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Cathédrales d'autrefois

et usines d'aujourd'hui :
passé et présent /
Carlyle ; trad. de
Camille Bos ; introd. par
Jean [...]
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Carlyle, Thomas (1795-1881). Cathédrales d'autrefois et usines d'aujourd'hui : passé et présent / Carlyle ; trad. de Camille Bos ; introd. par Jean Izoulet,... sur l'impérialisme
anglais. 1901.

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RELIURE SERREE

Absence de marges
intérieures

VALABLE POUR TOU T OU PARTIE

DU DOCUMENT REPRODUIT
CARLYLE

M~~ t'mmf

[1~0~' D'AUJOURD'HUI
Passé et Présent

TItAnUC't'ION DR CAMÏM.E MOS

tNTRODUCTÏQN PAR JEAN ÏX~UUST

t'n'rt"t't)t'~<'p)))hnO)))))t!tUMt')tt'))t)~'))f'K")'<'<'
i.)!n

t/tMPKtUAUS~E A)\(.LAtS

PARIS
EOmON~DE LA MVUE SCÂNCHÈ
33,BOULRVA!)!)
DEStTAMBNS,
t()0t
Couverture inMtîeuîe manquante
~5

.??''
~MALES MmMS
ET
f)
"'J

U~NËS D'AUJOURD'HUI
DE CE VOMJME, tL A ÉTÉ TIRÉ

~0 KMMtp~X'M SMt'~Spi'M' <~ ~bMat:~ MKMM'O~S.A ~<!p)'MM.

JUSTIFIOATION DU TIRAGE:
CARLYLE

Mmmm HmtMN
ET

US.ÎMES D'AUJOURD'HUI 1

i jf Passé et Présent

~~ADUCTION DE OAMIYjLE BOS

INTRODUCTION PAR JEAN IZOULET

Proffascur de pt)t)osophie sacMo au Co))~ge do Franco

? MB

L'IMPËMALÏSME ANGLAIS

PARIS
r
ËDmONST DE UA REVUE BLANCttE
23, BOULEVARD DES tTAMENe, 3)

'901
<
..>

-.J. ~'j¡'
¡ ¡,'
AVERTISSEMENT
1
VERTISSEl\IENT

\“<
Lattre du Mvre do Carlyle, <: Passe et Présent &, Hona
croyons devoir Je fah'c passer eH sons-titM, pom' trois
i'aiBons.

1" La titM s Passe et Ptëseat s se Mnconhe BOM~eNt


en Hbt'aMa!

S*'Le chnngMMNt <!e titM est antonse pat'rnMge; 1


exemptes s David CopperMd de Piohena, paru pn
Frunco souft !o tih'o, < Le Neveu de ma tanto a, <! Il
piaceM s, do d'AnnnnKio, parn ohei! nous sous ee tiere
<t FEnfaNt de vo!apte &
3° « C~MA~M <<*NM/t'e/CMet ~)')!M <<'f<!(/0)~'AMt 9, a
!'avaBtago d'évoquer aax yanx !e diptyque qui cottstitno
!o Mvre de Oartyle, a savoir nne <'t'<7Ma/MM !'<MMp, vue
& travora UNO M'être C'Atwn'~Ke ~e~fome, et une c/M?M~/<oM
MM/dw~M/c, vue a travers MBo mo~He MSM'n'ch'Mt <F'C!<-
~M'a.
ANGLAIS
L'~PKHIALISME

I.; I,
lt

l. R~V'f.1>
).LEnf.VRp<<j:AMY)~
r,>\I\
Le P~ftt <)e )''nh~t)a))sm<}.
g
Les deux fleurit de t'!mp&t!a))mM.

U. LA JUaIt: tHu.AN~ATMS SOOALK.

Mo;cn .ttta Bt Temps) modertMa.


t'tto .<<<uc)'«<)t' )~< tf'«jf[t)/ et une B~MC </e /« t'afsoo.
t%. Critique des <!<'MM't'HCH)eMh ~tatVMCtM.
Le <')t'«.!f;t~' <<M <MfM.)'
L.\ tomE K\)'AXSto!! !iA'Hf'!f.\t.t:.
S~tt.
t'nn ))f tro;) ch'oitp.
HR t'tboritemextaurtestobe.
Le fMhtD't'~o po))))que <)a S)ta~eap(!are.

LM MUATUt: t'Kti)').t: )M)'6)))AUS, Ct'KT UN. <M~MA).)8ij)Mt!.


V.
L~ payeht))oi;)e doit )M))oM ouMp&unnes.
Les Anglais, comparés aux Hotnains.
LM huSM9.
Les I'')'ar.ca)<.
t Les Américains et los Uermntna.
Lt chanson do marche teutonique.
M Les quatre peuptM impériaux.
<P L'ng)ctort'e. impcrinthatme.
V. LK QUADfUt.A-fimR ANULAtS.

Les pr~tunttotM de t'Angteterre.


Les empires solon
ptMotatrea~– See!cy.
<~Ë ?"<M''c anglais. <.
Une tt'ut'M de quatre éjectes.
Mace ptauetatro et lilat planétaire.
~.VL LA OANat(h!)N DE h'Oh CHEZ M8 ANOLO-SAXONS.
Los obstacles e.c<~)'teM<
ijj~
L'obBtactaMMftM)'.
Un amh'ftt<nqat6(.
Un poÈte suppliant.
Un Premier minhtro songeur.
}{. L. 't.'tHP~MAU8!tE AKt!M!3

~M. L~ \~H.ëB M9 At<ME9 BU AKOMMRM.


Un discours de Lord Roaeberty.
t.es trote constatations Importantes.
Qu'eat-ce que t'Emptre britannique
Orand changement ttans la monde.
La Prusse, exemple des nations.
Examen de conscience.
La santé do t'Amo et du corps.
L'organisation technique.
Le champ-eto!
AmM)!on ob))go.
L'Angteterre au seuil du xx* siècle.
Lord Mcseherry tm'oqne Shakespeare.
L'IMPERIALISME ANGLAIS

LU R!E DU CARLYLR
:1
i
J `
).t:t'ËnEDEJ.'tMt'fSM!AL)8MH
y

Ce n'est pas lord Beaeonsneid qui a invente l'ImptTiaiisme


An~'htis, en posant sur le front de la reine Victoria la cou-
ronne des Indes.
L'empire des Indes ne constitue pas tout
J'Intperiatisme.ni même vrai direl'Impëriatismo véritable.
<* Ce n'est pas davantage M. Chamberlain qui a crée rimpé-
\;riaii8mo.
Ce n'est pas non plus Rudyard Kipling.
Derrière ces hommes très en vue, il y a les Diike et les
et ces livres décisifs G~'e~e!' .C<<MH, J?a?p6<t!s:oK
~Sceiey,
~t:gr~<n<<.
Et il y a Carlyle, avec son principal livre de doctrine,
fSPas~ <M~ ~'gseH~.
CarJyte, Dilke, Seeley, Disraéii, Chamberlain, Kipling:
~tousces noms sont inséparables.
,v.
,-a. .v., w~
IV )/tMPËMAUS~~

C'est de Carlyle que j'ai à parler, de Carlyle et de son pria'


oipal livre, dont la traduction française paraît aujourd'hui
même sous ce titre fortement contrasté C'o!~e<~r<s<i!'«M.
trefois et t/s!'HM <<:M/OM)'d'~M~ livre admirable, livre
shakespearien, si profondément intuitif et ai puissamment
visionnaire qu'il illumine d'outre en outre toutes les ténèbres
de notre moderne Occident.
Carlyle, que M. Augustin Filon, si bon juge et critique si
autorise, n'a pas hésité à appeler le plus grand Anglais qui
ait paru depuis
Shakespeare a Carlyle, qui a versé dans &
trente ou quarante volumes sa pensée robuste et prophétique
Carlyle, dont trois livres essentiels sont dès maintenant tt'a.
duits en français d'abord, les « ~'us », par M. ïxoutet
(t886, chfx Armand Colin) puis, « &«'<0!' )'esa~!<s
par M. Bart!)e!6my (t899, au Murcure de
France) enfin,
« Pass~ <?/~~c~< par M. Camille Bos (t90i, aux inu'eaux
de la ttevue Biancite) sans parler des trois volumes do '(1
la a /~M~M~'o« ~'t'<n<«<s<' a, traduits par M. Jules Ho- '§ n
cho –- en un sens, est le père de rjmperiaiistnc
Carlyle,
Anglais. ,1':
~'ïf/Je MM/)er:<~e, lancée par lui vers !o milieu du siècle,
MM. Diike, Seeley, Chamberlain et Kipling, l'ont reprise, en
ces derniers temps, dans une politique impérieuse, étayce
d'un prosélytisme enHamme. 4~
Mais Carlyle est bien l'initiateur.
Les penseurs sont la conscience des nations. C'est en Car-
lyle que l'Angleterre semble avoir, pour la première fois,
pris clairement conscience de son Impérialisme latent.

LES DEUX FACTEURS DE L'tMPËMALtSME

Or cet impérialisme unpiique deux éléments, deux'6i6-


ments connexes, qa'onpcat formuler ainsi :–"
Po'~<!yMS~O~SH!SCf~O~SOCM~/ 1
POM~ la
POll1' C~p<)!MS!dM nationale!'
expansiÓn MO!<:OHO!~
t.E!~VEDECA~t.YH! V

à grands traita ces deux idées, en résumant brtô"


a! Exposons
~pment la première, qui est largement devetoppee par
et en dégageant nettement la seconde, qui dans
1 :ar!yie,
i :ar!y!o est seutoment esquissée.

,:1
'$

LA JUSTE ORGANISATION SOCIALE


g

MOYEX
AOEET TEMPSMOPEHNES

CarJyie confronte le Moyen.age et les Temps modernes.


c'est-à-dire. se!on lui, t'o~MM~Mp vu a travers uoc
humble c/o'oM~Me </e M:o~<0, et J'</«M)'c/<Me P)'<~)t<, vu ))
travers une inquiétante ~<sM)~o« ~'OMW<M's.
Qu'est-ce que !o Moyen âge, pour Cartyle ?
C'eat Dieu présent, une Ëgjiae.fervente, une Aristocratie
vait!ante, un Peupie encadré, garant!, sauvegarde.
Qu'est-re que les Temps modernes '1 '<'
C'est Dieu absent, une Église superstitieuse, une Aristo-
cratie jouisseuse, un Peuple orphelin .'i
La foule,cctto gmnJo et fataleorphe))no(v. o.) :.ë

Cette crise terrible d'athéisme et d'anarchie, qui dure


depuis deux siècles, et qui sévit plus ou moins dana~oute
l'Europe Occidentale, comment en sortira-t-on 'i!
DU TRAVA!LET UNE ËOMSEDE LA BAtSOX
UNE AR!STOORATtE

On en sorUra par deux opérations: !'une, négative et pré- i


!iminah'e;rautre,uttérieuro et positive, g
Voici Ja première opération rejeter les deux anciennes
LA JUSTE OMAMSAMON SOCMt.E 1 Vit Il'

lassesdirigeantes, désormais discréditées, disquaHnees,


~aHëchups rejeter la fauase Église et la fausse Ariatooratie.
favoriser l'avènement de deux nouvelles
JS Voici la seconde
liasses dirigoantea: une nouvelle Aristocratie, agissante,
'eUe-ia, et payant de sa personne, à savoir, !os C/«~s d'!M-

~/MS/<'<0; et une nouvelle Eglise, polisante, cei!e-!a, à savoir,


'es<<'<'«s</<<'s.
nouvelle Aristocratie, fondée sur te <~(UMt~, et

~"ne Église, fondée sur la ~<soH


nouvelle tels seront, a n'en

g~tas douter, les nouveau-% cadres des nations.


véhémente des faux chefs sociaux, et évocation
Satire
ardente des vrais chefa sociaux, tels sont donc pour Carlyle,
les deux aspects, négatif, et positif, de la réorganisation so-
cialo.
les 67<o/s <<'<H~Ms/<0 et les 6?CMs ~0 latte'es sont
Certes,

~y. t'K'n loin oncorc do soupçonner la grandeur do !our mission.


les <'A's <<H~Ms~e8ont encore parfois bien aveugles.
Mais n y a de la force en eux, de l'énergie et do la sovo. Et
Èë 'ts auront pris conscience de !our fonction dans la cité,
sauront s'eievcr il ces hautes idées qui constitue pro-
i)s
~j )'ronent!cs Aristocraties ou les Aristies.
i'areiilement les 6'CHS cle /<'<es sont encore bien pro-
fanes. Mais quand its auront pris conscience do !eur fonction
~dans la cité. ils s'élèveront sans peine à ces hauts sentiments
constituent proprement les Clergés et les Sacerdoces.
qui
Quand les Chefs d'industrie auront pris conscience de
fonction ducale (dux), et quand les Gens de lettres au-
~ieur
j~ront pris conscience de leur fonction sacerdotale, c'est-à-dire,
quand le groupe éducateur et le groupe administrateur auront
compris qu'iia sont nés et doués pour être les conducteurs
spirituels et temporels du peuple, ses serviteurs et ses libéra-
teurs, – alors, alors seulement, prendront fin l'atomisme
aornsacta~, h pulv8risat!oh sociaÏë,Taharchte"sociatë; alors, de
nouveau, le monde sera organisé et équilibre
Car l'équilibre, c'est le bas atmant le haut. (v. a.)
~t.
i
L .~m -1. t.'MPËM&MSME ANGÏ.MS

CMTtQUE DES « GOUVERNEMENTS PAM88EUX

Et c'est Je « ~Mra'~tMe
pourquoi Cariy!e repousse e ~o-
M<<9Mc, c'eat-a-dire !a doctrine des gouvernements médiocres
et faibles, ia doctrine des a ~OMt'erMeMteH~s ».
~ot~sseKa? ~1
Et c'est le « Mx~~He ~eo-
pourquoi Car!y!e repousse

MOM~MC, c'est-à'dire ia doctrine du a avec


~SNe~<e a,
son misérable correctif, !e ~o~oMse.
Et c'est pourquoi demande i'étaMissement d'une
Car!y!e
~(i!otîOMM'~6 et d'une so'H~axfe, d'uns~)'.
~OH
D!'cc d'un se~'cs
<<'cHM~M0MaH~et c!M~~<OH, etc., etc.
Et c'est réclame l'avènement de !a vraie
pourquoi Car!y!e
Ente, seule capable de concevoir et de vouloir de teHes insti.

tutions, l'avènement des 6~t)0s des sayes. R
Et c'est enfin un ardent au
pourquoi Cariyie jett~ appel
vrai Chef

Un PMmter Minore. qui osem. a'adresaef en homme et en héros ao smnd f


Cffur de t'Angteterre, (hm ses muets eomMa. – ce tntnhtro verra s'6vet))cr M~
autour do lui, en une t'assionnte et hratante Joyaut~ deuant tout, !o e<Bur de j~
rAngteterfe. t .<

LE f CRÉPUSCULE DES DtEUX a

Espérons! dit Cartyte.


Et sur quoi fonder cette espérance ? Q
Sur deux pensées qui sont en eNët d'une et
profondeur
d'une portée incalculables

4"?bM<C/!<!OS e~'C/MMM autour


CCM~ejOOM)'~)*<e!'
2" ~MJ c~os MeyeM< <<etMeM~er c~os, ~a~d~ t'eK/e~TMC
MMe<!?MeeM~/ l

Jadis. FEurope, fut c~oysMce et <<?yo:<M~e.Ë!!e est devenue

sce~McMa!e et e~~a~HMtMe, et elle en peut mourir.

Mais n'an-doMtons-paa~eU~redav~ndra-c~o~cMec~t ~o!-

L'antique &i mora!e et l'antique loyauté sociale renaîtront.


SjN
t,& JUSTE OBGAMSATMNSOCtAtE M

L' antique ferveur et l' a antique Mroïame a refteuri-

s
La vie, aujourd'hui inhm-oYque et athée, redeviendra M-
et divine.
roïque
La crise que noua traversons n'est qu'une crise de meta-
§
morphose.
La nuit que nous traversons n'estpaa la nuit, c'est un crë-
g
Cf<KSCM~ des /)~M.C B.
puscule,
ni
t

LA FORTE EXPANSION NATIONALE

Or, par une saine et juste organisation sociale, une nation


croît nécessairement en nombre et en force.
Et cette surabondance de population et d'énergies tend a
se pleinement déployer, cherche des issues, et nécessaire-
ment s'élance à la conquête des mers et des continents.
Immobitiser et stériliser au !~o~-Ao:Mc ces milliers de
« robustes bras a et de « braves cœurs a, quelle stupide so-
lution
Ce qu'it faut, c'est leur révéler le globe, leur ouvrir ces
vastes terres vacantes, où-ils pourront s'installer, s'enraciner,
et fonder de nouvelles patries, filles éparses et pullulantes de
la viei!)e Mère-patrie.
Ce qu'il faut, c'est organiser un puissant service d'émi- fj
gration, c'est mettre un pont de navire » au service de qui-
conque est prêt à partir: <j
« pont ~re~oM?' les B Voilà le cri de
eM:~r<!M~s
Carlyle.
.–~
s '3
'=
UNE!LETROP:ËTROtTE
r
Car!yle disait, vers 1840:
.V~' ."` _J!
<' ~vo~ë //e est devenue trop ~o:~ ~OM)'MOMS; *=3
mais le monde est encore assez autres six
large pour
mille ans.
ans, o
1)
° -a
.~S
t.A FORTE EXPAKSMXNATIOMLE Xt

Combien tttaMft) an!n)tfft'hni HtnntM'a!


plus vrai, aujourd'hui, ajouterai-je!
Le tert-itoire des lies Britanniques, qui est moins ~~M<~
quoce!ui de !a France, porte dès maintenant une popula-
/<o«sMjo~K~v, ù raison d'environ eeH~t'M~~ habitants

p.)t' kilomètres carré, contre environ so:v<!H~'f/M? pour la


France, et contre moins e! dans certains territoires de la

j~.tnt'tc.
D'outre part ta planète, qui ne nourrit encore qu'un Ht:
/<a~ et f~eM:! d'habitants, en pourrait nourrir bien davan-
tage, dix milliards par exemple, d'après quelques calcula-
tcnr".

DEBORDEMENT SUR LE GLOBE

(:.)r)\)e s'enivre t)es perspectives que son imagination en-


tr'ouvrt' l'expansion de sa race

L' ni.nch~.< aasurts do t'Angteterro acront do nouveUc~ cotonto!


parmi
t) .),;tais dans toute:' tesparties du globe.
Tmn )ps ht)[nn)e3 commercent Mce tous te~ hommes, cola arrange tes
quand
uns et )"3 autres.
~ttij les fois de )'Ang)oterre, ceux qui parlent la tangua anglaise, n'y cut-i)
icu tfautre, ecux-tit. en tout auront une prédisposition Indéracinable à
.J ) temps,
j t'ummt'reeritvec i'AngtetertO.
.V'/<'< fut jadis le ~aH-7oHteM, le rendez-vous de toutes les tribus d'Ionie,
peur lu YicHh- Urcco pourquoi tondt'f)! ne serait-il encoro le
pas longtemps
~< le rendez-vous de tous les. enfants des rocs du Hart.!
qui arriveraient )& par éc))mti))ons choisis, des antipodes et (t'a)tteu)-s. t
~M('< aecHt)', tH~e comme /(' MtOHf/e, poM<'N« ~MC HO'M a~o)M le ea'M)' e<
n~-<Mt)'c, – eo que, par la bénédiction du Ciel, nous aurons
i'AA'f.MtMc
Ne demeuro pas en place, fixé, et enraciné,
Sg
Aventnre-tot avec ardeur, pam errer avec ardeur;
Partout où tu les porteras, ta tête et tes bra<
SSE; Et ton coMr vaittant seront toujours chez eux.
Rn quelque contréo le soleil nous
que visite,
Nous portons avec nous notre ardeur
Ng quoi qu'il advienne;
C'est af)n que nous
ayons la place d'errer au travers
-< Que le monde a été fait si vaste.
!jjg
j~~ (GmTttE,W<MemJtfeMe<) y2

\"yadecehquatorMcentsan9,cetutgracoaunconstderaNoMMrv!ced'~i-
gMtion n, n'en doutons pas, que nous-mêmes nous avons aborde en cette lie
Hjp temarquabte. o»
-1> ,4- H"
.o.;t.
Xtt t.'tMPËMAUSHE AXGLAtS

le prédisait dans « Les Heroa a


Carlyle déjà,
« î/Angteterre, avant longtemps, cette Me à nous, ne contiendra qu'une petite
fraction des Anglais: en Amérique, dansiaNouveiieHoiiande, à l'est et&t'ouest,
Antipodes même, il «to'a !<)) SfoMMot fo:<M'<!M<de t'«!<e~ espaces
jusqu'aux
<<;<G<ot<

!.E FtJTUR ROLE POLITIQUE DR SHAKESPEARE

~on seulement et cette vaste


Cariyio préconise prophétise
mais il se du moyeu moral de tenir lié
expansion, préoccupe
et serré le faisceau
.'«
Et maintenant, qu'y a-t-t) qui puisse retenir tous ces homtnea ensemble, en "?
Nation virtuellement une, de telle sorlo qulla n'aittcnt pas se quereller et ae
battre, mats vivent en paix, en commerce fraternol, a'atdaxt l'un l'autre?
Ceci est )ustement reganM comme le plus grand proMëmo praMquo, comme la e.
chose que toute sorte de souverainetés et de goMernomenb ont tel à McompMr
qu'est-ce qui accomplira ceci?
Actes de parlement, admtntstratih Premiers ministres ne peuvent.

Qui donc ? Qui? un un Wanvickshh'c, un sim-


pnysan
de Stratford,. mort d'ailleurs depuis déjà assez
pie paysan

longtemps, mais qui s'appe!ait. Shakespeare!

Oui, Shakespeare!

N'appetez pas cela fantastique, car il y a boaucoup de réalité en cela Ici,


dis-Je, est un Roi anglais, que ni temps ni hasard, Paiement ou combinaison de
Par!emams, ne peuvent détrôner!
» Ce Rot Shakespeare, est-ce qu'H ne brille pas.en souvoratnoté eouronneo.sur
nous tous, comme to plus noble, !o plus doux, et pourtant le plus fort des signes
de ralliement; indestructibio réellement plus appreciabie & ce point de vue que
tous autres moyens ou ressources quelconques?
Nous pouvons t'imaginer comme rayonnant d'enhaut sur toutes tes Nations j
d'Anglais, dans mille ans d'ici. De Paramatta, de New-Tfori:, en quelque lieu, et
sous quoique 'constable de Paroisse que soient des hommes Anglais et des
femmes Anglaises, Ils se diront les uns aux autres Oui, ce Shakespeare est à
nous; nous t'avons produit, nous parlons et pensons par lui; 'nous sommes de J
!n6mesangetdem6tnotaeoqaota!a “.

Strat<brd-8U!L'Avon serait ainsi, dans les siècles des sie-

cles~ la Mecque universeUe des Anglo-Saxonii.


.-–
-––-
-–-––
l'

LES QUATRE PEUPLES IMPÉRIAUX, DONT UN~


IMPËRÎALISSIME

Et voilà comment, pour la juste


Carlyle, ~o~<M:;M~OM
soc!<<- doit produire ~/b~/e c;cpows:M H<oM<~<
Rejeter la fausse Église superstitieuse et la fausse Aristo-
cratie jouisseuse; fonder la nouvelle la ~MOM et
~se
la n~uvcHc .t~oer~e c!M travail; écarter tes « gouverne-
ments paresseux et le « laisser-faire 0 économique;
prati-
'juet- pt'udemmentethardimentl'iutervontionnismed'État en
mot organiser ~Ms/e C:7c,
un pour exalter lu ~raM~e
/'«/r<e voita le programme de Carlyle.
Voit!) comment Carlyle estime que l'Europe moderne peut
doit sortir de crise d'athéisme et d'anarchie.
sa paralysante
et

LA Pa~CHOLOME DES
NATtONS EUROPÉENNES

Mata toutes les nations d'Europe ont-elles chance de sortir


g
de la crise redoutable?
victorieuses
Non sans doute.
M ~'ci s'encadrent les jugements de
Cariyte–diagnostics
et pronostics –sur les Anglais et les Américains, sur les
– ~~Ma~s;3Mr~cs:se~et8m\Iës~-MM~M~
Voyons ces jugements.
g
XtV h'iMPËMAMSMR ANGLAIS

LES
LE8 A~tGLAtS,
A~GLAIS, COMPARAS
CO~n)AnÉS AUX ROMAtKS
ROMAISS ".è)
~f~

D'abord, !a comparMison des Ang!f)s avec les


s'imposa
Romains: &

Les ~n~<aM sont un peuple muet. tis peuvent faire de grandes choses, non
les dAoriro.. %?
Pareite en cela aux aneiena HoMtni~ teur poème épique est eorK sur h ,~S~
surface <tb )& terre.
Ut) chien M~'ant a une Hbro faeuha d'expression, mais io ehevat do guerre ?
est presque muet.
vrai dire, vos libres facultés d'e\pression ne sont.en aucun sons.ce qu'il )'
a de mieux c'est ptntut ce qu it y de pia, de plus MMe, de p)aa trMat leur
sens est prompt, mais mesquin et cphemëre. 'R',
Par!ex-mot des xi~cncx'M.t' ~n~/M~, des s)?<'Hf')fM.)' ~omat'M .<

< <. ))e toutes les nattons composant actuellement !o monde, ta nation angtaiso .J'
est h ptna stupide en discours, ta plus eaga en action, f
Presqu'une nation muette comme je te disais
Oh. M. Bu)), ta nature seuto te conMtt, reconnatt ta grandeur et )a force ,~m
qui sont on tôt. Ton épopée, qu'aucune parole no chante, est ferHe on caract6rc$
gigantesques sur ta face do cette ptanete – Jetées, manufactures de coton, ctMmius S'
do for, escadres, et cités, des Empire Indien, des Amérique, dM NouvcUe Hot-
!ande: caractères tisibies de tous les points du syat&me sotairei. :S!
Les anf'cfM<!<'Mf<!tM non p!M ne purent pae~fn'/ct- pendant dM steeies. <«'<
oeof)! que <« M)n)t(/e Me /'tM <) CM.)' – fttors que tant do Grfeites partante:), tours
nfches de togique épuisées, avaient été atMfMM ot <t&aMM. :4a~
~M '<t'«tff<<Me <!«eHce que fe~Mt <<fs RoM)a<ns mémo te plus grand de t0!)! '~M
n'est-i) pas )o sfh'Hfc (~ f/<ctM' f < ~&B

Grand honneur a cetni dont t'épopee est une metodieuM ttittdo en hexamc-
tros,
Mats plus grand honneur encore a celui dont t'tpopee est tM ~m~e pM~M«t
<eH<CMtet)t can~<t'M<t, !<t)e~)M<Mf<e ~)'<e f<'«ch'oM /iA'o)~t<e~, Mue ~)MtM«n/e <eM- '~S
</Mt'<e SM)' ~e c~oos. '< i~~

LES RUSSES
~j

Passons aux Russes.

Chose frappante, les estime fort


Car!y!e

Et même les aHeneteux Rueses, ausst.Je ctcis qu'ih valent quoique chose. ~IjS
Ne Mnt-fta pM en train, sous mille crtHques, de disetpUner une immense mi-
barbare moitié da monde de .ta Fmtande au Kamt3chat!ia, et de- ta contraindre à
– –-
Jta r6gte,A!a.M)bM'd!t)atton,&t&ctvM)f'atinn?––-–– -"N*g~
Cc)e, vraiment. <<&f t)te<He /<!fo;t )'owa<n9, MtM pt'otMttcef «n mot M'ftessM,
!.ES OUA~M PEUPMS tMPËR!AM XV
toato sorto
partof touto
~S écoutant tMnquUtement
p~lor aotto do
de \'1'npêf~Ú'raC~¡;abiÕ~
Puhtteiatea an
vKupemttfaCapaMoaptiliiiÕÚite~
?)~ Et encore
<. ~Mstes muet&Musses,aussi, comme jo t'a) dit, eux qui vont d)sc)punant
toutcequ'ity a do sauvage Asie et de sauvageEurope, mettant –tout on rang
et OtemUttatre,entreprise terrible et pourtantJusqu'ictprospère, ces ~MMM
S: ~)t<f'<f'f ~"S MtMC~. a

En décembre t!)00. Lord Roseberry, dans son discours do


Gjnsgo\v, dira identiquement
.iH est une qu-))i)Èinstgne quej'admire specMefnontdans h punttqnorusse.
Ë))o est inttiuefeutoa h vie d'tm homme eu au cours du temps elle avance,
;<s commede son propre mometnent ctte est A~MCt'eMM, concentrée,petp~tueUe,
infrangtbte. Par eatteelle est pleine de sucées.

LES t'HANÇAtS

Au tour des Français, maintenant


'~K Taudhque vos Fmncats,toujouM pat'hnt, toujouM sesticntant, que Mnt-tts
!S§ eu trainde dtsctpnner?'1
.))e!: danates fot6b de Undo, et voyezquelle ag))o,adroite, jamais eu
H'pM,~O~K/H/t'OM ttngC.' f
Ainsi !'An~aia (:ar!y!eJ mt'priae !c!< Français, comme les
Romains méprisaient les Grecs.
Et < r)yl') estime les Russes.

LES AMË!UCA!XSET LES GEXMAtXS


%i

Que dit-il des Américains et des Germains? 'f


Cariyie, Mon entendu, saiue dans les Américains et les
des peuples coMS~H~M~s, nls ou frères des An-
Germains
9 S'ais.

LA « CHANSONDE MARCHE TEUTONIQUE

Et sa revue du globe se termine par un chant


teutonique
a chanson de marche a
une
'S)! M~~ tecteuraingénus,noua aHoMnousmettre marcheavecune rhythmtaue
jM
BB ~° ~as' ofMpottfimgmentda~aBiquoduptMgran~~
g~ "MAHemandesoM9comtM.iBse.aneedetat!tandIosec/«)HseHt<et'oM<c,
XM L'MPËN&USNE ANAA!S

cAfMMt) <te MarcAe, do co gMnd penpto teatontque, notre ~xtt'eHt, toodta qu'!t va, v~ S~
<o~onM, vatUant ot vtotorieux à travers te~ profondeurs tnsond&ea du temp~) 1

ttyadesyeMxqutnouategin-dent,
Pana te sHence d'&tetoM
,t
MyapMnttude,
0 braves, pour vous récompenser
Travatttei) et ne dosospérea point.

!.E8 QUATRE PEUPhEa !Mt'ëR!AUX

Voità donc les quatre nations aët'ieuses et silencieuses,


ce que j'appeUe tes quatre nationt! imperiates

.<4M~/0/~TC, ~i~OK~A'<7M~S,~MSS!'e.
Et te reste des nations ? Le reste no vaut pas t'honneur

d'être nommé.

Tout !e reste ~Hee et Autriche, Espagne et Portuga),

ïtatio, Grèce et les principautés Balkaniques; et les pays


uamands ou bataves, Scandinaves ou helvétiques; et les

repuMiquea de t'Amerique centrale et méridionale, –tout


io reste sans doute est destiné à être ou Ht~t7f<t'eMc~ eoH~M:<
OU ecOt:OH!M<'H!<< <ifSSO'M<

t.'ANQt.ETERttE. )MPER!AHSSt))E

Quatre peuples impériaux, ai-je dit dont un, ajouterai-


1 <
Je. MK.p~'MtHsS:)KC/

Lequel? L'Angleterre.

De quel droit? ce que nous aiions examiner, i
C'est
LE QUADHJLATËRE ANGLAIS

H LES f'MÉTEKTtOXS DU t/ANGLEt'EHHE

De quel droit FAng'ieterrovise-t-eiie ainsi & la prépondu-


%[)nce suprême parmi les quatre peuples impériaux ? Da quel
J~'oit )'Anëictcrrepr6tcud-e!!e prévaloir sur les Hobenzouern
les Romanofr? Da quel droit rAng!etorrc osp-t-cHo
~sur
natter de plier a ses longs dessoins les descendants de Fre-
t't t)e !'ierrc, ou l'arrière successeur de Washington ?
~ric
droit J'Angtott'rre se tar~ue-t-oile do faire de Londres
:;&)ur toujours io centre des grandes affaires, au détriment do
de Petersbourg et de Berlin?
'.j~iw-York,
De quel droit? Du droit de ses supérieurs n~o~s dans le
~~OM:MH! du g!obe, c'est-a-diro du droit de sa situation
anCtaire, du droit de ses quatre empires fondés aux quatre
cardinaux. Et c'est ici que le livre do Dilke (6'rco~'
'ints
et surtout le livre do See!oy (.B~M!MS!OM of En-
~'<<<M),
dressent la carte positive de ce suprême impérialisme
~)
dont Carlyle fut le prophète, dont Kipling est ïe
J~tannique,
et dont M. Chamberlain espère bien être le déanitif
antre,
"dateur.

–––
LE8_EMPME9-PLA!<ËTAtHKp, 8Et.&N SEEbEY'~

la substance du livre do Seeley, un


Condensons que, pour
&
XHH t.'tMP~MAMSMRAtCt.AtS

T..m.i._ i1 .t .2.2.1 J_ 1.

Français, 11 est criminel de n'avoir pas lu (traduction Baille,


chez Armand Colin).
Les Cités, grecques ou italiennes, ont longtemps brillé.
Mais leur étoile a pâli, quand se sont élevées les grandes
Monarchies des Alexandre et des Charles-Quint.
Or, une révolution analogue est imminente. Les grandes
Monarchies, si longtemps souveraines, vont déchoir à leur
tour devant les Empires planétaires qui sont en train de s'é*
lover.
Les nations qui resteront & l'échelle des anciennes Monar-
chies cesseront donc de compter dans l'histoire.
L'heure est solennelle
c'est il chaque nation de consulter
ses forces pour savoir si elle entend disputer à d'autres l'he.
gémonie du monde, ou bien se retirer de la !ico, se résigner,
et descendre dans la nuit, où sont descendus tant de noms
fameux de peuples ou d'individus.
Qui n'avance pas recule. L'heure est venue il faut lutter
ou sombrer.

LE OUADMLAT&RE ANGLAIS

L'Angleterre a choisi.
Non seulement elle prétend
égaler toujours les Américains,
les Allemands et les Russes, mais elle prétend les surpasser.
Pour cela, elle achève de fonder dans les quatre parties
du monde, quatre vastes empires, les quatre forteresses de co
que j'apppeJIe Je quadrilatère Anglais, les quatre membres
gigantesques d'un empire universel
i" En Europe, les Iles Br:'<<M!M!Mes, avec leurs quarante
millions d'Angtais j"
8° En Amérique, le C<M<M!« (avec Terre-Neuve), plus de
seize fois grand la France comme
3° En Asie~l'~MS~'aKe (avec la Nouvelle-Zélande), plus de
seize fois grande comme la France;–~ans~nëméparIërW
l'immense Empire hindou;
Il
Ï.SOUAMMLATËREAXëtAM

4° En Afrique, un .SM<M/We<i~M, grand comme l'Europe,


et qui, avec l'Egypte, par !a destruction de !'Abyssinie,
consëcutive à la destruction du Transvaal, deviendrait vite
un Nord-Sud-Africain, pour ne pas dire plus.

UXE CEUVRE PE QUATRE SIÈCLES


JI,"

Et l'entreprise n'est pasd'aujourd'imi. Elle remonte à 1600,


t)ure depuis trois siècles, et est loin d'être finie.
Au xvr' siècle, l'Angleterre n'avait pas de colonies eUe
,~(
o'itvait que ses Hes Britanniques.
L'Angleterre de la reine
Elisabeth, ce n'était encore que
f ~OM/)0 de C~MOS SM' MM~)'M«~ ~0'M~ a.
Mais, en trois cents ans, quelle prodigieuse transforma-
tion!

°' rendant que les naïves nations d'Europe s'épuisaient, des


siècles durant, en de frénétiques combats, autour de quelques
tHupiniOes ou de quelques ruisseaux, l'Angleterre rôdait de
p.n' le globe, et faisait main basse sur les vastes territoires
1. vacants, autant dire sur trois ou quatre
Europes lointaines.
C'est ainsi que ia France, par exemple, au xvm" siècle,
pendit t'inde et ic Canada, l'Amérique et l'Asie
i C'est ainsi qu'& la nn du xtx" siècle; elle a commencé de
perdre et qu'au xx° siècle, peut-être, elle acitëvera de perdre
'Afrique
Et c'est ainsi qu'en quatre siècles,
peut-être, l'Angleterre
'm'a fonde ses quatre empires aux quatre points cardinaux,
'onstruit son formidable quadrilatère, et déployé sa loi pla-
ntaire du Sud au Nord, et d'Orient en Occident.

RACE PLANÉTA!RE ET ÉTAT PLANÉTAIRE

d'ail!eurs~ne t&gne-t-eJtepas 8Mt'4t!)~uaft du globe,


tir un quart de son et sur un quart de sa popula-
territoire, `
'on, a savoir, sur quatre cent millions d'êtres humains!
a
XX t.'MPËMAMSMEAKCtJUS
now
Des maintenant, les hommes de~aang et d'idiome angiais,
au nombre d'environ cent <~H~ millions, ne i'emportent-iht
pas numériquement surles Germains et les S!avoa ? Dëa main. N
tenant les Anglais ne triomphent-ils pas comme race ?9
Il ne leur reste plus qu'à lier et à serrer le faisceau des
Anglo-Saxonnies éparses aur le globe, pour. en outre, triom-
pher comme État.
v
~.1 V!

L GANGRENE DE L'OR CHEZ LES ANGLO-SAXONS

obstacles sont d'aitteurs nombreux sous les pas de


'Angleterre.

LES OBSTACLES
EXTËBtEUHS

.j S'agit-it de ses colonies?


Sans parler de l'Egypte, n se peut qu'en Afrique !c TraM-
et FAbyssinie ne se laissent pas facilement égorger.
~1 Rt' sa'M parler de !'ïnde, it se peut qu'on Amérique et en
~a~)ceanie !e C~M~aet !MS~enc se laissent point passi-
cément 8ubo)'ner.
d& .«. diplomatie?
S'agit-it
se peut que !a J!'fO!Mceet !a ~MM~e ne se laissent pas
H
~~isëment paralyser.
it se peut que l'Ma~Me et les J~o~S ne se !ais-
Et
ont point docilement enrégimenter.
Guitiaume 11, en particulier, selon te trait de Renan, n'a
as encore !ivre!o mot de son e énigme a.

L'OBSTACLE
!NTÉMEUR

'gxx Mais~ë~obstacIës~~<eM~,mi!ita!res et~dip!omatiques,


n'ai pas à les discuter ici.
XXH L'!M!')eBÏAUSHEAMMS

-1- 1 au- _L__1_I'- "1.


Je parlerai d'un autre obstacle, l'obstacle ~<~eM)\ le M
seul qu'il m'appartienne apéciaiement de signaler.
Qu'on se rappelle la donnée de ce livre. J'en ai résume !es *3
cinq cents pages en cette formule à deux éléments j
Par la juste organisation sociale!

jPOMf~/b~eC.~(!HS!'OMHO!OM<i!
Tel est l'Impérialisme formulé
par Carlyle, vers i840.
Or est-il sûr que Jtf. C~aM&pW<MH ait autant pensé au pré.
mier élément qu'au second ?Y
Et pourtant c'est sur
le premier surtout que Carlyle
insiate, comme sur une nécessité urgente, en se bornant à

indiquer le second, comme une espérance et une récompense


lointaine.
Il y a quelque cinquante ans, Carlyle disait
Jadis l'Europe fut ero~Hec et ~'o:7M)'0.
Elle est devenue se~<:c:s)Me et cMt~ct~MSHM.
H faut qu'elle redevienne, elte redeviendra c~o~a~ce tt s
<0~!M'<
Soit. Mais parions de l'Angleterre en particulier.
ï! y a quelque cinquante ans, Carlyle était bien obligé de
dénoncer et de fouailler avec son humour véhémente, ce qu'il
§
osait appeler « le c/Mr~cMMSMM etH~S ».
Ce « charlatanisme », si charlatanisme ii y a, a-t-il dimi-
nué? Ou a-t-il augmenté?
L'Angleterre a-t-eUe réformé sa fausse Église et sa fausse
Aristocratie?
L'Angleterre a-t-elle fondé wo!~ L'gdise de la )'o!MO)t et
la vraie Aristocratie du travail P
L'Angleterre a-t-elle régénéré ses cadres sociaux ?
L'Angleterre n'est etie plus, ouvertement ou secrètement,
sceptique ou fraudeuse.
L'Angleterre n'est-elle plus, ouvertement ou secrètement

anarchique athée? _–- ~~–
Je ne saurais dire.
f,-
1l>
LA GANGRENE DE L'OR CHEZ LES ANSM-SAXONS XXM!

UNAMmALtNQUtET

Mais comment n'être pas du cri d'alarme que vient


frappé
()e jeter le commandant en second dp l'escadre anglaise de la
1
Mëditerranëo, dans un article de la Yor~ ~4M!M~e<!H jRëtxew,

¡ te journal Le
signalé par T~~ps ?
i, Voici comment ose parler ~HMV~ ~rcs/br~; voici com-

ment il ose dénoncer la de ~<0M<qui, selon lui,


~<?H~'<~0
serait entrain de corrompre la race anglaise

n.ins la mère-patrie, dtt-it, la corruption de t'argent exerce des ravages


t'(ïro)'ab)e3 dans tous tes rangs do la société. Aux Ëtats-Unb, i) y a déjà des signes
1
ptecurseMrs d'un orage analogue lies <7etM' cd~ffet'~Ma't~Me, le ploutocrate
';<)'/<)? c/M~M ~oM)' en pMt'MaNce et le d~)He<.f'<t/a ft~He d'~t'e écrasé sous le
~~nn f<'MM~)'<!H MffMe fois pO'e ~M'MM )'ot t'ecoMHet't de pOM)'p'*e ou ~M'MH ecelé-
.t/.f.</tf/Mf n~<tt)<<);.<t irtisposition les /bH~)'e.') (/'< yoKt'oo' /<)<tpo)'e~.
La sotiet~ anglaise est rongée par la eAaHCt'e (fe ff<)'af!M<. Do lit baso au som-
met, )'!u'bra est pourri. Les plus immoraux posent devant )o public commo étant
tes plus philanthropes. La beauté est esotave de t'or et )')n<p)))f:ence conduite par
la hcanté danse aux sous dos violons qui ont été accordés par la ploutocratie.
Qxe dirons-nous du nome) ordre basé sur la richesse, do cet ordre do choses
qui fait que ceux qui devraient 6tro les plus fermes pcoteeteurs do la race, aban-
donnent tout et se jettent eux-mêmos au pied du dieu d'Or ?°
n'est ta )e danger qui menace la race angto-saxonno. La mer qui menace de
l'engloutir n'est pas formée dos flots furieux dos races latines, mats eUe est
formée des vers rongeurs que cette race porto en son propre C(cur. et do l'indo-
lence, do l'immoralité toxurtenso, du manque de courage moral dont ces vers
laissent derrière eux le germe. Le danger qui a menacé Babylone, Carthage,
Athènes, Rcme et un grand nombre d'autres nations puissantes et de races noria-
san)es dans le passé monaco maintenant la race & JaqueHe nous appartenons.

Ce réquisitoire de l'amiral Beresford est-il Justine ?

UN POÈTE SUPPLIANT

Mais un document bien émouvant encore, n'est-ce


plus pas
)a Pn~'e insérée dans le Times le chantre même
naguère par
de le farouche P
l'Impérialisme, par Rudyard JC~HK~P
C'est ~rheur~<! jubilaire s, l'hcMrcTncïne qui a marqué
peut-être l'apogée de l'orgueil et du destin britannique,
c'est juste à cette minute a jeté ce
aiguë, que Kipling large
SX!V ï.~HPjgRMEtSMË ÂNHt.ÂtS

cri MMique, oH l'on sent, dans toutes les ivresses historiques,

percer toutes les terreurs prophétiques. ~H


Voici ces strophes saisissantes, si pleinement traduites par
Madame Dorian

RECESSIONAL ~;a

Dieu de nos pères, Dieu des anciens jours,


Seigneur de nos fronts de bataille largement déployés
Sous ta redoutaNe Main de Qui nous tenons
Domination sur tes palmiers et sur les pins,
Seigneur Dieu des armées, demeure en nous encore,
Ce peK'* ~Me natM n'oubliions, de peM)' ~Me MiM n'oM&MtOH~.
Les ctameura et les tnmaites menrent,
Les rob et tes capitaines s'en vont <
Mats H subsiste toujours Ton Holocauste antique,
Un cœur humble et contrit. ~'A''
Seigneur Dieu des armées, demeure en noua encore,
De ~eMf ~Me MOtMn'oubliions, peu)' que !)0!M tt'<)«4M<e'<s.
Nos Hottes, de loin appoiées, se redtsporsent.
Sur les dunes et tes promontoires baissent les feM.
Votoi. toute notre pompe d'hier
Ne fait qu'un avec Nintve et Tyr.
Jage des NaUons.epMgnc-noas encore
De ~9Mt' ~MC !)OtM !t'0«A<«0?M, de~M)' que ttOMSX'OM&MtOH~.
Ivres de ta vision do notre puissance, si nous tachons te frein :i~
A nos langues dechainees qu! ne T'ont plus eu terreur,
Aces fanfaronnades usueites aux Geatits y
Comme aux races moindres ayant perdu Ta Foi,
Seigneur Dieu des Armées, sois avec nous encore
De peM'* que NOtMn'«M6HtO)M, <<epet<)' que H6M! M'OMMHont. ,<
Sur to caiur de rinudMo qu! met sa tôt <
Dans tes fusils fumeux et tes lames de fer –
Sur toute vaiitante poussière qu! bâtit sur poussière
Et se gardant n'appette point Ta Garde – ,3
Sur les crts fanfarons et les Mtes frénésies,
~eH<~ ya p!<<e M)' Ton pet<p!e, o Se~HeM)"
~MM.
RCCYAM K!FUN9.

UN PREMIER MINISTRE SONGEUR

L'Angleterre – qui règne de l'Equateur aux Pôles, et H

« des aux – a-t-elle été ou non a enivrée


palmiers pinsf de!a
LA CANGtuhE DE I~OR CHEZ !.ES ANCLO-SAXONS XXV

vision den on
sa puissances?
i A-t-elle
A_f_niln nn
ou ,nn,~
non « .1:W..i
gtisaô aux
fanfaronnades des GontUa x ? A-t-elle ou non, comme !'inn-
dë)e,« mis sa foi dans les fusils fumeux et les lames de fer » 9
A-t-elle ou non mérité le sort « de Ninive et de Tyr? au
C'est ce que récemment se demandait peut-être, en sa
mélancolie sarcastique, le Premier Ministre d'Angleterre,
l'héritier des Cecil, lord Salisbury, dont un ancêtre précisé-
ment, un Cecil, gouverna l'Angleterre de la reine Elisabeth,
l'Angleterre pré-coloniaie et pre-imp6ria!e, l'Angleterre de
Stmkespeare, rA~gieterre des « Iles Britanniques s, cette
Angleterre enfin qui n'était encore que « la de
troupe
N Cygnes sur un grand étang a
Le monde doit-il revoir cette « petite Angleterre a ?

~it
VH S

LA VE!LLËE DES ARMES EN ANGLETERRE

.<<
UN DISCOURS DE LOHD ROSEBERRY

Tout
récemment, à l'Université de Glasgow, à l'occasion
de son installation comme « Lord Rector », Lord Roseberry,
se plaçant sous les auspices de Carlyle, a prononcé un dis-
cours retentissant, intitulé, « ()MesMo!!s o/' Empire », ou
se trouvent nettement et courageusement dosées la crainte
et l'espérance britanniques.

:t~1
LES TROIS CONSTATATIONS JMPORTAKTES

Première constatation de Lord Roseberry B


Nous avions naguère une sor/e de monopole; nous avons maintenant <tco" g
battre pOMr fe~Mtence. '<

Seconde constatation.
Que sera demain? 2
« Une chose seulement est certaine, savoir, que ce sera une période d'aiguë,
tnteMgente, presque furieuse concurrence M<e)'n<!<MKa/e, plus probablement
sans doute dans les arts de la paix que dans ceux da la guerre. t
Comment nous préparer pour une telle époque et pour un
tel conflit? `'
~Sommes-nous Men_8rm6s~tMen~outiJ!com~~
morale, et comme o~'o~se~'OK ~ecAM~Me ?
Troisième constatation
a La ~Mt'Me~M~M apte est une vérité absotue dans 1 es conditions du monde
moderne.
1
LA \'E!U.ËE DES ABMES BX ~at~SME XXVU

QU'EST-CE QUE L'EMPIRE BHtTAXXtQUE?

C'est douze millions de milles parrés, et quatre cent mil-


lions d'hommes, répond Lord Rosebeny.
Sommes-nous de taille à soutenir un pareil Empire ? Som-

g mes-nous « adéquats e? Devant Diau et devant les hommes,


pouvons-nous faire face à notre responsabilité pour une si
magnifique et si populeuse portion du monde? '?
Oui.
Nous sommes une et tmpériftto race.
igj conqu~attio
D'an bout & l'autre du monde noua avons déptoyë no<M ardeur.

~N
Nouaavons découvertet annexé ot gouverné de vastes territoires.
~j Kons avons oncercté )a g!obe de notre commereo.
Nous avoM pénétré de nos tntsttonnah'cs les races pa!enocs.
Nous avons !nocute a t'uatvers nos tnstitnOona. p

Certes ce serait là bien assez, si nous pouvions « nous cou-


cher sur M~<lit d'asphodèles, et nous chauner au soleil de
nuire histoire, de notre s'Ioire et de notre psssë s.
Malheureusement cela n'est pas possible. Jamais cela ne
fut moins possible qu'aujourd'hui.

GRAND CHANGEMENT DANS LE MONDE

s En eu'et, depuis cinquante ans, le monde a totalement

~B changé. Il y a cinquante ans nous n'avions à faire face qu'à


un monde comparativement « inerte a. Aujourd'hui nous
avons devant nous un monde possédé de la triple fureur des
g
armements, de la colonisation et du commerce.
Comme en affaires, un inventaire périodique est nécessaire
Ht dans un État.
Un État, comme une affaire périclite rapidement.

–LA-rRUSSE, EXEMPt.R URS XA'MONS -–––– -–

Voyez la Prusse: En 1786, à la mort du


grand Frédéric,
elle est culminante en Europe. elle est rayée
Vingt aK~ <<
M) du rang des nations.
XXVMt JL')MPËMAMSMBA!<M.A!S

Visitez
Visitez à Kconigaberg,
Kœnisabora'. vénérée
vénérée ville de
ville de Kant.vis
Kant, visitez la petite g
chambro où Fhéroïque et sainte reine Louise œuvra pour la
régénération du pays.
Les hommes d'Etat, Stein et ses amis, « allèrent à la ra-
cine a du mal l'Allemand du Nord, quand il voit que les
choses vont mai.remonte d'emblée « aux premiers principes s.
Ils eurent l'énergie d'appliquer les remèdes héroïques. Et
ainsi la Prusse fut sauvée, et une fois encore remonta à la
prépotence.

EXAMEN DE CONSCtEXCE

Pour nous, déclare Lord Hoseberry, la première question,


et la plus capitale, est ceiie-ci Sommes-nous dignes d'un
si prodigieux héritage? La race qui le détient est-elle capable
de le maintenir et de le développer ? Sommes-nous, comme
les J?OHM~!s, non seulement un brave, mais aussi un persis-
tant peuple, un peuple de sens pratique, alerte, gouvernant?
Et, si oui, sommes-nous dans le droit
chemin, et nos me- 'r
thodes vont-elles de front avec le temps ? '?'
Qu'a été le xtx° siècle? Un siècle d'émancipation.
Que sera le xx° siècle? Un
d'a~Më, siècle
~cM:~eH~,
et presque /M)'MMse compétition !H<e~:<!<oM6! plus pro-
bablement sans doute dans les arts de la paix que dans les
arts de la guerre. i~
Comment donc nous préparer pour une telle époque et ,'?
pour un tel conuit ?
Le premier besoin, c'est.le besoin d'hommes.
Or, nos méthodes de sélection ne sont pas bonnes.
De cet impérial point de vue, que de réformes s'imposent
pour l'éducation physique et pour l'éducation mentale de
la nation s-

––LA. SANTÉ-DE-L'AME ET-BU CORPS -–N

Un empire comme le nôtre requiert, comme condition


g
~A YËtU.ËE MESAUMESEN A!<G!.E'îKME XX!X

première, une race impériale, une race vigoureuse et indus-


trieuse, et intrépide
de fttmfeM.
La santé de l'âme et du corps exalte une nation dans <«comp~<<<«)t)
JL~ survie <<" p!"s apte est une vérité absolue dans les conditions du monde
moderne.

Ou en sommes-nous, comme santé physique et morale,


comme vigueur physique et morale, se demande Lord Rose-

berry? Y
r. Oiten sommes.nons par rapport à ces saines, robustes, frugales vertus qui ont
~xv tant d'importance,physiquement et moralement,pour un peuple 3
Un in~idicox et excessif luxe no pfévaut-tt pas parmi nous ?t

{~ pont-la richesse, son htuucnce, et le e~tto qu'elle reçoit ne sont-ils


L~ pas<-)on
pas un danser ?
~utro pays n'est-il pas en train do devenir )o terrain de jeu et le itou de plai-
!tnco des ploutocratos do toutes nations? Ce qui on sol est un symptôme non entto.
'.¡'
rfu~ent tnauvats, mals non entièrement bon, ça)' Kxe p<oM<e<'fa<)e
M<!t pt'M
<MM;n&!e de toutes les dom~HntioM.

Pn'
L'ORGANtSATtOX TECHXtQUE
¡'

Où ea sotnmes-nous comme organisation technique, so

:t demande encore Lord Roseberry?


:11 Xotre )H6FC/t!Her<c <<<!< est-elle satisfaisante?
Nos H:M<s~'<?s ne sont-ils pas accablés par le triple souci
de i'admimstration departoïnenta!e, de la cuisine politique et
des luttes oratoires, en dedans et en dehors du Parlement?
a, Savons-nous assurer la collaboration de nos ~CHMH~ et do
nos <jfOMW!'H«n<s P
Savons-nous, comme les Allemands, organiser scientifique-
ment l'industrie et le commerce?
Avons-nous des ~Mferst~s commerciales
`~·
Que de temps perdu dans l'étude des langues mortes!
Heureux Romains, dtsttK Heine, avec son humour aatdonhnie. teuraax Ro-
mains qui n'avaient pas & apprendre la grammaire latine, bans quoi Ils n'auraient
jamais fu le temps de conquérir le monde! ·

Et si vous considérez que dans la presse des compétitions,


le temps et l'Énergie des citoyeQ8-sont.une-pattdu..c<
~w&Kc, toutes ces années perdues, n'est-ce pas là une perte
sèche pour l'Empire ?
1
MX L'MPËMAMSHEANSms

LE CHAMP-CMS

Pour le grand (mais, j'espère, pacifique) combat qui nous


attend, c'est de l'éducation que dépend, sous la Providence,
l'avenir, et l'immédiat avenir do la race.
Et qu'est-ce quo l'Empire, sotOM la pt-~oM~<~<Hc<! de )'acp

Cette prédominance, quo faut.)) faire pour t'assurer Happetex.vona les condl-
Hona des MttoM devenant toutes plus denses et nombreuses, et, par eooaequont.
plus auamae~ et plus (MNeHeaà satisfaire des MUoM do plus on plus Moquées
et Intelligentes et do plus en plus observatrices funo do t'aotte; des MtioM de
plus en plus éveillées a teura tnterata MbstantMx et capables de les poursuite;
dos nattona do p)u9 en p)M conscientes do la nécessité vitale d'un sain et crois-
sant commerce, et fm-ieusement<)Atern)h)<ea a t'obtcnh- des nations da p)ue en
do
plus civilisées, et, par conseqMent moins en moins deatreuaea do jeter le def)
do guerto, mab eMoce ot touJouM prêter n~mc a cela, 9t cela etatt nJicessah'e
pour tout'a nom'oaux objf'cttf!

Et io tout se réduit à ceci une plus aigu~ inteUi~ence de


l'humanité, stimulée par la compétition, et surélevée par
l'éducation..
C'est avec cette inteDigonce que nous avons a lutter et a
rivaliser.
Ce connit.'nous n'avons aucune raison de le craindre, si
nous nous décidons à nous rcveit!er.
Nous avons, je crois, les
meilleurs matériaux naturels du monde. Mais jo doute que
nous soyons aufnsamment eveii!es aux exigences de !n.situa-
tion. Notre peuple no se fait pas une idée assez vigoureuse
de I'~o:<Mse de la coMp~oH, et de la froide, élaborée,
vigilante science que ce fuit enveloppe.
Voyez les jeux; voyez le /bo~-6aM, ou il faut une incessante
vigilance et une aler te combinaison de toutes les facultés pour
un seul objet, où l'indolence et l'égoïsme sont choses fatales.
Ainsi en est-il des nations. Si elles !;eM~M< SMn~w~ il
~M!' /aM< coMS~}MM6H< aiguiser leur ttt<eM:~eHce et ~eMr
~K~eMïeM~ assurer la constante coopération des gfKtve!
nants avec les gouvernés et des enseignants avec les ensei-
gnés.
~'MU~ MSS AMMKSEN ANCLRTEa~E

M « AMBtTMN » OBUQE

["M Nous appartenons&une nationqui a <ou}ouM été ambitieuse.Sousles grands


t~ a HJouard~ et sous tes grands Henris et sous te puissantrègne d'Elisabeth,notre
ambition t'rnt et enOa, et depuis n'a jamais trouve !e loisir do rapetisser.
Maiai'ambition,s) elle est une vertu e.F<!M«M~e, est aussi une vertu e~tgeante.
Ht)t' cat hite d'une dure matière e))e Ro petit supporter ot t'apathte, nt mémo
te cuKtentement.E))o etigo un aaarince coMtantet m) htfaUgaMeetTort.
S drapeau!o)et )&,de)!m)<erdes régions avec des tratt~ronges aur
f'N '<< sunt do vatm divertissementa,o) ces aetea n'imptiquentpas un !m'
t. inujbte desseinde devetopporet de maintenir.
° *BO que nous MyoM avetttes à toutes tes) méthodes
'S) ~crue~.
i~ gouttant,nous sommes gêna &aubuer touteeta.et &nou: (magtner que nos
?ë ).tf),;espeuvent aufOro&notre maturité. 0

t.'AXGt.RTERKEAU 8KU! CU XX" 8!ÊCLE

Auss!Je vous exhorte, MoMteur! ft pendre ptetnement couactonfodes


rc~pu!xn))i)i~9 qui reposent aur voua.
~°'~ Me;),après tout, membresdo eoUecompagnied'aventurtera (au sont an-
'g~ cif!), du temps d'~tteaboth,et non an sens moderne), qu! est embarquée dans
t't'htn-p~e do Mfc traverMrfi t'Emp)rebritannique!e vingtièmesMe.
Chacundovous a M part dans ce glorieuxhéritage,et chacunde vonsoat rea-
,~B p"Mai)te puur cette part.
~t SoyMdonede pratiquea,d'mteitigents,d'industrieuxassoeies,et ainsi vousso-
donsle meitieur aens.de pratiqMS,d'intetiiseots,d'industrieux Impérialistes.
)'~ M',
~N ° ~"yMinspires, dans vos diveMes vocations,par )a ponscedes services que
~N! pouvex rendre & votre pays. en suivant fidèlementvotre profeMioa,–
telle qu'en remp)h9antnn<<f'M)')'/«'Mvous rompiisiiexaussi un<tcf'o'<'
SB

ROSEBERRYtNVOQUESHAKESPEARE

W ~'PP~~ii-vouson quels termes incomptraNes Shahespearoa décrit t'Empira


jj~ )"it<)U))ique
~~N *°~ '° M"ces, eeiio iie sceptrée,
'~s Cette ten'e de majesté, ee siège de Mars,
Cet autre Eden, demi-paradis,
jJMt Cette forteresse construite paria Nature pour elle-même
3tiS ~ontroJJinfeetio~etJajnaitt doJ&GuetMt-_––- *––~ t.
CeHe heureuM MM d'hommes, – co petit Monde,
~t Ça rocher précieuxpose dans Jamer d'argent,
3~j Ce sol béni, celte tarra, ce toyaume, cette Angleterre t
~Jjj
SSXtt t/MP~MAUSME AXCMtS

u Et pourtant cela n'était que la source et le foyer do ce que noua contemplons


maintenant, qut a pria son essor si loin au-dessus do tout ce que Shakespeare
a pu concevoir.
Comme tout cela est merveilleux 1
« Bâ)t non par des saints et des anges, mais œuvre de mains d'hommes;
cimenté d'honnête sang d'hommes et d'un monde do tarmes soudé par tes mait-
leurs cerveaux des sléolos passés non sans ta souilluro et les fautes allant avec
toute œuvre humaine, mats, pour t'ensembie, construit dans un pur et splendide
dessein. Humain, et pourtant non entièrement humain, car le plus étourdi et le
plus cynique est bien forcé d'y voir le doigt do Dieu.
e Croisant comme lea arbres crohsent.taxdis que d'autres dormaient; nourri
par los fautes des autres aussi bien que par le caractère de nos pères; envahissant
avec le flux d'une marée Irrésistible des contrées, des !tes, des continents, jusque
eo que notre petite n Bretagne se trouva être, un beau jour, la mère-nourrice
et tasonrco d'emptres unis. Ne satuons-nous pas )a, moins t'énergte et ta fortune
d'une race que la suprême dtreeHon du Tout-puissant? *?
Et tandis que nous apercevons, très loin, dans los riches horizons, des géné-
rations montantes remplissant ta promesse, ne nous avouons-nous pas, avec une
résolution mêlée do terreur, le devoir honorable qui nous incombe? '1
u ~tHotM-nofM A~t'/ft' oM ~nf~N'
La réponse n'est pas douteuse. Plutôt prierons-nous que puisse nous êtro don.
née, adéquate et abondante, la force de ne roculer devant aucun saeriftce néces- f-
saire il i'acMmpiissement de notre mission pour quo nous puissions reste!-
fidèles à la haute tradition de nos ancêtres y¡if
pour quo nous puissions transmettre
leur héritage a nos enfants, et, plalso & Dieu, a iours descendants ios plus éloi- rit,
gnés, enrichie et Immaculéo, cette bénie et spiendido domination.

Ainsi a ptu'!o héroïquement et religieusement lord Rose-

berry.
Ainsi il a retrouve r~me de Shakespeare. i
Ainsi il a repris à son compte la doctrine et la devise

nicjnedeCar!y!e:
Par la justice sociale, pour la M~oH~e 1
~~Mt~M~'
Ainsi il a adjuré virilement saTace.
Ainsi il a raiiié les peuples faibles qui vont rêvant de vie

fucile et de lit 6!'<:s/)Ao6fë~s.


La France ne trouvera-t-elle pas là matière à ré-
quelque
Sexion? `.'
l

JEAN IZOULET.

unm _nu
LE PASSÉ ET LE PRESENT
j

JH UWE PREMtER

PROËME

CHAPITRE PREM!ER

MIDAS

La condition de
l'Angleterre de nombreux
sujet
pamph!ets actuellement en cours de publication, et de
nombreuses pensées non publiées, s'agitant dans toute
Mtepensante, est considérée à juste titre comme l'une
des questions les plus sinistres, et en même temps l'une
des plus étranges que le monde ait jamais vues. L'An-
gleterre regorge de richesses, des produits les plus
divers, des matières nécessaires aux besoins humains
de tous genres se meurt d'ina-
cependant l'Angleterre
nition. Avec une abondance ic sol de
jamais ralentie,
l'Angleterre neurit et prospère il ondule de moissons
N~L~sstjBncombré par les ateliers, les matériaux
ttftdustriels, par quinze millions d'ouvriers qui passent
pour les plus forts, les plus habiles, animés du meilleur
~esprtt, qui se soient jamais vus sur notre Terre ces
i
3 t.E PASSEET M PMSSEN'r

hommes sont
là; la besogne qu'ils ont faite, les fruits
qu'ils ont recueillis sont là, en abondance, à profusion,
& la portée de chacun eh bien, voyez un sort sinistre
leur a été jeté, une voix ensorcelée s'est fait entendre
Il N'y touchez pas, vous autres ouvriers, vous autres
patrons, vous autres oisifs nul d'entre vous n'y peut
toucher, nul d'entre vous ne sera plus heureux par
M là; c'est un fruit ensorcelé Ce sont les pauvres
ouvriers que ce fial frappe d'abord, sous sa forme la
plus rude mais les riches patrons frappés, sont
eux
aussi et ni les riches oisifs, ni aucun homme parmi
les plus riches ou les plus puissants n'échappe, mais
tous sont égaux sous le coup qui les frappe, tous sont,
certes, faits ~paMwes, au sens pécuniaire du mot ou
en un sens bien plus terrible encore.
Ces ouvriers habiles, dont le succès couronne le tra-
vail, on en compte actuellement quelque chose comme
deux millions; les uns se morfondant dans les maisons
de travail, dans les prisons que leur a ouvertes la loi
sur les pauvres, aux autres on jette par-dessus le
mur un « secours à domicile », la maison de travail, la
Bastille étant pleine à éclater, et l'énergique loi sur les
pauvres, venant se briser contre une plus énergique
encore'.
Ils sont là, depuis de longs mois déjà leur espoir
d'être délivrés est toujours bien faible. Ils sont là,
dans des « maisons de travail plaisamment appelées 8
ainsi paree qu'aucun travail n'y est faisable. Douze
cent mille ouvriers dans l'Angleterre seule, autant de
mains droites habiles, quLsont ~paralysées, enfouies.

1. Le retovô du nombre des Indigents pour rAngteterre et te pays de Galles,


le !5maM 1284, donne dans t'MMeur des aeUee 231.68' seeomm à domicile
l.a<M.402:TWati.42M89. B«j!pCt-«.~Me:.
MIDAS a
inertes dans les
poitrines grosses de tristesses les
espérances, les projets, la part pour chacun de ce beau
soleil, tout est comprimé entre des murs étroits. Ils
sont là, parqués, comme sous le coup d'une sorte d'hor-
rible ensorcellement; heureux d'être et
emprisonnés
ensorcelés, pour ne pas, du moins, mourir de faim. J'i-
magine le touriste amateur du pittoresque, par un jour
ensoteitté d'automne et remarquant l'asile de l'Union sur
sa route « Passant près de la maison de Saint-Yves, dans
)<' Huntingdonshire, par une belle journée de l'au-
tumne dernier, dira notre touriste, ami du pittoresque,
j'aperçus, assis sur des bancs de bois, en face de leur
Hastitte, a t'intérieur do leur mur d'enceinte et de
leurs grittes, une cinquantaine environ de ces hom-
mes. Grands, robustes, la plupart étaient jeunes ou
d'âge moyen leur physionomie était honnête, beau-
11 coup d'entre eux avaient l'air pensif et même intel-
Hgcnt. Us étaient assis là, l'un à côté de l'autre
mais plongés dans une sorte de torpeur, dans un
silence surtout, qui était extrêmement saisissant. Ce
silence c'est qu'hélas, eu à dire ?`?
qu'auraient-ils
La terre tout autour d'eux leur criant: Viens, cul-
tive-moi, viens, moissonne-moi et eux, rivés là,
a ensorcelés Dans les yeux et sur le front de ces
hommes, la plus navrante expression était empreinte,
» non pas de colère, mais de chagrin, de honte, et
d'une détresse, d'une lassitude et inarti-
complexes
cutées ils répondaient au nôtre par un regard
qui
semblait dire Ne nous regardez pas! Nous sommes
!& ensorcetés,jMus-ne savons pourquM.Le soteit
Il brille, la terre nous
appelle cependant les Pouvoirs
suprêmes et tes Impuissances de ce pays d'Angleterre
nous détendent d'obéir. C'est 1 nous
impossible
tE PASSë BT M PaËSENT

a disent-ils. Il y avait quelque chose dans toute cette


a scène
qui me faisait songer à l'enfer du Dante et je
M passai mon chemin. »
rapidement ~j
Il y en a ainsi des centaines de mille qui se morfon- S
dent dans les maisons de travail, tandis que d'autres
centaines de mille n'ont pas encore seulement pu être
admis dans ces asiles et dans l'Ecosse elle-même, dont ~j
la population est pourtant si économe, a Glascow ou à as
Edimbourg, dans les ruelles sombres, à m
échappant
tous les yeux, si ce n'est à t'œi! de Dieu et
parfois, par
l'effet d'une bonté rare, à celui do son ministre, il se S
passe des scènes de misère, de souffrance et de déso- NH
lation, telles qu'on est en droit d'espérer que le soleil
n'en a jamais éctairé jusqu'à ce jour, dans les con-
trées les plus barbares où des hommes aient vécu. Des Bg!
témoins compétents, comme ce bon othumain D~ Alison
qui n'avance que ce qu'il sait, entre les mains chari-
tables duquel to noble art de
guérir redevient bien vrai-
ment un art sacré, nous tiennent au courant de ces
choses elles ne datent pas de cette année, ni de l'an-
née dernière, elles sont sans rapport avec l'état de para-
lysie actuel du commerce et ne sont liées qu'a l'état de
choses général. Il n'y a pas là dos accès de fièvre vio-
lents c'est la gangrène à laquelle
chronique l'Ecosse
est en proie.
Une loi sur les pauvres, toutes les lois du monde sur
!e~ pauvres, on peut le constater, ne sont jamais qu'une
g
mesure temporaire c'est un pattiattf, ce n'est pas un
JJJ
remède: riches et pauvres, dès que les réatitéa de
mises ne peu-
leur condition, à nu, se sont heurtées,
vent subsister longtemps tes uns a côte des autres )jt
par le seul moyen d'une loi sur les pauvres. C'est bien
vrai: et pourtant on ne peut pas laisser des êtres JJM
NUM&.
-L-
humains mourir de faim il faudra elle
que l'Ecosse,
aussi, en attendant mieux, ait une loi sur les pauvres,
si l'on ne veut pas que l'Ecosse devienne la fable des
autres nations. 0 quand on songe à ce qui se
perd là 1
nobles, trois fois nobles vertus nationales stoïcisme,
héroïsme rustiques solides et mâles habitudes, âme
de la grandeur d'une nation, que tout le métal de
Potosi ne saurait
réacquérir; de quoi le métal
auprès
de Potosi et tout ce qui s'achète avec ça, n'est que
déchet et poussière
A quoi bon insister sur ce coté de la question ? c'est
trop indiscutable, ce n'est douteux maintenant pour
personne. Descendez où vous voudrez au sein de la
basse classe, en ville ou il la campagne, suivez telle
avenue qu'il vous plaira, informez-vous dans les ma-
nufactures, informez-vous do la question agricole;
informex-voua des impôts perçus par le trésor, in-
formez-vous auprès des comités d'ouvriers mineurs
enfin ouvrez vos propres yeux et regardez la môme
conclusion sinistre s'impose force vous est d'admettre
que la corporation ouvrière de
cette riche nation
anglaise est tombée ou est en train de tomber dans
une condition qui, à la bien considérer, n'eut littérale-
ment jamais do pendant.
Aux assises de Stoctiport et ce fait est lui aussi,
sans rapport avec la situation commerciale actuelle,
datant d'une époque antérieure, un père et une mère
sont cités en justice et reconnus d'avoir
coupables
empoisonné trois de tours enfants pour frustrer une
administration funéraire » d'une redevance de quel-
que chose comme 3 8j* pour chaque enfant mort ils
sont arrêtés, reconnus coupables et les autorités ofïi-
cielles (on se le dit à mi-voix) insinuent que le cas n'est
~JL. t.B-PASS~.R'F-t~~SENT

peut-être pas unique, que peut-être on ferait jmieux de


ne pas approfondir davantage ce sujet là. Cela se passe
dans l'automne de 184Ï; le crime lui-même date de Fan-
née ou de la saison précédente. « Brutes sauvages, Irlan-
dais dégradés, » murmure l'oisif lecteur des journaux,
sanspresque s'arrêter sur cet incident.Cependant l'inci-
dentvautqu'on s'y arrête; la dépravation la barbarie, le
quaiincatifde dégradé appUqué aux Mandais, ne s'étant
jamais admis si aisément.Songer que dans le Royaume-
Uni, un père et une mère, des êtres humains qui ont la
peau blanche et professent la religion chrétienne, ont
fait une pareille chose Que ces êtres, par le fait de
leur qualité d'Irlandais, par la nécessité et la sauvage-
rie ont été amenés à faire une semblable chose t! en
est de pareils exemples comme du sommet de la plus
haute montagne, qui se dresse, visible à Fœi! mais
plus bas, il y a toute une région montagneuse, tout un
territoire qui ne sont pas encore visibles. Un père et
une mère, des êtres humains, se sont demandé Que
faut-il que nous fassions pour ne pas mourir de faim ?`t
Nous sommes là, enfouis profondément dans notre
noir caveau et tout secours est bien loin. Oui, dans la
tourde la Faimd'Ugotin,des choses terriblesse passent; i
l'enfant le plus tendrement chéri, le petit Gaddo est
sacrifié, il est jeté mort sur les genoux de son père
Ce père et cette mère qui vont comparaître aux assises
de Stockport songent sans oser s'arrêter à leur pensée:
notre pauvre petit Tom qui se meurt de faim, qui
pleure toute la journée pour avoir à manger, qui ne
connaîtra de la vie que ses rigueurs et jamais ses dou-
ceurs s'il était déHvréjJelajMM~e, toutde suite~
mort, pour son plus grand bien, et nous, qui sait? peut-
être préservés. On songe, on ose à peine s'arrêter à
MDAS–– --– -– –––

cette idée; à la fin, elle se trouve exécutée. EtTom une


fois tué, maintenant que l'argent touché est dépensé,
que tout est mangé sera-ce le pauvre petit Jack qui
se meurt de faim, ou le pauvre petit Wi! qui se meurt
de faim lui aussi ? Qm sera-ce tqui devra disparaître 'l
j~M~ ~M~t~
Quel comtte pour dtscuter les systèmes et les moyens
de ressources ?
Dans les villes assiégées par la faim, à l'heure où la
ruine sonnait fatale pour l'antique Jérusalem frappée
par le courroux de Dieu, la voix des prophètes s'était
fait entendre, annonçant que « les femmes aux mains
charitables feraient elles-mêmes bouillir leurs propres
enfants n. La sombre imagination hébraïque ne pou-
vait pas concevoir un plus noir abîme de misère c'était
l'extrême limite où pût atteindre l'homme dégradé, le
réprouvé de Dieu. Etnous, habitants de l'Angleterre
moderne, qui regorgeons de ressources de toutes sor-
tes, qui ne sommes assiégés par rien, si ce n'est par
d'invisibles ensorcellements, est-ce à cela quenousattei-
gnons '?
Comment les choses en viennent-elles là? D'où vient
qu'elles se produisent, d'où vient qu'il
est fatal qu'elles
se produisent? Il ne faudrait pas croire que les internés
des asiles de Saint-Yves, ceux qui logent dans les ruelles
de Glascow et dans les caveaux de Stockpor!; soient les
seuls infortunés parmi nous. Cette industrie de
prospère
l'Angleterre, avec la fortune
pléthorique qu'elle amène,
n'a jusqu'ici enrichi personne c'est une fortune ensor-
celée, qui n'appartient encore à personne. Nous le de-
mandons îeque! de nous a-t-elle fait plus riche ?'l
Nous~ayons iejnoyen~ do~dépensef des mHMers~e livres--
pour ce à quoi nous dépensions jadis des centaines de
livres mais nous ne pouvons, avec cela, rien acheter qui
––––tEPASe~rtETR~SEKT

vaille. Chez
le pauvre et le riche, au lieu de la noMe
économie et de l'abondance, on trouve le luxe oisif
alternant avec une disette, un manque de ressources
affreux. Nous sommes pourvus, pour notre vie, d'or-
nements somptueux, mais nous oublions de vivre au
milieu d'eux. C'est une fortune ensorcelée que la
nôtre nul homme parmi nous n'y peut encore toucher.
S'il est une classe d'hommes ayant vraiment le senti-
ment d'être réellement plus heureux au moyen de cette
fortune, qu'ils viennent nous donner leur nom
Nombre d'hommes mangent d'une cuisine plus raf-
Bnée, boivent des liqueurs plus chères l'avantage qu'ils
en retirent, ils le peuvent dire et leurs médecins le peu-
vent aussi mais en leur cœur, si nous laissons là leur
estomac dyspeptique, quel accroissement de satisfac-
tion trouvons-nous ? Ces hommes sont-ils meilleurs,
plus beaux, plus forts, plus braves ? Sont-ils même ce
qu'ils appellent plus « heureux ? ? Leurs regards s'ar-
rêtent-ils avec satisfaction sur plus de choses et de
visages humains, parmi ceux qu'a mis le Créateur dans
notre monde? Est-ce qu'a leur tour un plus grand
nombre de choses et de visages humains les semblent
voir avec plus de satisfaction ? En aucune façon. Les
visages humains échangent des regards où
découragés
ne se- lisent ni l'accord ni l'honnêteté. Les choses, si
l'on ne s'en tient pas au coton ou aux objets de fer, se
montrent insoumises à l'homme. Le Sire Patron est
ensorcelé, à l'heure actuelle, tout comme son ouvrier
interné dans la maison sa clameur s'est élevée en vain
jusqu'ici, implorant une « Liberté » bien simple la
-Jitierté « d'acheter où iHrouve~meH!eu~ compte; de
» vendre où il trouve à le faire au plus haut Des
prix
guinées sonnant dans chacune de ses poches, il ne s'en
MtBM 9

est pas trouvé d'un rien plus riche mais maintenant,


les guinées eHes-meme menaçant de s'évanouir, il
trouve qu'il est vraiment pauvre. Pauvre Sire Patron
Et Sire l'Oisif, n'est-il pas dans une situation plus
fatale encore ? Songeant au milieu de ses parcs, avec
un regard terrible, il y a de quoi 1 Pressurant des fer-
miers qui louent ses terres cinquante livres; pressurant
corrompant, cajolant; faisant ce que bon lui semble de
son argent. Il a la bouche pleine de lourdes futilités,
d'arguments tendant prouver l'excellence de sa loi
Sur le blé et au fond du cœur il a les plus sombres
il a à demi conscience
pressentiments, que son excel-
lente loi sur -le blé est insoutenable, que ses arguments
de poids sont de sorte à ne clore que
trop littéralement
la bouche il ses auditeurs.
Pour qui donc cette richesse de l'Angleterre est-elle
vraiment une richesse? Quel est celui qu'elle avantage,
qu'elle fait plus heureux, plus sage, plus beau, qu'elle
améliore a un point de vue quelconque? Quelest celui qui
s'en estemparé, qui l'a fait lui procurer et lui apporter
ce qu'il voulait, en servante fidèle, non pas en dérisoire et
fausse servante quel est celui qui a pu obtenir d'elle un
service quelconque ? Jusqu'ici, encore. Nous
personne
comptons plus de riches qu'auçune nation n'en eut
jamais nous en retirons moins de bien-être qu'aucune
nation n'en eut jamais. Notre industrie, aux résultats
si brillants, a été jusqu'ici sans résultat, étrange succès
s'il se borne là Au milieu d'une abondance
pléthori-
que, le peuple se meurt, avec des murailles d'or et des
granges pleines nul homme ne se sent en sûreté ni
aatisMt.Ouvnërs, patrons, pourtous l'instant
est venu de s'arrêter ils sont là, debout, immobiles,
sans pouvoir aller plus loin. fatale qui, des
Paralysie
M LE PASSEET t.B PRËSBKf

extrémités, des asiles de Saint-Yves, des caveaux de


Stockport, s'étend à l'intérieur frappant tous les mem-
bres etsemb!e vouloir gagner tecœur !ui-môme. Serait-it
donc vrai que nous soyons actuellement ensorcelés,
maudits par quelque dieu?
Midas soupirait après l'or, et il avait insulté les dieux
de l'Olympe. L'or lui fut accordé, et tout ce qu'il tou-
chait se transformait en or, et Midas, avec ses longues
oreilles n'en fut guère plus avancé pour cela. Il avait
injustement jugé les célestes accords, il avait insulté
Apollon et les dieux les dieux exaucèrent son souhait
et lui donnèrent, en outre de l'or, une paire de longues
oreilles, qui en constituaient bien le juste apanage.
Quelle vérité dans ces fables antiques
~)
w
r.~
CHAPITRE Ht

LE SPHINX

Comme elle est vraie, ceHc-!a encore, la Fable


antique
du Sphinx qui, assis au bord du chemin,
proposait son
énigme aux passants et s'ils n'y pouvaient
répondre.
)M dévorait. ParciHe a ce Sphinx. la vie s~ë pose
devant nous, devant tous les hommes et toutes les
sociétés humaines. La Nature, comme le Sphinx, a de
la femme la grâce, la tendresse céleste son visage et
sa poitrine sont ceux d'une déesse, mais se terminent
par des griffes et son corps est colui d'une lionne. H
y
a en elle une céleste –
beauté, qui parle de céleste
ordonnance, de soumission a la sagesse mais it y a
aussi en elle une
expression sombre, féroce, fatale, qui
est toute infernale. C'est une déesse, mais qui est
encore emprisonnée dans ses voiles elle est encore
prisonnière à demi, la forme vivante, ne
gracieuse,
s'étant pas encore de l'inanimé,
dégagée du chaos.
QueUe vérité il y a là Et ne nous propose-t-eUe
pas,
elle aussi, ses A
énigmes ? chaque homme, elle demande
journellement d'une voix douce, mais ses paroles ont
une portée terrible « Sais-tu le sens qu'a ce jour? Ce

L ~e tu peux ~ir~e~ejoup~C~&~aot~~erait sage
de tâcher?
Nature, univers, destin, existence, quelque
'iS M PASSEMM PHËSEUT
1
nom que nous donnions à ce grand Fait innommable
au milieu duquel nous vivons et luttons, cette nature
est la céleste nancée, la conquête destinée aux sages et
aux braves, à ceux qui savent comprendre ses injonc-
tions et les
exécutent c'est l'ennemie, la destructrice
de ceux qui no le savent pas. Réponds à l'énigme

tlu'elle te propose, tout ira bien. N'y réponds pas, passe


a cote d'elle sans la regarder, elle y répondra elle-
même, elle résoudra pour toi la question avec ses dents
et ses griffes la nature est une lionne muette, sourde
a tes prières; clle te dévorera, féroce. Tu ne seras pas
son fiancé victorieux tu seras sa victime mutilée, pré-
cipitée dans le précipice, comme il convient comme il
doit advenir a un esclave reconnu traître et lâche.
I! en est des nations comme des individus savent-
elles lire l'énigme de la destinée ? Cette nation ang!aise
arrivera-t-elle a comprendre la signification qu'a pour
elle cet étrange et nouveau jour d'aujourd'hui? Reste-i-
il assez d'intelligence, n'importe où, et n'importe com-
ment on parvienne à la découvrir, dans nos vingt-sept
millions de têtes réunies, pour que la même significa-
tion soit saisie par tous reste-t-il assez de valeur
dans ces vingt-sept millions de cœurs pour qu'ils osent
exécuter le commandement reçu ? C'est ce qu'on verra 1
y
Le secret de ce Midas, qui soupirait après l'or, secret
qu'avec ses longues oreilles il ne put jamais découvrir,
c'était qu'il avait onensé les puissances suprêmes –
qu'il avait faussé compagnie aux faits internes, éternels
de cet univers, pour en suivre les apparences externes
et passagères et ainsi il en était arrivé !a. A vrai dire,
c'est le secret de tous les hommes malheureux, de
toatc8~cs nation? maih6urëuse87~'i!~avaientcbnipri8
la vraie vérité de !a nature, la vraie vérité de la nature
M!8t'MU)X "–

les aurait affranchis.


