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Laurence SAGLIETTO F. Lusch
Maître de conférences, Université de Nice Sophia-Antipolis William
Laboratoire GREDEG CNRS UMR 6227 Shipp e
de leurs
sagliett@gredeg.cnrs.fr
sur les p
cet artic
grandem
L’approche intégrée de la logistique a mis en avant depuis quelques années le rôle suggest
des prestataires de services logistiques (tels que les 4PL), nous conduisant à anonym
Zachari
repenser l’évolution des canaux de distribution au travers de ces nouveaux acteurs. le Char
Quels sont les enjeux et les défis de leur présence dans les canaux de distribution, Enterpr
au regard des interactions dynamiques qui existent entre ces 4PL et leurs clients ? Researc
son sou
Cet article posera les bases théoriques d’une telle analyse, puis illustrera une
proposition d’interactions dynamiques entre les entreprises et leurs 4PL par des
exemples évocateurs. Enfin nous discuterons des conséquences de ces interactions
sur la gouvernance des canaux de distribution, dont l’une des plus importantes 1 - Les canaux de distribution
concerne le déplacement de la notion classique de dépendance dans les canaux de sont les divers moyens dont
distribution entre une entreprise et ses distributeurs vers une dépendance entre une dispose une entreprise pour
distribuer ses produits (par
entreprise et ses 4PL. vente traditionnelle (magasins)
ou par vente par internet).
Ils représentent les liens entre
Introduction naviguer d’un canal vers un autre en toute les usines et les points de vente
transparence et que les entreprises puissent (entrepôts, plates-formes…..)
avoir un fonctionnement optimal de leur (Paché 2003; Poirel,
Les tendances récentes de la logistique Bonet-Fernandez (2008).
conduisent les théoriciens et les praticiens à structure multicanal2, force est de constater
2 - L’organisation des canaux
s’accorder sur un ensemble de qualificatifs que des modifications paraissent nécessaires de distribution dépend de leur
afin d’en décrire les différents aspects. La au niveau de la chaîne logistique. Comment nombre, de leur degré
logistique est ainsi devenue plus transversale, faire face à différentes difficultés telles qu’une d’intégration, des objectifs qui
concurrence néfaste entre canaux de distribu- leur sont assignés et des
globale, étendue, collaborative et à l’écoute politiques d’harmonisation
du client (Paché et Spalanzani, 2007). Ces tion, une incompatibilité des systèmes d’in- entre canaux. Pour Stern et al
tendances devraient permettre, par une formation, des redondances en termes (1996), l’étude de l’organisation
approche intégrée, de gérer les canaux de dis- d’achat, d’approvisionnement, de stockage, des canaux de distribution peut
de préparation, de livraison…? Pour répondre se faire soit dans une
tribution1 d’un produit de sa conception jus- perspective économique (le
qu’à son retrait, de piloter les flux physiques à ces interrogations, les entreprises cherchent canal perçu comme un système
et d’informations entre tous les acteurs de la à bâtir des plates-formes globales avec des piloté par des lois économiques
chaîne logistique aussi bien entre fournisseurs solutions innovantes et flexibles pour une plus et fondé sur la rationalité des
forte mutualisation des ressources et compé- acteurs. Dés lors sa
et producteurs, qu’entre fournisseurs, distri- fragmentation conduit à une
buteurs et client final. Or, les entreprises, en tences. Certaines entreprises investissent approche multicanal), soit dans
opérant dans de nombreuses zones géographi- massivement, mais elles restent minoritaires une perspective
ques et pour une clientèle très variée, multi- tant les compétences et les moyens financiers comportementale qui s’intéresse
aux relations de pouvoir et aux
plient les canaux de distribution pour sont conséquents, d’autres externalisent l’en- conflits comme principaux
augmenter leur chiffre d’affaires et fidéliser semble des tâches de ce projet à des “fourth déterminants du processus
leurs clients. Pour que les clients puissent party logistics” (4PL)3. distributif.
