et la durée de cet état de
essentielle à plusieurs mécanismes homéostatiques satiété dépendent de plusieurs facteurs, dont le
(maintien de la glycémie ; régulation du bilan contenu énergétique et nutritionnel du repas pré-
d’énergie) qui réalisent la stabilité du milieu inté- cédent.
rieur assurant à l’animal (ou à l’homme) une vie
autonome, selon la formulation classique de Claude
Bernard.1 Organisation périodique
À ce titre, la prise alimentaire répond à un
ensemble de stimuli émanant du milieu intérieur
du comportement alimentaire
signalant soit le besoin, soit la réplétion. Ces sti-
muli physiologiques sont ceux de la faim et de la Alors que les besoins énergétiques d’un organisme
satiété. Ces déterminants de la prise alimentaire vivant sont continus, la prise alimentaire est dis-
sont essentiels, car ils assurent la couverture adé- continue. Le caractère périodique de la consomma-
quate de besoins vitaux ; ils ne sont cependant pas tion alimentaire est depuis longtemps considéré
les seuls. Chez l’homme vivant en société, de comme l’une de ses caractéristiques essentielles.4
même que chez l’animal dans son environnement Comprendre ce qui fait commencer la prise d’ali-
naturel, la faim et la satiété sont des déterminants ments, ce qui la fait cesser après l’ingestion d’une
parmi d’autres du comportement alimentaire et certaine quantité de nourriture, et ce qui l’inhibe
parfois, ne sont pas ceux qui exercent l’influence la ensuite pendant une durée plus ou moins longue
plus décisive. jusqu’au déclenchement du prochain repas consti-
Définir la faim n’est pas une chose simple. La tue une tâche essentielle.
faim apparaît lorsque les apports en énergie sont Dans son milieu naturel, un organisme animal
insuffisants pour couvrir les besoins de l’organisme. doit partager son temps entre diverses tâches es-
Elle peut être ponctuelle, comme la faim ressentie sentielles à sa survie et à celle de l’espèce : recher-
entre deux repas ; elle peut être prolongée lors che et consommation de nourriture et de boisson,
d’un jeûne total, ou lorsque les apports sont chro- évitement des prédateurs, repos, reproduction,
niquement insuffisants. Chez l’homme, la percep- élevage des petits, etc. L’activité alimentaire ne
tion du déficit énergétique s’accompagne de sensa- peut pas occuper tout son temps. Il faut donc
tions complexes qui peuvent varier non seulement couvrir des besoins énergétiques continus par une
en intensité mais aussi en nature. Dans l’alternance consommation limitée dans le temps qui s’inscrit
quotidienne des repas et des périodes de satiété, la dans un contexte éthologique particulier.
faim est ressentie comme un ensemble de sensa- Même chez l’animal de laboratoire qui dispose
tions physiques plus ou moins intenses dans lesquel- d’un libre accès à son aliment, le comportement
les l’aire gastrique joue un rôle important. La faim alimentaire demeure discontinu et s’organise selon
qui accompagne un état prolongé de déficit éner- une double périodicité, la première étant détermi-
gétique est plutôt décrite comme une sensation née par le cycle jour/nuit, la seconde correspon-
diffuse de faiblesse physique et mentale. dant au déclenchement périodique de la consom-
Faim et satiété, contrôle de la prise alimentaire 181

Figure 1 Distribution circadienne de la prise alimentaire chez le rat de laboratoire. D’après Le Magnen, 1992.

mation pendant la phase circadienne d’activité manger depuis le repas précédent, ni entre la taille
propre à l’espèce étudiée (souvent le rat blanc, qui d’un repas et celle du repas précédent. Il existe
est un animal nocturne).2 La Figure 1, inspirée des cependant une corrélation postprandiale entre la
travaux de Le Magnen, présente une courbe cumu- taille d’un repas et l’intervalle sans prise de nour-
lative de consommation alimentaire au cours d’un riture qui suit ce repas jusqu’au début du repas
nycthémère chez un rat de laboratoire. Une faible suivant. Ces observations montrent que la taille du
consommation de jour (phase d’inactivité de l’ani- repas n’est pas déterminée par des événements
mal) contraste avec une consommation plus impor- antérieurs au repas ; elle dépend d’événements
tante de nuit, constituée par plusieurs « repas » contemporains du repas ; en revanche, elle affecte
(phases ascendantes de la courbe), séparés par des la durée de la satiété qui suit le repas jusqu’au
périodes de satiété (phases horizontales de la retour du stimulus de la faim qui déclenche le repas
courbe). La consommation totale de l’animal peut suivant.
être quantifiée par la connaissance de deux para- Dans les pages qui suivent, nous étudierons les
mètres : le nombre de repas et la taille des repas. mécanismes qui président aux différents éléments
L’alternance jour/nuit est capitale pour permet- du comportement alimentaire : facteurs déclen-
tre l’ajustement des apports énergétiques aux dé- chant la consommation, déterminants de la taille
penses. Chez l’animal, différents traitements chi- des repas, facteurs d’inhibition de la prise alimen-
miques (perfusion d’insuline) ou chirurgicaux taire entre deux épisodes de consommation. Des
(lésion de l’hypothalamus ventromédian) qui font études réalisées chez l’homme et chez l’animal
disparaître l’inhibition de la prise alimentaire en seront citées, concernant surtout le sujet normo-
phase circadienne d’inactivité, de telle sorte que pondéral. Les particularités du comportement de
l’animal mange aussi bien le jour que la nuit, indui- l’obèse ne seront pas approfondies car elles deman-
sent rapidement l’obésité. Chez l’homme, un syn- deraient des développements dépassant le cadre
drome de consommation nocturne (« night eating de ce chapitre. Pour la même raison, les troubles du
syndrome »), accompagné d’insomnie et d’ano- comportement alimentaire (anorexie, boulimie,
rexie matinale, a été observé chez des patients etc.) ne seront pas discutés.
obèses.5 Il semble préexister au développement de
l’obésité et pourrait y contribuer significative-
ment. Signal de la faim
La périodicité prandiale soulève la question du
ou des facteurs qui, périodiquement, déclenchent La nature du stimulus métabolique déclenchant le
la consommation. L’une des approches les plus repas a donné lieu, depuis plus de 50 ans, à de
précoces adoptées pour répondre à cette question nombreuses hypothèses fondées sur la notion de la
a consisté à étudier les corrélations existant entre participation de la prise alimentaire à l’homéosta-
la taille des repas et la durée des intervalles sans sie de l’organisme, et donc au rétablissement d’un
manger qui précèdent (corrélations préprandiales) paramètre physiologique régulé. Selon la théorie
ou qui suivent le repas (corrélations postprandia- « thermostatique » proposée par Brobeck,6 la sé-
les). Selon les travaux classiques de Le Magnen,2 au quence des prises alimentaires découle de la pro-
cours de la phase d’activité et en situation d’accès duction et des pertes de chaleur chez l’animal, de
libre à l’aliment, aucune corrélation n’existe entre telle sorte que l’action dynamique spécifique de la
la taille d’un repas et la durée de l’intervalle sans ration, davantage que son énergie chimique, déter-
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mine la consommation. Cette hypothèse, soutenue consommation s’arrête puis une nouvelle période
par des observations anciennes, ne rend pas de satiété commence. L’homéostasie, la constance
compte de l’ensemble des comportements. Mayer, du milieu intérieur est ainsi défendue. Les cycles
dès 1953, a proposé une théorie « glucostatique » faim/satiété induisent le caractère récurrent du
expliquant la séquence alimentaire par les varia- comportement alimentaire. Les corrélations post-
tions de la disponibilité cellulaire de glucose prandiales sont l’articulation centrale de la théorie
détectée par des sites cérébraux glucosensibles.7 proposée par Le Magnen pour expliquer la com-
Conformément à cette hypothèse, une baisse subs- mande de la prise alimentaire.
tantielle des concentrations plasmatiques de glu- Or, l’existence et la force de telles corrélations
cose stimule la faim et des infusions de glucose sont controversées et de très nombreuses études,
augmentent la satiété ressentie par l’homme. Les qui n’ont pas retrouvé ces corrélations, ont mis en
contractions gastriques associées à l’hypoglycémie doute la généralité des mécanismes pré- ou post-
ont longtemps été considérées comme les causes de prandiaux comme facteurs déterminant la consom-
la faim.8 mation. Si les corrélations postprandiales peuvent
La baisse de la disponibilité cellulaire de glu- apparaître chez des animaux isolés, confinés dans
cose, reflétée par une baisse modeste de la glycé- de petites cages, elles disparaissent lorsque la cage
mie, a été proposée comme le signal de la faim, est plus grande ou plus complexe (présence d’une
c’est-à-dire comme le stimulus systémique déclen- roue d’exercice, proximité d’autres animaux).12
chant la prise alimentaire.2 Une baisse transitoire Les travaux de Collier12 ont établi que, lorsque
de faible amplitude (10-15 mg/dl) de la glycémie l’animal doit travailler pour obtenir l’accès à la
précède le déclenchement des repas chez des rats nourriture, une augmentation du prix de cet accès
de laboratoire.9 Il s’agit d’un signal du tout ou rien, s’accompagne d’une diminution de la fréquence
qui déclenche le repas mais qui n’en détermine pas des repas, avec une augmentation compensatrice
la taille. Une infusion de glucose continue, qui de leur taille, de telle sorte que la ration quoti-
élimine ces fluctuations modestes, empêche le dé- dienne totale est maintenue. Cet effet puissant
clenchement du repas. Ces fluctuations de glycé- apparaît chez toutes les espèces étudiées : rat,
mie sont précédées d’un pic de concentration plas- poulet, chat, geai bleu, cobayes, agoutis, etc. Des
matique d’insuline. L’on peut déclencher un désir animaux diurnes (poulets) deviennent des consom-
de repas chez un animal rassasié en administrant de mateurs nocturnes lorsque l’aliment est moins
petites doses d’insuline. Chez l’homme, les mêmes « cher » la nuit que le jour, ou inversement (rats).
fluctuations modestes de la glycémie ont été rap- Lorsque le coût d’acquisition de l’aliment varie
portées avant le début d’un repas.10 Il paraît donc d’un jour à l’autre, les rats exploitent la prédicti-
certain que la glycémie et les changements du bilité de la disponibilité alimentaire et se nourris-
métabolisme du glucose jouent un rôle important sent surtout le jour où l’aliment est bon marché,
dans les mécanismes de commande de la prise diminuant leur consommation les jours où il est
alimentaire. cher.13 Les animaux dans de telles conditions ne
Un mécanisme « lipostatique », selon l’hypo- subissent pas de privation physiologique significa-
thèse initialement proposée par Kennedy,11 module tive car les longs intervalles interprandiaux dictés
les mécanismes de contrôle de la prise alimentaire par la disponibilité de l’aliment sont anticipés par
en fonction de l’état des réserves adipeuses corpo- de grands repas. La régulation du bilan d’énergie
relles. Cette hypothèse a été confirmée par les est assurée à long terme par l’adaptation du com-
recherches récentes sur l’action de l’insuline et de portement alimentaire aux conditions « économi-
la leptine dans le système nerveux central. ques » de l’environnement.

