Vous êtes sur la page 1sur 37

COURS DE REGIME FONCIER ET DOMANIAL

Université St Jean Paul II

PLAN DU COURS

INTRODUCTION GENERALE

I- L’évolution du droit foncier et domanial au Cameroun


II- Les sources du droit foncier camerounais
A- Les sources internationales
B- Les sources nationales

Première partie : le régime des terres au Cameroun

Titre 1 : le régime des terres non appropriées

Chapitre 1 : Les terres non appropriables

Section 1 : la détermination des terres du domaine public

Paragraphe 1 : les terres du domaine public naturel

Paragraphe 2 : les terres du domaine public artificiel

Section 2 : le régime juridique des terres du domaine public

Paragraphe 1 : les caractères des terres du domaine public

Paragraphe 2 : les opérations juridiques sur les terres du domaine public

Paragraphe 3 : le changement de statut des terres du domaine public

Chapitre 2 : les terres susceptibles d’appropriation : le domaine national

Section 1 : la composition du domaine national

Paragraphe 1 : les modalités de détermination du domaine national

Paragraphe 2 : la classification du domaine national

Section 2 : la gestion du domaine national

Titre 2 : les terres appropriées

Chapitre 1 : les terres du domaine privé de l’Etat et des personnes publiques
morales

1
Section 1 : l’assiette des terres du domaine privé de l’Etat et des personnes morales
de droit privé

Paragraphe 1 : les terres acquises selon les techniques de droit privé

Paragraphe 2 : les terres acquises par recours aux prérogatives de puissance
publique

A- Les terres dévolues à l’Etat


B- Les terres prélevées sur d’autres domaines par l’Etat

Section 2 : le processus de constitution de l’assiette du domaine privé de l’Etat

Paragraphe 1 : le classement

Paragraphe 2 : l’incorporation

A- La procédure d’incorporation
B- Les conséquences de l’incorporation

Chapitre 2 : le domaine privé des personnes privées

Section 1 : le domaine privé certain des personnes privées

Paragraphe 1 : les terres résultant d’une transcription de droit de propriété


préexistant

A- Les actes concernés


B- La procédure d’immatriculation

Paragraphe 2 : les terres issues de l’immatriculation directe

Section 2 : le domaine privé incertain : le statut des terres coutumières non
immatriculées

Deuxième partie : les différentes prérogatives sur les terres

Chapitre 1 : l’accès aux prérogatives protégées sur la terres

Section 1 : la concession

Paragraphe 1 : les opérations préalables à la demande d’une concession

Paragraphe 2 : le processus à suivre

Section 2 : l’immatriculation

Paragraphe 1 : les conditions de l’immatriculation

2
Paragraphe 2 : la procédure d’immatriculation

Chapitre II : Protection des Prérogatives Foncières et la Sanction des Atteintes au


Droit de la Propriété Foncière

INTRODUCTION GENERALE

En Août 2007, en Nouvelle-Calédonie, une journée de manifestation des


peuples autochtones débute par un forum intitulé « la terre et le foncier ». Les
kanaks revendiquent leurs terres d’origine mais aussi l’espace maritime. Rock
Wanytan grand chef coutumier rappelle que « tant que les clans déplacés n’auront
pas retrouvé leurs terres d’origine, les revendications se poursuivront ». C’est ainsi
souligner l’importance de la terre à l’aune du droit au développement des peuples.
Par ailleurs, au-delà de la terre, la notion de foncier renvoie aux usages du sol et
aux ressources et produits qu’elle abrite. Le foncier est au cœur des stratégies de
développement des communautés et des systèmes d’organisation des sociétés
politiques. Et c’est alors dans ce sillage que s’inscrit l’étude du droit foncier.

Le droit foncier est une discipline née pour régir un bien particulier : la terre et
tout ce qui s’y attache. Pour bien comprendre cette discipline, il faut garder à
l’esprit que le monde juridique se divise en deux blocs : le bloc des sujets de droit
appelés personnes, et le bloc des objets de droit appelés les choses. Il existe une
théorie générale du droit portant sur les choses qui forment une matière appelée
droit des biens. Le droit des biens classe les choses en fonction des critères variés.
L’un des critères oppose les meubles aux immeubles. Dans le bloc des immeubles,
se trouve un bien particulier centre d’intérêt varié qui justifie que soit créé un droit
spécial pour le régir. Ce bien particulier c’est la terre et ses ressources.

La terre est d’abord un lieu d’exercice de la souveraineté des Etats. En droit


public, on l’appelle territoire. Mais le territoire peut également faire l’objet de
revendications des prérogatives individuelles. A ce moment elle rentre dans la
catégorie de biens et justifie que ce soit le droit privé qui s’en saisisse. Il y a donc
autour de la terre et de ses ressources une construction juridique particulière
formant une discipline appelée droit foncier. Pour cerner le sens du droit foncier et
3
domanial, il faut clarifier les concepts : foncier et domanial, expliquer leur mise en
commun, et celui de cadastre.

Le mot foncier n’est pas juridique, c’est un mot de la langue qui désigne ce qui
a un rapport avec un fond de terre. Il englobe les fonds de terre et les ressources
s’y trouvant. Quant à l’adjectif domanial, il qualifie ce qui dérive du domaine ;
c’est un mot qui a deux sens : dans un premier, le domaine désigne tout bien
foncier important comprenant des terres et des bâtiments. Dans un second, le
domaine désigne les biens de l’Etat.

La mise en commun de ces deux mots, permet de considérer dans ce cours tous
les aspects de la question foncière en envisageant aussi bien les fonds de terre, les
bâtiments, les ressources et surtout les biens de l’Etat.

S’agissant du concept cadastre, il s’agit de l’ensemble de documents de nature


purement administrative établis par la commune qui donnent un état représentatif
et évaluatif de la propriété bâtie et non bâtie, et ne constituent pas des titres de
propriété. C’est aussi un ensemble de documents sur lesquels sont enregistrés le
découpage d’un territoire en propriétés et en culture ainsi que le nom des
propriétaires des parcelles. Enfin, il peut aussi s’agir d’une administration qui a la
charge d’établir et de conserver ces documents.

De ce qui précède, il est permis de dire que le droit foncier et domanial


regroupe l’ensemble des règles qui dans un espace donné organisent les rapports
entre les personnes physiques ou morales privées ou publiques et les fonds de
terre : bâtiments et ressources se rapportant à la terre.

Le droit foncier englobe le droit foncier positif que l’on appelle régime foncier
et la science juridique qui est destinée à enrichir, modifier ou transformer le droit
positif. Il s’agira dans ce cours de rendre compte du droit positif mais en l’évaluant
par rapport à la science juridique. La matière n’ayant pas fait l’objet d’une
harmonisation ou d’une communautarisation, ne sera étudié que dans le contexte
du Cameroun. Elle a connu dans cet espace juridique une évolution qu’il faut
retracer avant de s’intéresser à ses sources.
4
I- Evolution du droit foncier et domanial au Cameroun.

Le droit foncier et domanial n’est pas une discipline nouvelle pour les africains
en général et les camerounais en particulier. On peut situer trois périodes :

- la période précoloniale
- la période coloniale
- la période post coloniale.

La première période se caractérise par la diversité des régimes fonciers


applicables. L’Etat du Cameroun n’étant pas encore constitué, il y’avait autant de
régimes fonciers que de territoires contrôlés par chaque chef de village, de tribus,
ou de clans. Mais ces régimes avaient des constantes ; la terre était considérée
comme sacrée et n’avait pas vocation à être objet de propriété, mais destinée à
servir de lieu, de cadre de vie et de source d’alimentation et de spiritualité. Les
rapports des communautés à la terre étaient plus collectifs qu’individuels. Cette
vision angélique en rapport direct avec les croyances africaines va être ébranlée
dès la constitution d’Etat avec la colonisation. La question foncière est tellement
importante qu’elle est abordée dans les premiers textes plaçant le Cameroun sous
dépendance des puissances étrangères. Ainsi, à l’art 3 du traité germano douala
qui place le Cameroun sous protectorat allemand, on peut lire : « les terres des
villes et villages Kamerun Town demeuraient la propriété privée des
autochtones ». En insistant pour qu’une telle disposition soit introduite dans le
traité, les rois douala souhaitaient garder un contrat sur les terres du fait de leur
importance dans le maintien de leurs autorités et de la cohésion sociale.
simplement le respect de cette disposition n’a duré que le temps de sa signature car
une fois l’accord entériné les allemands ont entrepris l’élaboration d’un droit
foncier transformant la terre en objet d’appropriation ; substituant au droit collectif
des droits individuels et surtout facilitant l’accès à la terre aux colons allemands.