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Les 4PL sont des intermédiaires ou des et des compétences au sein de réseaux
e-intermédiaires qui ont depuis quelques collaboratifs.
années investi toutes les chaînes logistiques
en s’interposant entre les différents acteurs en Quant aux 4PL ce sont des prestataires de ser-
présence afin de proposer leurs services aussi vices logistiques sans actifs matériels qui ont
bien en amont qu’en aval. Les 4PL intervien- pour mission de gérer le design, le contrôle et
nent principalement dans la planification des le management d’une large gamme de servi-
ces logistiques pour le compte d’autres socié- Figure 1. D
flux physiques et informationnels au travers et des inst
de la mise en œuvre de réseaux de partenaires, tés, au travers de services intégrés. Ils gèrent
de moyens intellectuels et informatiques. pour le compte de leurs clients, l’intégration
Ainsi, nous comprenons aisément que leur de sous-traitants spécialisés pour toute ou
offre et leur dynamique stratégique aient un partie de leur logistique. Ils assurent la gestion
impact sur les canaux de distribution. Quel est globale des flux physiques et des flux d’infor-
donc le rôle de ces prestataires de services mations et fournissent également des services
logistiques particuliers au sein des canaux de qui vont au-delà de ces flux pour englober des
distribution ? Quels sont réellement les enjeux services d’audit et conseil. La distinction se
que leur présence sous-tend et les situe donc sur ce point. Les infomédiaires
conséquences sur la dynamique des canaux de n’assurent qu’une faible responsabilité
distribution ? vis-à-vis des actions des acteurs du canal de
distribution alors que les 4PL sont beaucoup
Dans une première partie, nous proposons plus investis en tant que consultants au travers
d’aborder l’offre de services et les stratégies de leurs “activités de coproduction” (interac-
développées par les 4PL pour devenir en quel- tion entre le client et le consultant lors de la
ques années des acteurs incontournables dans prestation de services) et au travers du “poten-
les prestations de services logistiques. Puis tiel d’apprentissage” qu’ils créent (grâce au
dans une seconde partie, nous analyserons les degré d’innovation de la mission de conseil et
enjeux et les défis de leur présence dans les à la dimension cognitive portant sur la relation
canaux de distribution, au regard des interac- réciproque). Les 4PL sont donc des informé-
tions dynamiques qui existent entre les diaires qui ont progressé vers une forme plus
acteurs. Pour rendre cette démonstration plus complexe répondant aux besoins spécifiques
explicite, nous nous appuierons sur des exem- du marché. L’évolution de l’offre des 4PL a
ples évocateurs. Enfin dans une dernière pour conséquence une réorganisation de la
partie, nous discuterons des conséquences de communauté qui se restructure en branches
ce phénomène sur la gouvernance des canaux d’activités par secteurs clients (chimie, auto-
de distribution. mobile, agroalimentaire…), par zones géo-
graphiques et qui se diversifie en faisant
l’acquisition de cabinets de conseil spéciali-
Offre et stratégies des 4PL sés (en logistiques, informatiques, solutions
Par tradition, les 4PL sont encore souvent communicantes …) leur permettant de fournir
3 -Paché (2007) distingue trois
familles de prestataires de définis par rapport aux 3PL (Love 2004, Kutlu une traçabilité optimisée en coopération avec
services logistiques (PSL) selon 2007, Rushton, Walker 2007, Win 2008) mais leurs clients.
la complexité de leur offre de
services :
cette distinction tend à être dépassée depuis Ainsi, les 4PL effectuent le management et la
- les PSL classiques, qui se quelques années par un courant plus novateur synchronisation des flux logistiques par coor-
chargent de la simple exécution (Fulconis et al 2005 ; Stefansson, 2005). dination de l’ensemble des acteurs impliqués
d’opérations physiques liées au Cependant, il reste à apprécier les 4PL par
transport (2PL); dans ce processus. Leurs prestations se réfé-
- les PSL à valeur ajoutée qui
rapport aux infomédiaires afin de souligner rent à des actions relevant des “océans bleus”
rajoutent en plus la gestion les spécificités de leur offre de services et plutôt que des “océans rouges” tels que les
d’opérations à caractère leurs stratégies. définissent Kim et Maubourgne (2005).