Corrélations prandiales et homéostasie Appétit « provisionnel »

Les corrélations postprandiales démontrées par les Le caractère « provisionnel »14 de la prise alimen-
travaux de Le Magnen suggèrent une explication taire a été souligné aussi bien par les physiologistes
simple des rythmes prandiaux : les signaux post- que par les éthologistes. La consommation de la
ingestifs qui accompagnent la digestion et l’absorp- période nycthémérale d’activité anticipe le jeûne
tion d’un repas reflètent la teneur énergétique de relatif de la période d’inactivité qui suit ; des rats
ce repas. Lorsque la dépense énergétique qui suit le de laboratoire habitués à anticiper une longue pé-
repas correspond à l’énergie ingérée au cours du riode de privation d’accès à la nourriture à la suite
repas, un signal métabolique (une baisse de glycé- d’un repas nocturne apprennent à manger suffisam-
mie) est émis qui détermine le déclenchement du ment au cours du repas précédent pour ne pas avoir
repas suivant. Lorsque l’animal est rassasié, la faim jusqu’au rétablissement de l’accès à l’ali-
Faim et satiété, contrôle de la prise alimentaire 183

ment ; les hibernants constituent des réserves ments exerce un effet suppresseur différent sur la
d’énergie corporelles avant l’hibernation. Lorsque prise alimentaire subséquente. Les protéines ont
la disponibilité de la nourriture le permet, l’animal l’effet inhibiteur le plus puissant, qui dépasse leur
constitue des réserves en anticipation des dépenses contribution à l’apport énergétique total ; inverse-
énergétiques futures. La prise alimentaire n’inter- ment les lipides induisent peu de satiété.19 L’inten-
vient pas pour corriger un manque, mais pour anti- sité de la faim déclarée par le volontaire au début
ciper un besoin. du repas est corrélée faiblement à la taille du
repas.15
Rythme des repas chez l’homme Les travaux réalisés par la méthode du semainier
alimentaire montrent que, chez l’homme, les cor-
Chez l’homme, le rythme quotidien des repas s’ins- rélations entre taille et durée des repas, bien que
crit dans un contexte socioculturel donné. On peut statistiquement significatives, n’expliquent qu’une
donc s’attendre à une organisation des rythmes faible proportion de la variance des composantes
alimentaires différente de celle des rats de labora- de la prise alimentaire. Ils révèlent également l’im-
toire ayant un accès continu à leur aliment. Les portance de facteurs non physiologiques : l’un des
séquences prandiales ont été étudiées par la mé- facteurs les plus déterminants de la taille des repas
thode dite du « semainier alimentaire », dévelop- est le nombre de convives qui le partagent.20 Cette
pée par de Castro.15 Des corrélations préprandiales observation est confirmée pour tous les types de
ont été révélées par les premiers travaux réalisés repas (petits déjeuners, déjeuners, dîners, colla-
chez des volontaires nord-américains, suggérant tions, repas sans alcool ou avec alcool, repas pris
que l’homme ajuste la taille de ses repas en fonc- chez soi ou à l’extérieur, etc.).
tion de l’intervalle sans manger qui précède le
repas. Des études plus récentes, incluant des volon- Événements préprandiaux
taires européens,16 ont montré que des corrélations et prise alimentaire
postprandiales significatives peuvent aussi apparaî-
tre montrant, comme chez l’animal, que la durée Chez l’homme, les variations de l’état de faim au
de l’intervalle sans manger qui suit un repas varie début du repas affectent la taille et la durée des
avec la taille des repas. Des rythmes circadiens repas15,21 et l’appétibilité des aliments. Le plaisir à
clairs apparaissent quant à la taille des repas et à goûter des solutions sucrées est plus grand chez des
leur composition nutritionnelle. Les repas plus tar- sujet à jeun que chez ces mêmes personnes après
difs sont plus abondants et plus riches en lipides. l’administration d’une charge de glucose : ce phé-
Des pics de consommation sont atteints au moment nomène appelé « alliesthésie négative » souligne le
du déjeuner et du dîner, reflétant les contraintes changement de la dimension hédonique de la per-
sociales. Une analyse des rythmes d’ingestion dans ception alimentaire attribuable au changement
une population de sujets français normopondéraux d’état interne.22 Chez l’animal, le goût pour les
a fait apparaître, à côté de la consommation des aliments salés augmente après une privation de
trois repas traditionnels, un comportement de sel.23 Un tel effet n’est pas retrouvé systématique-
consommation hors des repas (collations) chez la ment chez l’homme. Chez l’homme en effet, le
plupart des gens, presque tous les jours.17 La ration facteur décisif qui détermine le goût pour le salé
énergétique des jours avec collations n’est pas semble être l’exposition périnatale à une perte
différente de celle des jours sans collations, indi- hydrominérale.24 C’est ainsi qu’un besoin éprouvé
quant que les collations sont intégrées dans la dans un passé relativement lointain détermine
ration énergétique habituelle et ne sont pas source l’appétit présent pour le salé. L’appétit qui se
d’hyperphagie. De telles consommations hors repas manifeste en l’absence de besoin pourrait avoir un
apparaissent ainsi comme différentes du « grigno- intérêt vital pour l’organisme, en empêchant le
tage », défini comme un comportement automati- besoin d’apparaître. Cette notion correspond au
que de petites quantités de nourriture, dont le concept « d’allosthasie »25 qui complète celle d’ho-
mangeur a à peine conscience, qui peut se prolon- méostasie en y intégrant la notion d’anticipation et
ger pendant plusieurs heures et aboutir à une im- de prédispositions comportementales à répondre
portante augmentation de la ration énergétique ; aux stimuli alimentaires en l’absence de besoin.
un tel comportement a été décrit chez les obèses.18 Un effet d’amorce peut être induit par la stimu-
Le pouvoir satiétogène (apprécié par le « quo- lation sensorielle (gustative, olfactive, visuelle) par
tient de satiété », c’est-à-dire la durée de non- l’aliment avant le début du repas qui fait augmen-
consommation qui suit un repas divisée par le ter la consommation lorsque l’aliment devient dis-
contenu énergétique du repas) est plus grand le ponible.26 La stimulation sensorielle par l’aliment
matin que le soir. L’ingestion des trois macronutri- avant le début de l’ingestion induit ce que l’on a
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appelé la « phase céphalique de la digestion ».27 La tamment dans le cortex. Ces propriétés sensorielles
stimulation des récepteurs céphaliques (de la tête) ne sont pas strictement associées à un contenu
par l’aliment induit de multiples réponses associées énergétique et nutritionnel.
à la digestion : salivation, sécrétion de sucs gastri- Les caractéristiques sensorielles de l’aliment ou
ques et d’hormones, en particulier d’insuline. Les des aliments proposés au cours d’un épisode ali-
réponses induites pendant la phase céphalique sont mentaire affectent la taille de celui-ci de façon
parfois plus amples lorsque l’aliment est directe, par le caractère agréable (chez l’homme le
meilleur.28 Il n’est pas certain cependant que les plaisir évoqué) de l’aliment et de façon indirecte,
réflexes de la phase céphalique aient un effet par le jeu d’un mécanisme de conditionnement de
direct sur la prise alimentaire. type pavlovien. Chez l’animal les facteurs senso-
Les cotations des sensations de faim par échelles riels ont un impact majeur sur les consommations.
analogiques visuelles (EAV) sont augmentées avant Lorsqu’ils ont le choix entre plusieurs solutions
le repas par la présentation visuelle d’un aliment sucrées, les rats préfèrent la plus concentrée.31 Les
agréable.29 Dans un même ordre d’idées, lorsque solutions de saccharine sont avidement ingérées.
des aliments très agréables sont consommés,30 l’in- Les aliments riches à la fois en sucres et en lipides
tensité de la sensation de faim augmente au tout sont particulièrement attirants et induisent une
début du repas, avant de diminuer à la suite de nette surconsommation chez l’animal.32 Chez
l’ingestion. l’homme comme chez l’animal, une amélioration
des qualités organoleptiques de l’aliment, de son
appétibilité (la « palatabilité » des Anglo-Saxons),
Déterminants de la taille des repas induit une augmentation de la taille des repas, de
leur durée et des modifications de la microstruc-
Une fois le repas commencé, la quantité de nourri- ture des repas, en particulier une accélération de la
ture ingérée jusqu’au rassasiement (c’est-à-dire vitesse d’ingestion (mastication réduite, pauses
l’arrêt spontané de la consommation) dépend de plus courtes pendant le repas, etc.).21 Les différen-
très nombreux facteurs. Le rassasiement survient ces d’appétibilité des aliments ont pour origine un
avant que la digestion, l’absorption et l’utilisation petit répertoire de réponses innées et surtout l’ex-
métabolique des nutriments provenant des ali- périence alimentaire de chacun.
ments ingérés ne soient terminées. Cette observa-
tion indique que l’arrêt du repas est commandée Réponses d’orientation innées
par un ensemble de signaux générés au moment
même de l’ingestion et anticipant les effets nutri- Dès sa naissance, avant toute expérience alimen-
tionnels du repas. Ces signaux sont de nature sen- taire, le nouveau-né humain (comme celui de nom-
sorielle, gastrique, nerveuse et hormonale. Les si- breuses espèces animales) manifeste une accepta-
gnaux sensoriels, émanant de l’aliment, exercent tion d’une goutte de liquide sucré déposée sur la
d’abord une influence stimulante sur l’ingestion, langue. Les récents progrès de l’imagerie médicale
puis une action inhibitrice. Des signaux nerveux et ont permis de constater qu’au cours du dernier
hormonaux informent le cerveau de l’arrivée des trimestre de la grossesse, alors que les bourgeons
nutriments dans le tractus gastro-intestinal (TGI) et du goût sont fonctionnels, le fœtus déglutit plus
induisent une inhibition croissante au cours de l’in- rapidement si le liquide amniotique est rendu sucré
gestion qui finit par faire cesser la consommation. par une administration de glucose à la mère. Le
nouveau-né humain, avant toute expérience ali-
Facteurs sensoriels mentaire rejette violemment une goutte de liquide
amer déposée sur sa langue et, de façon moins
De nombreuses dimensions sensorielles détermi- spectaculaire, rejette aussi une goutte de liquide
nent l’acceptabilité des aliments : l’arôme et le acidulé.
goût d’abord (qui composent la « flaveur » de Les « réflexes gustofaciaux », mimiques stéréo-
l’aliment), la texture, la température, la stimula- typées induites par ces stimuli gustatifs simples,
tion trigéminale (qui signale le piquant, l’astrin- ont été bien documentés.33 Ces réponses sont uni-
gent), l’aspect visuel et même la stimulation audi- verselles, retrouvées chez tous les nouveau-nés, et
tive (le croquant, le croustillant). Ce que l’on même chez des enfants anencéphales ou hy-
appelle couramment le « goût de » l’aliment cor- drocéphales, quel que soit le régime alimentaire de
respond non seulement au message des récepteurs leur mère pendant la grossesse. Des facteurs géné-
gustatifs situés dans la cavité orale, mais égale- tiques modulent la sensibilité à l’amertume.34
ment à l’ensemble des messages sensoriels éma- Dans le domaine olfactif, des réponses très pré-
nant de l’aliment, et intégrés par le cerveau no- coces existent également.35 La chimiosensorialité
Faim et satiété, contrôle de la prise alimentaire 185