La résistance des populations a conduit à un compromis faisant cohabiter un


droit colonial individualiste et des droits coutumiers africains centrés sur la notion

5
de droit collectif. Mais le droit foncier venait de subir une grosse mutation avec la
création des trois catégories de terres :

- les terres coutumières


- les terres privées
- les terres de la couronne allemande.

Dans la partie anglophone du Cameroun, après le classement du Cameroun


respectivement sous mandat de la Société des Nations et sous la tutelle des Nation
Unies, la land native Write ordinance, en vigueur au Nigéria permettait aux colons
de devenir propriétaires et les populations locales n’avaient droit qu’à l’usufruit
des terres exploitées. Ce régime avait quelques modifications qui restent en
vigueur depuis l’accession du Cameroun à l’indépendance. Le droit foncier
camerounais postindépendance a maintenu la division des terres en bloc et les
droits individuels mais a supprimé les droits coutumiers. Devant un droit aussi
complexe se pose la question des sources.

II- les sources du droit foncier camerounais.

Le mot source a deux sens complémentaires ; dans un premiers temps, il


désigne ce qui fait naitre les règles, les solutions, on parle donc de source
d’inspiration. Dans un second sens, le mot source désigne les lieux où on trouve
les réponses lorsque se pose une question de droit foncier. En quel lieu va-t-on
chercher les éléments de réponse ? C’est le sens que nous privilégions ici et qui
met en perspective les sources internationales et les sources internes.

A- les sources internationales du droit foncier.

Elles sont constituées des conventions ratifiées par le Cameroun et des


recommandations des organisations auxquelles le Cameroun adhère. La source de
base est la déclaration universelle des droits de l’homme qui consacre et protège le
droit à la propriété en interdisant l’expropriation si ce n’est pour cause d’utilité
publique, et moyennant une juste et préalable indemnisation. Ces principes sont
repris par le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et

6
culturels des Nations Unies de 1966. À côté de ces instruments contraignants,
certains textes des nations Unies non ratifiés par le Cameroun et les principes posés
par la FAO contiennent des principes applicables en la matière. En dehors de ces
textes internationaux, le droit foncier camerounais est consigné dans les sources
nationales.

B- les sources nationales du droit foncier.

Les règles du droit foncier se trouvent dans la constitution mais surtout dans
les ordonnances de 1974, leur texte d’application et dans une série de lois. Dans la
catégorie lois, il faut citer la loi N° 76/25 du 14 Décembre 1978 portant
organisation cadastrale. La loi N° 80/21 du 14 Juillet 1980 modifiant et
complétant certaines dispositions de l’ordonnance 74-1 du 06 juillet 1980 portant
répression des atteintes à la propriété foncière. La loi N° 85-09 du 04 juillet 1985
relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux modalités
d’indemnisation.
A côté de ces lois, le socle du régime foncier camerounais est constitué de deux
ordonnances : ordonnance N° 74/1 du 06 juillet 1974 fixant régime foncier.
L’ordonnance 74-2 du 06 juillet 1974 fixant le régime domanial.
Une série de décrets facilite l’application de ces textes. Le décret N° 76/165 du
27 Avril 1976, fixant l’obtention du titre foncier modifié et complété par le décret
2005/481 du 16 décembre 2005. Le décret N°76/166 du 27 avril 1976 fixant les
modalités de gestion du domaine national. Le décret N° 76/167 du 27 avril 1976
fixant les modalités de gestion du domaine privé de l’Etat modifié par le décret
95/146 du 04 avril 1995. Le décret N° 87/1872 du 16 décembre 1987 portant
application de la loi 85-9 du 04 juillet 1985 relative à l’expropriation pour cause
d’utilité publique. Sur certaines questions, la jurisprudence a proposé des éléments
de réponse devant le silence des textes. L’exploitation de ces textes permet de
présenter le droit foncier et domanial du Cameroun à partir de deux pôles :
- Le régime des terres
- Les prérogatives sur les terres et leurs ressources.

7
PREMIERE PARTIE : LE REGIME DES TERRES

L’analyse des sources positives permet de classer les terres camerounaises et


les ressources s’y trouvant en trois catégories :

- Le domaine public
- Le domaine national
- Le domaine privé.

Un tel classement est utile mais peu rigoureux dans la mesure où il ne tient pas
compte de la liaison entre les terres et les prérogatives qui peuvent s’exercer sur
elles. Cette liaison permet de faire un classement plus fonctionnel en opposant les
terres non appropriées aux terres appropriées.

TITRE I : LE REGIME DES TERRES NON


APPROPRIEES.

Les terres non appropriées sont celles sur lesquelles n’est pas reconnu le
droit de propriété. Dans cette catégorie on retrouve les terres non appropriables et
les terres susceptibles d’appropriation.

CHAPITRE I : LES TERRES NON APPROPRIABLES.

Les terres non appropriables sont celles qui sont exclues du champ de la
propriété aussi bien pour le présent que le futur. Il s’agit des terres qui ne peuvent
jamais faire l’objet d’une appropriation par les personnes publiques ou privées. La
catégorie est composée essentiellement des terres se trouvant dans le domaine
public que l’art 2 de l’ordonnance 74/2 du 06 juillet 1974 portant régime foncier
et domanial défini comme tous les biens meubles et immeubles qui, par leur
nature ou par destination sont affectés soit à l’usage direct du public, soit au
service public. Quelles sont alors les terres que l’on range dans cette catégorie,
quels est leur régime ?

8
SECTION I : LA DETERMINATION DES TERRES DU DOMAINE
PUBLIC.

Pour déterminer les terres du domaine public, le législateur camerounais


utilise les critères de l’affectation. L’affectation est l’opération juridique par
laquelle une autorité ou une personne assigne à un bien une destination
précise. C’est un acte éminemment volontaire. Cela signifie que les terres du
domaine public sont celles que le législateur a l’autorité de décider de soustraire du
régime de l’appropriation. D’après l’art 2 al 1 de l’ordonnance 74-2 fixant le
régime domanial, rentre dans la catégorie du domaine public : « tous les biens
meubles et immeubles qui par nature ou par destination sont affectés soit à
l’usage direct du public soit au service public ». Ce critère permet de situer les
terres du domaine public par rapport aux terres du domaine privé de l’Etat et aux
terres du domaine national sur lesquelles l’Etat a un simple droit de garde.
L’affectation s’appuie soit sur la lecture de la nature, soit sur les nécessités du
service public. Sur cette base, on distingue les terres du domaine public naturel et
les terres du domaine public artificiel.

PARAGRAPHE I : LES TERRES DU DOMAINE PUBLIC NATUREL

Il s’agit des terres qui, par leur nature ne peuvent relever que du domaine public
en ce sens qu’elles ne peuvent faire l’objet de droit privatif. Dans cette catégorie,
on retrouve les terres du domaine public maritime, fluvial et terrestre.

Les terres du domaine public maritime sont constituées par :

- Les rivages de la mer jusqu’à la limite des hautes marées ainsi qu’une zone
de 50 m mesurée à partir de cette limite.
- Les rives des embouchures des cours d’eau subissant l’influence de la mer
jusqu’à la limite des plus hautes marées ainsi qu’une zone de 20 m à partir
de cette limite.
- Le sol et le sous-sol de la mer territoriale.

9
Les terres du domaine public fluvial sont constituées :

- Des lits des cours d’eau navigables ou flottables dans les limites
déterminées par les plus hautes eaux ainsi qu’une zone de 25 m à partir de
cette limite
- Les marécages à l’exception des plantations aménagées.
- Des cours d’eau non navigables ni flottables dans les limites déterminées
par la hauteur des coulant en plein bord.
- Des lits, des lacs, des étangs naturels et des lagunes dans les limites
déterminés par la hauteur des plus hautes eaux.

Outre les terres du domaine public naturel, l’affectation permet de déterminer


les terres du domaine public artificiel.

Les terres du domaine public terrestre sont constituées par le sol et le sous-sol
de la mer territoriale. C’est ce qui explique l’exploitation du pétrole.

PARAGRAPHE II : LES TERRES DU DOMAINE PUBLIC


ARTIFICIEL

Il s’agit des terres normalement appropriables mais que l’Etat a décidé de


ranger dans le domaine public par une décision d’affectation. D’après l’art 4 de
l’ordonnance 74/2 rentrent dans cette catégorie :

- Les autoroutes et une emprise de 100 m de part et d’autre de l’axe de la


chaussée. cette emprise est réduite à 10 m en ville à partir du bord extérieur
du trottoir.
- Les routes nationales et régionales et une emprise de 40 m de part et d’autre
de la chaussée. Cette emprise est réduite à 10 m à partir du bord extérieur
du trottoir dans les agglomérations et à 5 m en ville.
- Les routes départementales et une emprise de 25 m à partir du bord extérieur
du trottoir dans les agglomérations et en ville.