industriel, commercial,
administratif ou informationnel L’offre de services des 4PL C’est-à-dire que leur apparition et leur stra-
(3PL); tégie de développement ont à l’origine pu être
- les PSL dématérialisés qui ne Selon la commission Européenne (2001) les parfaitement décrites comme “un espace stra-
disposent quasiment pas d’actifs “infomédiaires” (interfaceurs techniques) tégique non exploité, la création d’une
physiques propres. Ils proposent
une offre sur mesure à leurs
sont des fournisseurs de services d’échanges demande nouvelle et une croissance externe
clients en mobilisant leur réseau logistiques apportant des solutions opération- durable” (Kim et Maubourgne 2005). A partir
d’affaires, puis en assurent leur nelles en matière d’interconnexion (d’interfa- de ces arguments, deux approches pour for-
cohérence par une totale çage) des systèmes d’information des mer des océans bleus sont proposées : la pre-
maîtrise des flux d’informations.
Cette dernière famille se nomme
fournisseurs, des transporteurs et des clients. mière consiste à concevoir de facto une
les fourth party logistics, 4PL ou Ces intermédiaires fournissent aux entrepri- nouvelle industrie et la seconde à découvrir
encore 4PL Providers. ses des moyens d’optimisation des ressources une nouvelle niche de marché dans une
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industrie donnée en changeant les règles com- deurs sans interférer dans le processus tran-
pétitives existantes. C’est dans cette dernière sactionnel, c’est-à-dire qu’ils ne retirent
voie que nous pensons que les 4PL ont pour- aucune utilité de la consommation des biens
suivi leur chemin. Ils se conforment ainsi à la échangés. Comme le soulignent Neysen et al
logique “d’innovation-valeur” qui accorde (2007), “son profit (celui de l’intermédiaire)
autant d’importance à ces deux notions, pour provient, soit de la marge qu’il dégage lors de
mener de front une diminution des coûts et son opération d’achat/vente, soit de la rétribu-
une augmentation de la valeur par les innova- tion pour son rôle d’entremetteur”. Plus préci-
tions (Kim et Maubourgne, 2005). Sur cette sément, ces auteurs reconnaissent aux
base, les travaux de Kim et al (2008) ont entremetteurs “quatre rôles clés : informateur,
démontré qu’en Corée du Sud les prestataires logisticien, tiers de confiance et distributeur”.
de services logistiques nationaux, proches des Pour jouer pleinement ces rôles, les 4PL
4PL que nous considérons, ont su élaborer un déploient des aptitudes et des compétences
océan bleu en développant un nouveau pour soutenir leurs clients avec une expertise
modèle de e-business pour la gestion des ser- et une expérience qu’il serait difficile d’ac-
vices logistiques globaux qui s’adosse à des quérir autrement ou coûteux d’avoir en
systèmes d’information omniprésents, orien- interne pour ses clients (Jharkharia et Shan-
tés vers les clients. Ils ont construit leur avan- kar, 2007).
tage compétitif sur des capacités (ressources
Par leur contrat de long terme, la mission des
humaines, nouvelles innovations technologi-
4PL va au-delà de celle des consultants classi-
ques…), plutôt que sur une expansion de
ques en développement logistique,
valeurs matérielles (entrepôts, flottes de
c’est-à-dire qu’ils aident au changement tout
fret…), tout en se concentrant sur leur
en assumant totalement les conséquences au
savoir-faire.
travers d’investissements tant financiers,
humains, qu’informatiques. Ils proposent à
La poursuite de cette logique a conduit les leurs clients des objectifs quantitatifs et quali-
4PL à développer des logiciels dédiés et une tatifs, des indicateurs de résultats, un contrôle
gestion électronique des interfaces informa- des coûts et du temps; donc “des services à
tionnelles, mais aussi des interfaces techni- haute valeur ajoutée” (Merenne-Schoumaker,
ques, commerciales et organisationnelles, 2007). Van Hoeck (2004) estime à ce propos
entre des acteurs multiples pour accroître la qu’une fois que les synergies entre les flux
performance des chaînes logistiques. Cette intégrés d’information et de marchandises
dimension informationnelle est considérée sont activement gérées, de nouveaux marchés,
par Van Hoeck (2004) comme un élément produits et services sont créés. Par l’inclusion
majeur de la transformation des 3PL en 4PL. d’activités industrielles et l’addition de servi-
En effet, dans sa schématisation de l’évolu- ces supplémentaires, les 4PL peuvent
tion des 4PL en 4 phases, il insiste sur le clien- atteindre un niveau de personnalisation plus
télisme des services proposés et les élevé pour leur client.