Ils ont été ensorcelés ils chancel-
lent, sous le charme, trébuchant sur le bord d'un péril
immense, parce qu'ils n'ont point eu assez de sagesse.
Ils ont oublié la vraie vérité, l'interne et se sont con-
tentés de l'externe, simulacre de ta vérité, Ils ont
répondu de travers à la question du Sphinx. Les sots
n'y sauraient répondre bien les sots prennent
l'appa-
rence passagère pour le fait éternel et font fausse route
de plus en plus.
Les sots s'imaginent, parce que le châtiment d'une
mauvaise action se fait
attendre, qu'il n'y a pas de jus-
tice, si ce n'est accidentellement, ici bas. Le châtiment
d'une mauvaise action se fait souvent attendre, soit un
jour ou deux, soit un siècle ou deux, mais c'est une
chose certaine comme la vie, certaine comme la mort 1
Au centre du tourbillon universel, tout
aujourd'hui,
comme aux âges les plus reculés, un Dieu réside et
prononce. L'immense âme
du monde est juste. 0 lec-
teur, mon frère, se lieut-il
qu'actuellement, à cet âge
tardif et après une si longue expérience,
après que le
Christianisme ne cesse depuis dix-huit siècles de prê-
cher une même chose, il soit encore besoin de te rap-
peler cette vérité ? Quand toutes espèces de peuples,
Mahométans, Romains idolâtres des siècles primitifs,
Juifs, Scythes, Grecs païens et en somme plus ou
moins tous les hommes que Dieu a créés, ont essayé à
leur tour de s'en pénétrer 1 Que dis-je? cette vérité, toi-
même jusqu'au jour où la « marchandise ncetée de
rouge ') a étouffé en toi la vie intérieure, tu en avais
quelque notion Eh bien, la voici c'est qu'il y a de la
justice~ ici-bas ~ct mêmf, «n derniers analyse, qn'H n'y–
1. Retape, terme que cr~ Rartyte pour quaMncr la bureaucratie, l'abus de for-
malités.
t4 m PASSEET t.EH!ËSENT

a rien autre que de la justice Oublie cela, tu as tout


oublié. Le succès plus jamais ne te sourira. Comment
en serait-il autrement ? Tu as tout l'Univers contre toi.
Plus de succès rien que le simulacre du succès, pen-
dant un jour, pendant des jour s toujours grandissant
et s'élevant – vers sa Roche Tarpéienne. Hélas, assis
là dans ta voiture de Longacre aux ressorts bien doux,
tandis que ton regard extérieur s'arrête sur un cuir
bien verni, pendant que ton regard intérieur va. d'une
philosophie de routine, à des à-propos, à des maximes
de clubs, & des questions qui ont emporté la majorité au
Parlement – comme tu roules brillamment
emporté
mais sais-tu bien où ? C'est vers le boul of« cAc~M.
Antiques us et coutumes, méthodes établies, habitudes
jadis justes et sages, d'une part de l'autre, la plus
noble tendance la persévérance,
humaine, jointe ù la
plus vile, l'inertie tout ce qu'il peut y avoir de nobles
et de viles tendances conservatrices chez les hommes
et les Nations (d'autant plus fortes, toujours, qu'hom-
mes et nations sont forts) tout cela te constitue un
chemin bien uni à travers l'abîme, jusqu'à ce que tout
cela arrive au &o< Jusqu'à ce que les cruelles néces-
sités humaines ne puissent plus s'accommoder de toi.
Jusqu'à ce que la nature ait épuisé sur toi sa
patience
et arrivé là, il n'y a pas de route, pas de chemin qui
aille plus loin l'abîme s'ouvre, béant
Le Parlement et les tribunaux de Westminster sont
certes vénérables, profondément vénérables jaunis
par mille ans de glorieuse durée 1 Pendant mille ans et
plus, la sagesse et la loyale valeur, luttant au milieu de
la folie ~t déjà bassesse axides~. obligées dan~ eetie
lutte à mainte extrémité ont travaillé à
regrettable,
I. Longacre, quartier des atelièrs de carrosserie & LoadfM.
t.ESPHMtX' "–––

élever cesmonuments et ils sont là, sous nos yeux.


Pendant mille ans, cette nation anglaise les a trouvés
utiles ou du moins supportables ils ont répondu à ses
besoins ils lui o~ un chemin à travers l'abîme du
Temps. Ces monuments sont vénérables. ils sont grands
et forts cependant il est bon de se souvenir toujours
qu'ils ne sont ni les plus vénérables, ni les plus grands,
ni les plus forts Les actes du Parlement sont véné-
rab!es mais s'ils ne correspondent pas a ce qui est
cent sur les « Tablettes de Diamant que sont-ils? A
proprement parler, ce qui fait leur unique principe de
\cncrabi!iM. de force ou de grandeur, c'est qu'ils y
<'ot'respondent en tous temps, d'aussi près que le per-
met la possibilité humaine. Mais ils entretiennent à
toute heure la destruction dans leur sein tant qu'ils
continuent d'exister sans'qu'il en soit ainsi.
Hélas! combien de causes qui peuvent fort bien
plaider eUes-mêmes en leur faveur aux tribunaux de
Westminster et qui, cependant, au tribunal général de
l'Univers et de la libre Ame Humaine, n'auront pas un
mot à dire 1 Les gentlemen respectables trou-
peuvent
ver cela digne d'être pris en considération, en un temps
comme le nôtre. Et, à la vérité, quand se sera douce-
ment éteint le fracas que font la triomphante logique
de la loi, le va et vient des de crin 1 et des
perruques
robes des
doctes-avocats, nous ferons bien de nous
demander aussi à nous-mêmes « Que pense du verdict
ce haut, ce très haut tribunal M Car c'est le tribunal
des tribunaux, celui-là où l'âme universelle du Fait
et de la Vérité-pure
siège comme présidente et
c'est~ qu'avec une hât~deptus en p!ua grande, avec
une accélération de hâte vraiment terrible, toutes causes
Cest ainsi que C&rïyto désigne les juges.
partout
:1 ¡
1.
"<C t<Ë PASSE RT LE PRÉSEKT

se pressent do nos jours, venant chercher, telles leur


revision, telles leur confirmation, modification, annu-
lation des dépens. Connais-tu ce Tribunal ? Y as-tu eu
quelque pratique de la loi? Voyons, n'y es-tu jamais
entré n'y as-tu jamais
produit de demande en répa-
ration, t'y présentant pour en appeler, pour désavouer,
ou opposer une exception ta demande
péremptoire,
rédigée avec le sang de ton cœur, soit pour ton propre
soit pour celui d'un autre ? et n'as-tu
compte, pas, en
silence, attendu l'issue ? Tu ne connais pas ce tribunal-
la ? Tu en as seulement entendu parler, par une tradi-
tion effacée, comme d'une chose qui était ou avait été ?
tu ne nous seras
Allons, pas, je le vois. d'une bien
grande ressource
Car c'est une bonne chose que les robes des doctes-
avocats les actes sur parchemins, les dues formes, la
pauvre justice terrestre (avec ou sans perruque), quel
homme son bon sens ne s'incline
ayant pas devant
tout cela ? Et
cependant, voyez un peu, il n'est pas
dans son bon sens mais hors de son bon sens, l'homme
qui tient cela seul pour vénérable. Des océans de crin,
des continents de parchemin, l'éloquence même des
doctes-avocats, dût-elle ne point tarir jusqu'à ce que
leur docte langue se fût usée et amincie dans leur infa-
tigable et docte bouche, ne sauraient faire l'in-
que
juste soit juste. La grande question demeure toujours
le jugement a-t-il été juste? S'il a été injuste, il ne
trouvera pas, ne pourra pas trouver asile ou continuer
de subsister dans cet Univers qui à pour créateur tout
autre qu'un injuste. Renforcez votre jugement par
telle loi ~xtraordHtatre,tr<H~ lectures successives, des
sanctions royales faites-le publier aux quatre points
cardinaux par toutes espèces de trompettes et de pour-
t.ë 8H)M)X -–––––

suivants galonnés, mettez à leur arrière-garde plus de


gibets et de bourreaux qu'on n'en a jamais vu il ne
subsistera pas, il ne peut pas subsister. De toutes les
âmes humaines, de tous les points de la nature, du
trône du Très-Haut, des voix s'étèvent et l'ordonnent
« Qu'il disparaisse, qu'il disparaisse Votre juge-
ment n'y prend-il pas garde demeure-t-il fort de ses
trois lectures, de ses gibets, de ses parcs d'artillerie ?
Ce n'en sera qu'un pire m&theur pour lui, un plus ter-
rib!j malheur. It continuera de demeurer un jour, un
an, un siècle, sans cesser d'occasionner des maux
mais il a un ennemi qui est tout puissant la dissolu-
tion, l'explosion les lois éternelles de la nature s'avan-
cent incessamment verslui et plus profondes seront
ses racines, plus obstiné son acharnement, plus pro-
fonds et plus terribles seront aussi sa ruine et son ren-
versement.
Œuvre de Dieu, ce monde avec le tourbillon furieux
de ses remous, l'écume de ses flots déchaînés ce
monde, où hommes et nations périssent comme
s'il
n'existait pas de loi, on le châtiment de l'action injuste
semble impitoyablement différé crois-tu pour cela
qu'il ne renferme pas de justice ? C'est ce que pense
le sot, au fond de son coeur. C'est ce que les sages,
prouvant par là leur sagesse, de tout temps se sont
refusés à croire, ce qu'ils ont reconnu ne devoir être
jamais. Je te le répète, ii n'y a rien autre chose que de
la justice. Une seule chose m'apparait solide, ici bas
la chose juste, la chose vraie.
Mon ami, quand tu traî-
nerais derrière toi toute l'artillerie de Woolwich pour
soutenir un&chos~injttf~; <}u'en avant de toi~innMB-
brables feux de joie brilleraient en ton honneur pour
répandre à travers les siècles le bruit de ta victoire, –
2
~g -PASSE ET 1E MSSKKt'

je te conseillerais de latre
halte, d'abaisser ton bâ-
ton de commandement et de crier « Au nom du
ciel, non 1 Ton succès ? Pauvre ami, à quoi se
réduira-t-il ? si la chose est injuste, tu n'as nullement
réussi non, nullement les feux de joie ont beau briller
du nord au sud, les cloches retentir, les rédacteurs faire
des articles de tête, la chose juste a eu beau être piéti-

née.jetéea l'écart, sembler


aux yeux des mortels chose
abolie et annihilée. Ton sucées ? Dans quelques années
tu seras mort. ton nom enseveli dans l'ombre, cadavre
glacé, aveugle, sourd et alors, éclat des feux de joie,
carillon des cloches, articles de tête, & jamais dans l'é-
ternité rien ne parviendra a tes yeux ou a tes oreilles.
Quel succès que le tien 1
Il est vrai, tout dans ce monde n'est qu'approximatif
dès que l'approximatif n'est pas insupportable il faut
que nous nous montrions patients. H est une forme
noble du conservatisme, aussi bien qu'il en est une
ignoble. Plût au ciel, pour le bien du conservatisme
lui-même, que la noble seule subsistât et que l'ignoble,
par quelque main sévère, fût impitoyablement éloi-
`
gnée, qu'il lui fût à jamais interdit de réapparaître Car
seul, ce qui est légitime et noble demeure victorieux
en cette lutte le reste n'est qu'entrave, ajournement
dangereux, péril couru par la victoire. C'est vers un
centre éternel, siège de la légitimité, de la noblesse
seules, que tend toute cette confusion. Nous savons à
l'avance vers quoi tout cela tend, à qui reviendra la vic-
toire, à qui elle sera refusée. Le Plus-Lourd ira au
centre. Le Plus-Lourd, traversant dans sa chute les
mUteuxjBUes~tourbiUons les ptus~changea~t~t subit des
déviations, rencontre des obstacles, il a même parfois
des ressauts, des rebondissements là-dessus, quelque
MSPHMtX 18

imbécile de s'écrier jubilant « Voyez, voi!a votre Plus-


Lourd qui monte a mais à tout instant il tend vers le
centre, exactement comme il convient qu'il y tende il
descend, descend et, grâce à des lois plus vieilles que
h' monde, vieilles comme le premier plan que le Créa-
teur fit de ce monde, il arrivera forcément au contre.
Attendez l'issue. Dans toutes les batailles, si vous en
attendez l'issue, chaque combattant se trouvera avoir
tcmporté un avantage proportionné à son dt'oit. Son
droit et sa force, tout compte fait, n'ont été qu'une
seule et même chose. Chacun a combattu avec la tota-
)ité de sa force et, dans la même
proportion, par rap-
port it la totalité de son droit, il a remporta l'avantage.
S:) mort même ne constitue
pas pour son adversaire
nnf victoire sur lui. H est mort, c'est mais son
vrai
"'uvrc vit et vit bien réettemcnt. Qu'un héros comme
WxHace soit écartelé sur l'échafaud, et rien ne saurait
t'hm empêcher que l'Ecosse, sa patrie, ne devienne un
jour province de l'Angleterre mais il a du moins
empêché qu'eue n'en devienne une province dans des
conditions tyranniques ou injustes c'est lui dont la
voix, pareille à celle de quelque dieu, du haut de l'an-
tique Vallialla et du temple des braves, vient encore
commander qu'il règne entre les deux pays une juste et
''cette union, comme cette de frère a frère, non une
union fausse et toute feinte comme celle d'un esclave a
un mattre. Si sa réunion a l'Angleterre constitue rée!!e-
'nent pour l'Ecosse, un de ses plus grands biens, c'est
encore Wallace qu'il faut remercier de ce que ce ne
soit pas là
le ire '~?~~ P?~' sa~J'att' L~Ecosse..
n'en est pas où en est-l'Irlande
certes, et cela parce
que des braves s'y sont levés qui ont dit
Regardez-
i. Car!y!e, M est bon do !e
Mppa!er, <taM EcMMb.
30 !.E MSSË ET M PRËSRNT

nous, nous ne saurions être foulés aux pieds comme


des esclaves vous ne !e ferez pas et ne le pourrez pas
faire, n Continuez de lutter, braves cœurs, ne vous
laissez pas troubler da.M la mauvaise fortune ni dans
la bonne. A la cause
pour laquelle vous luttez, dans la
mesure où elle sera vraie, pas au-delà, mais exacte-
ment dans cette mesure, la victoire est assurée. Ce
qui s'y pourra joindre de faux tombera seul sous la con-
quête, aboli, ainsi que cela doit être mais ce qu'elle
renferme de vrai fait partie des propres lois de la nature,
coopère avec les éternelles tendances de l'univers, et ne
saurait être conquis.
La poussière des controverses, qu'est-ce, sinon le
/<!M:B qui s'élève du conflit des diverses forces vraies et
produit ce bruyant tourbillon de poussière, afin que
seules les vérités puissent demeurer et s'embrasser fra-
ternellement en une seule et même
vérité, force-résul-
tante Il en va de même à tous les ilges. Si de sauvages
Heptarchies se combattent, leur lutte est le moyen qui
vient faire connaître celle qui a le droit de dominer,
celles qui seront dominées et annoncer qu'au sein de
cette domination saxonne dont les escarmouches por-
tent partout la dévastation, pourra s'élever paisible et
fondé sur la coopération, le royaume de l'Angleterre.
Parcourez des yeux l'univers pour peu que ce ne soit
pas avec des yeux de hibou, vous ne verrez pas une
seule chose
y trouver l'entretien et la vie qui n'ait droit
à l'entretien et à la vie. Quant au reste, regardez-y avec
des yeux qui ne soient pas des yeux de hibou, c'est
choses qui ne vivent pas elles se meurent,~e valent
pas mieux que des choses mortes La justice a été ins-
tituée dès la fondation de -ce monde elle durera autant
que ce monde et plus longtemps encore. j
~~c~
'm.'SHMt& 'w
< 't-Jt--T'<J*t
De tout cela je conclus que la région interne du Fait,
aussi bien dans l'Angleterre actuelle que partout ail-
leurs, diffère infiniment de la région externe et des
de l'apparence que le passager ià comme
régions
ailleurs, est trop enclin à l'emporter sur t'éternei que
celui qui habite les régions des passagères apparences
ne répon-
et ne pénètre pas dans t'éternette substance,
du Sphinx, ne résoudra ni le pro-
dra pas à l'énigme
blème d'aujourd'hui nt celui d'aucun jour. Car la subs-
tance seule est substantielle, telle est ta toi du F ait si
vous ne découvrez pas cela, te Fait, qui te sait déjà, se

chargera de vousl'apprendre petit à petit


la question
Qu'est-ce que la justice ? voilaen somme,

«ne nous pose le sphinx. La loi du Fait, c'est que la

justice doit et veut être exécutée. Le plus tôt sera le


mieux car le temps se fait exigeant, terriblement
Qu'est-ce que la justice? demandent beau-
pressé
coup d'hommes a qui seul, le Fait cruel sera en mesure
de répondre. Ils sont comme Pilate qui, plaisantant,
demandait qu'est-ce que la vérité ? » Ce Pilate qui
n'avait pas la moindre chance d'arriver à
phnsantait
savoir ce que c'est que la vérité. Il n'aurait pas pu la
discerner, quand bien même un dieu la lui eût montrée.
Eblouissante d'obscurité, une nuit plus épaisse que
celle de la cataracte dérobait la Vérité à ses yeux rieurs,
dont la rétine s'était
paralysée, était morte. Pilate

regardait la vérité et il ne la discernait pas là où elle


était. « Qu'est-ce que la justice ? » La justice incarnée,
habillée, qui siège au tribunal de Westminster avec ses

pénalités, ses parchemins et ses huissiers est, certes,


aisément visible Mai~ la justice~~to~ Jneamée,-dont
celle là est l'emblème (ou sinon ce serait une chose

effrayante, indescriptible) cette justice-c~ n'est pas si


~T ~.&~PHbs~~tT'

aisément visible Car


la justice non-incarnée vient du
ciel c'est un esprit, une divinité du ciel, invisible pour
tous, excepté pour ceux qui sont nobles et purs de
cœur. Les impurs, les vils regardent de tous leurs
yeux et ils déclarent qu'elle n'est pas là. Ils vous le
prouveront par la logique, par d'interminables débats
d'Hansard', par les Nots d'une éloquence toute parle-
mentaire. Ce n'est pas consolant a constater Car, à la
vérité, autant il y a d'hommes dans une nation qui peu-
vent apercevoir l'invisible justice céleste et savent

qu'elle règne en même temps sur terre avec la même


omnipotence, autant d'hommes
s'interposent entre
cette nation et sa perte. Autant d'hommes, et pas un de

plus. Sol encombré de l'Angleterre, combien en comp-


tes-tu a cette heure ? Les puissances suprêmes en
envoient encore et encore, tous ces hommes sont H~
au moins avec des cceurs de chair et non de pierre
et c'est la profonde Misère ette-mëmc, jadis assez pro-
fonde déjà, qui se chargera de les instruire

t.HanMrdOattrMiteut'dMcomptM-n'ttdusde hchambt'o des communes.


CHAPITRE Mt

L'INSURRECTION DE MANCHESTER

Blusterowski, Colacarde et autres publicistes, pro-


phètes du Mouvement Démocratique Continental se
sont montrés enclins, dans leurs articles de fond, à
vilipender la récente insurrection de Manchester, qui
.)ur:)it révélé chez les agitateurs une extrême ré-
pugnance à se battre qui trahissait même
peut-être
chez le peuple anglais, un manque de ce courage physi-
que naturel, indispensable à tous les âges. Un million
(ic travailleurs anamés se sont soulevés, poussés par
le suprême paroxysme du désespoir à se révolter contre
leur sort; et ces hommes, se demandent Colacordo et
compagnie, combien de coups de fusil ont-ils tiré? 2
Bien peu, comparativement! centaines de
Quelques
soldats bien dressés, et c'en a été assez pour dompter
cette hydre au million de têtes, pour la faire rentrer,
sans que la moindre concession ou promesse de con-
cession fût nécessaire, dans ses quartiers souterrains
– son domicile – afin qu'elle
légal y fît un retour
sur elle-même. a nos soulèvements de Lyon,
Comparée
de Varsovié~èt autres, pour n~nëh~d~ire~rihco~
ble ville de Paris, ni quant au passé ni quant au
présent, quelle insurrection d'agneaux 1
Si ~S PASSEET LE PRËSENT

L'auteur n'est
pas venu défendre ici; auprès de ses
lecteurs, les insurrections et les excès dont elles s'ac-
compagnent il nous soucie assez peu, d'autre part,
que Btusterowstd et le reste, jugent le peuple anglais
courageux. Notons cependant, en passant, qu'à notre
avis l'insurrection de Manchester ne fut pas si dénuée
de succès à cette heure où les insurrections se multi-
plient, nous n'avons encore connaissance d'aucune qui
ait si bien réussi.
Un million de travailleurs affamés, comme dit
Blusterowski, se sont soulevés en masse dans les rues
et s'en sont tenus là, Mais qu'auraient-ils pu faire
d'autre? Pour ces hommes, les torts, les maux subis
ont été amers, la rage est légitime
intolérables qui les
a soulevés mais qui sont-ils, ceux qui ont causé ces
torts, et qui sont-ils, ceux-là qui veulent sincèrement
s'efforcer de les réparer? Nos ennemis, se dire
peuvent
les insurgés, sont nous ne savons qui ni quoi nos
amis sont nous ne savons où ? Comment attaquer qui
que ce soit, tuer quelqu'un ou se faire tuer par lui `??
Oh, si le cauchemar invisible, maudit, qui nous extor-
que la vie, à nous et aux nôtres, venait à prendre un
corps, à s'approcher de nous pareil au tigre Hyrcar-
nien, au Behemoth du chaos, à t'Archidémon lui-
même n'importe quel corps que nous puissions voir
et sur lequel nous puissions Un homme 'r
frapper
peut faire gaîment le sacrifice de sa vie mais il faut
d'abord qu'il voie clairement à qui il le fait. Montrez- s
lui le visage divin
de la justice et ensuite te monstre
diabolique qui l'éclipse il sautera à la gorge de ce
monstre, plus monstrueux qu'il n'en fut jamais, et cela
san~qu'~ soit besoin de I& lui wdonncrrt.a mitraille
de Wootwich peut bien balayer les rues, faire rentrer
i
~MSMMSC'nON M HANCHESMR 1 ?

~t~ -–!<t' <M


dans t'ombre tous ces milliers d'hommes mais que
votre mitraille de Wolwieh ne fasse seulement qu'é-
clipser la Justice Divine, que l'éclat du Dieu lui-même
brille reconnaissable à travers elle: – alors, oui, c'est
alors que l'heure sera venue de combattre et d'attaquer.
Tous les parcs d'artillerie se trouveront faibles, menacés
d'être détruits: au bruit que fera le tonnerre du Dieu,
leur pauvre tonnerre s'éteindra, se taira il apparaîtra
alors, dans toute l'acception du mot, une force brutale.
Si l'insurrection de Manchester s'est tenue calme
dans les rues, répugnant à faire feu et à répandre le
sang, elle a fait la preuve de sagesse, toute insurrec-
tion qu'elle ait été. Une insurrection, si nécessaire-
soit-elle, est toujours une triste nécessité et les chefs
du pouvoi" qui ont besoin qu'elle se produise pour leur
instruction, entrent infailliblement dans la pire voie,
ils se révèlent Fils de Knox et du Cahos, de la
i&chcté aveugle, non de la valeur Com-
clairvoyante
ment une insurrection être, en quoi que ce-
pourrait-elle
soit, un remède? '?
Ce n'est que l'annonce du mal, visible, à l'heure oti
elle se produit, même pour les Fils des Ténèbres. L'in-
en général,
surrection, rapporte peu et, en général,
elle fait tant de mal Un des plus funestes maux qu'elle
entraîne, sans parler des autres, c'est l'exaspéra-
tion dont elle anime les hommes les uns contre les
autres par suite de la violence dont elle est accom-
pagnée ce qui implique toujours qu'elle est accom-
pagnée d'injustice, car la violence établit, même lad.
justice, avec injustice.
Qui pèsera le mal, les pertes, les entraves de toutes
aortes quë~produïsiC~ansTa a région'dé~Mancnëstér,
la seule émeute de Peterloo Treize hommes et fem-
26 M PASSE E'f M POSENT

sans – et
mes, armes, y eurent la tête tranchée,
encore le nombre des massacrés, des estropiés, est-il
facile à établir mais les foyers de rage, brûlant de-
puis lors, visibles ou cachés, dans tous les cœurs, dé-
tournant depuis lors plus ou moins tous les cœurs de
leur effort et de leur but voilà le mal dont on ne peut
mesurer l'étendue. « Vous vous êtes rués sur nous,
tes armes à la main, dans votre aveuglement cruel,
inqualifiable « Yeomanry a du brandissant /*);
Conuté,
Il vos sabres, faisant cabrer vos chevaux, vous nous
avezpiétinés selon votre plaisir;brutalsourds,
» aveugles tant qu'il s'est agi de nos droits, de nos
souffrances, de nos maux, votre vue et votre esprit
ne se sont aiguisés que lorsqu'il s'est agi de vos
propres droits Voita, gisants, de pauvres tisserands
Mêmes, usés par le travail ils ne se plaignent plus
a cette heure les femmes ettes-mên.ds sont tail-
tadées, éventrées, un hurlement de terreur emplit
» l'air et vous; vous caracolez victo-
triomphants,
rieux hommes inqualifiables donnez-nous des
sabres, à nous aussi, et puis
approchez un peu! a
Voilà la pensée de ceux de Peterloo. Dans le cœur de
tous ceux qui y furent présents, demeure gravé comme
en lettres de feu (ou en lettres de cendre qui bien vite
redeviendraient de feu), un compte balancé où se lit une
vengeance terrible; compte très faussement balancé,
très exagéré ainsi qu'il en va d'ordinaire en pareil cas
mais payable comptant, à vue et en totalité, avec les
intérêts composés 1 De pareilles choses devraient être
fuies à l'égal de la peste 1 Car les cœurs des hommes
ne doivent pas tendre à se haïr les uns les autres, mais
& s'MHt~les~ uns !nt~ autres dans mrcommun~ accord
1. Un Yeoman est m) gros fermier, membre de la milice nationale.
~~SHRMM'MKMtMNCH~STM 1~

pour haïr le seul Mal. Les âmes des hommes dpivent


~t) es laissées à môme d'y voir clairement elles ne
doivent pas être aveuglées, tordues tout de travers,
induites en erreur par cette jaunisse qui s'appelle ven-
nueance, haine mutuelle et le reste. Une insurrection

'lui peut annoncer le mal, puis se retirer sans laisser


ouvert, nulle part, un pareil compte balancé, a atteint
le plus haut succès qu'il se puisse.
Et c'est là ce que les pauvres travailleurs de Man-
chester, avec toute
l'ignorance qu'ils portaient en eux
et celle dont ils étaient entourés, se sont appliqués
.'<réaliser, Ils ont posé, sans la formuler, leur co-
lossale ~«es~o/! « Que vous proposez-vous de faire
de nous ? d'une manière qui a été entendue de tout
< qui sait réfléchir dans le royaume ils ont excité une
pitié profonde chez tous les hommes de cœur, une
:)))xifté profonde chez tous les hommes sans exception
i'ucun incendie, aucun mouvement de folie n'est venu
'*)]aucun point, voiler d'un nuage ce sentiment i! s'est
piu'tout fait sentir, sans nuage. L'Angleterre toute
''tuR're a entendu la question c'est la première forme
pratique de l'énigme du sphinx qui nous est posée.
L'Angleterre y répondra ou, finalement, l'Angleterre
– on ne s'attend
périra pas encore & cette dernière e
issue
Quant au reste, a ce fait que l'insurrection de Man-
chester n'a pu encore discerner a aucun point de son
horizon la clarté du ciet qu'elle ait pu craindre que
toutes les lumières allumées jusqu'alors (comme celles
d'O'Connor ou d'autres sortes) ne fussent seulement
de décevantes d'huile de poisson'; des
transparences
tuMicrës de îëu~ foHëis ët~on pas~hë aurorë~d'
L L'huile de p6!axon est iot~om'a, comme on sait, assez tfooNo.
38 tE PASSÉET JLBPHËSEKT
L~t. ~~)~ ~~t à t't.~–
haut cela aussi est l'honneur de 1-
la pauvre insurrec-
tion de Manchester et nous en augurons bien pour
elle. C'est un sentiment profond,
muet, qu'ils ont au fond
du cœur, en hommes énergiques, si peu digne d'être
écouté, si stupide presque, que soit ce qu'ils en peu-
vent exprimer. Au milieu de toutes leurs paroles, de
stupide violence, un juste et noble instinct de ce qui est
infaisable ne les abandonne jamais, eux, les hommes
énergiques, les travailleurs qui ne savent pas formuler
mais que le T~a~ patronne et de qui, malgré toute la
difScutté et l'étendue de la besogne, il y a bonne augure
a tirer Une autrebesogne s'accomplira éga!ement
les classes dirigeantes, les chefs du Pouvoir, qui eux,
savent formuler et énoncer, d'une manière quelconque,
ce qu'est la loi du ~ait et de la Justice, pourront rénéchir
qu'il y a !& une classe dirigée qui les écoutera.
En vérité, cette première forme pratique de la ques-
tion du sphinx, qui s'est posée là, sans formule, et si
intelligible néanmoins, est une des plus impression-
nantes qui aient jamais été posées au monde. « Re-
» gardez-nous, nous sommes t& des milliers, des mil-
lions, notre nombre augmente dans une proportion de
» cinquante par heure. Nous sommes de bonne volonté
» et aptes à la besogne, et sur la planète Terre il y a de
» quoi occuper et de quoi payer amplement un million
» de' fois autant d'hommes que nous sommes là. Nous
» vous le demandons Vous proposez-vous de nous
» fournir de la besogne, d'essayer de nous en fournir
» par des moyens nouveaux dont il n'y ait pas eu
» d'exemple jusqu'au jour présent,, dont il n'y ait pas
» d'exemple aujourd'hui ? Ou bien déclarez-vous que
"vous ne pouvez pas nous ëtf fournir? et attendez-
» vous de nous que nous restions sans
tranquillement
t.SUR!<E<n'MN Ni! NAKCHËSMK S&"

n besogne et que, bien calmes, nous mourions de


Il faim? Qu'attendez-vous de nous? Que vous pro-
» posez-vous de faire de nous? o Cette question, dis-je,
a été posée de telle sorte que la Grande Bretagne
toute entière l'a entendue et elle sera posée encore,
encore et toujours jusqu'à ce qu'une réponse y soit
donnée.
Infortunés ouvriers, infortunés
oisifs, infortunés
mortels qui peuplez cette Angleterre actuelle Nous
sommes'encore bien loin d'avoir trouvé une réponse et
il n'y aura pas d'existence pour nous tant que nous
n'en aurons pas. « Un salaire quotidien raisonnable

pour une besogne quotidienne raisonnable » c'est ta


une demande aussi légitime que jamais hommes gou-
vernés en purent adresser a des hommes les gou-
vernant. C'est le droit éternel de l'homme. H est aussi
indiscutable que l'Évangile, que la table de multiplica-
tion il veut être satisfait et il le sera et cependant,
& l'heure où nous vivons, si énorme est la difficulté

qu'ctie touche à l'impossibilité! Car c'est un temps

étrange que le nôtre; d'une complexité comp!iquée


encore par la nouvelle extension de ce monde, qui
toujours va s'élargissant; un temps où l'on trouve
d'un côté une vivacité d'impulsion à demi vertigineuse,
de l'autre une immobilité, une paralysie qu'on croirait
être la mort même un temps, enfin, qualifiable par ces
deux caractères qu'il présente le Dilettantisme et le
Maimonisme, – comme il est compliqué, obstrué, ce
-temps! Certes, si l'on ne pouvait pas discerner la cé-
leste clarté de la justice, prophétique, bien visiblement
"cc!cst(r derrière tous ces enchevêtrements confus~
étendus aussi loin que !e monde et qui s'appellent
intérêts des propriétaires, intérêts manufacturiers,
30 y~sÊ ET TRES~M'

intérêts de Tories et de Whigs et Dieu sait quels autres


intérêts, formalités, intérêts ayant leurs représentants,
possessions établies, Dilettantisme invétéré, Maimo-
nisme aux oreilles de Midas, la difficulté semblerait
à tous une pure impossibilité,
que tous les hommes
sages feraient aussi bien d'abandonner de suite. Si
vous ne savez pas distinguer l'éterneUe Justice de la
Formalité momentanée si vous ne comprenez pas dans
le fin fond de votre cœur que la bien-
justice éclatante,
faisante ainsi qu'il sied au' tout-puissant élément de
Lumière, est en même temps par son essence, s'ii est
nécessaire, le tout-puissant élément de Feu qui fait
fondre toutes espèces d'intérêts tours .repré-
ayant
sentants et les plus solides canons de fonte comme s'ils
étaient de cire molle,et qui finit toujours à la longue par
régner et gouverner sans à rien autre de
permettre
régner et de gouverner, si vous ne comprenez pas
cela, vous aussi vous parlerez Mais lit
d'impossibilité
chose n'est que difnciie, elle n'est pas impossible.
Possible? Elle l'est, quelle que soit la difficulté claire-
ment inévitable.
Un raisonnable salaire quotidien pour une raison-
nable besogne quotidienne s'exclamera sar-
quelque
castique. Hélas, en quel coin de cette planète, depuis
qu'Adam s'y éveiUa pour la première fois, a-t-on jamais
vu celà réalise? Le salaire de.la
quotidien besogne
quotidienne de John Milton le
(besogne qui s'appelle
Po~efts ~'efa et les OEuvres de Milton) ce fut dix
livres, versées par paiements et la. chance
partiels
d'avoir échappé de bien près à la potence. Considérez
ceci: ce n'est-pas une ûeur de Fhétoriquc~.e'cstim fait
authentique, paisiblement étaMi, – symbolique, qui
vient paisiblement servir de document et mettre en
x.~
~tKSCaaECTtON DE MAXCHESTEH

lumière tout un monde de faits analogues, depuis que


l'histoire de l'humanité a commencé. Voilà Olivier
Cromwett qui abandonne l'exploitation de ses terres;
il entreprend un travail d'hercule, une lutte de toute sa
vie avec cette Hydre de Lerne rampante, longue
comme l'Angleterre et qui siffle aussi haut que le Ciel

par ses mille bouches bouches royales, ducales, bou-


ches abritées de chapeaux pareils à des pelles, bouches
de charlatans i – Cromwell livre la lutte à cette

Hydre, lutte la plus sérieuse, !a plus terrible que je


sache; et il lutte victorieusement, il fauche le monstre,
en abat bon nombre de tronçons, si bien que son siffle-
ment est
insignifiant depuis lors en comparaison de
ce qu'il était et que l'on peut circuler avec une sécurité
relative. – Eh bien, le salaire de CromweU, si je suis
bien informé, c'est une sépulture sous l'arbre de la
potence, près de la barrière de Tyburn Turnpike,
tandis que sa tête coiffe le pignon du palais de West-
minster, et c'est depuis deux siècles, de la part de tous
les hommes, la malédiction metée au ridicule. Ses
cendres reposent à cette heure sur la route d'Edgware,
près de Tyburn Turnpike; et sa mémoire est. Mais
qu'importe ce qu'est sa mémoire ? Sa mémoire, en fin
de compte est, ou du moins il faudra bien qu'elle soit
celte d'un dieu la terreur, l'horreur de tous les char-
latans, des lâches, des hommes insincères un éternel
encouragement, un souvenir perpétuel, un signe de
ralliement et un gage de la victoire .pour tous les
braves. C'est te cours ordinaire des choses, l'histoire
de ceux qui accomplissent une mission divine, en tous
Iieux,en tons temps. Que! dieu ~'a jamais emporté sur-
les privilégiés de dix livres, dans aucune assemblée
publique ni dans aucun Sanhedrin recruté parmi
..39~ M P~ss6 BT M tB~NK'f

j'éiite?
j'éiite? Onanfi
Quand donc <in
<!nn<' un ~!M< n-t
dieu a-t-i! ~n~
été t~
trouvé « agréa-
ble » par tous ? La manière habituelle dont vous en =
usez avec eux c'est de
pendre, tuer, crucifier vos dieux,
de les exécrer, de les piétiner sous vos stupides sabots
d'ânes, pendant un siècle ou deux; jusqu'à ce
que vous
découvriez que ce sont des dieux, – alors vous vous =
mettez à braire leurs louanges, toujours à la manière
des animaux à longues oreilles Ainsi vous parlera
quelque sarcastique; à sa manière brutale, il nous dira
là de bien lamentables vérités.
Un salaire quotidien pour une besogne quotidienne?
continuera-t-il le progrès de la société humaine con-
siste essentiellement en ceci de mieux
proportionner
en mieux le salaire à la besogne. Réalisez cela, vous
avez tout réalisé. Payez strictement à chaque homme ce
que vaut son travail, ce qu'il a gagné, fait, mérité, – à
celui-ci de grands domaines et des honneurs, il celui-là
la potence et les moulins de correction que pourrais-je
vous demander de plus? Le règne céleste, que nous
implorons chaque jour, sera arrivé la volonté de Dieu
sera faite sur la terre comme eUe l'est au ciel C'est
cela, i'éciat de !a Justice céleste, a la lumière ou à la
flamme de laquelle toute entrave, tout intérêt ayant
son représentant, tout canon de fonte, fondent de plus
en plus comme la cire, et disparaissent des sentiers
humains. C'est cela la chose qui lutte sans cesse
pour se
frayer un chemin qui ne peut être repoussée et s'avance
inévitable: elle se perfectionne chaque jour davantage
– ne devant
pas arriver a !ap~c~o/: avant le jour du
jugement dernier, la consommation et la fin
suprême
de~ vieterrestre.- –- – –_
C'est vrai, répondrons-nous, si vous vous placez au
point de vue de la « perfection » et de tout ce qui s'en
t~mM~ECTÏON M NANCHEST~ 33
-t-~ t *t H~' <-<
suit c'est absolument vrai Mais nous avons dû le
constater, notre imparfaite société humaine ne se main-
tient et ne trouve place sous le soleil, qu'en-vertu d'une
simple approximation de la perfection, actuellement
établie et mise en vigueur. Nous avons dû constater en
outre, qu'il- y a des approximations tolérables et d'au-
tres, aussi, qui sont intolérables. H suffit de certaines
approximations tolérables, presque de n'importe
laquelle, pour que!es hommes soient susceptibles (peut-
être trop susceptibles) de demeurer indolemment
patients; disant Ça ira C'est ainsi que ces pauvres
ouvriers de Manchester ne prétendaient, par le salaire
quotidien d'une besogne quotidienne, qu'à quelques
pièces d'argent qui leur permissent de subsister en
échange de leur besogne, ils demandaient une modique
quantité de nourriture, de vêtements, de combustible
qui leur permit de continuer leur besogne même 1 Ils
ne réclament, jusqu'ici, rien de plus; le reste encore inar-
ticulé, ne peut se faire jour dans une demande et demeure
simplement en eux à l'état desouhaitihforme
peut-elfe
meme.n'estrce en eux qu'un souhait inconscient, plus
éioigne encore de toute expression, plus informe. L'ap-
proximation tolérable avec ils patienteraient,
laquelle
c'est ceci que leur travail leur permit de vivre pour tra-
vailler encore – Ceci devenu
impossible à réaliser, vo-
tre approximation, je pense, pourra,,s',avouer qu'elle a
atteint le degré wtotéraMe et elle pourra se préparer,
quoi qu'eue en éprouve de difficulté, de répugnance et
d'étonnement à l'une des deux alternatives: se faire
autre ou mourir S'ii~n'y a plus possiMité
de vivre
pouf les Iminions, comment ~tes unîtes pourront-eïÏes
continuer de vivre? ti est trop évident
que la nation
elle-même sera sur la route qui mène au suicide.
< 3
~p~
Nous faudra-t-il dire
que !e monde a rétrogradé en
ces derniers temps, dans son talent de proportionner
le salaire à la besogne?.Le monde out toujours ce
tatent plus ou moins, ï! fut un temps o~ le simple
*M<M<BHwe n'avait pas besoin de faire connaître sa
demandeà l'univers par des
insurrections de Man-
chester –L'univers.avec sa « richesse des nations »,
son offre et demande et autres choses de ce genre,
s'est montré, en ces derniers temps, terriblement inat-
tentif à cette question de la besogne et du salaire. Nous
ne dirons pas, cependant, que le monde ait rétrogradé,
même sur ce point; nous dirons plutôt que ce monde
s'est montré si fougueusement avide de voir de plus en
plus de besogne exécutée, qu'il n'a pas eu le temps de
songer à répartir les salaires il a laissé se les disputer
la loi du Plus Fort, la loi de l'Offre et de la Demande,
la loi du Laissez-faire et autres oiseuses lois et non-
lois, disant, dans sa hâte cruelle de voir la besogne
exécutée: « C'est bien assez »
Et à cette heure il faut
que le monde fasse batte un
moment pour s'attacher à cette autre face du proMeme
et qu'il s'efforce, pour tout de bon, 'd'y trouver quelque
solution. Car la chose est devenue A quoi
pressante.
servent ces chemises que vous filez? Elles sont là,.
pendues par millions,.invendables, tandis que par mil-
lions, vont tous nus des êtres laborieux qui n'ont pas
de. quoi se les mettre sur le dos. Les chemises sont
utiles pour .couvrir les dos humains elles sont sans
utilité, e!!es ne sont qu'une intolérable s'il
moquerie
en est autrement. Vqus avez laissé terriblement en
apnèfe ~e-coté du proHemc~ i~cs~~ngu?rëetions"dë~
Manchester, !e8r révolutions françaises et des, milliers
de phénomènes, grands ou petits, annoncent clairement
.1.11. -=-7"7-
~'MSCNMC'nON M MAKCM5TM

qu'il vous faut le reprendre et en faire un peu avancer


la solution. Jamais encore, dans l'histoire de cette terre
qui, & cette heure, se refuse à produire du blé malgré
que vous la labouriez, à vous fournir des chemises mal-
gré que vous filiez et tissiez, – jamais ~encore le tra-
vailleur humain, qui peine avec ses deux mains (qu'il
en aille comme il voudra quant aux autres
travailleurs)
n'a réclamé en vain un « salaire
'< tct qu'~ l'entend par
« salaire raisonnable à savoir sa nourriture et son
chauffage!
Ceux qui accomplirent une besogne divine n'en reçu-
rent pas de salaire il n'en est pas pour eux; il en est
toujours pour la besogne humaine. Gurth, un simple
porcher, né serf de Cadric le Saxon, tes! porcs
gardait
dans les bois et il avait droit a un
peu de leurs éplu-
chures. Mais quoi! te travailleur animal, le quadrupède
n'a-t.it pas déjh droit a tout ce
que réclame le travail-
leur humain ? Combien defoi~ faut-il vous le
rappeler2
H n'y a pas un chevajen en état de travaitter
Angleterre,
et s'y prêtant, qui n'ait droit à la nourriture et au loge-
ment et qui ne circule le poil bien
lissé, satisfait pn son
for intérieur. Et vous dites c'est impossible Mes frères
je vous répondrai si c'est pour vous
impossible, qu'en
adviendra-t-il de vous? Il nous est de croire'
impossible
que ce soit impossible. La pensée humaine, devant ces
chevaux anglais au poil lisse, se refuse à admettre
qu'il
y ait Impossibilité quand il s'agit des hommes anglais,
Mettez-vous promptement en route; frayez vite les
chemins,,de crainte qu'il n'arrive pis encore.
Nous sommes résolus, quant à nous, nous rendant.-
pieinement compïe de Ténorme dtfncutté mats nous
refusant a admettre
rimpossibitité, d'y tacher tant qu'il
nous restera un souffle de vie et la mort
nous trouvera
? M PASSÉBT M PASSENT

la tâche, nous et nos. flls, jusqu'à ce que nous ayons


atteint le but ou que nous soyons tous morts et le
mondeSni.
Un monde où règne une telle honte, dans lequel tous
les chevaux qui travaillent peuvent être bien nourris.
pendant qu'innombrables des hommes travaillent qui
en sont réduits à mourir d'inanition, ne vaudrait-il
pas
mieux qu'il unisse? qu'il soit anéanti
et qu'on y ramène
une fois pour toutes, le règne des Jë~M~s, des géants
de Boue, des géants de Glace, de tous les. dieux
machines du chaos primitif? Pour les dieux-machines
de l'anarchie antique, ce monde est assez b.on mais
pour des chrétiens c'est une honte, que les hommes ne
devraient pas s'abaisser à favoriser en y séjournant.
Nous vous en prions, faites disparaître de votre voca-
bulaire le mot impossible tant qu'il s'agit de ce sujet.
C'est un sinistre présage pour nous tous et pour vous-
mêmes, tous les premiers.

-Mn.
CHAPITRE ÏV

PILULES MORRISOP!

Que faut-il faire, que voudriez-vous que nous fas-


sions ? demande plus d'un, sur un ton d'impatience,
presque de reproche et si vous mentionnez telle chose
en particulier, deux choses, vingt choses, qu'on pour-
rait faire, ils se retournent avec un ricanement ironi-
que, un « C'est ça vos remèdes » L'état d'esprit que
révèlent pareille question et pareille mérité
réplique
qu'on y réiléchisse.
Une chose semble tenue pour accordée, par ces phi-
losophes interrogateurs, c'est qu'il y a une « chose »,
une brassée de « choses » qu'on peut faire quelque
acte du Parlement, « mesure réparatrice
quelque », ou
telle autre analogue, qui se puisse promulguer, grâce
à quoi la maladie sociale
peut être aisément affrontée,
vaincue et détruite de la sorte, la mesure réparatrice
dans votre poche, vous aller de l'avant, triom-
pourriez
phants et ne seriez plus inquiétés a l'avenir. « Vous
nous signalez !è mal, » s'écrient
quelques personnes
commesionIesavaitjraimentoKensées, « et vous ne
Mua8!gna!ezpas!emoyënde!eguénr~!
Le moyen de le guérir? Mes frères, je suis
déso!é de ne pas
posséder de pilules Morrison qui
<
38 M pASSË ET t.E PRESENT

guérissent les maladies


de la Société. JI serait infini-
ment plus commode d'avoir telle pilule Morrison, tel
acte du Parlement ou telle mesure réparatrice que les
hommes pussent avaler une fois pour toutes, après
quoi its reprendraient leurs anciens errements, débar-
rassés de toutes les misères, de toutes les erreurs 1
Malheureusement nous n'avons rien de tel malheureu-
sement les cieux
eux-mêmes, dans leur riche pharma-
copée, ne contiennent rien de tel. Ce qu'il faut, ce n'est
pas que vous fassiez telle chose pour vous guérir.
Ce qu'il faut c'est qu'un changement radical, universel,
se produise dans votre régime et votre manière de
vivre qu'un divorce des plus déchirants se produise
entre vous et vos chimères, vos voluptés, vos illusions
mensongères; un retour des plus laborieux, difficile
certes, « imp~ssib'e » pas, a la nature, a ses vérités et
à ses réalités: afin qu'à nouveau les fontaines de la vie
coulent en sa sève, viennent, comme d'éternelles fon-
taines de lumière, irradier
et purifier votre existence
bouffie, gonflée, trouble, qui marche quant à présent à
une mort sans nom Ou la mort ou cet ensemble de
changements se produira. Jugez si, avec ce diagnostic
il y a chance de découvrir quelque pilule Morrison 1
Mais la fontaine de vie venant à nouveau couler en
vous, quelles innombrables « choses », quelles collec-
tions, quelles classes, quels continents de « choses"
vont dès lors d'année en année, de décade en décade,
de siècle en siècle, devenir faisables et seront faits 1
Emigration, éducation, abrogation de la loi sur le blé,
régime sanitaire, impôt sur la propriété foncière il ne
s'agira pas seulement de cela, ni de mille fois autant de
a chosM~u.Justccieï~îy~ra alors une !um~~ au ion(T
du cœur de quetques hommes dispersés §& et !&, ~ui
'(, l'
HMtMSMMHUSCS
1 ",q.OHO SS -<0
>3'
leur fera distinguer ce qui
est juste, ce qui est com-
mandé par le Dieu Tout-Puissant, ce qui doit être ac-
compli, queUe qu'en soit l'apparente impossibilité. Le
vain jargon en faveur de ce qui est palpablement in-
juste devra. alors, se restreindre en d'étroites limites.
Du moment que, çà et là, un homme saura apercevoir
l'essentielle Vérité divine des choses sur quoi l'on jar-
~onnera, le vain jargon aux hustings, aux Parlements
ou partout ailleurs, sera trouvé bien vrai-
mensonger,
ment. Le silence, ça et là, d'un de ces hommes, queUe
réponse éloquente à pareil jargon: Pareil jargon, eurayé
par son propre écho, si frêle, s'éteindra sans trouver
une parole'; et même pour quelque il pourra
temps,
presque disparaître en un sens, les sages y répon-
dant par le silence et les simples prenant exemple sur
<'ux pour le huer partout où il se fera entendre. Ce sera
.uors un temps béni bien des « choses » seront alors
faisables – et si les cer velles
y succombent ce sera la
mort d'une absurdité Ce ne sera plus alors avec la
même facilité qu'une Loi sur le Blé en sera réduite &
iutter dix ans pour se faire
accepter; à plaider sa cause,
lutter encore aujourd'hui, les personnes impartiales
étant forcées de dire avec un
soupir que, depuis tout ce
temps, elles n'ont entendu fournir à l'appui de cette
Loi que des «
arguments M capables de faire pleurer
les anges, et
presque jusqu'aux ânes eux-mêmes 1
Ce sera un temps béni alors le jargon
pleinement
pourra se taire, et ça et la une
parole vraie se faire en-
tendre. Alors, aux cœurs nobles et sincères, les seuls
pour lesqucls il en aille ainsi, toutes choses nobles
commenceront a devenir visibles et la dinérence ent~
jM~te et !'mjustc, Ic~raretts faux, ~travaiî eUcsi-
mH!acrcdu travail, la parole <'t à nouveau
jargon,
.1
40 t.EPASS~NTJUSPMSSBNT

sera ce qu'eue était pour nos pères, plus heureux que


nous, une différence infinie, – comme celle d'une chose
céleste à une chose infernale celle-ci étant chose que
vous ne devriez faire, que vous seriez sages de
pas
ne pas tenter de faire, de sorte .qu'il serait préférabte
que vous eussiez la corde au cou, que vous fussiez
jetés à la mer plutôt que de vous en me!er.
Mes frères, ce ne sera pas une pilule Morrison ou
une mesure réparatrice qui nous mènera tout cela à
bonne fin.
Et cependant, c'est exact au pied de la lettre tant
que, sous une forme où l'autre, tout cela n'aura pas été
mené à bonne fin, nous demeurerons incurables; tant
que cela ne commencera pas à être mené bonne fin,
notre cure ne commencera pas. Car c'est la Nature et le
Fait, non la marchandise ficelée de rouge et l'appa-
rence qui constituent jusqu'ici les assises de la vie hu-
maine c'est sur eux, sur n'importe laquelle de leurs
couches que l'homme, sa vie et tous ses intérêts vien-
nent, tôt ou tard, s'appuyer ils sont soutenus ou
engloutis suivant l'accord qu'il y a entre eux et ces sup-
ports. La question posée aux hommes n'est pas « quel 1
accord y a-t-il entre vous et Downing-Street', l'appa--
rence accréditée ? mais bien « quel accord y a-t-il en-
tre vous et l'univers de Dieu, l'actuelle réalité des cho-
ses ? Cet univers a ses lois. Si nous marchons con-
formément à la ici,
le législateur nous sera favorable;
sinon, non. Hélas, il n'est pas de bill de réforme, d'urne
de scrutin, de sharte en cinq points, pas d'urne, de
bill ou de charte d'aucune sorte, qui puissent vous per-
mettre dé résoudre ce problème d'atchimie: « Etant
donné un monde de friponH~tircr!a !oyaut<~ de isurac-
!.Do~n!ng-Streetest)a ruedo t<on<!)'Mo& <c<ronvcnt!:tp!upMt<!MmMa<tt'c<.
HUM.ES MOMMSON ~J~

tioncoUective! » C'est une distillation une fois pour


toutes impossible. Passex-Ia d'a!ambic en alambic, elle
donnera toujours en fin de compte la déloyauté, vêtue
d'une robe nouvelle, colorée d'une teinte différente.
Tant que nous continuerons d'être des valets, comment
un héros pourra-t-il venir nous gouverner? Nous serons
infailliblement gouvernés parle simulacre du héros qui
a pour nom charlatan, dont Fœuvre et le gouverne-
ment assurentle règne du plausible, celui aussi du
mensonge et de la fatuité à qui la Nature dit et doit
forcément dire quand il s'approche d'elle pour lui par-
ler Non, éternellement non Les nations cessent de
trouver un accueil favorable près du Légis!ateur dès
qu'elles ne marchent pas conformément a la Loi. La
question du sphinx, non résolue, se pose toujours à
cHes, et leur devient de plus en plus insoluble.
Si donc vous demandez encore, dans l'hypothèse de
quelque pilule Morrison: « Que faut-il faire ? M Permet-
tez-moi de vous répondre: à
par vous-même, quant
présent, presque rien. Pour vous, tel que vous voilà,
la première chose à faire si c'est possible, c'est de ces-
ser d'être un réceptacle au son creux d'ouï-dires,
d'ègoïsmes, de dilettantisme a courte vue pour deve-
nir, fût-ce sur une infiniment petite échelle, une âme
sachant fidèlement discerner. Il vous faut à tout prix
descendre au plus profond de vous-même et voir s'il y
a là la moindre trace d'une âme; en attendant, il n'y
a rien il faire 0 mes frères, ce qu'il faut, si c'est pos-
sib!c, c'est que nous ressuscitions en nous quelque amc
et conscience,
que nous échangions notre dilettantisme
contre la sincérité,
"oscœursdc pierre, inanimés, con~
tfu des cœurs de
chair, vivants. C'est alors que nous
pourrons discerner, non pas une chose, mais, dans un.
t,E PASSE ET M MISENT

ordre plus ou moins confus, toute une multitude


sans fin de choses qui se pourront faire. Faites la pre-
mière chose que je vous indique faites-la la seconde
vous paraîtra déjà plus nette, plus faisable la seconde,
la troisième et la trois-millième auront dès lors com-
mencé d'être possibles pour nous. Ce ne sera pas, alors,
quelque pilule Morrison, d'une efficacité universeiie
que nous demanderons, soit pour en être les consom-
mateurs soit les vendeurs mais une sorte bien diffé-
rente de remèdes: les charlatans ne nous gouverne-
ront plus, mais les vrais héros tes vrais sauveurs
N'est-ce pas là une chose digne d'être « faite ): nous
délivrer des charlatans, des simulacres-de-héros, en
délivrer de plus en
plus l'univers? Ils sont son seul
fléau. Purgez-en l'univers, il cessera d'être un univers-
diabolique, misérable, maudit jusqu'en la moindre fibre
de sa trame il commencera d'être un univers-divin,
séjour de la félicité et marchant à toute heure vers la
félicité. Vous, pour votre part, vous ne voterez plus pour
aucun charlatan, vous n'irez plus rendre honneur u
quelque néant couturé d'or et abrité sous une forme
humaine, votre oreille saura reconnaître le son du jar-
gon vous fuirez ce jargon avec un frissonnement
non encore éprouvé, comme si vous\ entendiez réciter
les litanies d'un sabbat de sorciers, l'office moderne du
diable, plus horrible que tous les blasphèmes, profa-
nations ou pures vilenies qui se soient jamais entendus
parmi les hommes. Ce jargon, c'est inquiétant & cons
tater, il est actuellement à son état de complet achè-
vement 1 D'ailleurs, charlatan et dupe, ayons toujours
cela présent & J'esprit, ne sont que l'endroit et l'envers
– d'une sente et même substance ~;c sont personnages
convertissables, l'un en l'autre. Placez votre dupf au.
TÏMŒ~ MOBNtao:r ––– .–
sein de i'éiément propre à son développement, il de-
viendra lui-même un charlatan il y a en lui cette dé-
mangeaison de déloyauté, cette soif déclarée de gain,
cet esprit fermé à la vérité, éléments requis, dont les
charlatans de toute sorte, eux aussi, sont com-
posés.
Hélas, ce n'est pas au héros, c'est au simulacre de
héros que le droit et !a nécessité livrent ce monde de
valets. « Que faut-il faire? M Le lecteur voit s'i! y a
(luelque apparence que la chose à faire soit de cher-
cher et d'avaler quelque « mesure 1
réparatrice
CHAPITRE V

ARISTOCRATIE DE TALENT

Quand un individu est malheureux, que convient-il


qu'il fasse en premier lieu ? qu'il se plaigne de tel ou
tel homme, de telle ou teUe chose ? qu'il remplisse le
monde et la rue de lamentations, de reproches san-
glants ? Aucunement il en doitaller tout au contraire.
Tous les moralistes lui conseilleront de ne se plaindre
ni de telle personne ni de teUe chose, mais de lui-même
uniquement. H faudra qu'il se pénètre d'une vérité: c'est
qu'étant malheureux il a manqué de sagesse, lui. S'il
avait fidèlement suivi la nature et ses lots, la nature,
toujours 8dè!e a ses lois, lui aurait accordé des fruits,
la prospérité et la félicité mais il a suivi d'autres lois
que celles de la nature et à cette heure la nature, dont
la patience à son égard est à bout, le laisse désolé
elle lui répond par ces paroles au sens très énergique
Non. Pas par cette voie mon S!s c'est par une autre
voie que tu atteindras au bien-être celle-ci, tu le
Il constates, est la voie qui mène au mal-être quitte-
? ta C'est là ce que conseilleront tous les moralis-
tes que l'homme, humblement, se dtse~en premner
iieurM~Ainsîje~'ài pas assez sage; j'ai laissé de côté
a les lois du Fait en même
qui s'appellent temps les lois
AMStOCRMtEBETAMKT 4S

H de Dieu et j'ai pris pour elles tes lois du simulacre et


M de l'apparence qui s'appellent les lois du démon
c'est pourquoi j'ensuis ta »
Pour les nations qui tombent dans le malheur il n'en
va pas, au fond, din'éremment. Ceux qui, aux temps
anciens, servaient de guides aux nations, les prophètes,
prêtres ou de quelque nom qu'on les désignât, !e savaient
fort bien, et jusqu'à une époque très avancée, ils l'en-
seignèrent et t'inculquèrent. En ces temps modernes,
les guides des nations qui portent aussi une grande
variété de noms, journalistes, économistes, politiciens,
pamphlétaires, ont entièrement oublié cela et sont prêts
a!enier. Mais cela reste néanmoins éternellement hors
de doute on ne saurait non plus le contester, il faudra
bien qu'à tous ce nous soit enseigné, que nous soyons
tous amenés de nouveau à le confesser nous serons
tous dépouiiïés et nageiiés jusque ce que nous l'ayions
appris et, finalement, ou bien nous en viendrons à le
savoir, ou bien nous serons, par,la suite, dépouillés jus-
qu'à ce que mort s'ensuive. Car c'est hors de doute 1
Quand une nation était malheureuse, il avait raison et
non pas tort, le prophète antique qui lui disait « Tu
as oublié Dieu, tu as laissée les voies de Dieu, sans
quoi tu .n'eusses point été malheureuse. Ce n'est pas
conformément aux lois du Fait que tu as vécu et
t'es guidée, mais conformément aux lois de i'iitu-
sion, de l'imposture, dans un ~ar~Me~ volontaire
et involontaire du Fait voici que le mensonge a fait
son temps, la de la nature à ton
longanimité égard
est épuisée et te voici I& 1»
n_
Certes~ it n'y a !& rien de si inconcevable même aux~
yeux d'un journaliste, d'un économiste, d'un pamphlé-
taire moderne ou de tout autre animât bipède et
..A& M M~3Ê Ef~ Pt~SENT

dépourvu de plumes si un pays se trouve dans le mal-


heur, il est assez clair que ce pays a été dirigé à /<!«.?
il en est allé pour les vingt-sept millions de malheureux
tombés dans !e malheur comme
pour l'individu isolé
tombé dans le malheur eux, comme lui, ont laissé de
côté la route prescrite par la nature et tes puissances su-
prêmes, et sont tombés, par suite, dans la pauvreté, la
misère, l'infortune s'ils s'arrêtent et considèrent leur
condition, ils ne pourront que se lamenter et dire
« Hélas, nous n'avons pas été assez sages nous avons
pris la passagère et superficielle Apparence pour la
Substance éternelle et essentielle nous. nous sommes
écartés bien loin des Lois de cet univers et voici main-
tenant qu'un chaos étranger à toute loi, une Chimère
vide, sont prêts a. nous dévorer »
« La nature aux siècles passés, remarque Sauerteig',
était universellement tenue pour morte une vieille
pendule pouvant marcher huit jours, fabriquée il y a
des milliers d'années, continuant de faire tic-tac mais
chose morte comme le cuivre, que le créateur, assis à
distance, regarderait encore d'une façon singulière
et vraiment
incroyable. Cependant aujourd'hui, je
suis heureux de le constater, elle montre partout qu'elle
n'est pas le moins du monde une chose morte comme
le cuivre, mais qu'elle est au contraire, vivante, miracu-
°
leuse, céteste-infernate et cela avec une énergie qui
finira par persuader peu a peu l'esprit le plus récalci-
trant de cette planète 1»
Il estnettcmcnt indiscutable aujourd'hui, pour tous
les mortels, que la direction de ce pays n'a pas été suf-

i. nLovatn atsM petsoaMge allemand tmag)M!fe par la bouche duquet


Carlyle aime & parte)'.
Z. Cf. tes Héros. «n univers <HtMf!-ff)/h-m!<.
AMSTMRA'nE DE TAMNT

nsammentsage des hommes trop stupides ont été


à le mener et à te gouverner et l'ont mené
appelés
où il en est il nous en faut trouver de plus sages, ou
sans cela nous périssons Jusque-là s'étend aujour-
d'hui la science que toute l'Angleterre a acquise
mais elle n'est pas encore a!!ée plus loin. L'Angle-
to're entière se tord les mains se demandant, jus-
qu'au désespoir quoi faire de p!us ? Le bill de
Bétonne se révèle être un insuccès le radicalisme à la
Bcntham, évangile de l'égoïsme éclairé, se meurt ou
dégénère en une charte en cinq points au milieu des
tannes et des huées humaines quoi de nouveau pou-
vons-nous espérer ou égayer ? Charte en cinq points,
i
liberté du commerce, extension de l'église, mobiUté de
!'cche!!<. des douanes que pouvons-nous essayer de
nouveau, uu nom du ciel, afin de ne pas sombrer dans
!c vide de la Chimère et n'e!,re pas dévorés par le Chaos? '1
Le cas est urgent ~t l'un des plus compliqués du monde.
Jamais message d'en haut ne fut adressé a des gens a
la tête plus dure; jamais message d'en haut n'eut à tra-
verser des membranes plus épaisses pour tomber dans
des oreilles plus sourdes. C'est le Fait qui, du centre de
1 univers, éiève~ nouveau sa miraculeuse voix de ton-
'ten'c le sens de ses paroles demeure fermé aux sourds,
aux stupides qui sont en il est distinct, irré-
majorité;
cusaMe, terrible et cependant réconfortant pour les
g rares qui le savent entendre Voyez, vous êtes condam-
nés devenir sinon vous êtes condamnés à
plus sages,
g mourir, plus fidèles su Faitdela nature,sinon la Chimère
vide vous engloutira; dans des
tourbu!on~defeuvou8_
a~tes condamna & disparaitrë, vous et vos mammonis-
E mes, dilettantismes, vos philosophies aux oreilles de
vos at'ig;ccratie8
S ~s. a doubles armoiries Têt est !n
48 LE PASSÉET Ï.E PRÉSENT

message d'en haut, tel qu'il s'adresse à nous, encore


une fois de nos jours.
Il faut qu'une plus grande sagesse nous gouverne,
il faut que nous soyons gouvernés de plus sagés, it
par
nous faut une aristocratie de talent s'écrient beau-
coup d'entre nous. C'est vrai, on ne plus vrai
peut
mais comment se la procurer ? Le passage suivant, dû
à notre jeune ami de t'/n~c~eMr Houndsditch, mérite
unetecture attentive: « A notre époque, s'é-
dit-it,–où
lève un cri général, articulé ou inarticulé réclamant
une <' Aristocratie de talent », une classe gouvernante,
en un mot, qui gouverne, et ne se borne pas simplement à
toucher le salaire
du gouvernement sans que toute notre
industrie parvienne à l'empêcher de gouverner de tra-
vers, de promulguer des lois sur les blés et de nous
faire endiabler, il ne saurait être superflude rappeler
à quelques-uns de nos blancs-becs la difficulté terrible
que présente la constitution d'une pareille aristocra-
tie Espérez-vous, mes amis que votre indispensable
aristocratie de talent se puisse tirer sur le champ
par le premier mode venu de recrutement, du sein
de la population générale? Qu'elle puisse être dis-
posée suivant un ordre tout militaire et mise a
même de nous ? Qu'on
gouverner la puisse obtenir,
comme !e blé séparément de la paille en passant
au tamis nos vingt-sept millions de sujets anglais ?2
Qu'aucune urne de scrutin, bill de réforme ou autre
machine politique activée par la force de l'opinion
1
publique dans toute son intensité, puisse vraisemHa-
blement accomplir ledit mode
passage deau tamis ?
Ptût au cietTque nous eussions un tanns que
nous puissions aller jusqu'à concevoir une sorte quel-
conque de tamis, de vanne ou de machine nec plus
ARISTOCRATIE DE TALENT

t't- ~t ~t* <


H~ra humainement imaginable qui pût réaliser cela
Réanséo, il est clair malgré tout qu'il faut que la
chose le soit il le faut et elle le sera. Nous courons

rapidement sur la route qui conduit à la destruction

chaque heure nous en rapproche jusqu'à ce qu'elle soit,


en quelque mesure, consommée. La consommation
finale n'est pas douteuse ce n'est que la méthode et les
frais qui le peuvent être Tenez, je vais vous mentionner
toutde suite un procédé infaillible de passage au tamis,
grâce auquel tout individu capable sera, par le tamis,
séparé d'avec les autres, et nous gouvernera, en même
temps qu'a un degré approximatif cette même bien-
faisante aristocratie de talent nous sera véritablement
accordée peu à peu un procédé infaillible de passage
au tamis, pour lequel cependant nul ne peut aider son
voisin mais pour lequel chacun doit en invoquant dévo-
tement le ciel, s'efforcer de s'aider soi-même,. H s'agit, ô
mes amis, que nous tous, que beaucoup d'entre nous ac-
quérions de savoir voir le vrai talent, science qui fait
terriblement défaut à présent Voir le vrai talent en
présuppose le vrai respect. 0 ciel, cela suppose tant
de choses!
Vous, par exemple, Bobus Higgins, fabricant de sau-
cisses sur une vaste échelle, vous qui élevez si haut la
voix pour réclamer cette aristocratie de talent, qu'est-ce
donc qui se passe dans cette âme qui est la
grande
vôtre, à quoi donc rendez vous hommage avant tout 2?
Est-ce au talent, à la mâle et de
intrinsèque valeur,
quelque sorte qu'elle soit, infortuné Bobus? L'homme
!eptus~tensIyementhomtne_ei~quevoH8~vezvuv6tu-
d'un habit en lambeaux, lui avez-vous jamais rendu
hommage avez-vous été seutcment savoir que
jusqu'à
ce fût même un homme
intensivement homme, tant
4
SO !.E PASSE ET LE P~ËSENT
_a'"
qu'il n'a pas eu un habit en meilleur état? Le talent
J'accorde que vous êtes capable d'adorer la renommée
du talent, la puissance, la fortune, la célébrité ou autre
forme de succès du talent mais le talent lui-même est
une chose que vous n'avez
jamais vue avec des yeux.
Bien plus, qu'est-ce donc en vous-même de quoi vous
êtes le plus fier, que vous prenez le plus de plaisir &
constater pensivement dans vos moments de songerie?
Parlez maintenant, est-ce le pur Bobus, qu'on aurait
dépouillé de tout jusqu'à son nom et sa chemise et
qu'on aurait lâché ainsi au milieu de la société, que
vous admirez et qui fait l'objet des grâces que vous
rendez au ciel ? Ou est-ce Bobus avec ses comptes de
caisse, ses offices où goutte à goutte s'élabore sa graisse
avec ses respectabilités, ses chaudes fourrures, son
panier attelé d'un poney, toutes choses qui le rendent
admirable, en une certaine mesure, & quelques-uns
parmi l'espèce valetaille Votre propre degré de valeur
et de talent est-il d'un prix illimité pour vous ou seu-
lement d'un prix limité, mesurable à la plus ou moins
grande circulation monétaire, à ce que vous en avez
retiré en louanges ou en boudins? Bobus, vous êtes
dans un cercle vicieux, plus rond que celui de vos pro-

pres saucisses et jamais vous ne voterez pour le talent


ni n'en favoriserez aucune forme, si ce n'est ce même
talent ou simulacre de talent qui s'est déjà acquis les
votes ? Nous pouvons couper court et fermer ici l'J~ef!-
c~eMr tous les lecteurs comprennent où il en veut
maintenant venir.
P~"s <!e sagesse ,j;'est ~uenj~rajL; ma:s Ojù trouver z
plus de sage~e ? Nous avons déj& une façon d'Assem-
blée de sagesse, bien que la « classe législative » ainsi
qu'une ou deux autres choses en altèrent quelque
AMSfOCRATtE DE TALENT 51

En somme comme on dit tel peuple


ucu la nature
tel prêtre de même nous pouvons dire tel peu-
arrive à être désigné et élu
pic, te! roi. L'homme
fait pour être désigné et é!u. Qui
nui est le mieux
dans les plus incorruptibles Bo&tM pourraient-ils
élire, sinon quelque super J?o&MS s'i!s en peuvent
trouver ?