nasale est fonctionnelle chez le fœtus en fin de Il a été particulièrement étudié chez des patients
gestation. Le nouveau-né est attiré par l’odeur du cancéreux exposés à des traitements de chimio- ou
liquide amniotique. L’odeur de la mère est recon- de radiothérapie susceptibles d’induire des nausées
nue par l’enfant nouveau-né qui y répond par des ou des vomissements. Cet effet des traitements
mouvements de la bouche (ouverture, protrusion anticancéreux pourrait accentuer la perte d’appé-
des lèvres, mâchonnements) et de la langue (lé- tit chez ces patients. Il a donc été proposé, avec un
chage, succion). L’alimentation de la mère pendant certain succès, d’exposer les patients à un aliment
la grossesse affecte les réponses du nouveau-né : inhabituel, qui puisse servir de « bouc émissaire »,
les enfants de mères ayant consommé de l’ail au avant leurs séances de thérapie, de telle sorte que,
cours de la grossesse montrent une moindre aver- en cas d’apparition de trouble digestif et d’aversion
sion à l’odeur du sulfure d’allyle au cours du pre- alimentaire, cette aversion s’oriente vers l’aliment
mier jour après la naissance ; inversement, les inhabituel et ne diminue pas l’appétit pour les
enfants de mères consommatrices d’anis en fin de aliments courants.37
gestation manifestent une acceptation de l’odeur
de l’anethole plus grande que les enfants qui n’y Rassasiement conditionné
ont pas été exposés. Dès 1972, Booth38 a établi qu’après quelques jours
d’exposition, des rats apprennent à boire plus
Apprentissage alimentaire d’une solution de glucides diluée (10 %), marquée
arbitrairement d’une flaveur A, que d’une solution
L’enfant dispose donc à la naissance d’un petit plus concentrée (50 %), marquée d’une flaveur B,
répertoire de réponses d’acceptation ou de rejet de telle sorte que leurs besoins énergétiques soient
induites par les stimuli gustatifs ou olfactifs. À l’âge couverts. Lorsqu’ils sont ensuite nourris avec une
adulte, la diversité interpersonnelle des goûts et solution de concentration intermédiaire (30 %),
aversions alimentaires est immense. La question mais de flaveur A ou B, les animaux consomment
est donc de savoir comment ce répertoire inné, plus de l’aliment à flaveur A que de l’aliment à
identique chez tous les nouveau-nés, évolue en une flaveur B. Ils ont appris que la flaveur B a un pouvoir
extrême diversité. La réponse se trouve évidem- rassasiant plus élevé que la flaveur A. Cette ré-
ment dans l’expérience alimentaire de chaque ponse différentielle apprise disparaît (s’éteint) ra-
mangeur, dans un contexte culturel, social et éco- pidement lorsque les flaveurs A et B ne sont plus
nomique donné. Par l’ingestion, le « goût de » associées à des SNC différents. Des mécanismes
l’aliment (plus exactement l’ensemble de ses ca- similaires ont été mis en évidence chez l’enfant39
ractéristiques organoleptiques) va permettre l’éla- et chez l’homme adulte.40
boration du « goût pour » l’aliment, autrement dit
l’appétibilité spécifique de l’aliment pour un man- Préférences conditionnées
geur donné. On connaît depuis longtemps chez l’animal les « ap-
L’expérience des effets métaboliques consécu- pétits spécifiques » qui apparaissent pour les
tifs à l’ingestion d’un aliment aux caractéristiques aliments, marqués par une trace odorante, suscep-
sensorielles particulières induit un apprentissage, tibles de corriger une carence induite expérimen-
un conditionnement, qui affecte le comportement talement (par exemple41). Des appétits spécifiques
du mangeur lorsqu’il se trouve de nouveau en ont également été observés chez l’homme.42 La
contact avec cet aliment. Plusieurs types de répon- consommation d’aliments déficients en protéines
ses peuvent ainsi être apprises par ce même méca- augmente l’appétit spécifique pour les aliments
nisme biologique qui associe les caractéristiques riches en protéines.43 Les appétits spécifiques sont
sensorielles de l’aliment (le stimulus conditionné des exemples de préférences acquises par des su-
ou SC) aux conséquences nutritionnelles de l’inges- jets en état de manque ou de besoin nutritionnel
tion de cet aliment (le stimulus non conditionné, ou spécifique.
SNC). Chez l’animal de laboratoire, la mise au point
d’une préparation appelée « œsophage électroni-
Aversion alimentaire conditionnée que »44 a permis de différencier le rôle des facteurs
Elle est bien documentée.36 Lorsque l’ingestion sensoriels et celui des facteurs nutritionnels postin-
d’un aliment aux caractéristiques sensorielles par- gestifs dans le développement des préférences ali-
ticulières est suivie d’un malaise digestif, une aver- mentaires. Ce dispositif permet de proposer à l’ani-
sion puissante et durable apparaît après une seule mal différents aliments à la flaveur distinctive,
association de l’aliment avec ces conséquences di- dont l’ingestion est ad libitum, et de lui administrer
gestives. Chez l’homme, ce mécanisme fait partie parallèlement via un cathéter intragastrique (IG)
de l’expérience alimentaire de la plupart des gens. ou intraduodénal (ID) un aliment qui peut être le
186 F. Bellisle