engagements des 4PL (dans les interfa-
ces-fournisseurs au niveau de la chaîne En tout état de cause, en première lecture l’ex-
d'approvisionnement et dans la coordination ternalisation aux 4PL du management d’un
des interfaces-industrielles). Il rejoint ainsi ensemble de services logistiques semble idyl-
les résultats des travaux de Hertz et Alfreds- lique tant pour le client que pour les 4PL. Un
son (2003) sur l’évolution du statut des 3PL équilibre gagnant-gagnant peut être contrac-
en 4PL qui avançaient déjà que, du fait du haut tuellement atteint. Néanmoins, en y regardant
degré d’intégration qui lie les 4PL et leur de plus près, la situation n’est pas aussi simple
client, le nombre de clients est limité et le tra- qu’il n’y paraît car des jeux de pouvoir et
vail pour chaque client personnalisé. Cette contre-pouvoir, de dépendance et contre-
évolution nécessite donc un certain niveau dépendance s’établissent depuis quelques
4 - Ceci concerne aussi bien les
d’intégration des systèmes d’information années. Leur complexité transparaît par une 4PL “purs” que les 3PL
(gestion des ordres, rapport d’inventaire, pla- lecture approfondie des jeux des acteurs, en transformés en 4PL : tels que
nification du logiciel…). Dans ce sens, les commençant par les stratégies des 4PL. DHL-Exel (Royaume Unis),
4PL peuvent être assimilés à des “centrales Freja Transport et Logistics
La dynamique stratégique des 4PL (Danemark), Zust Ambrossetti
transactionnelles” qui prennent appui sur des (Italie), Norbert Dentressangle
systèmes d’information inter-organisation- L’orientation commune des 4PL4 consiste à (France), Kuehne & Nagel
nels (Fulconis et al 2006, 2007). Ils appartien- offrir des contrats de services logistiques (Suisse), Géodis (France), FM
nent donc, selon Hackett (1992) et Spulber complets. Ces contrats, que la Commission Logistics (France), UPS
Logistics (Etats-Unis), Deutsch
(1999), à la catégorie des intermédiaires qui Européenne estimait en 2001 comme minori- Post (Allemagne), Schneider
facilitent les échanges entre fournisseurs/ven- taires, deviennent de plus en plus fréquents et Logistics Europe (Etats-Unis)…
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tiques globaux que cherchent à propager les Schéma 1 : Action-réaction des 4PL et de leurs clients
4PL. Geodis Logistics Deutschland et BWI
(société chargée de la modernisation du sys-
tème informatique de l’armée allemande) ont
conclu un accord d’externalisation d’une
durée de neuf ans. L’accord porte sur le renou-
vellement complet du matériel informatique
de toutes les casernes allemandes. Ce projet
consiste pour Géodis : (i) à réceptionner les
machines dans sa plate-forme afin de les doter
d’un code-barre qui les identifiera tout au long
de leur cycle de vie, (ii) d’installer les logi-
ciels en fonction du profil de chaque utilisa-
teur, (iii) d’organiser le transport et
l’installation sur les différents sites et (iv)
enfin de gérer le démantèlement des vieilles
machines qui seront envoyées au centre de
Reverse Logistic de Geodis en France, d’où
elles seront recyclées ou revendues, une fois
leurs données détruites.
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pilotage spécifique qui s’appuie sur des systè- Dés lors le nouveau pouvoir des 4PL provient
mes d’information dédiés et qui proposent des des standards qu’ils sont capables de dévelop-
interfaces avec les outils du client, des presta- per13.
taires de transport et de services logistiques.