10
- Les pistes carrossables d’intérêt local et une emprise de 10 m de part et
d’autre de la chaussée. Cette emprise est réduite à 5 m dans les
agglomérations et en ville.
- Les pistes non carrossables en général.
- Les chemins de fer et une emprise de 35 m de chaque côté à partir de l’axe
de la voie.
- Les ports commerciaux maritimes ou fluviaux. Leur dépendance et une
emprise fixée compte tenue des études spécifique pour chaque port.
- Les ports militaires, maritimes ou fluviaux : leur dépendance et une
emprise fixée compte tenu des études spécifiques.
- Tous les ouvrages de défense terrestre, aérienne et maritime de la nation.
- Les lignes téléphoniques, télégraphiques, leur dépendance et une emprise de
200 m autour des centres des télécommunications.
- Les alluvions déposées en aval ou en amont d’ouvrages construits dans un
but d’utilité générale.
- Les monuments et édifices publics nés et entretenus par l’Etat ou les
personnes morales de droit public.
- La concession des chefferies traditionnelles et les biens y afférents.

La question est de savoir si cette énumération est exhaustive ou indicative.


L’affectation étant une décision, la liste est exceptionnelle et considérée
comme fermée. C’est donc une énumération limitative. Ce qui fait la spécificité
du domaine public, c’est son régime juridique.

SECTION II : LE REGIME JURIDIQUE DES TERRES DU


DOMAINE PUBLIC.

Il est fixé par l’ordonnance 74-2 du 06 juillet 1974 qui précise les
caractères de ces terres, les opérations juridiques susceptibles d’être menées et
les changements de statut qu’elles peuvent connaitre.

11
PARAGRAPHE I : LES CARACTERES DES TERRES DU DOMAINE
PUBLIC.

Ils sont précisés par l’art 2 -2 de l’ordonnance 74-2 en tenant compte de ce


qu’il s’agit des biens affectés à l’usage du public ou du service public. D’après
ce texte, les biens du domaine public sont inaliénables, imprescriptibles et
insaisissables.

- Les biens du domaine public sont inaliénables en ce sens qu’ils ne


peuvent être transférés à qui que ce soit à titre onéreux ou gratuit. un acte de
transfert de propriété passé sur un bien du domaine public est nul et de nul effet.
- Les terres du domaine public sont imprescriptibles en ce sens qu’elles ne
se perdent pas par l’écoulement du temps. La non utilisation prolongée ne fait pas
perdre aux terres du domaine public leur caractère.
- Les terres du domaine public sont insaisissables en ce sens qu’elles ne
peuvent être mises sous-main de justice pour payer les dettes de l’Etat parce
qu’elles ne font pas partie du patrimoine de l’Etat.

La conséquence de ces caractères c’est la limitation des opérations


juridiques sur les terres du domaine public.

PARAGRAPHE II : LES OPERATIONS JURIDIQUES SUR LES


TERRES DU DOMAINE PUBLIC.

L’inaliénabilité, l’insaisissabilité et l’imprescriptibilité n’excluent pas


d’autres types d’opérations sur les terres du domaine public, spécialement les
opérations qui ne changent pas leur statut.

La base juridique de ces opérations est l’art 8 al 1 de l’ordonnance 74/2


qui dispose que  les dépendances du domaine public naturel ou artificiel sont
gérées par l’Etat. Toutefois, en raison de leur utilisation, cette gestion peut être
assurée sous le contrôle de l’Etat par d’autres personnes morales de droit public
ou par des concessionnaires des services publics.

12
Sur la base de ces textes, l’Etat, gérant des terres du domaine public peut y
conduire diverses opérations soit directement, soit par l’intermédiaire des tiers
exploitants. L’Etat peut aménager sur les terres du domaine public des espaces
pour promenades ou divertissement des populations à titre gratuit ou onéreux.
L’Etat peut installer sur les routes un péage pour alimenter son budget. Il peut
accorder des autorisations précaires d’occupation ou d’exploitation moyennant
paiement d’un loyer. Il en est ainsi de l’autorisation d’exploiter les payettes sur les
plages, d’installer des boutiques dans les aéroports, les gares ; dans les abords des
routes et d’autoroutes. L’Etat peut accorder les concessions des travaux publics sur
le domaine public. ainsi, l’Etat peut conclure un contrat sur lequel il accorde à une
personne privée l’autorisation de réaliser à ses frais sur des portions de terre du
domaine public des ouvrages nécessaires au fonctionnement du service public en
contrepartie d’un monopole d’occupation pendant une certaine durée. C’est le cas
de la construction d’une autoroute, d’un pont ou d’un chemin de fer à péage. A la
fin de la construction, l’ouvrage revient à l’Etat. Le domaine public n’est pas
immuable. Il peut au cours du temps changer de statut ou de consistance.

PARAGRAPHE III : LE CHANGEMENT DE STATUT DES TERRES


DU DOMAINE PUBLIC.

Les portions de terre du domaine public peuvent changer de statut à la suite


d’un acte administratif ou d’un phénomène naturel. L’acte par lequel une
portion de terre du domaine public change de statut s’appelle le déclassement.
D’après l’art 5 de l’ordonnance 74-2, les dépendances du domaine public
naturel ou artificiel reconnues sans utilité peuvent être déclassées et intégrées
par décret au domaine privé de l’Etat ou des personnes morales de droit public.
Ce texte permet à l’autorité administrative de déclasser et incorporer dans le
domaine privé de l’Etat une dépendance du domaine public. Le domaine ainsi
déclassé devient aliénable et saisissable. De même, à la suite d’un évènement
naturel, certaines portions de terre du domaine public peuvent changer de
catégorie et devenir des terres du domaine national. Il en est ainsi par exemple
lorsque par l’effet d’un dépôt d’alluvions, les rivages de la mer changent de
13
consistance ou lorsqu’un fleuve ou une rivière change de cours, l’ancien terrain
abandonné rentre dans le domaine national constitué des terres susceptibles
d’appropriation.

CHAPITRE II : LES TERRES SUSCEPTIBLES


D’APPROPRIATION : LE DOMAINE NATIONAL

Les terres susceptibles d’appropriation sont celles qui ne rentrent pas dans la
catégorie du domaine public et ne font pas objet de titre de propriété de l’Etat,
des personnes morales publiques et des particuliers.

Il s’agit de véritables réserves de terres susceptibles d’alimenter le domaine


public ou privé de l’Etat ou des particuliers. Leur appellation est consacrée par
l’ordonnance 74/1 du 06 juillet 1974 fixant le régime foncier. Cette notion a
remplacé l’ancienne notion de terres vacantes et sans maitre utilisée avant
l’indépendance. Après avoir créé la notion de domaine national, l’ordonnance
74/1 a précisé sa gestion et indiquer les modalités de celle-ci.

SECTION I : LA COMPOSITION DU DOMAINE NATIONAL.

Pour traiter de la composition du domaine national, l’ordonnance 74/1


insiste sur les modalités de sa détermination et sur la classification des terres le
composant.

PARAGRAPHE I : MODALITES DE DETERMINATION DU


DOMAINE NATIONAL.

Elles sont précisées par l’art 14 de l’ordonnance 74/1 qui procède par
déduction, exclusion et inclusion.

La déduction découle de l’art 14 de l’ordonnance 74-1 qui dispose :


« constituent de plein droit le domaine national, les terres qui à la date de
l’entrée en vigueur de l’ordonnance ne sont pas classées dans le domaine public
ou privé de l’Etat ou des personnes morales de droit public » ce texte laissait
planer un doute sur le sort des terres du domaine privé des particuliers. Mais le
14
doute est levé par l’al 2 qui utilise la technique de l’exclusion. D’après cet alinéa,
ne sont pas incluses dans le domaine national, les terres faisant l’objet d’un droit de
propriété tel que défini par l’art 2 de l’ordonnance.

La technique de l’inclusion ou de l’incorporation est celle qui permet de


faire rentrer dans le domaine national, des terres qui appartenaient à l’une des
catégories précédentes c'est-à-dire du domaine public et privé et en ont été exclues
soit pour cause de déchéance des droits, soit à cause du non aboutissement d’une
procédure. Sont de ce fait incorporés dans le domaine national les terrains urbains
et ruraux des personnes ayant été déchues du droit de transformer en titre foncier,
leurs livrets fonciers, leur certifiicate of occupancy ou leur jugement définitif
constitutif ou translatif de droits. La disposition a sans doute une portée historique,
mais elle a permis d’incorporer dans le domaine national, les terrains pour lesquels
la procédure d’obtention du titre foncier engagée n’a pas été couronnée de succès
et les terrains pour lesquels un certificate of occupancy ayant été obtenu à l’issue
de la procédure n’ont pas été transformés par la suite en titre foncier.

Le domaine national étant constitué sur la base des prescriptions légales, il


devient possible de s’intéresser à ses composantes. Le législateur a procédé à sa
classification.