même ou un autre que celui qui est ingéré par la tions très concentrées (> 30 %) alors qu’une accep-
bouche. On peut ainsi faire varier le goût de l’ali- tation conditionnée résulte de l’infusion de solu-
ment tout en maintenant constante la charge qui tions plus diluées (6-16 %). Comme le rassasiement
atteint l’estomac ; inversement, pour un même conditionné, l’acceptation conditionnée s’éteint
aliment aux caractéristiques sensorielles données, rapidement après que le SC+ n’est plus accompagné
on peut faire varier les événements postingestifs. de l’infusion représentant le SNC.
Ce paradigme fait apparaître qu’à apport nutri- L’ingestion alimentaire semble donc générer des
tionnel constant, l’amélioration de la flaveur (par effets post-ingestifs de sens opposé : d’une part des
l’addition de saccharine par exemple) stimule la signaux positifs récompensants qui conditionnent
consommation. Inversement, l’acquisition d’une une augmentation de la préférence et parfois de
préférence pour une flaveur donnée peut être mo- l’acceptation, et d’autre part des signaux de rassa-
dulée par l’infusion IG (ou ID, ou même intravei- siement, qui inhibent la consommation et qui dimi-
neuse) de différents nutriments (glucose, maltose, nuent la préférence pour l’aliment ingéré. Lorsque
saccharose, maltodextrines, caséine, huile de l’aliment est une source concentrée de nutriments,
maïs, éthanol, lait) au moment de la consommation les effets inhibiteurs, négatifs, surpassent les ef-
orale. Lorsque l’animal a le choix entre un aliment fets positifs, conduisant l’animal non pas à préférer
dont la flaveur distincte a été associée à l’infusion mais à éviter l’aliment.49
de nutriment et le même aliment présentant une Le rassasiement et les préférences conditionnés
flaveur différente associée à une infusion d’eau, il sont médiés par des mécanismes distincts :50 la
consomme plus largement du premier que du se- désafférentation viscérale induite par la capsaï-
cond. Des préférences peuvent être ainsi créées cine, ou la vagotomie, supprime le rassasiement
pour des flaveurs qui sont aversives à l’origine conditionné mais non la préférence conditionnée
(amères ou acides), aussi bien chez l’animal nourri par infusion de nutriments. L’intégration centrale
ad libitum que chez l’animal en privation alimen- des signaux oraux et postoraux qui modulent l’ap-
prentissage des préférences alimentaires implique
taire. Cependant le déficit énergétique ou le défi-
le noyau parabrachial, l’hypothalamus latéral et
cit spécifique (d’un nutriment particulier) peut fa-
l’amygdale. Le rôle crucial des systèmes dopami-
ciliter l’apprentissage.45 Ces préférences sont
nergiques dans ces apprentissages a été démontré
extrêmement résistantes à l’extinction ; par exem-
alors que celui des systèmes opioïdergiques semble
ple des rats non privés ayant appris à préférer une
limité.
flaveur SC+ (associée à une infusion de polycose) à
une autre flaveur SC- (associée à une infusion Caractéristiques organoleptiques
d’eau), continuent à préférer la flaveur SC+ pen- et consommation
dant des semaines après que la flaveur SC+ n’est
plus accompagnée de l’infusion.46 Chez l’animal, des altérations du goût de l’aliment
Chez des enfants auxquels on offre des yaourts (ajout de quinine, d’épices etc.) ou son édulcora-
de densité énergétique différente et marqués tion (par des édulcorants intenses) sont un moyen
d’une flaveur distincte, on observe l’établissement simple de manipuler l’appétibilité de l’aliment ;
d’une préférence pour la flaveur arbitrairement ces opérations ont un effet prévisible sur la
associée au yaourt de plus forte densité énergéti- consommation (taille, durée des repas, vitesse
que.47 d’ingestion) qui est la principale mesure de la sti-
mulation à manger. Chez l’homme, on peut certes
Acceptation conditionnée mesurer la consommation après la présentation
En plus de conditionner la préférence pour une d’aliments aux caractéristiques sensorielles variées
flaveur par rapport à une autre, la technique de et déduire l’appétibilité à partir des paramètres de
l’infusion de nutriments par l’œsophage électroni- la consommation, mais on peut aussi demander aux
que peut aussi faire augmenter la consommation, sujets jusqu’à quel point ils apprécient l’aliment
en valeur absolue, d’un aliment donné. Par exem- qui leur est proposé. Pour ce faire, on utilise des
ple, l’infusion de glucides peut faire augmenter instruments tels que les échelles analogiques vi-
considérablement l’ingestion d’une solution de sac- suelles (EAV) ou des échelles comportant un nom-
charine aromatisée, et même celle d’une solution bre fixe de niveaux (7 ou 9 par exemple), qui
au goût amer ou acidulé.48 Cependant, cet effet permettent au volontaire de donner une apprécia-
n’est pas toujours observé. L’infusion IG ou ID de tion du caractère agréable d’un aliment dont il
nutriments peut soit faire augmenter (acceptation vient de goûter un échantillon. Ces mêmes instru-
conditionnée), soit faire diminuer (rassasiement ments servent aussi à coter l’intensité de sensa-
conditionné) l’ingestion de l’aliment SC : un effet tions telles que la faim, l’envie de manger, la
de satiété conditionnée est obtenu avec des solu- réplétion gastrique, la satiété, etc.
Faim et satiété, contrôle de la prise alimentaire 187