Ou bien encore, peut-être n'y a-t-it pas dans toute la


nation assez de sagesse, n'importe de quelle façon on
assemMe pour produire une sufnsante assemblée t
C'est là aussi un cas qui peut se présenter un homme
ruiné tombe dans la ruine parce qu'il n'y eut pas en lui
assez de sagesse; il en peut aller tout de même, c'est
clair aussi, pour vingt-sept millions d'hommes assem-
blés Mais, à vrai dire, une des suites les plus infail-
libles de la non-sagesse chez une nation c'est qu'elle
ne peut pas tirer profit de ce qu'elle renferme actuelle-
ment de sagesse qu'elle n'est pas gouvernée par !es
gens sages d'entre les siens, qui seuls ont un droit
divin pour gouverner dans toutes les nations, mais
<}u'e!!e l'est, au contraire, par les plus sages en appa-
rence et même par des hommes notoirement peu
sages, si sous d'autres rapports ce sont les plus habites
C'est là le plus infaillible résultat de la non-sagesse
c'en est aussi ie plus funeste, le plus incommensurable
résultat. – non pas tant ce que nous pourrions
appeler
un /<'«<! empoisonné,
qu'une universelle maladie mor-
telle, un poison pour l'arbre tout entier. Car c'est cela
qui nourrit, leur permettant d'atteindre unj!6ve!oppe-
ment énorme, fruits
toutes ëspccës ~non-sagesses,
empoisonnés jusqu'à ce que, comme on dit, l'arbre
L Bohut-BoMMimm.

S'.8httn.\ViM!6t.
{;g t.E MSSÉ ET !.S PRESENT

de vie soit devenu partout t'arbre funéraire, la mortotte


non-sagesse, couvrant toutes choses de son ombre et
par là se trouve accompli tout ce que peut t'habiteté
humaine pour étouffer partout toute trace de sagesse u0
dès sa naissance, pour frapper do stérilité notre pauvre
monde sous !e rapport de la sagesse et faire do votre
assemblée 0"
suprême sagesse (fut-oUo assemblée et élue
par Rhadamanthe, Eaque et Minos, sans parler des
ivres Attoueurs de Franchises de dix livres avec leurs
urnes do scrutin), une insufnsante sagesse i La sagesse “
n'existe pas actuellement ici-bas comment vouiez-vous
t'c assembler Autant vaut laverla boue do la Tamise,

par des méthodes perfectionnées, afin d'y trouver plus


d'or.
A la vérité, la première condition est indispensable i.
f<
savoir que la sagesse soit présente mais la seconde lui
est semblable, ne fait pour ainsi dire qu'un avec elle; ces
deux conditions agissent et réagissent l'une sur l'autre L
par chacune do leurs fibres et marchent do front, insé- .j:
parables. Si vous avez beaucoup de sagesse
votre dans s
nation, vous la recueillerez fidèlement assemblée cxr
les sages aiment la sagesse et la recherchent comme la
vie et le salut. Si vousavez
peu de sagesse, vous recueil-
terex même ce peu de sagesse mai-assemMée, piétinée,
ramenée aussi près que possible de l'anéantissement, f
car les sots n'aiment pa~ la sagesse ils sont sots,
en
premier lieu, parce qu'ils n'ont pas aimé la sagesse,
mais ont aimé leurs propres appétits, ambitions, tours
calèches armoriées, leurs lourds pots d'eau bourbeuse.
Ainsi votre flambeau brute par tes deux bouts et a
~tna!'che_est rapide vers ta consomption. Ainsi~jB trouve_~
accomplie cette parole de t'Ëvangitc « A celui qui a,
il sera donné et à celui qui n'a pas, il sera retiré
AMMOCM'HB BRt~.ENT

n~nTS ce a. x Tc~s titt~t'atctnont, nvo<' une


<pt'i! porMt'
fatn!e, cotto se trouve ici
parok accomplie.
Notre Ar!stcct'at!p de talent M ~tt'c cnoott'
sotnbtc
;') unctUstanco cons!d<~rahte de n'~t-n
nous; pas v<'a!,
0 Hob)ts?
CMAPHRE VI

LE CULTE DES IIERns

Pour le posent Autour, non moins que pour Bobus,


un gouvernement des plus sages, ce que Bobus appeHf
une aristocratie de
talent, semble
l'unique moyen df
salut: niais il n'est pas si confiant que Bobus quant aux
moyens do le rcatiser. II pense une nous en avons manqua
la reatisation. et qu'en même temps nous sommes venus
a en éprouver un si pressant besoin parce que nous nous
sommes éteignes considérablement des !ois internes.
éternelles, et nous nous sommes contentes d'extérieures
et passagères apparences de !ois. t pense que F <'egoïsmc
éclaire », plus lumineux aujourd'hui que jamais, n'est
pas la régie qui peut servir f< diriger !a vie humaine.
Que le « I~aissex-iairc t' '< Onre et. ta demande
le « Paiement en espèces comme iicn unique entre
un homme et ses semblables, et le reste, tout cela n'a
pas été, n'est pas et ne sera jamais une loi d'union ad-
missible pour une Société d'humains. Que pauvres et
riches, gouvernants et
gouvernés ne sauraient vivre
longtemps ensemble sous une telle loi d'union. Heias.
il pense que l'homme a une âme au-dedans de lui, c~
"TëM~ de !'e~OtUMc,dM)n~ tous !e~ sens du~
si ladite âme vient & être asphyxiée et gît tt'anqui!h'-
~RCM.TE M!S t~tus

ment <'ub!iee. rhomme et ses affaires sont dans une


mauvai'.e passe. U pense quo ladite âme devra être res-
sosrih~e après son asphyxie que si e!!e se montre im-
a ressusciter, l'homme n'en a
tH)iss)))tte pas pour tong-
vivre. En un mot, mammonismo aux
tonj's que

ttX'iHt's de M«!as, ditettantiamo a dou!dos annoh'ios, et


h'm'tnithct* d'adjoints et de coronaires, ne sont pas !a loi
'p)t' t~Tt't's-j!auta nxec pour régir l'univers, Une fois
}'uur toutes, ce n'est pas là la loi et, on outre, il fau-
dra bien nue nous revenions à ce qui est la loi, – non
pas, il est prohah!c, par des sentiers
unis, fleuris, on'
h'nnant des Il vivats formidables
mais par des che- '<
mins escarpes, où t'en n'a pas encore passe, affrontant
!t's ahtmcs creuses par l'orago, les océans immenses et
h's tourhinons de vent; bienheureux encore s'i! n'y a
pas 11auronter !e Chaos même. t'ahïme suprême
La t~chc de ressusciter une âme tombée en asphyxie
n'est point nue besogne d'un instant, ni qui soit plai-
saate. mais bien une tourne, une terrihte besogne.
Le présent auteur, par !e cuttedes Héros comme il !'a
:<ppeto aittcurs entend tout autre chose et plus qu'un
t'artemeut ém, une aristocratie établie, des
composée
plus Sages dans
langue, sa
ce que son expression
si~niuc.c'estta quintessence derniërc, totale, ta suprême
;)erfcction pratique de toutes les formes du « culte » et
des cu!tc8ou nobteases vrais, quets qu'ils soient. Ce Par~
iemcntbeniet, si elle en venaititla cettearisto-
perfection,
'-ratie bénie des plus
Sages, honorés do Dieu et honorés
des hommes, il les envisage, se perfectionnant de plus
en plus, comme le sommet culminant et béni de tout
un
univers guM du .cu!te ,dti ~mutacr~; ~mtic- air
ctute deta vérité, & !a félicité 1Il pense, !e présent au-
teur, que le culte des Héros din'cromment à
accompli
? ..UH'ASSËS')'M!ï'B<:8KtM

chaque âge diuerent du monde, est l'âme do toute be-


sogne sociale pour les humains, que s'en acquitter bien
ou s'en acquitter mal donne l'exacte mesure de l'état
bon ou mauvais ou se trouvent tes affaires humaines.
t! pense que nous, en fin do compte, nous nous acquit-
tons de notre culte des Héros plus mal que jamais na-
tion en aucun temps ne !o fit jusqu'ici que le fait d'un
Burns employé do l'accise, celui d'un Byron, Lion lit-
téraire, sont, au point de vue intrinsèque, tout bien con-
sidéré, phénomènes plus vils et plus faux que ceux
d'un Odin fait Dieu ou d'un Mahomet, de
prophète
Dieu. L'opinion claire du
présent auteur, c'est donc
qu'il nous faut
apprendre a nous acquitter mieux de
notre culte des Héros que s'en acquitter de mieux en
mieux, cela signifie pour i'ame nationale la résurrec-
tion âpres l'asphyxie, le retour en elle de la vie bénie,
de la vie bénie du ciel, non de la maudite et galvanique
vie de Mammon. Ressusciter l'asphyxié qui, a l'heure
actuelle, semble un moribond près de !a suprême ago-
niesi on ne le ressuscite -cela et rien autre nous paraît
être le but suprême. Pratiquons le « culte des Héros Il
si vous voulez, – oui, mes amis mais avant tout, en
étant nous-mêmes d'héroïque trempe Un monde tout
de Héros un monde qui ne soit pas fait de valets, sur
`
qui un roi-Héros ne sawa~ régner c'est à cela que nous
visons Nous-mêmes, pour notre part, rejetterons bien
loin de nous toute espèce devaietismc', de bassesse,
w
de fausseté, alors nous pourrons espérer voir la no-
blesse et !a vérité régner parmi nous, mais jamais avant
cela. Laissez les Bobus et compagnie ricaner « C'est s
!& votre~Réformej~H Ou~~obus,je'est!& notre Réforme;_J.
et si eUe ne consiste pas en cela et en ce qui s'ensui- t
i. Hanttyhm.
CM.TE DM <(6tttM

vra, nous n'avons d'espoir aucun. La Reforme, comme


tn Charité, ô Bobus, doivent commencer à domicile.
Une fois qu'elles règneront à domicilo, comme elles
sans que rien les puisse entraver, sur
)'.)y"nneront
tout <'c que nous toucherons ou manierons, sur toutes
nos parotes ou nos actions, elles répandront une lu-
n<i~re toujours nouvelle, par une incalculable transmis-
sion s'étendant d'après une progression
géométrique,
au loin et au large, – ne faisant jaillir que le bien, où
qn'eHcs s'étendent, et jamais le mal.
Avec tes bills de réforme. bills contre la toi sur les
btcs et millo autres bills et méthodes, nou~ exigerons
dt< nos gouvernants, avec solennité et pour la première
fois effectivement, qu'i!s cessent d'être des char!atans
<'t!qu'i!s s'en aillent; qu'ils n'usent plus de char!ata-
nisme et de stupidités nous gouverner,
pour qu'ils
hissent !a le jargon dont ils usent soit en
paroles soit
<'n i. notre
actions, endroit, ce ne sora que mieux
s'ils font rien. Car nous reconnaîtrons désormais
!es <'hnr!atans en les voyant; le jargon, quand nous
l'entendrons, nous aembtera horrible Noua dirons
cotnnM ce pauvre Français h lit barre de la Convention,
quoique sur un ton plus sage que le sien et « pondant
)a durée non plus d' « une heure » mais le reste de
notre vie entière: « Je demande l'arrestation des coquins
ctdca!aches!')).
Arrestation des coquins et des !&ches Ah, nous
savons quelle besogne c'est
g là; combien de temps il
¡ faudra avant qu'ils soient
tous, ou presque tous, « ar-
M. – Mais en voilà
rhes un arrêtez-le au nom du ciel;
~"Jou~sun
de moins NatM~omme~fés~Ms~pa~
tous les
moyens possibles, en parlant et nous taisant,
z t. En ffm~h dans ïe texte.
v M MSS&M M PHËSENt
en agissant et refusant d'agir, « exiger énorgiquement
cette arrestation-ta. – Jo demande cotte arrcstation-
ta Et pou a pou, n~u~ t'obtiendrons infainibtoment.
JnfaiHibtement: car la huniere se propage; toutes !cs
âmes humaines, si ptongoes soient-oUes dans t'obscu-~
rite. aiment.
la huniero ja huniere une fois auuméo se j
t'e <jtto tout soit honincux, –
propagejusqu'O jusque
ce fpto le cri Il <4~M vos conuins et vos !aches ') 1
1
s'Hve, impérieux, do millions de ca'ut s, règne partout,
rattachant une mer a lautro. Certes, combien n'en pour- t
rions-'nous pas <' arrôtor » de nos propres mains, mOnR
f
il cette heure nous-mêmes Ne les encourage pas toi
!a-bas détourne-toi de leurs
somptuosités vernies
t!~
!aquo, de !eurs sophistiquories encensées, de leurs ~'a-
t'ieusetesde serpent, do !eur jargon on pnrotes et et)
actes, avec une horreur sacrée, avec un ~wyo 'SM<MHS.
Bobus et compagnie, et. tous les hommes, peu a peu,
se joindront a nous. Nous demandons t'arrestatio))
des coquins et dos taches et nous commençons par notre
pauvre nous-mêmes au nom de cette fraternité, Il n'y 1
a pas d'autre reforme concevable. Toi et moi, mon ami,
nous pouvons au sein du plus vatetdes mondes,faire de
chacun de nous un non-valet, un héros, s'il nous ptait ce
sera toujours deux héros avec quoi commencer Cou-
I.~
rage 1 Cola déjà c'est marcher vers le résultat final d'un
monde tout entier fait de héros, ou vers ee que, tout
au moins, nous pourrons faire par la suite avec nos t1.

pauvres forces, a nous deux.


Oui, mes amis des rois-Héros, et tout un monde qui
ne soit pas inhéroïque– c'est !& le port, ieh&vresau- r
veur vers lequel, par~dcssusJtoutesks~ners~battMcsdM~i.
orages, les Révolution française, Chartisme, tnsurrec- S
J~
i.EnfmnsatsdsMtotMtf.
M-MtTE DES nSROS -~–––

tion de Manchester, qui navrent !ot'mur on ces sombres


jums. !cs puissances souveraines nous conduisant. Hn
(:n (te «anpte, bénies soient les puissances souveraines,
-.i ) ) ut'tit's qu'cUos se montrent Vers ce port nous mar-
t jtoous, mes amis que tons les hommes sincères,
M\co ce (nt'it y u on eux de forces, in-
vninammont,
) t'ssjxmnpnt pardt's efforts muttip!cs y tondent, encore
et t'n) f~ !<, on sinon dans t'oe~an d'ab!m«s. U est
))it'n <'tah- pour moi que nous arriverons 1. t'un d~s
ttt'XX.
t {!<')),<n'<~t pas !a, certes, une réponse 1. la question
'ht Sphinx t'e n'est pas th la réponse
qu'un public dé-
-")< sf tournant vers ~Académie de la sanM, espérait
')<('? Un changement de régime,
complet un change-
ox'nt de notre constitution et de notre existence dans ce
'p)i et) t'ait le tond même; un nouveau corps tr consti-
tm')-, avec une âme ressuscitee. Travai!
qui ne s'encc-

t' pas sans do convutsives doutcurs, car toute nais-


sance et toute re-naissancc
présuppose des dou!enrH
<:<-sont da tristes nonveHes pour un pubnc désolé,
't"a< de discernement,
et qui espérait, s'en tirer par que!-
')ue pihne M orrison, quelque mixture con'osivo de Saint-
-a et peut-être
l'application d'un petit vosicatoire
stn le dos Nous nous attendions abandonner
""tM Loi sur tes b!es, diverses lois et non-tois mais
''<u, qu'est-ce que c'est que cc!a '?1
L<-présent auteur n'a pas oublié, croyez-le bien, ce
')"' en advint de votre Cassandre et de ses sombres
t'r'd.chons lors du siège de Troie. Une perte immi-
nente n'est pas d'ordinaire
conjurée par des paroles
j'aven.asement. ï,a~estincedida~o tient d'autres
'"cUtodes en réserve, sans quoi celle-ci échouerait tou-
Pa''o!es, quoi qnH en soit, doivent être pro-
.6~ p~ Mm fB<!SK!)f z.

noncécs, quand elles sont vraiment écrites au fond du


cœur d'un homme. Les paroles sont dures, sont impor.
tunes; mais combien sont plus durs les événements f
importuns qu'elles font entrevoir Ici et j& que!qu'Amo
humaine a ces paroles –
peut prêter l'oreille qui sait
le nombre de ces âmes – grâce à qui les événements

importuns pourront être, sinon détournés et évités, du


moins rendus moins durs.
:1:
l'
Encebutqu'itpoursuiHeprésentautourestptein d'es.
poir. Car, en dépit des douleurs terriMes, en dépit
des
mers profondes et desgoifes mugissants qui s'étendent
devant nous, n'est-ce donc !a rien, si quelque Etoilecon- .j
ductrice, se laisse de nouveau entrevoir au ciel éternc!?
une lueur brillant sans fin, rayonnant à travers toutes ?S
les tempêtes qui l'ennuagent, tous les flots mugissants,
p!
toujours visible
quand nous
émergeons entre deux
lames ? signal béni, tout là-bas, au bord du lointain
horizon, vers lequel il nous faut nous guider incessam-
ment afin de vivre? N'est-ce donc !h rien? 0 ciel, n'est-
pas là tout C'est cela qui constitue l'héroïque terre
promise sous cette lueur céleste, mes frères, les Iles ~.f7
Fortunées prospèrent -ces lieux, o ces ticux c'est M
que nous irons.
« C'est !a que demeure !c grand Achiite que nous
y'
avons connu C'est i& que demeurent tous les Héros, s
là qu'ils demeureront tous allez, vous tous dont t'ame
est héroïque – Une fois la céleste Étoile conductrice 'ir
devenue nettement votre point de mire, comme chaqM j ~r
homme véritable
va bien remplir son poste véritable sur
l'universel navire; comme toutes choses, avec un espoir
qui ne saurait mourir, ~ojat être abordées, puis conqu'-J
ses Que dis-je ? la proue de l'universel navire une fois s
i. Poemea de Tennyson (UiyMe). S
~'V.. -> "d' "U.<'p. ~=-

).R CM.M M8 M~KOS 01

tttun~t'd:)t)s cette direction.est-ce que,par cela% même,


tout n'est pas dej!) pour !o mieux comme si la chose était
tait~ ? L:' dctressc, douloureuse désolée, est devenue
et

) )-tYm) m)!)te et viri! avec un but devant nos yeux.

L'oppressant cauchemar no nous oppresse p!us car


nnus muts déballons sous son étreinte le Cauchemar

dt''j~' s't'st enfui.


Co'h's, si le présent auteur pouvait enseigner aux
hftxtncs {<reconnaître ta sagesse, l'héroïsme, lorsqu'ils
h's voient, aun qu'ils rendent hommage à cela seul et en
)':)sst'nt loyalement la régie qui les gouverne,– cortes,
il serait t'~pitomc vivant de tous les éditeurs, profes-
soos, prophètes qui enseignent et prophétisent à
l'heure actucUc ce serait un .~o//<M-Afb~son, un
Ttistncgistc et un Cassandre M~/e/ Qu'aucun auteur
intcHi~'nt n'espère de pareilles choses. On pettts'atten-
<hc ce que les lois actuelles sur les droits d'auteur, le
prix dont se paie la page et autres considérations vien-
nent le sauver de ce périt. Qu'aucun éditeur n'espère de
p:))('i!i('s choses: non, vraiment; et cependant que
tous les éditeurs s'efforcent vers de pareilles choses et
n~tnp vers elles uniquement On ne voit pas !e sens
qu'il peut y avoir à éditer et à écrire, si ce n'est pas
précisément celui-).
H sufnt au présent auteur d'avoir cru possible que
dans la confuse masse de
paperasses qu'il a là devant
h)i~ une lueur puisse se faire jour jusqu'à
quelqu'âme
virile qui se trouverait ici ou là; c'est pourquoi il se dé-
cide h les éditer. Puisant a la fois dans les vieux livres,
dans les nouveaux écrits et dans une~Ionguejmédttatton
ne remonte
toi pas à tuer, H va essayer de choisir une
chose ou deux et, à l'aide du passé, par un chemin dé-
tourne, il va i!tustrer le présent et le futur. Le passé
M m t'ASSË RT !<? N~SE~'f

est un fait, sombre, indubitable: le futur lui aussi en


est un autre, seulement plus sombre encore; c'est mémo
a proprement parler le mêmo fait ayant pris un déve-
toppemcnt, un vêtement nouveau. Car le prosont ptongc
a la fois dans tout le passé et dans tout le futur; – tel
l'arbre de vie Igdrasit, étendant au loin ses ramures,
aux mille tons divers et dont les racines sont profon-
dément enfoncées dans l'empire de la Mort, parmi la

plus vieille poussière qui reste des morts, tandis que


ses branches atteignent jusque par delà les étoiles ce-

pendant qu'en tous temps et en tous lieux il demeure le


seul et même arbre de vie

Octobre.
LIVRE Il

LE MOINE D'AUTREFOIS

CHAPtiRE PREMIER

JOCELIN DE BRAKELONDE

Nous voulons dans cette deuxième


tâcher, partie do
nnh'c ouvrage, de pénétrer un pou u l'aide de certains
'iot'nmcnts confus, imprimés et autres, dans un siècle
'ptchjuc peu éloigné, de le regarder face à face, dans
l'espoir, par ce moyen, de répandre peut-être la lu-
mit'rc sur notre propre siècle. H scmble
que ce soit un
chemin détourné, mais cela être un
pourra chemin,
néanmoins. Car l'homme a toujours été une créature
s'efforçant, luttant et en dépit de calomnies très ré-
pandues qui tendraient à afurmer le contraire, une
créature véridique les siècles, eux aussi, sont tous des
enfants issus en ligne directe l'un de l'autre, et souvent,
dans le portrait dés lointains tel ou
ancêtres, apparaît
tel trait du dernier
énigmatique descendant par quoi
les uns les autres s'éctairent d'un jour mutuel. Le pré-
seHtautcurvatën~quélquë~chosëaesemMaN
D'autre part, dans les livres, et, a vrai dire,
partout
a'eurs dans le monde d'aujourd'hui, une certaine lati-
ut !.R PASSE M t.E K~St~T

tude do mouvement devient


do plus en plus séante &
l'homme pratique. Le salut no se trouve pas, do nos
jours, à rester étroitomont garotté combien it cn va
diu'ércmment en n'importe quel ordre de choses Les
lecteurs et les hommesprennent, on gênera!, d'étranges
habitudes, interrogeant toutes personnes et toutes cho-
ses depuis les livres des pauvres auteurs jusqu'aux
évoques des églises et aux potentats des gouvernements
– ils demandent, non pas, par quelle désignation es-
tu appelé? avec quelle perruque et quel tricorne
circules-tu ? Ciel, je connais bien assez ta désignation
et ton tricorne noir! Mais les hommes demandent: au
nom de Dieu qu'est-ce que tu es? Tu n'es pas un néant.
dis-tu alors en quelle mesure es-tu et qu'es-tu ? C'est
!a ce que je voudrais savoir et même ce qu'il /<!M~ que
je sache bientôt; telle est l'extrémité oit j'en suis venu!
1
Quels symptômes du temps et pas seulement puur
le pauvre auteur de livres. L'auteur
pourra de livres
comprendre aussi que, si, comme on le dit, bien des
genres sont permis, il y a un genre qui n'est pas per- r
mis, le genre qui n'est pas permis, ie genre qui n'a
rien pour lui, le genre ennuyeux' – et il continuera sa
en conséquence. 'r
route
Un certain Jocelinus de Brake!onda, un Anglais, n6
naïf, nous a laissé un livre qui nous dépayse extrê-
mement et qui, par les soins de la Société Camden,
a vu le jour ces temps-ci. Le livre de Jocelin de Brake*
.<
lond, (Chronique ou Journal Intime ù la Boswe!),
V

i. En français dans le texte, ~j


S. Boswe!) (1740-1795), né & Edt.obourg, rencontra Johnson a ~on~Ka "&, ~fa
~tee do nombreux voyagea, it t-ettnt te f!xer. Maccompagna Johneon dans M'~Ej
voyage en Ecosse et aux HéMdeB. Après la mort do son ami, BosweH se donna g
tout entier & ta rédaction d'une biographio de Johnson. Sa Vie de S. Johnson jtj
est un modèle.. j~
JMRHK BB BMMMNBB M
et l'autour do ce livre – certain vieux moine de
Saint-Edmunsbury, autre Boawe!! dont t'existence
remonte aseptsiëctes– comme c'est loin de nous,
exotique, étranger à tous égard~ car cola nous arrive
<!c loin La langue n'est
seulement un idiome
pas
étranger, mais mort: ce latin do moine a son berceau,
non pas de l'autre côté du détroit, mais dans les neuf
ma.'ais du Styx, dans les eaux du Lethé et on ne sait
oit !e latin do Rome lui-même, encore vivant pour
nous dans les Champs-Étyaées do la mémoire nous est
fmnitier en comparaison. Et la-dessous les idées, le
cadre do vie, toutes les et les habitudes
occupations de
ce digne Jocelin, tout
estonsevdi,–p!us profondément
que Pompéi sous une épaisse couche de lave, sous les
épaves !nanimées de sept cents années 1
Jocelin de Brakelonde ne peut être comme
regardé
un caractère littéraire marquant
peu d'hommes, à
vrai dire, ayant laissé une œuvre
qui attire autant les
rcgnrds, une si visib!e trace de leurs pas derrière eux,
ont été plus obscurs. Encore une de ces existences
disparues, dont t'œuvre, elle, n'est –
pas disparue
phénomène presque si l'univers n'était
pathétique pas
ronj)u de phénomènes semMaMes Ceux'qui élevèrent
Stonchenget, par exempte: – ou, héias; qu'allons-nous
parler de Stonehenge et de ses constructeurs? Ceux
qui écrivirent la ~eMM ~Hw~M//e et i'/?M~ <<OM~e,
ceux quipavercnt les rues de Londres.Mt ou tard toute
la postérité d'Adam
C'est un phénomène
pathétique
mais en même
temps irrémédiable. Même, si on le
Men, onkjrouyer~consoiant.–
<-
S'a~e,,se, M!ae9 d'an tmmenM
temp!e druMiqua daM le eomM WMte.
~°" brutes, fort hautos, et placéea ctMti-
lateernenf.

t!
06 M PASSt! UT LB fRËSEKT

Par son dialecte, le latin-du-moine, et même pap


son nom, ce Jocelin semble avoir été un Anglo-
Normand le surnom de ~ro~e/o~~ indique un nat!f
de Saint-Edmundsburg même, Brakelond étant, on le
sait, l'ancien nom d'une rue ou d'un quartier de cette
vénérable ville. En outre, il est assez prouvé
que notre
Jocelin fut moine au couvent de
Saint-Edmundsbure'
il y occupa quelque « oMten~a », quelque officialité
subalterne, ou plutôt il en eut plusieurs l'une après 4'.
l'autre il fut entr'autres « chapelain de Monseigneur
l'Abbé, vivant auprès de lui jour et nuit pendant six
ans '< – et cette charge, en somme, est le grand fait
de l'existence de Jocelin, même du présent
l'origine
livre et de la principale importance qu'il a pour nous.
Jocelin était, comme nous l'avons dit, par naissance
une sorte de Roswell quoique d'infiniment petite &orte;
pour lui non plus. un Iohnson ne manqua pas de f
se rencontrer, même en ce lieu et à cette époque
les Johnsons sont rares. Cependant, on l'assure, les
Boswe!!s le sont peut-être plus encore ce n'en est
que plus regrettable pour les deux camps!. Ce Jocdin,
comme nous pouvons aisément le constater, était in-
génioux et ingénu, d'humeur joyeuse, inoffemsif et
cependant observateur perspicace. Esprit vif, de g
dessous sa cagoule de moine il a observé cette étroite
portion de l'univers en homme véritable non pas en
MM6/aHfd'homme,commeun être de race bovine, canine
ou de quelqu'autre façon non humaine, affligeante
pour tous ceux qui ont en eux quelque chose d'humain l
L'homme, chez Jocelin, est d'un naturel patient, paciSi jN
que, aimant il a un franc sourire il est sincère, qa'i! M
s'agisse de ~cëcf ou ~të cela/
Unë~randë~împl:ci~~
habite en son âme, un grand bon sens naturel une jas
tOCEHtt ?8 BMANEM~PR

<'c; <!P'Mqui pénëtre plus avant que les mots, Véracité,


c'est la base de tout, et, en un sens, c'est là le génie
tnefne, l'essence première de n'importe quelle forme de
gcnic. Notre Jocelin, quant au reste, a lu ses manuscrits
classiques son Virgile, son Horace, son Ovide, natu-
)-c))pn)ont plus encore ses homélies et ses bréviaires
ft,sinon la Bible, du moins dos extraits considéraMes de
!a Rib!e. Et puis il possède une charmante forme d'es-
prit; il aime à l'occasion la plaisanterie et quoique douce
t't n~o'vëe elle est très agréable à rencontrer sous sa
phonp. C'est un savant homme fait, dont le ccour, cepen-
<)ant, semb!e celui d'un aimabie enfant– dont toute !a
vif, en somme, est celle d'un enfant le monastère de
Sttiot-Edmundsbury, étant une sorte de berceau en
~r.md pour lui, dans lequel tout le devoir qu'on lui im-
pose cunsiste à eforMW gentiment et a bien aimer sa
on< <' Te!to est la biographie do JoceUn « un homme
<)'))))(' excellente religion ), dit un de ses frères, un
(nuitu* contemporain: « J?a?<M<a' ~'c/t~<o/tM, ser-
jao~M
moM<' opore. »
Kutt'c autres choses il avait appris à écrire une sorte
<ie Latin-de-moino ou latin-de-chien, qui est encore
lisible pour l'humanité et, ce qui est une bonne chance
pom' nous, il s'était avisé de s'en servir pour noter les
choses qui lui semblaient les plus dignes de t'être. De
!!<sortit graduellement une Chronique de Jocelin, nou~
veau ntanuscrit à insérer dans le Livre Blanc de Saint-
Edmundabury. Cette chronique une fois écrite, avec
son ingénuité enfantine; son innocente bonne hu~
meur, non dépourvue de piaisants traits d'un esprit na*
turel et
sejfecommajndanLa~ piosieum titrer ~'autres~
hommes ta lurent avec plaisir: aussi ne manqua-t-e!!e
pas d'être copiée, de se multiplier, d'être enfin inaérée
Ça-' ~BMSSëMt.EN~SRMr

dans le Livre Blanc – et ainsi elle survécut à Henri VII,


à Cromwell, à la dissolution des monastères, à tous
les accidents de la malice ou de la négligence, six
siècles
durant; ainsi elle fut incorporée à la CoMecMon
J~~MMne d'où elle vient aujourd'hui, grâce à M. Ro.
kewood, de la Société
Camden, d'être transcrite en
caractères imprimés et elle s'étale là devant noua, en
un mince et délicat in-quarto, prête à intéresser pen-
dant quelques minutes qui elle pourra.
C'est ici le lieu, pour l'historien équitable, de cons-
tater avec reconnaissance que M. Rokowood, l'éditeur
de Jocelin, s'est bien acquitté de sa tâche d'éditeur.
Non seulement il a déchinré son aride manuscrit, l'a
traduit sous foNne de caractères clairs, mais il s'est
avisé ce que les éditeurs ses confrères n'ont pas
l'habitude de faire – de cette importante
toujours
vérité, que le manuscrit déchinré devait avoir un sens
pour le lecteur. Suivant son texte avec fidélité, allant
jusqu'à enimprimer les erreurs d'orthographe, de
grammaire ou autres, il a pris soin de nous dire par des
notes que ce sont ta des erreurs et quelle devait en être
la correction. Le iatin-de-moine de Jocelin est génërate-
ment transparent comme une eau profonde et limpide.
Mais à !a moindre obscurité qui nous arrête et il en
est quelques-unes, quelques-unes seulement nous
avons la réconfortante assurance que le passage ren-
ferme un sens et qu'on peut, avec un effort, l'y découvrir;
que déjà l'effort d'un éditeur fidèle l'y avait découvert
~vantdese porter sur la phrase suivante. Un court et
ut!!e glossaire nous est donné, presque suffisant pour
~tt!d<!pl~8jton-inities a traversLte livre: on souhaiterait
parfois qu'il eût été un pou plus étendu, mais avec un
Spehnan et un Ducangea portée de !a main, <eût été si
1
JOORMtt PB !m~Mt!)M 69 -O'

facile de le faire beaucoup trop long des notes sont, en


outre, ajoutes au texte, brèves on général, mais aufu-
santés sur la plupart des pointa. Ennn la chronique se
termine par un copieux et correct index, comme-il n'en
devrait manquer à aucun livre de ce genre et comme,
mathcureusement, très peu en possèdent. Et ainsi, en
un )nnt, la CAron~Me de Jocelin est bien, comme elle
prétend l'être, délivrée de ses anciens linceuls, amenée
fidèlement à la lumière du jour, en sorte que celui qui
la feuillette, et qui a une teinte de grammaire, la
peut
lire.
Un nous a entretenu à satiété
de ces moines; partout
dans l'histoire, réalité ou fiction, depuis les Annales de
Muraturi jusqu'aux romans de Radcliffe, ces singu-
liers hipëdes avec leurs rosaires et leurs bréviaires, avec
h'm crânes dénudés, leurs cilices de crin et teurs vœux
<!c pauvreté, viennent défiler comme une mascarade
<!c\ant notre imagination et ce sont à la vérité de si
Changes spécimens de la famillehumaine, l'espèce en
est sihicn disparue qu'un véritable moine du Bury'
Saint-Rdmund est bien digne d'attirer notre attention
si !a chance veut qu'il nous soit de lA voir et
possible
de t'entendre. Le voilà devant nous: i! tient a la main
un spéculum bien rouillé, il est vrai, ce-
magique
pendant clair encore par endroits, dans lequel !a mer-
veilleuse image de son existence vient encore se re-
~ter, quoiqu'avec des interruptions, et comme éclairée
par une lumière intermittente 1 Le lecteur ne veut-il pas
scruter avec nous du
regard cette singulière cAaM&~e
a&sctu'eoù, quoiqu'avec des interruptions, on peut en-
core vivant un spécimen
contempler dont l'espèce r
Mspanr? Spécimon~unërace
disparue~ disons-nous,
'.BMty.hMty.u~:hoaT~eS<!nt-E<!tMM!<
:70 ".p M MSSS RT M MISENT >"

car quant aux éohantiMons qui circulent


vivants enco~
avec les mêmes caractères, il est trop évident qu'ils ne
rentrent dans l'histoire naturelle qu'à titre de contre- ta
façons: t'Ëvangt!e de Richard Awhright une fois pro- gj
mulgué, il n'était pas possible de trouver en ce monde
a~
aucun de ces moines, comme on en avait vu aupara- jsa!
vant. Mais imaginez quelque mastodonte profondément t~
enfoui, quelque mégathérion, queiqu'ichthyosaure fos- M
aile à qui il serait tout-à-coup donné de~paWer.
dont la voix sortirait de ses linceuls
de roc, si indistincte
que ce soit 1 Le plus vieux fossile d'une espèce d'hom~
mes ou de moines peut réaliser et réalise ce miracle – ~N
grâce aux lettres do l'alphabet utiles à tant d'égards.
Jocetin, disions-nous, était une sorte de Boswc!
mais malheureusement de par sa nature il n'était pas
de la plus grande espèce et la distance l'a aujourd'hui

rapetissé à un extrême degré. La tueur de son Hambeau


est des plus faibles, intermittente, et requiert la plus
vive, la plus bienveillante attention sans quoi elle ne
nous découvre que le vide des ténèbres, ï! fautt'avouo!
le bon Jocelin, en dépit de sa belle âme d'enfant
n'est, sans doute, qu'un imparfait « miroir') des choses
de ce vieux monde. Le bon moine son regard est si
clair, si joyeux et dans ses yeux qui sourient gentiment az
comme en une douce intimité, nous voyons si bien Jm
notre propre reflet que nous avons. toujours envie de
.l'accabler..de de lui-arracher de
questions, l'explication
mille choses: Mais non bienqu'il nous parle avec une
simplicité sifamitiêre~ comme un voisin qui habiterait
ne veut répondre &
porte à portejavec nous, Jocelin :~t
.aucune c'est ce qu'il y a de particulier chei! .{~
question;
ce moihoTmori irva~dë ceîasixcëhts cinquante ans, a)))))B

comp!ètement sourd & nos interrogations, quoique nous g~!


JMRMMM BMSEMttM c. 'H,

t'entendions si bien nous parler La brave homme, il


n'y peut rien, ni nous non plus.
Mais il n'y a pas a dire, c'est une étrange considéra-
tion que cette simple remarque où nous sommes ame-
nas en continuant d'observer notre Jocelin, – ou tout
autre âme limpide et simplo comme la sienne ainsi
cette Angleterre de l'an douze cent, ce n'était pas une
contrée imaginaire, une chimère vide, peuptée de purs
fantômes vaporeux, de Fcedora de Rymer et de doc-
trines de la constitution – mais bien une terre
solide,
verdoyante où poussait du blé et bien d'autres choses.
Le soleil i'cctairait les vicissitudes des saisons et de
la fortune humaine s'y faisaient sentir. Des vêtements
s'y tissaient qu'on portait ensuite des fossés s'y creu-
saient, la charrue sillonnait les champs, des maisons
s't~evaient. Chaque jour, hommes et bêtes se levaient
pom' aller li l'ouvrage et chaque soir ils regagnaient, fati-
gH<chacunteurg!te.Unétrangedua!ismc,a!orscommc
«ujourd'hui, alimentait la vie do toutes les nationsd'hom-
")fs existants, l'alternance sous toutes ses formes:
cntt'e la lumière et les ténèbres, entre la joie et la
routeur, entre le repos et la peine entre l'espérance,
t'sp(~'ancequi s'envole jusqu'au ciel et la peur qui s'en-
fonce jusque dans les de l'enfer. Ce n'était
profondeurs
gu<'t de nuageux fantômes, ni dea~ Fcedera de Rymer 1
Avec ses jambières et son casque d'acier, Cœur de
Lion n'était pas un petit maître
précisément de théâtre,
mais un homme a qui il fallait des victuailles
pour
wrc, et des victuailles non importées par le tarif Peel.
Coeur de Lion est venu en chair et en
osa !a rencontre
de
.M~~ et H aurait, été
du S~ F~ ActM de Rymer
"n recucu des sont
archives conservées dans la Tour de Londres.
.a -–. -.–' M. M8Së BT- M.

.» w_ 1 -2 1 M-i

jusqu'à piller l'or sacré, te~'e~MM, !e Trésor de Saint.


Edmund lui-même pour payer sa rançon, et se délivrer
du cachot où il était détenu sur les bords du Danube.
Avec son clair regard bon enfant, Jocelin contemple
la présence réeHo du roi Jean do ce Jean Sans ?'~re
(ou Lactda~td) qui plus tard à Runnymead signa la
Grande Charte. Jean sans Terre, avec une suite nom-
breuse, vint une fois s'instaHerpourpr&sd'une quinzaine
au couvent de Saint-Edmondsbury chaque jour notre
Jocelin pouvait le voir do ses yeux, le toucher de sa
main 0 Jocelin, qu'est-ce qu'il disait, qu'est-ce qu'il
faisait ? comment était-il, comment vivait-il et les
moindres détails: quels costumes, queMes cu!ottes
portait-il ? Jocelin garde un silence obstiné. Jocelin
note ce qui l'intéresse, ~M< il reste entièrement sourd
& ce qui nous occupe, notM. Par les yeux de Jocelin
nous ne distinguons presque rien de Jean sans Terre.
Comme si nous regardions à travers une vitro obscure
en observant par nos propres yeux, réduits à nos scuk
efforts et avec la plus grande attention, nous distin-
guons tout au plus en Jean sans Terre Un homme
emporté, avec l'air d'un vaurien débauché, habi!!é de
velours cramoisi ou de. quelqu'étoffe indistincte,
d'une coupe indistincte, avec force plumes et gar-
nitures tel il est, te!s sont quantité d'hommes
autour de !ui quand ils chevauchent, ils emmènent
des faucons ils s'entretiennent de balivernes en
faisant grand tapage – i!s dévatisent le couvent
~B
de Saint-Edmund (les caves, surtout, et les offices)
faisant main basse sur tout. Jocelin note seulement,
avec uneJégère.DMnte d'atgreur.que.Sa~I~jesté, ~MM~
nus Rex laissa en don au Trésor de notre Saint-
Edmund un habit de soie assez beau, ma foi, ou plutôt
"ÏOCEM!?ï)EMAK8M}tt<R ~3

qu'il fit semMant de le laissér, car de sa


quelqu'un
suite vint nous remprunter et nous ne le revîmes
jamais; finalement, ajoute-t-il, le jPofMtttMS Rem en
partant nous donna treize ~W<H~«, un et
shilling
un penny afin
que nous disions une messe pour lui –
c'est ainsi qu'il nous quitta en misérable Sans Terre
qu'il était « Treize pence sterling, c'est là ce que le
couvent perçut de Jean sans Terre pour tous les vivres
que lui et sa suite avaient consommes. Quant a nous,
nous d!mes naturellement notre messe pour lui, nous
étant engagés à le faire mais que la postérité impar-
tiale juge avec quelle ardeur ce dut être 1
Et ainsi s'évanouit l'image de Jean sans Terre il
traverse a la hâte notre étrange et intermittent miroir
n~ique, ayant seulement fait tinter ses maigres treize
pt'nct; et le voilà, avec ses faucons, qui retourne au
galop s'enfoncer dans une nuit d'Egypte Voi!a com-
ment Jocclin procède en toutes et voilà l'hu-
choses,
Mnine façon et voila l'humaine nécessite. Quelle inter-
mittence chez notre bon Jocelin, sans avoir
notant,
<'gor<! & Mous, ce qu'il trouve intéressant, lui 1 Chez
Jocelin, comme dans toute l'histoire et à vrai dire dans
toute !a nature, que de choses sont à la fois
impenêtra-
b!cs et certaines, si obscures et cependant si indubita-
bles, nous entraînant à des considérations sans fin 1
Car le roi Jean sans Terre
M~ ta, lui, en personne; il
laissa ces « tredccim » à défaut de mieux et
sternngii

que ce soit-d'une manière ou de l'autre il mène là
tel genre de vie, se sous tel aspect aux
présente yeux de
ceux qui le virent, et avec lui tout un
monde mène tel
?'"0 de vie~ se-présentR f;<~ têt aapect !~cst-Mr––~
disions-nous, la grande chose, la chose incommensura-
Nuit d'Esypte.
e~Msston htbMqne, nuit profonde.
.t~ iB;A99& BT't.B y!<i!SS~~–'

Me qui distingue & un degré vraiment inOni !c plus


pauvre fait historique de toute la Notion pdssible, Fic-
tioK, Imagination, Poésie d'imagination, etc., tout cela
est-il autre chose qu'un véhicule de la Vérité ou du
Fait, quel qu'il soit? – encore l'homme fera-t-M bien
d'essayer auparavant de divers autres véhicules et
moyens de transport plus sûrs. Tout cela est-il autre
chose? Que la Minerve et autres feuilles nous le disent
Mais il serait temps que nous- pénétrions dans le mo-
nastère de Saint-Edmund et que nous retournions sept
bons siècles en arrière. Si toutefois c'est chose possi-
Me, avec tout le secours de Jocelin, de tout l'art ho.
main entrons-y, un lecteur ou deux à notre suite.
CHAPMRE!!

SAINT-EDMUND BURY

Le jSoM~, Buryou « berry comme on l'appelle


aussi, de Saint-Edmund est encore aujourd'hui une
ville bâtie en briques et florissante; elle offre aux yeux
une jolie diversité avec ses claires maisons de briques,
ses rues antiques si propres, ses quinze ou vingt mille
anx's, population active, et cet aspect verdoyant qu'elle
partage avec tout le comté de Suffolk. Bâtie sur le
penchant de la colline elle est tournée vers le soleil
!<'vont vers l'angle Est de la viHe on voit encore une
ligne de longs murs, noirs et massifs, qui sont les
restes d'un couvent en. ruines et au milieu desquels
t'étranger est admis à pénétrer moyennant un schilling.
Car, au centre, l'emplacement a été utilisé pour faire
un jardin botanique. Là, étranger ou habitant de la
ville, chacun gambadant A loisir parmi ces vastes et
~ombres ruines.peut se persuader à tui-méme qu'une
abbaye de~ Saint-Edmund'exista jad.is mais quoi, cela
ne fait pas de doute
voyez ici t'antique et massive
entrée, d'architecture intéressante pour le dilettante;
et plus loin, cette autre entrée
antique qui va s'écrouler
si Je dite~ntiame~ d'ici-qaetqMe~mois~ ae fairp~
une et l'étayer 1
souscription pour ta cramponner
C'est ici, !a chose est assez évidente,
l'emplacement
tE PAS§6 ET t.E PKëSBW

d'une fort aux yeux du dilettantisme.


belle Le
abbaye,
Pédantisme va y pénétrer, lui aussi, avec son
.géant
monaslicons sous
énorme ~M~<?ct~ et autres colossaux'
!e bras et il va, joyeux, vous informer Que ce fut là
une très grande abbaye, qui posséda et même créa toute
la ville de Saint-Edmund, posséda de vastes terres et
de gros revenus mieux que cela, ces terres formèrent
le roi Canut le Grand se montra très
jadis un comté;
bon pour l'abbaye il fit en certaine circonstance don à
Saint-Edmund de la couronne d'or qu'il portait; quant
au reste, les moines appartenaient à tel ou tel ordre,
leur nombre atteignait tel ou tel chiffre; ils possédaient
tant de carucats en tel siècle et tant en tel autre.
Pédantisme vous dira que la grande Tour ou
encore
Beffroi fut construite par un tel et le petit Beffroi, par
etc. Jusqu'à ce que la nature humaine ne puisse plus
en entendre davantage; jusqu'à ce que la nature
humaine, cherche un refuge dans l'oubli,
désespérée,
en arrive à un état d'incrédulité au sujet de
presque
toute l'histoire. Moines, monastères, beffrois, carucats
et le reste Hé!as, quel monceau de cendres éteintes,
os consumés, le xété
quel détritus, que de vieux
ne vient-il pas déterrer dans le passé pour
pédantisme
le baptiser Histoire et Philosophie de l'histoire Jusqu'à
t
l'âme cède, écrasée et
ce que, comme nous le disions,
à l'infini
effrayée, jusqu'à ce que le Passé lui semble
un incroyable vide, tout gris, sans soleil, sans étoiles,
sans la chaleur d'aucun foyer, sans lumières d'aucune

sorte de sombres, tourbillons de pous-


pernicieux
sière l'Univers – tandis qu'au-dessus de
emplissant
!es~
vos MMiothèqueshist~fiques i! semMe qu&J-ous
TitanaasemMés aient écrit pour eux-mêmes 1~-
combres poussiéreux emmagysinds là 1
w
SMNt-EBMmWBMM M

Et pourtant ces vieux murs sombres ne sont pas


affaire de dilettantisme et d'incertitude ils représentent
un fait sérieux. C'est pour une cause essentiellement
réelle et sérieuse qu'ils furent construits Oui, !e
monde était autre alors, au jour où ces ruinesnoircies,
alors blanches de leur mortier tout frais, avec leur
ciselure toute neuve, virent le soleil pour la première
fois, ù l'état de murs, il y a longtemps de cela. Garde-
toi de jauger, avec ton compas de dilettante, avec ton
placide rire niais de dilettante, cette Tour d'où nos
Pères observaient le Ciel, ni ces maisons de Dieu
tombées en ruines, golgotha des vraies âmes du temps
passé! 1
L'architecture, tes
beffrois, les carucats de leurs
to'rcs?0ui, tout cela fut et ce n'est qu'un point insi-
g))!(iant dans !a chose en question. Est-ce que jamais
cela ne te donne a réiléchir, cet autre point, étrange, &
savoir que tous les hommes de ce temps-là avaient une
dMe – et que ce n'était pas là. un ouï-dire, ou une
figure de rhétorique, mais une vérité qu'ils savaient et
sur laquelle ils appuyaient leur pratique? A la vérité,
c'était un autre monde dans ce temps-là. Les missels
d'alors sont devenus inadmissibles, dis-tu, mesquine
platitude? Oui, bien mesquine platitude; et même si tu
veux, idolâtrie, blasphème, au cas où quelqu'un voudrait
te persuader, à toi, d'y croire, de faire semblant de
prier selon ces rites. Ce n'en est pas moins un malheur
qu'il n'y ait plus de connection entre nos âmes et nous
actuellement il faut que,nous nous mettions à nou-
veau en quête. d'elles sinon les choses en iront plus
.x_
mai de toutea~a~nsî-UneTcëriamëquantit~d~~
ainsi que Ben Johnson nous le rappelle, est indispen-
sable même le corps d'une destruction
pour préserver
4
Mt.E fASSË
BT~.N
Pa&SENT

de la pire sorte pour« nous éviter, dit'it, les frais du


sel H. Bon a connu des hommes qui avaient assez d'âme
pour empêcher que leur corps et leurs sens ne devins-
sent pourriture, qui pouvaient se passer -tels
de)sel
étaient alors les hommes et les nations. Vous pouvez
regarder maintenant les troupes do Crève la Faim à
Manchester, les Chambres des Communes où se dis-
cutent les lois sur le blé – et tant d'autres choses et
vous me direz si, soit t'ame, soit le sel, ne fait pas
quelque peu défaut aujourd'hui 1
Un tout autre monde, alors, certes, et ce pauvre
monde actue!, dans sa dëtress", trouvera quelque
profit à observer sagement celui d'autrefois au lieu do
le contempler sottement. Mais au moins, ami Dilettante,
sache bien que ce /H< un monde et non pas un néant
gris et vide & l'infini où se mouvaient des fantômes.
Ces vieux murs de Saint-Edmund, te dis-je, n'étaient
pas peuplés de fantômes, mais d'hommes en chair et
en os, faits absolument comme nous le sommes. Si toi
et moi avions existé
alors, qui sait si, tels que nous
sommes, nous n'aurions pas été chercher un refuge
contre des temps mauvais, si nous ne nous serions pas
enfuis pour demeurer dans ce couvent, y méditer sur
l'éternité comme nous l'aurions pu? Hélas, cette noire J
ruine que le sol n'a pas encore comme elle
recouverte,
ressemble à un vieux fragment de squelette,
à un tibia
cassé et noirci qui indiquerait encore quelle vie cotos~
sale fut jadis, et gît aujourd'hui enterrée là Tout est
mort, maintenant, et muet mais tout cela vécut un
jour et parla. Remontons vingt générations ce fut)&
rat'êHe terrestrê~o& UHs !K<mmës,ponr~Tia étaK
dure, luttèrent avec cette vie – contemplés par la
Terre, le Ciel et l'Enfer. Les c!oches sonnent pour les
SA!K'MDMUW
BCMf ?
et voici des)~c tt~tVttirtao
hommes ~ïft~t~a
diuerents ~hMMTt~MtM
d'humeur, de
prières
pensée, qui viennent chanter vêpres ou matines; et
tout autour de cette petite Ue où leur vie est enclose,
gronde pour l'éternité t'Océan sans limites, (car ilgronde
autour de nous quoique nous soyions muets et aveu-

ue:') H teinte toutes choses de ses teintes, de ses


reflets éternels il fait entendre une étrange et

prophétique musique Quel silence, maintenant


tout est parti, tout est balayé. Le dramaturge du
monde a écrit <' Sortis. » Les démons du temps,
(Mvorcurs, ont tout englouti et Il la place de ce qui
était, il n'y a plus rien
ou, ce qui est pis, de pernicieux
nna~cs de poussière, une éclipse de la Terre et du Ciel,
In monde ptongé dans un jour gris par les « décombres
poussiéreux emmagasinés là
Certes, ce n'est pas une petite affaire de traverser un
ab!me de sept sièctes remplis par de pareils matériaux.
Mais, entre tous les moyens de secours dont nous pou"
vous nous servir, est-ce que l'aide d'un BosweJl ne
doit pas être la bienvenue entre toutes, même celle d'un
petit BosweU ?La véracité, la franche simplicité du coeur
quel prix ces choses gardent toujours Celui qui ditce qui
est réeilement en lui, trouvera des hommes pour l'écou-
ter, en dépit de toutes !es entraves. Même le bavardage,
s'il jaillit libre et gai d'un cœur d'homme, renferme une
sorte de véracité et constitue un ~tscows, bien préfé-
rable au pédantisme, au stupide et gris néant Jocetin
est faible et bavard, mais il est humain.. A travers !e
bavardage de notre Jocelin qui coule comme un
ruisseau peu profond, nous aperceyon~queîques~
ttf~urs de cet~gë enfoui longtemps, nous discernons
véritablement, quoique d'une manière intermittente,
ces S~ures de l'ancien nous nous trouvons, en
temps
80 t.8 MSSÊ Nt M PR6SBNf

de brusques rapprochements, face à face avec leur


mode de vie Devant nos regards sérieux et sympa-
thiques, la glace des siècles passés vient se fondre,
d'opaques ils deviennent transparents ici ou là; cette
noire obscurité do la nuit, nous découvrons qu'elle n'est
que la somme d'innombrab!es~OHt's lumineux et vivants.
Elle ne se décompose pas, à l'analyse, en chartes sur
parchemin, doctrines de la constitution, ô mon ami
Poussière-Sèche; non, ce n'est rien de tout cela, érudit
mon ami
Pour les lecteurs qui désireraient
pénétrer avec
nous dans cette pauvre C~'o/M~He de Jocelin, le voyage
ne sera pas sans difficulté; ce sera comme <
par une
nuit d'hiver, à travers de pauvres noisetiers dénudés,
agités de bruisseménts qui ne signifient rien et perpé-
tueUement cachent aux yeux le paysage – mais &
travers lesquels, par ci, par là, on voit se mouvoir ~g
quelque réelle figure humaine, très étrange et que nous Ng
pourrions interpeller si elle voulait répondre. – E
travers ces buissons nos regards plongent dans une Ma
paire d'yeux aussi profonds que les nôtres, qui nous
renvoient l'image des nôtres, mais qui n'ont aucunement jm
conscience de notre présence parce que nous, à ce
moment-là, nous sommes devenus des esprits invi-
siMes 1 me
CHAPITRE M!

LE SEIGNEUR EDMUND

11 y avait déjà trois siècles que le <co~A <~eBeodrie


était devenu le stow de Saint-Edmund, le JTotun' et!e
monastère de Saint-Edmund, quand Jocelin y entra en
qualité de novice. « C'était, nous dit-il, un an après la
défaite des Flamands à Fornham-Sainte-Geneviève. »
Bien des choses tombentdans !'oub!i cette glorieuse
victoire sur les Flamands, à Fornham, n'est plus au-
jourd'hui qu'un fait très obscur dans la mémoire des
hommes. Une bataille et une victoire, n'en eurent pas
moins lieu, à leur heure un comte de Leicester, tri-
plement fameux, non pas de la branche des de Montfort
(ainsi qu'on le lit dans les histoires ou
philosophiques
autres, comme si aucune mémoire humaine pouvait
retenir de pareils détails), s'était querellé avec son sou-
verain, Henri second du nom
le roi en avait eu raison,
probablement, et le comte, maltraité, avait été obligé
de fuir en des contrées mais là, il avait re-
lointaines;
prMune nouvelle vigueur, si bien qu'en l'an onze cent
soixante-treize il avait repassé la mer du Nord a la

Mte~'une armée dejFiamandsqut~eyait le vengea It


<- Worth,
gtowth en !angM moderne oalale bien, terre.
Town, ~n)o.

e
? M PASSE ET t.E PRëSBNT

revient, aborde sur les côtes de Sunolk il se rond au M


château de Framlingham où il est favorablement ac-
oueiMi; il se dirige à l'ouest, marche vers Saint-
Edmundsbury et l'église
de Fornham, où les autorités
constituées l'accueillent
avec des posse comitatus, ont M
vite fait de le tailler en pièces !ui et les siens, ou du M
moins de le mettre aux fers cela se passa sur la rive
droite d'une obscure rivière, le Lark – où des traces ~B
conservées jusqu'à ce jour permettent encore de s'assu-
rer du fait. M
Car la rivière du Lark, quoique cela ne soit pas évi- ~jj
dent à première vue, arrose encore le pays, ou du
moins elle y croupit encore et là se trouve le champ
de bataille, servant maintenant de champ de plaisir &
Sa Grâce de Northumberland. Des
pennys de cuivre
du temps de Hemi II peuvent encore s'y trouver
dans la putréfaction; ils sont tombés des poches de ces ~j
pauvres soldats
qui n'avaient pas eu le f~Hps de les
dépenser a boire. Dans la rivière du Lark, on a pèche,
il n'y a pas si longtemps, un anneau d'or ancien, que ~N)
le dilettantisme empressé peut, à la rigueur, regar- m
der comme étant l'anneau même
que la comtesse de m
Leicesterjeta, lors de sa fuite, dans cette même rivière
~B
ou marais du Lark'. Même, il y a quelques années, en
déracinant un vieux frêne énorme qui était devenu tout gB
à fait monstrueux, bon a rien, se fendait, mais avait jm
été longtemps, dans ce sol, un immeuble qu'on n'eût gm
pas pu arracher sans révolution on mit à découvert,
sous ses racines, « une rangée circulaire de cadavres, ~N
étonnamment complète », rayonnant autour d'un cen- J~
tre, les visages levés, les pieds dirigés vers l'intérieur
3tfcerc!ë~cë quT « rayonnait M iî'étiiiCpas
j)- n*étâi<Tpaar précisa ~jjjj
i.Lyttetton.NMofMd'NMf~jf.
f. -Lyttolton, Histoire d'HtnrF Il. ~M
MSMQNEUREMtMW 83

ment la Lumière, mais plutôt l'Obscurité du l'Enfer; et


c'était évidemment là !e fruit de la bataille, car « un
grand nombre de têtes étaient fendues ou portaient la
trace des uèchea dont elles avaient été traversées ». La
bataille de Fornham, par conséquent, ostun fait, quoi-
qu'un fait oublié, non moins obscur qu'indéniable, –
ainsi que tant d'autres faits.
Ainsi que le monastère de Saint-Edmund tui-meme I
Qui peut douter, après ce que nous avons dit, qu'il y
ait eu ta un monastère, à un moment donné? Cela ne
fait pas de doute il y eut là un monastère cela ne
fait pas de doute. trois siècles avant cette
Quelque
bataille de Fornham, devait vivre en ces
régions un
hoxnne du nom d'Edmund
qui, Roi, Seigneur. Duc ou
quel que fût son titre, devait avoir la haute main sur ces
co)ntt''s de l'est. Et même ce devait être un homme
ft un seigneur bien étranges.
(::u- ses vassaux, à ce qu'il semble, ne se plaignaient
pas du tout de lui ceux qu'il faisait travailler ne son-
geaient point à brûler ses meu!es de blé, ni a envahir
ses chasses réservées; tout au contraire. On a, au con-
traire, la preuve la p!us évidente, de
preuve capable
satisfaire mon ami Poussière-Sèche
mi-meme, que ses
vassaux honoraient, aimaient, admiraient ce seigneur
d'autrefois à un degré surprenant et même, finale-
ment, u un degré incommensurable et indicible car
no trouvant
pas de limites au sentiment qu'ils avaient
de sa
valeur, ni de mots pour l'exprimer, ils se prirent
à béatifier, à adorer cet Edmund! 1 L'inBnie admira-
tion, apprenons-nous
par là, fait le culte. »
~"g" probt&m~– ai noMs pouvions seulement
'e résoudre! Ce que furent tes devoirs
propres d'Ed-
mund surtout ce que fut sa méthode
pour tes remplir
M MtPASaSETÏ.EKtSSEM''
avec de pareils résultats, il serait, certes, intéressant
do le savoir, mais ce n'est pas très aisé à découvrir au.
jourd'hui. La vie de cet Edmund est devenue un mythe
poétique, religieux même; bien qu'elle ait été jadis, la
chose n'est que trop évidente, un Fait prosaïque,
comme le sont nos pauvres vies à tous et même un
Fait solide, d'un abord peu aisé. Ce seigneur Edmund
circulait avec des souliers de cuir, il portait des /en!o.
ralia et une cotte quelconque chaque jour il fallait
qu'il se procurât son repas et chaque
jour il fanait
qu'il se rendit favorables
des gens qui lui étaient con-
traires, des faits qui lui étaient plus contraires encore,
et tous en grand nombre. Nul homme ne devient un
Saint pendant qu'il dort. Edmund, par exemple, au
lieu de se rendre favorables ces mêmes faits
et gens-
ce qui veut dire les soumettre, et, soit à la façon d'un
homme, soit a la façon d'un dieu, se les conquérir –
eût pu semer simplement plus de discorde parmi eux,
plus de déraison parmi eux et ainsi être conquis par
CHa? ce qui est de beaucoup le cas le plus fréquent 1
Il se fut ainsi révélé non comme un « Saint ou un
Homme Divin, mais comme un pauvre Pécheur, un
Homme infortuné
et blâmable, plus ou moins Diaboli-
quel Tout seigneur Edmund qu'on soit, on ne devient
pas inGniment admirable pendant qu'on dort.
Avec quelle rigueur, relative ou absolue, ses impôts
étaient-ils perçus, nous l'ignorons. Nous ignorons en-
coredavantage par quelles méthqdesses chasses étaient
entretenues, si c'était en « buissonnant '< ou autrement,
– et si, la saison des perdrix était « excellente oo

WMgnittante. NnnH ne ftavona pas~thtft ~juette~sorte


d'ordonnance sur le blé it émit ou quelle échelle de
douanes sagement établie, mais, & vrai dire, peu
1.
MSE!a!)EUaBM!Uti& ?

de gens filaient dans ce temps-la, et le dommage que


causer aux propriétés les filateurs ou autres
pouvaient
le métier n'était
gens dont produit tant de poussière,

pas aussi épouvantable qu'aujourd'hui.


Comment donc, peut-on se demander, s'accrut à ce

point la faveur d'Edmund comment devint-il, à un

degré si surprenant, !'Ami reconnu du Fermier? Vrai-


ment, si ce n'est pas en se montrant miséricordieux,
avec justice et bonté, à un degré où l'on n'avait point
atteint avant lui, on ne peut pas s'expliquer le fait. Cet
homme, à ce qu'il semble, « marchait humblement dans
la voie de Dieu luttant afin de rendre la terre aussi
céleste que possible au lieu de marcher avec Mammon,
dans la pompe et l'orgueil, laissant la Terre devenir
aussi infernale qu'il lui plairait. Il ne marchait pas dans
la pompe avec Mammon ? Mais alors comment pouvait-
il « encourager le commerce se faire bénir des
Howet, James et de tant de marchands do vin, comment
faisait-i! sortir du cœur d'un tailleur un chant de joie
(bien que celui-ci donnât
par là la preuve d'une vue
étrangement courte) ? 11 y a bien des points dans la vie
de cet Edmund qui sont mystérieux.
H pouvait, à l'occasion, disposer comme il l'enten-
dait de lui et des siens, cela est en tous cas certain.
Certaine Force MatérieUe, toute Païenne, des Ultra-
Chartistes dont le nom était alors « Danois envahirent
un jour son territoire avec leurs « cinq ou
points
plutôt avec les vingt-cinq mille pointes et tranchants de
leurs piques et haches d'armes; ils lui proposèrent le
Paganisme sous toutes ses formes, confiscation, spo-
liation, feu et sang. – Edmund répondit qu'il s'oppose-
rait tant qu~i! le pourrait~r une teue sauvagëne. Jb te
i. Les cinq potnh sont les cinq t'ovenatcattons CMantteMM des ehmH~ea.
M! MSS~ ET M fRËS~T

firent prisonnier et de nouveau ils lui demandèrent son


adhésion aux précédentes De nouveau
propositions.
Edmund refusa. Est-ce que nous ne pouvons pas vous
tuer? lui crièrent-Us. – Est-ce que je ne peux pas
mourir? répondit-H. Ma vie, je suppose, m'appartient
en propre, j'en peux disposer comme je l'entendal Et
il mourut, dans les plus barbares refusant
supplices,
jusqu'à son dernier soupir le consentement qu'on lui
demandait; les Ultra-Chartistes Danois perdirent leurs
propositions ils s'en allèrent, il y a lieu de Je suppo-
ser, avec leurs « pointes » et le reste de leur appareil, re-
joindre le Diable, leur digne Père. Quelques-uns prë.
tendent, il est vrai. que ces Danois n'étaient point des
Ultra-Chartistes mais bien des Uttra-Torys, prétendant
récolter où ils n'avaient pas semé, et vivre parmi les
hommes sans travailler, quand bien même cela devrait
amener tous les hommes à mourir de faim; ce qui B~
semble être une hypothèse tout aussi possible. Qu'ils
aient été ce qu'on voudra, ils s'en allèrent, comme je l'ai
dit, au diable, et Edmund ayantdisposé de sa vie comme 6~
il l'entendait, la Terre fut débarrassée d'eux.
Une autre version a cours, suivant
laquelle Edmund,
en cette occasion et en d'autres i.)b!ab!cs, se montra
serviteur fidèle de l'ordre auquel il appartenait, le plus
ancien et à vrai dire le seul véritable ordre de No- M~
blesse qui soit sous le soleil, celui des Hommes Justes, g[
des Fi!s de Dieu, en opposition avec les Injustes et les
a~
'Fils de Bé!iat – lesquels sont, il est vrai, les seconds
en ancienneté mais ne constituent pourtant qu'un ordre gt
fort peu vénérable. Cette hypothèse, en vérité, semble M
de toutes la plus
yraisemMaMe~jLes noms et !es appa- jt)
renées changent si étrangement en une dizaine de aie- ~H
c!ea tout se transforme à la manière des caméléons
M! SEM~RE~~

qui prennent tantôt une teinte, tantôt une autre. Ce-


pendant bien des choses sont fort simples et ne chan-
gent jamais de teintes tous les hommes purent voir et
sentir que le seigneur Edmund avait eu une vraie atti-
tude d'homme dans ce pèlerinage que fut sa vie aussi
tes bénédictions, un débordement général d'amour et
d'admiration furent-ils sa récompense. « C'est bien agi t
bien agi fut le cri du cœur de tous les hommes. Ils
ramassèrent son corps transpercé, ils en
martyrisé;
lavèrent les blessures avec des larmes coulant à grands
flots de tous les yeux, larmes exprimant une inunie
pitié en même temps qu'une joie, un triomphe sacrés.
La plus belle sorte de larmes, – même la
peut-être
plus belle sorte de choses semblable à un ciel dardant
des diamants et des prismes étincelants, tout en pleura
en même temps qu'illuminé par le soleil éternel et
il ne s'agit pas d'un ciel, mais d'une Ame et d'un
Visage vivant On ne peut rien voir en ce monde qui
ressemble plus au Temple dit y~s-~aMf, qui soit
mieux marqué de l'effigie véritable du Très-Haut.
Oh, quand on voit tout le pays des Yankees accueil-
)ir un pauvre, passable « Schnuspet, le romancier dis-
tingué » avec un flamboiement de torches, des invita-
hons à dlner, un hep-hep-hourra universel, se rendant
compte que cet homme, bien qu'il soit peu de chose,
Mf cependant chose – comment,
quelque alors, tout
!epays des Angles ne devra-t-il pas accueillir un héros-
martyr, un grand, un vrai Fils du Ciel C'est la joie
au cœur de l'homme de pouvoir ne
propre admirer;
fût-ce que pour quelques instants, rien ne l'arrache aux
L~gaires préoccupations don~iLe~t~prMonnief,
comme le peut faire la vraie admiration. C'est en ce
sens qu'on a pu dire que tous les hommes et en parti-
M M MSS~ BT M KHSStHn'

culier toutesles femmes, sont nés vénérateurs », et i~


vénéreront pourvu seulement que cela leur soit possi.
Me. Il est possible de vénérer quelque chose, même t
quelque chose de peu de valeur Ce l'est moins de g
vénérer de beaucoup de bruit cachant un Rien du
tout Y a-t-it un spectacle plus pathétique celui
que
des multitudes de pauvres gens rassemblés pour voir ;a~
le Passage du Roi, la Personne du Lord-Maire ou <!
autres merveilles pareilles à des pains d'épices dorés, ;i
ce qui est la forme actuelle du sentiment de véné-
ration? chacun venant là si avide d'adorer chacun
éprouvant là une sombre et fatale impression de dé'
sappointement,
sappointemont, sentant que ce n'est vraiment pas !&IA 5'~
qu'il peut rien vénérer! Sont-ce là tes dieux, ô Israël? i
et tu aspires si fort à vénérer, – Israël 1
pauvre '`'
Cependant, nous avons vu les hommes des Comtés de Ji'
l'Est ramasser le corps mutilé d'Edmund, là où il avait
été laissé, séparé en plusieurs lambeaux, dans le vil-
lage de Hoxno ils cherchèrent la tête, qui avait été
tranchée et, pieusement, la réunirent au corps. Ils em- t~
>
baumèrent le héros avec de la myrrhe et des aromates,

accomplissant ces devoirs avec amour, piété, pleins de,


pensées aussi hautes que sombres; ils lui firent une A
apothéose en versant sur lui les flots mélodieux de leur
admiration passionnée. Ils firent cela, joyeux, quoique
avec terreur, (car toute joie profonde renferme en elle
quelque chose de terrible), évoquant les nobles actions
d'Edmund. son attitude et ses paroles divines lorsqu'il
vivait. Ces hommes firent tant qu'à la fin le Pape et tes
Cardinaux, à Rome, ne purent ignorer plus longtemps
ce-qui~se passait résumant~aussi correctement qu''b~
purent, avec leurs plaidoyers d'Advocalus Diaboli et §
autres formes de procès, le verdict généra! de l'huma- g
MSBMKEmEMCNB -g~

nité, ils déclarèrent qu'Edmund avait, en vérité, mené


en ce monde la vie d'un héros; qu'ayant maintenant
ce monde, il l'avait quitté, pensaient-ils, pour
quitté
monter vers Dieu et recueillir M-A<t«~ sa récompense.
Voilà, déclarait le pape, le meilleur jugement qu'on
sur le cas en question
put formuler et, ma foi, le
jugement n'était pas trop mauvais. Tous y acquiescè-
rent il fut adopté avec zèle, tous y donnèrent le plein
assentiment de leur « jugement particulier ».
La suite de l'histoire de saint Edmund car le tec-
teur voit bien que le héros est devenu un saint – peut
être devinée sans peine. La libéralité des âmes pieu-
ses, permit qu'on lui constituât un loculus, un /~e-
~«fM ou châsse on lui construisit une chapelle de bois,
qui devint un temple de pierre et alla toujours s'agran-
dissant et s'élargissant, grâce à de nouvelles offrandes
des âmes pieuses tant le cœur qui déborde regarde
comme un bonheur de pouvoir se soulager en donnant.
La Châsse de Saint Edmund brille aujourd'hui du feu
des diamants rehaussé
qui l'enrichissent, par un pla-
cage d'or travaillé. La chapelle de bois, ainsi que nous
l'avons dit, est devenue un temple de
pierre. D'impor-
tantes maçonneries, de longues arcades, des cloîtres,
des ailes du plus grand effet arc-boutent le monument,
l'entourent en tous sens. C'est là qu'à
chaque généra-
tion des confréries d'hommes, soumis à une règle, et
desquels Jocelin fut, consacrent leur vie à méditer la
Noblesse de l'homme, la portée terrible de sa conduite
c'est là qu'ils la célèbrent et la proclament de leur
mieux,- pensant qu'ils s'acquitteront mieux de la tâ-
che en un pareil tieu, en présence de~Dien Créateufr
et de t'œuvre, si Terrible et si Noble, créée
par lui.
En un mot,le
Corps de saint Edmund a fait lever de
j.B pASS~ ET tE PR6SBW

terre un Monastère dont il devait être le centre. Voiia dans


quelles proportions, de
quellè manière, l'Esprit du
Temps s'est incarné sous une forme visible et a cristallisé
en ces lieux de nouveaux dons, des maisons, des fermes,
des Katalla – s'ajoutent sans cesse au Monastère.
En ce qui concerne le roi Kunt, que les hommes 'Ç
appe!.
lent Canut et que nous ne pardonnons pas aux flots de
l'Océan d'avoir englouti nous avons déjà entendu ;.)::
parler de ce sage prince, de sa couronne et de ses dons. 6;1{~
'iJ
Mais quant à tant d'autres Rois, Reines, à tant d'hom-
mes sages, de femmes nobles et loyales – que Pous-
sière-Sèche et le divin Silence en enregistrent l'histoire 'J;
dans leurs annales La Terre de Beodriè est devenue
le Barg de Saint-Edmund qui est encore visible de
nos jours. Tout
ce que tu vois à l'heure actuelle et que
tu nommes la Vi!!e de Bury, n'est rien d'autre que le
Monument Funèbre du saint ou du seigneur qui s'ap- qg
pelle Edmund. On peut dire du respectable Maire ac-
tuel de Bury (quelque éloigné qu'il soit de s'en douter)
qu'il a établi sa demeure, comme les Fakirs, dans la
vaste Pierre tombale, richement sculptée de Saint
Edmund; c'est dans un des enfoncements, tapisséde
briques, que demeure aujourd'hui le respectable Maire
de Bury.
Il y a dés Ages qui se cristallisent sous une forme jjj!
somptueuse d'autres, peut-être ne pourront s'incarner
que mesquinement – Mais Richard Awkright, lui
aussi, aura son Monument dans mille ans d'ici tout le
v Lancashire et le Yorkshire, tous les autres shires et
pays possibles avec leurs machines et leurs industries, ~N

t.Ka<aMa:MaM,pMprMM9;c~qMMM<ppetonsa~onrd'McM<ebetd'unMnt
p!u3a:nguHerenco!'e~<a«(casHe),m'apprendmonamiMmdtt)(Wo<e~eCa)'~h.) ~N
plus slnsulter encore bétail (casUe),m'spprend mon amil'éruditi(Note deCartyle.)
2. Bury: burg on bourg, Voir ie ehap. Il. ~S
M SËtQMUh BNtNNP SF

voilà ce qui constituera son Monument! Une vraie

pyramide une « montagne de flamme a lançant, avec


les flammes de sa vapeur, sur les continents les plus
lointains, le fruit d'un travail utile; lançant son utilité
vers les Etoiles jusqu'à une certaine hauteur; com-
bien n'est-elle pas plus grande, cette pyramide, que ces
stupides Pyramides d'argile, de Chéops ou de Sakhara 1
Cardons en somme de l'espoir, soyons contents ou pa-
tients.
CHAPITRE IV

L'ABBÉ HUGO

est bien vrai que toutes choses ont deux aspects,


l'un lumineux, l'autre sombre. Il est bien vrai qu'en
trois siècles les imperfections s'accumulent énorme-
ment maint idéal, monastique ou autre, s'élance
comme ii peut dans la pratique, aboutit à une assez