PARAGRAPHE II : LA CLASSIFICATION DES TERRES DU


DOMAINE NATIONAL.

L’ordonnance 74-1 classe les terres du domaine national en dépendance de


1ère et 2ème catégorie en fonction des types de prérogatives reconnues aux
populations sur chaque dépendance. D’après l’art 15, les dépendances de 1ère
catégorie comprennent :

- Les terrains d’habitation,


- Les terres de culture, de plantation de pâturage et de parcours dont
l’occupation se traduit par une emprise évidente de l’homme et une mise en valeur
probante. D’après l’ordonnance de 74 la mise en valeur se traduit par des actions

15
de construction d’ouvrage, de plantation, autrement dit par la destruction du
couvert végétal. Cette approche de la mise en valeur est surprenante au moment où
se développe la commercialisation des services environnementaux, notamment par
la conservation du couvert végétal en vue de stocker le carbone à vendre. Une telle
approche exclue les terres des populations autochtones du groupe dépendance de
1ère catégorie, rendant l’accès à celles-ci facile aux investisseurs étrangers. C’est
une préoccupation que doit prendre en compte le législateur lorsqu’il va procéder à
la réforme foncière.
- Les dépendances de seconde catégorie sont constituées de terres libres de
toute occupation. On range dans cette catégorie les forêts, les savanes vierges. Il
s’agit de toute terre sur lesquelles l’action de l’homme n’est pas visible. Sur celle-
ci, l’Etat peut accorder des concessions aux personnes physiques ou morales
étrangères ou Camerounaises. Ce classement permet au législateur d’organiser la
gestion du domaine national.
SECTION II : LA GESTION DU DOMAINE NATIONAL
Elle est précisée par les articles 16 et suivants de l’ord 74-1 du 06 juillet 1974.
D’après ce texte, le domaine national est administré par l’Etat en vue d’en assurer
une utilisation et une mise en valeur rationnelle. L’article 17 va plus loin et
indique les modalités de gestion. D’après ce texte, les dépendances du domaine
national sont attribuées par voie de concession, bail ou affectation dans des
conditions déterminées par décret. Toutefois, les collectivités coutumières, leurs
membres ou toute autre personne de nationalité camerounaise qui à la date de
l’entrée en vigueur de l’ordonnance occupe ou exploite paisiblement les
dépendances de la 1èrecatégorie continueront à les occuper ou à les exploiter, ils
pourront sur leur demande obtenir des titres de propriété conformément aux
dispositions du décret prévues à l’art 7. L’interprétation de l’art 17 permet de dire
que sur les dépendances de 1ère catégorie, l’Etat a des pouvoirs réduits à cause de la
possession des populations et que sur les dépendances de seconde catégorie, l’Etat
a des pleins pouvoirs lui permettant d’accorder des concessions et des baux.

16
Ce texte ne rend nullement compte de la réalité juridique réelle. Les communautés
camerounaises revendiquent des droits coutumiers sur les dépendances de seconde
catégorie et l’Etat y fait parfois droit dans des législations spécifiques et
spécialement dans les législations forestières et minières. Dans ces législations,
l’Etat accorde aux populations riveraines, une redevance forestière ou minière pour
compenser la perte de l’usage des espaces accordés aux concessionnaires forestiers
et miniers.
TITRE II : LES TERRES APPROPRIEES.
Ce sont celles sur lesquelles les personnes publiques ou privées et les
communautés ont des droits privatifs qui ne peuvent être perdus qu’à la suite d’une
procédure d’expropriation. Tenant compte de leur assiette et de leur mode de
constitution, les ordonnances de 74-1 et 74-2 les classent en deux blocs :
- Le domaine privé de l’Etat et des personnes morales de droit public
- Le domaine privé des personnes privées.
CHAPITRE I : LES TERRES DU DOMAINE PRIVE DE L’ETAT ET
DES PERSONNESMORALES DE DROIT PUBLIC
Ce sont celles sur lesquelles l’Etat, les collectivités publiques, les établissements
publics ont des droits privatifs des prérogatives de propriétaire. Les terres sur
lesquelles des titres fonciers sont délivrés à l’Etat et aux personnes morales de droit
public leur donnant le droit d’en faire toute forme d’usage, de jouissance et de
disposition. Quelle est leur assiette ? Comment se constitue cette assiette?

SECTION I : L’ASSIETTE DES TERRES DU DOMAINE


PRIVE DE L’ETAT ET DES PERSONNES MORALES DE
DROIT PUBLIC.
Elles sont constituées de deux blocs : en fonction des modes d’acquisition, on
distingue les terres acquises selon les techniques de droit privé, des terres acquises
par recours aux prérogatives de puissance publique.
PARAGRAPHE I : LES TERRES ACQUISES SELON LES
TECHNIQUES DE DROIT PRIVE.
17
D’après les articles 10 et 13 de l’ord 74-2, font partie du domaine privé de l’Etat et
des personnes morales de droit public, les biens meubles et immeubles acquis par
ces entités à titre gratuit ou onéreux en utilisant les techniques du droit privé.
Rentre dans cette catégorie, les terres achetées par l’Etat et les personnes morales
de droit public aux détenteurs de titres réguliers de propriété en vue d’accomplir
leurs missions de service public.
Rentrent également dans la catégorie, les terres immatriculées et reçues par l’Etat
et les collectivités publiques sous forme de dons et legs. Les dons et legs des
terrains avec ou sans charges sont acceptés par l’Etat par décret. À côté des terres
acquises par les techniques de droit privé, on retrouve dans le domaine privé de
l’Etat des terres acquises par recours aux prérogatives de puissance publique.
PARAGRAPHE II : LES TERRES ACQUISES PAR RECOURS AUX
PREROGATIVES DE PUISSANCE PUBLIQUE
Dans la catégorie on range les terres dévolues à l’Etat et les terres
prélevées sur d’autres domaines.
A- Les terres dévolues à l’Etat.

La dévolution désigne la transmission d’un bien ou d’un droit d’une


personne à une autre. L’Etat camerounais a dans son domaine privé plusieurs
groupes de terres acquises par le mécanisme de la dévolution.

Dans le 1er groupe, on range d’abord les terres qui appartenaient aux
anciens territoires des colonies allemandes et qui ont été transférées d’abord aux
puissances ayant reçu mandat ou tutelle. Ensuite, en vertu de la règle de la
succession de l’Etat du Cameroun après l’indépendance. Dans la catégorie on
range aussi les terres dévolues à l’Etat en vertu de la législation des séquestres de
guerre.

Dans le deuxième groupe, on retrouve les terres des associations


dissoutes pour des faits illicites. En vertu de l’art 13-2 de la loi N° 90/053 du 19
décembre 1990, les biens des associations dissoutes pour des faits de subversion,

18
d’atteinte à la sûreté intérieure, ou à l’extérieur de l’Etat sont d’office incorporés
au domaine privé de l’Etat.

Dans le 3ème groupe, on retrouve les concessions rurales ou urbaines


du domaine national qui sont frappées de déchéance à la suite d’un constat de non
mise en valeur, d’une mise en valeur partielle ou d’un droit de reprise.

Dans le 4ème groupe, on retrouve les terres acquises par l’Etat utilisant
la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique. Cette procédure a pour
effet de faire passer la terre des mains des anciens propriétaires, aux mains de
l’Etat sans mutation des titres de propriété au nom de l’Etat.

Dans le 5ème groupe, on retrouve les propriétés rurales non régénérées


c'est-à-dire les champs ruraux qui depuis dix (10) ans n’ont pas fait l’objet de
régénération.

B- Les terres prélevées sur d’autres domaines par l’Etat.

Certaines terres du domaine privé de l’Etat sont les résultats d’un acte de
prélèvement sur d’autres domaines. Bien qu’exceptionnel, le prélèvement peut
avoir lieu sur le domaine public. D’après l’art 5 al3 de l’ord 74-2, les
dépendances du domaine public naturel ou artificiel reconnues sans utilité compte
tenu de leur affectation, peuvent être déclassées et intégrées par décret au domaine
privé de l’Etat. Mais les prélèvements les plus courants se font sur le domaine
national. Plusieurs portions de terres du domaine national sont classées par l’Etat
dans son domaine privé, dans un but d’exploitation des ressources dans l’intérêt de
la conservation, de la protection de l’environnement ou de la nature. C’est le cas
des forêts domaniales, des parcs nationaux et des airs protégés. Ces terres sont
classées par des actes réglementaires qui fixent leurs limites géographiques et leur
objectif. Il faut se préoccuper du processus de constitution de l’assiette du
domaine privé de l’Etat.