Il existe une bonne corrélation entre les cota- Variété des aliments
tions du caractère agréable d’un aliment et la
quantité de cet aliment que le même volontaire Le concept du RSS a pour corollaire que la variété
consomme librement au cours d’un repas.21 Il des sensations alimentaires au moment d’un repas
existe même une relation linéaire entre les diffé- stimule la consommation. La variété des aliments
rences d’appréciation de la valeur hédonique de présentés simultanément ou successivement au
différents produits et les différences de la taille des cours d’un repas stimule l’appétit et induit une
repas.51 Meilleure est l’appréciation de l’aliment, augmentation de la consommation totale aussi
plus la durée du repas s’allonge, et plus la vitesse bien chez l’animal de laboratoire que chez
d’ingestion augmente.21 l’homme.21,56,57 Différentes dimensions sensoriel-
les sont susceptibles, par leur variété, de produire
Rassasiement sensoriel spécifique cet effet : couleur, forme, flaveur, texture. Par
exemple, la consommation augmente de 14 % au
Lors de l’ingestion d’un repas, le caractère agréa- cours d’un repas de pâtes si les pâtes sont présen-
ble de l’ingestion d’un aliment diminue à mesure tées sous trois formes différentes, plutôt qu’une
qu’il est consommé ; si l’aliment est consommé seule.
jusqu’au rassasiement, le plaisir à manger cet ali- Cependant, les repas dont le volume (et le
ment devient nul. Cependant des aliments non contenu énergétique) augmente sous l’effet de la
consommés présentant des caractéristiques senso- variété ne sont pas suivis d’une augmentation de la
rielles différentes demeurent appétissants et peu- satiété. Lorsque des volontaires sont exposés pen-
vent stimuler la consommation. Ce phénomène, dant 7 jours à une alimentation très variée, leur
appelé « rassasiement sensoriel spécifique » (RSS), prise alimentaire augmente significativement, mais
ou « sensory specific satiety », dans les termes des sans changement des sensations de faim.58
chercheurs qui l’ont mis en évidence,52 démontre Le RSS est le plus souvent étudié dans le contexte
que l’activité sensorielle de l’aliment, outre l’effet d’un repas. Son devenir au-delà du repas est moins
stimulant initial de la consommation, exerce une bien connu. Une forme de RSS à long terme a
activité rassasiante au cours de son ingestion qui cependant été documentée chez des réfugiés
est spécifique de ses caractéristiques sensorielles. éthiopiens nourris avec les mêmes rations de survie
La contribution de la dimension olfactive à cet pendant des mois. Ces réfugiés ont développé un
effet a été bien étudiée. Le caractère agréable de rejet pour leur aliment monotone, pourtant com-
l’arôme d’un aliment mangé jusqu’au rassasiement plet sur le plan nutritionnel.59
diminue comparé à d’autres arômes alimentaires, Le RSS semble un mécanisme avantageux dans le
alors que la perception de l’intensité de cet arôme contexte de l’évolution naturelle, car il prédispose
n’est pas significativement modifiée.53 Lorsque des l’animal à consommer une variété d’aliments
sujets mâchent sans avaler, ou flairent l’arôme lorsqu’ils sont disponibles. Dans les sociétés déve-
d’un aliment pendant une période équivalente à la loppées cependant, ce mécanisme biologique pour-
durée d’un repas, le RSS apparaît, ce qui confirme rait stimuler l’hyperphagie et favoriser le dévelop-
que le RSS ne dépend pas de la présence d’aliments pement de l’obésité.
dans le tractus gastro-intestinal.
Au cours d’un repas, l’accumulation progressive
Le RSS se développe au cours de l’ingestion mais
d’aliments dans l’estomac limite l’hyperphagie due
n’augmente pas après le repas.54 Les signaux post-
à la variété.
ingestifs n’y jouent donc aucun rôle. Le contenu
énergétique ou nutritionnel n’influence pas le RSS,
mais le volume ou le poids d’aliment ingéré sont Régime « cafétéria »
importants. À contenu énergétique constant, un
plus grand volume d’aliment induit une diminution Des études chez l’animal ont confirmé que la dispo-
du plaisir à consommer l’aliment et augmente le nibilité de plusieurs aliments agréables (le régime
RSS. Inversement, à volume constant, les variations « cafétéria »), induit l’obésité.57,60 Sous un tel
du contenu énergétique ou nutritionnel n’ont régime, les rats de laboratoire gagnent trois fois
aucun effet.55 plus de poids sur 65 jours que des témoins nourris
Le RSS est différent du phénomène d’alliesthésie avec l’aliment standard.60 L’accès à une roue
négative :22 le goût d’une solution sucrée devient d’exercice limite la prise de poids mais ne l’empê-
moins agréable après l’administration d’une charge che pas. En situation de cafétéria, les rats ne
de glucose à cause de la stimulation postingestive consomment que très peu de leur aliment standard
des chimiorécepteurs du TGI par le glucose. de laboratoire, nutritionnellement complet.
188 F. Bellisle

Déterminants neuroendocriniens La ghréline est un peptide produit par l’estomac


de l’appétit et du rassasiement dont l’effet est orexigène. Le contenu de l’estomac
en ghréline culmine avant le repas, s’effondre
après pour remonter progressivement jusqu’au pro-
Principales abréviations chain repas. L’injection de ghréline stimule la prise
alimentaire. Des neuropeptides hypothalamiques,
AA : acides aminés les orexines A et B, paraissent jouer un rôle dans la
AGL : acides gras libres stimulation de l’appétit en réponse à une privation
AgRP : agouti related peptide nutritionnelle prononcée. La galanine pourrait sti-
CCK : cholécystokinine muler préférentiellement l’ingestion de lipides. Les
CRF : corticotropin releasing factor hormones gonadales stéroïdiennes (androgènes,
DA : dopamine œstrogènes, progestérones) modulent la consom-
GIP : polypeptide insulinotropique glucose- mation alors que certaines cytokines produites en
dépendant réponse à la stimulation du système immunitaire
GLP-1 : glucagon-like peptide 1 (interleukine-1a, interleukine-1b, interleukine-6,
GRP : gastric releasing peptide TNFa) diminuent la prise alimentaire.
NPY : neuropeptide Y
NST : noyau du tractus solitaire
POMC : pro-opiomélanocortine Satiété
PYY 3-36 : peptide YY 3-36
5-HT2c : sérotonine Comportement et satiété
a-MSH : a-melanocyte stimulating hormone
Chez le rat de laboratoire, une séquence compor-
tementale de satiété a été décrite65 au cours de
Des rats décérébrés sont capables de terminer un laquelle se succèdent une phase de toilettage et
repas aussi bien que leurs congénères intacts.61 Les une phase de repos. Cette séquence est un mar-
structures du tronc cérébral sont donc suffisantes queur sensible de l’influence de manipulations nu-
pour contrôler le volume et la durée d’un repas ; tritionnelles, comme la privation de nourriture (qui
au-delà du tronc cérébral, des structures de l’hypo- retarde la séquence) ou d’administration de nour-
thalamus répondent au statut métabolique de l’or- riture (qui l’accélère), de même que de celle
ganisme et modulent le comportement alimentaire d’agents pharmacologiques affectant la motivation
afin de restaurer une homéostasie énergétique.62 à manger. Chez l’homme, le repas est suivi d’une
L’ingestion d’aliments induit la réponse des mé- séquence de phénomènes psychologiques et com-
canorécepteurs gastriques et intestinaux. Des chi- portementaux regroupés sous le terme de « cascade
miorécepteurs présents dans le tractus gastro- de la satiété ».66 La Figure 2 représente cette
intestinal (TGI), sensibles à la présence des cascade de la satiété en y juxtaposant les événe-
différents nutriments (sucres, acides gras, pepti- ments physiologiques et métaboliques périphéri-
des) sont également activés.63 Ces signaux nerveux ques, de même que les interactions neurochimi-
sont acheminés via le nerf vague jusqu’au noyau du ques et métaboliques qui se produisent dans le
tractus solitaire (NST) du tronc cérébral où se pro- système nerveux central avant le repas et au cours
duit l’intégration avec les signaux viscéraux,64 puis de la satiété.
projetés jusqu’aux noyaux hypothalamiques. Les L’ingestion d’un repas inhibe la prise alimentaire
propriétés physicochimiques de l’aliment peuvent subséquente. L’intensité de cette inhibition peut
ainsi agir par voie nerveuse pour limiter la taille des être mesurée par la durée de l’intervalle depuis ce
repas. repas jusqu’au déclenchement du prochain repas.
La présence de nutriments dans le TGI stimule la L’observation de corrélations postprandiales sug-
sécrétion de plusieurs substances dans la circula- gère que la durée d’inhibition de la prise alimen-
tion,62,64, en particulier celle de CCK, de GLP-1, et taire après un repas constituerait la meilleure me-
de PYY 3-36, dont les effets de rassasiement sont sure de la satiété. Pourtant, dans bien des études
partiellement médiés par le vague. Un grand nom- réalisées chez l’animal ou chez l’homme, on me-
bre d’autres peptides sont produits au moment du sure la satiété par la réduction de la prise alimen-
repas par l’estomac, l’intestin ou le pancréas : le taire observée à la prochaine occasion de manger.
GRP, le glucagon, le polypeptide pancréatique, Chez l’homme, on peut évidemment évaluer l’in-
l’amyline, l’apolipoprotéine A-IV, l’entérostatine, tensité de la satiété au moyen d’EAV. On sait ainsi
la somatostatine et le GIP. Leur rôle physiologique que la satiété atteint son maximum entre 15 minu-
dans l’inhibition de la prise alimentaire reste à tes et 1 heure après l’ingestion et qu’elle décroît
confirmer ensuite progressivement.67
Faim et satiété, contrôle de la prise alimentaire 189

Figure 2 Cascade de la satiété, selon Blundell, et les événements périphériques et centraux qui y sont associés d’après Helford et
al .88