étrange réalité et nous ne pouvons nous empêcher de


demander « Est-ce là votre idéa! ? MCar, hélas, il faut g
toujours que l'Idéal aboutisse au Réel, s'y creuse un lit
et y établisse sa demeure, souvent de bien triste façon.
Aucun poète, si sublime
soit-il, n'est un oiseau de

paradis, vivant de parfums, dormant dans l'éther, les


ailes déployées. Le héros a~7'anc/~ du coucher et du

manger, on ne le trouve qu'à Drury Lane afin de nous


des déceptions, bien cela présent & j
épargner ayons
l'esprit. 3
C'est une loi de la nature d'ailleurs, que toute espèce k°
d'Idéal ait ses limites, son destin fatal, ses pério-
des désignées a l'avance jeunesse, maturité de per- j-
fection, déclin, dégradation, mortet disparition 8na!es.
Rien–ne na!t qui ne-- doive mourir. Les~monast~MS N

idéaux, une fois qu'ils sontréatisés, cherchent dans ce


monde le logement et la nourriture; ils les trouvent
~y.~
t/ABBËaUGO M

avec un succès croissant à la longue ils s'attachent

exclusivement à cela. Ils deviennent alors pareils à des


obèses qui, abêtis, ne font que manger
corps malades et
et dormir ils sontpr~s pour la dissolution, dût-elle
être prononcée par un Henri VIII ou par un autre. Le
Saint-Edmundsbury de notre Jocelin est encore loin
de cet affreux état final mais, là aussi, le lecteur peut
à trouver un idéal qui ne dort pas dans
s'apprêter
t'éther, à la façon d'un oiseau de paradis, mais est
niché, comme les vulgaires volatiles des bois, d'une
manière imparfaite, peu confortable, plus ou moins
pitoyable
L'abbé Hugo, ainsi que nous l'apprend Jocetin abor-
dant de suite le cœur de son sujet, était alors devenu
vieux, presque aveugle, sa vue s'étant obscurcie, ali-

gnanfH/Mf?! ca/~aMrMf~ oeuli.ejus. H se tenait le plus


souvent à l'écart, dans son Talamus ou chambre parti-
cutiere, livré auxflatteurs, secte de gens à la bouche
mielleuse, qui cherchaient à ce que l'heure présente no
lui parût pas trop longue pas trop longue à lui et
profitable à eux-mêmes, accumulant pour l'avenir des

montagnes de confusion. Le vieux Dominus Hugo


était, de la sorte, inaccessible, confiné dans la maison,

enveloppé de ses flanelles chaudes et de ses illusions,


inaccessible à toutes les voix du Fait, et le mal, pour
nous autres moines, toujours davantage.
empirait
Ce n'est pas que notre vénérable Dominus Abbas
négligeât l'office divin
ou manquât de zèle pour entre-
tenir la piété chez autrui ou en lui-même mais le livre
de comptes du couvent tomba dans le plus déplorable
état; le budget Hugo se réduisait chaque année, ne se
composant plus que de futiles espérances, d'un déficit
fatal, de fumée et de dettes 1
94 M PASS6 BT LA PRËSBKT

Son seul
souci, quant aux choses terrestres, c'était
de trouver de l'argent ce qui, même pour
comptant
l'époque, constituait déjà un ma! assez grave. Et com- §j
ment Hugo se procurait-il cet argent ? Par des juifs,
usuriers insatiables chaque nouveau juif se collait !) ga
lui comme une nouvelle et notre vie
sangsue suçait
avec celle du Dominus Abbas, criant sans cesse
« Donne, donne 1 En voici un exemple parmi vingt
autres. Notre Camera était tombée en ruines Guil-
laume le sacristain reçut ordre de la réparer ordre
formel mais pas d'argent l'abbé Hugo ne voulant et à
vrai dire ne pouvant pas lui donner le moindre argent.
La Camera étant en ruines, et Hugo inaccessible et
d'ailleurs sans un penny, Guillaume emprunte quarante
marcs (environ vingt-sept livres) à Bénêdict le juif.
puis il remit notre Camera en état. Mais le moyen de
rembourser ? I! n'y en avait pas. C'est à peine si le
sacristain, le cellerier et tous ceux chargés de quelque
fonction arrivaient à joindre les deux bouts en se bor-
nant au plus indispensable et avec les sommes très
réduites qu'on leur allouait. L'argent en espèces s'était
évanoui.
Les vingt-sept livres de Bénédict, à intérêts compo-
sés, s'accrurent rapidement, et à la fin, quand la somme
s'éleva a cent livres, ïe juif, au jour d'expiration d'un
délai, présenta son compte à Hugo lui-même. r
Hugo lui
devait déjà cent livres pour sa part et ainsi nous voilà
avec deux cents livres de dettes dans un accès
Hugo,
de frénésie, menace de révoquer le sacristain, de faire
ceci et cela mais que faire en attendant,
apaiser pour
l'insatiable juif ? Hugo, pour ces deux livres, cents
s
signe au juif un~ MMet de quatre cents payables a~t "j
bout de quatre ans. Les quatre ans expirés, il n'y a, j
i
t.'ABB6 HUCO 9S

natureltement, pas plus d'argent et !ejuif, cette fois,


exige un billet de huit cent quatre-vingts livres paya-
de quatre-vingts
blcs par fractions livres par an 1 Voilà
une façon d'entendre les affaires
cet insatiable juif n'est pas encore satisfait
et ne se tient pas encore tranquille il a des billets,
signés de nos frères, pour de « petites dettes qui remon-
tent à quatorze ans ? ses modestes s'élè-
exigences
vent finalement à « douze cents livres sans
parler des
intérêts et l'on a lieu d'espérer
qu'il n'a jamais été
satisfait en ce monde, car on espère qu'il fut au nombre
de ces juifs qui, assiégés, se pendirent' au château
d'York à quelque temps de là et que ses billets, quit-
tances et autres tout ensemble fut
papiers-sangsues,
jeté au feu 1 Car une justice approximative tend à s'ac-
co)np)ir d'elle-même, sinon d'une manière, au moins
d'une autre. Juifs, aussi bien
que chrétiens ou païens,
vous qui thésaurisez de la sorte, pourvus d'autant de
parchemins que vous voudrez, de temps à autre « vos
molaires vous seront successivement arrachées de la
mâchoire, chaque jour une nouvelle molaire, ce
jusqu'à
que vous consentiez à rendre gorge a. Un triste fait,
qui vaut qu'on y réuéchissc.
Jocelin, nous le voyons, ne néglige pas les intérêts
de ce monde notre Do~M!M Abbas, nous dit-il. avait
assez de zèle aux offices,
mais, en revanche, son livre
de
comptes ? Une des choses qui nous frappent le plus
quand nous parcourons la C~'o~Ke de Jocelin ou
l'Anselme d'Eadmer, ou tout autre vieux livre monasti-
que écrit évidemment
par des hommes pieux, c'est ceci
qu'il n'y est presque jamais fait mention de leur « reli-
~onpersonpeHe~;teiin mot~~ieur~pcnsécsotde-
'eurs spéculations semble être les « privilèges de notre
96 ~B PASSE BT M PBÉSENT

ordre l' « exigence stricte de ce qui nous'est dô a,


l' « honneur de Dieu (ce qu'il faut entendre par !'hon.
neur de notre saint), et ainsi de suite. N'est-ce pas sin.
gulier Une association d'hommes qui vivent à l'écart gt
pour perfectionner et purifier leur âme, semblent
n'être pas !e moins du monde préoccupés de ce sujet

l' « Idéal » ne nous parle pas de son idée, mais nous M
parle beaucoup de se trouver un lit et des vivres Corn.
ment cela se tait-it '?1
D'abord pour cette raison, que le lit et les vivres sont
un sujet dont on vient très facilement à parler il est jajt
bien plus aisé de parler de cela que de ses idées et jwm
c'est un sujet qui parfois touche les hommes de bien ~t
plus près Puis, en outre, est-ce que cette réticence g~
en ce qui concerne les questions religieuses, chez ces
âmes pieuses et bonnes, ne peut pas être regardée
comme un mérite, un signe do santé? Jocelin, Eadmer
et les hommes pieux du mémo genre ne connaissent
encore rien du « Méthodisme '< rien du doute, pas
même un vestige du doute. La religion n'est pas pour
eux une morbide du
moi, une enquête
analyse d'ago-
nisant les devoirs apparaissent nettement aux yeux de B~
ces moines la voie qui mène au souverain Bien est M
simple, indiscutable et ils la suivent avec sécurité. La Mt
religion plane sur eux comme un céleste dais, embras-
sant tout comme une atmosphère, un élément de vie,
dont on ne parle pas, qui en toutes choses est présup- N~
posé sans qu'on en parte. La religion et
complète ga~
sereine n'est-ette pas le plus haut aspect de la nature jNM
humaine, de même que le Cant complet et la sereine
irréligion en sont l'aspect le plus bas et le plus misera- ~M
JMe~ Entre les deux, toutes les cariantes de sérieux j~
méthodisme, analyses du Moi, enquêtes d'agonisant j~
t/ABBËMUCO M

si morbides qu'elles soient jouent !eur rote respectif,


non sans approbation.
~!ais que le lecteur se représente un des frères du
tnonast~t'c de Saint-Edmund, dans les circonstances

indiquées. Comment un Dominus Abbé, saigné jusque


sa dt'rni~re gouttede sang par des sangsues do cette
nahn'f, pourra-t-i! affronter le monde ? H a' presque

j)cn))t tout !c sang qui alimentait sa vie, et le couvent


va x'ssembter aux vaches maigres de Pharaon. Les
\x'u\ moines, qui ont de l'expérience, abaissent leur
< a~"u)c toujours plus bas soucieux, ils disent sim-
p)cmcnt que le premier devoir du moine c'est t'obéis-
sam'c. Xotrcroya! souverain, apprenant ces nouvelles,
«"us envoie son aumônier faire des investigations
mais a quoi cela avance-t-il ? L'ahbo Hugo nous ras-
!<<'))))))<'auchapitre et demande « Quelqu'un a-t-il à se
ptaimh f ? Aucun de nous n'ose répondre: « Oui, nous
sonnncs des milliers dans ce cas » Nous gardons
tons h' silence et !e prieur iui-meme dcciarc que toutes
(-))os)'s sont dans un parfait état. Lit-dessus le vieil
a))))' itogo se tournant vers le messager du roi: « Vous
voyt'x? lui dit-i!,ctvoij& comment se termine l'affaire.
Moi, jeune novice à !'œi! vif, je ne pus m'empêcher de
demander & mes aînés, à maître Samson en particulier
pourquoi lui, homme docte et instruit, n'avait rien dit,
n'avait pas fait un exposé de la situation? Maître Sam-
son était chargé de l'instruction des il
novices
avaitété désigné pour nous enseigner les règles, et moi
pour ma part, je l'aimais bien. « F!/< mi me répondit
Samson, l'enfant qui a été brû!é fuit le feu. Ne sais-tu
pas que notre Dominus Abbé jadis à Acre,
m'envoya
dans !eNorfoIk~~)!LJev~cu& en reclus avec~M pain et
dei'eau? Vois ils reviennentant juste
Hug~rU ju
7
98 L t.E PASSÉ RT !<E MISENT

~t––'t -A t-t u <t t't

d'exil, et c'est avoir


parle qu'Us avaient
pour été éloi,
gnés< Nous traversons
une heure de ténèbres t'hoMfp
où tes flatteurs gouvernent et obtiennent la confiance,
Videat Z~ewwMM que le seigneur contemple et juge. »
A vrai dire, que pouvait faire le pauvre abbé Hugo?
fragile vieillard contre qui se liguaient les philistins
– c'est-à-dire les hébreux – il ne pouvait rien faire con.
tre eux si ce n'est les fuir, retourner ses flanelles
chaudes et ses illusions. Heureusement, avant qu'il
ne fût irrémédiablement trop tard, il s'avisa de faire
un pèlerinage a Saint-Thomas de Cantorbéry. JI se
mit en route, avec une suite assez nombreuse, a l'au.
tomne de l'an onze cent quatre-vingt arrivé près de
Rochester, sa mule le renversa sa pauvre rotule fut
disloquée une fièvre inflammatoire incurab!e se
déclara et le pauvre vieillard fut ainsi congédié ho~
de sa dépouille. Saint Thomas Beclcet, quoique d'une
manière détournée lui avait apporté la délivrance Usu-
riers juifs, moines grognons, importuns misérables,
fat-ce des hommes ou des agrégats de poussière, rien
désormais ne pouvait plus affliger l'abbé Hugo il
laissa échapper son rosaire son livre de comptes se
ferma, ses yeux aussi et il entra dans le long sonuncii.
Blanchi sous le poids d'un lourd fardeau, vieux Domi-
nus Hugo, adieu.
H est une chose que nous ne pouvons mentionner
sans un tressaillement d'horreur bien naturel a savoir
que le trésor vide de Dominus Hugo ne contenait pas
un penny qu'bn pût distribuer aux pauvres afin qu'ils
priassent pour son âme Par une sorte d'envoi de Dieu,
juste à propos, il se trouva que le moment de l'échéance
de cinquante schillings était venu, que devaient ?
fermiers d'Hugo (le JP'MWMrtMS de Pategrava) le déM-
t/AMËHUCO

tour les versa, on eut l'air de les verser, et il les


paya,
et les pauvres i'ourent; mais, hélas, cela aussi ne fut
vêt se qu'en apparence et il nous fallut par la suite
payer
à nouveau. Les appartements de Dominus
Hugo furent
pillés par ses serviteurs, jusqu'à la derniëre chaise qu'on
put emporter; le tout fut fait a peine
quelques minutes
j'pres qu'il eut rendu le dernier souffle. Pauvre vieil
Hu~o disparu, adieu pour toujours.
CHAPTME V

LE DOUZIÈME SIÈCLE

Notre abbé étant mort, le Dominus jRea:, Henri


ou, en son nom te ./HS?<ct<!rMs d'Angleterre; Ranulf de
ou sur-
G!anviHc, envoya parmi nous des inspecteurs
veillants, sans montrer de fiévreuse hâte à désigner
un nouvel abbé, nos revenus pendant ce temps allant
son propre tScaccaftMM ou Echiquier r oyal. Ils
grossir
avec quelque rigueur, ces inspecteurs; ils
procédaient
faisaient des inventaires écrits, mettaient des sceaux,

partout des comptes et des mesures strictes


exigeaient
mais que servirait à un moine vivant de se ptaindre ? Un
moine vivant a son exercice de discipline pieuse !<

accomplir; il a à consommer la p~aH~a qui lui est


allouée, ce que nous appelons pitance, ou ration de
vivres, et à posséder son âme en patience.
Obscure, comme entrevue à travers une longue ave-
nue de sept siècles, obscure et très étrange nous
cette vie monastique et cette circonstance
apparaît
éternellement surprenante que ce soit là un /at< et
non un rêve, que nous le voyions devant nous et le

resardîons droîfdans les yeux La fùïuët; monCechaque


de cuisine il y a là des êtres $,
jour de ces cheminées
humains qui vivent, qn' chantent, brayant bien haut
t
M MM~M! StSCM! <M

!ouM matmes, nones et vêpres; éveillant des ~cAos


pas seulement pour l'oreille La chassa
corporelle,
de Saint Edmund, perpétueUement illuminée, brille,
vermeille, à travers
la nuit, et à travers la nuit des
siècles en même temps, la ville de Saint-Edmunds-
bury payant annuellement quarante livres à cette
expresse fin. Les cloches se déchaînent dans les
grandes occasions, toutesles cloches. Nous avons des
processions, des sermons, des festivals, des jeux de
Nof!, des mystères joués dans le cimetière, et pen-
dant !n représentation les citadins se dis-
parfois
putent. Le temps fut, le temps est, comme le remar-
que le moine Bacon à la tête d'airain, et de plus le
temps sera. 11 y a trois temps ou <eM!pora et il y a une
Hternitë et quant à nous « Nous sommes de l'étoffe
dont sont tissés nos rêves ·~
Indiscutable, quoique fort obscure la vision
pour
mndcrnc, s'élève sur son versant de colline, ce
hom~ ou ville de Saint-Edmund l'endroit déjà n'est
pas sans importance, ni sans trafic, ni sans manufac-
ture si seulement Jocelin nous disait de quoi. Joceiin
néglige tout à fait de nous le dire; mais par d'obscures,
indistinctes échappées, nous pouvons voir des /M/~onM,
des foulonniers, nous pouvons voir tisser obscuré-
ment nous voyons les métiers, les cuves à teindre
et les vieilles femmes filant le chanvre. Nous avons
aussi des foires, des nMftd'tM~e en
règle et les londo-
niens nous donnent bien de l'ennui prétendant, & titre
de Métropolitains, être exempts de droit de péage.
En outre, il
y a ta culture des champs, avec l'estimation
difficile de la rente des couvents les meules de blé
–s'cmpi!ant a Pinténetn' du bourg,-dans b saison le –
bétail sort et rentre; le pauvre tisserand lui-même a sa
M9 M PA8S& Et M MNS~T

vache, – les tas de fumier s'élèvent


tranquillement
devant la. plupart des portes foras, dit incidem-
ment Jocelin), car la ville n'a pas encore de police per-
fectionnée. Nous n'en montons pas moins la garde et
nous avons des portes -comme toute vitteen doit avoir,
les voleurs étant si abondants, la guerre étant chose si
fréquente ? Nos voleurs, cités a la barre de l'abbé, nient;
ils réclament que le combat décide de leur sort, ils se
battent, sont vaincus et alors seulement pendus. Ketel
le voleur nt ainsi et cela ne l'avança à rien cela nous
valut simplement, et à lui aussi, de nouveaux en.
nuis 1
En tous
points, un temps bien étranger au nôtre.
QueUe difucu!té, par exemple, notre Cellerier n'a-t-it
pas à recueillir les l'epselver, « l'argent des récottes
c'est-à-dire le sou que tout chef de famille est tenu
par la loi de payer pour abattre le blé du couvent! Les
plus riches prétendent que l'usage est changé, que ceci
et cela, en somme, qu'ils ne veulent pas payer. Notre
Cellerier renonce à passer chez les riches chez les
pauvres, ne trouvant de même ni sou ni bonne pro-
messe, il fait main basse, sans cérémonie, sur toute L

espèce de uaeftMM (caution, wad) qu'il peut trouver


tabouret, bouilloire, jusqu'à la porte, même de la
maison, l'o~HM, et les vieilles femmes ainsi exposées
aux regards sans pitié du public courent après lui avec
leurs quenouilles en criant furieusement « vetutœ
exibant cum colis suis », dit Jocelin, « minantes et
exprobantes »..
Quel tableau historique, brillant, viaible comme la
,eh&ase de Saint.Edmund ta nuit~ après sept longs
siècles ou a peu près 1 Vetutœ cum cotia Mes véné-
t. Meaptng °
Sttvcf.
°..a.w_=~_4.
tE MHtaÈMRS)ËC!JS jt03
raMc~ gt'and'mères qui filiez dans l'ancien temps–ah,
:)h, vuus aussi, il vous a fallu crier et vous précipiter
dehors avec vos quenouilles il vous a fallu devenir des
th:nUstes femmes et gronder toute la huit sans porte
doutée ù votre maisom et en vieux Saxon, de même
tjuc nous en Saxon moderne, vous eussiez volontiers
demandé quelque charte en cinq points, si cela avait été
possible alors, la terre vous étant trop tyrannique n»
Sages seigneurs abbés, devant ces phénomènes.
vous avez à temps aboli ou commué le « sou récolté
< en tut fait, du moins, d'une plaie. Mais de ces
l'image
vit'UJes femmes, furieuses à juste titre, dans leurs robes
<tt-hnncde l'ancien temps, avec leurs traits courroucés,
)o)~ fuseaux brandis, vit a jamais dans !a mémoire de
)'hist))i)e. Grâce a toi, Jocelin BosweH, Jérusalem fut
pt-ist- par tes Croisés, et de nouveau perdue par eux, et.
Hichatd Cœur de Lion « se voila !a face » à !a vue de

t'spcctacte mais combien d'autres choses se passaient 1


en rn~nu' temps 1
En ouhc, nous avons aussi des ennuis très grands
"u sujet des anguiHes du lac des Bruyères. Le roi
Canut, ou plutôt la reine sa femme, qui eut aussi a
honneur d'honorer Saint Edmund, décréta acte
par
authentique, existant encore aujourd'hui sur parchemin,
que les détenteurs des champs de la ville, 'autrefois
la propriété de
Beodric, devraient premièrement aller
chaque année pêcher pour nous quatre mille anguilles
dans les marais du lac des Bruyères. Ils y altèrent, ils
continuèrent d'y aller; mais dans les derniers
temps,
ils prirent
l'habitudg de revenir avec un nombre très t
d'minu~
j'anguïMës~ Non plus~vec~nacun cent-vtngt 7
<'omme aurait fallu, non, mais tantôt quarante, tantôt
vingt, dix quelquefois, tantôt même pas du tout,: Dieu
i04 MPASSËE'PMÏ'aËSBXT

nous assiste, nous ne pouvions pas en prendre plus, il


n'y en avait pas plus Que fera en pareil cas, un mal-
heureux Cellerier? Nous convenons que chaque deten.
teur de tant d'acres paiera un sou par an et laissera là
les anguilles trop promptes à s'échapper. Mais, hetas,
cela ne nous avance pas beaucoup les champs, de
mon sont en tant de mains
temps, répartis qu'il n'y a
pas moyen de prendre les propriétaires non plus j'ai
vu notre Cellerier recueillir autrefois vingt-sept pences
etaujourd'huic'estbien beau s'il recueille dix farthings' 1
(vix decem denarios et obotum) Et puis les moutons,
qu'ils sont obligés de parquer la nuit dans nos parcs à
cause de. l'engrais et que (je crains fort) ils ne parquent
pas .toujours et leurs a~'pM~s, leurs awa~Mms.
leurs /b<c<M'Ms leurs redevances de moulin et de
marché! Et ainsi, fait indéniable bien qu'obscur, le vicnx
Satnt-Edmundsburynteet taboure péniblement s'eHorec
que la marmite cuise toujours sur le feu et que la chasse
de saint Edmund soit toujours illuminée dans les
conditions et au prix qu'il se pourra.
Que de choses survivent encore en Angleterre que
d'autres ne sont pas encore parvenues à la vie Une
aristocratie féodale survit encore, dans la fleur de la
vie, dirigeant la culture du sol et, moins conscien-
cieusement, la distribution des produits de ce sol,
l'aplanissement qui s'élèvent
des différends sur ce soi;
jugeant,, enrôlant, aplanissant les différends, gouver-
nant partout le peuple, de telle sorte que même un
Gurth né esclave de Cedric le Saxon, aurait sa part

-–
· i.UnfartMngvantZcent.50.
~Àpo!no dix deniers et oboles.
8. Redevances du Moyen Age dont tes noma ont disparu; ce Mtatent les a MM
deMtvêe.tesdtmMMtftMBMuÏMdeNô". j
_rr..
M BOUNËNBStÊCLE t03
)~ –~–
des épluchures laissées par ses porcs. Gouvernant
mais – hétas faisant aussi garder les chasses, si bien
les Robin Hood, William
(pte. de nos jours, Scarlet et
autres, revêtant les habits de Linco!n sont allés vivre,
régis par une façon de suffrage universel eux aussi,
dans les grands bois.
Quel silence, d'autre part, sur toutes les manufac-
tures de coton et choses de ce genre; pas encore une
cheminée qui soit terminée d'une mer à l'autre 1 Au
nord de l'Humber, le dur Guillaume le Conquérant.
incendia le pays, le trouvant indomptable, y laissant
régner un sombre silence. Des oiseaux sauvages jettent
leurs cris dans ce silence des anciens jours; un bétail
sauvage cn'e dans cette solitude des
jours anciens
la
poputation clairsemée et boudeuse, d'éducation Norse,
est réduite au silence -elle sent que sous ces nouveaux
gouverneurs normands, son histoire est autant dire,
finie. Les hommes et les populations Norses de la
Xorthambrie savent bien peu ce qui finit, ce qui ne fait
tjttc commencer! Le Ribble et l'Aire coulent, leurs
eaux ne sont pas encore souillées par la chimie des
teinturiers elles ont pour seuls détenteurs les truites
joyeuses et les loutres pêcheuses; seuls les rayons du
soleil et tes soufflés du vent traversent ces étangs. Côte
a côte pendant tant d'années dorment les strates de
charbon et les strates de fer. Aucun démon à vapeur fu-
mant ne s'est encore élevé l'existence. Saint-
jusqu'à
Mungo règne à Glascow, James Watt commentant
encore dans les du JMoMCHMKttM.
profondeurs temps.
Manceaster,~e que nous appelons Manchester, ne file
pas de coton – sinon du coton de /a<Me coupé surle~
dos des moutons de montagne. Des remous d'eau
<. Vôtements d'étoffe verte tes oM<&!M.'<.
q!t9 portaient
'7: '_J: -c-
.u
MM LE PASSE M M PUISENT 1,

il a
salée viennent tournoyer, deux fois en vingt-quatre
heures à t'embouchute de la Mersey avec un bruit d0
aux ébats des oiseaux aquatiques et c'est là un Etang-
flexible un indolent ou sombre Etang, non pas cette
ville monstrueuse, enduite do poix et port maritime du
monde 1
Les siècles sont gros et l'heure de la naissance
approche mais n'est pas encore venue « Tempus
ferax, tempus edax rerum.

i. M y a unjen de mot Intraduisible un Dver-


Litha*poo< (teignant
pool.
CHAPITRE VI

LE MOINE SAMSON

Entonnes, au pied de la colline, dans les murs de


tott'e couvent, nous formons là un petit monde à part,
qu'ii est difficile de se représenter en ces temps tout
la toi Awkright sur le blé, aux filatures et aux Joe-
Mantons JI n'y a pas encore de méthodisme parmi nous
1 nous jurions beaucoup des choses du siècle il n'y
pas de méthodisme notre religion n'est pas encore
<nhorrible doute s'agitant sans répit, encore moins
'st-e)!e ce cant en règle, qui est de beaucoup plus hor-
ible c'est une haute Incontestabilité dont le sommet
touche le ciel et qui enserre, qui pénètre la vie tout en-
iëre. Si imparfaits que nous nous sommes
soyons,
'ssembtés là, avec nos litanies, nos crânes tonsurés,
os vopux de pauvreté,
pour publier sans cesse et sans
que notre cœur nous objecte rien Que cette vie ter-
estre, ses richesses et ses possessions, ses bonnes et
ses mauvaises ne sont, en aucune façon, prises
fortunes,
en elles-mêmes, des choses réelles mais ne sont que
ombre de réalités éterncMes, infinies; que ce monde
~irparcit a~ne apparition, ëM&~me terir!Me7passë"ët
repasse toujours flottant sur le grand miroir immobile
de
t'Etemité que la courte vie de l'homme renferme
<08 M PASSE ET LE PRÉSENT

des qui sont immenses,


devoirs qui seuls sont immen.
ses et montant jusqu'au ciel ou descendant jusqu'à~
enfers. Voilà ce que publient nos pauvres litanies, ce
que par elles nous nous efforçons de publier.
Publié
ou non, présent a la mémoire des hommesou
effacé de leur souvenir, c'est cela qui reste le fait essen-
tiel, même à l'époque des Awkright et des Joe-Man.
tons Mais c'est chose
inouïe, quand les litanies de-
viennent surannées, quand les /b<7e/'<'o~ns, awa~tHms,
tous les devoirs humains et les obligations réciproques
se trouvent complètement transformés en un grand
devoir de paiement en espèce; quand le devoir de
l'homme envers l'homme se trouve réduit à lui remettre

quelques pièces de métal ou un salaire stipulé, et à le


mettre ensuite à la porte, quand le devoir de l'homme
envers Dieu devient un cant, un doute, une pure insa.
nité, « plaisir de la vertu ou quelque chose de ce
genre. Quand la chose que l'homme redoute infini-
ment (le vrai En fer de cet homme) c'est « de ne pas
réaliser d'argent et de ne pas prospérer –c'est chose
inouïe, dis-je, de voir quel changement se trouve alors
introduit dans les choses humaines! Les choses hu-
maines vont désormais circuler non plus alimentées
par un sang vivifiant, mais, pour ainsi dire, couperosées
par une détestable encre de banquier; tout est devenu
âcre, discordant, tout menace ruine tandis que !a co-
lossale et tumultueuse vie de la société
est galvanisée,
dans les griffes du diable, trop littéralement possédée
du diable Car, en un mot, Mammon n'est d'aucune
manière un dieu, mais un diable, et même un diable
fort méprisable. Suivez le diable, vous n'êtes
que trop
s&i stt'M~y' au uiaMe~ où pourriez-vous aMër ailleurs?
–sÛI'd'atlèï'
En de pareilles situations,
hau ûlalile-: tes hommes se se reportent 1.
'où ffÕiÚ;¡'iëz:.voüs
~E MOMESAMSOK i09

en arrière, ils regardent avec une certaine tristesse ces


de moines bornés, avec leurs pauvres
pauvres figures
litanies, et ils songent avec Bon Johnson, que l'âme est
indispensable, t'âme à un degré quelconque, quand ce
ne serait que pour nous épargner les frais du sel
nous formons,
Quant au reste, il faut l'avouer, nous
autres moines de Saint-Edmundsbury une association
d'êtres bornés, et il semble que nous en menions la vie

stupi'tc. Une bonne partie de notre temps se passe en


bavardages oiseux, n'ayant en somme rien d'autre &
faire quand nous avons fini de chanter. Bavardage sans
mauce. presque toujours, où la médisance est modérée,
fruit de l'oisiveté non de l'ennui. Nous sommes,pour la
plupart, des hommes bornés, lourds, simples d'esprit
prier et digérer ce que nous mangeons suffit à notre
vie. Nous devons recevoir tous les étrangers dans notre
couvent et tes loger gratis telles et telles charges in-
combent, d'après la règle, au Seigneur Abbé qui a ses
revenus personnels telles et telles autres retombent
sur nous et notre pauvre cellier, quelque gôné qu'il soit.
Les .!uifs eux-mêmes, en temps de guerre, envoient
chez nous leurs femmes et leurs petits enfants, où ils
sont reçus dans nos ~aneerta ils y vivent on toute
sécurité, moyennant les justes lances, comme in-
demnité. Nous avons ainsi les meilleures chances de
recueillir des nouvelles. Quelques-uns d'entre nous ont
un penchant pour la lecture des livres,
pour la médita-
tion, le silence parfois même, nous écrivons des
livres. Quelques-uns nous peuvent en
parmi prêcher
Angto-Saxon, en Franco-Normand, et même en latin
de moines; d'autres en sonTmcapabîës en n~mpdrtë
'luette langue ou jargon, étant stupides.
A défaut de tout le reste, sur celui-
quels bavardages
KO US PASSE ET t,E PB~SEN'f ,w.
ci ou cetui-ta C'est là une ressource éternelle. Il faut
voir une tête encapuchonnée s'approcher de l'oreille
d'une autre et lui murmurer quelque chose ~ace~a'
Guillaume le sacristain, par exemple, qu'est-ce qu'il
peut bien faire, toute la nuit, dans sa sacristie? Defy~
quentes libations « fréquelltes
&<&~<onM~~MCB~Mh
centfo ",– heu! Nous avons des « ~Ht~oro MtMM~ows~a,
des époques fixes pour les saignées, où l'on nous sai.
gne tous en même temps nous sommes alors libres è
causer, c'est un sanhédrin de tapageurs. Malgré notM
vœu de pauvreté, la règle nous permet d'amasser jus.
qu'a concurrence de « deux schettings », mais cette
somme doit être donnée aux membres de notre famille
qui sont dans le besoin ou être distribuée en charités.
Pauvres moines C'est ainsi qu'un certain moine de
Canterbury avait l'habitude de « faireglisser, c/~HCM~,
do sa manche », cinq schellings dans la main de sa n~rc.
lorsque cette-ci venait le voir, aux offices, tous les deux
mois. Un jour, comme il faisait ainsi glisser son argent
a la dérobée, juste au moment de se retirer, l'argent
glissa non pas dans la main de sa mère mais sur le
plancher; ce qui, étant revenu aux oreilles du pauvre
moine, parut le plonger pendant quelques jours dans
le plus profond désespoir; jusqu'à ce que Lanfranc,
le généreux archevêque, lui ayant arraché l'aveu de
son secret, étev&t généreusement la
somme permise
à sept schellings', disant au moine: « Cela. ne fait
rien 1 »
Un moine, de nature se distingue
taciturne, de tous
ces jaseur s son nom est Samson
c'est lui qui répon-~
y'
diH< Jocetim v ~'f/rfK<, rëhtaht quTa été brute fuitte j
feu. On l'appelle le « Z?<Mv<~<M'» du Norfolk, c'esH-
i. ËMhnet-! Hist. p. 8.
h. '<h.
M! NOtNE SAMSON Hi

dh'c celui qui excite au litige car, en enet, ayant des


manières graves, taciturnes, il ne jouit pas de la faveur
univo seUe il a eu plus d'une fois des ennuis. Nous
désirons que le lecteur remarque ce Samson. C'est un
homme de quarante-sept ans, bien de sa personne
soiidcment bâti, il se tient droit comme un pilier; il a
des snorcits en broussailles et ses yeux vous scrutent
d'une manière vraiment étrange la tête est forte ave<-
on nez très proéminent" dans la barbe rousse, abon-
dante se voient déj& quelques poils gris; l'expression
est ~mvc. Tel est le frère Samson, c'est un homme
dij~ne d'attirer les regards.
)t est du Norfolk, comme son surnom de
l'indique
Tottin~ton, pensons-nous, où il est né de parents pau-
vres. !t m'i) raconté, à moi Jocelin, car il m'aime beau-
coup, qu'une fois, & i'age de neuf ans, il avait eu un
n~t' inquictant – il faut
dire qu'ici, pour nous tous, le
n~c joue un assez grand ro!e. Le
petit Samson, qui a
pris, un dormant, une mauvaise position dans sa cou-
chette de Tottington, rêve qu'il voit le Malin en per-
sonne, qui, fendant l'air, s'abat en face d'une grande
maison, ses ailes de chauve-souris déployées, et essaie
d'avancer des mains munies de détestables griffes pour
le saisir, lui, le et s'envoler
petit Samson en t'empor-
tant là-dessus, le petit rêveur pousse de grands cris
appelant saint Edmund à son secours it crie, crie sans
arrêter, et voilà qu'en.efiet, vénérable et divine appari-
t'on, saint Edmund arrive; – !a vérité c'est qu'éveillée
par ses cris ta mère du petit Samson arrive, et le diable
et le rêve tout sans laisser dé trace. Au matin,
disparaît
!a 'nèr& méditant un Têve si terriMë, songea qu*ë!!ë
ferait bien de conduire l'enfant devant la châsse de
saint Edmund et d'y prier avec lui. « Regarde, dit le
`_
4<a ~E PASSE ET t.E PKSSENT

petit Samson dès qu'on aperçut la grille de l'abbaye,


regarde, maman, voilà la maison dont j'ai rêvé! » Sa
pauvre mère le voua à saint Edmund, elle le laissa
au couvent après force prières et force larmes:
que pou.
vait-elle faire de mieux ? De son rêve, Samson, avait
coutume de donner l'explication suivante: le /)<a&o.
/MS avec ses ailes de chauve-souris déployées symboli-
sait les plaisirs de ce monde, M/HpMM AM/MS sœcM/<,
qui allaient se saisir de moi et m'entraîner, si saint
Edmund n'était pas venu m'entourer de ses bras, c'est.
à-dire s'il n'avait pas fait de moi un moine. Moine,
c'est de la sorte que Samson le devint et qu'il est resté
en ce couvent depuis le jour où sa mère l'y laissa. C'est
un homme instruit, une nature fervente et grave, JI a
étudié à Paris, il a enseigné, ici, dans les écotes de la
ville, et fait bien d'autres choses il peut prêcher en
trois langues, et, comme le D~ Cains, « il a subi des
épreuves a certaines heures. C'est un homme réftë-
chi, résolu très aimé de quelques-uns mais n'est
qui
pas aimé de tous, dont les yeux clairs vous pénètrent
d'une manière presque gênante 1
L'abbé
Hugo, comme nous l'avons dit, avait eu des
difficultés avec lui l'abbé Hugo l'avait fait un jour em-

prisonner, afin de lui apprendre ce que c'était que l'au-


torité et à craindre le feu dans l'avenir. Carle frère Sam-
son, au temps des Antipapes, avait été envoyé a Rome
en mission et, revenant après avoir était
réussi~!
arrivé trop tard l'affaire ayant été tout de travers
dans l'intervalle 1 Comme c'est encore une chose fté-
\mente, parmi nous autres Anglais, que d'aller faire un
tôucà Rome~ teJecteur ne~e rcfttftera peut-être pas~
examiner les moyens dont on usait pour s'y rendre, en
ces temps éloignés. Nous possédons heureusement, un
'h~ 4:¿.,< .<0:,
_u~
tE tMMNBSAMSOK )H3

court récit de ce voyage, tel que l'a fait le narrateur lui-


tNeme.
Par les yeux clairs du Frère Samson et la relation
de son voyage, nos regards plongent directement au
sein même de ce douzième siècle et il nous apparaît
assez curieux. Le papa actuel, le Père, le Président
universel de la chrétienté,qui n'était pas encore une
chimère alors, siégeait là-bas; songez donc déjà à ce
seul fait Le Frère Samson vint à Rome comme à la
réelle Fontaine-de-lumière de ce misérable monde;
nous, aujourd'hui, quand nous y allons – Mais
écoutons te Frère Samson nous raconter son mode de
voyage
« Vous savez tout te mal me donnai
que je pour
cette église de Waolpit; comment
je fus dépêche à
Rome au temps du schisme entre te pape Alexandre
et Octave comme je traversai l'Italie & une époque
où tout ecclésiastique porteur de quelque lettre pour
notre Seigneur le pape Alexandre, était saisi, quel-
qucfoisjetéon prison, d'autres fois pendu; quelques-
uns, après qu'on leur avait arraché le nez ettes tèvrès,
Il étaient à notre
envoyés Seigneur le Pape, pour sa
honte et confusion (in ~eefecMS coM/~Moac~ ~/a~.
Quant & moi, cependant, je "me fis passer pour un
Ecossais, je pris les vêtements d'un de ceux que je
contrefaisais, j'en imitai les manières et je m'enga-
» geai à travers
l'Italie quand quelqu'un se moquait
de moi, je brandissais mon bâton à la façon de cette
"arme qu'on appelle des paroles
yaae/oe', proférant
» de menace
d'âpres l'usage écossais. A ceux que je
TTencôntrais et qui me demandaient qui j'étais je ne
Javelot, pique de trait. Gaveloe est encore te terme dont les Ecossais se eer
Mnt pour
désigner h pince (la crowbar des Anghb).

8
M4 PA8S<! BT ~N MËS~T

M répondais que par ces mots Ride, ride Rome, ~'nc


C«M~p~&e~<.
H C'est ainsi que je m'y pris pour cacher qui j'étais et
n mon but, et parvenir plus sûrement à Rome sous les
1) dehors d'un Écossais.
» Ayant enfin obtenu une lettre de notre Seigneur
te Pape, conformément à mon
désir, je repris ma
)1 .oute vers Saint-Edmundshury, Sur mon trajet j'av ais
M a traverser certaine ville importante; mais hélas,
arrivé là, voilà les soldats qui m'entourent, me saisis.
a sent en disant: « Ce vagabond (iste solivagus) qui fait
semblant d'être Ecossais est un espion ou bien il est
Il
Il porteur de quelque lettre du faux pape Alexandre.
a Et tandis qu'ils me passaient en revue point par
Il point jusqu'au moindre bout d'étoffe, mes grandes
a guêtres (caligas), mes pantalons et jusqu'aux vieux
a souliers que je portais sur mon épaule à la manière
x des Ecossais, moi, je plongeai ma main dans le
a petit sac de cuir que je portais et où se trouvait la
» lettre de notre le Pape avec une petite
Seigneur
)1 gourde ~ct~Ttts~ que j'avais au cas où je voudrais boire;
)) par la grâce de Dieu et de saint Edmund, je retirai
s tout ensemble la lettre et la gourde si bien qu'ayant
» le bras levé, je tenais la lettre cachée entre la gourde
M et ma main les soldats
la gourde, virent
mais la tet-
a tre ils ne la virent pas. C'est ainsi que je m'échappai
» de leurs mains, au nom du Seigneur. Tout ce que
» j'avais d'argent, ils me l'avaient'pris, aussi dus je
» mendier de porte en porte, sans rien pouvoir payer

t. Cela weut-M dire: Rome pour toujours, Ctmterimfy Ht)~ (ce qui serait MM!'
diquer sur noua une euprëtnatte h~aate ? M. Rokewood garde le eHence. Pe"
8!eM-S6c!t8 nous expliquerait peut-être cela après une semaine ou deux de h*'
vardagM si on se risquait a l'interroger (~?c<e de Carlyle.)
<<EMQtNESAMSON <M

n ~sMe Omni expensa) jusque ce que je fusse de retour


Il en Angleterre. Mais lorsque que t'Eg!ise de
j'appris
Wootpit était déjà donnée à Geonroy RideH, mon
.) Ame fut plongée dans t'afniction en voyant que je
mutais donné tant de peine en vain. Arr ivé an cou-
vent, donc, je m'assis en secret sons la châsse de
saint Edmund, craignant que notre
seigneur abbé ne
me fit saisir etcmprisonner, quoique! n'y eût rien &me
reprocher et il n'y avait pas un. seul moine qui osât
me partor'ni un seul laïque qui osât m'apporter
quel-
que chose & manger, autrement qu'en cachette' o.
Ytjita quel repos et quel accueit trouva !o frère Sam-
sun, pour prix de ses semelles usées et de son cœur
vaillant Il reste assis là, sans mot dire, retournant
·
tu:<intcs pensées dans son esprit, au pied de la châsse
de saint Ëdmund. En ce vaste monde, en dehors de
saint Hdmund, que! ami ou quel refuge a-t-il ? Notre
seigneur abbé, entendant prononcer son nom, envoie
celui que la fonction conduire Samson en pri-
regarde
son et lui « mettre tes fera ». Un pauvre moine, pré-
pose à quelque autre fonction, lui apporte à !a dérobée
une coupe de vin, l'invitant à être « consolé dans le
Seigneur '). Samson ne profère pas une plainte; il obéit
en silence. « Notre
seigneur abbé, ayant délibéré à ce
sujet, m'exila à Acre ou je dus rester fort
pendant
longtemps, x
Notre seigneur abbé fit ensuite sur Samson
l'épreuve
des dignités il le Ht sous-sacristain, puis biMiothé-
<~ire, ce que Samson préférait à tout, aimant passion-
J!'vres~Samson< enfermant bien des~en-
sées ~ans son cœur, obéH encore en silence il s'ac-
quitta de ses ioMtions dans la perfection, mais ne
1. Cbronlque do
Jocelin, p. ?.
M6 !.E PASSE ET !.E MISENT

remercia jamais notre seigneur abbé,– il semblait pt~.


tût vouloir lire en lui, quand il le regardait do ses yeux
clairs. Sur quoi l'abbé Hugo déclara, M nunquam
M<Mss0, n'avoir jamais vu un tel homme, de qui on ne

pouvait obtenir par les sévérités qu'il laissât échapper


une plainte, ni par les faveurs qu'il s'adoucît et con.
B~
sentit à un sourire ou à un remerciement, un homme M
bien difficile à s'expliquer, que ce Samson 1
C'est de la sorte, non sans épreuves, mais néan-
moins en continuant à se tenir droit et ferme, que le
Frère Samson a atteint
sa quarante-septième ann~e;
et aujourd'hui, dans sa barbe rousse.se voient déj& quel.
ques poils gris. U a entrepris, pour l'heure, do faire
réparer diverses choses qui ont été brisées peut-Mrc
même de faire achever le chœur car il ne peut rien
souffrir qui soit en mauvais état. Il a amassé des mon-

tagnes de chaux et de sable » il a des maçons, des


couvreurs d'ardoise, installés
a la besogne par !ui et
notre moine Warinus, ~aW~MS ~o/tac~MS noster, qui
tous deux partagent le soin de la châsse; ils ont payé la im
somme convenue qui leur a été fournie par les
citoyens charitables
de Saint-Edmundsbury, à ce qu'ils jH~
disent. Les citoyens charitables dé Saint-Edmunds- j~
bury? Quant à moi, Jocelin, je croirais plutôt que
Samson et Warinus, qui est à sa merci, ont constitué ~t~
peu à peu cette somme de leurs propres deniers, au jM~
profit de la châsse elle-même, pendant ces dernières
années d'indolence et de dilapidations, tandis que i'abMjSm
Hugo restait assis dans ses appartements, emoutou~ M~
jet Jnaçcassibte etjc'est ainsL qu'i!s_ luttent- avec ujMJJjj~
pareille prddence, pour empêcher la pluie de pénétref~~
dans la chapelle Dans quelles conditions, parfois, aB~
i.Chron!q)t8deJoce!!n,p.7. 7. jjn~
IL ClI. Il
la Folie n'a-t-etto pas à lutter contre la Sagesse; jua'
de persuader
qu'a être obligée à la Folie de se couvrir
de chaume pour se garantir contre la pluie Car, en
vërite, si c'est l'enfant qui gouverne sa nourrice, quelle
habiter ne faudra-t-il pas que la nourrice déploie pour
sa part
Ce nous est encore un sujet de regret qu'en cette cir-
t'onstance, les surveiUants de notre soigneur Roi soient
intervenus et nous aient interdit de rien bâtir, ni de
rien couvrir de chaume, d'où que les ressources nous
soient venues; ainsi le choaur ne sera pas achevé et la

pluie et le temps, pour le moment, feront leurs ravages


sans rencontrer d'opposition. Guillaume te sacristain,
celui qui fait do fréquentes libations et autres choses
dont on ne peut pas parler », celui qui a le nez rouge,
se sera plaint c'est t~ mon idée – aux surveillants
du Roi, désireux de jouer à Samson un mauvais tour:
Samson son sons-sacristain, aux yeux pénétrants, ne
pouvait pas espérer trouver près de lui grande faveur 1
la Samson, cette fois encore, obéit en silence.
CHAPITRE VH

LA SOLLICITATION DE SUFFRAGES

Cependant, voici que de grandes nouvelles arrivent


a à savoir qu'un abbé va être élu,
Saint-Edmunsbury:
que notre obscurité interlunaire va cesser, le couvent
de Saint-Edmund ne sera plus une veuve désolée mais
il va retrouver !a joie et redevenir une épouse! Souvent,
dans notre veuvage, nous avions prié le Seigneur el
saint Edmund, chantant, chaque semaine, pendant la
durée de <' vingt-et-un de la pénitence
psaumes », à
genoux dans le chœur, afin qu'un digne pasteur nous
fût accordé. Et, dit Jocelin, si certains avaient su quel
abbé nous allions avoir ils n'auraient
pas été si dévots,
je pense Jocelin, ce Boswell en petit, ouvrea l'humanité
les écluses d'un de couvent:
authentique bavardage
Nous ainsi
prêtons l'oreille, qu'a des Dionysiaques, au
plus terrible des vacarmes, pareil aux voix qui dans
Virgile se font entendre à la porte des cornes du
~M
royaume des Rêves. Même un de cou-
bavardage
vent a sept sièc!es de distance~ de
prend !'impor- ~~M
tance.
<MCi< ~t<M!aM ~« ~tfo~em ~;ei'tain personnag~
dit d'un certain autre: « Lui, ce /ra~f, est un bon
» moine, pyo6et&t~s persona it connaît bien la dise!-
.I.U~1--l, .,Z,.~¡" .£. ~< ~d"
TàaoÏ.RëMAMMM SN'PMCËS M9
de l'église,
? p!)ne et les habitudes et bien qu'i! ne soit

pas aussi parfait philosophe que d'autres, il ferait un


très bon abbé. Le vieil abbé Ording, encore cé!ebre
» aujourd'hui parmi nous, savait peu de chose des
n beUes-!ettrea. En outre, ainsi que nous l'apprennent
o tes fables, mieux vaut prendre pour roi un soliveau
qu'un serpent, si sage fût-it, qui sifflera, venimeux,
et mordra ses sujets. – un
Impossible! répond
auh'e, comment un homme pareil pourrait-it faire
un sermon au chapitre ou au peuple, les jours de
fe!e, s'il n'entend rien aux beHes-tettres? Comment
serait-it capable de lier et de déHer s'il ne comprend
pas les écritures? Comment –?
Et puis, d'autre part, un autre dit d'un autre, a/«M
f/e alio « Ce Frater est un homo /<t~M, éloquent,
sagace; ferme en matière de discipline Haime beau-
coup le couvent et a sounert beaucoup par amour
pour lui. A quoi un troisième répond: « De tous
vos grands clercs, que le Seigneur nous délivre 1
des excitateurs au litige, de ces gens du Norfolk
Il et de ces individus moroses, qu'il te plaise de nous
préserver. Seigneur, daigne nous entendre
Et puis voilà autre
qu'un ~MM?<HMdit d'un autre
y«o<~afH: « Ce~a~' est un bon administrateur (huse-
&<MdtM)»; mais on lui répond bien vite: « Dieu nous
garde qu'un homme qui ne sait ni lire ni chanter, ni
célébrer l'office divin, un homme injuste avec cela,
oppresseur des pauvres diables, devienne jamais
abbé! » L'un, & ce qu'il semble, s'acquitte scrupuleu-
sementde l'approvisionnement. Un autre est, à la vérité,
'~hommc~sag~maisene~intmanquër d'égards envers
les inférieurs, ne la peine de leur ré-
prenant pas même
pondre s'ils discutent trop sottement. Et ainsi de chaque
«~HM concernant son – des pages
aliguo pendant
entières de bavardage électoral. « Car, dit Jocelin,
autant d'hommes autant d'avis, » Nos moines, il
l'époque de la saignée, ~~po~e m~H~oMM, tenant leur
Conseil de bavardage, causaient de la sorte mais le
Frère Samson, je l'ai remarqué, ne disait jamais rien:
il restait assis, silencieux,
quelquefois souriant, prenant
bonne note de ce que les autres disaient,et le resservant,
à l'occasion, vingt ans après. Quant à moi, Jocelin,
j'étais d'avis que « quelqu'un d'habile en la Dialectique,
aQn de pouvoir distinguer !e vrai du faux, ferait bien
comme abbé. Comme un novice inconsidéré que M
j'étais alors je m'exprimai en toute conscience sur le
compte d'un certain bienfaiteur à moi et ne voilà-t-il
pas qu'un de ces fils de Belial court lui reporter mes
si bien que jamais plus
paroles par la suite il ne me g~
a regarde avec le même visage » Pauvre petit Boswe!! 1
Ainsi bourdonne et bouillonne de ce ferment en St
écume l'esprit général et le manque s'ef-
d'esprit;
forçant de « conclure » selon la phrase consacrée, BJt
autrement dit de s'assurer de ce qu'il veul réellement:
ce qui n'est pas chose aisée, en bien des cas. Saint-
Edmunsbury, à cette époque de la Chandeleur de l'an
1182, est le lieu d'une active fermentation. Les tailleurs
eux-mêmes assis sur leurs métiers, méditent, se de-
mandant: qui sera abbé? Les Sochemanni
s'entre-
tiennent de cela en poussant leur attelage de boeufs & j~
travers champs et de même les vieilles femmes avec
leurs fuseaux; et personne, ne sait ce que le J~
cependant,
grand jour amènera.
PpMUf, cependanty-en ~ant que notre chef par ~S~
intérim, doit procéder à la besogne « douze
prendre
moines et se mettre en route avec eux pour aller
~B
_x ~< .s~.v.=
tASOt.MC!TAT!9NM80PFR&OEa "tât

trouver Sa Majeté à Waltkam, où l'élection doit se


faire. Une élection, qu'elle s'effectue directement par
urne de scrutin, dans des « » ou indi-
bustlings publics,
rectement par la force de l'opinion publique, ou fût-ce
même au moyen de cabarets publics, des coercitions
des propriétaires terriers, des lois populaires du bâton,
ou de n'importe quelle méthode électorale est tou-
jours un phénomène intéressant. Il y a là, visible, une
montagne ébranlée par un grand travail d'enfantement.
lançant dans l'air des nuages de poussière et des bruits
absurdes, ne sachant encore à quelle souris ou à quel
monstre elle donnera naissance.
En outre, c'est un acte social infiniment important;
c'est même, au fond, le seul acte social important. Les
hommes choisis par un peuple étant donnés, le peuple
lui-même, avec son exacte valeur ou absence de valeur,
est donné. Un peuple héroïque choisit des héros et est
heureux un peuple de valets ou d'hommes vils choisit
de faux héros, ce qu'on des charlatans, les
appelle
tenant pour des héros, – et n'est pas heureux. Le ré-
sumé essentiel de la condition d'un homme,
spirituelle
ce qui met au jour ce qu.'i! y a en cet homme d'étoffe
d'un héros et de profondeur de vue ou ce qu'il y a
en lui d'étoffe d'un valet, de corne
d'aveuglement,
sur ses yeux, c'est la suivante
question posée à cet
homme « Quel homme honores-tu? Quel est ton
Il idéal ou qu'est-ce
d'homme, qui s'en rapproche le
plus? » De même pour un peuple: un peuple de même;
chaque peuple prononce son choix, ne fut-ce qu'en
obéissant silencieusement, sans se révolter pendant
~a duréed'un siècle environ, ÏFhë faut pas croire~nonpÏus
que les méthodes électorales, les Bibles de réforme et
choses du même soient Les métho.
genre inimpprtantes.
<? LE
t.BPASSJËBTMPRNSEN'f 3:

des é!ectoraies d'un peuple sont, à la longue, ï'imMe


expresse de son talent électoral, tendant, gravitant
sans cesse vers !eur conformité avec celui-ci et demeu-
rant, à tous leurs stades, très significatives sur !e
compte du peuple qui les emploie. Pour les lecteurs
judicieux de nos jours il n'est pas indifférent de voir
comment les moines du douzième sièc!e élisaient leur
abbé; comment la montagne de Saint-Edmundsbury
pratiquait son accouchement et quelle souris ou quel
homme en était le produit.
CHAPITRE VM

L'ÉLECTION

Notre Abbé mort, notre prieur nous rassemble au


chapitre, et après que nous l'avons adjuré au nom de
Dieu de procéder avec équité, il désigne douze moines,
qui ne sont point élus par nous, mais dont nous avons
approuvé le choix, choix assez passable. Parmi eux
sont Hugo, troisième prieur, le frère Denis, homme
vénérable, Watter le AfceftCMS, Samson le subsacrisla
et autres hommes estimés quoiqueGuillaume, le
-Sat~o, avec son nez rouge, soit du nombre. Ces moi-
nes devront se rendre directement à Waltham pour
y élire un abbé du mieux qu'Us pourront et dans la “
mesure où ils seront laissés libres de choisir. Les moi-
nes ont fait vœu d'obéissance ils ne doivent pas parler
trop haut sous peine des fers, de la prison, du pain et
de l'eau les moines, eux aussi, voudraient
cependant
bien connattre et apprécier ce à quoi ils obéissent. La
communauté de Saint-Edmundsbury n'a pas de hus-
t'ngs, d'urne de scrutin, n'a pas, en somme, de vote
publie cependant par diverses vagues manipulations,
certaine façon de lui tâter le pouls, nous pouvons nous
w
fnbrcer ttë rechercher~uëfesTsoh but v~tueî, ernous~
réussirons plus ou moins à le trouver.
J~L. ~BPAS~Ë
ETtE PR~E~y.

La question, néanmoins, est soulevée question,


hélas, tout à fait préliminaire le souverain (DoMMas
~ea?) nous permettra-t-il de choisir librement? Espe-
rons-le En ce cas nous sommes d'accord pour choisir
quelqu'un de notre propre couvent. Sinon, si le Domi-
nus Rex veut nous imposer un étranger, nous sommes
résolus h demander jugement nous pouvons en appe-
ler, plaider, faire des objections nous en
pouvons
même près du pape, mais espérons
appeler que ce ne
sera pas nécessaire. Mais voici que le frère Samson
soulève une autre question. Et si tes treize eux-mêmes
n'allaient pas pouvoir s'entendre ? Le frère Samson,
SM&s<ïcr<s~, trouve souvent, ainsi qu'on a pu le remar-
quer, telle question, telle suggestion qui ne manquent
pas de sagesse. Infime serviteur parmi les plus pauvres
serviteurs, et quoiqu'il parle peu, les paroles de Sam-
son portent toutes, ça. elles sont pleines de sens il
semble qu'il soit la lumière qui nous permet de nous
diriger dans cette obscurité profonde.
Que faire si les treize eux-mêmes n'allaient pas pou-
voir s'entendre ? Parle Samson, conseille-nous. Ne
pourrait-on pas, suggère Samson, choisir six des plus
vénérables parmi les plus âgés d'entre nous, sorte de
comité électoral, recruté ici et là nous leur ferions
prêter serment, « la main sur les yeux fixés
l'évangile,
sur le Saint-Sacrement (Sacro » d'agir avec
sancla)
Rdétité ces six hommes, en secret et comme s'ils
étaient en présence de Dieu, s'entendraient pour en
désigner trois, reconnus par eux plus aptes ils écri-
raient leur nom sur un papier qu'ils remettraient incon-
tinent cacheté, aux treize c'est un de ces trois que les
trëtzeauraiënTà choistr, sfon le leur permettait. Si on
ne le Ieurpermettaitpoint,c'est-&-diresi!eDoM!MMSjRe.)!;
_r.t
t~MCfMN 133

nous forçait à demander – le papier devrait


jugement
être rapporté, toujours cacheté et brûlé publiquement
afin que le secret de personne ne soit pour lui une cause
d'ennuis.
Ce que Samson nous conseille de faire, nous le fai-
sons ce qui est agir sagement, en ce cas et en d'au-
tres moments de crise. Notre comité électoral, les yeux
sur le Saint-Sacrement, est bientôt élu, a bientôt prêté
serment nous, entonnant le cinquième psaume,
tcf6aJ!/ca ».

PrMe l'oreille à mes paroles, 0 Seigneur


Daigne peser ma méditation,

nous sortons en chantant, deux par deux, du chapitre,


y laissant les six procéder à leur besogne. Cette beso-
gne, au bout de peu de temps, ils annoncent qu'elle est
finie les yeux sur le Saint-Sacrement, conjurant le
Seigneur de les assister et de peser leur méditation, ils
ont choisi trois noms et les ont écrits sur cette feuille
de papier cachetée. Samson le subsacrista, serviteur
de la petite troupe, en aura le garde et demain matin
notre Prieur et ses douze moines pourront se mettre en
route.
Voilà donc l'urne de scrutin, les machines de triage
électoral usités à Saint-Edmundsbury: l'esprit 6xé
sur le Très-Saint, un appel montant vers Dieu pour
lui demander d'assister les hommes dans leur médita-
tion et c'est là de beaucoup le meilleur, même à vrai
dire la seule bonne, de toutes les machines de triage
électoral si les hommes portent une âme en eux.
MacMne~ën revanche, sans Valeur, hideuse meule et
dangereuse, si les hommes n'ont pas d'âme. Mais sans
âme, hélas, quelle machine de triage, dans tes élections
r_
t86 MSS~ ET M pa~SNT
~M~MQ~M~ti t~n~tt At<t~ <.A:t:t~ tt C?-~
humaines, peut être d'aucune utilité Sans âme, nous
ne pouvons pas avancer nous restons coUés au sol, 0
offrant le plus lamentable des spectacles et quand
même on nous salerait on ne nous sauverait point.
Le lendemain matin, donc, voilà nos treize qui se
mettent en route; ou- plutôt notre prieur avec onze
moines car Samson, en sa qualité de serviteur de la
petite troupe, est obligé de rester les autres,
après
d'arranger bien des choses. A la fin, lui aussi se met
en route il marche d'un pas ferme « portant le papier
cacheté dans une poche de cuir à son cou
suspendue
et froccum &<~H/<ïMSin ulnis (merci bien Jocelin du rac-
courci) les manches de sa robe relevées au-dessus du
coude », comme à qui incombent les gros
quelqu'un
ouvrages de force. I! traverse la Bruyère qui à cette
époque n'est pas encore devenue Newmarket ni un
champ de courses il traverse la digue de Fleam et )a
digue du Diable qui ne servent plus aujourd'hui de
borne ou de rempart aux Anglais des com-
hospitaliers
tés de l'Est il marche sans s'arrêter vers Waltham,
vers la résidence de l'évoque de Winchester, car c'est
là que se tient Sa Le frère Samson, comme
Majesté.
il porte la bourse, a mission de payer toujours quand
il y a Heu « les étapes sont nombreuses
», le voyage
n'est pas des plus rapides.

Cependant, dans la solitude


du couvent, la Destinée,
bien qu'elle fût grosse et que l'heure de l'enfantement
fût proche, bavardait, rêvait les rêves Jes
jacassait,
plus fous Le nom des trois est un secret
que seuls
savent les électeurs, nos aînés. Nous allons avoir un
Abbé qaLnous gouvernera mais qui ~on~ncus avoir
comme Abbé, oh, qui ? Un moine, pendant qu'il était
de veille, a eu une vision dans H lui a été
laquelle
–-
~EMCTMN" "–~

montré qu'on nous donnerait un Abbé pris dans notre

propre sein, sans que nous ayons besoin de demander


un prophète lui est apparu tout de blanc
jugement
vêtu. qui lui a dit « Vous aurez l'un d'entre vous, et il
fondra parmi vous comme un loup, sasft~ ut lupus.
Vraiment) 1 alors, lequel d'entre nous? Un autre
moine, maintenant, rêve à son tour il a vu clairement
celui d'entre nous qui sera notre Abbé un homme dont
la taille dépasse celle des deux autres de la tête et des
épaules vêtu d'une aube et d'un pallium et dans l'atti-
tude de quelqu'un qui s'apprête à combattre cet
homme de haute taille, l'auteur s'il est sage fera mieux
de ne pas le nommer en cet endroit du récit Il suffit
de dire que la vision devint une réalité, que Saint-
Ednmnd lui-même, pâle et terrible avait paru s'élever
au-dessus de sa châsse les pieds nus et prononcer dis-
tinctement ces mots « C'est lui, t//e, qui couvrira mes
pieds » et que cette partie de la vision, elle aussi, fut
reconnue par la suite comme reposant sur une réalité.
Ces divinations, ces visions, cet aperçu confus de l'im-
portant événement futur, les tisserands, les vieilles
femmes, tous les artisans s'en entretenaient et « mainte
fois le bruit courut dans
Saint-Edmundsbury qu'un tel
était élu puis que c'était tel autre,ou un troisième. » Qui
sait?
Mais ce qui est certain c'est qu'à Waltham, « le
second dimanche de la Quadragésime » que Pous-
sière-Sèche déclare correspondre au 22 février de
l'an 1182, on pouvait voir treize moines de Saint-
Edmundsbury s'acheminer en procession vers la Rési-
dence de~Vinchcster~ ta its furent introduits dansunc
haute salle du trône, devant la Cour Souveraine,
prési-
dée par Henri !Ï dans tout l'éclat de sa
gloire. Quelle
.~t. PASSENT M PnSSEKT'

Cour
pas le moins du monde imaginaire, mais réalité
parfaitement indiscutable, quoi qu'elle nous apparaisse v
si obscure, plongée qu'elle est dans les profondeurs
lointaines de la nuit Le manoir de Winchester s'est
matériellement envolé, comme le rêve d'une nuit recu-
lée Poussière-Sèche lui-même serait incapable de nous
en montrer le moindre débris. La demeure, les êtres
roi et évoque, lords et écuyers, où tout cela est-it? t)s
étaient là, dis-je, il y a de cela sept siècles
quelque
profonde nuit qui les enveloppe, ils sont cependant
encore ? regarde, perce de tes regards les voiles de
la nuit, et tu verras Le roi Henri lui-même est visible;
c'est un homme vif, à l'air noble,à la barbe grisonnante,
qui porte un costume éclatant, malaisé à décrire des
comtes l'entourent, des évêques, des dignitaires, vêtus
d'une manière analogue. La Cour est une vaste pièce, à
côté de laquelle, pour la circonstance, est un autel ~Jj
une chapelle avec un autel mais comment sont les
dorés, les tables sculptées, les nattes
sièges de jonc, M
les tapisseries pendues au mur et les immenses feux de
bois hélas, tout cela renferme de la Vie Humaine, et
n'est-ce pas là le grand miracle sous les décors et les
costumes qui le recouvrent ?2
Le Dominus Rex écoute avec bienveillance les pro-
testations d'obéissance de nos treize, il déclare gracieu-
sement qu'il s'efforcera d'agir pour l'honneur de Dieu
et le bien de l'église puis il fait savoir, « par l'Ëveque
de Winchester et Geoffroy le chancelier a – <?<
c<Mc<arHM, que le Roi ici présent, fils légitime
d'Henri et de la belle Rosamonde – enjoint « aux
.treize moines~de ne -pas se retireF, de s'entendre pour~~
désigner trois d'entre les membres de leur propre mo-
nastère ». La besogne fut bientôt les trois ~N
faite
'~ËMCTMÛtt -–––
~t<a ût~ct~tto Qttt~ttM du ~t
paient déjà tout prêts, suspendus autour cou de
Samson, dans sa poche de cuir. Nous brisons le sceau,
nous lisons les -noms suivants qu'en pensez-vous,
vous autres, hauts dignitaires, toi, indolont toi
prieur,
Guillaume sacrisla avec ton nez d'un rouge bouteille `t
-les noms sont, dans l'ordre suivant, ceux de Samson
im~ac~a, Roger le malheureux celler ier et Hugo,
fM'MS JM'W.
Les hauts dignitaires, tous omis sur cette liste,
Il sentent le rouge leur monter au visage
brusquement
mais ils n'ont rien à dire. Un fait, en même
temps,
est assez curieux Comment le troisième
Hugo,
prieur, qui faisait partie du comité électoral a-t-il
t'-tc amené a se désigner ~«-~nc comme l'un des
trois? Fait curieux, troisième n'a
qu'Hugo prieur
jamais complètement éclairci, que je sache – Quoi
qu'il en soit, nous rentrons dans la salle et nous fai-
sons savoir au roi les trois noms, nous bornant à en
moditier l'ordre, mettant celui dp Samson en dernier,
comme celui du plus humble d'entre nous. Le roi,
entendant prononcer les trois noms, nous demande
« Qui sont ces hommes ? sont-ils nés
dans mes domai-
nes ? leur nom m'est totalement inconnu 1 Il faut que
vous en nommiez trois autres, » Là-dessus, Guillaume
Sacrista nous dit: « Notre prieur doit être
nommé,lui qui
est déjà la tête de notre
corps, quia caput nostrum est.
Et le prieur « Guillaume Sacrista est un digne
répond
homme, bonus vir est en dépit de son nez rouge. »
Passe-moi le séné, Toby, je te passerai la rhubarbe
Le vénérable Denis est nommé aussi personne, en
tonte conscience ne peut s'y opposer.
y ïr mainte-
nant six noms sur notre liste. Bien, dit le Roi, ces
hommes ont fait vivement, ma foi Deus e~ c<w! CM.
9
H
t30 M PASSE ET Î.B PRÉSENT

Les moines se retirent de nouveau


et sa Majesté, assis-
tée de ses Pares Episcopi, de ses Lords ou « e~cu.
teurs de la loi » et des surveillants des âmes, retourne
quelque temps dans son esprit les pensées de son
royal cerveau.
Bientôt les moines sont rappelés et on leur enjoint
d'ajouter une fois encore trois noms
mais de ne choi-
sir personne dans leur propre couvent de choisir dans
d'autres couvents, « pour l'honneur de mon royaume »
déclare Henri. Cette fois – qu'est-ce qu'il faut faire
cette fois ? Nous demanderons jugement s'il le faut
Nous trois
désignons cependant moines, pour la
forme le prieur de Saint-FaHh, un bon moine de Saint-
Néot, un bon moine de Saint-Alban, tous de bons
hommes tous faits depuis lors
et dignitaires. abbés
Il y a maintenant neuf noms
sur notre liste. Quels peu-
vent être, cette fois, les desseins du Dominus Rex ?
Le Dominus Rex, nous remerciant gracieusement,
nous enjoint à présent d'avoir à rayer trois noms. Ceux
des trois étrangers sont immédiatement rayés. Gui!-
laume Sacrista qu'il va, de son propre
ajoute chef,
retirer sa candidature
effet de la grâce et du respect
pour le Saint-Sacrement qui se produit même chez un
Guillaume Le roi nous ordonne alors de rayer encore
deux noms puis encore un celui d'Hugo troisième
prieur, de Roger le Cellerier et du vénérable moine
Denis disparaissent et maintenant il ne reste plus
que deux noms sur notre liste, celui de Samson Subsa-
crista et celui du prieur.
Lequel de ces deux? Il n'est pas facile de se pronon-
cer–a-dea moines qui peuvent être mis au~ fers~
et jetés en prison, pour avoir parié 1 Nous demandons
humblement que l'Évêque de Winchester et Geoffroy
L'~LECTMN i3i

le chancelier soient admis à rentrer et à nous aider


dans notre décision. Lequel désirez-vous avoir ?`1
demande l'évoque. Le vénérable Denis fait un discours
u louant les personnes de Samson et du prieur mais
dans tous les coins de son discours, in an~H~o sui ser-
MOMM, il ramène Samson. Je vois dit l'évoque.
Vous nous laissez entrevoir que vous êtes assez peu
ardent pour votre prieur, et que vous désirez avoir pour
Abbé celui que vous appelez Samson. L'un comme
l'autre fera un bon Abbé, dit le vénérable Denis pres-
()n'en tremblant, mais nous souhaiterions avoir le
mciiïpur, s'il plaisait à Dieu. – Lequel des deux voulez-
vous en somme? demande l'évoque avec netteté.
ëamson répondit Denis » Samson en
répétèrent
chœur tous ceux des autres qui osèrent dire ou répé-
ter quelque chose et le nom de Samson fut rapporté
au roi en conséquence. Sa Majesté, réfléchissant un
instant, ordonne que Samson soit introduit avec les
douze autres.
Sa Majesté Royale nous regarda avec quelque sévé-
rité, puis nous dit « Vous me présentez Samson, je ne
le connais pas si vous aviez choisi votre prieur, que
je connais, lui, je l'aurais accepté quoi qu'il en soit je
ferai maintenant comme vous le désirez. Mais veillez
sur vous-mêmes. Par les vrais yeux de Dieu,joey M/'os
ocM/os Dei, si vous ne vous conduisez pas bien j'aurai
Fcci! sur vous « Samson, là-dessus, s'avance, baise le
pied du roi puis it se relève aussitôt de toute sa hau-
teur, se tourne aussitôt vers l'autel, entonnant avec les
w-
douze autres, d'une claire voix de ténor le cinquante
et unième « Miserere
psaume, mei, Deus ».