19
SECTION II : LE PROCESSUS DE CONSTITUTION DE
L’ASSIETTE DU DOMAINE PRIVE DE L’ETAT.

Pour constituer leur domaine privé, l’Etat et les personnes morales publiques
utilisent les techniques de droit public et privé. Ils peuvent procéder par des
opérations d’achat des terrains immatriculés ou recevoir des dons et legs. Ces
techniques ne posent pas de problème particulier en ce qu’elles ne portent pas
atteinte aux droits des tiers. Par contre la constitution des terres du domaine privé
de l’Etat par recours aux prérogatives de puissance publique, utilise des techniques
qui soulèvent beaucoup de difficultés par rapport à la prise en compte des droits
des tiers. Les techniques les plus redoutables sont le classement et l’incorporation,
la moins redoutable est l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Logiquement, l’étude de l’expropriation pour cause d’utilité publique relève


du régime de la perte de la propriété. Mais c’est également une technique par
laquelle l’Etat constitue son domaine privé. C’est ce qui résulte de l’art 4de la loi
N° 85-09 du 04 juillet 1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique
qui dispose : « le décret d’expropriation entraine le transfert des propriétés et
permet de muter les titres fonciers au nom de l’Etat ou de toute autre
personne morale de droit public bénéficiaire de cette mesure. » Tout en prenant
acte de son rôle dans la constitution du domaine privé de l’Etat, nous étudierons
l’expropriation dans le cadre du régime de la perte de la propriété. Par contre, il
faut s’attarder sur le classement et l’incorporation.

PARAGRAPHE I : LE CLASSEMENT.

C’est l’opération juridique conséquente d’un acte administratif unilatéral par


lequel l’Etat fait rentrer dans son domaine privé une portion du territoire. À l’issue
de l’opération de classement, l’Etat se fait délivrer un titre foncier sur la portion de
terre classée. Originairement, cette procédure était réservée à la constitution du
domaine public. Mais depuis la loi 94-1 du 20janv 1994 portant régime des
forêts de la faune et de la pêche, cette procédure est également utilisée pour la
constitution du domaine privé de l’Etat. D’après l’art 25 de ce texte, les forêts

20
domaniales relèvent du droit privé de l’Etat. Elles sont classées par un acte
règlementaire qui fixe leurs limites géographiques et leurs objectifs qui sont
notamment de production, de recréation, de protection de l’environnement, et de
conservation de la dignité du patrimoine. Cet acte ouvre droit à l’établissement
d’un titre foncier au nom de l’Etat. Sont considérées comme forêts domaniales les
airs protégés pour la faune tels que : les réserves forestières, les forêts
d’enseignement et de recherche, les parcs nationaux, etc. le classement porte sur
des espaces supposés non habités, mais ils posent les problèmes des droits des tiers
en ce qu’il s’agit des espaces où la loi forestière reconnait aux populations des
droits d’usage. C’est également l’espace que revendiquent les populations
autochtones. Or, les textes juridiques ne se préoccupent pas des modalités de prise
en compte de ces droits. Ne faut-il pas y penser pour des questions de justice ?

PARAGRAPHE II : L’INCORPORATION.

L’incorporation est une technique juridique consistant à faire rentrer dans un


espace un autre pour en faire un ensemble unique et uniforme.

La technique d’incorporation est prévue par l’art 18 de l’ordonnance74/1


du 06 07 1974fixant le régime foncier qui dispose : « en vue de la réalisation des
opérations d’intérêt public, économique et social. L’Etat peut classer au
domaine public ou incorporer dans son domaine privé ou de celui des autres
personnes morales de droit public des portions du domaine national. »

Il faut considérer la procédure et les conséquences de l’incorporation.

A- La procédure d’incorporation.

Elle est décrite par les arts 19 et suivants du décret 76-166 du 27 déc. 1976
fixant les modalités de gestion du domaine national. La demande d’incorporation
d’une portion du domaine national ou du domaine privé de l’Etat, doit être
adressée au ministre des domaines par les services publics, les collectivités locales,
ainsi que les organismes publics autonomes qui souhaitent réaliser des projets
d’intérêt général. Elle doit comporter des indications suivantes : le projet à réaliser,

21
sa localisation, la superficie des terrains sollicités, la date approximative de
démarrage des travaux, la justification de l’existence de crédit pour le paiement des
impenses que pourraient éventuellement supporter le terrain. Lorsque le projet est
jugé pertinent, le ministre chargé du domaine prend un arrêté déclarant d’utilité
publique les travaux projetés. Cet arrêté rend le terrain indisponible pour toute
autre opération. L’arrêté est notifié au préfet du lieu de situation de l’immeuble
pour enquête. Lorsque la procédure est jugée régulière, un décret prononce
l’incorporation du terrain au domaine privé de l’Etat. Cette incorporation a des
conséquences.

B- Les conséquences de l’incorporation.

L’incorporation du terrain au domaine privé de l’Etat a pour conséquence


l’accroissement de ce domaine. Mais cet accroissement se fait au détriment des
droits des tiers qui occupaient le terrain. La législation Camerounaise ne protège
véritablement que les propriétaires lorsqu’il s’agit des terrains simplement
possédés. Le législateur organise le déguerpissement qui n’entraine qu’un
remboursement de la perte des cultures et constructions. Aucun égard pour la perte
de la terre elle-même. Cette solution est en rupture avec celle de plusieurs
instruments internationaux qui recommandent que les populations qui possèdent
des terres même sans titre soient indemnisées de la perte de leur terre.

Le droit foncier Camerounais reconnait et protège également le domaine


privé des personnes privées.

22
CHAPITRE II : LE DOMAINE PRIVE DES PERSONNES
PRIVEES.

Le système juridique camerounais connait et protège dans la catégorie des terres


appropriées, celles formant le domaine privé des personnes privées qu’elles soient
physiques ou morales. Il s’agit des terres sur lesquelles sont reconnues aux
personnes privées des prérogatives de propriété.

Les propriétaires sont des personnes qui ont la possibilité de faire d’un bien
ce qu’elles veulent. Les personnes privées peuvent faire de leur domaine privé ce
qu’elles souhaitent conformément aux règles posées par le droit civil en matière de
biens. L’étude du régime des biens du droit privé des personnes reste intéressante
du point de vue de la détermination de leur assiette.

Si l’ordonnance 74-1 donne des indications permettant de mettre en


perspective l’assiette non discutée de ce domaine qu’on peut appeler domaine
privé certain des personnes privées, les textes internationaux donc certains ont été
ratifiés par le Cameroun posent un débat sur le sort des terres coutumières ou
ancestrales qu’on peut qualifier de domaine privé incertain.

SECTION I : DOMAINE PRIVE CERTAIN DES PERSONNES PRIVEES

Il est constitué des terres sur lesquelles il n’y a aucun doute de leur
classement dans le domaine privé des personnes privées. La lecture des textes
camerounais révèle qu’il s’agit des terres sur lesquelles les particuliers ont des
titres fonciers. On les classe en deux blocs :

- Les terres résultant d’une transaction des droits de propriété préexistant.

- Les terres résultant d’une constitution des droits de propriété.

23
PARAGRAPHE I : LES TERRES RESULTANT D’UNE TRANSCRIPTION
DE DROIT DE PROPRIETE PREEXISTANT.

La transcription est une opération juridique consistant à recopier sur un


registre ou un acte tout ou partie d’un autre acte. Cette procédure fait partie des
modalités de constitution de droit de propriété des particuliers sur les terres. Elle
permet d’inscrire dans les registres fonciers en vue de la délivrance des titres
fonciers d’anciens actes constatant la propriété sur les terres. Certains l’appellent
immatriculation constatation ou immatriculation indirecte.

Cette modalité de constitution des droits de propriété sur les terres est prévue
par l’article 3 du décret no76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions
d’obtention du Titre foncier modifié par le décret no2005/481 du 16 décembre
2005 qui indique les actes concernés et la procédure d’enregistrement.

A- Les actes concernés

Les actes concernés permettent un enregistrement dans les registres fonciers


en vue de leur transformation en titre foncier :
- les actes d’acquisition des terrains inscrits au Grundbuch.
- les actes d’acquisition des terrains selon les règles de la transcription.
- les décrets et arrêtés d’attribution définitive d’une concession domaniale. 
- les livrets fonciers ou certificats de propriété.
- les jugements définitifs, translatifs ou constitutifs de droit réel.
- les actes d’acquisition des free holds lands.
La plupart de ces actes n’ont plus qu’une portée historique parce que les
délais d’enregistrement sont expirés. Par contre, l’enregistrement des décrets et
arrêtés d’attribution des concessions définitives méritent une attention particulière
parce que c’est la seule modalité de constitution du droit privé des particuliers par
enregistrement des lois qui restent possibles dans le système juridique
camerounais.