(2) d’une couverture géographique mondiale
D’autres entreprises décident de sortie de des prestations. En effet, lorsque la produc-
cette dépendance en mettant fin à leur contrat tion et la consommation fléchissent, cela
avec certains 4PL. Tel est le cas de Hewlett affecte le transport et la logistique; lançant de
Packard qui a mis fin à son contrat de logis- nouveaux défis de management aux 4PL. La
tique global, trop contraignant avec FM crise économique actuelle crée paradoxale-
Logistics (qui ayant subi une perte financière ment de nouvelles opportunités pour une réa-
importante a été obligé d’effectuer des licen- lisation plus rapide des projets de
ciements). A la place, Hewlett Packard a développement durables dans les chaînes
choisi de faire construire un entrepôt pour d’approvisionnement internationales. Par
optimiser sa logistique de distribution multi- exemple, Geodis Global Solutions relève par-
canal dont il a confié la gestion à LGI, une faitement ces deux défis. Grâce à l’acquisition
joint-venture entre Hewlett Packard d’IBM Global Logistics en 2008, le 4PL fran-
Deutschland et le groupe Willi Betz. C’est çais dispose désormais d’une base pour sa
donc à l’une de ses filiales que le groupe plate-forme qui lui permet de continuer son
Hewlett Packard confie son nouveau contrat expansion à l’international (Etats-Unis et en
(Beyens 2009). Pareillement, dans le cadre Asie), tout en bénéficiant des dernières inno-
d’une refonte de son réseau de distribution vations technologiques communicantes de
limitant le nombre de dépôts, Danone a aban- ses nouveaux employés (Beyens, 2008a).
donné son 4PL principal après une expérience
(3) de services plus fiables et plus personnali-
peu concluante. Danone a réinternalisé son
sés car les chaînes d’approvisionnement sont
transport en lui dédiant une équipe et en déve-
devenues plus longues. Par exemple Schnei-
loppant une plate-forme collaborative avec
der Logistics Europe, un “pur 4PL” (un “asset
ses transporteurs. Danone estime que “ses
free carrier neutral”), fait face à l’hypercom-
relations avec ses transporteurs sont plus posi-
pétition du marché en préférant accentuer son
tives, en partie grâce au partage de données
expertise en audit et conseil sur l’organisation
communes pour le calcul des taux de services
et la gestion des transports. Il propose des
qui permet d’avoir un dialogue de fond sur les
solutions logistiques toujours plus proches
solutions à apporter, plutôt que sur la fiabilité
des souhaits des entreprises. Les spécialistes
des chiffres”12. C’est donc le risque de voir
de son centre de compétences se focalisent
certains actifs stratégiques migrer vers les
entre autres sur l’optimisation des réseaux,
4PL qui conduit les entreprises à réagir plus
une sélection rigoureuse des partenaires14,
ou moins radicalement, introduisant un poten-
l’analyse de marché, les inventaires et les ser-
12 - Supply chain magazine tiel comportement de défiance lors de futures
vices de courtage en douane (Beyens, 2008b).
News Letter 2/7/ 2007 relations.
La surenchère que proposent les 4PL a donc
13 - Par exemple, L4-Logistics
a breveté la technologie “Miser sur des nouveaux atouts” implicitement un coût plus élevé pour les
L4-Epsilon, qu’il propose aux entreprises. La question du seuil à partir
e-commerçants dans le cadre de Face à la prudence ou au repli de certaines
duquel elles ne sont plus prêtes à leur faire
stratégies multicanal. entreprises, les 4PL proposent des solutions
confiance et à continuer leur partenariat, reste
14 - Leur sélection tient compte innovantes plus spécialisées qui ne pourraient
en suspens.