Après le témoignage de ton amour, Seigneur,


Sois miséricordieux envera moi.
i32 Ï.8' PASSEET )t.EPBËSENT
Sa voix est ferme, il se tient ferme sur ses pieds, son
attitude est ferme, il n'y a pas le moindre changement T
d'aucune sorte dans sa physionomie. « Par les yeux de J
Dieu, dit le roi, je crois qu'en voilà un qui gouver-
nera bien l'abbaye. » Par le même serment (inscrit au
compte de Sa Majesté) je suis précisément moi aussi
de la même opinion 1 Il y a déjà pas mal de temps que
je n'ai rencontré, en
quelque lieu que ce soit, un
homme plus propre & son rôle que ce nouvel abbé
Samson. Puisse-t-il vivre longtemps et puisse le Sei-
gneur se montrer miséricordieux envers lui dans ses
fonctions d'abbé 1
Ainsi donc voilà ces moines de Saint-Edmundsbury
qui, sans urne de scrutin spéciale ni autre bonne
ma-
chine à trier, parviennent à accomplir le fait social le
plus important qu'une réunion d'hommes puissent réa-
liser, à trier d'entre tous les autres l'homme propre à
les gouverner et vraiment, l'on ne voit pas comment,
à l'aide de n'importe quelle machine à trier, ils eussent
pu mieux réussir. 0 cieux cléments, vous le savez, il y
a dans toute nation, dans toute communauté, un homme
qui est le plus apte, le plus sage, le plus brave, le meil-
leur si nouspouvons le découvrir, en faire notre roi,
tout, en vérité, ira bien parmi nous c'est déjà bien
heureux que Dieu et la nature nous aient permis, à
nous, de l'élire 1 Par quel art le découvrir ? Le ciel,
dans sa pitié, ne nous enseignera-t-il pas cet art ? car,
certes, il e°t grand le besoin que nous avons du plùs
apte 1
Urnes de scrutin, BiMs de réarme, machmas a trier~~
tout cela est bon, ou plutôt n'est pas si bon que vous
pensez hélas, més frères, comment cela pourrait-il ne

pas être inadéquat, comment cela pourrait-il constituer


1
–-
!<'6tBCTM)!< '––––

autre chose que des échecs, qu'il est mélancolique de


constater? Quand toutes les âmes humaines sont cou-
ver tes d'un bandeau qui leur cache le divin, le haut, le
terrible sens de la Noblesse humaine et de la vérité,
jamais nous n'arriverons à les découvrir, en dépit de
toutes les machines de Birmingham. Mestécrit: Si nous
sommes nous-mêmes des valets, il ne pourra pas exis-
ter de héros pour nous nous ne reconnaîtrons pas le
héros quand nous le rencontrerons nous prendrons le
charlatan pour le héros; nous lui crierons bien haut, par
toutes les urnes de scrutin, toutes les machines possi-
bles c'est toi le héros, sois notre roi ?
A quoi cela vous servira-t-il ? Si vous ne recherchez
que la trompeuse apparence, l'argent et les voitures
dorées, la « gloire » avec des
paragraphes dans les
journaux, ou quelque autre nom qu'elle porte, vous ne
trouverez jamais que la trompeuse la
apparence;
divine réalité demeurera loin de vous à jamais. Le
charlatan sera votre roi légitime et inévitable aucune
machine terrestre ne pourra évincer le charlatan. Vous
naîtrez esclaves du charlatan, vous souffrirez sous lui,
jusqu'à ce que vos cœurs soient prêts d'être brisés et
les Révolution française, Insurrection de Manchester,
les combustions et explosions ou universel-
partielles
les, si multipliées soient-elles, ne feront jamais que
« changer le visage de votre charlatan » son essence
demeurera pendant des siècles et des siècles. « Pendant
combien de temps, ô Prophète ? x demandent quelques-
uns avec un rire assez
mélancolique. Hélas, question-
neurs /tOH~opA~!Ms,
jusqu'à ce que les faits suivants
-.h
se produiseïî!r: jusque ce que là~rôfondë misère, si
aucun moyen plus doux n'est efficace, vous ait chassé
hors de vos et fait entrer dans les sincérités,
apparences
~.< –– –– ––<*t – ~– v\'
que vous ayez vu qu'il y a du Divin dans le monde ou
soyez dans un état d'inintelligible folie jusque ce que
vous ayez trouvé qu'il y a un Dieu aussi bien qu'un
Mammon et un diable, aussi bien qu'unr génie de la
luxure, que des dilettantismes an'étés et de vaines
apparences Combien de temps cela représente-t-il, je
vous le laisse à calculer. Malheureux frères 1
CHAPITRE IX

L'ABBÉ 8AMSON

Voilà donc les cloches de


Saint-Edmundsbury qui
sonnent, depuis la plus petite jusqu'à la plus grande,
tandis qu'& la chapelle et à l'église les orgues jouent
le couvent çomme la ville, toute la partie ouest du Suf-
folk est en tenue de gala chevaliers, vicomtes, tisse-
rands, fileurs, la population tout entière, hommes et
fenunes, jeunes et vieux et jusqu'aux paysans qui
poussent la charrue, avec leurs bébés joufflus tout
le monde est dehors et prend un jour de repos pour
voir arriver le seigneur Abbé 1 Et l'on procède à « dé-
chausser » notre seigneur Abbé devant la porte qu'il
doit franchir pieds nus on le conduit solennellement
au grand Autel et à la Châsse, tandis que font subite-
ment silence « toutes les cloches et toutes les orgues H
et que nous nous avec ferveur
agenouillons priant
puis de nouveau retentissent toutes les cloches et tou-
tes les orgues et tous les
larynx humains entonnent à
pleine voix un Te Deum là-dessus les discours du vi-
comte qui préside,.pHisJe baiser-de paix,Je~outassai-
sonné de jeux populaires et d'un dîner a l'intérieur du
couvent, de plus de mille convives, plus ~M<!fM mille
eome~e/:ft6t<s in gaudio MO~Mo.
M8 LE PASSE ET LE PRESENT

C'est ainsi que Samson, toujours le même, revient


encore une fois parmi nous, le bienvenu en cette occa.
sion. Lui qui est parti les manches retroussées au-
dessus du coude,-il revient porté bien haut, devenu
subitement l'un des dignitaires de ce monde. Les lec-
teurs réfléchis admettront que c'était là une épreuve
pour un homme. Hier c'était un pauvre mendiant, qui
n'avait pas le droit de posséder plus de deux shillings,
et dont l'autorité n'allait pas jusnu'àpouvoir commander
à un chien de s'écarter de son chemin cet homme
aujourd'hui se trouve Dominus Abbas, Pair mitré au
Parlement, seigneur de nombreux domaines, fermes,
manoirs et de vastes terres cet homme a désormais
« cinquante chevaliers sous ses ordres», une multitude
d'hommes sous sa dépendance, enpressés il lui ohëir.
C'est un changement plus grand que celui de Napo-
léon, et aussi soudain en même temps. C'est comme si
l'un des journaliers du duc de Chandos découvrait, en
s'éveillant un beaumatin, qu'il est devenu Duc pendant
ta nuit 1 Que Samson, avec ses yeux au regard clair,
observe tout cela, et s'y reconnaisse s'il peut. Nous al-
lons maintenant pouvoir le mesurer une nou-
d'après
velle écheUe, où la valeur du pouce sera changée et qui
nous donnera un résultat considérablement plus rigou-
reux que la précédente. Car, tandis qu'une âme hoble
est rendue dix fois plus belle par la victoire et la prospé-
rité, s'élançant radieuse, comme en son propre et natu-
rel élément, vers !p trône où brille le soleil de la gloire
-une âme ignoble et vite est rendue dix fois, cent fois
plus laide et plus pitoyable. Ce qu'il pouvait y avoir de
vices, ce qu'il pouvait y avoir de faiblesse en !ui,Jc~
parvenu nous le montrera agrandi jusqu'à présente!
comme dans le microscope s~iaire~ 'jne effrayante dé-
ï.'Am8SANSON 133.

formation. Et même, combien de semences de vice, de-


meurées latontes – nous
jusqu'alors parfaitement
voyons alors épanouies, comme dans une serre solaire,
croissant, visibles à tous les yeux, atteignant une
énorme exubérance, un énorme dévetoppement! 1
Mais n'est-ce pas, en tout cas, une marque singulière
des aptitudes politiques et sociales de ces vieux âges
barbares et même, disons-le, de la richesse, de la pro-
fondeur de sa vraie vitalité sociale Songer que te Gou-
verneur propre a son rôle put être discerné à travers
tout ce qui le masquait, que malgré, tout ce qui eût pu
dérouter, on le reconnut et on mit la main sur lui Le
voilà, au moment où on le découvre, avec un maximum
de deux shillings dans sa poche et un sac de cuir sus-
pendu à son cou il va sur la grande route, marchant
vers son but, ses manches relevées au-dessus du coude.
Et les hommes pensent, néanmoins, que c'est la le
gouverneur qu'il leur faut et lui se révélera tel. Mes
frères, n'est-il pas besom pour nous que nous décou-
vrions les gouverneurs qu'il nous faut; et les hommes
illusoires sont-ils notre lot a jamais? Ces moines, c'é-
taient des sots superstitieux et absurdes; et nous, nous
sommes des hommes éclairés, qui jouissons de la
Franchise de Dix Livres
et ne payons pas d'impôt pour
l'instruction Où sont, je vous le demande, les décou-
vertes par quoi nous leur sommes supérieurs, les éga-
lons ou pouvons le moins du monde leur être compa-
res? Nous avons des yeux, nous aussi, ou plutôt nous
en devrions avoir; nous avons des hustings, des téles-
copes nous avons des lumières, lumière de torches,
lumière de chandf Mes, de veiUes émanant d'une Presse
hurequi estéctair6c;enes brillent et dansent en tous
Hcux comme s'il y avait tout l'univers une danse
par
tas PASSE ET M MISENT
t,p

aux flambeaux qui roussirait vos moustaches tandis


que vous traversez les rues à la ville ou a la campa-
gne. Les grands hommes, les gouverneurs propres à
leur rôle vont et viennent sous toutes sortes de mas-
ques, aujourd'hui comme autrefois. De pareils télesco-
pes, de pareilles lumières et pour aboutir à une pa-
reille découverte Comment cela se fait-il, je vous le
demande comment, cela se fait-il ? N'est-ce pas lamen-
table; n'est-ce pas même en un sens, stupéQant? '?
Hélas,le défaut, il nous faut y revenir et y revenir
encore, est moins un défaut des télescopes que de la
vue. Ces sots superstitieux du douzième siècle n'avaient
pas de télescope, mais ils avaient encore des yeux; ils
n'avaient pas d'urnes de scrutin ils avaient simple-
ment la vénération de la Valeur et l'horreur de la Non-
Valeur. H en va de même pour tous les barbares. C'est
ainsi, nous apprend M. Sale, que les vieilles Tribus
Arabes avaient coutume de se réunir de se réjouir ar-
demment (Gaudeamus), de chanter, allumer des feux
de joie et tresser des couronnes de gloire, remerciant
solennellement les dieux de ce que dans leur Tribu, elle
aussi, un Poète se fût révélé. Et, certes, elles avaient
bien raison d'en user ainsi car, quel présent plus
utile, je ne dis pas plus noble ni plus céleste, les dieux
dans leur bienveillance suprême pouvaient-ils envoyer
à n'importe quelle Tribu ou quelle Nation, en n'importe
quel temps, dans n'importe quelles circonstances ? Je
te le déclare, ô toi mon frère, qui te désoles, affranchi
du Charlatanisme, malgré ton étonnement c'est là un
fait très lamentable 1 Nous, Anglais, nous découvrons
un poète, aussi brave homme que ce~qut ayécu sous te
sulcil Depuis une centaine d'années allons-nous allu-
mer des feux de joie ou remercier les dieux? Pas le
Jt.'ABBË
SAMSOX. /.i3S

moins du monde. Après mûre délibération, nous en-


voyons l'individu jauger des barils de bière au Bourg
de Dumfries et nous nous piquons de pratiquer « le
a.
patronage du génie
Génie, Poète savons-nous seulement ce que ces
niots- veulent dire ? Grâce à une Ame inspirée, il nous
est permis une fois encore de voir directement la Vé-
rité face à face avec le grand cœur brûlant de la Na-
ture, de proclamer cette Vérité, de la réaliser; la voix
sacrée de la Nature, une fois encore, nous parvient à
travers l'atmosphère effrayante et illimitée de préju-
~s et de ouï-dire, de papotages et de poltronnerie, dans
jaquette, égarée, près de périr, la Terre a perdu sa
;'o~e. Ecoutez une fois encore, mortels égarés, plongés
dans les ténèbres; prêtez une fois encore l'oreille à une
voix qui monte des profondeurs de l'univers, de la mer
de Lumière, de la mer de Flammes, du cœur même de
la Xatm'e et de la Vérité connaissez le Fait de votre
Existence et ce qu'elle est; rejetez-en le Cant et ce
'ju'cHe n'est pas et quand vous saurez, agissez faites
en sorte que tout en aille bien
pour vous 1
George III est le Défenseur de quelque chose que
nous appelons aujourd'hui « la Foi » George III est le
conducteur en chef des destinées de l'Angleterre qu'il
doit diriger à travers le golfe des Révolution Fran-
çaise, Indépendance de l'Amérique et Robert Burns
jauge la bière & Dumfries. C'est une Iliade dans une
coquille de noix. La physionomie d'un monde qui pen-
che aujourd'hui vers la dissolution, qui en est arrivé aux
spasmes, a l'agonie mortelle – dans ce seul
s'exprime
qui "tonne~personne~ excepté moi qui m'étomM~
de ce qu'on ne s'en étonne
pas. Voilà le fruit do longs
siècles de Servilité invétérée
invétérée, complètement
~M ? PA~~M. M fMaSS~

au
au point
point d'être
d'être devenue
devenue une
une Loi
comme
Loi
comme dl la Nature;
de
fruit du culte de l'habit, du culte du Charlatanisme
Servilité complètement invétérée qui devra se <
~e~' a nouveau Dieu sait si ce sera difficile 1
L'Abbé Samson avait trouvé un Couvent en pleine cc
dilapidation, où la pluie faisait ses ravages, la pluie au
sens propre et au sens
figuré, sur tous les points de
son étendue.
Guillaume le sacristain passe la nuit il
boire et ne fait que des choses inavouables (tacenda).
Nos offices sont dépourvus de toutes provisions ce
sont des harpies juives et autres malpropres créatures
qui sont nos fournisseurs dans notre panier, il n'y a

plus de pain. Les vieilles femmes avec leurs fuseaux


se précipitent sur un malheureux cellier avec les cris
du Chartisme. « On ne peut pas circuler sans que Juifs
et Chrétiens fondent sur vous avec des billets non ré-
glés » ce sont des dettes à l'infini qu'on pourrait
croire constituer la Dette Nationale de l'Angleterre.
Pendant quatre ans notre nouveau seigneur Abbé n'a

jamais pu s'éloigner du couvent sans être assailli par


des créanciers Juifs ou Chrétiens, par toute espèce de
créanciers qui le mettaient au désespoir notre Prieur
est congédié nos celliers, tous ceux chargés de quel-

que fonction sont congédiés nos moines sont congé-


diés quel homme n'est pas congédié? Fais face à cela,
Samson, toi seul est là pour faire face à cela c'est ta
tâche d'y faire face, de lutter contre cet état de choses
etde mourir ou de le vaincre. Puisse le Seigneur t'être
miséricordieux! 1
A l'intérêt
d'antiquaire que nous trouvions en Joce-
lin et son couvent, où tout raspcct~ej'extstençc, toutes~
les formes de !a pensée, de la parole et de l'activité

1. Coonfm, «oeonOrn!.
'L'ABBÉ SAMSOtt' -–––

sont choses si surannées, si étranges, disparues depuis


siiongtemps– voilà maintenant que vient s'ajouter une
douce lueur d'intérêt psychologique pour l'Abbé Sam-
son ;nous trouvons à l'observer un plaisir réel, tel qu'on
en éprouve en voyant un homme travailler et surtout

couverner, ce qui est le travail leplus élevé de l'homme,


n'avait aucune
quand il est fait bien. L'Abbé Samson
dans l'art de gouverner il n'avait fait au-
expérience
cun apprentissage dans le métier de gouverner, –

Mas. il n'avait fait que le plus dur des apprentissages


dans celui d'obéir. Il n'avait jamais, dit Jocelin, devant
aucune cour, prononcé le vadium ou le p~htm, à

peine s'il avait jamais vu une cour jusqu'au jour où il


lui incomba d'en présider une. Mais c'estétonnant,
ajoute Jocelin, combien il se mit vite au courant des
choses et, en toutes sortes d'affaires, il devint expert

par-dessus tous les autres. Des nombreuses personnes


qui lui offrirent leurs services, c it retint un Chevalier
habilc prendre vadia et/)/e~<a et en moins d'un an il
était tui-même devenu très habile. Bien plus, avec le
temps, le Pape le nomma Justicier en certaines cau-
ses le Roi en fit l'un de ses nouveaux Juges de Tour-
née on entendit un jour l'official Osbert qui disait
Cet Abbé est un de nos plus habiles; dïspM~or es~
s'il continue comme il a commencé, il éclipsera tous
nos juristes »

Pourquoi pas? quelle raison pourrait bien s'opposer


it ce que ce Samson
gouvernât ? Il y a en lui quelque
chose qui l'emporte de beaucoup sur tous les appren-
tissages en cet homme lui-même existe un modèle
conformément a quoi it~uuvurtiera, quelque cttosepMF
quoi il gouvernera tt existe en lui une horreur de
i. Chrontq. ?.
doJoMttn.p.
148 tE MSSË ET LE PRËSENT

tout son être pour ce qui est incohérent, pusiHanime,


insincère – c'est-à-dire chaotique, ingouverné pour
ce qui est Diable et non Dieu. Un homme de cette sorte
ne peut faire autrement que de gouverner 1Il porte en
lui le vivant idéal du gouverneur et la nécessité inces-
sante de lutter afin de le manifester. Le Diable ni le
Chaos, à aucun prix il ne les servira non, cet homme
est né serviteur d'Un autre qu'eux. Hélas, de quelle

piètre utilité sont tous


les apprentissages, quand votre
gouverneur ne possède par lui-même rien par quoi il
puisse gouverner rien un crépuscule uniformément
gris, un mirage où s'esquissent des formes d'expé-
dients, de traditions
parlementaires, de listes de divi-
sion, de fonds employés aux élections, d'articles de
tête; toutes choses qui, en dépit d'autant d'astucieuse
habileté et de rusée promptttude que vous voudrez,
sont un maigre apport 1
Mais, quoi, que parlons-nous d'apprentissage ? Ce
Samson n'avait-il pas, à sa manière, fait un apprentis-
sage suffisamment bon dans le métier de gouverner, u
savoir, le plus dur apprentissage d'esclave dans le mé-
tier d'obéir! Dirigez-vous a travers la vie sans autre
ami que Dieu et saint Edmund ou bien vous tombe-
rez dans le fossé, ou bien vous apprendrez un bon nom-
bre de choses. Apprendre à obéir est l'artfondamental
pour savoir gouverner. Que n'eût point appris mainte
Hauteur Sérénissime, si Elle avait traversé le monde
avec un broc d'eau et un bissac vide, s<e o~/Mea~CHM;
et que, revenant victorieuse, Elle se fût assise non
point au milieu de paragraphes
de journaux et d'iHu-
HMRations de la capitale, mais au pied de taChassc du"
saint Edmond, fêtée par !cs fers et le pain eU'ctUt!
Cc!ui qui ne peut pas être le serviteur d'une masse
t'ABBËSAMSÙN 143

d'hommes, n'en sera


jamais le maître, le guide, le
libérateur voulus voilà le secret de la vraie domi-
nation. La Vie Monaca!e n'enfermait-elle des
pas
« conditions de la science politique a qui, si elles nous
sont impossibles à reproduire n'en sont pas moins
à envier? Grands dieux, si un Duc de Logwood, qu'un
carrosse somptueux porte aujourd'hui prendre place a
t'Assemblée des Sages, avait dû labourer chaque jour,
à un moment donné de sa vie, pour gagner sept shil-
lings six pence par semaine, sans trouver au dehors,
après sa besogne faite, le moindre délassement – queUc
lumière (lumière que n'eussent pu éteindre ni la logique,
ni la statistique, ni l'arithmétique) cela eût jeté pour lui
sur bien des choses 1
Ainsi, dans tous les cas, nous serons d'accord avec
Vl. Glass « Commencez votre jument! »
par attraper
Commencez par trouver votre homme, tout sera trouvé
il pourra apprendre à tout faire, depuis fabriquer des
chaussures, jusque décréter des jugements, gouverner
des communautés et il fera toutes choses en s'y mon-
trant homme. Saisissez-vous de votre non-homme'
hc!as, n'est-ce pas le plus terrible des Tartares de ce
monde dont vous vous serez alors saisis ? Peut-être
d'autant plus terrible qu'il semblera et doux.
tranquille
Car l'erreur que commet un sot, que tout sot commet,
en un monde aussi féroce
que le nôtre, où les résultats
sepcrpétuent& l'infini, aucun calcul ne t'évaluera. Le
charlatanisme du cordonnier a de l'importance, ainsi
'lue pourront l'attester les. pédicures et les malheureux
qui en sont réduits aux chaussons et la peau de daim.
Mais te charlatanisme du pYctfc, ctu
le chartatmnsmë
grand-prêtre, !c charlatanisme du roi Pourquoi tous
i. K<MM)t.
~m. p~sgg ~~s~-

tes justes, parmi les citoyens, ne se précipitent-ils pas,


à demi fous, pour l'arrêter comme ils arrêteraient un
incendie ? U n'y a pas à en douter, tout citoyen juste
est sommé par Dieu et sa propre Ame, par toutes les
voix muettes et distinctes de cet Univers, de faire ce
qui est en son pouvoir pour secourir ce pauvre snt-
charlatan, et le-monde qui gémit oppressé par lui. Cou-
rez vite secourez-le quand vous devriez pour cela
t'anéantir! Car toutes choses ont fort vieilli, se
sont desséchées comme un fagot, sont devenues com-
bustibles et le charlatan cause plus de dég6ts que
l'incendie. Poussez-le, du moins, plus loin, avec votre
balai veillez à ce qu'il reste strictement dans t'âtre il
deviendra ainsi plus ou moins utile, à titre de fen qui
vous servira à faire la cuisine. Le feu est le meilleur
des serviteurs, mais quel maître Ce pauvre sot, lui
aussi, est né pour être utile à quelque chose pourquoi
en l'élevant au rang de maître voûtez-vous amener par
lui un incendie, le désastre d'une paroisse, eu le désas-
tre du monde?
CHAPITRE X

GOUVERNEMENT

Comment l'abbé Samson, après avoir donné le baiser


défilant l'un
paternel a ses nouveaux sujets, après
l'autre dans le chapitre de Saint-Edmundsbury, pro-
céda avec une prudente énergie à la réforme de leur
manière de vivre décousue et désordonnée comment il
se comporta avec ses cinquante rudes Milites (chevaliers
ses moines ré-
féodaux), avec ses fermiers paresseux,
fractaires ou tièdes dans leur foi, avec les légats du pape,
les vicomtes, les évêques et les rois; comment, de tous

côtés, il frappa autour de lui, en homme, faisant suivre


les prémisses des conséquences, mettant partout la
selle sur le cheval voulu, luttant sans cesse pour faire
sortir une méthode d'une pourriture fermen-
organisée
tant dans l'indolence ce que le lecteur soigneux
voilà
discernera, non sans un réel intérêt, dans ces pages de
Jocelin Boswell. Sous un costume des plus antiques et
des plus étranges, constitué non seulement par des
vêtements mais par une pensée, des paroles, des actes,
des dehors et une position, – la forme substantielle
d'un homme est visible, avec un nex proéminent, des
sourcils en broussailles et des yeux jetant des Hammcs
claires, sa barbe rousse so faisant chaque jour plus
M
i4<T M
tk MSSË
PAS89 RT
KT LE
M PRESENT

grise tandis qu'il est absorbé par le gouvernement des


hommes, ï! est beau de voir comment cette âme –gou.
vernante – de l'état de
par nature, chrysalide, rejetant
sa peau poussiéreuse et sa prison, s'est élancée, ailée,
vraie âme royale 1
Notre nouvel abbé a un sentiment inconscient et
tout à fait sincère excluant l'insolence aussi bien
– de ce
que la crainte ou l'agitation qu'il est et de ce
que sont les autres, l! a du courage pour dompter les
plus orgueilleux, une franche pitié pour encourager les
plus humbles. En outre, il y a une noble abstention
chez <e seigneur abbé il entend bien des paroles vai-
nes et déraisonnables; il en prend note sans y répondre.
Il n'est pas là pour attendre des choses raisonnables
ou nobles de la part des autres, il est là pour leur don-
ner de sa propre raison et de sa propre noblesse.
N'est-il pas, comme nous Pavons dit, leur serviteur, ca-
pable de souffrir par eux et pour eux, de supporter le
fardeau sous lequel leurs pauvres membres en fuseaux
chancellent et trébuchent? et, en tant que leur serviteur,
n'est-il pas là pour les gouverner, les conduire hors de
la faiblesse vers la force, et hors de la défaite vers la
victoire 2?
Un des premiers travaux d'Hercule que l'abbé Sam-
son entreprit, ou même le tout premier, fut de procéder
à une sévère revision et à une réforme radicale de son
économique. C'est le premier travail de tout homme

qui gouverne, du Paterfamilias au Do/MMHS Rex. Se


garantir de la pluie par un toit de chaume, c'est le
prélude de n'importe ce qu'ensuite, dans la voie de la
spéculation où de l'action, on pourra vouloirTairc.Le
budget du vieil abbé Hugo, ainsi que noua l'avons vu, se
trouvait vide, rempli de déficit et do vent. Voir clair
COMVEMBMEN'f i~

dans ses livres de compte,


mmr~in
être ~G~ivnB
ûfnn
délivré ~ede nn~ w~n"Z.mc.
ces mouches
voraces; ces créanciers juifs ou chrétiens, fondant sur
lui comme d'obscènes harpies partout où il se mon-
trait, c'était là une nécessité pour l'abbé Samson.
Le matin qui suivit son installation, il apporta une
liasse de créances, toutes timbrées en règle, cachetées
de tel ou tel des sceaux du couvent: épouvantable,
impossible à démêler, une confusion sans fond dans
ces finances du couvent. Voilà donc les créances
mais du moins sont-elles toutes là, toutes celles qui
pourraient y être. Notre seigneur abbé demande que
tous les sceaux en usage parmi nous lui soient mainte-
nant présentés et remis. Trente-trois sceaux sont
produits ils sont immédiatement brisés et ne scelleront
plus désormais seul l'abbé et ceux dûment autorisés
par lui scetteront tous
les engagements. Il n'y a que
deux moyens de payer ses dettes en augmentant son
industrie par un revenu croissant, en augmentant son
épargne par une dépense bien entendue. Avec une
volonté de fer, une persévérance lente mais ferme et
jamais déviée, t'abbé Samson se met à t'œuvre dans les
deux directions. Ses ennuis sont nombreux,avec de rusés
mililes, des baillis injustes, des laboureurs paresseux,
et étant, lui, un abbé inexpérimenté qui avait affaire à des
moines relâchés et indolents, assez enclins à la rébellion
en masse: mais une vigilance continue, une rigoureuse
méthode, ce que nous appelons « t'œit du maître Mopëre
des merveilles. Le regard aux flammes claires de l'abbé
Samson, ferme, sévère, pénétrant tout c'est comme
un Fta! Z.Ma?_jdans ce gouffre inorganisé eJLdévasté,U–
pénètre peu à peu dans tous les recoins et du chaos fait
un ~ostMos ou monde 1
organisé
Il arrange sans se lasser, s'efforce d'arranger
partout,
i48 ~E PASSÉET t.E PRESENT

et met dans un état intelligible, les « affaires et comptes,


res ac redditus » de son domaine. Les anguilles du Lac
des Bruyères cessent de nourrir des querelles entre êtres
humains; le sou de ~'<e/~ des récoltes' cesse d'exciter
dans les rues de Saint-Edmundsbury les explosions du
Chartisme Féminin. Ces choses s'accomplissent et d'in-
nombrables choses
plus grandes encore. N'importe où
le désordre git et s'abrite, qu'il prenne garde voici
l'homme qui lui a déclaré la guerre, qui jamais ne fera
la paix avec le désordre. Cet homme est le missionnaire
de l'ordre il est le serviteur, non du diable et du chaos
mats de Dieu et de l'Univers Que tous les fainéants,
les lâches, les négligents, les parjures, les injustes et
autres personnes diaboliques prennent garde voici un
homme dangereux pour elles Il a un doux visage
grave, une sévérité pensive, une pitié pleine detristesse:
mais il y a aussi en lui une terrible flamme de colère;
les moines fainéants murmurent maintes fois « 'S'a~«f
/HpKS, il fait rage comme un loup; ne s'est-il pas réa-
lisé, notre rêve 1 » Il fut toujours soucieux de réprimer
et de contenir ces colères subites, et il y réussit en effet.
C'est bien, Samson. Il faut que cette flamme devienne
en toi comme un noble foyer central de chaleur, fertili-
sant, fort et bienfaisant et non pas qu'elle éteigne,
ou qu'elle éteigne le moins possible, comme un vol-
can destructeur qui consume et brûle tout 1
« Nous rampons d'abord, après quoi graduellement
nous apprenons à marcher a avait dit de lui-même
l'abbé Samson en partant. En quatre ans, il est devenu
un grand marcheur, avançant a j~rands_pas et avec
succès, chassant bien des choses devant lui. En moins
de quatre ans, dit Jocelin, toutes les dettes du couvent
t. Pcnay of MO~iHM)'.
SOUVEMENSUT 149

étaient payées. Les Juifs, ces harpies, non seulement

apaisés mais bannis avec arme et bagage hors des


~na leuca (Banlieues) de Saint-Edmundsbury
ce qu'on a persuadé au roi de permettre. A vous,
nous disons adieu, en tous cas; puissions-nous, en
ce soit, ne jamais nous adres-
(jue!que extrémité que
ser de nouveau à vous! Des hommes armés les escor-
tent jusqu'à la frontière, les congédient sous la menace
de peines sévères – une sentence d'excommunication

prononcée sur tous ceux qui reviendraient s'installer


ici il y avait plus d'un œit sec lors de leur départ.
Une nouvelle vie pénètre partout, jaillit bienfaisante
une fois repoussée l'Incube-Dette. Samson ne se presse

pas, mais il ne s'arrête pas non plus pour se reposer.


Cette besogne financièreest pour lui une besogne qui
doit l'occuper sa vie durant. Les anecdotes de Jocelin
sont remplies a satiété de traits relatifs à cela. Et de
fait, pour Jocelin, cela était d'un intérêt tout à fait

primordial.
Mais nous avons à mentionner aussi, avec une vive
satisfaction, que le désordre spirituel est aussi peu
totcré, dans le monastère de Samson, que le matériel.
C'est avec la rigueur due, qu'à la première occasion
GuiHa'nne le sacristain ses libations et tacenda, sont
doucement mais irrévocablement suspendues. Les liba-
tions, entr'autres, doivent cesser même la maison où
elles avaient coutume de se passer est rasée du sol de

Saint-Edmundsbury et « a sa place croissentdes rangées


de haricots Guillaume lui-même, dépossédé de son
titre de sacristain et de ses charges, se retire dans l'obs-
curité, dans une absolue qui dure encore
taciturnité &
cette heure. Quant à savoir si le pauvre Guillaume, pnr
quelque secret canal ne continue pa~ à se procurer à
M iM JET ME PRËSENf .i'
M BASSE

!'occasion
!'occasion do nuai s'humecter
quoi s'humecter !o sosior ai
gosier avec du vin <tM
do l'alcool – co
qui est devenu maintenant en un sens
indispensab!e au pauvre homme, Jocelin ne !c dit pas.
On no sait pas ce qu'il faut espéror, ni s'i! faut cspc-
rer Mais s'i! !o ut, co fut dans le si!onco et t'omhre,
avec le sentiment toujours présent que la ligue pour !a
tempérance était sa soulo vraie voie. Les honnncs
ivrognes et dissolus sont une sorte de gens qui foraient
mieux do se tenir à l'écart de l'abbé Samson. &PM~ «<
/M~«s n'était-il pas fondé, le rêve ? murmure plus d'un
moine. Si bien mémo que Rarmlf do Glanvill, justicier
on chef, prit ombrage do Samson, voyant ses strictes
façons d'agir; et il l'épia parla suite, plein do soupçons;
mais il discorna graduoHoment qu'il n'y avait rien !)
réprouver, tout au contraire.
CHAPITREX!

LES FAÇONS D'AGIR DE L'ABBE

h'abbe Samson no témoigna pas une faveur oxtraor-


ttinnire aux moines qui avaient été ses familiers autre-
fois il ne les promut pas à des charges, nisi essont
M/nHc<, à moins qu'Us no se trouvassent propres à tes
D'où grand mécontentement parmi certains'
ronpnr.
d'ctur'eux qui avaient contribue à le faire élire abbé
th's reproches, et secrètement, sur son
publiquement
sa dureté de cœur, son insociabilité, bien
ix~'atitudo,
'ii~nes d'un &<M'~(~' et d'un ~aMcH~'tMS du Norfo!
A !a vérité, si ce n'est aux Mo/Mt, « hommes capa-
!)!cs » de toutes sortes, il serait difficile de dire à

(lui l'abbé Samson témoignait grande faveur. H aimait.


bien ses proches et reconnaissait avec assez de ten-
dresse les pauvres parmi eux avec les riches parmi
eux, ceux qui autrefois ne l'avaient jamais reconnu pour
leur parent, il refusait d'avoir rien à faire. Mais même
des premiers il ne promut jamais aucun a une charge,
ne trouvant aucun d'eux idoneus. « Ceux qu'il crut capa-
bles, il leur donna des situations dans sa propre maison;

JI !esu~gardiens de ses propres maisons dej:ampagne;


ceux qui se conduisirent mal il les renvoya sans espoir
de retour, » Dans ses promotions et presque jusque
~9 tH PASSE BT tB P~8~

~~–~ t*- n't 1 't t


dans sesbienfaits, on devait constater une certaine
impartialité. L'ofticia! qui, sur l'ordre do l'abbé Hugo,
lui avait mis tes fers a son retour d'Italie, fut entretenu,
nourri et vêtu jusque !a Hn do ses jours aux frais (te
!'abb6 Samson.

Cependant il n'oubliait pas tes bienfaits loin de In,


des qu'une se présentait
occasion de les payer de son
propre argent. Comment les payer avec l'argent du
pubnc ? comment surtout le faire on mettant comme on
dit, !e/<'« «M /)M&/<c en « frappant le public d'incendies
– ce
que réalise intrinsèquement !o fait do conucr iea
emplois aux sots, aux non-tf/et! était tout disposé h se
ses amis quand cela se pouvait.
rappeler Voyez en ces
exemples « Un certain t'avait entretenu, au
chapelain
coUcgo do Paris, par le pront retiré do i'eau bOntc
~MOMfM~Mœ&f'He~tc~B–h ce bon chapelain, Samson
donna un vicariat, d'un rapport lui permettant do vivre
confortablement. » Lo fils d'rlio, c'cst-u-
également,
dire do !'éc!!anson du vici! abbé Hugo, étant venu ren-
dre hommage pour les terres de son pore, notre sei-
gneur abbé lui dit on pleine cour « J'ai refusé, ces sept
dernières années, d'accepter ton hommage pour la tcne
que !'abbé Hugo a donnée à ton père, parce que ce
don a été fait au détriment d'Ehnswe!! et qu'il est
contestable mais maintenant je dois me déchuer
vaincu, gardant le souvenir de la bonté qu'eut
ton përc
envers moi quand j'étais enchaîné, car il m'envoya une
coupe de ce même vin que buvait son maître et me
souhaita consolation on Dieu. »
Au magister Walter, fils du magister Guillaume de
Dice~ qui solÙcitait le vicariat de Chcvmgton,i!répon-
dit « Ton père était maître des écoles, et lorsque
j'étais un indigent c/ertCMS, il me procura librement et
u
MSfA~Ota~ACmBB !<'AMÊ -t~

do m'ins-
par charité l'entrée do son école et l'occasion
h'uiro c'est pourquoi aujourd'hui, pour l'amour de
Dieu, jo t'accorde ce que tu demandes. » Enfin, notez
cet exempte qui en même temps éclaire d'une tueur ces
)~cs lointains <' Doux nuMej! do Risby, Guillaume et
Norman étant condamnes par la cour a payer une rede-
vance très considérabledo vingt shillings et étant à la
merci de Samson, M H«SM'<co'f/<a c/MS il leur adressa
ainsi publiquement la parole « Quand j'étais moine,
jf fus une fois envoyé a Durham pour les affaires de
notre ~gtisc en rentrant, la nuit me surprit à Risbyct

jf dus y demander un logement. J'allai chez Domi-


nus Norman et j'essuyai do sa part un rofua net.
-t'aHai alors choz Dominus GuiHnume et lui ayant
th'mandé !'hospitatité je fus honorablement reçu par
lui. Aussi les vingt shillings de ma fM~'ct, je les exigc-
t xi sans merci, do Dominus Norman à Dominus Guil-
h'mne, d'autre part, je remettrai intégralement !a dite
somme avec mes remerciements.
!~cs hommes ne savent pus toujours la qui ils refusent
!'hospita)ité !cs hommes ont !ogé des anges sans le
savoir 1 Il est clair que l'abbé Samson a de i'inte!)!-

gcnRC: il a appris a juger mieux quêtes hommes do loi,


x gouverner mieux que des baillis de profession une
intelligence rayonnant indiscutable, do quelque côté
qu'on l'obser ve. « C'était un homme éloquent, dit
Jocelin, aussi bien en latin qu'en français; mais encore
plus soucieux do lu substance et de la méthode dans ce
qu'il y avait à dire que de la manière agrémentée de te
dire. Il pouvait lire les manuscrits anglais avec une
gt'ande~toquence <<!M~WM<! M avait, coutume de~
parler au peuple dans la langue anglaise, quoique dans
le dialecte de Norfotk où il avait été élevé aussi avait-
J!8â tB FASSE ET t8Ca)6&MiT

il fait créer une chaire dans notre t'or-


I~gnse tantpour
nemontation de celle-ci que pour la commodité de ses
audiences. » C'est là qu'il prêchait dans le dialecte de
Norfotk et c'était un homme digne qu'on allât l'en-
tendre.
Que ce fut un homme juste et au cœur droit, ceci
étant la base de toute vraie intelligence se trouve pré-
supposé. Comment un homme qui n'aurait avant
pas,
tout, une claire vision dans son cœur, aurait-il la
moindre claire vision dans la tête ? C'est impossible
L'abbé Samson était un des juges les ptus justes, insi~
tant pour comprendre le cas à fond, puis décidant alors
promptement sans querelle ni faveur. Et c'est pour
cette raison que le roi, J9oMMMS /?<?;c, on quête de
pareils hommes comme de trésors cachés et comme
de remèdes pour son royaume malade, avait fait do
Samson l'un des nouveaux juges ambulants comme
nous on avons encore aujourd'hui. « Malédiction sur
cotte cour » ontcndit-on
de l'abbé do la bouche d'un
plaideur « fMo/e~c~ sit CM~Mt <sft<M ~&&a~M, où ni l'or
ni l'argent ne peuvent m'aider à confondre mon
ennemi x Et les anciennes amitiés, toutes les relations
étaient oubliés quand vous sollicitiezune charge auprès
de Samson « Un drôle sans
parenté », comme disaient
les Écossais des nouveaux juges de Cromwell, soucieux
avec indifférence de la seule équité 1
L'éloquence dans
langues trois
est une bonne chose,
mais ce n'est pas la meilleure. Pour nous, nous l'avons
déjà dohné à entendre, l'éloquence de !'abbc est moins
admirable que son inéloquence, son grand, inapprécia-
Me, _tatent_desj!ence. ~DeMS~jOeMS~me dit une fois le –
seigneur abbé en apprenant que le couvent murmurait
i.Mtnemntjudgea.
MaMÇMtStfÀOmBBt.'ABB& im

contre un do ses actos,


j'ai grand besoin do mo rappeler
ce rêve qu'ils eurent à mon
sujet, dans lequel ils me
virent faisant rage parmi eux comme un loup. Au delà
(h* toutes los choses do ce monde je redoute qu'ils no me
à faire ainsi. Que do choses
poussont je renferme on
tn"! et sur combien
je ferme les yeux, faisant rage et
frissonnant en secret dans mon propre esprit et ne lais-
sant rien para!tre extérieurement ') Il venait parfois se
vanter près do moi c J'ai vu ceci et cola,
j'ai entendu
ceci et cola, mais patiemment je l'ai supporté. » II y
avait aussi en lui ce trait, que je n'ai jamais vu chex
nut'un autre homme, qu'il aimait d'une grande affection
bien des gens à qui il n'avait jamais ou à peine témoigne
(!'))ffection. Un jour, m'étant aventuré a lui faire des
~proches li ce sujet, il me rappela les paroles do Sa!o-
tuon « J'ai de nombreux n!s, it ne convient pas que je
snnrie à tous. » H endurait les fautes de ses serviteurs,
dommage qu'ils lui causaient il savait te dommage
<)))i lui était causé et n'en parlait pas mais je crois que
!:< vraie raison c'est
qu'il attendait une bonne occasion
<'n partef et de réformer ce!a d'une manière sage. Il
nous déclarait publiquement, quand nous étions tous
réunis au chapitre, qu'il n'entendait pas qu'on écoutât
aux por tes. « Que nul, disait-il, ne vienne secrètement
moi en accuser un autre à moins qu'il ne consente à
répéter son accusation en publie s'il vient me trouver
sans cela, je proclamerai son nom devant tous. Je désire
aussi que chaque moine parmi vous ait tibre accès vers
moi pour me parler de ses besoins ou de ses griefs
comme it l'entendra. »
Les gens que rabbé.SamsoNLdétcstaiMe plus éjtaîent
de trois sjortes Mendaces, e&r<ost, Mer&oM les men-
teurs, les ivrognes et les gens prodigues de paroles (ou
<Ba t.R MSS<! M M PO<!8~T

do fumée) pas une bonne sorte do personnes~ aucune


do cc!!es-!a JI condamnait aussi complètement tes

personnes portées à murmure!' contre leur nourri-


ture ou !our
boisson, surtout tes moines qui avaient
ces dispositions, Nous remarquons dès )o début,
son soin anxieux et ses ordres stricts aux serviteurs
afin quet'hospitatité soit généreusement entendue
afin qu'on « évite par-dessus toutes choses ja moindre

mesquinerie en matière do nourriture ou do boisson,


qu'il n'y ait jamais apparence do parcimonie, in MOM
late Mtco, au début do mes fonctions d'abbé Et jus'

qu'~t la fin il continue aux autres l'opulence de la tab!o


et do ~équipement mais il est, quant a lui, au p!os
haut degr6 indiu'erent a ces choses-là.
Du lait
sucre, du miel et autres choses sucrât';)
étaient sa nourriture préférée, mais il avait cette vertu,
dit Jocelin, que jamais il ne faisait changer le mots (/

c«/MM) qu'on mettait devant lui, quel qu'il fut. Une fois
alors que j'étais encore il me passa par la tête,
novice,
(coquin que j'étais !) d'essayer si c'était vrai, et j'ima-

ginai de placer devant lui un /e<'ctt/MM! qui eut dépht =1


toute autre personne, le plat hti-mcme étant noir et
cassé. Mais
lui, voyant cola, fut comme quelqu'un qui
ne l'aurait pas vu, aussi après quelques instants !('
cœur me saigna-t-il d'avoir agi comme je l'avais fait
c'est pourquoi, ayant enlevé le plat (cfMCMs) je le chan-

geai, ainsi
que son contenu, pour un meilleur que je
posai a la place, sur la table- modiCcation dont il fut
contrarié et pour laquelle il me réprimanda – le
stoïque
moine 1 Pendant les sept premières années il avait com-
munément quatre sortes de p!ata_sur!{L tabler par la.
suite trois, à moins que les autres ne fussent des J
cadeaux ou de la venaison de ses propres parcs ou du
0-
<t8 fAÇ<S U'Àùm t.*AM8 ~{~

de ses étangs. Et si, à un moment quelconque,


poisson
il avait chez lui des hôtes. à la requête de quelque
ou do quelqu'ami – ou s'il avait des
grand personnage
tnt'saagors put)!ics,ou des joueurs do harpe (c~/wa~os)
on quoiqu'un do cotte sorte, Samson saisissait la pro-
nucro occasion de les envoyer dans l'un de ses autres
manoirs et do se débarrasser ainsi do ces individus
en quoi il agissait très prudom-
sopernus')*,–ce
n«'nt, je trouve.

Quant a ses parcs, lors do la restauration générale


th's monumenta, des réparations et embellissements
)iuts dans les dotnaines de Saint-Edmund. « il en avait
hac~ plusieurs, les avait do gibier, et
approvisionnes
avait engagé un piquour avec des meutes si
capable
do quaUte se trouvait ta, notre seigneur
tjootqu'hûte
<t)th~ avec ses moines s'asseyait /~s ~'HM caf~'c/'OH~'
<~</<sles bois et regardait courir les chiens mais lui-
t)~!nc ne se meta jamais de chasse, autant que je pus
\<t)r*
Près d'un carrefour dans les bois – car le pays, il
< ctte époque, était encore assombri do forets et t'Hcosse
fOe-meme frémissait encore, hérissée d'arbres feuillus,
avec des
pareitte a une triste et noire foret d'Amérique,
ptaccs claires ici et là: Scc-Comme-La-Poussicrc sug-
la dispa-
Kcrc plusieurs hypothèses absurdes expliquant
rition insensible mais presque totale de ces bois, dont
repais débris s'offre aujourd'hui à nous sous forme de
fo«r6e, enfermant parfois une couche de bois de cons-
truction, faite de cœurs de chênes gigantesques, etqu'on
trouve sur mainte hauteur et dans maint bas-fond. La

raisotr ta~wsshnptc, sans aucun~doute, c'est qt<o fac–


i. JeMMt)< cA)W)<ca, p. 31
f. Id. p. M.
M8 <,H Mss6 ST M rnSsBKT

e
croiasemontde lit culture amena cohudu betai!, c'est-.
à-dire un accroissomout d'appétit pour la verdure qui
poussait au printemps et ainsi, de plus en plus, les
nouveaux sauvageons furent mangés a chaque neuve)
Avril et los vieux arbres, n'ayant on eux qu'une possi-
MUt6 do !ongeviM limitée, moururent gradueUemott,
nul n'y prenant garde, et disparurent sous forme do
foMt'&C.
Triste gaspillage de bois et d'ombrages si nobtes
Oui, – mais c'est un fait très commun, tel est !o coûts
do presque toutes los choses de ce monde. L& mona-
chismo lui-même, si riche et productif autrefois, pourrit
aujourd'hui sous forme do low'be, il gît aujourd'hui,
bien lisse, enfoui – et !a faible herbe des marais du
Dilettantisme est toute la moisson que nous récoltons
Cela aussi, ce fut un
6pouvantab!e gaspi!!age, peut-
être l'un dos plus triste
que notre Angtcterre vit jamais.
Pourquoi les hommes dctruiacnt-its de nobles forêts,
même si elles sont en partie une gêne, avec autant d'in-
souciance pour lâcher sur leur emplacement des
bêtes à quatre pattes et des Henri VIII 1
La cinquième partie de notre territoire ang!ais,ca!cu!c
Sec-Commc-La. Poussière, est consacrée à « des usages
spirituels plus ou moins bons, elle estsoIenneHement
mise à part pour l'entretien de la croissance et de !:<
culture de i'ame, partes méthodes connues. Et mainte-
nant cette fraction, comme les quatre autres cinquiè-
mes, entretient quoi? Gentils bergers, dites-moi donc
quoi 1
CMAPtTREX!!

LES ENNUIS DE L'ABHÉ

Les ennuis de l'abbé, tandis qu'il persévère dans


cette voie do
réticence, d'abstinence et de rigueur
tapassent tout ce que la langue peut exprimer.
La mitre d'abbé une fois posée sur sa tête, il ne
connut plus de repos.
Tout redoubla, la peine redoubla et les ennuis aussi
c'est la vie de tous les gouverneurs qui gouvernent
rccttcmcnt la victoire ne vient pas les gâter, seules
tes peines de la bataille peuvent être leur part. L'abbé
Samson trouva les hommes plus ou moins entêtés.
insensés, enclins au désordre, sans cesse de
menaçant
se montrer ingouvernables.
Ses moines indolents lui donnèrent les plus grands
ennuis. « Mon cœur est torturé, disait-il, tant que
nous ne sommes pas débarrassés de nos dettes, co/
fH<'MfHc~'«ct<th<Mt esf. » Votre cœur, oui, mais pas tes
nôtres pour cela 1 Par aucune méthode imaginable, par
aucune des trois ou quatre qu'il l'abbé
imagina,
Samson ne put amener ses moines a tenir exactement
tMM'a comptes; fît~a~aCn~u
maistoMjours~qaoiqu'i!
terme, le cellerier était dans l'embarras, avec un déficit
net sur le chemin des dettes et des Juifs. Le seigneur
?

M PA8S6 BT !.? M~SBNt

abbé, a la fin, déclaro sévèrement qu'il tiendra nos

comptes tui-memo qu'il va nommer un do ses agents


pour surveiller comment notre ccttorier les tient. Ut-
dessus murmures parmi nous a-t-on jamais entendu
parler de choses pareilles? Notre cettcrier traité comme
un zéro et toute la viite le sait, subsannatio et ~'M<o
SHfMMS, nous sommes devenus la risée de l'humanité.
Cet homme du Norfotk, cet excitateur au litige
Et pensez, si l'abbé rencontre de pareilles difucuttés
dans le simple département économique, combien il en
doit trouver dans des départements plus complexes,
dans ceux du
spirituel, par exemple 1 Son visage est
calme et sévère il rage, grince des. dents plus d'une
fois, /reH!ens et /eH<7ens dans le secret de son âme.

Cependant, avec tout cela, il y a en lui une noble et


lente persévérance, une force de « colère vaincue »
calculée de façon à vaincre bien des choses toujours,
à la longue, il s'arrange de façon à gagner la partie.
Pendant ce temps, les murmures des moines ne sau-
raient manquer, murmures toujours plus violents, le
ressentiment s'accumulant. Une bonne fois, pour une
cause légère, une goutte faisant déborder le vase ils
éclatent en une révolte ouverte le cellerier ne veut pas
obéir, il préfère les arrêts avec le pain et l'eau plutôt

que d'obéir; là-dessus les moines refusent de travailler,


ils refusent de chanter selon la règle les ofGces du

jour (du moins les plus jeunes d'entr'eux s'y refusent-


ils avec des clameurs, un tumulte bruyants). L'abbé
Samson s'est retiré dans une autre de ses résidences,
il ne communique que par des messagers le terrible
-bruit jsircule-dans Saiat-Edmundsbury ~ue-1'abbé-eat
en danger d'être assassiné à coups de couteau par les
moines 1 Comment vas-tu apaiser cela, abbé Samson ?
1-
M9 BKNBM M! t~m~

Reviens, car le monastère semble près de prendre fou.


L'abbé Samson revient il s'assied dans son ta~mtM
ou chambre retirée il lance un trait ou doux d'excom-
munication hélas 1 un moine désobéissant est là, en
prison, excommunié, les entraves aux pieds toute la
journée et trois en outre ont été mis par notre abbé
dans les fers, « condamnés à la peine moindre d'ins-
pirer de la crainte aux autres 1 Que les autres songent
à uui ils ont affaire; les autres et la peur
y songent
entre dans leur âme. « Le lendemain matin nous déci-
dons de nous humitier devant l'abbé, par des paroles
et par des gestes, afin d'adoucir ses dispositions. Et
ainsi fut fait. Lui, d'autre avec beau-
part, répondant
coup d'humilité, mais cependant alléguant toujours
)a justice et rejetant le btamc sur nous, lorsqu'il vit
<jm' nous étions domptés se laissa dompter à son
tour. Éclatant en larmes, joe/MSMS /ac~'yH!M, it jura
que jamais rien au monde ne lui avait fait autant de
pciuc que cette affaire, d'abord pour son propre
compte, puis secondement et surtout pour le scan-
dale publie qui s'était avec le bruit
répandu que les
moines de allaient tuer leur abbé.
Saint-Edmundsbury
Et quand il eut raconté comment il s'était éloigné a
dessein afin que sa cotère eût le
temps de se calmer,
répétant le mot du philosophe. « Je me serais
vengé
de toi si n'avais été en colère » il se leva, pleu-
je
rant et embrassa chacun de nous, nous donnant à
tous te baiser de paix. 11 pleurait, nous pleurions
tous a tableau
quel Comportez vous mieux,
moines négligents, et remerciez le ciel de vous avoir
envoyé un pareiLabbé, <Ht d~moH~ sachez que~ voua
devez et qu'il faudra lui obéir.
t Jocelini CA)'on<c< p. 85.

M
M~ t,R M<~ M? M! M~fKKT-

Ecrasé de la sortepar dos peines et dos trihu!ation8


continues, l'abbé Samson avait do dures heures {t
passer sa barbe et ses cheveux gris devenaient chaque
jour plus gris. Ces Juifs, pendant les quatre premières
années, l'avaient « visiblomeni émacié le temps, les
Juifs et la tache de gouverner peuvent faire la barbe
d'un homme très grise! « En douze ans, ditjocenn,
notre Seigneur abbé était devenu complètement blanc.
aussi blanc que la neige, lotus e//?c< a~&MSstc«~ Mt.T. »
Blanc au sommet, comme les montagnes de granit
mais ses yeux aux flammes claires lancent encore des
regards de clarté sévère, de tristesse et de pitié au-
dedans de lui, le cœur demeure invaincu.
Et puis, il y a des moments
quelquefois, d'hilarité;
des éclairsd'encouragement accordés même li un gou-
verneur. « Un jour, mon seigneur abbé et moi reve-
nant de Londres à travers la forêt, je m'informai
auprès d'une vieille femme que nous rencontrâmes, !)
qui appartenait ce bois et de quelle terre il faisait
partie qui le maître et qui le détenteur? » – Tout
cela je le savais fort bien par avance et mon seigneur
abbé aussi, petit BosweH que j'étais Mais « la vieille
femme que le bois appartenait
répondit au nouvel
abbé de Saint-Edmund, qu'il faisait partie de la terre
de Harlow, et que le détenteur en était un certain
Arnald. Comment se comportait-il vis-a-vis des gens
qui habitaient sa terre? demandai-je encore. Elle
répondit que c'était un diable incarné, <~oeMOMMMM, un
ennemi de Dieu, un écorcheur de la peau des paysans,
« les écorchant vifs comme des anguilles, selon !a
coutum~deJ~eaucoup~~mais que~aintenanU! redou--
tait le nouvel abbé sachant que c'était un homme sage
et habite, et que, par suite, il traitait les gens raison-
t.KS RS~MM:Ï.'ABtt8

nabtcment, ~'oc~ AoHMnes ~Mc~c< Sur quoi !e


abbé c~ A~a~s – ne un
Seigneur /<!c~ put retenir
t'it'c triomphant et il résolut do !aiascr cette terre
d !!ar!ow dont il ne s'était pas encore occupé, quelque
temps encore tranquiUe'. »
A un homme brave, combattant laborieusement, un
petit triomphe de temps a autre ne nuit pas pour lui
soutenir to cœur. Partout nous essayons de rendre a
l'adversaire ia monnaie de sa pièce et, soit rapidement

p:u' ia force, soit lentement par une manœuvre d'obser-


vation, (le faire disparaître tel ou tel solécisme, de
hisser un solécisme de moins dans la création divine.
Et ainsi nous procédons dans nos batailles, ne nous
) ('tâchant ni ne nousrendant. Les cinquante chevaliers
t\ <)t!aux, par exemple, se montrèrent d'humeur avide et
injuste et nous trompèrent, le jour de l'installation,
imos soustrayant les redevances de dix chevaliers
)t):)is ils savent si cela leur
aujourd'hui en rien,
a profité
et moi, Jocelin, je le sais
aussi. Notre abbé,
seigneur
nu premier moment, dut supporter cela sans rien dire
t)):)is il guettait son heure.
Voyez aussi comment !o seigneur de C!are venant
réclamer sa « dette ') MOM-due, il la Cour de Witham,
escorté de ses barons et de tout un appareil, reçoit un
Roland contre son Olivier 1 Jocelin « Le
rapporte.:
comte, entouré d'une foule ~coMS~ahM~ de barons et
d'hommes d'armes, le comte Albéric et d'autres l'as-
sistant, dit Que ses baillis lui avaient donné a
entendre qu*)!s étaient accoutumés à recevoir annuel-
lement en son nom, de !a
part des Cent de Risebridge
et
des baiins~de t~ndroK, ~nè somme "de cinq
shillings, laquelle somme était aujourd'hui injuste'
t. JeceMni C~roHfcs. D. M.
0-
<M t.E FASSE BT PaËSENT

ment refusée M et le comte de Clare attégua~ 00


outre, que ses prédécesseurs avaient été dotés, à la s
conquête, du fief comprenant les terres d'Atfric, fils de
Wisgar, lequel était seigneur des Cent ainsi que tous
pourraient le lire dans le livre du Jugement dernier. –
L'abbé, réfléchissant un instant sans bouger de sa L
place, lui fit cette réponse « Un curieux déficit,
Seigneur Comte, celui que tu mentionnes Le roi
Edouard donna à Saint-Edmund entière souveraineté ï
sur ces Cent et confirma le fait
par sa charte, cepen-
dant U n'y est fait aucune mention de ces cinq shiUings. ')
Là-dessus le comte, ayant consulté sa suite, répondit:
qu'il devait porter la bannière de Saint-Edmund en
temps de guerre, et qu'en paiement de cette charge tes
lui étaient dévolus. – Sur
cinq shillings quoi !'ab!)é
« Certainement, c'est injurieux pour un si grand
homme, le comte de Clare, rien moins, de recevoir un
don si
minime, en échange d'un tel service. Pour
l'abbé de Saint-EdntUnd, ce n'est pas une chio~c
bien lourde que de payer cinq shillings. Mais Roger.
comte Bigot, se regarde comme dûment investi, et
affirme que c'est lui qui, par suite de cette saisine, a ta
charge de porter la bannière de Saint-Edmund, et qu'ilil
la portait lorsque !e comte de Leicester et sea Fia-
mands furent battus à Fornham. :;c
Ensuite voita Thomas
de Mendham qui réclame ce droit comme étant sien
Quand vous aurez décidé entre vous
à qui le droit
appartient, que ce!uicla vienne me réclamer les cinq
shillings et je !e paierai promptement 1»
Là-dessus le comte dit qu'il allait causer avec )e
comte Roger, son parëMtYët ainsi ïachosë~ cqtMf (Mf
~<oyteM et demeure indécise jusqu'à !a fin du monde.
L'abbé Samson répond par la parole ou par l'action de
l,
__Ï
MS EfNMS DE ~ABB6 i8S

~ni&Mt hnh!tft
habile f avant ta
la !nat!na ttft emr*
de-son
telle ou telle manière (ayant justice
côté), à d'innombrables personnes aux Légats du

Pape, aux Vicomtes du Roi, aux Archevêques de

Cantorbury, aux Ceuoriors, .S'ocA<MM<!MH<~et il fait


disparaître maint solécisme.
En somme, cependant, la besogne de Samson est et
demeure une dure besogne. « Une fois, dans le temps
ot'< je remplissais les fonctions de chapelain, je m'aven.-
turai à lui J9oM<M< je t'ai entendu,
dire cette nuit

âpres matines, tu no dormais pas, tu soupirais profon-


dément, oaMc SMsptroM~H, contrairement à ton habi-
tude. H me répondit « Ce n'est pas étonnant. Toi,
-tucctin, mon fils, tu partages le bon côté do ma vie, la
nnurriture et la boisson, montant à cheval et le reste
t'oonne moi mais. tu songes pou l'organisation de la
xcuson et de la famille, à la besogne variée et ardue
qxi constitue la vigilance pastorate, laquelle me ha-
t.)sse et fait que mon âme soupire d'anxiété. » Sur

'jnoi, levant les mains au Cie! « D'une pareiUo anxiété,


Seigneur omnipotent et miséricordieux dé!ivrc-moi 1 Il
–J'ai entendu l'abbé dire que s'il été ce qu'il avait
t'-tnit avant de devenir moine et qu'il eût pu se procurer,

n'importe où, cinq ou six marcs do revenu (quelque


hnis livres dix par an) do quoi lui permettre de faire
ses études, il n'aurait jamais été moine ni abbé. Une
outre fois il dit, l'affirmant par serment « Si j'avais
su quelle besogne c'était de gouverner i'abbayc,
j'aurais préféré être aumônier, et surtout combien
n'aurais-je pas mieux aimé être
teneur de livres plutôt
qu'abbé et seigneur. » Cette dernière charge, disait-il, il
t'avait toujôurardëstrëë au dëîa~dë toûÏë autre. (??
M«i( <M'<M~'e< 7 conclut Jocelin, qui peut croire de
pareilles choses? t
1 p~~ M pRaMM

Trois livres dix et une vie toute do


littérature, sur-
tout de littérature tranquille sans droit d'auteur, ni
célébrité universelle, ni gazettes littéraires –
oui,
brave abbé Samson, pour toi cela eût été mieux, plus
aisé, peut-être aussi plus noble! Mais en revanche,
pour tes moines désobéissants, tes vicomtes injustes,
pour ce domaine de Saint-Edmund tout couvert dp
sotécismes, humains et autres, cela n'eût pas été aussi
bien. Et même, la Uttéraj~ure, si tranquille fût-eue,
n'eût pas pu non plus être aisée. La littérature, quand
elle est noble, n'est pas chose aisée mais seulement
quand elle est ignoble. La littérature elle aussi, est une
quereUe, un duel meurtrier avec l'empire entier des
Ténèbres qui s'étend autour et toutau dedans de
homme – c'est bien plutôt un rude combat, à cer-
taines époques, même avec les trois livres dix assurées.
Toi, là où tu es, tu luttes et livres duel sur duel,
joyeusement jusqu'au bout et tu ne fais pas t!e
remarques!
CHAPMKE xm

AU PARLEMENT

<~uant aux affaires publiques de l'abbé Samson, nous


<'n partons elles ·
pou, bien qu'elles fussent sérieuses,
:)))ssi. !t avait a juger les gens on tant que justicier
a))))m!ant, à décider dans des controverses publiques et
dt's iu'hitrages importants, il devait équiper ses MtMcs,
h's envoyer régunèrement, en temps de guerre, au roi; il
h)i fi'thuts'cHbrcer do toutes tes manières, afin que !'Ëtat,
<))ts !a partie qu'il en gérait, ne sounr!taucun dommage.
Une fois, pendant cette époque de confusion mar-
')')cc par les usurpations do Jean Sans Terre, Cœur de
Lion étant absent, notre brave abbé prit tui-meme le
c:)sque, ayant commencé par excommunier tous ceux
<)ni eussent favorisé Jean il conduisit en personne ses
hommes au siège de ~nef/esAora, le Windsor d'aujour-
d'hui, où Jean s'était retranché, et qui étaît le centre de
désordres infinis; certain bill de réforme, alors comme
aujourd'hui, étant devenu très nécessaire. C'est là que
t'abbé Samson « livra la bataille de la réforme » avec
d'autres munitions de guerre, espérons-le, que des
applaudissements formidables » et autres choses du
même genre A cause de cela il fut appelé l' « abbé
magnanime
>
<M MPASSËSTMPt~siENT

JI se rendait aussi, régulièrement, à son poste au Par-


lementde arduis regni; il s'y rendit surtout, et in orcfHts-
simo, quand « !a nouvelle parvint à Londres que le roi
Richard était captif en Germanie 1). Alors, tandis que
« tous les barons restaient assis à se consulter, Mque!.
ques-uns d'entr'eux assez pâles, « l'abbé se leva' brus-
quement de son siège et dit que lui était prêt à partir
chercher le roi son seigneur, soit clandestinement,
par subterfuge (in lapinagio) soit par que!qu'autto
méthode qu'il le chercherait jusqu'à ce qu'il l'eût
trouvé et eût quelque renseignement certain sur lui.
Voilà ce qu'il ferait i~
quant à luit Par ces paroles,
dit Jocelin, il s'attira de grands éloges – éloges sans
feinte des rédacteurs compétents de cet âge.
Par ces paroles, mais aussi par cette action: carde
fait, l'abbé partit « avec de riches présents, trouver !e
roi en Germanie '< l'usurpateur Jean Sans Terre
ayant été au préalable déraciné do Windsor et la paix
du roi ayant été en partie réglée.
Quant à ces « riches présents », néanmoins, nous
avons à noter une chose dans l'Angleterre tout en-
tière, à ce qu'il parut à la sagesse il ne scm-
collective,
blait pas y avoir assez de trésors pour payer la rançon É
du roi Richard; en cette extrémité, certains seigneurs
du trésor ~/M~tcw<t ad 'S'caccaWMfM~ suggérèrent que
la Châsse de Saint-Edmund, couverte d'une épaisse
couche d'or, était encore intacte. Ne pouvait-elle, en
cette extrémité être pelée, du moins en partie? à la
condition, naturellement, qu'on remettrait ce qu'on
avait. ûté quand les temps seraient meitteurs? L'abbé,
Y
~~tevant tout ~roird'~unmtMVomëht brusqua
« Tenez pour certain
gens, répondit que je ne ferai
t..foettM cAMnteo,p~ 39,40.
AU MM.EM6NT M&

jamais cette chose et iln'y a aucun homme qui


me forcer à y consentir. Mais tes =
puisse j'ouvrirai
de !'Ëg!ise entrera qui voudra, s'avancera
portea
qui l'osera Paroles
emphatiques qui produisirent
une sensation à la ronde, car les juges du 'S'cacc<M'<MM!

répondirent, « chacun en particulier faisant serment


Pour ma part, ce n'est pas moi, qui m'avancerai ni
moi, ni moi t Les gens qui l'avaient offensé, éloignes
ou absents, saint Edmund les a punis terriblement;
ce serait encore bien pis pour ceux qui seraient tout
près de lui et qui porteraient la main sur ses vête-
ments pour !es lui arracher avec violence! » Ceci dit,
on ne toucha pas à la Chasse et elle ne fit imposer au-
cune nouvelle rançon
Car pour les seigneurs du Trésor, il est, en tous
temps, des limites infranchissables, que ce soit par la
« force de l'opinion ou autrement et en ces temps
!une Terreur de nature divine délimitait et couvrait
de son ombre(comme cela devrait encore être et
comme il faudra que ce soit), toutes les affaires humai-
nes quelles qu'elles fussent.

1. JoMHut eAt'ot~M, p. '!i.


CHAPITRE X!V

HENRÏD'ESSEX

N'ont-ils pas encore sous les yeux le plus remar-


quable exemple de la façon terrible dont saint Edmund
se venge? Quiconque se rendra au monastère de Reading
y trouvera', portant la tonsure, un moine à l'air sombre
qui fait là pénitence: c'est celui qui fut autrefois ic
hautain Henri, comte d'Essex et remarquez combien,
dans son châtiment, saint Edmund est terrible encore
que miséricordieux 1
Ce récit est trop significatif pour n'être pas rapporta
comme un document du temps. Notre seigneur abbc,
visitant une fois
Reading, recueillit ces détails de I«
bouche même d'Henri, après quoi il chargea l'un de ses
moines de !e mettre par écrit ce que le moine a fait,
dans un ambitieux latin de rhétorique, insérant son
récit comme épisode parmi les bavardages de Jocclin.
Lisez donc ce récit avec des yeux ouverts à la fois au
sens ancien et au moderne.
Henri, comte d'Essex,
porte-étendard d'Angleterre,
occupait de hauts emplois, recevait de grosses sommes
son âme était hautainequoiq&'eM&fût~ttcinte de divei~-
ses fêlures – ou plutôt d'une fêlure, d'une fente ramiCée
en plusieurs directions et qui ia parcourait tout au travers.
HKNN DT68SEX 'iW
« 1 -il
N'avait-il pas, entr'autrea, traité Gilbert de Cerovitte
de la plus vilaine manière ? il l'avait fait jeter en prison,
et là, par les chaînes et tes lents supplices, il l'avait fait
mourir à petit feu. Et le crime de Gilbert, chacun le
savait, n'avait été que celui do l'innocent Joseph la
comtesse d'Essex étant une nouvelle femme de Putiphar
et ayant accusé
le pauvre Gilbert D'autres fentes,
d'autres rameaux de cette longue feture dans l'âme du
porte-étendard,'i! nous serait aisé d'en faire voir; mais
a vrai dire, le tronc principal où tout prend naissance
n'apparait que trop dans ce fait qu'Henri n'avait rien
de ce respect essentiel du divin en l'homme que, loin
de témoigner à saint Edmund un légitime il
respect,
n'agissait pas même à son égard avec l'équité vulgaire.
Tandis que d'autres, parmi les seigneurs des comtés
«ricntaux, se plaisaient a embellir, a accroître par de
riches dons le lieu que saint Edmund avait choisi pour
demeure et qui était devenu un asile en maints cas, le
c'nnte d'Essex, soit par la violence, soit en torturant le
sens de la loi, dépouillait le saint de cinq shillings par
xn et employait cette somme pour ses propres besoins,
si vulgaires qu'ils fussent. Bien plus, dans un autre cas
litigieux, le déloyal porte-étendard prétendit, afin d'en
tirer profit, que le cas ne ressortissait pas de la cour de
saint Edmund mais de la sienne propre, des Cent du
bourg de Lailand « et il nous entraîne en des voyages et
des dépenses incalculables, irritant pour longtemps les
serviteurs de saint Edmund ». En somme, il est sans
respect pour le divin, ce porte-étendard, il ne respecte
que le terrestre, l'or monnayable; son âme est atteinte
d'uttëtrcsgràvë.~rësïamëhtaBîe~urëquien~
toute la trame. I! n'en peut rien résulter de bon.
Par suite, cette même fêlure, ce He de saint se
Guy
~9 TA~SË ET Ï'RESSN'f

manifesta à pou de temps de là sous une autre forme. En


l'an 1157, le comte d'Essex partit avec son étendard

pour accompagner le roi Henri – notre souverain que


Dieu protège (celui que y!o<M avons vu plus tard à
Wattham) dans son expédition contre les Gallois. Guerre
qui fut, en somme, désastreuse. A un moment donné,
tandis que le roi Henri et ses troupes s'enbrçaient do
battre en retraite d'une manière digne des Parthes, des
nuées innombrables de Gallois excités les cernant de
toutes parts, – et l'on était devant le « difficile passage
de Coleshii! à deux doigts d'une destruction complète
voilà Henri d'Essex
qui s'écrie tout & coup (égare
sans doute par cette fêlure au fond de son âme, par son
mauvais génie comme l'appellent quelques-uns)
« Le roi Henri est tué, tout est perdu et il abaisse
son étendard afin de le mettre à l'abri Et certainement,
tout aurait été perdu si tous, dans l'armée, avaient été
comme lui s'il n'y avait pas eu de braves gens,
n'ayant pas l'âme sujette aux accès d'un funeste ~<c
~OM~oM~eHai! et qui se précipitèrent, épées et regards
flamboyants, semant l'assurance que rien n'était perdu,
que tout pouvait encore être gagné. De la sorte, le roi
Henri et ses troupes purent battre en retraite en toute
sécurité, d'une manière digne des Parthes, se tirant
ainsi du passage de CoIeshiH et de la guerre galloise
Mais, une fois chacun de retour, le comte Robert de
Montfort, un parent de notre porte-étendard, se lève un
jour & l'Assemblée du roi, et déclare publiquement
qu'un tel homme est indigne de porter les étendards
ang!ais, étant manifestement ou un traître avéré, ou,
quetqnf) ehose<!e pis encore,~ savoirun!achc, traître~

t. En ffat~tja daM Je texte.