Pour comprendre le schéma de l’enregistrement des concessions, il faut se


souvenir que conformément à l’article 17 de l’ordonnance no74-1 :« les
24
dépendances de deuxième catégorie du domaine national peuvent être
attribuées par voie de concession ». A l’origine, la concession est provisoire
mais, si la mise en valeur est effective et réelle, le concessionnaire peut solliciter
une concession définitive et l’enregistrer dans les registres fonciers et à partir de ce
moment elle devient propriété. A cet effet, il doit suivre une procédure assez
souple.

B- La procédure de l’immatriculation : l’enregistrement des droits

Elle est prévue par les articles 3 et suivants du décret no76/165 du 27 avril
1976. D’après cette procédure, la demande de transformation des actes en titre
foncier doit être adressée au conservateur foncier du lieu de situation de
l’immeuble. Elle doit être timbrée et contenir les indications suivantes : noms,
prénoms, date et lieu de naissance, filiation, profession, domicile, situation de
famille, tout renseignement permettant d’identifier l’immeuble, les transferts,
transactions, baux, hypothèques autres charges grevant d’immeuble. A l’appui de
la demande doivent être joint : le plan du bornage, le procès-verbal du bornage,
tous les contrats et actes publics ou privés constitutifs de droits réels sur
l’immeuble.

Au vue du dossier accompagné de l’arrêté ou du décret de concession


définitive, le conservateur procède à l’enregistrement dans les livres fonciers et
délivre un titre foncier au concessionnaire qui devient de ce fait propriétaire. Cette
procédure favorise les investissements mais elle est illégitime parce qu’elle permet
à l’Etat de concéder des titres de propriété sur les espaces où il n’a qu’un droit de
garde. Il transfert de ce fait plus de droit qu’il n’en a. C’est une procédure qu’il
faut rapidement corriger en limitant les concessions dans le cadre strict de la
jouissance et non de la propriété.

A côté de l’immatriculation indirecte les terres du domaine privé des


particuliers peuvent également être issues de l’immatriculation directe

25
PARAGRAPHE II : LES TERRES ISSUES DE
L’IMMATRICULATION DIRECTE

Elles sont constituées des terres sur lesquelles les personnes privées ont
demandé et obtenu auprès de l’administration foncière des titres de propriété
encore appelés titre foncier. Cette possibilité est prévue par l’article 17 de
l’ordonnance no74-1 laquelle après avoir posé que les dépendances du domaine
national sont attribuées par voie de concession, bail ou affectation dans les
conditions déterminées par décret, apporte une dérogation en ces termes :
«toutefois, les collectivités coutumières, leurs membres et toute personne de
nationalité camerounaise qui, à la date d’entrée de la présente ordonnance
occupent ou exploitent paisiblement des dépendances de la première catégorie
prévue à l’article 15, continueront à les occuper ou à les exploiter. Ils pourront
sur leur demande y obtenir des titres de propriété». Ce texte tout en consacrant et
protégeant la concession des occupants et exploitants des dépendances de première
catégorie du domaine national, donne la possibilité aux personnes de nationalité
camerounaise de demander la transformation de cette possession en propriété par la
technique de l’immatriculation directe.

Sur la base des textes camerounais, seules les terres objet de titre foncier
rentrent dans le domaine privé des personnes privées ou de l’Etat. Mais, certaines
conventions internationales ratifiées par le Cameroun, interpellent sur le statut des
terres coutumières non immatriculées. Peut-on les considérer comme faisant partie
d’un domaine privé incertain ?

SECTION II : LE DOMAINE PRIVE INCERTAIN : LE STATUT


DES TERRES COUTUMIERES NON IMMATRICULEES

Quel est le sort des terres possédées de longues dates par les communautés
coutumières des particuliers et qui sont transmises de génération en génération sans
être immatriculées ? Sur cette question, il y a une opposition entre légitimité et
légalité. Les détenteurs coutumiers de ces terres, considèrent qu’ils en sont

26
propriétaires. Ils se fondent sur les modes juridiques d’accès à la propriété
foncière. Sur le plan juridique, on accède à la propriété de deux manières :

- l’occupation : elle permet à celui qui, le premier s’installe sur un espace de


devenir automatiquement propriétaire. Pour faire perdre la propriété à une telle
personne, il faut l’indemniser.

-l’accès dérivé à la propriété : consistant à obtenir son droit d’un précèdent auteur.
Etant les premières à avoir occupé l’espace avant l’Etat, les communautés sont
légitimement propriétaires. Mais cette logique élémentaire a été remise en cause
par les ordonnances de 74 qui ne reconnaissent la propriété qu’au détenteur des
titres fonciers et ont reversé dans le domaine national les terres ancestrales non
immatriculées. Le conflit entre légalité et légitimité vient de ce que l’opération ne
s’est pas accompagnée d’une compensation et les communautés coutumières
continuent à s’estimer propriétaires. Pour régler le conflit, les ordonnances de 74
estiment que ces terres rentrent dans le domaine national. On aurait considéré la
solution comme définitive malgré son caractère injuste, si d’autres textes de droit
positif n’avaient pas choisi de respecter la logique juridique en considérant les
occupants originaires comme des propriétaires même s’ils n’ont pas de titre
foncier. Parmi ces textes, il faut signaler le pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels qui reconnait aux communautés coutumières un
droit de propriété sur les terres non immatriculées. Il faut également signaler la
convention 169 de l’OIT sur les peuples indigènes et tribaux et les directives
volontaires de la FAO sur la gouvernance des ressources foncières, forestières etc.

Bien que non ratifiés, ces textes influencent le raisonnement au Cameroun et


permet de dire que le statut de ces terres n’est pas définitivement tranché par les
ordonnances de 74. La pratique de l’activité foncière laisse croire que sur ces
terres, les populations ont de véritables droits de propriété parce qu’elles les
vendent, concèdent sur celles-ci toutes sortes de droit.

Le droit foncier précise le régime des terres mais indique également les
différentes prérogatives sur les terres.

27
DEUXIEME PARTIE : LES DIFFERENTES PREROGATIVES
SUR LES TERRES

Les prérogatives désignent les droits subjectifs ou les pouvoirs que le droit
objectif consacre et protège au profit des sujets de droit. Lorsqu’une prérogative est
exercée en faveur d’un autre sujet de droit, elle peut être un droit subjectif ou un
véritable pouvoir sur les biens. La notion de pouvoir est rare parce que la plupart
des biens sont plus ou moins appropriés. Mais sur les terres, la notion de pouvoir
existe. Le pouvoir est une prérogative qui s’exerce par une personne dans un
intérêt au moins distinct du sien.
Sur les terres du domaine public et du domaine national, l’Etat n’exerce pas
un droit subjectif mais des pouvoirs. Par contre, sur les terres du droit privé les
personnes exercent des droits subjectifs dont le plus absolu est la propriété. Qu’on
les range dans la catégorie pouvoir ou droit subjectif, les prérogatives reconnues au
sujet de droit sur les terres leur permettent d’exercer sur celles-ci l’usage, la
jouissance ou la disposition. Sur ce point, le droit foncier ne déroge pas à la théorie
des biens. L’originalité de la matière se situe au niveau de l’accès aux prérogatives
(Chapitre I) et de la protection de ces prérogatives (Chapitre II).

CHAPITRE I : L’ACCES AUX PREROGATIVES


PROTEGEES SUR LES TERRES
Comment accède t- on à l’usage, à la jouissance ou à la disposition des
biens ? L’analyse des règles du droit positif camerounais révèle un accès de fait et
un accès par les mécanismes juridiques.
L’accès de fait : c’est l’occupation sous autorisation lorsqu’elle remplit les
conditions, elle rentre dans le régime de la possession que le droit ne considère
qu’au moment de la protection.
L’accès juridique peut être originaire ou dérivé

28
- Il est dérivé lorsqu’on tient son droit d’un précédant auteur, il procède de la
vente, donation. Cet accès n’est possible que sur les terres déjà immatriculées
conformément à l’article 8 de l’ordonnance 74 al1 sur le régime foncier qui déclare
nul et de nul effet toute cession de terrain urbain ou ruraux non immatriculé. La
véritable question en droit foncier est de savoir comment accède-t-on aux terres
non immatriculées sur le plan juridique?
Le débat ne concerne pas les terres du domaine national privé ; par contre les
terres du domaine national sont celles qui nous intéressent ; le législateur
camerounais a organisé deux mécanismes d’accès à celle-ci : la concession et
l’immatriculation.

SECTION I : LA CONCESSION

La concession est l’opération juridique par laquelle l’Etat gardien du


domaine national accorde à un particulier personne physique ou morale
l’autorisation d’exploiter une part du domaine national. Le régime de la concession
est précisé par l’article 17 de l’ordonnance de 74 (1) fixant le régime foncier et
après lequel les dépendances de 2e catégorie du domaine national peuvent être
attribuées par voie de concession dans les conditions prévues par la loi. Le régime
de la concession est détaillé par le décret N° 76-166 du 27-04-1976 fixant les
modalités de gestion du domaine national qui indique les étapes à suivre pour
accéder à une portion de terre par voie de concession.
Les étapes sont constituées des opérations suivies du respect d’un processus strict.