de nombreux paramètres, être réalisées par les entreprises sauf à un coût
comme les prix du carburant, les très élevé. Ils espèrent ainsi accentuer la La solution des entreprises : inverser
prescriptions
environnementales, les prix des dépendance. Les nouveaux contrats logisti- la dépendance
services et leur fiabilité des ques ne tiennent plus seulement compte du
Le contre-mouvement imaginé par les entre-
partenaires, la réduction du prix, de la qualité des services, de la baisse des
nombre de kilomètres vides ….. prises, pour inverser la dépendance consiste à
coûts et de la performance qu’ils génèrent,
En travaillant avec un nombre persuader les 4PL de prendre des engage-
élevé de transporteurs (routiers,
mais aussi :
ments immobiliers en leur faveur. Par
ferroviaires, maritimes
intermodal…) et en leur
(1) d’une certaine capacité à gérer une com- exemple15, le 4PL anglais Wincanton a investi
demandant une garantie de munication en temps réel par l’emploi des dans une usine de recyclage de déchets élec-
capacité, les volumes des clients NTIC entre tous les membres du réseau. L’in- triques et électroniques dans le nord de
peuvent toujours être tégration de ces différentes applications au l’Angleterre pour honorer un contrat impor-
transportés.
sein d’un même système représente un défi tant avec l’un de ses clients. Toutefois pour
15 - "DEEE, des déchets qui
informatique car elle suppose une interface rentabiliser cette usine qui n’est utilisée qu’à
pourraient rapporter gros",
Supply Chain Magazine, n°22 – efficace entre internet et le système d’infor- 20% pour ce client, le 4PL a été obligé de
Mars, 2008. mation de chacune des entreprises du réseau. signer d’autres contrats. Le recyclage est un
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objectif majeur pour certains clients des 4PL, une intensification des échanges
obligeant ces derniers à leur consacrer beau- d’information entre l’entreprise et les 4PL dès
coup de ressources, investissements et tech- les premières phases de leur collaboration.
nologies afin de leur garantir des solutions Elle facilite un enchaînement d’activités
Supply Chain “éthiques” sur le long terme conduites par plusieurs acteurs et concernant
(pilotage des flux jusqu’au recyclage, aux plusieurs canaux de distribution. Les liens
opérations de traçabilité, programme de certi- juridiques aident les 4PL à jouer pleinement
fication, reporting sociétal…) et de préserver ce rôle de chefs de projet et donc de partenai-
leurs contrats. En retour de cette interdépen- res privilégiés. En effet, les contrats 4PL diffè-
dance, ils espèrent acquérir une nouvelle rent des contrats de prestations classiques par
expérience à négocier avec d’autres entrepri- un engagement fort (investissements, impli-
ses ou sur d’autres continents. Cet exemple cation des équipes), une durée moyenne de 3 à
soulève un grand intérêt quant à la structure 5 ans, une consultation plus longue au départ
du patrimoine des 4PL. Doivent-ils se doter de (10 à 15 mois), un système de répartition des
moyens physiques ‘lourds’ adaptés à satis- économies liées aux optimisations, un sys-
faire les besoins contraignants des clients tème de gains partagés. Le mode de gouver-
et/ou leur suffit-il de maîtriser les systèmes nance importe donc dans les relations entre
informatiques de gestion des flux tout en 4PL et entreprise. Les accords entre les parte-
externalisant les opérations physiques ? naires se déploient sur un continuum allant de
L’équation semble difficile à résoudre, car la simple supervision contractuelle jusqu’à la
mettre en place des pratiques socialement res- création de filiale conjointe, en passant par
ponsables dans le domaine d’une “logistique des contrats complexes ayant pour finalité une
de retour” multicanal requiert des investisse- transparence (permettant aux parties de tou-
ments dont la profitabilité, en sus d’être incer- jours négocier d’égal à égal, de s’assurer d’un
taine, ne se perçoit qu’à terme. retour d’expérience…). De plus en plus fré-
quemment se constituent à cet égard des équi-
pes mixtes (salariés des 4PL et de l’entreprise)
Les conséquences de la présence qui ne sont pas sans soulever des problèmes
des 4PL sur la dynamique d’ordre juridique quant à la gestion de l’ingé-
des canaux de distribution nierie sociale relative au transfert de person-
nel chez le prestataire en cas d’externalisation
En multipliant leurs canaux de distribution, (application du Code du Travail). Toutefois,
les entreprises ont aussi multiplié les défis à quand la démarche partenariale n’est pas
relever pour une gestion optimale. Elles doi- présente, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a pas un
vent surmonter des difficultés en termes de pilotage synchronisé des activités, alors l’ex-
concurrence inter-canaux, d’interfaces infor- ternalisation occasionne des dangers16. Ces
mationnelles, de stockage centralisé et mutua- derniers contraignent ainsi les entreprises à
lisé, de préparation de commandes reprendre en propre l’activité externalisée,
multicanal, de call center, de gestion des soit parce qu’elles peuvent la mutualiser avec
réservations et des retours d’un canal à un autre canal de distribution, soit parce que
l’autre…. Autant de défis qui soulèvent de leurs volumes le justifient, soit encore parce
vrais enjeux d’intégration des systèmes d’in- qu’elles sont déçues de leur prestataire. Les
formation (Polge, 2007)… schémas paraissent d’autant plus variés qu’ils
Le management des plate-formes multicanal évoluent dans le temps et qu’ils relèvent de la
n’est pas aussi facile à optimiser justifiant diversité des canaux de distribution et des ter-
l’intervention des 4PL qui offrent justement ritoires d’implantation.