Nutriments et satiété sent une satiété plus intense, à charge énergétique


égale, que les aliments à fort index glycémique.72
Toutes choses étant égales par ailleurs, la durée et Les lipides infusés dans l’intestin induisent une
l’intensité de la satiété induite par un repas varient forte satiété.73 L’infusion de lipides diminue la
en fonction de la charge énergétique de ce repas. prise alimentaire et ralentit la vidange gastrique.
C’est ce que démontrent les corrélations postpran- Les lipides induisent également la sécrétion de
diales obtenues dans des conditions contrôlées CCK, une hormone considérée comme un puissant
chez l’homme et chez l’animal. Secondairement, à facteur de satiété. Or, les lipides alimentaires ne
charge énergétique égale, les macronutriments suscitent qu’une faible satiété malgré leur charge
produisent des effets différents sur la satiété. Les énergétique élevée.74 Il existe une « insensibilité
protéines induisent la satiété la plus intense et la relative » aux calories apportées par les lipides75
même si les acides gras polyinsaturés exercent une
plus durable.19,68 Des protéines d’origine différen-
activité satiétogène, à court terme, plus puissante
tes (animales ou végétales) produisent une satiété
que les acides gras monoinsaturés ou saturés
à peu près égale.69 Le contenu en protéines de
(consommation réduite dans le reste de la journée,
l’alimentation habituelle joue un rôle modulateur
cotations de faim atténuées).76 En corollaire de ce
de la capacité des protéines à induire la satiété. faible pouvoir satiétogène, les régimes riches en
Le pouvoir satiétogène des glucides varie en lipides favorisent une augmentation de la consom-
fonction de nombreux facteurs sensoriels ou méta- mation énergétique, et sont associés au gain de
boliques. La saveur sucrée caractéristique de nom- poids et même à l’obésité chez l’animal comme
breux aliments glucidiques est un puissant stimu- chez l’homme. Le pouvoir satiétogène relative-
lant de la prise alimentaire. Le fait d’avoir ment faible des lipides pourrait aussi découler du
consommé un aliment sucré et agréable au cours fait que la régulation des bilans protéiques et glu-
d’un repas stimule la reprise de la consommation cidiques est précise et n’autorise que la constitu-
de produits sucrés peu après la fin du repas, indé- tion de réserves corporelles limitées, tandis que
pendamment de son contenu énergétique.70,71 celle du bilan lipidique n’est qu’approximative et
L’impact potentiel d’un tel effet sur la régulation permet une accumulation considérable de réserves
énergétique et le contrôle du poids est inconnu. Les dans le tissu adipeux. Certains auteurs ont égale-
aliments dont l’index glycémique est faible produi- ment souligné que les lipides pourraient exercer
190 F. Bellisle

une satiété non pas plus faible, mais plus tardive teurs, mais cette capacité d’ajuster sa consomma-
que les protides et les glucides, à cause de leurs tion prandiale en fonction des apports antérieurs
effets métaboliques particuliers (ralentissement de semble diminuer avec l’âge et en fonction de fac-
la vidange gastrique, etc.). Cette hypothèse reste à teurs multiples (sexe, dispositions psychologiques,
confirmer. etc.). Il faut ajouter que la faculté de compensa-
Selon plusieurs travaux récents, le facteur déci- tion en fonction des apports antérieurs n’est pas
sif du pouvoir satiétogène d’un aliment ou d’un symétrique selon qu’il s’agisse de compenser pour
repas est sa densité énergétique, c’est-à-dire sa un excès ou un déficit énergétique. La consomma-
charge énergétique par unité de poids ou de vo- tion augmente pour compenser un déficit énergéti-
lume.77 À charge énergétique égale, le volume et que ; à l’inverse, la consommation alimentaire
donc la densité énergétique d’aliments liquides diminue insuffisamment pour compenser un ex-
affectent la satiété,78 même lorsqu’ils sont délivrés cès.82 En général, la réponse d’adaptation à de
au moyen d’un tube nasogastrique, court-circuitant soudains changements de la densité énergétique de
ainsi les influences sensorielles et cognitives79 chez l’aliment est médiocre et le sujet tend à surcon-
des sujets obèses ou normopondéraux : la satiété sommer.
est d’autant plus élevée que la densité est faible.
Alors que dans la vie courante, la densité énergéti- Neuroendocrinologie du contrôle
que des aliments dépend essentiellement de leur à long terme de la prise alimentaire
teneur en eau et en lipides, en laboratoire, on peut
élaborer des aliments dont la densité peut être Conformément à l’hypothèse « lipostatique » pro-
indépendante de la teneur en lipides ; on peut ainsi posée dès 1957 par Kennedy,11 les événements
vérifier que c’est bien la densité énergétique et neuroendocriniens qui président à court terme au
non pas le contenu lipidique qui affecte la satiété. déclenchement et à l’arrêt d’un épisode alimen-
Lorsque des volontaires sont exposés pendant taire sont modulés par des facteurs endocriniens
14 jours à des régimes à teneur en lipides variable reflétant l’état des réserves adipeuses de l’orga-
(20 %, 40 % ou 60 %) mais de densité énergétique nisme, afin de favoriser l’homéostasie énergétique
identique, les rations énergétiques quotidiennes à long terme, et donc la stabilité du poids corporel.
sont semblables et le poids des sujets reste sta- De nombreuses études ont confirmé le rôle de
ble.80 Le déficit de satiété des lipides pourrait donc l’insuline cérébrale comme modulateur à long
découler de ce qu’ils contiennent beaucoup d’éner- terme de la motivation à manger.64 Des récepteurs
gie dans de petites quantités d’aliments. Un tel à l’insuline ont été identifiés dans des régions du
mécanisme a été évoqué pour expliquer la « surcon- cerveau impliquées dans le contrôle de la prise
sommation passive »81 induite par les régimes hy- alimentaire, dont le noyau arqué de l’hypothala-
perlipidiques : le mangeur a l’impression de manger mus. L’insuline périphérique est transportée à tra-
peu, car il n’ingère qu’un petit volume d’aliments ; vers la barrière hématocérébrale par un mécanisme
toutefois ses ingesta énergétiques sont élevés. de transport actif. Le niveau de l’insuline cérébrale
reflète l’état des réserves énergétiques de l’orga-
Paradigme de la « précharge » nisme. L’action centrale de l’insuline potentialise
l’effet anorexigène de la CCK. L’ingestion de lipi-
Un très grand nombre d’études expérimentales ont des, qui n’induit pas d’insulinosécrétion, diminue
examiné la taille du repas qui suit l’administration le transport d’insuline dans le cerveau, ce qui pour-
d’une précharge d’aliment solide ou liquide par rait favoriser l’hyperphagie et l’obésité associées
voie orale, avec des délais variables entre ces deux aux régimes hyperlipidiques.
événements. Le problème de la « compensation » Un autre facteur hormonal agit comme régula-
pour une prise énergétique antérieure est com- teur à long terme de la masse grasse corporelle. Il
plexe. La majorité des études suggèrent, au mieux, s’agit de la leptine, hormone découverte en 1994,83
un ajustement imparfait de la taille du repas ad qui est sécrétée par le tissu adipeux lui-même en
libitum qui suit l’administration d’une précharge proportion de la masse grasse. La leptine, comme
alimentaire fixe. La consommation libre au cours l’insuline, inhibe l’activité des neurones dans le
d’un repas est parfois diminuée à la suite de l’in- noyau arqué paraventriculaire de l’hypothalamus
gestion d’une précharge, mais rarement de façon basomédian. Ces neurones produisent le NPY et
exacte et les apports additionnés de la précharge et l’AgRP, substances orexigènes.
du repas sont le plus souvent supérieurs à ceux de Des mutations génétiques responsables de l’ab-
repas consommés dans les mêmes conditions mais sence de leptine ou de son récepteur sont à l’ori-
non précédés de précharge. Les enfants et les gine d’obésités massives chez l’animal et chez
adolescents sont parfois d’excellents compensa- l’homme. Ces anomalies ne concernent cependant
Faim et satiété, contrôle de la prise alimentaire 191