PARAGRAPHE I : LES OPERATIONS PREALABLES A LA DEMANDE


D’UNE CONCESSION

Pour solliciter une portion du domaine national et y avoir le droit d’usage et


de jouissance, il faut procéder à l’identification des terres, puis élaborer un projet

29
de développement avec son étude des impacts. Celui qui souhaite solliciter une
terre doit en faire un croquis en quatre (04) exemplaires et le joindre à la demande,
qu’il se propose d’adresser au Ministre des domaines. La demande doit être
accompagnée d’un projet de développement avec son étude d’impact
environnemental et social. Le législateur ne donne aucune définition de la notion
de projet de développement mais en combinant les mots projet et développement il
est permis de dire que le projet de développement est celui qui augmente le
potentiel de développement soit en favorisant son désenclavement soit en lui
fournissant le moyen de sortir du sous-développement. Rentre dans cette catégorie
l’installation d’une usine, d’une plantation et de toute autre activité génératrice de
développement.
Le projet doit être accompagné de son étude d’impact environnemental c'est-
à-dire de l’analyse des risques qu’il fait courir à l’environnement ; des retombés
potentiels pour la zone d’exploitation et des mécanismes de réduction des effets
néfastes sur l’environnement, l’exigence des études d’impact ne résultent pas des
textes fonciers mais de la loi cadre du 5 aout 1996 relative à la gestion de
l’environnement. Lorsque ce dossier préalable est constitué, le demandeur doit
suivre le processus conduisant à l’attribution des terres identifiées.

PARAGRAPHE II : LE PROCESSUS A SUIVRE

Toute personne physique ou morale quelque soit sa nationalité qui souhaite


obtenir en concession une portion du domaine national doit remplir sur formulaire
spécial, disponible au service départemental des domaines, une demande en trois
exemplaires. La demande doit être accompagnée des pièces suivantes :
- Un croquis du terrain en 4 exemplaires
- La copie certifiée de la CNI ou de la carte de séjour
- Un document officiel authentique attestant l’existence légale lorsqu’il s’agit
d’une société
- La procuration authentique délivrée par les organes statutaires de la société

30
- Le programme de mise en valeur du projet de développement présenté
faisant ressortir les étapes de sa réalisation et des ressources à mobiliser
- Le devis estimatif du projet signé par un expert
- L’étude d’impact environnemental
Le dossier complet est reçu par le délégué départemental des domaines du
lieu de situation de la parcelle qui délivre un récépissé.
Le délégué adresse les correspondances à tous les services publics locaux
intéressés par le projet pour requérir leur avis ; lorsque tous les avis sont
favorables, le délégué transmet le dossier pour examen à la commission
consultative nommée par le préfet et qui siège dans chaque arrondissement.
La commission est composée du Sous-préfet, du procureur, d’un
représentant du service des domaines, d’un secrétaire, d’un représentant du
cadastre, d’un représentant du service de l’urbanisme si le projet est urbain, d’un
représentant du Ministre dont la compétence a un rapport avec le projet, du chef et
de 2 notables du lieu de situation du terrain.
La commission donne son avis dans un procès-verbal rédigé et signé en 6
exemplaires ; tout le dossier est transmis au Ministre en charge des domaines ; si la
concession a une superficie d’au moins de 50 hectares le Ministre l’accorde par
arrêté, si elle est supérieure à 50Ha il transmet le dossier au Président de la
République qui accorde la concession par décret, le concessionnaire a la jouissance
absolue sur la terre et les ressources pendant la durée de la concession qui ne peut
pas dépasser 5ans, on parle de concession provisoire. A l’expiration de la durée de
concession provisoire le concessionnaire peut faire constater sa mise en valeur et
solliciter l’octroi d’une concession définitive. S’il obtient une concession définitive
par arrêté pour les concessions de moins de 50Ha ou par décret présidentiel pour
celle de plus de 50ha il peut le faire publier à la conservation foncière et le
conservateur lui délivre un Titre foncier qui transforme son droit de jouissance en
droit de propriété. L’immatriculation par voie de concession est un mode indirecte
d’accès à la propriété ; on peut également accéder à des droits protégés sur la terre
en faisant recours à l’immatriculation.

31
SECTION II : L’IMMATRICULATION

L’immatriculation est une technique juridique d’accès au domaine foncier


sans passer par le mécanisme de concession. Pour immatriculer une terre au
Cameroun, il faut remplir des conditions et respecter une procédure.

PARAGRAPHE II : LES CONDITIONS DE L’IMMATRICULATION

Elles ont trait aux personnes pouvant solliciter l’immatriculation et aux


terres sur lesquelles l’immatriculation peut être sollicitée. Relativement aux
personnes, la liste est fixée par l’article 17 de l’ordonnance 74.1 fixant le régime
foncier. D’après ce texte, sont autorisés à procéder à une immatriculation directe ;
les collectivités primaires, leurs membres et toute personne de nationalité
camerounaise. Ces personnes doivent avoir mise en valeur le terrain sollicité avant
1974. Cela signifie que tous les camerounais nés après 1974 ne sont pas autorisés à
procéder à une immatriculation directe pour accéder à la propriété. Ces personnes
doivent passer par la concession pour recevoir leur terrain et être titulaire de Titre
foncier.
Cette réserve est à l’origine des fraudes à l’immatriculation et au
développement d’une technique de contournement appelée certificat d’abandon
de droit coutumier.
En ce qui concerne les terres, l’immatriculation peut être sollicitée. L’article
17 rappelle qu’il s’agit des dépendances de première catégorie du domaine national
(terres d’habitation, de pâturage, de culture, de parcours dont l’occupation se
traduit par une emprise évidente de l’homme sur la terre). La législation
camerounaise exclue de cette catégorie les terres non constructives comme les
flancs de montagne, les marécages à l’exception des plantations aménagées sur les
marécages. Outre ces conditions, la législation camerounaise indique les modalités
ou la procédure d’obtention du titre foncier.

32
PARAGRAPHE II : LA PROCEDURE

Elle est décrite par les articles 11 et suivants du décret N°76/165 du 27-04-
1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier modifié et complété par le
décret N° 2005/481 du 16-12-2005.
D’après ce texte, toute personne remplissant les conditions sollicitant un titre
foncier sur une dépendance du domaine national doit constituer un dossier
contenant :
Une demande en 4 exemplaires dont l’original est timbrée indiquant ses
noms, prénoms, filiation, domicile, nationalité, Régime matrimonial, la description
de l’immeuble sollicité.
La demande ne doit visée qu’un immeuble et composé d’une seule parcelle,
si une route ou une rivière traverse le terrain, il doit y avoir autant de demandes
que de parcelles distinctes.
Le dossier est déposé auprès du chef de district ou du Préfet qui le transmet
au délégué départemental des affaires foncières celui-ci transmet à la commission
consultative qui est la même que celle des concessions. Après avis de la
commission, le terrain est borné par les services du cadastre, le dossier est
transmis au délégué provincial des affaires foncières qui ordonne
l’immatriculation. Si l’avis du délégué est favorable, le dossier est transmis au
conservateur foncier qui l’inscrit dans ses registres et délivre des copies du titre
foncier au demandeur sauf s’il y a contestation. Les contestations déclenchent un
contentieux de l’immatriculation.
Lorsque des droits sont concédés sur des terres, ils ne sont pas à l’abri des
menaces des contestations ; c’est pourquoi le législateur organise des mécanismes
de protection.

33
CHAPITRE II : PROTECTION DES PREROGATIVES FONCIERES ET
LA SANCTION DES ATTEINTES AU DROIT DE LA PROPRIETE
FONCIERE
Protéger en droit c’est sécuriser contre les atteintes, est éviter le remise en cause.
Protégeant les droits fonciers, le législateur Camerounais mobilise deux
mécanismes à savoir le titre et la sanction des atteintes.
SECTION I : LA SECURISATION DES DROITS FONCIERS PAR LE
TITRE
Le titre est un instrument juridique de sécurisation permettant de signaler aux tiers,
l’existence et la consistance de ses droits. Le titre a une portée différente selon
qu’il s’agit de sécuriser la jouissance ou la propriété.
Le titre qui sécurise la jouissance légale sur les terres c’est soit l’arrêté soit le
décret de concession. Ce sont des actes administratifs qui peuvent être contestés
devant le juge administratif. Le titre qui est destiné à assurer efficacement la
sécurité des droits fonciers est le titre foncier. Contrairement à l’apparence
l’expression titre foncier ne désigne pas un document remis au propriétaire mais
plutôt une technique de sécurisation des droits fonciers consistant en l’inscription
du droit dans un registre public consultable par toute personne intéressée. D’après
l’article 1 du décret de 76 fixant les conditions d’obtention du titre foncier modifié
en 2016 le titre foncier est « l’enregistrement d’un droit dans un registre spécial
appelé livre foncier ». Le titre foncier est un important instrument de sécurisation
du droit de propriété parce qu’il atteste de son existence sa contestation difficile.