2:'<M)rLYKet«m:e<!m'tM.<.N,88t.
BBNM D*ESSM '–– .g–

tout l'univers.Là-dessus, s'ensuit t'éprcuve d'un com-


bat un duel solennel, arrêté parle roi, « en une certaine
!!e formée par la Tamise, à Reading, opMef ~<!<i?M~os, a
de l'abbaye
peu de distance qui s'y trouve ». Le roi, les
multitude de gens,
pairs et une immense perchés sur
tes échafaudages ou sur les hauteurs qu'ils ont pu
trouver, se pressent tout autour des combattants pour
voir ce qui résultera de l'affaire.
Il résulte de l'affaire ces fâcheux événements que
notre moine relate fidèlement comme il suit
c Et il advint que, tandis que Robert de Montfort
fondait sur lui comme la foudre avec une vigueur toute
virile ~<~<Mer tft~ondss~ frappant des coups fermes et
nombreux ce vaittant début faisant prévoir pour lui
ic fruit de la victoire – Henri d'Essex pliait presque,
jetait des regards de tous côtés, quand tout à coup,
ht'as, dans le lointain, a la tisiëre de l'horizon où la
rivière se confond prcsqu'avcc la terre, il vit apparaître
le glorieux roi et martyr, Edmund, couvert d'une
armure éblouissante et comme
suspendu dans les airs
et qui le regardait d'un œit sévère, lui faisant signe de
la tête avec une expression et un geste pleins de grave
cotcre. Aux côtés de saint Edmund se tenait encore un
autre chevalier, Gilbert de Cereville, dont l'armure n'était
pas aussi splendide, la stature pas aussi gigantesque; il
jetait vers Henri des regards vengeurs. Ce que voyant
de ses propres yeux, celui-ci songea que le crime dans le
passé amène la honte dans le présent. Et, désespéré,
laissant là toute attaque sensée pour se jeter dans la
violence, il se mit a frapper aveuglément sans conserver

d'adresse pourserdéfendre. Mais; tandis qu~H~tttaquait
furieusement, son adversaire l'attaquait plus furieuse-
ment encore si bien qu'en fin de compte~ il tomba,
M4 M PASS~Et M PNÉSENT

vaincu, chacun !e tenant


pour transpercé. Tandis qu'il
gisait là, tousle croyant mort, les membres de sa famille,
Magnats d'Angleterre, conjurèrent le roi de permettre
que les moines de Reading enterrassent le feu comte.
Cependant celui-ci, comme on le vit bientôt, n'était
pas mort, mais il se remit vite parmi les moines c'est
alors qu'ayant recouvré la santé il prit l'habit des Régu-
liers, s'efforçant d'effacer la tache de sa vie d'autrefois,
de laver du- moins la longue semaine de son passé
dissolu par un jour de Sabbat qui en fùtia purification
et il cultiva l'étude de la vertu afin de recueillir les
fruits d'une éternelle félicité »
C'est ainsi que la conscience de l'homme se projette
et pénètre toutes les science.s, connaissances -vagues,
imagination, compréhension, facultés, ornements de
l'esprit ou dispositions naturelles se trou-
qui peuvent
ver en lui et, comme une lumière à travers un verre
de couleur, elle vient refléter scènes « & la
d'étranges
lisière de l'horizon » ou n'importe où aiueura A la
vérité, ce même « sentiment de l'infinie nature du
devoir est le cœur de tout notre être c'est comme
un rayon d'éternité ou d'immortalité dans
emprisonné
les murs sombres
temps aux du dans mille facettes,
Féterne! recommencement de la naissance et de la mort.
Votre « verre coloré » peut varier d'un siècle à l'autre –
et même, en certains siècles où règnent les mots d'ordre
« gagner de l'argent », et « entretenir les jeux », il peut
devenir tellement opaque Ce n'est pas, alors, un ciel-
peuplé de chérubins qui vous entoure, mais une sorte
d'enfer vide et couleur de plomb. Un jour, pourtant, il
cessera_de npuyeau~d'étre opa~M, ce~' verre colorcT.
Que dis-je? ne peut-il pas devenir immédiatement trans-
i. ~ce<M< Chronica; p. 62.
HËNM ~'ESSEX -––––– ~g. –-
1
lucide etincolore, ne nous roflétantplus aucune scène,et
ne nous laissant entrevoir que l'azur éternel lui-môme? 2
Ce sera là un fameux, un glorieux triomphe final
Saint Edmund, à la lisière de l'horizon, revêtu d'une
armure éclatante, menaçant le malfaiteur à l'heure du
péril extrême: c'est beau, c'est grand et c'est vrai.
C'est là un phénomène bien vieux et pourtant si mo-
derne, si actuel, – si vrai, cependant, pour chacun de
nous autant que pour Henri, comte et moine C'est ta
une lueur comme du plus profond de la destinée hu-
maine, laquelle est la même pour tous les
temps et
pour tous les âges. Oui, Henri, mon frère, à l'heure du
p~-i! extrême ton amcestjo<M'<t/~e; et regarde, tu ne
peux même pas te battre 1 Car la justice et le respect,
c'est ta l'éternelle loi, le rouage central de cet univers:
et les oublier, c'est avoir tout l'univers contre soi, Dieu
)'t sa propre âme pour ennemis, le diable et les dragons
pour seuls amis n'est-ce pas ta « une paralysie » telle
'jn'ii y en a peu? Que tout à l'horizon, éblouissant, un
saint Edmund armé ait plané dans les airs, menaçant;
que des lacs de soufre, interminables, planent mena<
(;ants, dans les airs ou que rien n'y plane, cela ne
modifie pas d'une ligne le sens éternel de la chose. Je te
le déclare, ton âme est paralysée, et Dieu et tout le divin
en elle sont déngurés paralysee est ton âme, estropiée,
tendant vers la terrible mort éternelle, que tu le saches
ou non et si tu n'en as jamais rien soupçonné,
c'est là, certainement, le pire de tout 1
C'est ainsi, en tous cas, grâce à la céleste terreur
qui plane sur la conduite terrestre, que,Samson, en ces
jounHointams; sauve !c trésor dtrsamtEdmTjmd~ët*
d'innombrables choses, encore plus précieuses.
CHAPITRE XV

PRATIQUES DE DÉVOTION

En vertu de la loi des antagonismes, c'est peut-être


ici le lieu de mentionner !e retour du roi
qu'après
Richard liberté fut donnée aux hommes d'armes de
l'Angleterre d'organiser un tournoi; qu'on annonça
sur les terres de l'abbé que le tournoi aurait lieu
« entre Thetford et Saint-Edmundsbury » peut-être
dans la région d'Euston, sur les hauteurs de Fakcn-
ham, à mi-chemin de ces deux localités que ce tournoi
fut publiquement interdit par notre seigneur abbé et
que, néanmoins, il eut lieu malgré cette défense et fut
considéré, à ce qu'il semble, par les partis, « comme
un courtois et libre pas d'armes ».
L'année suivante, vingt-quatre jeunes gens, fils de
nobles, se rendirent au même lieu pour s'y livrer à un
autre pas d'armes et lorsqu'ils eurent fini, ils poussè-
rent jusqu'à Saint Edmundsbury y chercher un loge-
ment pour la nuit. Voità de la pudeur Notre seigneur
abbé ayant appris cela, ordonna que les portes fussent
fermées, toute la bande prisonnière. Le lendemain
maMn~jc'étatt tes yigi!es_des_ apôtres Pierre et Faut:
pas de portes ouvertes le lendemain matin. S'étant
engagés à ne pas partir sans permission, ces vingt-
H.
~ITMBiMM~YMMN~

quatre jeunes gens au sang chaud jeûnèrent toute la


journée (mandu co<WMH~ avec notre seigneur abbé,
s'attendant à quelque épreuve pour le lendemain. « Mais
– notez cela, postérité – « le sei-
après le dîner
gneur abbé s'étant retiré dans son Talamus, tous se
levèrent, s'égayant et chantant ~caro~e ca~<M'e~
ils envoyèrent chercher du vin à la ville, buvant et
ensuite hurlant ~< empêchant complètement
l'abbé et tout le couvent de faire leur somme habi-
tue) ils faisaient tout cela en dérision du seigneur
abbé etpassèrent la journée entière de la sorte,
jnsfnt'au soir, où ils refusèrent de s'arrêter sur l'in-
jonction de l'abbé! La nuit approchant, ils brisèrent
les verrous des portes de la ville et s'échappèrent
par violence » A-t-on jamais entendu chose pa-
rcifte? Ces chiens tapageurs: chantant, inter-
hurlant,
le sommeil du abbé
rompant seigneur après leur
criminel combat de coqs de chevalerie 1 Ceux-là aussi
constituent un trait des siècles lointains aussi bien que
des proches. Saint-Edmund est au bout de votre hori-
zon, ou n'importe quoi d'autre, jeunes chenapans qui
faites profession `'
de dandysme, couverts de fer ou de
fanons de baleine, allez, cabriolez et égayez-vous
sur la verte prairie 1
Notre seigneur abbé excommunia la plupart d'en-
tr'eux,et, graduellement ils revinrent se repentir.
L'excommunication est la grande recette de notre
seigneur abbé; c'est le principal purinantdecetemps-ta.
C'est ainsi que lorsque les gens de la ville et les servi-
teurs des moines se disputèrent une fois, pendant les
mystères de~oHÎ,~au~!e cimetière de Saiut-EdmuntT
et que « des on en vint aux coups et des coups
paroles
Jacelini cAfontM, p. 40.
M
t7~ LE PASSEET ti PRÉSENT

aux blessures avec effusion de sang -– notre seigneur


abbé excommunia soixante des combattants du môme
coup avec la cloche, le livre et le chandelier ~accet!s<s
candelis) Là-dessus, ils arrivèrent tous suppliants,
presque nus, « n'ayant
sur eux que leurs culottes OM-
HMO nudi femoralia, ils se prosternèrent à la
porte de l'Église ». Figurez-vous donc cela 1
De fait, en usant de l'excommunication ou de la po'-
suasion, en poursuivant avec impétuosité ou en diri-
geant avec adresse, on voit maintenant avec nettoie
:'C
que cet abbé est un homme, qui reste, en généra!,maître
de la situation. Il conforme son remède à la maladie,
tantôt chaud, tantôt froid prudent quoiqu'ardcnt, I
Samson est un homme éminemment
pratique. Et metne
parfois, dans ses manœuvres adroites, on note des ô:
tours spirituels et d'une nature touchant à t'étrangc!
Une fois, par exemple, il advint que Geoffroy Riddc)),
archevêque d'Ë!y, un prélat qui donnait pas mal d'cn~ =
nuis à notre abbé, lui adressa une requête, le priant
d'envoyer du bois
pour la construction de certains =
cc
édiuces qu'il faisait élever près de Glemsford. L'abbé
étant grand constructeur lui-même, cette requête lui
déplut; il ne pouvait pas, cependant, y répondre par
un refus. de là, comme il `-
Donc, àquelque temps
était à son manoir de Melford, un des hommes ou E:
des moinés de l'archevêque vient à lui, porteur d'un ]~
message dans lequel sa grandeur « dèmandait la per-
1
mission de faire abattre les arbres demandés dans la
forêt d'ElmsweIl H – ainsi parle le moine, disant

Elmswell~pùiln'ya pas d'arbres, rien quedes~arbris-~


seaux insignifiants) au lieu d'Elmset, notre vrai MCMHS,
notre bois de chêne dominant de bien haut la ville,
/oceK<M chronica, p. 68.
t'RATtQUES DE DËVOMOX 09

au-dessus du manoir de Me!ford E!msweH? Notre


seigneur abbé, surpris, s'informe secrètement près do
Richard, son forestier Richard répond que Monsei-
gneur d'Ely a déjà envoyé ses c<<~<M'« et à Ehnaet
fait marquer pour son propre usage, tous les meilleurs
arbres de la forêt. L'abbé Samson, là-dessus, répond
au moine E!mswe!! ? mais certainement, qu'il en
s'tit fait selon le désir de Monseigneur l'archevêque. »
Le moine, fiar de son succès, le lendemain matin, se
)):Up de retourner & Ely; mais le lendemain matin, im-
médiatement après la messe, l'abbé Samson, lui aussi,
se mettait a i'œuvrc t Lemoine fier de son succès, arrivant
a Kty.y est traité d'oie et de hibou il est réexpédié avec
message de dire qu'Ehnset était l'endroit en question.
!!etas, en arrivant à Ehnsot, il trouve les arhrcs de
t'arehcvêque et « cent autres avec » abattus et entassés,
te sceau du monastère de Saint-Edmund ayant été im-
primé sur chacun avec un fer rouge pour la toiture de
lit grande tour que nous construisons. Votre importun
archevêque devra chercher du bois pour ses édifices de
('kmsford dans quelqu'autre M<MMfMque celui-ci Un
pratique abbé que le nôtre 1
Nous avons
dit, en outre, qu'il y avait en lui de terri-
btcs mouvements de colère voyez son ép!tre au vieil
Herbert le doyen qui, un peu trop envahisseur, s'était
fait élever un moulin à vent à Haberdon sur les terres
dépendant du couvent. Le matin, après la messe, notre
seigneur abbé ordonne au cellerier d'expédier ses
charpentiers pour démolir la dite construction &rpM
M<MM~de faire garde~!c~ois d'une manière~aOrë. Le"
vieux doyen Herbert, ayant appris ce qui se préparait,
arrive ici en trébuchant, humblement
supplier pour
lui et pour son moulin. L'abbé lui « Je te suis
répond
i8& t.E PASSE BT M POSENT

aussi obligé que si tu m'avais coupé les deux pieds l'


Par la face de Dieu, per os Dei, je ne toucherai pas
à un morceau de pain avant que cette bâtisse ne soit
en pièces. Tu es vieux, tu aurais dû savoir que ni le
roi ni son maître de !a justice n'ont le droit de rien
changer aux franchises sans
le consentement de
l'abbé et du couvent et tu as osé te permettre une
pareille chose? Je te ie dis. ce ne serait pas sans faire
du tort à mes moulins, car les gens de la ville iraient
& ton moulin et y feraient moudre leur
blé ~<M/HfM
SMMM~ selon leur bon plaisir et je ne peux pas les
en empêcher puisque ce sont des hommes libres..te
ne veux pas permettre qu'on élève de nouveaux mot!-
lins au nom de pareils principes. Va-t-en. va-t-en,
avant que tu ne sois rentré chex toi, tu verras ce
qu'est devenu ton moulin Le révérend, le vieux
doyen se rend en trébuchant chez lui, en toute
hâte il
fait abattre son moulin par ses propres ccf~en~<'«,
pour sauver du moins le bois de charpente et quand
les ouvriers de l'abbé Samson arrivèrent, ils trouvèrent
le terrain déja déblayé.
Il est facile de malmener de pauvres vieux doyens
de campagne et de réduire à néant leur moulin mais
quel est l'homme qui oserait anronter le courroux du
roi Richard, arrêter le Lion au passage et l'empoigner
par sa crinière? C'est encore i'abbé Samson c'est lui,
avec la justice de son côté. Voici le cas. Adam de
Colcefield, un des principaux feudataires de Saint-
Edmund, personnage jouant un grand rôle dans les
comtés deJMEat, mourut, laissant des biens-import J:'1
et, pour héritière, une fille de trois mois; de
laquelle,
par !a loi, c'était clair, ainsi que chacun le sait,deve-
i. ~oteHttt cAfonfM, p. M.
1
° Ï'~TtQUKS ME D~VMtON

nait la pupille de l'abbé Samson. Par suite celui-ci se


mit en mesure, disposant de l'enfant, de la conner & la

personne qui lui semblait convenir le mieux. Mais,


voi!a que le roi Richard avait une autre personne en
vue, de qui la petite héritière et ses grands biens fai-
saient tout à fait l'affaire. Le roi, par lettre, prie donc
)'abbé Samson d'avoir la bonté de remettre l'enfant h
cette personne. L'abbé avecla plus grande humilité
repond qu'elle est déjà remise. Nouvelles lettres de
Hiehard sur un ton plus sévère il y est répondu avec
une nouvelle humilité, des. présents et des prières, mais
aucune promesse d'obéir. Le courroux du roi Richard
est attumé, des messagers arrivent Saint-Edmund,
pt'rtpurs de messages emphatiques, d'avoir à obéir ou
.') h'cmbter 1 L'abbé Samson, gardant un silence sage
quant aux menaces du roi, répond « Le roi peut en-

oyer qui lui plaira pour se saisir de ma pupille: il a


la force et le pouvoir d'agir selon Sun bon plaisir et
d'anéantir t'Abbaye tout entière. Mais moi, pour ma
part, jamais on ne me forcera à souhaiter ce qu'il dé-
sire et ce ne sera jamais exécuté par moi. Car il
serait dangereux que de telles choses devinssent un
précédent, préjudiciable & mes successeurs. ~Mea~
/iMtsstM<M, que te Très-Haut veille là-dessus. Quoi-
qu'it en advienne, je l'endurerai patiemment. »
Telle fut après qu'il eût délibéré la décision de l'abbé
Samson. Pourquoi pas? Cœur de Lion est très terrible,
mais pas le plus terrible qu'il y ait à craindre. ~ea~
~WsstMMS. Je révère Coeur de'Lion jusqu'à la moelle
de mes os et dans toutes les choses honnêtes je serai
AomosKK?; mais & proprement parter~c~H'ëS~pas
avec terreur, avec la moindre En somme,
peur. n'ai-je
pas regardé en face « Satan avec ses aites étendues »,
<8~ LE PASSÉ ST !.R PaÊSENT

n'ai-je pas contemple feu de t'enforfermement, durant,


quarante-sept années – et pourtant, pas même cela ne
m'a écrasé de terreur, tant est grande la bonté du sei-
gnour envers moi? Cœur de Lion 1
Richard jura tout un tourbillon de serments, pis que
nos armées de Flandres, qu'il se vengerait de ce prê-
tre orgueilleux, Mais à la fin il découvrit que le prêtre
avait raison il lui pardonna et l'aima. « Le roi Richard
écrivit bientôt
après à Samson qu'il désirait un ou
deux des chiens de Saint-Edmund, qui, à ce qu'il avait
entendu dire, étaient bons. » L'abbé lui envoya les
meilleurs de ses chiens; Richard répondit en lui fai-
sant cadeau d'une
bague que le Pape Innocent III lui
avait donnée. Brave Richard et bravo Samson! Richard
lui aussi, je présume, « aimait à rencontrer un Homme »
et savait le reconnattre quand il le rencontrait.
Personne n'accusera notre
seigneur abbé de man-
quer de sagesse séculière, do ne prendre pas l'intérêt
voulu aux questions séculières. C'est un homme habile,
plein de pénétration sagace, d'intérêt vif, sachant tou-
jours discerner le chemin qui mène & son objet (fût-ce
un circuit, fût-ce un chemin de traverse), et victorieuse-
ment s'engageant dans ce chemin et le suivant jusqu'au
bout. Il semblerait même, d'après le récit de Jocelin,
que les regards de Samson aient été exclusivement
dirigés vers les choses terrestres et que l'abbé fût beau-
coup trop séculier pour un homme dévot. Mais cela
encore, si nous l'examinons, nous semble bien. Car
c'est dans le monde qu'un homme dévôt ou non, a sa
vie à diriger, sa besogne à faire. Quant à l'abbé Sam-
son~ laLbase de sa ~vie~ nous le reconnaïtronsr est après –
tout la vraie religion. Revenant de son pèlerinage,
couvert de poussière, après -avoir été accuei! par la
PMTMMS PB B~VO'nONtga

bienvenue que nous savons, « il s'asseoit au pied de !a


Chasse do saint Edmund M. Ce n'est pas une théorie
tout en paroles, cela non, c'est une pratique silen-
cieuse Toi, saint Edmund, avec ce que tu portes en
toi, il faut maintenant que tu m'aides, sans quoi per-
sonne ne m'aidera
Cela aussi est un fait
significatif: l'intérêt ardent
que notre abbé prenait aux Croisades. Pour tous les
nobles cœurs chrétiens de cet âge, est-il une entreprise
terrestre aussi noble? « Lorsqu'Henri II, ayant pris la
o-oix, vint faire ses dévotions à Saint-Edmund avant
d<- se mettre en route, !'abbé, secrètement, se fabri-
qua une croix de toile de tin et, la tenant d'une
nmin, une aiguille en6!ée dans l'autre, il demanda au
roi la permission de l'attacher sur ses vêtements M.
Le roi ne pouvait laisser Samson quitter l'Angleterre;
i'' roi lui-même, d'ailleurs, ne partit jamais. Mais t'œit
<!c r.<bbé était fixé sur te Saint comme sur
Sépulcre
l'endroit de cette terre où se décidait la vraie cause du
cict. « Après que tes païens eurent Jérusalem.
repris
!)bbé Samson revêtit un cilice et une chemise de
crin et par la suite il porta sous ses vête-
toujours
ments des chemises de crin il s'abstint aussi de
manger de la viande et de la chair ~co~te ca~MM~
à partir de ce jour et jusqu'à la fin de sa vie ».
Comme un sombre nuage éclipsant de la chré-
l'espoir
tienté, ces nouvelles projetèrent leur ombre sur Saint-
Edmundsbury. L'abbé Samson peut-il prendre du plai-
sir tandis que la tombe du Christ est entre les mains
des inudè!es? Samson souffrant dans son corps, cela
iuircviendra~n~àque jour a ? mémoire, chaque jour it
sera invité à se désoler !&-dessus.
Le grand
cceurantique: stsemMabte & un enfant

pASS~ BT M HtjgSBNT

dans sa simplicité, si bien homme dans sa grave solen-


nité, dans sa profondeur Le ciel est au-dessus de lui
où qu'il.aille. où qu'il s'arrête sur cette terre, lui fai-
sant de la terre tout entière un temple mystique, des
besognes terrestres une façon de culte. Des créatures
brillantes jettent des lueurs à travers la lumière ordi-
naire du soleil; des anges voltigent encore dans l'air
portant les messages de Dieu parmi les hommes voilà
un arc-en-ciel qui a été mis entre les nuages par la
main de Dieu 1 Le merveilleux, !e miracle entourent
l'homme, il vit dans un élément de miracle la splen-
deur du ciel au-dessusde sa tête, les ténèbres de t'en-
fer sous ses pieds. Une grande loi de devoir, aussi
haute que ces deux infinis, rapetisse tout le reste, anni-
hile tout le reste, fait le royal Richard aussi petit que
le paysan Samson, plus petit s'il y a lieu 1 Les <' fa-
cultés Imaginatives? Ces « rudes âges poétiques? »
L' « élément poétique primitif? Oh, pour l'amour de
Dieu, bon ne parle plus
lecteur, de tout cela Ce n'était
pas du dilettantisme, chez l'abbé Samson. C'était une
réalité et c'en est une encore. Le vêtement seul en est
mort, l'essence en vit à travers tout le temps et toute
l'éternité 1
Et vraiment, comme nous le disions plus haut, ce
silence relatif de l'abbé Samson n'est-il pas, par rap-
port à sa religion, le signe de la plus parfaite santé en
lui et en elle? « L'inconscient est seul complet. » L'abbé
Samson reste toujours un homme occupé, travaillant,
comme tous les hommes sont tenus de le faire; sa reli-
gion, son culte sont pour lui quelque chose comme son
pain quotidien il Tïë prend pas !& peine d'en pafter
beaucoup, il le mange à intervalles fixes, et au moyen
do ce pain il vit et accomplit sa tâche. Tel est le catho-
1
!'B\T!QBE8DEN5VOTM)S iM

tie'MNc du douzième aièc!e


pour l'abbé Samson quel-
que chose, j'imagine, d'analogue à !'MM<* de tous les s
hommes dignes de ce nom dans les siècles dignes de ce
nom 1 Hélas, quelle chose c'est là, en comparaison
de tous les isme ayant cours dans notre malheureux
temps! Encomparaison des infiniment respectables
Méthodismes, morbides, batailleurs, – et si sérieux

qu'ils soient; en comparaison des infiniment respecta-


bles Dilettantismes, pâles, morts, galvanisés, et si
spasmodiques qu'ils soient.
Le méthodisme, avec ses regards à jamais nxés sur
son nombril, se demandant avec une torturante anxiété
faite d'espoir et de crainte: « Ai-je raison? ai-je tort?
Serai-je sauvé? ne serai-je pas damné? » Qu'est-ce
d'autre, au fond, qu'une nouvelle phase de l'égoïsme
qui s'étend à l'infini, sans être jamais plus divin pour
son innnité? Mon frère, aussitôt que possible, tache
<!c t'é!ever au-dessus de tout cela. « Tu <M tort tu sem-
h!cs bien devoir être damné considère cela comme
le fait, réconcitie-toi toi-même avec cette idée, si
tu es un homme. C'est alors seulement que l'univers
~vorantsera soumis sous
tes pieds; alors seulement,
des noirs ténèbres de la nuit, du tumulte de l'avide
Achéron, l'aurore d'un éternel matin se lèvera pour toi,
combien au-dessus de tous les espoirs et craintes, illu-
minant ton sentier éveillant dans ton cœur la
escarpé,
céleste musique de Memnon 1
Mais de nos dilettantismes, de nos dilettantismes
galvanisés, du Puseyisme – ciel, oh,
que dirons-nous
du Puseyisme en comparaison de ce catholicisme du
douzième stècïë? Peu où rien car vraiment c'est une
chose qui rend muet.
r r
i. Pusey fut, comme on MM, & ta Mte du mouvement MMgtem <0)t!ord.
1 ~»

4M r
t.E PASSENT tEPRESEtCf

« Le constructeur de cet univers fut sage.


a conçut toutes les âmes, tous les systèmes, les
a ptanètes, les molécules.
r
» Le plan il conçut tous les mondes
d'après lequel et
M les œons.
» Fut. ô Cie! Est-ce que ce fut ton piètre s
Vingt-Neuf articles? a·~
Que certaines âmes humames, vivant sur cette terre
de pratique, pensent se sauver
e!!es.memes en même
temps qu'un monde ruiné par de bruyantes démons-
trations théoriques et des louanges adressées à !'Ëg!'se,
au lieu de quelque non-bruyante, non-consciente, mais
joro~Me, totale démonstration d'une faite de
Église
cœur et d'âme dans le cycle des révolutions d'âges
voilà aussi ce qu'il nous fallait voir. Une sorte de chose
"0
pénultième, signe précurseur d'une fin bien étrange;
avant-dernière chose?- S'il n'ya pas d'atmosphère, que
servira à un homme de démontrer l'excellence des pou-
mons? Combien i! vous sera plus profitable c:
de pouvoir,
comme l'abbé
Samson, et de pouvoir avan-
respirer
cer sur le chemin de la vie 1
CHAMTRE XVI

SAINT EDM UND

L'abbé Samson fit élever maint édifice religieux,


maint bâtiment utile; habitations clo-
privées, églises,
chers, granges, qui tous se sont écroulés, ont disparu
depuis lors mais furent utiles tant qu'ils durèrent. II
construisit et dota l' « Hôpital de BabwoH il cons-
truisit des « maisons d'écoles bien aménagées pour
Saint-Edmundsbury ». C'est en grand nombre que les
toits jadis « faits de roseaux tressés », furent sur son
ordre remp!acés par des « toits de tuiles ou, s'il s'a-
gissait d'une ég!ise, sans doute par une « toiture de
plomb ». Car toutes choses
incomplètes, en mauvais
état, qu'il s'agitde bâtiment ou d'autres choses, étaient
une souffrance pour les yeux de cet homme. Nous
avons vu sa « grande tour de Saint-Edmund » ou du
moins le bois destiné à la charpente de !a toiture de
cette tour, gisant, coupé et foulé aux pieds, dans la
forêt d'Elmset. Substituer !a tui!e ou le plomb aux toi-
tures de chaume qui s'effondrentet peuvent prendre feu,
substituer aux dégâts matériels et plus encore moraux
un
état de<tMMe~te!~a~!a p!aie~ne~oitp!u8 a~cramdre~
quelle satisfaction pour Samson
Une des choses qu'il ne pouvait, sous aucun prétexte,

– i88 Maaë B~ M PR66ËN1P-'

faire autrement que de reconstruire c'est le grand autel


sur lequel reposait la châsse ette-même ce grand autel
avait été ab)mé par le feu, par la malpropreté de deux
moines négligente, qui dans leur négligence, une nuit

qu'ils s'étaient assoupis, n'avaient pas pris garde aux


lumières; la châsse avait échappé presque par miracle
L'abbé Samson lut à ses moines un sévère sermon
« Un rêve qu'eut l'un de nous lui a montré saint
Edmund nu et dans un état déplorable.
tout Savez-vous
le sens de ce rêve ? Saint Edmund vous fait savoir
de vos vieux habits
qu'il est nu parce que vous frustrez
qui vont nus et que vous leur donnez
les pauvres z~
contre-cœur ce que vous êtes forcés de leur donner à
et à boire la paresse; d'ailleurs, la négligence
manger
du sacristain et de ses subordonnés n'est que trop mise
en évidence par le récent accident du feu. Notre saint

Martyr pourrait bien vous apparaître, gisant, rejeta


hors de sa châsse se plaignant d'avoir été dépouillé de
ses vêtements, d'avoir succombé de faim et de soif »
')
Telle est l'interprétation que l'abbé Samsom donne
du rêve – diamétralement opposée à
interprétation
celle qu'en donnent les moines eux-mêmes qui ne se
font de dire entre eux « C'est nous qui
pas scrupule
sommes les membres nus et affamés du martyr c'est
nous dont l'abbé réduit tous tes privHèges jusqu'à nous
son propre official pour contrôler notre même
envoyer
Cellerier 1 L'abbé Samson ajoute que ce jugement par
le feu les a frappés à cause de leurs murmures sur la
nourriture et la boisson. Ce qu'il y a de plus clair, en
attendant, c'est que l'autel, quoi que signifie ou pré-
dmnande absolument & être recons-
sage .-sonineendie,
truit. L'abbé Samson le reconstruit, tout en marbre
avec le plus grand déploiement d'art, ta plus
poli
1 '><4 u, ,l
8AMT 8MMNB i89

grande somptuosité; il ajoute des embellissements à la


châsse qui doit avoir l'autel pour support. Mais quoi,
au cours de ses travaux, ne lui est-il pas accordé, à lui
pècheur ce qui avait toujours fait l'objet do ses prières,
tic contempler le glorieux corps du martyr lui-même
car, dans ce but il ouvre solennellement le Z.ocM/«s, le
coffre ou cercueil sacré. C'est le moment de
suprême
!a vie de t'abbé Samson. Le Boswell en raccourci,
Jocetin lui-même, atteint en cette occasion, à une
sorte de solennité de Psalmiste le moine le plus mou
« pleure a chaudes larmes tandis qu'on chante le Te
/)('KM<.
C'est très étrange comme ces choses nous apparais-
sant lointaines, de nos jours où l'on n'a plus de cuttc 1
Le patriote i'homme le meilleur
Hampden, parmi ceux
des nôtres qui ont été béatifiés, gisait tout pareillement
dans son étroite demeure, il y a deux siècles, quand
certains de nos dignitaires, ayant avec eux « douze fos-
soyeurs avec des poulies », le mirent à nu lui aussi sous
le ciel sombre de la nuit, lui coupèrent le bras avec leurs
canifs, lui arrachèrent le cuir -chevelu de la tête et,
d'ailleurs vénérèrent notre héros saint de la plus étrange
manière Laissons notre oeil moderne contempler
gravement dans Tégtise de Saint-Edmund cette nuit
lointaine qui luit maintenant sur nous, avec un éclat
vermeil, traversantles profondeurs de sept centsans;et
considérons avec tristesse ce que fut autrefois te culte
des héros et ce qu'il est aujourd'hui Nous traduisons
avec autant de fidélité que possibte
.( « JLa~fete de~aint-Edmund~approchant, les Mocs. de– <~
marbre sont frottés, tout est préparé pour le moment
où l'on soulèvera la chôsse pour la porter à son nou-
t. Registre annuel (an M28, CAfonf~e, p. 93). Neeae <<M ~emteMtw, etc., e<c.
MO LE PASSEBT ~E PBËSENT

ve!emp!acement. Toute la population a observé un


jeûne de trois jours, après qu'on lui en a fait con-
naître la cause et le but. L'abbé annonce à tout son
couvent que chacun doit se préparer à la translation
do la châsse, il indique l'époque où la chose se fera
et comment on procédera. Cette nuit, en venant aux
matines, nous trouvons la grande châsse (feretrum
magnum) élevée sur l'autel, mais vide entièrement
recouverte d'une
peau de chevrette blanche, Sxée au
bois par des clous d'argent; mais un des vantaux de la
châsse a été laissé au bas de l'autel, de sorte qu'a côté
de sa vieille colonne figurant l'Église le Locu!us avec
le corps sacré repose encore à sa place ordinaire.
Après avoir chanté les louanges, nous procédons
tous nos
disciplines (ad eftsc~<H<M suscipiendas).
Cela fait, l'abbé et quelques autres avec lui,. sont
revêtus de leur aube; et, s'approchant avec respect,
s'apprêtent à découvrir le Loculus. Une toile enve-
loppait extérieurement le Loculus et les autres objets
que nous constatâmes être attachée, sur le dessus,
par des cordons spéciaux au dedans de cette pre-
mière enveloppe, il y en avait une de'soie, puis une
autre de toile, puis une troisième et enfin le Loculus
fut mis à découvert, on le vit qui reposait sur un petit
vaisseau de bois
afin que le fond n'en fat pas abîmé
par la pierre. Sur la poitrine du martyr, fixée à la
paroi du Loculus, était posé un ange d'or long envi-
ron d'un pied, tenant d'une main une épée d'or, de
l'autre une bannière au-deaaous, on voyait un trou
dans le couvercle anciens
du Loculus: c'est ï&que~ics
serviteurs du martyr avaient coutume de poser leurs
mains pour toucher le corps sacré. Et au-dessus du
corps de l'ange, on lisait ce vers
SAMTBMtUM) 1M

<' ~fat~M'M ccee zoma se~a!


Jtf<c&ae/M <<~M<ï
A la tête et au pied du Loculus étaient des anneaux
de fer qui permettaient de le soulever. Donc, soule-
vaut !e Loculus et le corps, on les transporta sur
l'autel et je prêtai ma main pécheresse pour aider
a ce transport, bien que l'abbé eût ordonné que per-
sonne ne s'approchât s'il n'était pas appelé. Ainsi le
Loculus fut placé dans la chasse le vantail sur
lequel il était resté posé fut remis à sa place, et la
châsse fut referméepour l'instant. Nous tous avions
pensé que l'abbé ferait voir le Loculus à la foule et
qu'il en sortirait une fois encore le corps sacré, à un
moment donné de la fête. Mais, en cela, nous nous
ctions cruellement trompés, comme la suite le fera voir.
» Car au quatrième jour de la fête, tandis que tout le
couvent était en train de chanter CoMp/~ot'<KtH, notre
seigneur abbé s'entretint en particulier avec le sacris-
tain et Walter le médecin ils prirent leurs mesures
pour que douze de nos frères fussent convoqués vers
minuit, parmi ceux qui seraient assez forts pour
porter les planches du vantail de la châsse, et assez
habites pour les démonter et les rassembler ensuite.
L'abbé déclara, alors, que ç'avait toujours été l'objet
de ses prières que d'obtenir de voir une fois le corps
de son patron, et qu'il désirait que le sacristain et
Walter le médecin fussent avec lui. Les douze frères
designés furent les suivants les deux chapelains de
t'abbé, les deux gardiens de la châsse, les deux maî-
tres de la sacristie, et six autres en outre, à savoir le
sacristain Hugo, Wâlter le médecin, Augustin,.Guil-
taumë tte Dice, Robert et Richard. Moi, hétas, je n'é-
tais pas du nombre.
1 C'est Ici le vMement du martyr, de saint Mche!.
que garde l'image
"M? M PASSëBTMMESBNT

T '1. 1 n

') Donc,
quand tout le couvent fut endormi, ces
douze, revêtus de leur aube, s'assemblèrent avec t'abbé
devant l'autel; ils ouvrirent
un vantail de la châsse
et sortirent le Loculus ils le posèrent sur une table,

près de l'endroit où l'on avait coutume de placer la


chasse et ils se mirent en devoir d'en détacher le
couvercle qui était attaché et fixé au Loculus par
seize clous longs. Cela fait, et ce ne fut pas sans
très
difficulté, il fut ordonné à tous de se retirer, excepté
aux deux élus ci-dessus désignés. L'abbé et ces deux
hommes ont seuls le privilège de regarder dans le
Loculus. Le
corps sacré l'emplissait si bien qu'on
aurait eu peine à placer une aiguille entre la tête et
le bois, ou les pieds et le bois
entre la tête n'était

pas séparée du corps, elle était légèrement élevée


par un petit coussin. Mais l'abbé, regardant de plus

près, découvrit d'abord une enveloppe de soie qui


entourait tout le corps d'un voile, puis une enveloppe
de toile d'une merveilleuse
blancheur; tandis que la j
tête était recouverte d'un petit voile de toile, puis d'un
autre de la soie la plus fine, comme si c'eût été le
voile d'une nonne. Ces étoffes qui le couvraient ayant 1
été soulevées, le corps sacré leur apparut alors tout
entouré de toile et enfin, à la longue, les contours
s'en dessinèrent. Mais arrivé là, l'abbé s'arrêta, di-
sant qu'il n'osait continuer ni contempler la chair
sacrée toute nue. It prit la tête du saint entre ses
mains et parla ainsi, gémissant.: « Glorieux martyr,
saint Edmund, bénie soit l'heure où tu vis le jour.
Glorieux martyr, ne tire pas motif à me perdre de ce
quêtai ~htsî usé te toucher; moi, miaérabte et pëcheurr
tu connais mon amour profond et l'intention de mon
âme a. Et l'abbé continuant, touche les yeux puis
SMN'PBMttNP <M

le nez qui était très massif et proéminent (valde ~es-


SHM valdè eminentem) puis il touche la poitrine,
les bras et soulevant le bras gaucho, il touche tes
doigts, met ses propres doigts entre les doigts sacrés.
Et continuant encore, il trouve les pieds qui se dres-
sent tout raides, comme les pieds d'un homme mort
la veille; il touche les orteils et les compte (~n~e~o
HHme~act~).
On convint, alors, de faire approcher les autres
frères afin qu'ils voient les miracles ainsi donc, les
voilà qui s'avancent avec six autres qui s'étaient
glissés {<la dérobée, sans le consentement de l'abbé
ce sont Walter de Saint-Alban, Hugues l'infirmier,
ni!hert le frère du Richard de Heuham,
prieur,
.!oce!!us, notre Cellerier, et Turstan le Petit et tous
ccux-!{t contemplent le corps sacré, mais Turstan est
!c seul d'entre eux qui avance la main, et touche les
genoux et les pieds du Saint. Et afin qu'il y ait abon-
dance de témoins, l'un de nos frères, Jean de Dicc,
assis sur le toit de i'Ëgtise, avec les serviteurs de la
sacristie regardant à travers les fentes, voit clairement
toutes ces choses. ? »
Quelle scène cite brilled'un éclat
lumineux, comme
les lampes de à travers la sombre nuit;
Saint-Edmund,
Jean de Dice avec ceux qui font le service de la sacristie
grimpant sur le toit pour regarder à travers les fentes
tout le couvent endormi, toute la terre endormie et
depuis lors sept siècles du Temps qui sont allés dor-
mn' 1 Oui, c'est bien
évident, c'est ta le corps martyrisé
d'Edmund, seigneur des comtés de l'Est qui, ayant
Robtemcnt disposé ~ë lui-même "comme M F~
dait, fut mis à mort il y a trois cents ans une noble
tfn-eur reste attachée à la mémoire de cet homme,
13
-i84- t.B MS9ËM-M PRËS8M

symbole et promoteur de nombreuses autres actions


droites et nobles.
Mais ne sommes nous
pas arrivés à de nouvelles
phases étranges du culte des héros avec ce que nous
voyons aujourd'hui dans la petite Église de Hampden,
avec nos canifs tout ouverts et douze fossoyeurs munis
de poulies ? La manière dont les hommes !e
pratiquent
culte des héros, voilà à vrai dire, le fait le plus essen-
tiel de leur existence et qui détermine tout le reste
dans les hustings dans les salons
publics, privés, à
l'Église, au marché et n'importe où. Ayez une vénéra-
tion sincère, et, ce qui en est inséparable, vénérez
l'homme qui le mérite, tout ira bien; ayez une fausse
vénération et, ce qui on est la suite, entourez en
l'homme qui ne mérite pas mieux, tout ira mal et
rien n'ira bien. Hélas, si le culte des héros tourne au
dilettantisme, si tout, excepté le mammonMMM, n'est
plus qu'une vaine grimace, que de choses déj~ eng!ou-
ties et de plus en plus près d'être englouties, dans ce
monde d'un sérieux infini 1 elles gisent là dans la dévas-
tation, en ruines, dans l'immobilité sans qu'aucun
homme y prenne garde ce que, à la tongue,
Jusqu'à
aucun isme ne tombant plus du ciel, des isme ne
s'élèvent de l'autre antipode. Car le monde, je le répète
est un séjour sérieux la vie n'est pas une grimace,
mais un fait des plus graves. Ainsi l'universel dilettan-
tisme ayant dépouillé tant de choses de !eurs vêtements,
non seulement l'âme des hommes, mais leur corps et
leurs armoires à pain ayant été dépouillés eux aussi, la
]
vie ayant cessé d'être possible tout est réduit à la
désotation~Ia loi de-fer de ta nécessité etdu fait brutal– J'
comme autrefois et, pour tempérer le dilettantisme, .1
pour l'intimider, pour le réduire en cendrés par un feu
SMSTBMttMO i9S
infernal, voilà que s'élèvent le chartisme, le dos-nu-isme
ou sans culottisme comme on l'appelle Puissent les
dieux et les héros invénérés que nous pouvons encore
posséder profiter de l'avertissement 1
Mais, quoi qu'il en soit à ce sujet, sur le Loculus de
saint Edmund les enveloppes de soie et de toile sont
tracées respectueusement, le couvercle est fixé à
nouveau avec ses seize clous primitifs; le toutest recou-
vert d'une nouvelle et riche de soie, un don
enveloppe
d'Hubert, l'archevêque de Cantorbery et, sur son toit,
a travers un châssis, Jean de Dice voit remettre le
Loculus à sa place, dans la châsse, puis soi-
assujettir
gneusement les vantaux de celle-ci, après qu'on a intro-
duit a l'intérieur des documents sur parchemin, relatifs
il ce
qui vient de se passer et, maintenant, Jean,
suivi de ceux qui font le service de la sacristie, peutdes-
fcndrc du toit en se laissant car tout est fini et
glisser,
le couvent tout entier s'éveille pour venir aux matines

Lorsque nous nous rassemMames pour chanter les


matines, dit Jocelin, et que nous comprîmes ce qui
s'était passe, la tristesse de tous ceux de
s'empara
nous qui n'avaient point vu ces choses, chacun se
disait h lui-même « Hélas, j'ai été déçu. » « Après
matines, l'abbé convoqua tout le couvent près du
grand autel, il raconta brièvement les faits, alléguant
qu'il n'avait pas été en son pouvoir, et qu'il n'était
d'ailleurs ni permis, ni convenable, de nous convier
tous au spectacle de pareilles choses. A ces mots,
nous nous mîmes tous à et c'est au milieu
pleurer
des larmes que nous chanMmesJe 2~jRga~Jf<!N~<<b--
MM~ aussi nous nous hâtâmes de sonner les cloches
du choeur. a
Stupides idiots de vénérer de la aorte le corps mort
'M& Yë PA~BTÏ.E PRESENT'

de leur saint Edmund


? Oui, mon frère. – cependant
après tout, qui peut se vanter de savoir vénérer !e corps
d'un homme ? C'est le plus vénérable de tous les phé-
nomènes qui se rencontrent sous le soleil.
Car le Très-Haut réside visible en cette mystique et
impénétrable réalité visible qui s'intitule « Moi sur la
terre. « Nous incliner devant les hommes, dit Novalis.
c'est rendre
hommage à cette révélation de Dieu dans
la chair. C'est le ciel que nous touchons lorsque nous
posons la main sur un corps humain. » Et le corps d'un
mort – temple que l'âme du héros habita jadis et
n'habite plus aujourd'hui oh, quel infini mystère, quelle
infinie pitié, quelle infinie et muette terreur, quel pro-
dige c'est le surnaturel se révélant au plus borné des
hommes c'est l'éternité entr'ouverte, c'est là que vien-
nent converger les ténèbres des royaumes souterrains
et la lumière des
royaumes d'en haut ou sinon ces
empires n'existent nulle part Sauerteig avait coutume
de me dire, dans son style spécial « Un procès de
chancellerie d'une part la justice, la simple justice
consistant à faire obtenir l'argent dû, est refusée & un
homme en dépit de tous
plaidoyers, sesil lui faut
passer vingt, quarante ans de sa vie à la quêter
et d'autre part les funérailles Cockney, les honneurs
rendus à la mort sous formes d'armes, de crin, de
cuivre laqué, de bipèdes insensibles traînant de ton~s
timons et des monceaux de soie noire ne sont-ce pas
là deux sortes
de vénérations, celle-ci, la vénération
de la mort, celle-là, la vénération de la vie, remarqua-
ble paire de vénérations chez vous autres anglais ?
A ~époint~iuMnant de son existence, nous~pouvotM
et nous devons laisser i'abbé Samson s'évanouir, avec
son décor de vie, des yeux des hommes modernes. Il
,u.
SAINT EMK!ND t9?

fut obligé d'entrer en France


an Fpan<<a a~n
ann <t*<t M<~M<*un!f
d'y pourvoir,
n~oh
avec t~
le
roi Richard, au service militaire de ses chevaliers de
saint Edmund ce qui lui donna bien du mal. Il dùt

prononcer dans l'affaire des moines dilapidés de


Coventry et avec
bien du mal, bien des procès et des
voyages~ il les fit rétablir dans leurs possessions il
dina avec eux tous et avec les « maîtres des écoles
d'Oxford a, levéritable CttpHÏ d'Oxford siégeant au dîner
f/'H/!e manière obscure mais M~/tM~/c, dans la cité de
PeepingTom Il dut, non sans peine, user de contro-
verses contre les intrusions de t'évoque d'E!y, et contre
celles de l'abbé de Cluny. Magnanime Samson, sa vie
n'est que voyages et travaux toujours se remuant,
toujours se heurtant jusqu'à ce que la nuit du repos
arrive. On l'envoie quérir encore une fois il lui faut
encore traverser la merpour venir éclairer le roi Richard
de ses conseils, au sujet de certains Pairs d'Angleterre
'lui se sont croisés, mais ne sont jamais attés en Pales-
tine, et de qui le pape s'informe. Le magnanime abbé
s'apprête à partir; il part, et. et le récit à la BosweM
deJocenn,coupé soudain par les ciseaux de la Destinée,
s'or/e. On ne trouve plus de mots écrits mais une
ligne noire et des feuilles de papier blanc. C'est irrémé-
diable la main miraculeuse qui tenait toutes ces ma-
chines de théâtre lâche soudain prise l'impénétrable
rideau du Temps s'abaisse; devant l'œil intérieur, tout
est de nouveau sombre et vide avec un grand fra-
cas pour l'oreille intérieure notre réalité fantasma-
gorie de saint Edmund s'enfonce à nouveau au sein du
douzième siècle et tout disparaît. Moines, abbé, culte
dcshér<~7gouvèrnMnë!i~obéïasance,Cœur~~ Li6ï-ëi
châsse de saint Edmund tout s'évanouit comme la'
1. UtMra!ament Tom les ;e)u:.
qui s'écarquille
.g~

vision de Mirza et il ne reste


plus rien qu'une ruine
noire, mutilée, au milieu de la Moraiaon d'un vert jar-
din botanique, des bœufs, des moutons et des dilet-
tantes qui paissent sur les lieux qu'occupèrent les
disparus.
CHAPITRE XVM

LES COMMENCEMENTS

Quelle singulière
physionomie de l'homme, quelle
singulière physionomie du temps nous font voir cet
abbé Samson et son histoire; car les modes, les
croyances, les formules, la date et la condition où un
homme est né modifient le type de cet homme 1
Les formules, comme nous les appelons, ont-elles
aussi une réalité dans la vie humaine. Elles sont
réelles en tant
qu'elles sont la peau même et les
muscles d'une vie humaine; choses et
indispensables
du plus haut prix aussi longtemps qu'elles gardent
quelque vitalité, qu'elles constituent pour l'homme
une peau et des muscles M<MM~/1 aucun homme,
aucune vie humaine ne peut subsister ni faire sa beso-
gne en ce monde sans peau ni muscles. Non, avant
tout, il faut que cela se développe– ce qui, en somme,
a lieu spontanément et inévitablement. L'écume elle-
même et c'est là une chose digne qu'on y rénéchisse
peut durcir, devenir écaille d'huître tous les corps
~P~cesMtédejteurj~
d'une peau.
Mais, par contre, quand les formules d'un homme
sont mortes, comme cela arrive les for-
pour toutes
"°.
2(Mt M PASSE BT M tKësEftT

mules au cours de l'évolution de la vie quand, chez ce


malheureux homme, les téguments, ne recevant plus de
l'intérieur aucune nourriture deviennent une peau
morte, un simple cuir superposé, une caHosité de plus
en plus épaisse, de plus en plus hideuse –
jusqu'à ce
qu'ils soient devenus si épais, si caloux, si calcifiés
qu'a travers eux on ne puisse plus rien sentir des bat-
tements d'un coeMr; quand, de l'extérieur gagnant
l'intérieur et jusque la région ducœur, tout devient,
chez ce malheureux homme, comme une simple écaille
d'huttre catcinée ou comme une nacm polie oui, par
contre alors, nous
pouvons le dire, son utilité est
totalement compromise alors il ne peut plus subsister
ni faire sa besogne en ce monde il e.3t temps pour cet
homme de se mettre au lit et de se préparer en vue d'un
départ qui ne saurait tarder.
<7&<~OMMes SMH~ modi sunt. L'habitude est la loi
fondamentale de la nature humaine. Elle fait notre
aussi bien t
force suprême qu'en certaines circons-
tances notre pire faiblesse. Du départ à l'arrivée
s'étend une plaine où jusqu'ici nul n'a posé le pied, où
aucun chemin n'a été frayé de Départ où j'habite, a
Arrivée où m'appelle mon commerce, où je dois régler
mes affaires, consulter les divins oracles, il n'y a point
jusqu'ici de sentier, on ne distingue l'empreinte d'aucun
pied; et cependant, forcé par toutes ces nécessités, il
me faut entreprendre le voyage. Je me mets donc en
route, je fais gravement l'investigation du chemin,
avançant avec succès, et voilà que l'empreinte de mes
pas m'est une invitation à suivre une seconde fois le
m6u!ëchcMMtt7!! est pfus facile que n'i quel
autre je sais qu'il a subi mon n »; je
investigation
pourrai le suivre cette fois sans faire tant d'investiga-
MS8 COMMENCEMENTS ~M

tiens ou même sans en faire du tout. Ah, la vue même


de cette empreinte de nos pas, quel encouragement
pour moi, et, en une certaine mesure, pour tous mes
frères en humanité! Ces empreintes de pas, on a passé
et repassé sure!!es le sentier va toujours s'élargissant,
toujours plus uni, il devient un grand chemin où même
les chariots peuvent s'engager; et beaucoup passent par
jusqu'à ce que jusqu'à ce que la vi!!e d'Arrivée
de cet emplacement
disparaisse (ainsi que cela s'est
déjà vu pour d'autres villes) ou bien que, ni commerce,
ni divins oracles, ni réette affaire, rien n'existe plus en
ce lieu dès lors qu'irait-on dans le chemin?
s'engager
L'habitude est notre loi primordiale, fondamentale
habitude et imitation, il n'y a rien de plus vivace
en
nous que ces deux facultés. Elles sont la source
de
toute besogne, de tout apprentissage, de toute pra-
tique et do tout enseignement en ce monde.
Oui, l'homme sage, lui aussi, parle et agit d'après
des formules tous les hommes font ainsi. Et en
généra!, plus un homme est imbu de
comptètement
formules, plus il peut être rassuré et heureux. Toi-
même qui, au milieu d'un tas de formules pourries,
crois t'être mis nu parce
presqu'à que tu as arraché
avec indignation les loques usées, les callosités mata-
dives des formules un peu que de vêtements
regarde
te couvrent encore Cette nationalité anglaise, depuis
un temps incalculable, est une chose spéciale, un fait
pour tes compatriotes et pour toi; vousavez votre langue,
vos mœurs tout cela ne forme-t-il pas pour toi comme
une peau, une seconde.peau adhéra .aujourd'hui
aussi exactement &ton corps que ta peau naturelle '1
Et cela, tu ne l'as tu ne l'arracheras
pas arraché, ¡
~maia lé tempérament que t'& transmis ta mëre eat
802 !.E PASSÉET t.E MËSSNT

forcé, pour se manifester, de traverser cette peau. Tu



es un Anglais ordinaire ou peut-être qui sort de
– mais, grand Dieu,
l'ordinaire quelle sorte d'Arabe,
de Chinois, de marchand d'habits juif, de Turc, d'Hin-
dou ou d'Africain Mandingo eusses-tu fait, toi, avec ton
hérédité maternelle 1
Je suis frappé de stupeur quand je passe en revue
ces longues files de visages tels que nous en mettent
sous les yeux une Église pleine, un tribunal, un
meeting dans quelque Taverne de Londres où n'im-

porte quel rassemblement d'hommes. !t y a quelque


vingt ou trente ans, c'était là tous de petits bébés aux
joues rouges, à la chair molle; chacun d'eux était

susceptible d'être pétri, d'être accommodé selon telle


forme sociale qu'on eût voulu vous voyez, maintenant,
comme leur chair s'est affermie, comme ils ont une
silhouette bien arrêtée tel est artisan, tel artiste,
ecclésiastique, gentilhomme tel médecin érudit, tel
autre dandy non-érudit et maintenant chacun ne peut
être, ne sera jamais à l'avenir rien d'autre que ce qu'il
est 1

Remarquez sur ce nez la couleur qu'y ont mise la vie


trop copieuse, la trop bonne chère; voyez comme cela
s'harmonise bien avec la cravate étalée, l'exorbitante
épingle et le regard fixe, hardi, presque menaçant
qu'ont les yeux. C'est ici un « homme d'affaires
manufacturier qui réussit, entrepreneur, ingénieur,
directeur en chef; son œi!, son nez, sa cravate, au
cours de telle besogne, de tels incidents ont pris te!
caractère ne lui refusez pas votre éloge ni votre
pitié. Donnez aussi de !a pitié à ce malheureux aux
mains calleuses, au front osseux, aux cheveux
peignés sans soin, dont le regard dit l'effort, les
.l

MS COMMENCEMENTS 203

difficultés, l'incertitude sa bouche est grossière;


ses lèvres épaisses pendent comme si, dans le
dur labeur et !a fatigue continus elles avaient con-
tracté l'habitude de tomber. – Avez-vous rien
jamais
vu d'aussi touchant rude
que cette
intelligence, si
entravée – invincible, réelle,
pourtant énergique,
qui se lit sur ce visage dévasté ? Hélas, et c'est sa
pauvre femme qui de ses propres mains lui lave son
foulard, boutonne sa grossière chemise, envoie son
mari rejoindre les autres avec une tenue aussi hono-
rable que possible. C'est dans une semblable prison que
cet homme-là vit, pour
compte son
on pas ne peut
maintenant l'en délivrer
le bébé aux joues rouges, à
la chair molle a été accommodé, façonné de celle sorte.
Mais quelle sorte de pétrification a donc subi cet
autre mortel, notre et qui l'a pétri selon la forme
frère,
dandy? Élégant néant avec sérénité, il abaisse ses re-
gards sur les réalités, les valeurs, comme sur de pau-
vres et viles choses au prix de ces conquêtes si labo-
rieuses sa sereine Chimère et sa sereine Non-Valeur
Héroïque néant il sera inexpugnablé tant que dureront
le régime de la bourse et la présente condition de la
société il n'est traitable par aucune espèce d'ellé-
bore. La sentence du destin a été tu seras dandy tu
auras le monocle, la lorgnette, les voitures
de Long-
Acre avec les grooms en culottes blanches, tu bâilleras,
impassible; /?aM-toi dans le dandysme sans pouvoir en
être tiré c'est ton sort.
Les uns comme les autres, disions-nous, ce furent
des bébés aux joues rouges,J!aita tous de~ ta même
c!tair,T[és mêmes tissus il y a peu d'années encore
aujourd'hui, façonnés sans retour pétris à jamais sous
l'aspect où nous les voyons Les formules2 il n'existe
SM ~'PASSËET~Mj~BNT

cas –.–
pas un mortel
mortel s!
si ce n'oat
n'est <!ans
dans )'on(*«)n
l'enceinte de Bediam

qui ne vive enduit de formules, mis à couvert par
elles pour qui elles ne soient comme une peau, qui ne
soit pour ainsi dire préservé du délire et de la déraison
par ses formules elles sont, en somme, ce qu'il y a de
plus utile, de plus indispensable dans l'équipement
humain bienheureux celui qui a une peau et des tissus,
à condition qu'ils soient vivants
et que le battement du
cœur se puisse sentir à travers eux. féo-
Monarchisme,
dalisme, avec un roi Plantagenet réel, des abbés
Samson réels et autres réalités vivantes bienheureux
temps 1
Ce n'est
pas sans un intérêt attristé que nous avons
contemplé cette image authentique d'un temps aujour-
d'hui complètement évanoui. Les réflexions pénibles
nous sont venues en foule consolantes en même
temps qu'affligeantes. Combien d'honnêtes gens ont
vécu avant Agamemnon Voici un brave administrateur,
ce Samson, un homme craignant Dieu et ne craignant
rien d'autre un homme de qui, fussions-nous premier
Lord de la trésorerie, roi, éditeur ou grand prêtre,
nous pourrions tirer tant de joie et d'orgueil et de
qui, néanmoins, la Renommée
a complètement oublié
de faire mention 1 La pâle image qu'a cette heure nous
en évoquons est tirée des bavardages d'un pauvre
moine et ne se trouve nulle part ailleurs dans l'univers.
L'oubli l'avait ainsi presqu'englouti tout entier et.
jusqu'à l'écho du bruit que fit son passage à travers
l'existence! Combien de régiments, de légions, de
générations d'hommes semblables, l'oubli n'a-t-il pas
déjà engloutie! De la poussière de leurs cendres s'est
formé le sol sur lequel poussent les fruits dont nous
vivons. Ne l'aide pas dé~a dit; ainsi que me l'avaient
"'u
MS COMMENCEMENTS 3C8

enseigné mes premiers pères, les vieux Norses l'arbre


de vie, Igdrasil, dont les branches se balancent à cette
heure autour de vos têtes, qui vous renferme, comme
un tout ses parties cet arbre a ses racines qui plon-
gent jusqu'aux profondeurs des plus lointains empires
des morts et il pousse toujours; les trois Nornes, ou
Temps, le Passé, le Présent, le Futur l'arrosent del'eau
qu'ils tirent du puits sacré 1
Qui t'a, par exemple, appris à parler? Cela remonte
au jour où commencèrent de vivre deux êtres humains

qui n'avaient pour se couvrir que leur chevelure ou


quelques feuilles de figuier, sortes de morts mal à l'aise
et anxieux de sortir de leur mutisme, de communiquer
l'un avec l'autre ils essayèrent donc avec de grands
efforts,des gestes, des cris inarticulés, avec une pan-
tomime et des interjections compliquées mais avec
bien peu de succès. Depuis eux, combien s'apprirent à
parler? jusqu'à ce qu'il te fût possible, avec tes droits
d'auteur, d'écrire le présent livre qui n'est pas lui-
même un grand succès. Entre ces jours lointains et
ceux où nous vivons, te disais-je, un espace de temps,
assez notable s'est écoulé une assez notable somme
de travail s'est accomplie que quelqu'un a accomplie 1
Penses-tu peut-être qu'il n'ait pas existé de poète avant
Dan Chaucer? penses-tu peut-être qu'il n'y ait pas eu
de cœur ayant brûlé d'une pensée qu'il ne pouvait
contenir, pour laquelle il n'avait pas de mot et ayant
senti le besoin d'en façonner, d'en frapper un ce que
tu appelles métaphore, trope ou autre chose? Autant
de mots nous
possédons, autant il y eut d'hommes
t
ou de poètes dans ce càs.~e mot le plus terne
jadis une métaphore nouvelle et brillante, une inno-
vation hardie et qu'on contester. Ta simple
pouvait
~~gg-~ p~g~
0
altention, est-ce que cela ne signifie pas une attention,
une tension vers? Songe à cet acte de l'esprit dont
tous avaient conscience, que nul encore n'avait nommé
– alors
que le nouveau poète sentit le premier en lui
le besoin, l'impulsion de lui trouver un nom 1 Son in-
vention contestable, sa nouvelle et brillante
métaphore
fut trouvée elle est restée le
adoptable, intelligible,
mot que nous employons pour la chose au-
désigner
jourd'hui encore.
Littérature regarde maintenant !a cathédrale de
Saint-Paul, les
maçonneries, cultes, quasi-cultes,
qu'on y voit sans parier de Westminster Hall et des
c
ailes du bâtiment. Les hommes n'avaient pas un mar-
teau, pas un son articulé quand ils ont commencé ils ¡
avaient tout à faire et ils l'ont fait.
Que de milliers il en dut monter vers le ciel, de ces
sons articulés, semi-articulés, gravement bégayés
comme autant de prières et qui, de chaque de
hutte,
chaque cellule, dans tant de pays, dans tant de siècles
s'élevaient des cœurs enflammés de ferveur, chacun
s'efforçant de son mieux sans pouvoir se répandre tout
entier Oui, que de milliers avant que la plus incom-
plète des liturgies pût être composée! La liturgie, ou
cet ensemble de prières et de méthodes de prier adop-
table et généralement c'était ce que nous
adopté,
pourrions appeler les adoptions choisies, les Beautés
Choisies, écrites et triées
soigneusement (par des
conciles oecuméniques et autres sociétés de connais-
sances utiles) parmi ce vaste amas embrouillé de
prières déjà existantes et accumulées, tant bonnes que
mauvaises. Les Sonnes furent trouvées, par !ës hommes,
adoptables les mauvaises furént jugées impropres,
inadoptabïes; e!!es furent peu a peu oubliées, tom-
'BS'~NMBKCBMBNM' '§0?"

bërent en désuétude, furent brûlées. C'est ainsi qu'il


en va des choses humaines. Le premier homme qui
contempla, l'âme largement ouverte, te spectacle
auguste du ciel et de la terre, de cette chose admi-
rable et terrible que nous nommons nature, univers,
etc., et dont l'essence demeure à jamais innommable,
celui, dis-je, qui le premier à ce spectacle tomba a
genoux frappé de terreur, sans un mot (comme c'est le
ptus probable), poussé par une nécessité intérieure,
« audacieux original » qu'il fût, celui-là, lui aussi, fit
une chose que toutes les âmes sérieuses sentirent de
suite être expressive, voire même adoptable 1 Et courber
le genoux fut à jamais, depuis lors, l'attitude de la sup-
p!!cation. Et cela avant toute espèce de prière formulée,
dc litanie, de liturgie ce fut le commencement du
culte – qui n'avait besoin que d'un commencement,
étant assez rationnel en lui-même. Quel poète que cet
homme! Oui, cet innovateur hardi réussit malgré tout.
Quelle forte tête.que cet homme, caché par l'obscurité
et la poussière des premiers et de qui, comme
âges
d'une source du Nil, toutes les Formes de CuMe décou-
lent Une sorte de fleuve Nil (si bourbeux et fiévreux
qu'il soit aujourd'hui) avec les formes du culte pour
bras, jaillit à cette heure-là, descendit jusqu'au
Puseyisme, à la Calebasse Rotatoire, jusqu'à l'arche-
vêque Laud à Sainte-Catherine Creed et peut-être
plus bas encore 1
Les choses, dis-je, se forment de la sorte. Le poème
de l'Iliade et, & vrai dire, d'autres œuvres
beaucoup
poétiques, se sont formées comme la liturgie. La
grande 7?«M?ë dës~H'ëcsëtîapëtîtè Coa~bMMe<ifejMo&M
Rood des Anglais chacune a nos yeux les
représente
Beautés Choisies, triées avec soin parmi le vaste amas
.J~

~l.111a â. l,.n'ln~An l..tnnVn»no an


embrouillé des ballades héroïques de teurs siècles et

pays respectifs.
Pensez un peu à tout le tapage qui dut se faire sur
la noble lyre à sept cordes, à toutes les tortures que dut
endurer la moins noble corde à boyau, à la cour des
chefs'grecs et dans les cabarets de grand chemin en

Angleterre songez a toutes les batailles qui durent
se livrer dans le laborieux cerveau des poètes, à tous
les efforts que dut faire le gosier de ces poètes d'où ne
– ce que
sortaient que des sons semi-articulés jusqu'à
le courroux d'un divin Achille, la bravoure d'un Will
Scar let ou d'un Wakefield Pindar pût être chantée
d'une façon satisfaisante! Honneur à vous, grands
hommes sans nom, les plus grands des hommes, à vous.
braves, oubliés dès longtemps 1
Ni l'édit De
7'ctMa~to non concedendo, ni aucune
autre loi, forme de loi, perruque d'homme de loi
encore bien moins les livres d'édits, les quatre tri-
bunaux, avec Coke par-dessus Lyttelton, et les trois
états du Parlement, ils ne traînaient rien après eux
de tout ce bagage, ils vivaient sans avoir besoin de
toutes ces formalités, grands hommes oubliés au-

jourd'hui Depuis le temps où Caïn tuait Abel en lui


brisant la tête d'un coup, jusqu'à ce jour où la Chancel-
lerie vous tue son homme pouce par pouce, en !ai
brisant lentement le cœur pendant quarante années,
il y a, là aussi, du chemin de fait La vénérable justice
elle-même a commencé par être la
sauvage justice
toute loi est comme un champ défriché, peu.à peu
labouré, rendue cultivable, de l'inculte fourré qu'elle
était" d'abord sous ~ormc-dctoi-du-bâi.onr C'est la
de
vaillante sagesse qui a drainé et labouré; escortée
la pédanterie a t'œit de hibou, de vautour, et de bien
.m F ~x.

MS COMMBtMtSMBMS S09

d'autres formes de Stupidité – le courageux laboureur


labourant toujours assidûment tandis que son aveugle
et cruel ennemi semait l'ivraie trop assidûment C'est
parce reste encore,
qu'il en la vénérable justice &
un peu de sagesse
perruque, parmi des montagnes de
stupidité et de perruques, que les hommes ne l'ont pas
jetée à la rivière, qu'elle est restée là sur son siège,
comme la tête de Dryden dans la Bataille des
/j<'r<'s c'est tout d'abord un immense casque,
une immense montagne de parchemin de
graisseux,
crin malpropre qui les yeux, et puis dans le
frappent
recoin le plus caché, visible tout en dernier lieu et de
la taille d'une noisette, une réelle fraction de la jus-
tice de Dieu, que quelques-uns peuvent encore espérer
~'atteindre qui est encore, en tous cas, indispen-
s:)h!e & tous et dont les hommes ne savent
pourtant
'{ne faire Les législateurs ne furent pas tous des
pédants, de gros personnages voraces eux ils furent,
aussi, des poètes, des héros sans quoi leur loi eût
été de l'autre côté de ta Nore' bien avant ce jour.
Leurs agissements de vautours, de hibous, malgré des
proportions incroyables, disparaîtront peu à peu, leur
héroïsme demeurant seul et c'est alors le casque qui
sera réduit à la taille qu'a la tête aujourd'hui espé-
rons-te 1
Il est le produit d'un labeur, d'un labeur ce
oublié,
monde où les hommes habitent, s'habillent, parlent
un langage articulé où s'élèvent de hautes tours, où la
-terre est labourée sur une si grande étendue. De leurs
propres mains, des braves oubliés en ont fait le monde y
dont
nous jouissons c'est eux qui l'ont fait, honneur &
i. La Nore, promontoire
près de Londres. Sttot qu'on l'a pas~, on perd la ville
de vue..

M
~Q LE P~SË'Bt tË MÉSENT

~) -i “ ~–: «-~t c *t <* t j


eux c'est eux
qui l'ont fait en dépit des fainéants et
des lâches. Cette terre d'Angleterre, telle qu'elle est là,
c'est la somme de tout ce qui fut trouvé sage, nob!e, et
d'accord avec la vérité de Dieu, à travers toutes les
générations d'Anglais. Si notre langue anglaise est
parlable, c'est parce qu'il y eut des poètes-héros
du
même sang que nous et parmi nos ancêtres elle est
parlable en proportion du nombre de ces héros. Notre
terre d'Angleterre a des conquérants, des possesseurs
qui changent d'âge en âge, de jour en jour; mais ses
conquérants réels, ses créateurs, ses éternels propric..
taires ce sont les suivants (et ceux qui les représentent
si vous les rencontrer)
pouvez & savoir toutes les
âmes héroïques qui, à n'importe quelle date, furent en
Angleterre, chacune à son degré; tous les hommes
qui, a n'importe quelle date, débarrassèrent d'un char-
don le sol du pays, y drainèrent un marais nouveau
ceux qui contribuèrent à faire adopter quelque sage
projet, dirent ou firent une chose vraie et courageuse
en Angleterre. Je vous le répète, ils n'avaient même pas
un marteau quand ils commencèrent et cependant
Wren bâtit Saint-Paul ils n'avaient pas une syllabe
intelligible et cependant ils ont rendu la
possible
littérature anglaise, littérature du siècle d'Elisabeth,
l'École du Diable, l'École et autres littéra-
Cockney
tures là encore, comme au vieux temps de la
liturgie, c'est, aussi étendu que le monde, un pête-mête
un fourré, un enchevêtrement
confus, qui attend avec
terreur qu'on fasse un choix parmi ce qu'il renferme,
qu'on « édite soigneusement », qu'on « brûle soigneu-
sement M~Arachuë, ja<Ïis,"tt*ëûra"aar que
disposition
son index et son pouce, elle n'eut pas même une que-
nouille cependant vous voyez aujourd'hui Man-
t.BS COMMENCEMENTS 2M
e~.tlF a~ .,nf, o., c~,f~t .n~n
chester, les étoffes de coton qui en soient, prêts
à couvrir les corps nus moyennant deux pences
l'aune!
Travail? la quantité de travail accompli et oublié qui
est enfoui-là, muet sous mes pieds, qui m'escorte et
me suit, qui me soutient et me permet de vivre, soit
que je marche ou reste immobile, quoi que je pense ou
fasse, cela donne lieu à réuexions N'y a-t-il pas, en tous
cas, pour un homme sage, de quoi réduire il jamais au
silence ce qu'on appelle la Renommée Aux yeux des
sots, de ceux qui ne réfléchissent pas, elle fait et fera
toujours beaucoup de tapage, cette Renommée elle
parlera de ses « Immortels et ainsi de suite mais
si vous la regardez de près, qu'est-ce qu'elle est ? L'abbé
Samson ne fut pas un néant parce que personne n'a
jM~ de lui. Et pensez-vous que le très honorable Sir
Jabez Windbag puisse jamais être fait quelque chose
par les majorités parlementaires ou articles de tête `?1
Ses « Immortels C'est & peine deux siècles en
arrière que la Renommée peut remonter et garder un
souvenir distinct la elle commence à balbutier,
à bégayer. Elle a se un Sha-
parvient rappeler
kespeare ou un être analogue
puis, d'une manière
qui ressemble fort à celle de l'oie, elle papote à son
sujet; -mais plus loin, à l'arrière-garde de ces héros,
en reculant jusque la naissance de Zeus, l'invasion de
Heugst', jusqu'au sein de l'éternité, tout est vide; les
nobles langues. teutoniques, mœurs teutoniques, les
existences de ces Teutons, tout cela serait apparu d'un
commun accord~coNune l'herbe pousse, comme le&
arbres croissent? ni les poètes, ni les œuvres
pourtant
issues du cœur d'un homme ne durent faire
inspiré
t. Heugtt, héros saxon qn~ secourut les Bretons contre les Pictes.
3t8 MPASSËETt.EPBËSEN'r

~–t ~– '–~ t <


défaut en ces jours lointains et la renommée n'a pas
un mot à dire à leur endroit Ou, si vous voulez, priez.
la de vous dire, en appliquant tous ses soins, tous ses
moyens mnémotechniques, y compris les apothéoses et
les sacrifices humains, sa pensée de derrière la tête au
sujet d'un Wotan, même d'un Moïse ou de quelqu'un
de ce genre. Pour commencer, elle n'est pas très sure
de ce qu'ils ont été était-ce des esprits, était-ce du
limon ? des dieux ou des charlatans? elle
a parfois le
pressentiment qu'ils pourraient bien n'avoir été que des
symboles, des idées de l'esprit, peut-être des néants,
des lettres de l'alphabet La Renommée, c'est la plus
tapageuse, celle qui a le plus inintelligible babillage,
sifflement, vacarme – le plus stupide le plus
aussi,
inharmonieux- de toutes les bêtes qui volent Et elle
n'a pas besoin d'autre « trompette », je pense, que son
énorme gosier d'oie qui mesure de
quelques degrés
la latitude céleste. Son « vol » est devenu de nos jours
plus rapide que jamais; mais son gosier d'oie n'en
semble que plus large, plus lourd et plus stupide que
jamais. Son règne est éphémère, elle est futile, une
Oie-Déesse Si son règne n'était pas éphémère
qu'adviendrait-il de nous? C'est une importante conso-
lation de songer qu'elle nous oubliera tous tous,
même les Wotan et qu'elle en viendra à nous consi-
dérer à la fin probablement comme des néants, des
lettres de l'alphabet 1
voici un noble abbé
Oui, Samson qui se résigner à
lui aussi et cela il ne l'envisage
l'oubli, pas comme une
rigueur,, mais comme une consolation cela lui appa-
~K comme un tranqùiuë au regard de
séjour de. paix
toute cette douloureuse anxiété, cette nèvre, cette stupi-
dité qui durant ses longues veittes, faisaient soupirer
MS COMMENCEMBNT8 SÊ3

t.– ~–t <) `


son vai!!ant oceur. Vos très douces voix font ensemble
comme une énorme voix d'oie, o Bobus et C' comment

pourraient-elles guider aucun fils d'Adam? C'est quand


vous vous tairez, vous et vos semblables que les
« petites voix tranquilles o se feront entendre aux
hommes c'est en elles seules qu'on peut un
espérer
~uide.
Mes amis, tout bavardage, tout bruit est
éphémère,
sot, artificiel. Seul, le vrai travail, celui qu'on accom-
p)it fidèlement, celui-là est immortel, comme le tout-
puissant fondateur, l'architecte du monde lui-même.
Tcncx-vous-ie pour dit et laissez la Renommée et le
reste continuer à papoter.

Les Voix ont été ontendues


Les Sages ont «ë entendu)
Ainsi qu'eux lea Mondoa et les Ages
ChoMMe~ Mon votre choix se fait vito
Et pourtant sa portée est fMonMtOMurabte~

Ici des yeux voua rogardent


Dans le allenco de l'éternité
ïo! y y a abondamment,
Braves, do quoi vous récompenser
TravfnUez, ne désespérez pas.
(GOSTM.)
UVREMt
LE TRAVAÏLLEUR MODERNE

CHA!THE PREMIER

FANTOMES

Maisdira-t-on, la religion est passée: nous ne croyons


plus en saint Edmund, nous ne le voyons ptusapparattre
!a !isi&re do l'horizon menaçant ou propice. Les
lois absolues de Dieu, sanctionnées par un éternel
paradis et un enfer éternel, sont devenues des philoso-
phics morales sanctionnées par les habiles calculs du
profit el de la perte, par tes minces considérations des
p!aish'8 de la vertu et du sublime moral.
Il en va, en effet, ainsi. Pour parler l'ancien dialecte,
nous avons « oubué Dieu »; en dialecte tout moderne,
et poiïr dire l'exacte vérité, nons avons pris comme le
fait<!e l'univers ce qui ne ~es!pos. Nous avons tran-
quittement fermé les yeux & l'éternelle substance des
choses et ne les avons ouverts qu'aux apparences et
aux aemMants des choses~ Noustenpns~ranqu!ement~
cet univers pour un grandet in-
inintelligible ~eH~~g,
trinsèquement tandis qu'extrinsèquement, it n'est que
trop aisé de le voir, c'est un parc à bétai!, un atelier
.00
SM LE MM~ ET LE MISENT

d'une vaste étendue, avec des fourneaux


de cuisines, des
servies une vaste
sur étendue, –
tables, auxquelles
celui-là est sage qui sait trouver une place Toute la
vérité de cet univers est incertaine seuls les profits et
les pertes, le pudding et son éloge y restent bien visi-
bles pour l'homme pratique.
Il n'y a plus aujourd'hui de Dieu pour nous les lois
de Dieu sont devenues principes du plus grand bon-
heur, opportunités parlementaires le ciel ne s'étend

plus au-dessus de nos têtes que pour nous fournir un


chronomètre astronomique, une cible où visent les
télescopes d'Herschell, un point de mire pour les sen-
timentalités dans notre dialecte, qui est aussi celui du
vieux Johnson, nous dirons que l'homme a perdu son
âme, et maintenant que le moment prévu est arrivé, il
commence à en sentir l'absence C'est là qu'est la
maladie, le centre de l'universelle gangrène sociale.
menaçant toutes les choses modernes d'une mort
terrible. Pour qui veut
le constater, c'est là le mance-
nillier avec sa souche, ses racines pivotantes ou autres,
avec ses branches d'upa larges comme le monde et ses
maudites sécrétions empoisonnées, à l'ombre duquel
l'univers gît, se débattant dans l'atrophie et l'agonie.
Vous touchez là le centre focal de tout notre mal, de
notre effroyable nosologie de maux. Il n'y a pas de
religion, il n'y a pas de Dieu, l'homme a perdu son âme
et cherche vainement un sel antiputride. Vainement
à tuer des rois, voter des bills de réforme, à faire des
révolutions françaises, des insurrections de Manchester,
on ne trouvera pas de remède. L'épouvantable lèpre
~'ëlêphantiasis~ éloignée ~pour une heure, réapparaît
avec une force nouvelle, plus désespérante, l'heure
après. Car~actuellement~ là c'est pas le fait réel de
FANTONRS M?

~x~~x ~«~ c~it ~–t-<-


l'univers ce n'est pas ainsi qu'il est fait, mais autres
ment! A la vérité, toute société prenant pour point de
départ cette hypothèse d'un non-Dieu arrivera à un ou
doux résultats. Les HOM-véracités, escortées chacune
d'une misère et d'unepeine correspondantes; les fan-
tômes, !os fatuités, les dix ans de débats pour la loi sur
le blé qui hanteront la terre en plein jour – tout cela,
fatalement, se verra en grand nombre.
L'univers étant intrinsèquement un peut-être, n'étant
que trop probablement un « pé!e-mé!e infini », pour-
quoi tout p6!e-mé!e fini vous étonnerait-il ? Tout cela
est d'accord avec l'ordre de la nature et les fantômes
chevauchant avec force tapage le long des rues, d'un
bout h l'autre de notre existence:
certes, ils n'étonne-
ront personne. Ateliers ensorcelés de Saint-Yves,
{uistocratiesJoe Manton, immense mammonisme labo-
rieux presqu'étranglé dans les filets du dilettantisme
pmcsseux, aussi grand qu'un géant; tout cela dans
toutes ses branches, dans ses mille et mille modes et
aspects, est un spectacle qui nous est familier.
La religion du papisme, nous dit-on, est extrêmement
florissante en ces années c'est elle qui a l'aspect le
plus vivace parmi les religions qu'on rencontre à pré-
sent. « Elle a trois cents ans dans le ventre, déclare
M. Jouffroy, c'est pourquoi je la respecte' 1 Le vieux
pape de Rome, trouvant fatiguant de rester à genoux
tout le temps qu'on le promène
par les rues le jour du
Co/pHs CA~sK afin qu'il bénisse le peuple, se plaint de
rhumatisme; ta-dessus, ses cardinaux délibèrent; ils
~sent~aDrèsayoi~udté ta chose, jtn manne-
quin rembourré et habillé, fait avec du bois et du fer, de
la laine et du crin
cuit, puis ils lui donnent la posture
1. En francs dans te teste.
Il 1-1. 1-
~g ~B PASSE NT M'MËSBNT"

d'un
~tnn ~~mrv,o
homme à ~e genoux.
rnnn~wv âie.s~~
Voilà le .a.mannequin rembourré,
ou plutôt le croupion de mannequin à ce croupion
rembourré, l'aa~'e assis à l'aise sur un siège plus bas,
prête sa tête et ses mains étendues, grâce à des dra-
peries et étoffes le croupion avec ses vêtements
s'agenouille, le pape regarde et tient les mains étendues
et ainsi tous deux de concert bénissent la population
romaine au jour du Corpus Christi, aussi bien qu'ils
peuvent.
J'ai considéré ce pape amphibie avec son dos de fer
et de laine, sa tête et ses mains de chair vivante et j'ai
taché de calculer son Je le regarde
horoscope. comme
le plus remarquable pontife qui soit venu faire ombre
sur la lumière de Dieu, ou se soit peint sur la rétine
humaine depuis plusieurs milliers d'années. Que dis-je `?
?
depuis que le chaos s'est entr'ouvert pour la première
fois, qu'il a « éternué comme disent les Arabes et que
le premier trait de lumière l'a traversé, y a-t-il jamais
eu produit plus étrange de la nature et de l'art opérant
ensemble ? Voita un prêtre suprême qui croit que Dieu
existe – que croit-il donc au nom de Dieu que soit ce
Dieu ? et il reconnaît que tout le culte de Dieu n'est
qu'une fantasmagorie scénique de cierges, de sons
d'orgue, chants grégoriens, braiments de messes, mon-
signori de pourpre, croupions de taine et de fer artisti-
quement étalés pour préserver les ignorants d'un
mal pire.
0 lecteur, je ne dis pas
qui sont les élus de Bélial. Ce
pauvre pape amphibie, lui aussi, fait l'aumône aux
malheureux; il a en lui, à l'état latent, plus de.bon que
Ïui-uiênïe" n'a conseiëncè"d*ën avoirr Ses~auvres
jésuites, lors du dernier choléra italien, ont~té avec
quelques médecins allemands, les seuls êtres qu'une
'FAt<Mms'a~
tâche terreur n'ait
pas rendus fous, ils descendaient
sans crainte dans tous les gouffres, dans tous les Bod-~
!am ils veillaient au chevet du mourant, lui appor-
tant secours, conseil et espoir; ils brillaient comme de
lumineuses étoiles fixes quand tout le reste avait dis-
paru dans une nuitchaotique honneur à eux Ce pau-
vre pape qui sait tout ce qu'il y a de bon en lui ? En
un temps qui ne serait sans lui
que trop enclin à oublier,
il perpétue la plus lugubre, la plus fantomatique mé-
moire du Très-Haut, de la Bénédiction Suprême qui fut
jadis; de ce qui, réadapté sous une forme nouvelle devra
en partie revivre. Ce pape n'est-il pas comme une per-
pétuelle tête de mort, une croix faite d'ossements, ayant
aussi son T~sw~ew! et posée sur le tombeau d'un uni-
versel héroïsme? sur le tombeau de la chrétienté? '?
De tels quartiers de noblesse, achetés avec le sang de ce
qu'il y a de meilleur dans le cœur de l'humanité, ne
sauraient être perdus nous n'avons le moyen de
pas
les perdre, en quelque confusion être.
qu'ils puissent
Pour chacun de nous le jour
viendra,–pour quelques-
uns il est déjà venu où le mortel dont le cœur
s'élance vers la « divine humilité », ou autre «
suprême
forme de valeur », n'aura pas besoin de les chercher
dans des têtes de mort, mais les verra tout autour de
lui, ici et là, sous la forme de quelque bette tête vivante.
En outre, il y a chez ce pauvre dans
pape, son
manège de la thorie scénique du culte, une franchise
que j'estime assez. Ce n'est pas à demi, c'est'de tout
cœur qu'il s'essaie à honorer Dieu par une machinerie
de théâtre, comme s'il
n'y avait maintenant et qu'il dût
p~
neptusjamalify avoIFd'autre -procédé dans la nature.
Il vous demandera:
quoi d'autre? Au-dessous de mon
i. Maison d'aHenea en Angleterre.
chant grégorien, de ma belle fantasmagorie de cierges
est un ab!me ainsi obligeamment caché à vos yeux,
abîme du noir doute, du scepticisme, du sans-cu!ottismo
jacobin, un Orcus sans fond. Songez-y. « Le marais
Groby est dissimulé sous les gâteaux, ') maigre le défi de
l'intendant de Jeannie Dean Le gouffre
du scepticisme,
de l'athéisme, du jacobinisme, voyez, il est comblé,
caché à votre désespoirpar des combinaisons de machi-
nistes judicieusement entendues. Ce croupion rem-
bourré ne me garantit pas seulement contre le rhuma-
tisme, mais il vous garantit, vous aussi, de combien
d'autres choses en isme Dans cette vie-pélerinage
d'ici-bas, une belle marche en musique de squaUacci 1
et le chant grégorien vous accompagnent, tandis que
le gouflre de la nuit d'Orcus est soigneusement dérobé
à vos regards
Oui, à la vérité, peu d'hommes parmi ceux qui font
leurs dévotions à la calebasse rotatoire des Kalmucks,
le font d'une manière aussi grande, réelle.
franche,
Drury Lane, prétend-on (et ce n'est pas peu dire) pour-
rait s'instruire auprès du pape quant à la façon d'ha-
biller ses personnages, la disposition des lumières et
des ombres. C'est le plus grand acteur qui, en ce
monde, perçoive pour l'heure un salaire. Pauvre pape;
et l'on m'àssure qu'il fait presque banqueroute lui aussi;
et que d'ici un nombre d'années très facile à calculer,
(bien avant les « trois cents ans ») il ne lui restera pas un
penny pour mettre le pot-au-feu Son vieux dos rhu-
matisant ira alors se reposer; et lui-même et ses acces-
soires théâtraux, tout ira dormir dans le chaos pour
toujours;.
Mais, hélas, pourquoi aller chercher à Rome des
i. Musique de squaHacei, musique de braillarde.
.4.<>.<
PAMMMRS a~t
–t t w
fantômes se promenant dans les rues Fantômes,
spectres, à cette heure de ténèbres profondes, célèbrent
des jubilés, jacassent, des cris perçants; et la
poussent
question qu'il conviendrait plutôt de se poser, c'est
quelle haute réalité, où que ce soit, est donc encore
en éveil ?– L'aristocratie est devenue une aristocratie-
fantôme qui n'est plus capable de faire sa besogne, n'a
plus aucunement conscience d'avoir encore à faire une
besogne quelconque. Incapable de l'accomplir, totale-
ment insouciante de sa besogne soucieuse seulement
de réclamer les salaires donne droit la besogne
auxquels
accomplie et même réclamant, avec l'élévation de ces
salaires immérités des lois sur le b!é et
et palpables
l'augmentation des revenus, l'ancien taux des salaires
n'étant pas, aujourd'hui, Dans une lutte pa-
adéquat!
)'ei)!e a celle d'Hercule avec t'hydre, la gigantesque
« ~/<ocratie », si je peux la nommer ainsi, réel géant,
quoiqu'encore aveugle et à demi endormi ce
jusqu'à
jour, lutte et se débat dans un cauchemar où elle
étouffe, « sur le point d'être étranglée dans tes filets à
perdrix tendus par cette aristocratie-fantôme, comme~
nous l'avons dit, qui s'imagine encore être un géant.
EUese débat, ainsi qu'en un cauchemar jusqu'à ce
qu'elles'éveitte elle étouffe, lutte à mille nous
reprises,
pouvons le dire, d'une manière vraiment pénible, ago-
nisant à travers toutes les fibres de notre existence
anglaise, à cette heure et en ces années Est-ce que
notre pauvre existence devient tout entière un
anglaise
cauchemar, uniquement peuplé de fantômes?
L~P~<jrAngleterre,tpu~couvert de ~r_ou Y
d'étain, chevauche dans Westminster Hall, « soulevé
jusqu'à sa selle sans trop de peine Met de là il s'informe
si, dans les quatre parties du monde sous la calotte des
-< -»,>
"~T t.E PASSE ~t.ETRËSBNT

cieux,
cieux, il ya un seul
seul homme
homme ou un seul seul démon qui ose
mettre en doute les droits du souverain ? Sous la calotte
descieux, nul homme ne fait entendre
de réponse intet-
– telle que plusieurs en auraient
ligible hommes déjà
dû faire. Est-ce que ce champion, lui aussi, ne connaît
pas le monde ne sait-il pas qu'il est une immense im-
posture, une inanité sans fond, recouvert d'un vête-
ment briiïant et autres tissus ingénieux? Lui, taissons-!c
là, en train d'inierroger tous les hommes et tous les
démons.
Lui, nous l'avons laissé & sa destinée; mais qu'avons-
nous rencontré d'autre? lui, plus haut sommet
depuis
des choses, si nous descendons à travers toutes les
couches, tous les étages, combien de réalités pleine-
ment éveillées rencontrons-nous? hélas, au contraire,
quelles troupes, queUes populations de fantômes, non
plus de véracités divines mais de faussetés diaboliques,
nous trouvons jusqu'à la couche la plus basse –& ceux
qui maintenant, par suite du poids de non véracités qui
pèse sur eux, sont là ensorcelés dans ces ateliers de
Saint-Yves, assez larges, certes et abanbonnés sans
secours Vousne pouvez pas passer dans une rue fré-
quentée, ou dans le sentier le plus écarté de l'existence
anglaise, sans rencontrer un homme ou un intérêt de
l'humanité qui n'ait renoncé à espérer en l'éternel, en
la vérité et n'ait placé son espoir dans le temporaire,
dans la demie ou l'entière fausseté. Le membre hono-
rable se plaint d'une voix discordante
qu'il y a de la
« poussière du diable » dans !ea tissus du Yorlishire.
Tissus du Yorkshire, – mais le papier
quoi, même
sur icqucï ~ëcrîs a ceHë~heureMrenpartie~tt, et il y
paraît, de chaux ptâtrée bien unie et m'entrave dans mon
écriture Vous avez de la chance si vous pouvez trouver
FANTOMBa gag

maintenant un bon 11i1ninn


papier –
nnn~n.m _t.J.-

quelconque n'importe
quelle chose réeMement faite; cherchez où vous voudrez,
du plus haut sommet, les fantômes
parmi jusqu'à la
couche la plus basse des ensorcelés.
Considérez, par exemple, ce grand chapeau de sept
pieds qu'on voit parcourir les rues de Londres et que
mon ami Sauerteig considérait avec raison comme une
des notabilités de !'Ang!eterre « le point le plus élevé,
disait-i!, où l'on ait vu jusqu'ici le charlatanisme anglais ê
atteindre puisse-t-il être !e point euhninant a partir
duquel vous rebrousserez chemin » Le chapelier du
Strand à Londres, au lieu de faire des dont
chapeaux
le feutre soit meilleur monte sur roues un
qu'ailleurs,
chapeau colossal, fait de lattes et de plâtre, haut de sept
pieds il charge un homme de promener cela par les
rues, espérant se sauver par là. H n'a pas essayé de
faire de meilleurs chapeaux, fonction pour laquelle tout
t'univers le désignait et qu'il eût très probablement
pu
rempiir s'il s'y était avec ingénuité mais
appliqué
toute son industrie tend à nous persuader qu'il en est,
en effet, ainsi! Lui aussi, ce chapelier, il sait que le
charlatan est devenu Dieu. Ne riez pas de lui, ô lecteurs,
ou du moins ne vous bornez
pas à rire, car le spectacle
a cessé d'être il est presque devenu tragique.
comique,
Pour moi, ce souffle de charlatanisme
qui rend tous
les êtres sourds, cette misérable fausseté, aujourd'hui
nécessiteuse, ce misérable athéisme de cœur qui abou-
tit à des ateliers ensorcelés, tout cela ne ressemble que
trop à un souffle de jugement Je suis obligé de me dire
à moi-même, dans le dialecte d'autrefpts_LtLbénédtc-_ J
~on de Dieu n'est
pas écrite sur tout cela mais sa mate-
diction est écrite sur tout cela 1 A moins peut-être
que
l'univers ne soit une chimère, vieille horloge
quelque
-SM
'M'MSSË BT ~'fBSSNt't'

remontée pour huit jours et complètement dérangée,


chose aussi inanimée que le cuivre, dont le fabricant
s'il y eut jamais un fabricant – a
depuis longtemps
cessé de s'occuper Pour mon ami Sauerteig, le fait
de ce pauvre constructeur du chapeau de sept pieds. à
titre de point culminant du charlatanisme anglais, cela
valait d'être noté.
Hélas nous, dans
que le pays de qui ces faits se

produisent, n'y fassions que peu d'attention, que nous


regardions cela comme une chose très naturelle, c'est
bien là qu'est la gravité du mal. Nous tenons pour
admis, même les plus rigoureux d'entre nous, que tous
les hommes qui ont fait quelque chose sont autorisas
et invités à le proclamer avec-le plus de bruit possible
et à s'adresser à un public sagace pour qu'ils les ré-
compense. Que chaque homme soit sa propre réctamb v
voilà, et dans une mesure
alarmante, la règle admise.
Faites de votre chapeau l'éloge le plus bruyant possible;
éloge justifié s'il se peut s'il y n'y a pas moyen, que
votre éloge soit alors menteur – menteur dans la me-
sure où cela pourra servir à vos fins et ne paraîtra pas
trop menteur pour être cru Eh bien, je vous réponds,
une fois pour toutes, que le fait n'est point ainsi. La
nature ne réclame d'aucun homme qu'il chante la

louange de ses actions, ou des chapeaux qu'il fabrique.