qu’un très petit nombre de cas d’obésité hu- comme structure d’entrée des signaux émanant du
maine.84 TGI et relayés à l’hypothalamus (Fig. 2).
Alors que l’administration de leptine à des pa- Dans le noyau arqué, les signaux périphériques
tients obèses qui en sont dépourvus pour cause de concernent les réserves et les besoins métaboli-
mutation génétique corrige leur hyperphagie et ques. Deux populations de cellules impliquées dans
leur permet de maigrir, l’injection de leptine chez l’homéostasie énergétique y ont été identifiées. Le
la plupart des obèses n’a que peu d’effet pondéral. NPY est un agent orexigène puissant synthétisé
La leptinémie des obèses est d’ailleurs générale- surtout dans des neurones de la partie ventromé-
ment élevée. Ces observations sont expliquées par diane du noyau arqué. Ces cellules répondent au
le développement d’une résistance à la leptine besoin énergétique. Les mélanocortines (a-MSH),
chez l’obèse. Cependant, l’injection de leptine à issues de la POMC, qui antagonisent l’action du
des hommes obèses atténue leurs sensations de NPY, sont produites dans les régions dorsolatérales
faim et d’appétit, et accentue les sensations de du noyau arqué. La perte de poids augmente le NPY
satiété.65 et diminue l’activation des mélanocortines dans
Comme l’insuline, la leptine potentialise la ré- l’hypothalamus : un tel mécanisme serait à l’ori-
ponse à la CCK. L’ingestion d’un aliment riche en gine des réponses adaptatives comportementales
lipides pourrait mener à une réduction significative et autonomes qui favoriseraient la récupération des
des taux de leptine circulante, favorisant ainsi l’hy- réserves adipeuses.
perphagie et le développement de l’obésité. Un antagoniste endogène du récepteur aux méla-
D’autres facteurs sont sécrétés par les adipocytes nocortines, le peptide AgRP stimule la prise alimen-
comme l’adiponectine et la résistine. L’action de taire. Il est synthétisé dans les neurones NPY du
telles substances sur la prise alimentaire reste à noyau arqué. Comme celle du NPY, l’activation du
confirmer. AgRP est stimulée par un bilan énergétique négatif.
Le système lipostatique pourrait être orienté de Les neurones NPY/AgRP exercent également un
telle sorte que l’accumulation de réserves adipeu- effet direct d’inhibition des neurones POMC adja-
ses soit plus facile que l’amaigrissement : selon cents. L’insuline et à la leptine inhibent l’activité
l’hypothèse proposée par Schwartz et al.,85 une des cellules à NPY et activent celle des cellules à
perte de poids entraînerait une réponse (activation POMC. Un petit groupe de neurones de l’hypothala-
des voies anaboliques et inhibition des voies cata- mus latéral produit les orexines.
boliques) plus vigoureuse que la réponse au gain de En plus de ces influences permettant l’homéo-
poids, qui n’impliquerait que le simple renforce- stasie énergétique, il est maintenant reconnu que
ment de la condition basale de stimulation de voies des mécanismes non homéostatiques, dont le subs-
cataboliques et d’inhibition des voies anaboliques. trat nerveux du plaisir, influencent la commande à
Cette hypothèse semble confirmée par l’évolution court terme de la prise alimentaire.62
de l’index de masse pondérale au cours de la vie.86
Les Français, par exemple, gagnent en moyenne Neurotransmetteurs et contrôle
10 kg entre les âges de 20 et 60 ans, ce qui corres- de la prise alimentaire
pond à un excès des apports énergétiques de moins
de 5 kcalories par jour. Cette observation confirme Les systèmes de neurotransmetteurs monoaminer-
à la fois l’extrême précision des mécanismes de giques sont impliqués dans la commande de la prise
régulation du bilan énergétique et une tendance alimentaire et exercent un effet généralement sa-
générale à l’augmentation des réserves adipeuses à tiétogène. La sérotonine (5-HT) est la monoamine
long terme. la plus associée aux processus de rassasiement et à
l’état de satiété. Elle antagonise l’action du NPY
Structures cérébrales et commande dans le noyau paraventriculaire (PVN). La noradré-
du comportement alimentaire naline et l’histamine endogènes sont des facteurs
de satiété.
Le modèle classique proposé par Stellar en 1954 ex- Les systèmes dopaminergiques sont impliqués
pliquait le contrôle de la prise alimentaire par le dans la perception du caractère agréable, récom-
fonctionnement antagoniste d’un centre hypotha- pensant, de la prise alimentaire. Les peptides
lamique de la faim (hypothalamus latéral) et d’un opioïdes endogènes jouent un rôle important dans
centre de la satiété (hypothalamus ventromé- la réponse à la stimulation sensorielle alimentaire ;
dian).87 Ce modèle s’est rapidement avéré trop les antagonistes des récepteurs aux opiacés,
simple. Les recherches récentes88 révèlent le rôle comme la naltrexone ou la naloxone, annulent les
important du noyau arqué et des noyaux paraven- effets de stimulation de la consommation induits
triculaires de l’hypothalamus, et celui du NST par la présentation d’aliments agréables. Les anta-
192 F. Bellisle

gonistes des opiacés réduisent le plaisir à manger est spécifique de l’aliment consommé jusqu’au ras-
mais n’affectent pas la faim. Inversement, la fen- sasiement, et ne concerne pas la réponse à d’autres
fluramine, substance qui affecte le système séroto- aliments. Ces observations suggèrent qu’une partie
ninergique, diminue l’appétit mais n’altère pas le du COF chez l’homme est associée au RSS et est
plaisir à manger. Il a été récemment montré que le l’une des régions corticales où le caractère agréa-
système endocannabinoïde affecte l’appétit et le ble des odeurs est représenté. Ces données pro-
métabolisme. Les endocannabinoïdes agissent dans longent les observations cliniques de patients
plusieurs régions de l’hypothalamus impliquées souffrant d’une lésion du COF qui modifie les pré-
dans le contrôle de la prise alimentaire (noyau férences alimentaires, les rendant souvent moins
arqué, PVN) en plus de leur action directe sur la sélectives.94
lipogenèse. Dans le contexte de l’épidémie d’obé-
sité, la recherche d’agents pharmacologiques sus- Environnement alimentaire de l’homme
ceptibles d’affecter la prise alimentaire humaine
est en pleine expansion.88 Choisir ses aliments, décider de ses menus, de
l’horaire et de la taille de ses repas, de manger ou
Représentations centrales du rassasiement de ne pas manger entre les repas principaux, etc.,
et du plaisir à manger sont des réponses apprises dont l’exécution, la
survie ou l’extinction dépendent de l’expérience
Chez le primate, le cortex orbitofrontal (COF) est passée du mangeur, mais aussi de stimuli de natu-
un site de convergence de l’information sensorielle res multiples présents dans l’environnement
qui transite par les aires corticales primaires du
goût, de l’odorat, de la vue et de la somesthésie.89 Culture
Une telle convergence permet aux diverses carac- D’après Rozin,95 le facteur le plus déterminant des
téristiques sensorielles de chaque aliment de se choix alimentaires d’une personne est la culture
constituer en un tout et de définir l’image senso- dans laquelle elle vit. C’est ainsi que des popula-
rielle de l’aliment. Il est possible que des signaux tions entières acquièrent des goûts caractéristiques
viscéraux associés à la satiété atteignent le COF et pour des plats épicés, la cuisine à l’huile, ou encore
modulent la représentation de l’aliment, consti- les insectes, termites et autres serpents. La culture
tuant ainsi un signal qui reflète la valeur appétitive, détermine ce qui peut être mangé et les conditions
récompensante de chaque aliment. (préparation, horaires, etc.) de cette consomma-
L’enregistrement de l’activité de neurones indi- tion. La culture détermine également les limites de
viduels situés dans le COF révèle une activation au ce qui est « dégoûtant », notion apprise par l’enfant
moment où un aliment est présenté à l’animal. avant l’âge de 30 mois, alors que la notion qu’un
Cette activation décroît progressivement puis dis- objet est tout simplement impropre à la consom-
paraît complètement pendant que l’animal passe mation est apprise beaucoup plus tard (après
de l’ingestion avide au rejet actif de l’aliment.90 La 60 mois).96
diminution de la réponse neuronale dans le COF est La culture favorise donc une sélection alimen-
spécifique de l’aliment que l’animal a consommé.89 taire qui, si elle préserve les jeunes des aliments
Ces observations suggèrent un mécanisme neuro- toxiques, n’a que peu à voir avec les exigences de
physiologique à l’origine du rassasiement sensoriel l’homéostasie énergétique. Elle permet l’acquisi-
spécifique. tion de préférences pour des substances qui sont
Chez l’homme, l’exploration de l’activation neu- aversives au premier contact (café, bière, alcool,
ronale en réponse à des stimulations alimentaires a etc.). Dans bien des cas, une étude historique du
connu un développement récent grâce à la mé- développement des préférences alimentaires dans
thode de l’imagerie par résonance magnétique une société donnée révèle un mécanisme d’adapta-
fonctionnelle (IRMf). L’amygdale répond au goût tion aux ressources particulières de l’environne-
agréable du glucose91 et au goût désagréable de ment.95
l’eau salée. L’activation du COF en réponse à
l’odeur d’un aliment (par exemple la banane) dé- Milieu socioéconomique
croît à mesure que le sujet consomme cet aliment Dans les pays développés, il existe un gradient
jusqu’au rassasiement, alors que l’activation en social de l’obésité, dont la prévalence varie inver-
réponse à une autre odeur alimentaire (vanille par sement avec le niveau de scolarisation et de reve-
exemple) n’est pas affectée.92 Des corrélations si- nus.97 Une corrélation inverse existe entre le coût
gnificatives apparaissent entre l’activation du COF des produits alimentaires et leur densité énergéti-
et la diminution du plaisir à consommer un aliment que. Les aliments riches en lipides et en sucres
liquide jusqu’au rassasiement.93 Cette diminution représentent le rapport énergie/coût le plus élevé.
Faim et satiété, contrôle de la prise alimentaire 193