ce type de services globaux. Au sein des
canaux de distribution, les 4PL peuvent être Si nous analysons les informations essentielles
considérés comme une voie alternative à la à la coordination des flux physiques pour la
voie hiérarchique car ils cherchent à dépasser gestion de la distribution multicanal et la
leurs intérêts individuels pour tendre vers un gestion de la plate-forme, deux types d’infor-
objectif d’évolution commune. Ils expliquent, mations prédominent : les informations déci-
diffusent et transmettent les messages plus sionnelles affectant l’architecture globale et
facilement. Si les 4PL s’occupent de la ges- qui seront partagées avec l’entreprise et les par-
tion de plusieurs canaux simultanément, ils tenaires du réseau et les informations tacites
peuvent se positionner comme des médiateurs qui correspondent aux paramètres spécifiques 16 - Par exemples un manque
de contrôle sur la qualité de
entre les différents canaux en arbitrant entre de réalisation à chaque module ou au réseau et l’activité sous-traitée, des
les quantités allouées à chaque canal. Dés qui ne seront pas transmises à l’entreprise car difficultés d’interfaçages des
lors, la mise en parallèle des canaux implique elles sont porteuses de valeur ajoutée pour les systèmes d’information…
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4PL (ces informations concernent la demande Les récents travaux sur les standards en logis-
jusqu’aux données nécessaires à la distribution tique développés par Fabbes-Costes et al
en passant par la production et la conception). (2006), soulignent que les standards sont per-
En revanche, elles traduisent bien la notion de çus comme des solutions pour l’amélioration
dépendance. Puisque l’échange entre les 4PL de la compatibilité opérationnelle et l’interopé-
et l’entreprise est asymétrique, un pouvoir naît rabilité. La standardisation des interfaces faci-
de l’organisation la moins dépendante sur lite la synchronisation des activités, une
l’autre. Les entreprises cherchent à réduire interaction entre les composants et la coordina-
l’incertitude et à gérer leur dépendance en tion entre les divers acteurs. Les standards
structurant intentionnellement leurs relations, jouent un rôle essentiel en créant une certaine
en créant des liens formels, semi-formels ou similitude et une homogénéité. Ils représentent
des environnements négociés, des zones d’in- des instruments de contrôle et un langage com-
fluence… mun qui permettent de réduire les coûts de
transaction et contribuent aux économies d’é-
Les 4PL se servent ainsi de leur expertise et de chelle.