La nature défend à tous les hommes d'agir ainsi. ï! n'y a

pas un homme pas un chapelier sur terre, qui ne


sente ou n'ait senti qu'il se dégrade s'il vante ses perfec-
tions et ses prouesses, sa supériorité dans le métier
qu'il exerce au plus profond de son âme, il entend une
-voix quHui~dit~ft Laisse atcs~misl~som~tepaftsrdB
cela, à tes ennemis s'il se peut, mais du moins à tes
amis » II a déjà le sentiment.d'être un pauvre fanfaron,
1.1-11- 1 ">C"t..
"<
fANt'OMES ??
en train de devenir rapidement un artisan de fausseté,
un orateur attaché à la cause de la non-véracité.
Les lois de la nature, je suis obligé de le répéter, sont
éternelles sa voix tranquille, peu bruyante, que nous en-
tendons au plus profond de notre cœur, nous ne la dédai-
gnerons pas sans que des maux terribles s'ensuivent. Au-
cnn homme, en particulier, ne peut s'écarter de la vérité
sans se porter préjudice à tui-meme un million d'hom-
mes ne le pourront pas davantage et vingt-sept mil-
lions d'hommes, pas plus. Montrez-moi, n'importe où,
une nation qui en soit arrivée là, dont
chaque membre
s'attende à pareille chose, la tolère pour les autres et
pour tui-méme je vous ferai voir que cette nation, d'un
commun accord, est engagée sur la grande route. C'est
la grande route », en dépit de toutes les banques
d'Angleterre, manufactures de coton ou palais ducaux
que le pays peut renfermer. Ce n'est pas à des Champs-
Elysées, séjour bienheureux, que cette nation arrivera,
ni à d'éternelles couronnes de victoires conquises par
le mérite silencieux mais, si elle ne s'arrête pas, c'est
& des précipices, à des gouffres dévorants qu'elle abou-
tira. Qu'importe millions d'hommes et leur
vingt-sept
unanimité ? Ne les en croyez pas. Les mondes et les
siècles, Dieu, la nature et l'humanité parlent autre-
ment.
«
Rhétorique que tout cela ? Non, mes frères, si
étrange que cela paraisse, tout cela est un fait. L'arith-
métique de Cocker n'est pas plus vraie. Oublié de nos
jours, ce fait est aussi vieux que l'univers et durera
jusqu'à ce que cet univers ~tjccssé d'exister.JJest ou-~
"bhé a cette heure; rien que d'en faire mention amène
un ricanement sur vos charmants
grimaçant visages;
mais ce fait, il faudra
qu'on en tienne compte à nouveau
IG
15
3M ~E PASSE ET LU MISENT

– à moins toutefois que la loi de gravitation ne vienne


à être reconnue illusoire et que les hommes n'en arri-
vent à trouver qu'ils peuvent marcher dans le vide.
L'unanimité des vingt-sept millions n'y pourra rien ne
fais pas route avec eux; fuis-les comme s'ilyallait de ta
vie. Ces vingts-sept millions d'êtres engagés dans de tels
sentiers, malgré l'or qui sonne dans leur poche, les vivats
qu'ils lancent jusqu'au ciel, se rapprochent à chaque, à
chaque pas, laisse-moi te le rappeler encore, de la /?n
de la terre ferme, de la fin, l'extinction de ce qu'il y
avait de fidélité, de véracité, de réelle valeur sur la
route de leur vie. Leurs nobles aïeux leur avaient tracé
une « route de vie – en combien de sens on peut l'en-
tendre S'ils ont encore aujourd'hui un antique et sage
proverbe à la bouche, un honnête principe qui de leur
cœur passe à leurs lèvres, quelques manières sensées
d'agir dans leurs rapports avec leurs frères, cela seul
les aide encore à marcher. La vie leur est encore pos-
sible, parce que tout en eux n'est pas encore hâblerie,
fausseté, culte de Mammon et anti-nature parce qu'il
leur reste quelque vestige de Métité, de véracité et de
valeur Avec un certain nombre fini, si considérable
soit-il, de non-véracitéa et de fantômes, la vie sociale
est encore possible elle ne l'est pas avec un nombre
infini de ces choses! Dépassez ce certain nombre, le
chapeau de sept pieds et, aussitôt, toutes choses, des
plus petites aux plus grandes, jusqu'au champion entiè-
rement recouvert d'étain, commenceront à trébucher
et se débattre; amenant tef? insurrections de Man-
chester, Le chartisme, !es écheties mobiles, – !a loi de
la gravitation ne pouvant suspendre son action. Vous
vous rapprochez à chaque pas de l'extrémité de la terre;
vous êtes en train, très exactement de « dévorer le
FANTOMES aâ7

chemin ». Pas à pas vrnnc.


vous fl~~oo vr:.n.
allez, vingt-sept
~a _:t1L.
millions
.1-
de
marcheurs inconscients jusque ce ce que vous <OHcA<~
l'extrémité de la terre jusqu'à ce qu'il ne reste plus
assez de fidélité parmi vous, et que votre pied levé se
pose, non plus sur la terre, mais dans l'air, sur les
profondeurs de FOcéan et les gouffres mugissants
à moins peut-être que la loi de la gravitation n'ait oublié
d'agir?
Oh, quelle chose terriblequ'une nation tout entière
qui, comme disaient nos pères, a « oublié », ne connaît
plus que Mammon et ce à quoi conduit Mammon où
ce chapelier, qui se fait sa propre réclame, est l'emblème
de presque tous les artisans, travailleurs, de tous ceux
de n'importe
qui s'occupent quoi depuis le soin des
~)nes, le soin des corps, poèmes actes de
épiques,
parlement, jusqu'aux chapeaux, au cirage des bottines
Il n'y a pas un homme égaré dans le faux dont l'erreur
ne soit incatcutabte quelle somme en une
d'erreur,
génération ou deux, vingt sept millions d'hommes, dans
le taux pour la plupart, ne trouveront-ils pas moyen
d'accumuler? Le spectacle de toute cette foule, visible
dans les rues, sur la place du marché, au sénat, dans
les bibliothèques, à la cathédrale, la manufacture de
coton et l'atelier, ne remplit pas l'observateur d'un sen-
timent comique 1
CHAPITREIl

L'ÉVANGILE DU MAMMONISME

Lecteur, lecteur chrétien, puisque ce titre t'appar-


tient, as-tu la moindre notion du ciel et de t'enfer?
Je crains bien que non. Pour souvent ~s mots
que
soient sur notre langue, ils n'en ont pas moins pris
pour la plupart de nous, un caractère fabuleux ou
semi-fabuleux ils n'ont plus cours que comme une
sorte d'analogie transitoire, un son recouvrant peu de
sens.
Cependant, il vaut bien la peine que nous le sachions
et nous le remémorions sans cesse, ces mots ne sont
point une analogie, ni une fable ou semi-fable ils sont
un fait suprême et éternel « Il n'y a plus de lac en
Sicile, ni nulle part ailleurs de lac de soufre où nous
puissions croire être brûlés aujourd'hui » dis-tu; soit,
et quand même il n'y en aurait pas 1 Crois qu'il n'y en
a pas crois-le si tu veux bien plus, regarde cela
comme un progrès réel, considère que tu as atteint & un
degré supérieur, a de plus vastes empires, à un horizon.
plus étendu. Tout cela a disparu, ou n'a pas disparu
~rois~ ce~que~ tu voudras A cet égard.-Mais-qu'un inËnL.
d'importance pratique, s'exprimant avec une stricte
exactitude mathématique, ait disparu ou puisse dispa-
!RVANC!)LB PC MMtMOKMME ?&
raïtro de la vie
de d'aucun hnmmn;
homme: vn:t!t
voilà <*«
ce n.t':t t'a~*
qu'il .t'est
interdit do croire 0 frère, l'inuni de la terreur, de l'es-
poir ou de la pitié, ne s'est-il jamais à aucun moment
(le ta vie, révélé à toi, indubitable, innommable? N'a-t-il
jamais, pareil à la lueur des éternels et SM~o~/s
océans, à la voix des éternités reculées, pénétré avec
un bruit lointain de ton cœur?
jusqu'au plus profond
Jamais? Hétas ce n'était pas le libéralisme
qui régnait
alors en toi, c'était l'animalisme L'infini est plus cer-
tain que n'importe quel fait. Mais les hommes seuls
peuvent le discerner de simples castors constructeurs,
des araignées fileuses et surtout des races de vautours
et de renards vivant de rapines, ne le peuvent bien dis-
cerner 1
Le mot enfer, dit est encore fréquemment
Sauerteig,
usité parmi les Anglais, mais
je n'ai pu m'assurer, sans
difttculté, de ce qu'ils entendaient
par là. Enfer, cela
signiue généralement la terreur infinie, la chose dont
un homme a un effroi infini, qui le fait trembler et fré-
mir, pour échapper à quoi il lutte de toute son âme. II
y aura donc un enfer, si vous y prenez garde,
qui sui-
vra l'homme à toutes les époques de son histoire, de
son développement ou autre
religieux mais les enfers
des divers hommes et des divers peuples, diffèrent no-
tablement. Pour les chrétiens, c'est l'infinie terreur
d'être déclaré devant le juste juge. Pour les
coupable
Romains d'autrefois, c'était je présume, la terreur non
pas de Pluton, dont ils se souciaient probablement peu,
mais d'avoir d'avoir
agi indignement, agi contre la
vertu, ce qui était le terme dont ils l'action
désignaient
~on-A~aMc.Etqu'est-ceaujbura'nui, si vous mettez
à nu tous ses ses ouï-dire
cants, toujours répétés, ce
qu'il appelle ses cultes et le reste qu'est-ce, à la
âa& DEPASSE ET M PB~SBKT

vérité, n~tR
<r~t<!tA
que t'A)nnf<
l'âme f!f<a Aneftats
des Anglais modernes
tDnftafnnit redoute infini.
ment et qu'elle contemple avec un complet d'espoir ?
Quel est son enfer, au fond de tous ces honorables ouï-
dire toujours réputés ? Avec hésitation, avec étonne-
ment, je déclare que c'est la terreur de « ne pas réus-
sir » de ne pas gagner en ce monde de l'argent, de la
gloire, de n'y pas pouvoir faire figurc de quelqu'autre
manière mais surtout de ne pas gagner de l'argent
N'est-ce pas là une singulière sorte d'enfer ?
Oui, ô Sauerteig, c'est très singulier. Si nous ne
« réussissons pas, quel est le sens de notre vie? Nous
eussions mieux faitde ne jamais naître. « Tremblez

profondément », comme dit notre ami l'empereur de


Chine voilà le noir abîme de la terreur, ce que Sauer-

teig appelle, l' « enfer des Anglais Mais, à vrai dire,


cet enfer se rattache naturellement à l'évangile du
Mammonisme, qui comporte lui aussi, un ciel corres-

pondant. Car il y a une réalité parmi tant de fantômes


il y a une chose que nous prenons entièrement au
sérieux le fait de gagner de l'argent. Le Mammonisme
actif partage le monde avec l'oisif
dilettantisme, tout à
la garde de ses chasses le ciel soit loué de ce qu'il
y ait au moins un Mammonisme, quelque chose que
nous prenons au sérieux L'oisiveté est le pire, l'oisi-
veté seul est sans espoir travaillez sérieusement à-une
chose quelle qu'elle soit, vous apprendrez graduelle-
ment à travailler à toutes choses. II y a un' infini d'es-
poir dans
le travail, fût-ce même dans le travail appli-
qué à gagner de l'argent.
Vraiment, il faut le reconnaître, nous en sommes
venus aujourd'hui~ ~tvee notre évangile du Mammo-
nisme, a d'étranges conclusions. Nous appelons cela
une Société et nous allons ouvertement la
professant
~VA~~B M m~MO~SM~

.~t-tt~~t~ I< ~T< <


séparation, l'isolement le plus complet. Notre vie n'est
pas une aide mutuelle c'est plutôt, masquée en règle
par les lois de la guerre du nom de « compétition légi-
time » et autres, une mutuelle hostilité. Nous avons
profondément oublié de toutes parts que le paiement
<< espèces n'est pas l'unique relation entre êtres hu-
mains nous pensons, sans le moindre doute, que cela
t-csoud et liquide tous les engagements de l'homme.
« Mes ouvriers qui meurent de faim ? répond le riche
industrie! « n'ai-je pas loyalement fait marché avec
eux ? est-ce que je ne leur paie pas, jusqu'aux derniers
six pence la somme convenue ? Qu'ai-je & faire de plus
avec eux? a –Vraiment le culte de Mammon est une
croyance de nature à nous rendre mélancoliques. Quand
Caïn, poussé par l'intérêt, eut tué son frère Abel et
qu'on lui demanda Où est ton frère? lui aussi fit cette
« Est-ce
réponse: que j'ai la garde de mon frère? x=_
Est-ce que je n'ai pas payé à mon frère ce qui lui était
du, ce qu'il avait mérité que je lui paie 2?
0 Marchand-Prince, qui vis dans le luxe illustre, duc
tout à la garde de tes chasses, pensez-vous qu'il n'y
ait pas d'autre moyen de « tuer votre frère que le
procédé brutal de Caïn ? « L'homme bon, par le seul
regard que nous jetons sur lui, par sa seule présence
parmi nous comme compagnon de route dans le pèle-
rinage de la vie, nous promet tant de choses ». Mal-
heur a lui s'il oublie toutes ces promesses, s'il ne sait
plus qu'il les a faites A l'âme insensibilisée., desséchée
par la grossière idolâtrie des sens, pour qui aller en
enfer est synonyme de ne pas gagner d'argent, toutes
tes a promesses~, tous les devoirs moraux quitteront
pas matière à procès devant la Cour des requêtes,
s'adresseraient en vain. De on en peut exiger
l'argent,
89~ Ï.E fASS& BTtE PRESENT

d'une âme, mais rien d'autre.


telle Je n'ai pas entendu

parler dans toute l'histoire passée, et je ne pense pas


entendre parler dans toute l'histoire future, d'une
Société quelle qu'elle soit, sous le ciel de Dieu, repo-
sant sur une pareille philosophie. L'Univers n'est pas
fait ainsi il est fait tout au rebours de ceci. L'homme
ou la nation d'hommes qui le pense fait ainsi, marche
ne doutant de rien, va toujours de l'avant; mais marche
– nous savons vers quoi En ces deux derniers siècles
de gouvernement athéiste (près de deux siècles se sont
maintenant écoulés depuis la bienheureuse restaura-
tion de Sa sacrée,
Majesté défenseur de la foi,
Charles II,) je pense que nous avons suffisamment bien

épuisé la quantité de « terre ferme sur quoi il nous


était donné de marcher et nous sommes en train
de frissonner, de chanceler, ce qui est de bien mauvais

augure. Du moins espérons que nous allons essayer de


rebrousser chemin, de gagner le bord du rocher 1
Car, à la suite de ceque nous appelons athéisme
viennent tant d'autres ismes, tant de faussetés, chaque
fausseté traînant sa misère derrière elle – Une awe
n'estpas comme du vent (spirétus, ou souffle) contenu
dans une capsule; le yot~HtssaMf Créateur n'est pas
comme le créateur d'une pendule qui aurait une fois,
dans untemps immémorial, fait son univers
pareil
une horloge et qui resterait assis depuis lors, à la re-
garder marcher 'II n'en est rien. De cette erreur vient
l'athéisme; viennent, comme nous le disions, beaucoup
d'autres ismes de là vient le valetisme, qui les rassem-
ble tous, l'Mceyse de l'héroïsme triste racine 'de tous
les jmauxjMssibles. Car, à yraidtre, d~-memejqju'aucun
homme n'a jamais vu cette particule de vent, dont nous

parlions plus hauttrenfèrmé&dans une capsule et qu'il


!M!6ttB M! HAHHeMSMB ggg .–

trouve, au fond, la chose


plus improbable que conce-
vable il trouve
de même, en dépit des legs Bridgwa-
ter, que votre Tout-Puissant créateur d'horloge est
chose tout à fait douteuse, contestable en consé-
quence de quoi il la nie, et du même coup nie tant
d'autres choses 1 Car la foi en ce qui est invisible,
innommable, divin, présent en tout ce que nous voyons,
faisons et souffrons, c'est là l'essence de n'importe
quelle sorte de foi; elle reniée ou, ce qui est encore pis,
affirmée avec les lèvres seules, puisée seulement dans
les livres de prières reliés, quelle autre chose demeure
n'oyaMe?– Quelecant bien ordonné est du cant propre
a la vente; qu'héroïsme veut dire histrionisme éclairé
par le gaz que, si on le regarde avec des « yeux clair-
voyants » (ainsi qu'on appelle les yeux de valets), aucun
homme n'est un héros ou ne fut jamais un héros, mais
que tous les hommes sont des valets et des vauriens.
Maudite quintessence pratique de toutes sortes d'incré-
dulité Car s'il n'y a plus maintenant de héros, si l'his-
trion lui-même commence à être admis, quel espoir
y a-t-il ici-bas pour la postérité d'Adam? Nous sommes
condamnés à être l'éternelleproie. du charlatan qui
tantôt d'une façon, tantôt d'une autre nous dévalisera,
nous épluchera et nous mangera selon les procédés qui
lui seront le plus commodes. Les procédés, les manières
me sont assez indifférents. Le charlatan devenu inévi-
table, faites qu'il arrive vite, qu'il m'épluche et qu'il me
mange vit3, que j'en aie, du moins, fini avec lui,
car, en son monde de charlatanisme, je ne saurais
avoir le désir de m'attarder. Quoiqu'il me fasse périr,
cependant je ne yeux pas me-fier & lui. Quoiqu'il con-
quière des nations, quoique tous les valets de l'univers
le suivent a grands cris, cependant je n'en sais pas
?? M MSS~ ET M PNËSEN~

moins qu'il est une inanité; qu'à lui et tes siens il n'y
a pas d'autre séjour assigné que la géhenne et l'abîme.
Hélas, ce monde de l'athéisme, depuis les plus hauts
sommets de son ciel et de Westminster Hall, en descen-
dant aux pauvres chapeaux de sept pieds et aux « in-
sincérités affamées et, plus bas encore, jusqu'aux der-
niers caveaux, aux antres-à-faim abandonnés où on les
trouve, ce monde est bien misérable.
Un des faits signalés en Écosse par le Dr Alison nous
a beaucoup frappé Une pauvre veuve d'Irlande, dont
le mari était mort dans une des ruelles d'Edimbourg,
s'en alla avec ses trois
enfants, dénuée de toute res-
source, demander du secours aux établissements de
charité de la ville. A l'un de ces établissements de cha-
rité, puis à l'autre, elle essuya un refus renvoyée de
l'un à l'autre, évincée partout jusqu'à ce qu'elle les aut
tous épUtsés jusqu'à ce que les forces et le courage
l'abandonnassent elle tomba, prise de la fièvre
typhoïde, et elle infesta sa ruelle de la fièvre, si bien que
« dix-sept autres personnes » y moururent après elle
de la fièvre. Le médecin, plein d'humanité, demande
là-dessus, et il semble que son cœur soit
trop plein
pour qu'il puisse parler N'y aurait-il pas eu économie
à secourir cette pauvre veuve? elle a attrappé la fièvre
typhoïde et vous a tué dix-sept 1 C'est
personnes
très curieux. La pauvre veuve Irlandaise, abandonnée,
s'adresse aux ses
frères, comme pour leur
créatures,
dire « Voyez, je succombe, dénuée de tout se-
cours il vous faut m'aider Je suis votre sœur, un
membre d'entre vos membr es un même Dieu nous

–i. 0~eM<~oni'SBr<<)HManuM<~?HcSmepaMe<'e ë 6tMM,parW~Pu)


teney-Athon, M. D. MM.
2. Bono of yourboM littéralement, un os do votro o~. <
L'6YANC!t.EmmMMQN!SME 338

a faits il vous faut m'aider o Et eux répondent


« Non, impossible tu n'es pas notre sœur. Mais elle
a prouvé sa fraternité sa nevre typhoïde les a tués,
p«a? c'est alors qu'ils ont été ses frères, bien qu'ils
eussent nié l'être Créature humaine dut-eUe jamais
descendre plus bas pour trouver une preuve?
Car, comme il était d'ailleurs assez naturel en pareil
cas, tout Gouvernement des pauvres par les riches est
livré depuis longtemps à l'offre et la demande, au-
hnssez-faire et autres choses semblables, et déc!aré
universellement « impossible ». « Vous n'êtes pas notre
sœur queUe ombre de preuve y a-t-il Voi!& nos

parchemins, nos cadenas, qui prouvent indiscutable-


ment que nos coffres-forts sont Hd~'cs et que vous
n'avez rien à faire avec eux. Partez c'est impossi-
b)e! » Mais
quoi, toi-même, qu'aurais-tu prétendu
que nous fassions? nous crient les lecteurs indignés.
Rien, mes amis, jusqu'à ce que vous soyez munis
d'une âme. Jusque-là, toutes choses sont « impossi-
bles ». Jusque-là je ne peux même pas vous ordonner'
d'acheter, ce qu'eussent fait les anciens Spartiates,
pour deux sous de poudre et de plomb et de fusiller,
pour abréger, cette pauvre veuve Irlandaise cela
même, c'est « impossible » pour vous. II ne vous reste
rien d'autre qu'à lui laisser prouver son titre de soeur
en mourant, en vous infectant du typhus. Dix-sept
d'entre vous, étendus morts, ne pourront pas nier
qu'elle n'ait la chair de leur chair et peut être quel-
ques-uns d'entre vous qui vivez pourront-ils graver
cela dans leur cœur.
« Impossible "~JLest dit d'un certain anirYaL & p!u-_
mes, bipède, que si on trace autour de lui un cercle bien
visible, & la craie, il s'arrête emprisonné, comme
.L M.M~'B~T M-P&Ë8EM

ôtreiht par l'anneau de fer de la fatalité; et qu'il meurt


là, quoique voyant à côté de lui des aliments ou qu'il
reste inerte, dans une détresse de malade, si bien qu'il j
se laisse gaver jusqu'à en mourir. Le nom de ce pauvre
animal bipède, c'est – oie et on fait de lui, quand il a
été bien gave, du ~dM de foie ~ras fort prisé de que!-
ques personnes! 1

i. En fh)n;tth dans le texte.


CHAPtTBE 'H

ÉVANGILE DU DILETTANTISME

Mais après tout, l'évangile du dilettantisme, qui


engendre une classe gouvernante laquelle ne gouverne
pas, et ne comprend pas le moins du monde ce qu'on
est en droit d'attendreou ce qu'on espère de son gouver-
nement, c'est chose encore plus désolante que l'évan-
gile du Mammonisme. Le Mammonisme, du moins,
travaille, comme nous l'avons dit celui-ci va, oisif. Le
Mammonisme a saisi quelque fragment du message de
la nature a l'homme l'ayant saisi, s'y étant conformé,
il saisira et s'appropriera un fragment de plus en plus
grand du message de la nature mais le dilettantisme
n'en a rien retenu du tout. « Gagnez de l'argent », ceta
veut dire après tout, <' travaillez afin de gagner de l'ar-
gent ». Mais « promenez-vous gracieusement oisif à la
foire de mai, qu'est-ce que cela veut ou peut vouloir
dire ? Une aristocratie oisive, toute à la garde des
chasses ou même au vote de lois sur les blés, dans un
pays comme notre Angleterre est-ce que le monde, si
nous voulons y réSëchir, a jamais vu jusqu'à ces der-

niers temps ~mphénnmAn~patftitPPettt~e~ttH~mp~–


'ongtemps à en voir un pareil?
En conséquence, l'impuissance, l'insolence du ne-
~38 LB PASSE ET t<B PRESENT

ft~ït~~n~~f~~ T~~nt~tt~ ~ht MÏ~w~ ~~M~


rien-faire en
pratique, du ne-rien-dire en paroles, dont
il nous faut être témoins dans nos affaires, est chose
vraiment étonnante. Une loi sur le blé prenant elle-
même sa propre défense, pendant dix ans et plus, avec
des « arguments o à faire pleurer les anges et d'autres
classes d'êtres! Car les hommes n'ont pas honte de se
lever au Parlement ou ailleurs, et de dire des choses
qu'ils ne pensent pas. « Expédients », « nécessités de
parti », etc. C'est chose ignorée que la langue de
l'homme est un organe sacré que l'homme lui-même
se définit en philosophie, une « parole incarnée » si
la parole n'y est pas, vous n'avez pas non plus un
homme, mais, à sa p!ace,un fantôme! C'est ainsi qu'il se
fait que les absurdités vivre assez longtemps
puissent
continuant à marcher, à se parler toutes seules
des années, des décades après que les cerveaux ne fonc-
tionnent plus Comment de cette façon, les « coquins
et les lâches » pourront-ils être « arrêtés M?
« Il n'y a pas un homme dans votre Londres à la
mode, avait coutume de me dire mon ami Sauerteig,
qui me parle simplement. Chacun se croit tenu à
quelque chose de plus que la simplicité; a être en
même temps piquant, spirituel, à parler une langue
fleurie. Sa pauvre petite part de bons sens, il veut
l'enjoliver en 'tui donnant quelque forme épigramma-
tique dont la pointe s'enfonce en moi quelquefois
(c'est le cas le plus fréquent) il la met sens dessus
dessous, la tête en bas, afin que je me le rappelle
mieux Pareille
grimaçante insanité est triste à cuns-
tater pour l'âme de 1 homme. Des visages humains ne
devraient pas~M~ nwRtrcr & aous grimaçants comme
des masques ils devraient se montrer a nous
comme des visages 1 J'aime un rire honnête, comme
ÊY.mSM.B B!) Mt.ETyANTtSME §39

j'aime le soleil, mais pas un rire déshonnête; maintes


sortes de danses aussi, mais la danse de Saint-Guy
pas du tout Un esprit à la mode, ach ~M~ Si
vous me demandez lequel des deux me sera la plus
agréable compagnie, lui ou une tête de mort ? je vous
en prie, ne m'envoyez pas lui o
La non-sincérité dans les paroles est, en vérité, la
matière première de la non-sincérité dans l'action.
L'action réside, pour ainsi dire, c~ssan~c dans la parole,
dans la pensée dont la parole est l'ombre c'est de ta
qu'ette se précipite. Nos paroles, à l'heure actuelle,
sont devenues stupéfiantes. Johnson se lamentait
« Personne ne parle sérieusement, il n'y a
Monsieur
pas de conversation sérieuse » disait-il. Pour nous,
toutes les paroles sérieuses des hommes, comme celles
<!cs puritains du xvu" siècle, des catholiques du xn",
des poètes allemands de ce siècle, sont devenues du
jargon plus ou moins incompréhensible. Cromwell
était un fou et un charlatan Anselme, Becket, Gcethe,
dillo, (/0.
It y a sans doute peu de récits, dans l'histoire ou la
mythologie, qui soient aussi significatifs que ce récit
mosaïque, relatif à Moïse et aux habitants du pays
voisin de la mer Morte. Une tribu d'hommes habitaient
sur les bords dudit lac Asphattite ils avaient oublié,
comme nous sommes tous enclins à le faire, les faits
constitutifs de la nature, se contentaient de faussetés,
d'apparences et étaient tombés, par suite, dans de
tristes conditions, a la vérité vers un certain
glissant,
lac beaucoup A ce moment il plut au ciel
plus profond.
ornent de ~eu~ envoyer~e prophète Moïse, avec des
paroles d'avertiaaemcnt instructives d'où l'on pouvait
t. Ah ciel en aXemMd dMt! to texte.
2M LE PASS~ ET t.E MISENT

tirer des « mesures


curatives », et pas en petit nombre.
Mais non les hommes de la mer Morte, ce qui est le
cas de toutes les variétés de l'espèce des valets, en pré-
sence des héros ou des prophètes, ne découvrirent
aucune beauté en Moïse ils écoutèrent Moïse avec un
ennui réel, avec une légère grimace, avec les renifle-
ments, les ricanements du spleen, affectant même de
bâiller; ils lui signiBèrent, en somme, qu'ils ne voyaient
en lui qu'un hâbleur, et même une scie. Voilà la théorie
candide que ces hommes du lac Asphaltite élaborèrent
quant à Moïse, que probablement il était un hâbleur et
que certainement il était une scie.
Moïse se retira mais la nature et ses véracités rigou-
reuses ne se retirèrent pas. Les hommes de la mer
Morte, lorsque dans la suite nous retournâmes les voir,
étaient tous « changés en singes ils étaient assis
sur les arbres et grimaçaient, cette ibis, de la manière
la moins affectéeils baragouinaient et bavardaient,
leurs paroles étaient un pur non-sens et ils trouvaient
cette fois, que l'univers entier était la plus indiscutable
des hâbleries 1 L'univers est devenu une hâblerie pour
ces singes qui le tiennent pour tel. Ils ont continué à
s'asseoir sur les arbres, à bavarder, jusqu'à ce jour si
ce n'est, je crois, qu'à chaque Sabbat il leur revient
avec un sentiment d'égarement, une demi conscience,
une demi réminiscence et ils sont là, assis, avec leur

visage ensorcelé, par la fumée, et cet air d'un


desséché

tragique suprême, comme en peuvent avoir les singes


et de tours yeux clignotants, troublés par la fumée, its
contemplent l'universel crépuscule enfumé, le plus

surprenant qui puisse être, et t'pbscurité~ttes choses,


indéchiffrable, en proie & ta confusion totale inccrti-
t. Sitte, Koran (tntnxtuctton).
~VmULE ML~M'MNMSMS h"
9~

titude, inintelligibilité, qu'eux et ce spectacle et pour


commentaire a tout cela, de
temps en temps un bavar-
dage ou un miaulement discordant; la plus réelle, la
plus tragique des hâbleries que puisse concevoir un
esprit d'homme ou de singe Ils n'ont point fait usage
de leur âme et. par suite ils l'ont perdue. Leur sanctifi-
cation, le jour du Sabbat, consiste maintenant à se
percher sur les arbres, poussant des cris discordants,
tandis qu'ils se souviennent à demi qu'ils eurent
jadis
des âmes.
N'as.tu jamais rencontre, û voyageur, mem-
quelques
bres de cette tribu ? H me semble
qu'ils se sont faits
quelque peu nombreux, de nos jours.

M
CHAPKRE tV

HEUREUX

Tout travail, fut-ce


le tissage du coton, est chose
noble; seul est noble
le travail répétons-le ici et pr
clamons-le une fois de plus. Et, d'autre part, toute

dignité s'achète par la peine la vie facile n'est pas le


fait d'un homme, ni d'un dieu. La vie des dieux nous

apparaît comme une sublime tristesse -elle a la gra-


vité de la bataille infinie contre le travail infini. Notre

religion la plus haute-a pour nom « le culte de la tris-


tesse ». Pour le fils de l'homme, il n'est pas de noble
couronne portée à juste titre ou même injustement, qui
ne soit une couronne d'épinesj Ces vérités énoncées

par des paroles ou, mieux encore, vivantes dans tous


les cœurs, jaillissant instinctives, on les connaissait
bien jadis.
Tout le malheur,tout l'Athéisme comme je l'appelle,
des choses humaines de ces générations-ci, ne se sym-
bolise-t-il pas a nos yeux èn cette inqualifiable philoso-
phie de la vie qui est la leur la prétention d'être ce
« heureux » Le dernier des gamins
qu'elles appellent
qui circule, son être enfermé dans une peau, a la tête

remplie de cette notion qu'il est, sera, ou qu'il est force


d'être en vertu de toutes les lois humaines et divines,
HEUREUX M3
« heureux I! faudra que ses désirs, à lui le dernier
des gamins, soient satisfaits i! faudra que ses jours, à
lui le dernier des gamins, coulent comme un courant
d'une douceur toujours égale de satisfacUon, chose
impossible même pour les dieux. Les prophètes nous
prêchent il faut que tu sois heureux il fautque tu
aimes les choses agréables et que tu les trouves. Et la
clameur de la foule c'est « Pourquoi n'avons-nous pas
trouvé les choses agréables ? x»
Nous construisons notre théorie des devoirs de
t'homme, non pas sur le principe de la plus grande
noblesse, si mal comprise fût-elle; non, mais sur le
principe du plus grand bonheur. « Le mot Ame, chez
nous, comme en certains dialectes slavons, semble
synonyme d'~sfo~acA. Nous plaidons et parlons,
drns nos parlements et ailleurs, comme si les paroles
nouL venaient non de t'àme mais de l'estomac et'
c'est pourquoi, en vcrité, le profit que nous retirons de
nos plaidoyers est si lent. Nous ne plaidons
pas pour la
justice de Dieu nous n'avons pas honte de venir récla-
mer à grands cris, de plaider pour nos propres « inté-
rêts nos propres nos propres
revenus, profits com-
merciaux nous disons ce sont les « intérêts » de tant
de gens il y a en nous un si intense désir vers eux 1
Nous demandons avec des vociféra-
te libre-échange
tions justifiées
par notre bonté, afin que les classes
pauvres qui sont dans une situation si terriblement cri-
tique à présent, puissent avoir à meilleur marché le
!a'd de la Nouvelle-Orléans.
Leshommes qui montent à
la tribune défendre le libre-échange
pour demandent
''comment t'indomptaMeéncrgïo~dBsAng!at~rpourrait
se maintenir sans abondance de lard ? Nous dcvich-
~iunsuneKationHnic! ~Sans doute, mes amis, l'abon-
244 LE PASSE ET NS PRÉSENT

'1 ,·
dance de lard est une chose bonne
indispensable et
mais je doute que vous arriviez à vous procurer même
du lard si vous ne tâchez qu'à cela. Vous êtes des hom-
mes, non des bêtes de proie, des hommes appliqués au
bien ou au mat Votre principe du plus grand bonheur
me semble tendre à devenir plutôt un prin.
rapidement
de malheur que diriez-vous si nous cessions de
cipe
sur le « bonheur M et que nous le laissions re-
papoter
comme il le faisait jadis 1
poser sur sa vraie base,
et ne sentant
Un Byron, plein de talent, s'indigne
que trop que, pour sa propre part, il n'est pas « heu-
reux », il déclare la chose en un langage violent,
comme une nouvelle qu'on pourra trouver intéres-
sante. Evidemment la découverte qu'il a faite le sur-
On n'aime point à voir
un homme, un
prend beaucoup.
par les rues de pareilles nou-
poète réduit à proclamer
velles mais, en somme, étant donnée la façon dont les
choses se passent, ce n'est pas là ce qui doit le plus
nous déplaire. Byron a prononcé la !<M sur cette
L'immense auditoire de Byron indique assez
question.
a quel point on la sent être telle.
« Heureux », mon frère ? et d'abord quelle différence
cela fait-il que tu sois heureux ou non ? Aujourd'hui
devient si vite hier, tous les demains deviennent des

hiers; et alors il n'est plus en rien question de « bon-


heur », mais question de tout autre chose.
Et d'ailleurs, il y a à tout le moins en toi une pitié si
sacrée pour toi-même, que tes chagrins une .fois
et devenus de l'hier te deviennent des joies.
emportés
En outre, tu ne sais pas quelle céleste bénédiction,

~etie indispensable vertu ~1 y-avait~~ ces chagrina


tu le sauras seulement au bout de plusieurs jours,
1 Un vieux médecin,
quand tu seras devenu plus sage
y
aECBE~ -~g.

plein de bonté, était assis un jour au milieu de nous


avec un malade souffrant des suitesde sa gourmandise
et que le médecin venait –
juste d'examiner, trop
brièvement au gré du malade. Ce stupide malade con-
tinuait, par moments, d'interrompre notre conversation
laquelle semblait promettre de prendre un tour philoso-
phique. « Mais j'ai perdu disait-il d'un ton
l'appétit,
de reproche, avec un accent d'irritation
pathétique, je
n'ai pas d'appétit, je ne peux pas manger H – « Mon
cher ami, répondit le médecin de sa voix la plus douce,
cela n'a pas la moindre » – et il
importance, reprit
avec nous sa causerie
philosophique.
Mais le lecteur ignore-t-il l'histoire de cet endurci
de misanthrope écossais? Les habitants dé certaine
maison, dans telle ville de ces régions du nord, furent
saisis de la plus terrible alarme en constatant, à des
symptômes infaillibles qu'un revenant hantait la maison
voisine, peut-être même le mur de séparation Tou-
jours, à une certaine heure, en même temps qu'un gro-
gnement, un grondement, un cri surnaturels qui l'ac-
compagnaient comme une basse courant en sourdine,
une voix horrible, à demi articulée sans rien de ter-
restre, entonnait cette chanson « Jadis j'étais heur-
heur-heureux mais maintenant je suis maaalheureux 1
Clack, clack, guarr-rr, whuz-z. Jadis j'étais heur-heur-
heureux mais maintenant je suis maaaalheureux »
Retire-toi, retire-toi, esprit troublé dans ta tranquillité;
ou plutôt, comme disait le bon vieux docteur mon
cher ami, cela n'a
pas la moindre importance Mais
non, l'esprit troublé ne parvint pas à se retirer et
quant aux voisins agités~ enrayés par hti, ou po~f qui,
du
moins i! était une scie intolérable, !a chose /t~pour
eux d'une telle qu'il leur faHut aller et
importance
9M LE PASSE E~ LE PR6SBM

visiter la chambre qu'il hantait. Dans la chambre qu'il


hantait, ils constatèrent
que l'esprit troublé était. un
imitateur de Byron? nommais un malheureux tourne-
broche rouillé, criant et craquant à force de rouille et

d'usage, et voilà, en dialecte Écossais, sa musicale phi-


losophie de la vie de Byron, chantant selon ses capacités 1
Franchement, je crois que l'homme qui va partout
se trémoussant et tempêtant après le « bonheur –
l'homme qui se
trémousse, et qui fait grand bruit,
s'éreinte pour des urnes de scrutin, ou des rédac-
tions de poèmes, ou par n'importe quel moyen n'est

pas celui qui nous aidera à « faire arrêter les coquins


et !e's lâches » Non il est plutôt en voie d'en aug-
menter le nombre pour le moins d'une unité et
d'une queue Considérez aussi que c'est là une -chose
toute moderne, qui n'appartient pas aux anciens âges
héroïques, mais à ces lâches temps modernes. « Le
bonheur, fin et but de notre être toute cette forte mes-

quine théorie, après tout, si nous comptons bien, n'est


pas même implantée dans le monde depuis deux siècles.
Le seul bonheur qu'un brave homme se soit jamais
mis en peine de réclamer instamment, c'est un bon-
heur qui lui suffise à accomplir sa besogne. Non pas
« Je ne peux pas manger! mais « je ne peux pas tra-
vailler1 » voilà quel fut le refrain de toute plaintesensée
de la part des hommes. C'est, après tout, le seul mal-
heur pour un homme, qu'il ne puisse pas travailler,
qu'il soit entravé dans l'accomplissement de sa destinée
d'homme. Songez-y, le jour est tout de suite écouté,
notre vie est tout de suite
écoulée; et la nuit arrive
~pendant JtaqueHe_nuL no peut tcavaitter. La nuit une
fois venue, notre bonheur, notre malheur- rien de tout
cela n'existe plus tout s'évanouit, disparaît complète-
MBURMJX ~&ML

ment c'est chose « n'eut


pas la moindre
qui impor-
tance que nous ayons ëté heureux comme l'eupepti-
que Curtis, comme le plus gras des porcs d'Epicure– ou
malheureux comme Job avec ses tisons, comme le mélo-
dieux Byron avec ses giaours et ses sensibilités de
cœur ou comme le tournebroche anti-métodieux avec
tout ce qu'il a de service et de roui!!e Mais notre
œuvre songez-y, cela ne disparaît pas, ne s'évanouit
pas notre œuvre, demeure, songez-y, ou du moins,
son absence demeure; pendant des âges, des éternités
infinies, cela seul demeure et voilà désormais l'unique
question qui nous concerne à jamais Le jour, rapide
et tapageur, avec ses fantômes bruyants, ses piteuses
couronnes de papier clinquantes, s'est enfui et la
divine nuit
éternelle, avec ses diadèmes d'étoiles, ses
silences et ses véracités, est venue! Qu'as-tu fait. et
comment t'y es-tu pris ? Bonheur, maiheur tout cela
ne fut que le salaire que tu touchas tu as dépensé
tout cela pour subsister jusqu'à ce jour il ne te reste
pas une pièce de monnaie, tout est dépensé, dévoré et
maintenant ton œuvre, où est ton œuvre? Vite présente-
!a montre-nous ton œuvre
Certes, si l'homme n'était pas un pauvre !ache
affamé, tenant, en outre beaucoup de l'idiot, il cesse-
rait de tant critiquer ses moyens de subsistance et il
se critiquerait plutôt lui-même, quant au parti qu'il tire
de ses moyens de subsistance.
CMAP~HE v

L'ANGLAIS

Et cependant, malgré toutes tes platitudes théoriques,


quelle profondeur de sons pratique il y a en toi, grande
Ang!etorro Une profondeur de sens, de justice et de
courage dans jaquette, – sous toutes les circonstances

qui émergent, sous tous les égarements du monde et


sous t'ecnmo des circonstances, les plus comp!cxes
de toutes, au milieu desqueHesnous vivons aujourd'hui,
il y a encore lieu d'espérer, de se rassurer 1
Les Anglais sont un peuple muet. Ils peuvent faire
de grandes choses mais non les décrire. Pareitstcn cc!a
aux anciens Romains et a quelques autres peuples, /<w
poème épique est écrit sur la surface
de la terre, avec
l'Angleterre pour marque On se plaint qu'its n'ont pas
d'artistes ils ont, il est vrai, un Shakespeare mais en
tant que Rapbaët ils n'ont qu'un Reynolds en tant que
Mozart, rien M. Bishop:
qu'un pas un tableau, pas une
m6!odie. Et cependant c'est un fait qu'ils ont produit
un Shakespeare considérez comment !'é!ement de la
mélodie shakespearienne est emprisonné dans leur
nature; réduit à s'épanouir en de simples fabriques de
coton, constitutionnels et te reste –
gouvernements
i~'cnc~q~ïopta~intérëSâantïot~qu'i! dëvîëntvÏsib~
t.'AX(!Mts a<o
ainsi qu'i! r&uaait A h' mire mcmo sous !os formes les
pius inattendues i
Hœtbe a parlé du cheval et dit combien il était frap-
pant, presqu'afuigeant qu'un animal doué do pareilles
(~uditcs fut ainsi entravé sa parole n'étant qu'un hen-
nissement inarticu!6, son adresse do mains n'étant
qu'une adresse do sabols les doigts tou:: t'pssot'rea,
soudes ensemble, les ong!os on lui simple
coagula
sidtot, chaussés do fer. D'autant p!ussignincatifs, pense
Ctethe, sont ces ec!airs dans !'œi! du généreux et noble
quadrupède, cos mouvements il se
superbes quand
cithre, ses courbes d'un cou d'où sort le tonnerre.
Le dernier cbien de la science a Hbro pouvoirdo parler,
mais le cbeva! de guerre est presque muet, bien loin
d'être libre C'est ainsi. A vrai dire, vos Hbres pouvoirs
<)c parier no sont, en aucun sens, ce
qu'i! y a do mieux;
<<'st plutôt ce qu'it y a de pis, do de plus
plus faibte,
h iviai leur sens est prompt, mais mesquin et ephe-
tm're. Parlex-moi des silencieux des silencieux
Anglais,
Hornams. Ht même, les silencieux Husscs, eux aussi,
j'' tes crois bons à quelque chose. Ne sont-ils pas en
h:)in de discip!incrunc immense moitiéde monde, semi-
barbare, mn!gro bien des critiques, et d'en faire, do la
t'm!ande au Ramtscitatlca, une civilisation subordonnée
soumise a t'ordrc? Cela, vraiment. & la vieille façon
romaine, sans prononcer un mot ta-dcssus, écoutant
tranquillement parler toutes espèces de rédacteurs
compétents qui les Marnent.
Tandis que vos Français,
toujours parlant, toujours
gesticulant, que sont-ils en train de discipliner? Mais
de tous les animaux celui qui a la plus grande liberté
de
P~ J ~PJ~Ke, M~~ c'est le 'SMMa attcz 1-->-
I. i
t}oonncM.
2S(t t.H PASSf!ET !.R t't~SB~

dans les ~M'&ts de l'Inde, disent tou~ tes voyageurs, et


voyp}! quelle population agile, adroite, jamais en repos
forme cotte population singe?
La parole prononcée, !o ppomo écrit sont, dit-on, un
épitomo do t'homme combien davantage l'est t'œuvt o

accomplie Tout ce qu'il a de moralité et d'intelligence,


ce qu'il a do patience, do persévérance, de fidélité, do
méthode, do pénétration, – en
d'ingénuité, d'énergie,
un mot, tout ce qu'un homme a de fprco on lui s'écrira
dans t'œuvro qu'il accomplira. 't'ravaittor: mais c'est
s'essayer contre h) nature et ses !oi8etert)e!!es et impec-
cables et cola donne un exact verdict sur un homme.
j
Voi!~ ce que nous, Nature, nous avons trouvé de vertu
et de facultés en lui, cela et pas plus TeUo est sa capa-
cité de s'harmoniser avec ytOMSet nos !ois inattcrahtcs
toujours vraies, de coopérer et de travailler comme Ho<M
!a lui avons ordonné, – et il a ou n'a pas
prospéré
prospéré, ainsi que vous voyez H a travaiUé selon que
te lui a ordonné lit grande Nature est-ce que ce n'est
pas de lit vertu en un sons et même en toustcs sens?
Le coton
pourra être tissé et vendu on pourra trou-
ver, pour le tisser, les ouvriers du Lancashire nna-
lcment on aura les tissus et on les vendra, si l'on suit
tes lois de !a nature sur ce point en ne suivant pas !cs
lois de la nature, on n'aura rien de tout cela. On n'aura
rien pas de tissus de coton à vendre: la nature trou-
vera un bill contre vous, votre M force » n'est pas de
la force mais de la futi!it6 1
Qu'une faculté soit honorée aussi longtemps qu'eue j
est faculté. Un homme qui peut réussh' & travailler est

toujours pour moi un homme.


Comme on aime & voir cet être grossier, il ta peau
<5pmNN6, d*apj[iarcnco opaque, ~peut-être toudoûr ~rës-
j
tuants SM
– ï'humtMf
que stupMo, pratique –, opposé & quet-
que souple, adroit homme de théorie, tout équipé do
ctairo !ogique, et capable, n'importe quand, do vous
rendre un » pour un « comment ? L'adroit
pourquoi
homme de théorie, si souple dans ses mouvements, si
clair dans
ses discours, avec son arc tendu et son car-
– –
quois plein do Hechcs arguments, sûrement il
gagnera la partie, il traversera partout le cœur de la
chose en question il triomphera partout comme il dé-
montre qu'il to fera et qu'il faut qu'H lo fasse? A votre
bonnement, le plus souvent il se trouve que non.
L'homme do la pratique, au front nuageux, aux semé!-
les épaisses, cet homme opaque, dénué d'étoquoneo
!ogiquc si ce n'est dans le silence, qui émet ici et lit un
sourd grognement, il a en lui ce qui l'emporte sur
luute é!oquonco togiquo une congruité avec le non
proféré. Ce qui se ~ro/o, ce qui est au-dessus,
la manière d'une tunique supcrncicue. est son apa-
nage ou non. Mais ce qui se fail et s'enfonce jus-
qu'au contre de l'univers, voilà ou vous !e trouvez cet
homme
Le rude Brindiey a peu de chose à dire pour sa
part; te rudo Brindtcy,quand les difncu!tés s'accumu!cnt

sur lui, se retire en silence, « généralement pour se


mettre au lit » il se retire, « reste quelquefois trois
jours au lit afin d'être parfaitement tranquille et seul »
et il cherche, dans sa grossière tête, comment tes difC-
cultés pourront être surmontées. L'inéloquent Brindley
considère qu'il a cnchamo les mers t'unc a l'autre ses
navires nottentvisiMement sur ce qui fut des vallées et
mvisib!ement& travers !e cœur de ce qui fut des monta-

trBtMtey~TfM~'na~MNtre meotnteteB.MttndttttMtM~frex~tttth)!
canaux et t6wa m6me d'unir rAngteterM & t'Mande par un pont de bateaux.
833 :.H l-.t!~ ET !.E M~MiT

gnes !a Mopaey et la Tamise, !'Humbcr et-la Sovcrn se


sont donné la main la nature, d'une voix très distincte
répond oui J
L'homme de théorie fait crier son arc tondu le fait
de la nature devrait
tomber, frappé – seulement
i! ne
tombe pas. Des flèches de logique partent des yeux do
notre homme, pareil à un dragon écaiUcux, mais le fait
s'obstine à poursuivre son chemin. Comme c'est sin-
gutier Au fond, il vous faudra lutter de plus près avec
le dragon, prendre possession de lui par une faculté
réelle, non par une faculté apparente essayez si vous
êtes plus fort ou s'it est, lui, plus fort. Finissox-en avec
lui, prenex-!o corps à corps faites preuve d'une
obstinée fermeté de muscle, mais bien plus encore,
de ce que nous appelons fermeté de cœur, c'est-à-dire

d'une persévérance pleine d'espoir et même désespérée,


d'une patience invincible, d'une franchise candide et
tranquille, d'une clarté d'esprit. Tout cela se révé!ora
être de la <' force » lorsque vous lutterez corps à corps
contre votre dragon. La force réelle de l'homme tout
entier est dans cette œuvre, c'est par là qu'il nous
donnera sa mesure.
De toutes les nationscomposant actuellement le
monde, la nation anglaise est la plus stupide en paroles,
!a plus sage en action. Presque une nation « muette
comme je le disais, qui ne peut pas parler et n'a jamais
encore parlé jusqu'ici, en dépit des Shakespeare et
des Milton qui nous montrent quelles possibilités sont
là. Oh, M. Bull, je contemple ton visage morQse avec
un métango de pitié et d'ironie, mais aussi avec étonne-
ment et vénération.Tu ne te plains pas, mon illustre
ami et cependant je crois que ton cœurjest plein deJ
Mstësse, de chagrms tus,
lû.;d. de série.
sérieux – une mé!anco!ie
mtllaneolie
-(¡i.¡¡¡.liagi'ln.
1
t.'A!i(!AtS aM
_sw Il.~ -.a- 1. '1.

pro~ndo(a!asi qu'on t'a dit), ctantta base de ton otra.


Inconsciemment, car tu no partes de non, tu sons que
ce grand univers est grand. Non pas on te laissant

purter par le flot, mais par la force obstinée que tu


mots à nager, tu feras ton chemin. Les destins chantent

que tu seras maintes fois pris pour un âne ou pour un


bœuf stupido et qu'avec une indifférence olympienne
tu le croiras. Mon ami rien de tout cela n'est vrai,
rien môme n'est plus faux, en fait Tu es do ces grands
hommes dont les petits passants no discornont pas la
grandeur. Ta
stupidité mêmo témoigne d'une plus
grande sagesse que leur sagesse. Une grande vis tM~c
est en toi combien de grandes qualités inconnues aux

petits hommes! La nature soule te connaît, reconnaît


la grandeur et la force qui sont on toi.Ton épopée qu'au-
cune parole ne chante, est écrite en caractères gigan-
tesques sur la face do cette ptaneto – avec des jetées,
des manufactures do coton, des chemins de fer, des
escadres et des villes, des Empires indiens, Amériques,
Nouvelle Hottandc caractères lisibles de tous tes points
du notaire 1
système

Mais les Russes, muets eux aussi, comme je l'ai dit,


eux qui ont discipliné ce qu'il y avait de sauvage en
Asie et de sauvage en Europe, mettant tout en rang et
en file avec un ordre militaire, entreprise terrible mais
pourtant jusqu'ici prospère, ces Russes sont encore
plus muets. Les anciens Romains non plus ne purent
pas/Mtr/e~' pendant des siècles, jusqu'à ce que le monde
fût à eux, alors que tant d'Etats grecs où l'on partait,
tours flèches do logique épuisées, étaient conquis et
détruits. Les flèches de logique, comme elles déviaient,
inutiles. quand elles rencontraient les faits inflexibles ,T.
a peau dure Les faits ne pouvant être renversés que
9St M PASSSMf t<S fn<!SBt<T

par !a reeuo vigueur dos musctoa ~'umaï .Quant il moi,


en ces jours do babillage & haute voix, j'honore plutôt
tout ce qui est ai!oncc. Un grandiose silence que celui
des Romains môme le plus grand de tous n'est-il pas
le silence dos Dieux? la triviautô,
Même rimbociintM,
quand olles peuvent rester assises et se taire, c~n-
.bien elles sont doj~ t'espectabtoa Lo « talent du
silence x est notre talont fondamontal. Grand honneur
a celui dont rôpoptte est une tnëtodieuso ïnado en hoxa-
mètres, non une fausse lliade dans le cliquetis de
!aquo!!e il n'y a rien de vrai que tes hexamètres et !a
forme. Mais plus grand honneur encore à celui dont
l'épopée est un empire puissant, lentement constitua
une puissante série d'actions – une
héroïques puis-
santo conquête sur le chaos. CeMe épopée, tes « mélo-
dics étornelles ont et doivent l'avoir façonnée et
animée tandis qu'elle so chantait cttc-mëme On m'
peut pas se tromper sur cette dorniëro épopée. Les
actions sont ptus grandes que les paroles. Les actions
ont une vie muottemais indéniable et croissent comme
le font des arbres vivants et des arbres fruitiers cites
peuplent la vacuité du temps, le font verdoyant, lui
donnent sa valeur. Pourquoi le chêne prouverait-il
logiquement qu'il doit pousser et qu'il poussera?
Ptantex-tc, essayez; ce qu'il y a en lui de dons, do
diligente et judicieuse assimilation, de sécrétion, de
progrès et de résistance, de /<M'cc pour pousser tout
cela se déclarera alors, mon très honoré, illustre,
extrêmement incapable de sons articulés, M. Bull r
Demandez à Bull de vous dire son opinion sur un
sujet quelconque bien souvent la force de lourdeur
d'esprit sera ausst grande qu'cne peuti'6tre~Vous jres--
toreina~sitcncieux, incrédule, comme devant une pla-
h'Asot-Ms aa<;

:It: aB-nl.t.t:t:b.¡; .1:L;1n.


titudcquiilùi touche
tititdo tuitclio û t'iri(ipi.
S ï'inphi. Laâ~cldi`t(sïili~lllo,
Los ctérieatisme, di~~idèn_
diasiden-
tit<me, puseyisme, bonthamismo, collèges phitosophi-
tptos, tittératuros à la modo do cet homme, sont sans
<'xemp!o au monde. La prophétie du sort est accompno
vous traitez cet homme de bœufotd'ano. Mais mettez-!o
une fois à Fcauvro – homme rospectabte. Son intalli-
~nco pariée n'est presque rien, los neuf dixièmes en
sont da la palpable <Minte!!igonce mais son mteUigencc
non par!êe, son sentiment intérieur et silencieux de ce

tnu est vrai, do ce qui s'accorde avec le fait, de ce qui


t'st faisable et de ce qui ne l'est pas – voilà qui n'a pas
f"n pareil au monde. Un terrible ouvrier; irresistihtc
tntand il tutto contre !es marais, les montagnes, les
obstacles, to désordre, l'incivilisation partout vain-
qncur du désordre, !o laissant derrière lui transforma
en méthode et en ordre, II « se retire et garde !e lit
huis jours » pour considérer les choses 1
Mais en même temps, stupide comme t'est notre
t'ht'r John Buu – d'innombrables
toujours, (après
ctubutes, d'innombrables platitudes prononcées par l'
<!<"<têtes et sur les bancs
armoriées du parlement) il
s'xnëte quoique part à la juste conclusion; vous êtes
sur que ses trebuchemonts et ses culbutes se termine-
ront, après des années ou des siècles, par un équilibro
stable. Je dis un équilibre stable, le centre de gravité
en bas – non pas équilibre instable avec le contre de
gravite en haut, comme je l'ai vu faire a des gens plus
vifs Car, à vrai dire,. culbutez et trébuchez suffisam-
ment, vous éviterez cette pire faute qui consiste à vous
placer le centre de gravité en haut, votre centre de
gravité est assuré de se ptacercn bas et de rester dans
~~J~sttton. Sija .lenteur, ce que dans notre impa-~
tience nous appelons « stupidité » est le prix de l'équi-
9M M PASSEET M! M6SRKT

libre stable
au Heu do i'it)<4ab!e, noua ptaindrons'nous
d'un pou de !ontour?
Co n'est pas la moindre quatitc do Bull, après tout,
quccenequ'Haderesterinsensibtea la logique, tenant
bon pondant des périodes considérables, dix ans et
môme plus, comme pendant cette période de la loi sur
les blés, après que tous les argumenta et ombres d'ar-
guments se sont évanouis et jusqu'à ce que los gamins
eux-mêmes, dans la rue, ricanent en entendant ies
arguments qu'il produit. La logique – A~t~, l' « art de
parler M,par!eenenet, do telle et tc!!e façon; c'est assez
clair cependant Bull remue quand même la t6te il veut
voir si, au fond de l'affaire il n'y a rien d'autre, d'illo-
~t~Me, do non encore ~<M' non encore en état d'être
joa~, comme cela arrive si souvent! Ma ferme convic-
tion c'est que,se trouvantmaintonantensorce!ë,garrot{~,
pieds et poings liés, il va se retirer, garder le lit trois
jours et qu'il o~'tCM'a a une ou deux conclusions 1 Ses
trois années de « totale stagnation commerciale »,
hélas, n'est-ce pas une assez pénible façon de « garder
!o lit pour considérer? » Pauvre Bull 1
Bull est conservateur do naissance pour co!a aussi
je l'honore. Tous les grands peuples sont conserva-
tours lents à croire en les nouveautés profondément
et li jamais certains de la grandeur qui réside dans la
Zo<a coutume autrefois solennelleinent établie et
aujourd'hui reconnue depuis longtemps comme juste
et définitive. Il est vrai, ô réformateur radical, il
n'est pas de coutume qui puisse, a proprement parler
êtredénhitive il n'en est pas une. Et cependant tu vois
des coutumes qui, dans tous les pays civilisés, sont
tenues pour définitives et même, sous le vieux nom
i'omam ac ènés~on? tenues pour ta~ ~o~a~,
!A!HM-MS M?

la vertu, testais de Dieu hti-même. Ht voita bien, je


t'assure, ce que bon nombre d'elles sont voi!& bien ce
que presque toutes furent autrefois. Et je respecte pro-
fondement l'homme au caractère solide – un idiot, me
diras tu, oui, mais un idiot bien conditionne, le mieux
conditionné môme – qui estime que « toutes les cou-
tumes autrefois solennellement reconnues sont défi-
nitives, divines, et forment la reg!c qu'un homme doit
suivre, sans douter, sans s'inquiéter davantage. Quel
temps perdu s'il fallait que citez tous les hommes la
vie et le commerce s'arrêtent sur tous les points, pour
devenir partout un problème, une recherche hypothé-
tique qu'il faille résoudre par une logique pénible et
des inductions baconiennes L'employé d'Eastcheap'
ne peut pas passer sa journée a vérifier son barème
il doit le tenir pour vérifié, pour juste et indiscutable
sinon sa tenue de livre en partie double s'arrêterait.
0~ en sont les comptes sur votre grand livre ? »))
demanderait le patron, !c soir. « Monsieur, répon-
drait l'autre, j'ai passé ma journée il vériHcr mon
barème et j'y ai trouvé des erreurs. Le grand !ivro
est. » Imaginez-vous chose pareille '1
11 est vrai, tout repose sur cette condition que votre
barème soit modérément correct, qu'il ne soit pas
insupportablement incorrect H faut un barème qui
ait permis, dans votre grand livre, des comptes dis-
tincts, comme ceux-ci Au crédit du peuple anglais
quinze cents ans de bon
travail; à son débit les Bas-
tilles ensorcelées de la loi sur les pauvres au crédit:
avoir le plus vaste empire
conquis qui soit sous le
soleil et au débit les « ne rien faire s et les « impos-
sible » qu'on trouve écrits sur toutes les faces du
.r.
ÈMtcheitp est un quMtter pawf~ de Londres.
17
!M8 M! PASSE E? LE POSENT

gouvernement; au
crédit: tes n~onta~nes dp !ingot&
d'or gagnés et au débit de ne pouvoir pas s'acheter 3
de pain avec. Un pareil barème, à co qu'il me semble.
commence a devenir suspect, mémo il cesse, it a cesse
d'être suspect De pareils barèmes sont un solécisme;
il Eastcheap quelle que aoit la presse des affaires,
ils doivent être et ils seront un peu rectifiés. Les
affaires ne peuvent plus continuer avec cela. Le peuple
anglais, do tous le plus conservateur, celui qui a la
peau la plus épaisse, le plus patient et poussé tout
a la fois par sa logique et sa non-logique, par les
choses susceptibles d'être joarMes et par celtes qui ne
sont pas encore susceptibles de l'être ou ne le sont
que peu, qui ne sont que senties mais que l'on sent
tout a fait intolérables le peuple anglais conserva-
teur est
poussé à être complètement un peuple réfor-
mateur. Sa vie, telle qu'elle est, a cessé de pouvoir être
plus longtemps possible pour lui.
Ne poussez pas & bout ce noble peuple silencieux,
n'excitez pas la rage du Berserkir qui sommeitto en
lui! Connaissez-vous ses Cromwell, ses
sesllampden,
Pym et ses Bradshaw? Des hommes très pacifiques,mais
des hommes qu'on peut rendre terribles Des hommes
qui, pareils à leurs ancêtres Teutons, aux jours d'A-
grippa « ont une âme qui méprise la mort.» aux yeux
de qui la « mort », auprès des faussetés et des injus-
tices, semble lumière; des hommes « en qui sommeille
un courroux que ne peuvent vaincre les dieux immor-
tels » Avant ceci, les Anglais ont saisi par la barbe
des spectres d'aspect tout a fait surnaturel, leur disant:
« Et quand même vous seriez surnaturels ? Vous, avec
vos « droits divins » devenus des « torts diaboliques ?`t
.–. –
<r~cNor)t;r,'cM~Mp!tiMtr8MndtM~ 'T
t.<SCMS 859

Mais vous n'êtes même


pas naturels cm peut faci!c-
txcnt vous décapiter. vous anéantir totalement.
Oui, autant la patience de ce peuple a été divine,
autant devra être et sera divine oson impatience.
Arrière, scandaleux solécismes pratiques, enfants
actuels du Prince des Ténèbres, vous avez pres-
que brisé nos cœurs, nous ne pouvons ni ne voulons
vous supporter plus
longtemps. Arrière, vous dis-je
partez pendant que la partie va bien Par !e Dieu très
puissant, de qui les hommes dignes do ce nom sont les
fils et les missionnaires nés, vous ne demeurerez pas
plus longtemps Entre vous et nous il y a incompati-
bilité, nous ne pouvons plus continuer a habiter la
nu~me maison. Il faut ou que vous partiez, ou que nous
partions. Avez-vous l'ambition d'essayer ~«e~ de nous
deux ce sera 2
0 mes amis conservateurs,qui tenez encore spécia-
!<'mt'nt il vous donner ce nom, et luttez pour vous mon-
trer tels, plût au ciol que je pusse vous persuader do ce
fait vieux comme le monde, dont Ja certitude n'est pas
moindre que celle du destin à savoir que la vérité et la
justice seules sont capables d'être « conservées et
préservées 1 Toute chose injuste, qui n'est pas en
accord avec la loi de Dieu, voudriez-vous, dans un uni-
vers qui est l'oeuvre de Dieu, essayer de la conserver ? ·
C'est si vieux, dites-vous? Oui, et fo<M entre tous les
autres, vous n'en devriez avoir qu'une hâte ptus fiévreuse
& empêcher que cela ne devienne plus vieux encore Si,
au fond de vos cœurs, le plus faible murmure vous
signifie que ce n'est pas juste, hâtez-vous, dans l'in-
térêt du conservatisme hu-même, de le réprouver sévè-
~ment, deJ~.rejeiep~ ~H~f et a~amais, si c'cst~me""
chose coupable. Comment voudriez-vous ou pourriez-
!60 M PASSEET m NtCSEKT

vous conserver ce~ une chose qui n'est pas juste ?


L' <' impossibi!ité M sous mille formes est marquée sur
cette chose. Et vous. voua appelez conservateurs, aris-
tocrates est-ce que l'honneur et la noblesse d'âme, si
elles avaient disparu de tout le reste de la terre, ne
devraient pas trouver leur dernier refuge en vous? '1
Infortunes 1
Quand une branche est morte, il faut la couper dans
l'intérêt de l'arbre lui-même. Vieux ? oui, il est trop
vieux. Maint triste hiver la branche a pendillé, s'est
fendue, rongeant et entamant avec son bois mort la
substance organique, et les fibres encore vivantes du
bon arbre, maint long été sa vilaine couleur brune, mise
à nu, a défiguré les beaux ombrages verts chaque jour
elle a causé des dommages et rien que cela cn!cvo:)a,
dans l'intérêt de l'arbre sinon pour autre chose que le
conservatisme qui voudrait la conserver ia colipe.
Aucun forestier ne vous a-t-il appris qu'une branche
morte,donton laisse subsister la racine morte.estcomme
un corps étranger, un poison c'est comme une pique de
fer morte, quelque horrible charrue rouillée qui siuonne
la substance vivante c'est bien pis, môme, car. dans

tout orage (« crise commerciale ou autre) cela s'agite,


cela craque, cahoté de droite à gauche sans pouvoir res-
ter tranquille comme te ferait du moins une pique de
fer morte.
Si j'étais le parti conservateur de l'Angleterre (ce
qui est encore une image hardie), je ne voudrais pas
pour cent mille livres par heure, laisser continuer ces
lois sur les blés Potose et Golconde réunis ne pour-
raient les
pas acheter mon assentiment. Calculez-vous
trésors d'amèr~ndtgnatiot~ que~ces lois ~ous~ amasser
dans le cœur de tout juste Anglais? Savez-vous quelles
!N<:),At9 2M

gestions, pas seulement rotatives au prix du b!o ou aux


échoues mobi!es,et!ea /brectt< tout Anglais qui renochit
se poser ? Des questions insolubles ou jusqu'ici non
résolues, plus profondes que ce qu'il nous est possible
de sonder avec les plombsde logique dont nous dis-

posons jusqu'ici questions, certes, profondes, qu'il


vaudrait mieux que nous no nommions pas, même en
pensée Vous nous forcez à y penser, à commencer de
les nommer. Nous avons commencé de les nommer et

fluand sera-ce uni, y pensez-vous ? Quand deux millions


de nos frères sont assis dans des asiles, que cinq mil-
lions, comme on le dit insolemment « se réjouissent de

manger des pommes de terre i! y a diverses choses

<mi doivent commencer, dussent-eUesunir où eUespour-


ront.
i. LO(;te-phM)MMt9.
CHAPITRE Vt

DEUX SIÈCLES

La Constitution effectuée par notre « Parlement Cura-


tif H en l'an de grâce !GGO. bien au milieu
qu'établie
d'universelles acclamations des quatre coins des États
britanniques, se trouve avoir été t'une des plus
dcp)<j-
rables qui aient jamais pris place dans notre
pays. E!!o
s'intitulait et croyait être une Constitution donnant la
plus brillante espérance et les plus brillantes rcatis:)-
tions, aussi brillante que pouvait le faire l'éclat des feux
d'artificeset des gommes de goudron – et nous cons-
tatons maintenant, en regardant en arrière avec la p~-
nétration que nous a acquise c'était
l'expérience, que
une Constitution du désespoir. A la bien considérer,
c'était une Constitution faite pour gouverner, a l'avenir,
sans Dieu, avec simplement décent semblant
quelque
de Dieu.