Paragraphe I : Le Titre Foncier : la naissance et l’existence de la propriété


Dans le contexte du système juridique camerounais, seuls les détenteurs du titre
foncier sur leurs parcelles de terre en sont considérés comme propriétaires.
Malgré une possession de très longue durée, malgré l’occupation effective du
terrain, on ne devient propriétaire que si on a obtenu un titre foncier sur ce terrain.
Le titre foncier créé le droit de propriété parce qu’il résulte de l’article 1 du décret
de 76 qui dispose « le titre foncier est la certification officielle de la propriété
immobilière ». D’après ce texte le titre foncier va au-delà la preuve et est une
procédure d’appréhension du droit de propriété. Il fait naitre la propriété, indique le
propriétaire, et précise la consistance de son droit sur la terre. Dans le même sens,
l’article 35 du décret indique les mentions obligatoires qu’on doit retrouver dans
tout titre foncier. D’après ce texte, chaque cas d’immatriculation donne lieu à
l’établissement par le conservateur, d’un titre foncier ayant obligatoirement :
- La description de l’immeuble ayant ses limites, sa superficie, sa localisation
- L’état civil du propriétaire
- Les droits réels existant sur l’immeuble et les charges qui le créent
- Un numéro d’ordre et d’un nom particulier
34
- Le plan de l’immeuble signé par un géomètre assermenté et le chef service
départemental des cadastres et chef du lieu de situation de l’immeuble
Ces différentes mentions permettent d’identifier clairement le titulaire du droit de
propriété et préciser la consistance de l’immeuble. Créant et prouvant l’existence
de la propriété, le titre foncier est un instrument de sécurisation qui rend difficile la
contestation.
Paragraphe II : le titre foncier et la contestation de la propriété
Pour assurer une meilleure sécurisation de la propriété foncière, le droit
camerounais a posé le principe de la non contestation du titre foncier assortie des
limites.
A. Le principe de non contestation du titre foncier
Une fois inscrit dans le livre foncier, le droit de propriété est en principe
incontestable. Ce principe est posé par l’article 1 al 2 du décret qui dispose « le
titre foncier est inattaquable, intangible, et définitif ». le texte assure la protection
de la propriété en rendant incontestable l’inscription des droit dans un livre foncier.
Le caractère inattaquable signifie que l’inscription du droit ne peut faire l’objet
d’une quelconque contestation devant une autorité ou un juge. L’intangibilité
préserve le titre foncier contre les modifications ultérieures. Le caractère définitif
rappel qu’il est interdit de revenir sur l’inscription d’un droit. Ces caractères ne
sont pas arbitrairement posés par le législateur. Ils sont la conséquence du
processus d’inscription du droit dans le livre foncier et de la force probante que le
législateur a souhaité conférer aux titres fonciers. Relativement au processus
d’inscription, il est entouré de garanties susceptibles de limiter les erreurs à défaut
de les supprimer. L’article 30 du décret exige au conservateur avant l’inscription
des droits de vérifier que les plans ont été visés du cadastre de vérifier l’identité
des parties sous sa responsabilité de même que la disponibilité de l’immeuble.
Relativement à la force probante, le titre foncier est établi par le conservateur qui
est un officier public assermenté. Les actes qu’il dresse, ont une force probante
spéciale et ne peuvent normalement être attaqués que par la procédure d’inscription
de faux. Dépassant la procédure d’inscription de faux, le législateur camerounais a
souhaité interdire la contestation du titre foncier mais par précaution, il a assorti
son interdiction de limites.
B. Les limites
Bien qu’affirmant les caractères intangibles, inattaquables, et définitifs, le décret de
1976 prévoit la possibilité de contestation du titre foncier notamment pour obtenir
sa rectification, son retrait ou la nullité administrative.
1. La rectification du titre Foncier
L’activité d’inscription des droits dans un registre foncier est humaine et lors de
son exercice, des erreurs peuvent être commises. Le décret de 1976 admet cette
possibilité en posant que, « lorsque les commissions ou des erreurs ont été
35
commises dans le titre de propriété, les parties intéressées peuvent en demander la
rectification ». Le conservateur modifie d’office et sous sa responsabilité les
irrégularités provenant de son fait ou d’un acte préjudiciable. Une telle rectification
n’est possible que si elle ne porte pas atteinte aux droits des tiers. Lorsque la
rectification porte atteinte aux droits des tiers, elle doit être autorisée par décret du
premier ministre.
2. Le retrait et l’annulation du titre foncier
Le retrait du titre foncier est prévu par l’article 2 al 3 du décret N°76/166, d’après
ce texte, le ministre des affaires foncières peut, en cas de faute de l’administration
résultant notamment d’une irrégularité commise au cours de la procédure
d’obtention du titre foncier et au vu des actes authentiques produit, procédés au
retrait du titre foncier irrégulièrement délivré. L’alinéa 6 du même texte prévoit
aussi les cas de nullité du titre foncier. D’après ce texte, le titre foncier est de
nullité d’ordre public dans cas suivant :
- Lorsque plusieurs titres sont délivrés sur un même terrain,
- Lorsque le titre foncier est délivré sans respect des procédures
- Lorsque le titre foncier est établit en partie ou en totalité sur une dépendance
du domaine public.
- Lorsque le titre foncier est établit en partie ou en totalité sur une parcelle du
domaine privé de l’Etat ou d’un organisme public en violation de la
règlementation.
Dans ces différents cas, la nullité est constaté par un arrêté du ministre chargé des
affaires foncières, le terme nullité utilisé ici, est inadapté parce que l’administration
ne peut s’auto sanctionner, c’est à un juge de le faire, le terme adéquat est le retrait.
A côté du titre, la sécurisation du droit de propriété est faite par la sanction des
atteintes.
SECTION II : LA SANCTION DES ATTEINTES AU DROIT DE
PROPRIETE
Pour protéger les droits fonciers, le système juridique camerounais combine les
règles du code civil et celles du droit foncier. Ce système fait une distinction entre
la sanction des atteintes à la propriété et la sanction des atteintes à la jouissance
légale ou non légale.
Paragraphe I : La Sanction des atteintes à la propriété
Pour protéger la propriété, le code civil a prévu un système assez souple qui a
été reformé par une loi de 1980. Dans le système du code civil toute personne qui
occupe ou empiète sur le terrain d’autrui doit être sanctionnée. Le code civil
distingue l’occupant de mauvaise foi de l’occupant de bonne foi. Les deux doivent
être expulsés du terrain d’après l’article 550 CIV, mais l’occupant de bonne foi ne
peut être expulsé que s’il est indemnisé et ne court aucune sanction pénale,
l’occupant de mauvaise par contre, doit abandonner ses constructions et
36
réalisations sur le terrain qui en deviennent la propriété du propriétaire par la
technique de l’accession. Si le propriétaire ne veut pas conserver les constructions,
il peut les faire démolir aux frais de l’occupant de mauvaise foi. La loi de 1980
portant répression des atteintes à la propriété foncière et domaniale alourdit les
sanctions en mettant d’abord l’accent sur la sanction pénale. D’après l’article 2 de
cette loi, sont passibles d’une amende de 50.000Frs à 200.000Frs et d’un
emprisonnement de 02 mois à 0 3 mois ou l’une des deux peines seulement ceux
qui exploitent ou maintiennent sur un terrain sans autorisation préalable du
propriétaire. La juridiction compétente ordonne le déguerpissement immédiat aux
frais de l’occupant. Les mises en valeur sont acquises au propriétaire sans
indemnisation. Le propriétaire peut supprimer les mise en valeur aux rais de
l’occupant et réclamer les dommages et intérêts en plus pour le préjudice subi.

Paragraphe II : Sanction des atteintes à la jouissance légale et à la possession.

L’occupant avec ou sans droit d’une terre du domaine national et même d’une terre
du domaine privé ne peut être perturbé dans sa jouissance ni par le propriétaire ni
par un tiers. Seul le juge peut ordonner son expulsion. En dehors du juge toute
personne qui troublera sa jouissance se rendrait coupable de trouble de jouissance
infraction punie au plan pénal. Au plan civil s’il subit un préjudice du fait de ce
trouble, il peut demander réparation sur la base de l’article 1382 du code civil.

37

Vous aimerez peut-être aussi