leurs connaissances pour mettre en place des
mécanismes spécifiques d’intermédiation L’instabilité que les dynamiques concurren-
s’appuyant sur des innovations technologiques tielles entre les 4PL et les entreprises peuvent
classées par Chieh-Yu et Chang (2006), en générer n’est pas sans rappeler des interroga-
quatre catégories : l’acquisition de données tions majeures dans les recherches sur les
technologiques (système de code-barres et canaux de distribution : la caractérisation d’un
RFID), les technologies de l’information (dis- modèle d’équilibre des relations entre produc-
positifs pour les communications d’affaires, teurs et distributeurs au travers de la création de
type EDI..), les technologies de stockage et de valeur pour les parties en présence (Fisler,
gestion des inventaires et enfin les technologies 2004), l’existence de contre-pouvoir et de pro-
de transport (GPS, GIS…). Les services prove- cessus coopératifs (Filler 2004, Poirel 2004)
nant de ces modes de synchronisation accen- qui se traduisent par des stratégies de résis-
tuent l’interdépendance entre les partenaires tance17 (Poirel 2004), de fortes dépendances
autour de normes informationnelles et organi- (Poirel 2004, Des Garets et al, 2003), dans le
sationnelles communes générées et contrôlées cadre d’une forte incertitude de marché tel que
(Delfmann et al 2002 ; Wang et al 2007) par le souligne Assassi (2008). Il y a donc bien
les 4PL et qui en tout état de cause peuvent éloi- déplacement de la notion classique de dépen-
gner l’entreprise des détaillants et des distribu- dance dans les canaux de distribution entre une
teurs. Ces modes représentent donc une “boite entreprise et ses distributeurs vers une nouvelle
17 - Poirel (2004) : “La gestion noire” pour l’entreprise (Howard et Squire dépendance influençant leur fonctionnement :
de la dépendance consiste pour 2007). En s’appuyant sur la typologie des entre entreprise et 4PL. Cette influence s’a-
un acteur en résistance de tenter mécanismes de coordination proposée par borde à deux niveaux. Le premier niveau se
de diminuer sa dépendance Mintzberg (1990) on peut classer les moyens
vis-à-vis d’un puissant rapporte à des compétences ayant trait à la maî-
partenaire. que les 4PL mettent en oeuvre pour opérer une trise des activités juridiques et réglementaires,
Un acteur est dépendant d’un capitalisation des connaissances et compéten- les formalités administratives, fiscales et doua-
autre parce qu’il a besoin des ces. Ils s’appuient sur : nières, la prise en compte des risques de taux de
ressources que cet autre
possède, qu’il ne peut ou ne sait (1) une standardisation des processus utilisant change, le traitement des éventuels litiges….
pas comment se les fournir en
des normes internes (exemple : un cahier de Le second niveau a trait au management glo-
dehors de sa relation avec lui et bal : la gestion de plate-forme par la négocia-
qu’il ne peut ou ne croit pas procédures…), des normes externes
pouvoir les lui prendre de force. (exemple : d’origine administrative…) et des tion et le contrôle des divers prestataires, par la
Des Garets el al, (2003) : efforts de normalisation terminologique, des coordination, le pilotage et la synthèse (rap-
”La dépendance d’un agent A
moyens de transmission, des logiciels et des ports sur le service livré et les économies réali-
par rapport à un agent B est sées…). Cette situation peut se résumer à partir
directement proportionnelle à interfaces pour éviter une dissémination des
l’intérêt investi par A dans les circuits de collecte et de traitement de l’infor- des termes de Hakansson et Johanson (2001),
objectifs nécessitant mation; comme étant le passage d’un “réseau de dépen-
l’intervention de B et dance” vers un “réseau de compétences”. En
inversement proportionnelle à la effet, l’enrichissement des savoirs constitue le
possibilité dont dispose A pour
(2) une standardisation des compétences qui
atteindre ces objectifs en dehors s’opère par la formation et une gestion intelli- coeur de la dynamique de ces réseaux au tra-
de sa relation avec B". La gente des cursus professionnels des salariés ; vers d’opérations collectives. Malgré leur hété-
dépendance exprime un état rogénéité, les membres de ce réseau sont
d’assujettissement dans le cadre (3) une standardisation des produits et logiciels fédérés par un dénominateur commun, des
d’une relation asymétrique entre
deux ou plusieurs entités, les
qui se traduit par des efforts de mise au point actifs spécifiques d’ordre matériel (procédu-
unes ayant le pouvoir de d’éléments réutilisables consignant une exper- res, normes techniques, interfaces communes
s’imposer aux autres. tise assez large. et standards) ou d’ordre immatériel (langage
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