Les foyers à bas revenus achètent peu de produits la taille d’une portion alimentaire induit celle de la
frais (fruits et légumes particulièrement) dont la consommation énergétique. On ne sait pas si le
densité énergétique est plus faible et le coût plus mangeur réduit ensuite ses ingesta subséquents
élevé. Les conditions économiques dictent donc des pour « compenser » l’excès d’apports mais cela
choix alimentaires susceptibles de favoriser l’hy- semble peu probable, en particulier chez
perphagie et l’obésité dans les milieux aux ressour- l’adulte.82 La taille de la portion et la densité
ces modestes. Les coûts d’acquisition de la nourri- énergétique exercent des effets indépendants et
ture, dont nous avons parlé plus haut dans le additifs sur la consommation.106 Consommer de
contexte du comportement animal, ont une in- grandes portions d’aliments de haute densité éner-
fluence décisive dans l’apparition de l’obésité, in- gétique, donc peu rassasiants, peut donc favoriser
dépendamment de toute anomalie physiologique. une hyperphagie importante.
La simple présence dans l’environnement de sti-
Environnement familial muli (visuels ou sonores), arbitrairement associés
L’éducation alimentaire de l’enfant dans le milieu dans le passé aux circonstances de consommation
familial concerne l’apprentissage des choix alimen- des repas, suffit à relancer la consommation chez
taires, de la structure et de l’horaire des repas, et des enfants rassasiés.107 Dans ce cas, les stimuli
des manières de table. Le comportement des parents sensoriels sont des SC qui déclenchent la réponse
a de multiples répercussions sur celui de l’enfant que conditionnée qu’est la consommation. Chez l’adul-
nous ne pouvons pas examiner en détail ici. Deux te, un repas consommé en regardant la télévision est
types de comportements étroitement associés au significativement plus copieux que le même menu,
contrôle de la prise alimentaire méritent cependant ingéré dans des circonstances identiques mais sans
une attention particulière. Il a été souvent remarqué télévision.108 Un tel effet n’est pas spécifique de la
que la plupart des enfants ont une bonne capacité à stimulation télévisuelle, puisqu’il se produit aussi
ajuster leurs consommations en fonction de leurs lorsque le repas s’accompagne de l’audition d’un
besoins énergétiques.39,98,99 Les enfants semblent récit pré-enregistré.109 Le mécanisme de cet effet
plus sensibles que les adultes à leurs signaux inter- n’est pas élucidé mais il pourrait tenir, du moins
nes de faim et de satiété. Les parents bien inten- partiellement, à la distraction induite par les stimuli
tionnés qui exigent que leur enfant finisse le externes qui détourneraient l’attention du mangeur
contenu de son assiette, quel que soit son état de de ses signaux internes de rassasiement.
faim, pourraient avoir une influence néfaste. L’en- Ces différents exemples attestent de l’influence
fant perdrait ainsi peu à peu sa capacité à répondre décisive de nombreux facteurs non homéostatiques
aux signaux physiologiques et apprendrait à manger dans la commande de la prise alimentaire. L’explo-
sans faim, en réponse à des stimuli arbitraires de sion actuelle de la prévalence de l’obésité et des
l’environnement, comme la taille d’une assiette ou pathologies associées à l’alimentation semble
d’une portion.100,101 confirmer la prééminence de tels facteurs sur les
L’influence familiale peut conduire l’enfant à sur- mécanismes physiologiques assurant la régulation
consommer, et à « manger en l’absence de faim ». pondérale.
Des études récentes ont souligné que l’interdiction
de consommer certains aliments à la maison focalise
l’attention de l’enfant sur l’aliment interdit et aug- Conclusion
mente son désir de le consommer.102 Chez les petites
filles (5-9 ans), les restrictions alimentaires impo- L’action de mécanismes physiologiques assurant la
sées à la maison induisent un comportement de régulation du bilan d’énergie est incontestable
« manger en l’absence de faim » lorsque l’enfant est chez l’homme comme chez l’animal. Un mécanisme
exposée à des aliments agréables après la fin d’un lipostatique module à l’évidence le jeu des déter-
repas (donc en état de satiété).102,103 Un tel méca- minants à court terme des rythmes des comporte-
nisme peut favoriser une hyperphagie de longue du- ments alimentaires. Cependant, la prise alimen-
rée et la constitution d’une surcharge pondérale. taire de l’homme d’aujourd’hui se produit dans des
Aucune étude n’a encore vérifié l’existence d’un tel situations extrêmement différentes où l’influence
phénomène chez les garçons. des états de faim et de satiété physiologiques peut
être très variable. Une grande partie de l’huma-
Environnement physique nité, encore au début du XXIe siècle, ne dispose pas
Toutes choses étant égales par ailleurs (en particu- de ressources alimentaires suffisantes. La faim et la
lier l’état de faim au moment du repas), la taille de malnutrition sont chroniques dans bien des régions
la portion influence la consommation. Chez du monde. Dans les pays développés, au contraire,
l’adulte104 et chez l’enfant,105 l’augmentation de la pléthore de denrées alimentaires pose le pro-
194 F. Bellisle

blème de la faim et de la satiété dans des termes appelle la situation de « transition nutritionnelle »
tout à fait différents. Les mécanismes mis en place caractérisée par un passage rapide d’une situation
par l’évolution naturelle pour assurer la régulation de pénurie alimentaire à celle d’excès.111 Dans ces
du bilan d’énergie dans des circonstances où les régions, la sous-nutrition voisine avec l’obésité. Le
ressources alimentaires sont fluctuantes et le plus contexte culturel, social, économique, familial, et
souvent limitées en quantité et en qualité, parais- même physique est source d’influences puissantes
sent pris en défaut comme en atteste « l’épidé- et complexes qui modulent et souvent contrarient
mie » d’obésité.110 Plusieurs pays vivent ce que l’on le jeu des mécanismes de régulation.

Quelques notions essentielles

Prise alimentaire : ensemble de comportements impliquant la recherche, l’acquisition et la


consommation de substances nutritives tirées de l’environnement.
Faim : état de besoin d’énergie associé à un déficit des apports par rapport aux dépenses. Chez
l’homme, ce besoin physiologique s’accompagne en aigu de sensations désagréables impliquant surtout
l’aire gastrique. La faim chronique est associée à des sensations d’épuisement.
Satiété : absence de faim, absence de désir de manger qui suit un repas. État psychophysiologique
complexe qui évolue après un repas selon la « cascade de la satiété ».
Appétit : désir de manger un aliment particulier, ou les aliments particuliers proposés au repas. La
notion « d’appétits spécifiques » se rapporte au désir de manger une substance particulière qui, dans
l’expérience alimentaire antérieure du mangeur, s’est avérée capable de corriger une carence
spécifique, en vitamines par exemple.
Rassasiement : notion proposée par Le Magnen (1971). Elle concerne le développement, en cours de
repas, d’une inhibition progressive de l’appétit par la consommation d’aliments. Le rassasiement est
atteint lorsque le repas s’arrête. Le rassasiement et la satiété sont des processus différents. Le premier
concerne ce qui se passe en cours de repas, le second regarde les événements qui se produisent à la fin
d’un repas, jusqu’au début du suivant.
Aversion alimentaire conditionnée : rejet violent et durable d’un aliment dont l’ingestion a été
suivie, même une seule fois, d’un malaise digestif. Bien étudiée par l’expérimentation animale,
l’aversion alimentaire conditionnée est connue aussi chez l’homme.
Conditionnement des préférences alimentaires, ou développement du « goût pour » un aliment :
quelques goûts et odeurs exercent une attirance innée (le sucre, l’odeur du lait maternel) manifestée
chez le nourrisson avant toute expérience alimentaire. Cependant, la plupart des goûts pour les
aliments sont appris au cours de la vie, à la faveur d’un mécanisme réflexe d’association entre les
caractéristiques sensorielles des aliments et les effets métaboliques qui suivent l’ingestion. Un aliment
aux caractéristiques sensorielles particulières (et parfois arbitrairement associées à l’aliment dans un
protocole expérimental) dont l’ingestion est suivie d’effets métaboliques favorables (apport d’énergie,
de nutriments) devient progressivement plus apprécié. Alors que l’aversion alimentaire conditionnée
se forme en une seule expérience des troubles digestifs qui suivent la consommation d’un aliment, il
faut plusieurs répétitions de l’association « aliment consommé – effets métaboliques bénéfiques » pour
établir un « goût pour » cet aliment.
Dégoût : attitude de rejet d’un aliment fondée sur la cognition. La catégorie « substance dégoû-
tante » apparaît chez l’enfant entre 36 et 60 mois. Le dégoût concerne le plus souvent une substance
qui n’a jamais été mangée (par exemple : excréments, certains produits animaux, etc.). Ne pas
confondre avec l’aversion conditionnée qui ne se met en place qu’après la consommation de l’aliment
et l’expérience d’un trouble digestif postabsorptif.
Rassasiement sensoriel spécifique : au fur et à mesure qu’un aliment est consommé, le plaisir à
manger cet aliment diminue. Ce rassasiement (processus d’inhibition croissante de la prise alimentaire
qui finit par la faire cesser) est spécifique des qualités sensorielles de l’aliment ingéré et n’affecte pas
l’attirance pour des aliments aux qualités sensorielles différentes. Un aliment différent peut donc
relancer la consommation chez un mangeur rassasié d’un premier aliment. Par conséquent, la variété
sensorielle (saveur, arôme, forme, couleur, température, etc.) au cours d’un repas stimule la
consommation et la monotonie la diminue. Le rassasiement sensoriel spécifique n’est pas affecté par le
contenu nutritionnel des aliments ; il s’agit d’un effet reposant exclusivement sur la dimension
sensorielle de l’aliment.
Faim et satiété, contrôle de la prise alimentaire 195

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