Gouverner par la loi chrétienne de Dieu a été reconnu


impliquer bataille, convulsion, confusion, être chose
infiniment difficile c'est pourquoi abandonnons cela et
gouvernons simplement avec autant de !a loi chrétienne
de Dieu que. que nous trouverons commode pour
nouante le fau'e.JQ~eHejesUa ~Bn dés gouvernements?-
De guider les hommes dans la voie qu'ils devraient
DEUX 8!~M~ 263

suivre, vers leur vrai bien dans cette vie, vers te por-
tait du bien infini dans une vie a venir. De guider
tes hommes et nous-mêmes dans une voie telle,
que le Créateur des hommes, dont t'eeit repose sur
nous, nous puisse approuver au jour du jugement? '1
ou bien, hélas, peut-être au fond n'y a-t-il pas de jour
du jugement, aucune certaine d'une vie à
prévision
venir? rien que cette pauvre vie, avec les taxes, les M-
licités, les Nett-Gwyns et les divertissements que nous
pouvons arriver à rassembler ici-bas? En ce cas, la un
du gouvernement sera de supprimer tout bruit et tout
trouble, soit prédication puritaine, chant des psaumes
des Caméroniens de voleurs,
disputes assassinat,
incendie ou n'importe quelle sorte do bruit – et de
Lien veiller à ce que les approvisionnements ne man-
quent pas Conclusion fort digne d'être notée, si nous
y voulons réuéchir et qui n'est pas sans une abondance
<!c fruits pour nous. Le
corps d'Olivier Ci-oiitwell pendu
a la potence de Tyburn, comme type d'un puritanisme
trouvé futile, inexécutable, exécrable cet
certes,
arbre-potence a été un poteau indicateur dans un pays
Lh'n étrange! Que le puritanisme sérieux meure que le
formalisme décent vive, quoi qu'il puisse être ou qu'il
devienne! Nous avons fait un plaisant dans
voyage
cette direction et nous sommes. arrivés a notre au-
berge '1?
Entretenir les quatre tribunaux de la Cour et perce-
voir les impôts, avec un triste sérieux, est-ce que cela
n'a pas été, depuis lors, même aux meilleures époques,
presque la seujteun,
le seul but reconnus du gouverne-
ment ? La religion, le devoir moral,
l'Église chrétienne,
te fait que Fnomme aïti une amë, quc~ian~ k vte hu
1. Secte
presbytérienne fondée en Ëc<MM, par Cameron.
284 t.E PASSÉET LE N~SBNT

maino il y 'tait quelque


') ~–~t- -H
vérité :t:
ou justice .tt~
éterneno – tout

cela a été, pour ainsi dire, laissé tranquiUoment loin des

regards. Quant à l'église, ma foi, – hélas, les bavar-


dages, les disputes sans fin que nous avons eues sur
t'égUsc-haute, t'égnse-basse, l'extension do l'église,

l'église en danger nous invitons !o lecteur chrétien à


se demander si cola n'a pas été un trop misérable fan-
tôme, bon pour les hiboux, un fantôme de bavardage
et de dispute au sujet d'une « égHse – qu'on forait
mieux do no pas dénnir à présent 1
Mais maintenant, pendant ces deux siècles sans
Dieu, si nous regardons l'Angleterre, ses efforts et
ses actions et si nous nous demandons Qu'est-ce
que la loi do la nature a accepté des actions que t'An-
g!eterro a accomplies ? Lesquelles, d'entre les actions
do l'Angleterre, le Roi do la nature a-t-il favorisées;

lesquelles a-t-il trouvé contenir quelque vérité ? Quelle


sera notre réponse ? Ce n'est ni l' « ég!ise de Hurd
et de Warburton ni
t'anti-égnso de Hume et de
Paino ce n'est, sous aucune do ses formes, le spi-
ritualisme de l'Anglotorre tout cela on a déj& vu ou
commencé de voir ce que c'était, a savoir une chose
que la nature ne reconnaît pas. D'une part, le lugubre
Cant avec une r~HtMMcc/tce des choses nobles et
divines de l'autre, rien que l'aigre candeur avec une

~M'opA~te des choses, brutale, infernale. Hurd et War-


burton sont passés à l'état de feuilles jaunies, brûlées
il n'y a plus qu'un nombre insignifiant d'hommes

voyant clair qui cherchent le salut dans cette direc-

i. Deux mmtbMa <!e rEgttM anglicane.


.~S~Painp,.cM6bM.BuM!cÏ9t9~ng!a;s~u!.v~eut,e~~
R6vo!uMon et on Franco où tl tut membre do la Conveotton. 8e< droits do

l'hommo a et son « tge doMtMn u exercèrent une gMnda Influence.


MUXS!ËCMS MS
la théorie
'1Mo.
tion athéisto Hume et Paine, du « laissez
faire, tout ira bien avec la liberté, l'égalité et te reste,
est en train o!to aussi, do montrer son néant, incapable
qu'elle est d'empêcher le monde de prendre feu.
Les théories et les spéculations do ces deux partis
et nous pouvons dire de tous les partis ou personnes
intermédiaires – se revêtent être choses que t'ëter-
nelle véracité n'accepte pas, choses éphémères, super-
ficielles qu'une proche postérité, les trouvant déj~
mortes et leur feuillage jauni, est en train de supprimer
et d'oublier. Le spiritualisme do l'Angleterre, pondant
ces années sans Dieu, est pour ainsi dire, tout entier a
oublier. On a beaucoup écrit mais te Livre éternel de
l'humanité s'est pou accru parmi tous les livres anglais
rhytmés ou en prose, re!iés en cuir et couverts de
papicr.combion do lignes sont venues s'ajouter au Livre
éterne! ? Nos chanteurs les plus métodieux ont chanté
comme d'une poitrine située hors d'eux du cœur
interne do ï'homme, du grand cœur de !a nature, ni par
lit voix d'un Pape ni par celle d'un Philips aucun son
n'a retenti. Les oracles ont été muets. Bref, la parole
articulée de l'Angleterre n'a pas été vérité. La parole
articulée de l'Angleterre se montre comme été
ayant
insignifiante, de peu do durée, sans valeur, incapable
d'être tenue pour une parole, excepté pour une parole
bonne seulement te jour même. Elle s'est trouvée
d'accord avec l'apparence transitoire, en désaccord avec
le fait éternel. Elle a été malheureusement, non une
parole, mais un Cant; un Cant innocent, involontaire
et trop souvent aussi, rusé et volontaire dans les deux
cas, un bien aMigeant Cant lequel a été la voix, non de
la natwe~t~u fait, maia~e quetqu&ehose debout autre. –~
<. Poète de tout & fait second ordre.
868 t,E PASS6 ET LE PRËSENT

Dans tous ses miséraMea échecs, ses guerres, ses


controverses,–par ses trade-unions, ses insurrections
contre la famine '– c'est son œuvre matérieite
pratique
que l'Angleterre se met a elle-même sous les yeux 1
Voilà en quoi cette œuvre consiste et en rien autre jus-
qu'ici, actuellement rien autre. La terrible véracité inar-
ticulée du peuple anglais, incapable d'exprimer sa pen-
sée par dos mots, s'est tournée silencieusement vers
les choses, et les sombres puissances de la nature maté-
rielle ont répondu « Oui, cela du moins est vrai, cela
n'est pas faux Ainsi répond la nature. « Les arbris-
seaux incultes qui croissaient près des marais des
déserts tropicaux, sont devenus des cotonniers et grâce
à mes efforts il en résulte, ici même, des chemises
tissées – non vendues, non distribuées,
qui pendent,
qui pourraient couvrir les dos nus de mes enfants.
J'ai permis que dos montagnes, vieilles comme !a
création fussent percées des provisions de combus-
tible bitumineux, débris des forêts qui furent vertes
il y a un million d'années voi!a ce que je vous ai Hvré,
à vous Anglais, vous ouvrant les portes M de mes
secrètes chambres de roc. Votre flotte colossale, vos
navires a vapeur naviguent sur la mer; les Indes
colossades vous obéissent; des colossales Nouvelle-
Angleterre et Australie, à l'antipode, le profit et le
trafic arrivent a ma vieille Angleterre Ainsi répond
la nature. Le travail pratique de l'Angleterre n'est
pas une chimère triviale c'est un fait reconnu par
tous les mondes, que ne contredira aucun homme ni
aucun démon. C'est, très distinctement, quoique s'ex-
primant en une langue jusqu'ici, inarticulée, la seule
yotx de Dieu que nous_ayons entendue duran~ces deux
siècles athés.
CEUXStect-ES 267
Et maintenant observons quelles obscurités affolan-
tes, quelles entraves barrent jusqu'ici la route à tout
cela, sans qu'aucun homme puisse le comprendre 1
Considérons comment, avec notre grossier athéisme,
nous entendons ce langage sans le reconnattre comme
étant la voix de Dieu, mais le tenons simplement
comme la voix terrestre du « profit et perte ".Et nous
avons un enfer en Angleterre l'oitfoi- de ne pas
gagner l'argent. Et nous regardons tranquillement les
vaillants fils du travail, qui nous ont tout conquis,
assis ensorcelés au nombre d'un million dans tours bas-
tilles de lit loi sur les pauvres, comme si c'était là la
loi de la nature. Etnous, nous marmottons a nous-
marnes quelque cri discordant de « laissez faire, t'offre
<'t la demande, le paiement on espèces tien unique entre
!cs hommes » libre échange, et le diable
compétition
ait le reste, constituant te dernier encore
évangile
prêché
Comme si en vérité, il n'y avait pas un Dieu du travail,
comme si le divin travail et le brutal Mammonisme
'raient des termes équivalents Un sérieux, trps
sérieux Mammonisme arrivé a avoir des oreilles de
Âtidas, un dilettantisme pas sérieux, qui sur aucun
point n'est sérieux, grimaçant sur toutes choses dans
son jargon inarticulé, incrédule et incapable de se
faire croire, pareil aux dilettantes e~Morce/~s de la mer
Morte c'est assez navrant, & l'heure actuelle ce le
serait si malgré tout il n'y avait là-dedans un espoir
infini. Le géant Travail, le ptus vrai emblème qui soit de
Dieu l'ouvrier du monde, le Démuirge, fauteur éternel
noble Travail qui sera, même aujourd'hui, le roi de cette
tçrrejetsiégeFasurJe~lu&~tev6desh'on«ft!4'uast<
buché jusqu'ici comme un aveugle et irrationnel géant
868 tfs PASSE ~T M MISENT

a qui i! était peine permis d'avoir sa p!acû sur ïes


pavés des rues les dilettantes indolents, les singes de la
mer Morte criant en te voyant « A bas i! est dange-
roux
Le Travail deviendra
un géant rationnel et doué de la
vue, ayant une d~e dans son corps et il prendra sa place
sur le trône des choses, laissant le blammonisme et
plusieurs autres adjoints sur tes marches les plus
basses dudit trône.
CHAPITRE VU

SUR-PRODUCTION

Mais que diront les lecteurs


qui roncchisscnt, d'une
etasse dirigeante comme la nôtre, s'adressant à ses tra-
vainours pour les accuser dé « sur-production Sur-

production n'est-ce pas lit la formute?Vous autres,


individus de toute espèce, ignobles ouvriers des manu-
factures, vous avez trop produit 1 Nous vous accusons
de fabriquer au delà do doux cent mille chemises pour
couvrir les dos nus
qui composent l'humanité. Ces
pantalons aussi, que vous avez fabriques, en futaine,
cachemire, plaid écossais, en coutil, nankin, et en
laine grossière, ne sont-ils pas surabondants? Et les

chapeaux pour !es têtes humaines, les souliers pour


les pieds humains, les sièges sur quoi s'asseoir, les
cuillers avec quoi manger – mais quoi, qu'allons-nous
parier de chapeaux ou de soutiers? Vous fabriquez des
montres en or, des bijoux, des fourchettes d'argent,
des surtouts, des commodes, des chiffonniers, des sofas
rembourrés en telle quantité, ciel, que le bazar
de commerce et les innombrables maisons Howel,
Jameses et C' ne peuvent pas tout contenir. Vous avez
prod~t~pcodmttJceluLqMLae demamdemi~de~oLvous~
êtes accusés, n'a qu'a regarder autour de lui. Des mi!-
MO t,B PASSENT M MMËSBXT

lions de chemises, dos pantalons dontîes jambes n'ha-


billent rien, pondent là ot prononcent un jugement
contre vous. Nous vous accusons de sur-production.
Vous êtes coupable du crime d'avoir produit des che-
mises, dos pantalons, des chapeaux, des souliers et des
objets de luxe, avec une terrible sur-abondance. Et
maintenant, en face do cette ripaille, les travailleurs
ne trouvent pas même de quoi manger.
Certes, depuis que le monde a commencé
d'exister,
jamais un aristocratique Dilettantisme, tout à la garde
de ses chasses, n'a porté plus étrange accusation contre
un Mammonisme, sérieusement travailleur. Mais quoi,
nobles et bourgeois, c'est vous qui avez été désignes
par te fait et par la théorie de votre position sur la
terre, pour « faire et faire exécuter les lois – c'cst-a-

dire, dans un monde tel qu'est le nôtre, pour empêcher


les « ripailles » pour empêcher. que les honnêtes
travailleurs qui ont accompli leur besogne, ne trouvent
pas même à se nourrir Je vous le répète, c'est MOMS
qui avez été désignés pour présider à la distribution
et & la répartition des salaires de la besogne
en raison
accomplie pour bien veiller à ce que chaque travailleur
touche sa paie, fut-ce en pièces de monnaie, fut-ce en
cordes de chanvre pour les pendus cette fonction, c'est
la vôtre, de temps immémoria! elle l'a été, c'est la
vOire et jusqu'ici ce n'est celle de personne d'autre.
Ces pauvres tisseurs de chemises ont oublié bien des
choses qu'au point de vue de la loi virtuelle sinon
écrite de leur position, ils auraient dû se rappeler
mais au point de vue de la loi écrite et reconnue de.
leur position, qu'ont-ils oublié ? On leur a donné pour
tache de faire des chemises. La soctété, d'une j!eule_
~oïx,1eur a commandé « Faites des chemisés – et
Sm-KMHWCnO!! Mi

!es chemises sont ia.


Trop de chemises ? AHons bon,
c'est une nouveauté sur cette terre intempérante, où
neuf cent millions de dos vont tout nus Mais la
société vous a commandé « Veillez à ce que les che-
mises soient bien
réparties, aun que nos lois humaines
soient t'embtème des lois de Dieu – et comment la
répartition est-elle faite ? Deux millions de travailleurs
sans chemises, ou avec dos chemises en lambeaux sont
assis, ensorcelés, dans
des ateliers-bastilles cinq mil-
lions (d'âpres quelques auteurs) sont comme Ugolin
dans des caveaux où la faim les étreint; et comme
remède, vo~s nous dites – que nous dites-vous?
Augmentez nos revenus Je n'ai pas entendu de ma
vie un discours plus étrange, non, pas même sur les
bords de la mer Morte. Vous continuez à parler à ces

pauvres tisseurs de chemises, à ces sur-producteurs,


sur un ton vraiment trop triomphant I
AHex-vous nous renvoyer l'accusation, allez-vous
nous accuser, MOHS, do sur-production ? Nous prenons
te ciel et ia terre a témoin que nous n'avons rien pro-
duit du tout. Ce n'est pas nous qui sommes cause de
ce terrible surplus de chemises. Dans les vastes
domaines de la nature créée, il ne circule ni une che-
mise ni un objet que nous ayons fabriqué. Quelques
brosses en poil de renard, clouées à la porte de notre
ceuric, fruit de notre belle audace à Me!ton Mow-
bray 1 voilà les
objets que nous avons produits et
ils sont cloués là, ouvertement. Celui qui nous accuse
d'avoir produit, qu'il se montre, qu'il nous dise quoi
et quand. Nous sommes innocents du crime de pro-
duction ingrats, qui nous accusez, quelle montagne
de choses, au contraire n'avons-nous pas « dévorée »
_r~
t/Rmdoz-voNB ds chasse.
8M M PASSE ET tE PB~S~
1
etfaitdisparaïtre Ces montagnes de choses
qu'entas-
saient.vos manufactures, objets de consommation ou
d'usage, n'ont-elles pas disparu devant nous comme si
nous avions la propriété que possèdent les autruches,
tes cormorans, et une sorte de divine faculté d'en-,
gtoutir ? – Ingrats – et n'avez-voua pas grandi à
l'ombre de nos ailes ? Vos sales manufactures ne sont- i

elles pas bâties sur nos


champs, sur ce sol de l'Angle-
terre qui appartient à qui pensez-vous qu'il appar-
tienne ? Et nous ne vous offririons pas notre froment
au prix qui nous plait, mais bien, en partie, au prix

qui vous plaît ? Fameuse idée Que deviendriez-vous, 0


s'il nous plaisait, tout d'un coup, de décider que nous
ne cultiverons plus de froment du tout? Oui, vrai-
ment, c'est là la base, ferme comme le roc, sur laquelle

repose toute espèce de lois sur le blé c'est !a-


dessus qu'elles viennent s'appuyer, sans d'intermina-
bles débats, le plus en sûreté possible que devien-
drez-vous s'il nous plaisait, tout d'un coup, de décider
que nous ne cultiverons plus de froment du tout?
Si nous préférions ne plus cultiver à l'avenir que des
perdrix, et le minimum de froment nécessaire notre

propre consommation ? Ne pouvons-nous pas disposer



comme il nous ptait de ce qui nous appartient ? H
Oui, certes? Pour ma part, si j'avais le pouvoir
de réduire en poudre les Roches de gneiss, et de créer
la loi de la gravitation si j'avais le pouvoir d'aller un
beau matin, d'une enjambée, jusqu'au Doggerbank
et là, plantant mon trident dans les vagues de fange,
commander « qu'il y ait là de la terre, des champs,
M des prairies, des montagnes et des courants d'eau
» fraîche par le ciel, je serais enclin à vouloir la

conces8ioh~èM~etërrë-Ï&&perpétuttë,a~ën~ 16-
aUM-FROMJnTMX a~3

froment, à en brûler le froment selon mon bon plaisir 1


Mes amis, vous qui proposez les lois sur les blés, vous
m'effrayez 1
La « Mitto-cratio si je peux la nommer amsi, l'aris-
tocratie laborieuse, plongée trop profondément dans
un Mammoniame ignoble, tout à fait inconsciente
jusqu'à ce jour de ses nobles destinées, qui n'a été,
jusqu'à ce jour, qu'un géant dénué de raison ou demi-
raisonnable, luttant pour éveiller en soi un peu d'amo,
mérite que le monde lui fasse beaucoup de reproches,
la blâme, la réprouve. Mais l'aristocratie oisive que
méritc-t-etto que le monde lui dise ? Des choses péni-
bles et peu plaisantes 1
L'homme qui travaille, qui essaie de poursuivre un
travail, de quelque manière disgracieuse et barbare que
ce soit, vous vous empresserez vers lui, lui apportant
du secours, des encouragements, des conseils, vous lui
direz « Sois le bienvenu, tu es des nôtres tu seras
l'objet de nos soins. » L'oisif, par contre, si gracieuse-
ment qu'il aille, oisif, de quelques nombreux parchemins
qu'il soit muni, vous ne vous empresserez pas vers lui;
vous resterez assis, tranquille, et ne serez guère disposé
a vous lever. Vous lui direz « Tu n'es pas le bienvenu,
ô complexe anomalie j'aurais souhaité que tu fusses
resté dehors car, qui donc parmi les mortels sait que
faire de toi ? Tes parchemins oui, ils sont vieux, d'une
vétusté vénérable et nous aussi, nous honorons le par-
chemin, les règlements depuis longtemps établis, les
vénérables coutume et habitude. Ce sont ta de. vieux
parchemins, sans contredit cependant en somme,
si tu veux bien le remarquer, ils sont jeunes auprès des
roRhef~e granit, du~tan~remier~et'univera~ de Dieu~-r"-
Je te conseille de remettre tes parchemins à leur place,
i8
Il

8M Î.N PAS~ë ET t.E FB)ÊSE~T

de rentrer chez toi reprendre ta vie et de ne pas faire !e s


inutile, Du fond du cœur, je souhaite n
moindre tapage
te sauver cependant, tel que tu es là, infortunée ano-
malie, n'ayant rien que tes parchemins jaunis, tes futi-
Htés bruyantes et vides, tes coups de fusil et tes brosses “
en poil de renard, qui pourrait, fût-il dieu ou homme,
te faire échapper à la sombre fatatité ? Prends consei!
tàche sur cette
assure-toi qu'il n'existe pour toi aucune
terre, oeuvre de Dieu que tu n'y trouves aucun autre
devoir prescrit que celui de circuler, gracieusement
oisif. Demande, informe-toi sérieusement, avec un
sérieux à demi terrine car la réponse signifie pour
toi existence ou annihilation. Je te ferai connaître le fait
dont l'origine remonte à celle du monde et qui se révèle &
nouveau de nos jours d'une manière grave que si quel-
en ce monde, son existence
qu'un ne peut pas travailler,
eût-il des parchemins
n'y saurait être supportée de
du globe, ceux-ci ne lui seraient
quoi couvrir la superficie
qu'une peau de mouton, combustible et impuissante, qui
nepourraitpas te sauver. Hentrecheztoi, infortuné; etdu
.1
moins, que nous n'entendions pas de bruit de ton côté 1
Supposons que la malheureuse aristocratie oisive,
comme l'a fait la malheureuse aristocratie laborieuse,
aille se reposer trois jours dans son lit et ta se
recueille se demandant quelle heure il peut bien être `??
Combien nous avons lieu de regretter non seutement
« pas de religion » mais qu'ils
que les hommes n'aient
soient bien près de n'avoir pas de réftexion et qu'ils
aillent, la tête pleine de bruits venant du dehors, les

grands ouverts mais ne voyant pas – pour la plu-


yeux
part en état de somnambulisme I
CHAPITRE VIII

L'ARISTOCRATIE QUI NE TRAVAILLE PAS

On a raison de le dire « Le sol est la base légitime


d'une aristocratie '< quiconque possède le sol, celui-là,
plus solennellement qu'aucun autre, est gouverneur,
vice-roi, des hommes qui vivent sur ce sol. I! en va, de
nos jours, tout comme au temps
d'Henry Plantagenet
et de l'abbé Samson comme il en ira de tous temps.
La terre est notre ~'c a tous; elle nous nourrit, nous
abrite, nous réjouit et, dans sa tendresse; nous enri-
chit depuis notre premier éveit jusqu'à notre dernier
sommeil, sur son sein maternel et béni, de combien
de manières ne nous étreint-elle pas tous de ses bras
maternels et bénis
La colline sur laquelle
je vis pour la première fois Je
soleil se lever, au
temps où le soleil et moi-même et
toutes choses étions encore à l'heure de notre aurore,
qui donc pourrait briser !e lien qui m'unit à elle? Elles
sont mystiques, s'enfoncent jusqu'au centre du monde,
les racines que dans mon sol natal
j'ai poussées aucun
des arbres
qui vivent ne tient au soi par de pareilles
racines. Depuis.le plus noble patriotisme jusqu'au plus
-humble- machinisme indu~noi; depuis Taëtë sublime
de mourir sa patrie, jusqu'aux
pour pius vulgaires,
S78 LE PASSE ET tE PUISENT

pour elle de la houille ou de sonder


<*«t)t!
celui f!'«vtt'n!f«
d'extraire nfm~ ~)t« ~<~ tn t<fm!U<t fn

une carrière, !a vie d'une nation tient toute à son sol.


On ne saurait trop le dire et le répéter, il ne peut pas y
avoir de vraie aristocratie sans qu'elle ait la possession
du sol.
Les hommes parlent de « vendre » le sol. Le sol, il
est vrai, comme les poésies épiques et même comme des
choses plus sublimes, en un monde aussi trafiquant que
le nôtre, est présenté au marché afin qu'on voie ce qu'il
pourrait rapporter, pour y être comme nous disons,
« vendu mais quand il s'agit de certains morceaux
de métal, de f/~ta~e d'Homère et combien plus encore
du sol, ce bien du Créateur du monde, le concept de
« vente ') est une ridicule Nous en ache-
impossibilité
tons ce qui est vendable; rien de plus n'a jamais été
achetable. Qui peut ou a jamais pu nous le vendre?
Pour parler exactement, le sol appartient à ces deux
propriétaires à Dieu Tout-Puissant et ù tous ces
enfants des hommes qui travaillèrent bien sur ce sol
ou y doivent travailler bien la l'avenir.
I! n'y a pas de
génération d'hommes, qui, avec n'importe quelle solen-
nité ou quels efforts,aient jamais pu ni puissent jamais
vendre le sol d'après un autre principe: ce n'est, disions-
nous, la propriété d'aucune génération en particulier
mais celle de toutes les générations passées qui ont tra-
vaillé sur ce sol et de toutes les générations futures qui
doivent y travailler.
D'autre part, on nous dit
le sol de l'Angleterre ou
de n'importe quel pays n'a aucune valeur, à proprement
parler, si ce n'est « celle qu'il acquiert quand on l'a
travaillé ». Cette façon de s'exprimer, même dans la
ïangued'Eaatcheap, n'est pas correcte. ~Jne étendue
de terrain, si inculte fût-elle, égale en superficie à l'An-
1
Ï.'AMSMCNAME QUI N6 TBAVAt~E PAS 27?

g!éterrë, serait encore chosedo la plus grande valeur,


s! toute la nation ang!aise avec ses habitudes, son
organisation, ses talents, avec ce que chacun porte en
soi et dont on ne peut pas la dépouiller, pouvait tout à
coup prendre des ailes et s'abattre sur ce terrain Rapi-
dement, de jour en jour, d'année en année, avec ses
talents multiples dans l'art de labourer, filer, forger,
d'exploiter une mine, de faire dos routes, tranquer, cette
nation anglaise tirerait un beau rapport d'une
pareille
étendue de terrain. D'autre part, repréaentex-vous ce à
quoi une nation anglaise aurait bien pu arriver, si vous
la prenez au vol » et si tout simplement elle n'avait
pas rencontre de sol sur lequel elle pût s'abattre,–je ne
dis pas un sol qu'on ne puisse cultiver, mais pas de
sol du tout? Ils eussent été vains, tous ses talents dans
j'tu't de labourer, forger et autres il n'y aurait point
eu de demeure terrestre pour cette nation avec tous
ses talents; cette nation aurait dû coH~KKer à vottiger
d:)ns t'espace, avec un cri douloureux de temps en
temps et elle aurait péri, pièce par pièce, toutes les
~nes jusqu'à la dernière dont se composait la na-
tion cherchant une sépulture dans les vastes mers au
fond desquelles on n'entrevoit point de cieux. Ah, oui,
!e soi, qu'il soit ou ne soit pas labouré, est le don do
D!cu. Le sol de tous les pays appartient à jamais, et
d'une manière absolue, au Créateur Tout-Puissant J
Les derniers coups de pioche de ceux quf l'ont tra-
vaillé n'ont pas fait sa valeur, mais n'ont fait qu'y
ajouter.
C'est très
étrange, à quel point ces vérités banales
sont oubliées de nos jours; comment, dans le chaos
~ujou~rs_taurM!Ionnan~deaformutes~noMR~vonsh'an-*–

quillement perdu la vue du fait qu'il est si périlleux
8~8 PASSE ET M NtËSNiT

.y
do ne pas avoir toujours en vue! Le fait, si nous ne le
nous fera le sentir – Au milieu
voyons pas, peu h peu
de bien des controverses
bruyantes et de débats
quant à la loi sur le' blé. voilà que s'éteve à nouveau, en
ces années et avec bruit, quoique d'une voix inarticu-
lée, cette
question même parmi tant d'autres Qui a
fait, le sol de l'Angleterre ? Qui l'a fait, ce respectable
sol do l'Angleterre, qui donne du froment, des métaux,
du charbon, qui, tel qu'il est, subvient aisément et
largement aux besoins de soixante-dix millions d'hom-
mes et au det!< qui l'a vraiment fait? – « Nous 1 ré-
pond l'aristocratie qui consomme <' nous Il
beaucoup
dit-ette, tandis qu'elle caracole, transpirant de la sueur
gagnée !< Metton Mowbray
« C'est nous
qui l'avons fait ou qui sommes les hnri-
tiers, les ayants droit, les représentants do ceux qui
l'ont fait! » – Mes frères, c'est uotM?. Soyex honorés !)
jamais, alors; et faites autant de lois sur te blé qu'il
vous plaira, jusque ce que vos amples estomacs crient
assez ou que quelque voix humaine, prenant pitié de
notre famine, vous ordonne de vous arrêter Vous êtes
pareils il des dieux, vous qui pouvez créer le sol. A des
dieux créateurs du sot on n'oppose pas de résistance.
Ils ont te pouvoir do vendre te froment au prix qu'il
tour ptaït et its en ont te droit, dans toute son étendue,
et dans une étendue comprenant la famine– s'its sont
des dieux infernaux, sans pit~é 1 Des dieux célestes,
j'imagine, s'arrêteraient court,en voyant que leur con-
duite aura pour prix la famine mais aucun dieu, in-
fernal ou autre, ne peut 6tre sommé de s'arrêter! –
Mortels à l'esprit troublé, dans quelles questions êtes-
JY~sjenJram n
d~attirer tput~
.Y_~
gteterre?
t.'AHtSMCBA'HE OM NB MAVAtHB PAS 8?&

Jevous ïo dis, vous n'avez pas cr66 le sol de !'Ang!e-


terre, et par le fait que vous le détenez, vous êtes con-
traints de fournir a l'Angleterre un gouvernement et
une direction Telle est la loi de votre situation sur
cette terre Dieude acte éternel du Parlement ce-
leste, dont on ne peut appeler ni à Saint-Stephen ni
idueura Un vrai gouvernement, une vraie direction i
et pas un non-gouvernement, un laissez faire combien
moins encore
un wM~-gouvernoment et une loi sur le
t)!6 H n'est pas un travailleur emprisonné qui, de sa
hastiHe, no lève les yeux vers la haute cour du ciel et
n'en appelle distinctement contre vous, contre moi,
t'outre tous ceux
qui ne sont pas emprisonnes: « Pour-
'jttoi suis-je ici? M Soh appel est entendu au ciel, et il
sera également entendu sur terre, si nous n'y faisons
pns attention ici. C'est contre vous qu'il en appelle,
ovant tout; vous êtes au premier rang ~cs accusés;
vous, paria place mémo que vous occupcx; vous aurez
:)\unt tous les autres li lui répondre et it répondre au
fie!

Ce qui paraît le plus fou, !o plus misérable, dans ces


folles et miseraMcs lois sur le blé, est complètement
indépendant de leur « effet sur les salaires », sur « l'ac-
croissement du commerce » ou de tout autre effet do
ce genre c'est la preuve continue et affolante, jetée
il la face de tous les hommes, que notre classe gouver-
nante, appelée par Dieu, !a nature et l'inflexible loi
dit fait a essayer de gouverner, ou à mourir et dispa-
raître, – n'a pas même appris
encore à rester assise
tranquille, sans faire de bêtise Car les ligues contre
la loi sur le blé ne lui demandent rien d'autre, tandis

_queta naiuEe-eL~ïai~r&aimpAMttifK t~ demaRdettt


tellement davantage. La iigue contre la toi sur le b!é,
980 !.B fASSË ET LE MISENT

ne t'êc!atne
réclame ioas Faites
pas: aué!nue
quelque chose
chose; ma!
mais: Cessez
votre mal-faire destructif, ne faites rien I
Le message de la nature veut être obéi alors les
messages du libre échange, do la ligue contre la loi sur
le blé et du laissez faire, n'auront besoin que d'être fai-
blement obéis – Vous autres, sots, au nom du ciel,
travaillez, travaillez à l'arche de la délivrance pour vous
mômes et pour nous, tandis que vous disposez encore
des heures Mais non au lieu de travailler à l'arche,
ils disent « Nous n'arrivons pas a ce que nos mains
restent chaudes »; et ils s'asseyent, &r<)/of!< /cs~McAes é
avec obstination. tl n'y a pas, ù présont de spectacle
plus fou sous le soleil.
L'aristocratie qui travaille les patrons d'usines, ma-
nufacturiers, chefs commandant aux travailleurs
hélas, contre eux aussi il sera porté bien des plaintes
– et ni le
plus libre traf!~ du blé, ni la totale aboution
des tarifs, ni la suprême importance croissante des
manufactures » ou la « prospérité du commerce », ne
pourront les diminuer d'un iota. L'aristocratie qui tra-
vaille doit se frayer une nouvelle voie elle doit com-
prendre que l'argent seul n'est pas le symbole du
succès de l'homme en ce monde, ni des devoirs do
l'homme envers l'homme; et elle devra réformer ses
propres membres, de la tête aux pieds, si elle désire la
réformation de l'Angleterre. L'Angleterre ne sera plus
longtemps habitable, si elle n'est réformée.
L'aristocratie qui travaille oui, mais au seuil de
tout cela il faut se demander et se demander sans cesse:
Et que dire de l'aristocratie qui ne travaille pas ? I!
faut se demander et se demander sans cesse Que
nous faut-il dire dej~'anstocratMj~;netrayatllepaH,
des possesseurs du sol de l'Angleterre de ceux dont la
t.*AMSTOCBAT!E QUI NE TMAVAtM.B PAS &M

fonction reconnue est de consommer tes revenus de

l'Angleterre, de chasser les perdrix de l'Angleterre, et,


en guise d'amusement agréable (si l'argent versé pour
acheter les votes et les autres moyens réussissent) de
f~e~an?cr au Parlement et dans les sessions trimes-
trielles de l'Angleterre? Nous avouerons tristement, on

présence du ciel et de la terre, que nous demeurons


bouche close, stupide, et ne savons que dire Nous te
déclarons une classe d'hommes autorisés a vivre
de la moelle mêmede la terre; à qui
somptueusement
l'on permet, que dis-je? que l'on supplie et que jusqu'ici
l'on supplie en vain, de no rien faire du tout en retour:
voilà une chose qui ne s'est jamais vue jusqu'ici sur la
surface de ce globe Une telle classe d'êtres est chose
transitoire, exceptionnelle, et, a moins que les lois do
la nature ne viennent a mourir, ne peut pas continuer
d'exister. Elle dure déjà depuis pas mal de temps
depuis ces cinquante dernières années elle a acquis son
ctnt do perfection. !t lui faudra découvrir ses devoirs
etles remplir; sinon il faudra qu'elle cesse et elle ces-
sera de subsister sur la surface de cette planète, qui
est une planète laborieuse, non oisive.
Hélas, hélas, l'aristocratie qui travaille, avertie par
tes Trade Unions, les incendies des chartistes et avant
tout par sa propre perspicacité demeurée en commu-
nion perpétuelle avec la réalité des choses se réfor-
mera certainement d'ettc-même et un monde de tra-
vailleurs continuera d'être possible: mais le sort de
l'aristocratie qui ne travaille pas, dont on lit l'horos-,
cope dans les lois sur le Me et le reste, c'est ta un
abîme qui emplit t'ame de désespoir. Oui, mes frères
au tej)nt_ rosé, tout à ta chasse du renat'd, un~terrtbta
<w A~pocraH~Me est peint (Dieu sait que je ne m'en
k
?% !,E FASSE ET M HtëSjSKT

r~ouis pas) sur vos frais et joyeux visage. A travers


vos majorités de !a loi sur le blé, vos ëche!!es mobiles,
vos devoirs de protection, vos corruptions électorales,
et vos feux de triomphe dans le Kent un ceit pensif
discerne de lugubres images do ruine, trop lugubres
être exprimées et une main
pour pouvoir qui semble
écrire ~M!e, JtJfcMc Hommes, mes frères, sur votre
échelle mobile 8 il me semble que vous glissez, et avez
glissé – vous ne savez guère où Bien, bien Est-ce
qu'une aristocratie française du ne-rien-faire, ne décla-
rait pas tout pareillement, il y a & peine plus d'un demi
siecte – et dans sa tête couverte de plumes, elle le
croyait tout pareillement « Nous ne pouvons pas
vivre, continuer de nous habiHer et de faire la pa-
rade, réduits aux seuls revenus du sol français il
nous faut un paiement en outre du revenu du sol, il
» faut aussi qu'on nous exempte » il nous
d'impôts
faut, en un mot, une loi sur le blé qui augmente nos re-
venus ? Cela se passait en 1789–Quatre ans après!
Regardez dans les tanneries de Moudon, voyex-vous,
les êtres au long cou se faisant des culottes de peau
humaine Puissent les cioux cléments éloigner de nous
le présage; puissions-nous être plus sages, afin que
nous soyons moins malheureux.
Une haute classe
qui n'a pas de devoirs à remplir est
comme un arbre plante sur des précipices, des racines
duquel toute la terre s'est émiettée. La nature ne recon-
nalt aucun homme s'il n'est'pas, en somme, un martyr.
~sHI un seul affecte de vivre luxueusement
homme qui
logé, & l'abri de tout travail, (c'est-à-dire du besoin, du
danger, des rigueurs, car c'est la victoire sur ces choses

AHtMthw <Mt pM~: wmp~JMs~- ~<f fNttn Oe BtM)M!tT: –. –


S.t.omoienghbStMïnjttVentdtMttMMMto.
Wt N8 TMVA~~ PAS S83
~!STOCHATtR
L» n~ 1

quo nous appelons te travail) ? – t!n homme qui


anecte de rester assis, serein, les coussins de
parmi
duvet et los rafOnoments tandis qu'il fait, à sa place,
travailler et lutter d'autres hommes? Et c'est un tel
homme qui s'intitule un homme noMe? Son père a tra-
vaillé pour lui, dit-il, on a joué heureusement pour lui
ot le voilà, llli, assis là il professe, non avec tristesse,
mais avec orgueil que ni lui ni les siens n'ont jamais
accompli le moindre travail, do temps immémorial.

C'est la loi du pays et il pense que c'est la loi de l'Uni-


vers que, parmi les hommes dont on a fait mention,
seul, il n'ait aucune tâche excepté celles de
assignée,
et de no pas
manger ses volailles quand elles sontcuites
se jeter par la fenêtre. Encore une fois, je le répète,
nn n'a jamais vu de spectacle sous le
plus étrange
solei). C'est là un véritable fait dans notre Angleterre
ttu Xtx" siècle. Ses volailles, il les mange mais quant
n ne pas s'approcher de la fenêtre – ses amis n'ont-it~

pas comme moi, assez à faire ? En vérité, quand vous~


sur le jeu, ses
regarde}! ses lois sur le blé, ses lois
clauses Chandos, ses corruptions électorales et bien

d'autres .choses, vous frissonnez en te voyant qui trébu-


che et fait le plongeon, retenu par tes revers et les man-
cites de son habit! Devant lui, il n'y a rien que la mince
l'arriére d'une vitre- la rue, rien que d'horri-
et dans
htes piques de fer Mon pauvre frère malade, ainsi que
font ceux qui sont à l'hôpital, tu rêves de paradis et
d'eldorados qui sont loin de toi. « No puis-je pas dis-
poser de moi-mcmo comme je l'entends? Cieux clé-
ments, mon frère, ce. que tu vois avec tes yeux malades
n'est point un eldorado tangible ni un. paradis de ne

?'~f?!MetdeJo!s~rks_
propre cerveau qui a la nèvra. C'est une vitre de fenê-
384 ~fASS~ETtJSPa~SBKT

tretedis~é, tmnehnutcur do tant d'étages ~-dessus


de la rue et dans cette rue, tu trouveras les piques de
fer et la toi de la gravitation
Quel sens a le mot noblesse, si cela est « nob!e ? Mt~
C'est à souffrir vaillamment pour les autres, non pas &
faire paresseusement souffrir les autres a notre place,
que consiste a jamais la noblesse. Le chef des hommes
est celui qui se tient à leur avant-garde, qui affronte le
péril devant lequel, effrayés, les autres reculent, le
péril qui, si l'on n'en triomphait pas, dévorerait tous
les autres. Toute noble couronne, sur terre, est et sera
toujours une couronne
d'épines. Le païen Hercule,
pourquoi est-il mis au nombre des héros? Parce qu'il
tua le lion de Némée, nettoya les écuries d'Augias, en-
treprit douze travaux
qui, pour un dieu seul, n'étaient
pas trop lourds. Dans les sociétés modernes, comme
dans les anciennes et dans toutes, l'aristocratie, ceux
qui assument les fonctions d'une aristocratie (qu'ils les
remplissent ou non) ont pris le poste d'honneur, qui
est le poste de difficulté, le poste de danger de
mort si la difficulté n'est pas vaincue. « Il faut /My~'
de sa vie Pourquoi notre vie nous a-t-elle été don-
née, sinon
pour que la donnions, comme des hommes?
Quitte tes hauteurs, ô pompe du ne rien faire, laisse-
tes coussins de duvet; recherche les expériences qui te
feront connattre ce
qu'éprouvent les misérables, et
comment on les peut guérir Le czar de Russie s'est
fait constructeur de vaisseaux, peinant, couvert de
poussière; il a travaiMé avec sa hache dans les docks
de Saardam et pourtant son but était peu de chose
auprès du tien. Descends dans Farène attaque-toi à
cet horrible « chaos de rignoranceetdejafaim'
vivant
1. En ffans~h dans le texte.
t'ANtSTOOKATtE QUt ME TMVA!~B PAS .>

dans tes pieds, déclare « J'y porterai s


quoi baignent
remède, ou sinon, regardez-moi, j'y mourrai le pre-
mier n. ,Telle est au juste la loi. Partout et en tous

temps un homme doit « payer de sa vie » faire son


devoir, comme le fait un soldat, aux dépens de sa vie.
11 n'est pas de tribunal poudre à patô par lequel vous
puissiez, en,ce moment, forcer une aristocratie à faire
son devoir; mais devant le tribunal suprême, celui

qu'elle-même appelle « tribunal d'honneur et qui est


de la l'éternel s
en même temps le tribunal nécessite,
tribunal de l'univers devantlequel tous les faits se plai-
dent et toute âme humaine – l'aristocratie
comparaît,
devra répondre et même maintenant, eiïe est en train de

répondre, là.
Des parchemins? Les parchemins sont vénérables
mais ils doivent
en tout temps représenter, d'aussi près

que possible, le texte des tablettes de diamant: sans

quoi ils ne sont pas si vénéraMes Benedict le juif fit


en vain valoir ses parchemins il avait trop commis
d'usures. Le roi lui dit '< Retire-toi, en dépit de tous
tes parchemins, tu paieras ta juste dette; a bas toute
cette poussière, ou sinon regarde ce forceps & arra-
cher les dents La nature, souverain beaucoup plus
un beaucoup plus terrible. Il
juste, possède forceps
arrive réeHes ou imaginaires, un
pour les aristocraties,
temps~où faire valoir leurs parchemins ne leur sert.nlus
à rien. <t Retire-toi, en dépit de tous tes parchemins, tu

paieras ta juste dette: » leur crie l'univers, sur un ton


emphatique. Elles refusent de payer, faisantvaloir leurs
parchemins avec confiance la meilleure de leurs mo-
laires, au milieu de douleurs horribles, leur est arrachée

d6lama~!ïuirë.Vëu~tuj~er~amten~~ ê uê ô n d à
i. a Pfeptwder ~M)My court Cour <erm9tfe, toute, en apparences.
<
286 t.E PASSÉET In PMSBNT

molaire, encore au
prix de douleurs horribles, est
arrachée une seconde, une troisième, et s'il est néces-
saire, toutes les dents, toutes les molaires et la vie elle-
même avec elles; – alors le paiement est acquitté, et
par-dessus le marché, on a un sujet pourra dissection!
Les bills de. réforme, bills d'abrogation de la loi sur
le blé, puis le bill sur l'impôt foncier, le bill sur les biens
mobiliers et une liste encore
plus sombre d'e~ cœ~eras
motaire après molaire: nobles et bourgeois, il vaudrait
mieux vous lever et commencer de faire votre besogne,
que de rester là assis à faire valoir vos parchemins!
Nous n'écrivons pas, ici, un chapitre relatif aux lois
sur le blé; les lois sur le blé sont choses
trop folles
pour qu'on en puisse faire un chapitre. H y a une cer-
taine immoralité à parler, quand ce n'est pas nécessaire,
de choses finies à tailler en petits morceaux ce qui a
déjà été massacré et tailladé. Quand les cerveaux sont
détruits pourquoi un solécisme ne meur t-il pas? S'il
refuse de mourir, c'est a son propre il devrait
péri!
mettre toute la hâte possible à mourir et à se faire en-
terrer. Le métier de conférencier contre la loi sur le
blé, encore indispensable de nos jours, est un métier
hautement tragique.
Les lois sur le blé et disparaîtront
disparaîtront
même bientôt il serait
à souhaiter que nous fussions
tous aussi assurés de voir la fin du miHénaire
qu'elles
le sont de disparaître 1 Elles vont vite, depuis ces der-
niers mois, avec un redoublement de vétocité vraiment
notable; dans leur course, elles déploient un mouve-
ment qui va toujours se fait toujours
s'élargissant, plus
ample. C'est a son propre péril et
dommage, plus en-
-cor~qa'~eas~deTt~imp~ot~ëqMi.qu~
maintient; – évalué ci-dessus à « cent mille
dommage
t.'AMSTOCRA'nB QUI NE THAVAt~E
~1-
< ¿. PAS S87

livres par heure Les lois sur le blé entretiennent la


chaleur de Fair: se dévetoppant à leur chaleur- ué-
vreuse, bien des choses mauvaises, mais beaucoup
aussi, et combien, de bonnes et indispensables vont

rapidement éciore et vivre parmi nous


CHAPITRE JX

L'ARISTOCRATIE QUI TRAVAILLE

Un pauvre Mammonisme travaillant pour se voir

« étranglé dans les filets à perdrix d'un dilettantisme

qui ne travaille pas, » rugissant d'une façon terrible,


le visage déjà bleui certes, c'est un spectacle désas-
treux Mais d'un Mammonisme aux oreilles d'âne
ce que sont, au fond tous les Mammonismes purs
attendre de mieux ? Rien de mieux ?`t
que pouviez-vous
– si ce n'avait pas été cela, c'eût été alors, quelque
chose de tout aussi désastreux, sinon d'encore plus
désastreux. Il faut que les Mammonismes, devenus
chose dnienne redeviennent chose humaine, ration-

nelle il faut, en somme, qu'ils cessent d'être des


Mammonismes, dût-on user de la force et de la pres-
sion de la corde autour de leur cou – Mes amis de

l'aristocratie il y a maintenant un grand


qui travaille,

nombre de choses, que dans l'extrême danger
vous êtes, il vous faudra considérer t
Les peuples du continent sont en train, à ce qu'il.
semblerait « d'exporter nos machines, ils commencent
» a tisser le coton et a monter des manufactures qui
~rsatisfont a leurs proprcs~bcsoinsr nous coupant"
v
? ainsi le marché tantôt pour tel article, tantôt pour
~'AMSMCRATtECMTBAVAÏU.E ~89
» tel autre M Tristes nouvelles
en vérité mais irrémé-
diables – en aucun sens, ce ne sont là les plus tristes
nouvelles. La plus triste nouvelle, c'est la constatation
que notre existence nationale dépend, comme je t'en-
tends dire parfois, du fait de vendre le coton manufac-
turé d'un l'aune meilleur marché
farthing que tout
autre peuple. Support bien étroit pour qu'une grande
nation repose dessus Ce support, malgré toutes les
abrogations possibles de la loi sur le Me, je ne pense
pas qu'il soit capable de durer 1
Mes amis, supposons que nous quittions ce support
supposons que nous mettions honnêtement pied à
terre et déclarions « Voilà le prix minimum de nos
cotons. Nous ne songeons pas, pour le moment, à
fabriquer du coton moins cher. Faites, quant à vous,
si cela vous semble désirable, du coton moins cher.
Emplissez vos poumons de poussière de coton, vos
cœurs de la colère qui amène les couperoses, de rage
et de révolte devenez les gnomes de toute l'Europe,
les esclaves de la lampe a – J'admire une nation
qui s'imagine qu'elle mourra si elle ne vend pas à plus
bas prix que toutes les autres nations et cela jusqu'à la
fin du monde. Mes frères, si vous m'en croyez, nous
cesserons de vendre
à plus bas prix qu'elles nous nous
contenterons de vendre à prix Aya~ nous serons heu-
reux de vendre au même prix que les autres Je ne
vois pas l'utilité de vendre à plus bas prix que les
autres. Les tissus de coton sont déjà a deux pence
le yard, sinon meilleur marché; et pourtant les dos
nus'n'ont jamais été plus nombreux parmi nous. Que
les hommes ingénieux -cessent donc de passer leur
~xistencc~ chercha aatïs cesse ï_ _r.
comment le cot~tfp~
La fMtMc~ ~qutvtHtt t notre liard.
19
SM LE PASSE ET M PRESENT

être fabriqué meilleur marché et qu'ils essaient un


peu de trouver comment le coton, bon marché comme
il l'est, pourrait être réparti avec un peu plus de justice
entre nous. Que les hommes ingénieux se demandent
si le secret de cet univers et de la vie de l'homme qui
se passe en ce séjour consiste après tout, comme nous
l'imaginons sans réflexion, à gagner de l'argent ? est
un Dieu, juste, suprême, tout puissant mais son nom,
est-ce Mammon ? En face d'un enfer qui se traduirait
par « ne pas gagner d'argent » je ne pense pas qu'il
soit de ciel possible qui pût convenir à aucun dieu je
ne crois pas que la terre même puisse être longtemps
habitable En somme, tout cet Évangile de Mammon,
de l'offre et de la demande, de la compétition, du
laissez faire (et que le diable ait le reste) tout cela com-
mence à être un des Évangiles les plus usés qu'on ait
jamais précités et même le plus usé. Fût-ce à l'aide
des filets à perdrix des dilettantes, au prix d'une horri-
ble dépense d'efforts, qui regrettera de voir cela
étranglé, d'en voir arracher une vie toute fugitive et,
en mettant les choses au mieux, quelque peu mépri-
sable ? En mettant les choses au mieux, comme nous
venons de le dire, c'est chose quelque peu méprisable,
indigne de vénération, que ce « laissez faire et main-
tenant si nous mettons les choses au pire, c'est une
chose en train de devenir rapidement tout à fait détes-
table 1
« Mais que nous faudra-t-il faire de notre population
? manufacturière de notre
agricole, population qui
M s'accroît sans cesse ? » crient bien des gens. – Quoi,
ce qu'il en faudra faire ? On peut faire d'elle bien des

choses, dcs~ccntaincs de ~hoscsr~cs~miincrsdo~choscs
si seulement nous avions d'abord l'âme et si nous
j
ït~ïSTOCaATtE QM TRAV~M~ ~91

avions tenté l'essai,


t~aan~ f~Mo~t & 4\~M~ ~~t~M ~ttA ~~tt~
Quant à faire pour elle cette chose
~t~

« vendre à plus bas prix que toutes les nations u rem-


pHr chemin faisant nos poches, gonnées à éclater et
rassasier nos appétits, puis jeter au vent tout souci do
la « population n, toute considération humaine ou
divine excepté celle de
l'argent monnayé, avec un
« laissez faire » et le reste ce n'est évidemment pas là
la chose à faire. Un farthing meilleur marché par yard ?
Aucune grande nation ne peut se tenir sur la pointe
d'une telle pyramide se hisser ainsi de plus en plus
haut, se balancer sur son gros orteil 1 Est-ce que l'An-
gleterre ne peut pas subsister sans ~osse~ tous les
pays pour le travail L'Angleterre no s'est jamais déli-
bérément proposé une telle chose. Si l'Angleterre tra-
vaille mieux que les autres pays, tout ira bien. L'An-
gleterre, comme un honnête travailleur, travaillera du
mieux et espérons
qu'ellepourra que les dieux lui
permettront de vivre sur cette base. Le laissez faire et
bien d'autres choses une fois mortes définitivement,
que d'impossibilités deviendront des possibilités 1 Ce
sont des impossibilités au même titre que les tissus de
coton à deux pence l'aune en étaient une jadis,
jusqu'à
ce que les hommes se soient mis à los fabriquer. Le
génie inventif de cette grande Angleterre ne va pas
à jamais satisfait
s'asseoir, patient, de ses roues, de
ses pignons, bobines, courroies et bourrelets qui tout~-
nent au-dessus de aa tête. Le génie inventif de FAngïe-
terre n'est pas celui d'un castor, ou d'une araignée
c'est, j'espère le génie d'un homme qui a un Dieu au-
dessus de lui 1
Laissez faire, offre et demande, on commence &
être Ïas de tout cela. Abandonner tout à t'égoïsme, & ta
soif 'vorace de l'argent, du plaisir, du succès c'est
'293. b .1"" !.EMSS)SpTt.Ef)~SE!~ 't~1~ ,0"0"

l'Évangile du désespoir! L'homme est, alors, une


machine à digérer brevetée donnez-lui seulement
la liberté de
rechange, la liberté dans une salle où il

puisse digérer et chacun de nous digérera tout ce


qu'il pourra absorber, laissant le reste au destin 1
Malheureux frères du Mammonisme laborieux, frères
encore plus malheureux du dilettantisme oisif, aucun
monde ne s'est jamais maintenu longtemps dans ces
conditions. Un monde composé do simples machines a
digérer brevetées n'aura bientôt rien à manger un tel
monde s'éteindra et do par la loi de la nature il faut
qu'il s'éteigne dans la « surpopulation dans les hur-
lements d'une famine universelle, dans les « impossi-
bilités », le délire du suicide, comme si l'on voyait
défiler indéfiniment des chenils à chien, dont les occu-
pants seraient devenus enragés. et la demande L'offre
auront plein le libre échange sera libre comme
pouvoir,
l'air; – et toi, l'homme aux coups do fusil, voitte
Il ne pas rendre tout cela impossible, par tes misé-
rables escroqueries, tes échelles mobiles ~wes que
Mammoniques, que tout ton cant n'empêche pas do
reconnattre pour des escroqueries et qu'il est vraiment
scandaleux de constater en des temps comme les
nôtres 1 Et maintenant le commerce rendu aussi libre
qu'on voudra, tous les tarifs établis ou abolis, la loi de
l'offre et de la demande ayant plein cours sachons
bien que nous n'aurons encore rien fait que nous
aurons simplement déblayé le 'terrain en vue de faire
quelque chose.
Oui,quand les lois sur le blé seraient supprimées
demain, il n'y aurait rien de supprimé il y aurait seu-
~°°.
Temënf de !â place ~te pour que toutes aortes de choses
i.PatenMMges!er.
<MSMC~MFtB QM TMVAt~E ~3
.'¡; -Y. > t a 1.

pussent commencer d'être. Les toia sur te Mo abolies,


!e commerce rendu libre, on peut tenir pour certain

que cette paralysie de l'industriedisparattrait. Nous au-


rons une nouvelle période d'entreprises commerciales,
de victoire et de prospérité; durant laquelle il est proba-
ble que beaucoup d'argent sera encore gagné, et que les
méthodes se répandant, tous les gens pourront, pendant
plusieurs années, se nourrir et continuer de vivre maté-
rie!!ompnt. Le liende la famine qui nous étranglait se
déserrera nous aurons à nouveau de l'espace pour
respirer, du temps pour réfléchir, pour nous repentir
et considérer Années précieuses et très précieuses

pendant lesquelles nous lutterons comme s'i! y allait de


notre vie afin do réformer nos systèmes mauvais; ann
do soulager, d'instruire, de diriger notre peuple pondant
tcsqucHes nous nous efforcerons comme s'il y allait de
notre vie, de verser en lui une sorte de nourriture spi-
rituc!!c, lie lui fournir un gouvernement, une direction
réets Ce seront des années infiniment précieuses. Car ·
cette nouvelle période, ce paroxysme de prospérité
commerciale, fondée sur les anciennes méthodes do
la compétition et le diable emporte le reste ne sera
jamais, ne peut être qu'un paroxysme un nouveau
paroxysme, qui, si nous n'en usons pas mieux sera
assez vraisemblablement notre etc~MM*. H n'y a
pas là, en soi-même, de salut. Si notre commerce,
florissant en vingt ans comme jamais ne ftorit
aucun commerce, arrivait à douNor alors, aussi, on
vertu de la vieille méthode du laissez faire, notre popu-
lation aurait douMc nous serions alors dans la situa-
tion où nous sommes aujourd'hui, seulement deux fois
phts nombmux~ dcuxJbiajet dix-ibi&auaM wg~
nables 1
?4 PASSE ~T Ï<E PRËSSNT

T~tM~~ ~«~S~t~ *v~ïe'~W]r< t~Et TT<AC


Toute cette terrible misère; tous nos pauvres tra- 0"
vailleurs des ateliers, tous nos chartismes, toutes nos 0;:
grèves industrielles, nos lois sur le blé, torisme et les
dégâts généraux du laissez faire actuel – ne pouvons-
.nous pas considérer cela comme une voix qui sortant
du sein muet de la nature nous dirait « Regarde la
loi de l'offre et de la demande n'est pas l'unique loi de
la nature le paiement en espèces n'est pas l'unique
lien de l'homme vis-a-vis de l'homme – combien il on
va différemment Profondément, bien plus profondé-
ment que celle de l'offre et de la demande gisent des
lois, des obligations sacrées comme la vie de l'homme
lui-même celles-ci, si vous voulez continuer à tra-
vailler, vous apprendrez à les connattre et à leur obéir.
Celui qui s'efforce do les connaître, vois, la nature est
avec lui, il travaillera désormais, prospérera, il jouira
de nobles récompenses. Celui qui refuse do les con-
nattre, la nature est contre
lui, il ne pourra pas tra-
vailler dans l'empire de la nature pas dans son
empire, a elle. Perpétuellement, la lutte, la révolte,
la haine, l'isolement, l'exécration s'attacheront a ses
pas jusqu'à ce que tous les hommes se soient aperçus
que !a chose qu'il poursuit, si dorée qu'cMo paraisse,
n'est pas le succès, mais le manque de succès. »
L'offre et la demande, hélas 1 Pour quelle noble tache
a-t-onjamais entendu formuler aucune « demande » en
ce sens mesquin ? Le Macédonien qui dans une vision
dit à l'apôtre Paul « Descends et secours-nous, ne
spécifiait pas le taux du salaire qu'il lui donnerait 1
Mais la religion chrétienne elle-même s'est-elle établie
par des essais de prix, des legs Bridgwater et un\
« minimum mille cinq cents par an ? ~Je~ne
dejniatre
sache pas de demande qui, dans cette circonstance, ait
J
t'AMSTOCMMB OU! TBAVA!M.B ??
»,-
tMa ttn
été formulée en nnatftttn tmnmhAf!n
marché t~n<m!t «hntnhfc
du travail, chambre <ta de
quelque
commerce de Manchester ou autre entrepôt, établisse-
ment commercial du même genre tous étaient alors
silencieux, il n'était pas même question,
par un mur-
mure, de telles demandes tous eussent été impuissants
à y répondre par une « offre a, quand même la demande
se fût énoncée par la foudre et les tremblements de
terre, et quand même des Eldorados d'or, des paradis
de Mahomet eussent été les récompenses Ah
promises.
ciel, sous latitudes désolées sommes-nous
quettes
égarés, à cette heure du voyage pareils a des Sindbads
aventureux ? – les hommes y circulent comme mus
par le galvanisme, avec des regards enflammés, sans
expression, ils n'ont pas d'âme mais seulement une
industrie de castoret un estomac Le désespoir hagard
qui règne aujourd'hui dans les manufactures de coton,
les mines de houittc, chez les cultivateurs de Chandos
est chose pénible à contempler mais ce n'est pas aussi
pénible, aussi hideux pour t'œit intérieur que cette
théorie de la vie, cette philosophie des profits et dos
pertes, dignes de brutes oublieuses de Dieu, que nous
trouvons en bisbille tout autour de nous au palais du
Sénat, dans les à déclamations,
clubs les articles de
tête, les chaires et tes tribunes, –
envisagées partout
comme l'Évangile suprême, comme le simple alphabet
anglais de la vie de tout homme et cela aussi bien par
les gosiers, que par les plumes et tes pensées de pres-
que tous les hommes, qui ne sont rien moins que des
hommes 1
Les philosophies éclairées, comme les docteurs de
Molière, vous diront « Enthousiasme, renoncement,
ctet,enfec~Ueceat&~oHirtoM~e!~r€présenta!<rasscz*
bien la. vérité dans l'ancien la
temps, quand régnait
aM MPASS~WMK~SNM'

stupidiM;
stupidité tout
tout ce!a -fut
M vrai
vrai {adts:
jadis mais
ma! nous avons
changé tout cela, nous avons cAew~ tout c~ot a –
Bien si le cœur maintenant a été retourné et est passé
à droite, tandis que le foie est à gauche si Fhéroïame
n'atteint pas dans l'homme à une plus grande profon-
deur que le désir do manger, si dans son âme n'habite
aucun infini de crainte au
d'espoir; si aucun silence
divin n'y peut devenir une voix impérieuse parce qu'il
n'est pas la foudre du Sinaï si aucun autre lien ne la
peut attacher que les cordes de la potence de Tyburn
– alors, oui vraiment, vous avez changé tout co!a et
cela, et vous, çtmoi, voyez-vous, !'abïmc, une annihita-
tion sans nom nous attendent. Un aussi scandaleux uni-
vers de mendiants no mérite après tout rien d'autre
je no peux pas dire que je voudrais le sauver do l'anni-
hilation. Le vide, un bleu serein seront bien plus
beaux ce sera plus facile aussi pour nous tous. Moi,
pour ma part, je décline l'honneur de vivre comme une
machine à digérer brevetée machine à digérer breve-
tée, métier à filer, mannequin de Mayfair' mit!e re-
merciements, mais votre altesse le Chaos Voudra bien
être assez bon pour m'excuser 1

<. En fKn))t<e dans to texte.


2. MaytMf est un quorNertM~nt do Londres.
CHAPtTREX

PLUGSON DE VILAINE-VILLE

est une chose


que je sais c'est que jamais, sur
cette terre n'ont pu se prolonger longtemps des rela-
tions d'homme à homme sous forme de seul paiement
en espèces. Si jamais une philosophie du laissez-faire,
de la compétition et de t'offre et demande, surgit a une
époque quelconque, se donnant comme la formule des
relations humaines, attendez-vous à ce qu'elle dispa-
raisse bientôt.
De telles philosophios surgiront car les philoso-

phios de l'homme sont d'ordinaire le « supplément de


sa pratique c'est une sorte de vernis logique dont
elle s'arme, un épiderme d'intelligence articulée dont
eue se recouvre et par quoi l'homme s'efforce de ren-
dre admissibles ses actes instinctifs, aveugles, après
qu'ils .sont accomplis. De telles philosophies surgiront;
on les prêchera comme des évangiles de Mammon,
doctrine suprême de l'univers; chacun les croira avec

ce'qu'il appelle sa croyance, avec force fanfaronnade

superficielle et une sorte de satisfaction futile, réelle à


sa manière – mais ce sont des évangiles sinistres.

lls~on~raYant-<!Oureur,certatn~~ chan~
gements. Regardez l'ancien système de société comme

<'
~M m MSSë ET t.S MËSBNT

uni, comme mourant, déjà radotant, !orsqù*M ëom'


menée à extravaguer de la sorte. Nombre de systèmes

dontjj'ai observé la mort, durant ces trois derniers aie-


cles, ont disparu précisément de la- aorte. L'idéat, la
part de vérité et de noblesse qui était on eux ayant dis-
paru, rien ne subsistant que t'égoïsme mis à nu, qu'une
=;
convoitise do vautour, ces systèmes ne pouvaient vi-
vre par les plus antiques destins, Pères de l'univers,
ils étaient forcés, inexorablement sommés de mourir.
C'est assez curieux ils avisent alors, je l'ai noté assez a

généralement, quelque !égère et commode c philoso-

phie de vin et de noix celle de l'offre et de la de-


mande, ou tout autre; et ils s'obstinent à répéter, pen-
dant les heures de mastication et de rumination qu'ils cC

appellent les heures de méditation « Mon âme, mets-


toi à l'aise tout est pour le mieux si tu es une âme de r
vautour – et les tortures de la dissolution fondent
sur eux, le plus souvent avant qu'ils se doutent de
rien 1
Le paiementespèces en
n'a jamais été, ou n'a pu
rester que quelques années, le lien unissant l'homme à
l'homme. Le salaire en espèces n'a jamais payé pleine-
ment un homme Õ
pour ce qu'il méritait d'un autre; cela
ne se pouvait, ne se peut, ni maintenant, ni à l'avenir
jusqu'à la fin du monde. J'invite Sa Grâce, le châtelain
de la rente, à méditer ce!a;pense-t-u que l'aristocratie
d'un pays lorsqu'elle devient !a vente aux enchères d'un
pays, puisse encore vivre longtemps? Ou que les échel-
les mobiles en puissent accroître la force vitale? L~n-
domptable Plugson.de ta respectableMaison Plugson,
Hunks et C'" à Sainte-Mioche VHaine-Vi!!e est invité
lui aussi à réSéchir ](a-dessus car pour lui aussi. c'est
T. f
i. St!nt*Dd!y Uaderthot.
PMOSONïtBMtAMB-WAE S&&

là quelque chose de nouveau, de pîus nouveau encore,


peut-être. Tenir les livres en partie double est chose
admirable, qui permet d'enregistrer plusieurs choses
d'une manière exacte. Mais nos Mères les destinées
tiennent aussi leurs tablettes; dans la chancellerie du
ciel, on enregistre aussi; et les choses, comme disent
mes amis mahométans sont « inscrites sur une feuille
de fer
Votre Grâce, ainsi que Plugson, va probablement
parfois à l'église; ne vous est-il jamais arrive & quelque
moment de distraction tandis que psalmodiait quel-
qu'ennuyeux ecclésiastique, de regarder dans votre
Nouveau Testament le compte de caisse qui y est
reproduit quatre fois, en une sorte de partie quadru-
ple dans les quatre évangiles ? Je considère cela
comme un compte de caisse, une balance entre la be-
sogne faite et le salaire payé, très dignes qu'on s'y
arrête. Précisément tels, quoique sur une plus petite
écheHo, sont ceux qui, à tout instant, s'effectuent sous le
soleil et le relevé, le compte balancé sur le grand
livre de Plugson ou sur les tablettes de la chancellerie
du ciel diffèrent extrêmement ce qui devrait réeHe-
ment, aurait depuis longtemps dû enseigner au sens
commun d'un indomptable Plugson de Vilaine-Ville et
bien plus à l'inattaquable sens non-coMMMK de Sa
Grâce la rente, une vérité ou deux – Bref, il nous
faudra renvoyer à sa vraie
rigoureusement place l'évan-
gile du paiement en espèces; il nous faudra savoir au
début, ou bien qu'il existe un évangite infiniment plus
profond que celui du paiement en espèces, auxiliaire,
explicatif, corrigeant celui-ci chaque jour et à toute
heM'e ou~ bienqu~eJ'évgn~Mdu~temen~
lui-même,ainsi que tous les autres, déStentrapidement
300 M PASSE ET M H<é)6M

Car il faut
que toutes les choses humaines enfer-
ment en elles un idéa! qu'elles enferment en elles une
âme, ainsi que nous l'avons dit, ne fût-ce que pour
te corps de la putréfaction. Et c'est mer- =
préserver
veille de voir comment l'idéal, l'âme, placés dans !e
plus vilain corps que vous vouliez, irradieront ledit
corps de sa propre noblesse graduellement, incessam-
ment, ils façonneront, modifieront, réformeront ou
formeront à nouveau ledit corps, le plus vilain, et
finalement le feront beau, dans une certaine mesure
divin – Oh détrôner ce Dieu Brute,
1 puissiez-vous
Mammon et mettre à sa place un Dieu Ame 1 D'une ma-
nière ou de l'autre, il faut qu'il soit et il sera détrôné.
Combattre, par exemple, je me !o dis souvent à moi-
même, combattre avec des instruments de meurtre, en
fer, c'est certes un acte bien plus vilain que trayailler,
à quelque point de vue qu'on se place. Cependant, du
combat même, voyez quelle féodalité était sortie, au

temps du religieux abbé Samson – « chevalerie glo-


rieuse », bien terrassée aujourd'hui. N'était-ce pas là
une des choses les plus « impossibles »? Sous le ciel,
il n'est pas de plus hideux spectacle que celui de deux
hommes qui, les dents serrée~, une flamme infernale
dans les yeux, se déchirent réciproquement la chair;
convertissent de précieux corps vivants,' des âmes vi-
vantes, sans prix, en des masses de chair putréfiées,
innommables, utiles seulement
pour l'engrais des navets.

Comment jamais une chevalerie put-elle sortir do cela,


comment cela put-il engendrer quelque chose qui ne
fût pas hideux, scandaleux, internat? Ce sera là une

question digne qu'on la considère peu à peu.


Pour lemoment, je remarque simplement deux cho-
ses ïa prëmiëré c'ëst~~que le combat en lui-même n'a
Pt.MSqNfE~M.&MB.MHS 3<M
K a < t
jamais été comme nous l'avons supposé avec trop de
hâte, un combat sans motif, mais que, plus ou moina, il
a eu ses motifs. L'homme est créé pour combattre
peut-être ne le définira-t-on pas mieux qu'en disant
qu'il est né soldat que sa vie est « une bataille et une
marche » sous la direction du généra! compétent. I! est
à jamais indispensable pour tout homme de combattre:
tantôt contre la nécessité, la stérilité, la pauvreté, les
flaques d'eau, les marais, les forêts touffues, le coton
non peigné – tantôt, aussi, contre les hallucinations
de ses pauvres frères les hommes. Des visions halluci-
natoires surgissent dans la tête do mon frère
pauvre
lui font revendiquer contre moi des droits qui ne sont
pas les siens. Tout combat, nous l'avons remarqué de-
puis longtemps, est un conflitpoussiéreux de forces
dont chacune se croit la plus forte, ou, en d'autres ter-
mes, la plus juste; – conflits de pouvoirs qui, à la
longue, finissent par devenir et tendront toujours, dans
ce juste monde, à devenir des droits. Dans le conflit,
la partie périssable de ces pouvoirs, suffisamment bat-
tue, s'envole en fumée cette opération terminée, en
apparaît la partie impérissable, ce qu'ils enfermaient
de vrai et d'exact.
Et maintenant, remarquons une seconde chose
comment, dans ces opérations sinistres se comportera
un noble chevalier, au cœur pieux et comment agira un
ignoble Boucanier sans dieu ou un Chactan indien. La
victoire est le but de chacun. Mais l'homme à ï'&me no-
ble porte à jamais gravé au fond de son cœur cet~ loi
que, de même qu'un Dieu invisible et juste l'a crée, de
même la justice de Dieu et elle seule, si invisible soit-
è!îe, vëùr~rempdrë~~aÏëmën~~r
ment dans toutes les controverses, entreprises et ba-
3M M PASSE ET !<Bf~SENt
t<t!t!«s t~~aoiht~ù ftunMn }nftM~nM~ < ~t~m
v-
tailles QuoMe
possiMes. influence éternellement
pré-
sente pareille à une âme dans le corps du plus gros-
sier Caliban pareille à un rayon du ciel, à un /!<~
créateur et illuminateur, au milieu du plus aride chaos
terrestre 1 Influence bénie et divine, dont on retrouve
la trace même dans l'horreur des champs de bataille,
des vêtements baignant dans le sang comme elle en-
noblit le champ de bataille même, et, au lieu d'un
champ
de massacre de chactans, en fait un champ d'honneur!
Le champ de bataille est chose grande, lui aussi. A le
bien considérer, c'est une sorte de quintessence du
travail c'est le travail distillé, en sa suprême concen-
tration le sens de plusieurs années de sa vie resserré
en une heure. Là aussi, il te faudra être fort, et pas de
muscles seulement, si tu veux l'emporter. Là aussi, il
te faudra être fort de cœur, noble d'âme; il ne te fau-
dra craindre ni la peine ni la mort, -aimer ni les aises
ni la vie dans l'emportement il faudra te ressouvenir
de la clémence, de la justice; il te faudra être che-
valier et non chactan si tu veux l'emporter. C'est pour
avoir le succès dans toutes les batailles, contre les
hallucinations de ses frères les hommes, contre le coton
non peigné, ou dans batailles,
n'importe quelles qu'un
homme en ce monde doit combattre.
Howel Davies teint de sang les mers de l'Inde occi-
dentale, il multiplie les pillages et entasse le butin sur
les ponts des navires il se montre le plus expert des
marins, le plus audacieux des combattants: mais il ne
remporte aucune victoire durable, une victoire durable
n'est pas chose possiNe pour lui. Non, ce né lui est
pas possible, eût-il une flotte plus énorme que toute la
~otte~g!ai~poar l'aider daiM~on~
i. Pirate fameux.
PMOSONW~UNB*V)U.E 303

nier. Un tel homme, une fois pour toutes, ne peut pas


avoir l'avantage dans son duel. Il renverse son homme
oui maia son homme, ou ce que représente son homme,
n'a pas la moindre envie de rester renversé; et quoique
frappé dix fois, il ne restera pas étendu par terre
car l'univers n'a pas la moindre envie de le voir rester
étendu par terre Au contraire, l'univers et lui ont, à
tous moments, toutes sortes de motifs pour se relever,
pour combattre à nouveau désespérément. Votre Napo-
léon est chassé, à la fin, à Sainte-Hélène la dernière

partie de sa vie faisant une compensation terrible à la

première. Le boucanier renverse un homme, une cen-


taine ou un million d'hommes mais
quel profit en
retire-t-il? ïl a un ennemi qu'il ne renversera jamais;
ou plutôt deux ennemis l'humanité et le créateur des
humains. Sur une grande échelle ou sur une petite,

qu'il s'agisse de combattre


des hommes ou des diffi-
cultés, je ne confierai pas ma chance à la barque de
Howel Davies ce n'est pas le boucanier, c'est le héros
seul qui peut gagner la victoire, qui peut faire plus
que de parafe l'emporter. Ces faits mériteront qu'on
y rénéchisse car ils s'appliquent à toutes les batailles,
à toutes les armées, à toutes les luttes, à tous les ef-
forts possibles dans ce combat qu'est la vie. C'est un
piètre évangile, évangile du paiement en espèces ou
quelqu'autre nom qu'il porte, celui.qui n'apporte pas
à tous les cœurs la conviction de la véracité de ces
faits; celui
qui, en termes clairs, sans contradiction
possible, n'en~etient pas les hommes dans la pensée
de ces choses.
Malheureusement, mon indomptable ami Plugson
de~ïlaiHë-V~~aoaMi~aupïuStautd~Msi,–-
hélas, que l'a fait tout te monde ainsi, hélas, que nos'
SM jt.RPASSËBTtSPRëSStCF
1
ducs et nos gardiens d'âmes eux-mêmes t'ont fait, eux
dont c'était le métier propre de se les rappeler De là
tous ces pleurs. Plugson qui, a tissé du
indomptable,
coton uniquement pour gagner des milliers de livres,
je suis obligé de l'appeler jusqu'à nouvel ordre un bou-
canier et un chactan jusqu'à ce qu'il produise quelque
chose de meilleur, d'encore Ses cent
plus indomptable.
billets de banque de mille Uvres, s'il n'y a rien d'autre
-en outre, sont pour moi comme les cent têtes qui or-
nent la hutte d'un chactan. Aveugle il était
Plugson
un des capitaines de l'industrie, il était né membre do
ia suprême, de la pure aristocratie de cet univers, s'il
avait pu savoir Ces mille hommes, filant et peinant
autour de lui, c'était un régiment qu'il avait enrôlé
homme par homme, pou~ combattre un ennemi très
réel la nudité des dos, la désobéissance des fibres du
coton qui ne veulent pas, à moi s qu'on ne les y force,
consentir à couvrir les dos nus. C'est là un ennemi
des plus réels, contre lequel toutes les créatures lui
souhaitent de remporter la victoire. Plugson enrôla ses
mille hommes il leur dit « Venez, mes frères, jetons-
nous sur le coton 1 » Ils le suivent' avec des cris de
joie ils remportent sur le coton une victoire telle que
toute la terre ne peut que les admirer et applaudir:
mais, hélas, ce n'est encore qu'une victoire à la façon
de celles des boucaniers ou des chactans elle ne vaut
pas mieux que si elle n'en était pas une 1 Le sot Ptug-
son de Sainte-Mioche Vilaine-Ville espere-t-H se rendre
illustré en alignant des têtes dans sa hutte, ou les cent
billets de mille livres chez son banquier et en disant
Regardez mes têtes? Quoi, Plugson, ta propre armée
elle-même-.est,toute -en révolte le~oto~t~ conquis,
mais les t< dos nus » sont plus mal couverts que ja-
t'H?GSONMB\tt.AME-Vt).t.E 3<S

mais! Indomptable Plugson, il faut que tu cesses d'être


un Chaotan toi comme les autres toi seu!, du moins,
sinon aucun autre
Guillaume le Normand ou le Bâtard, aucun de ses
laillefers, !es/<tMcAc«rs<]f0/ s'y est-il
pris ainsi? Un
faucheur de fer, a la fin de la campagne, ne renvoyait
pas ses mille guerriers, mais il leur disait Il Nobles
guerriers, voici la terre que nous avons
conquise;
j'en vais être le soigneur ce que nous
appelons
e~/CHMtM* de la loi, celui qui protège et ~or<<fe les
lois du ciel; je vais être en cette terre le
<tscM~
de la loi, ou pour abréger, !e se<~MC<M'et vous y serez
les hommes loyaux et nous se-
qui m'entoureront
a rons unis comme le sont les soldats autour d'un ca-
pitaine, car nous aurons encore, a l'avenir, besoin
les uns des «utres Plugson, la façon d'un bou-
canier, leur dit « Nobles fileurs, voici les cent mille
livres que nous avons gagnées, au milieu desquelles
j'entends demeurer et planter mes vignes; les cent
mille livres sont pour moi les trois schillings et six
pence par jour sont pour vous adieu, nobles nteurs
que chacun de vous boive à ma santé avec ce liard que
je vous donne ~encore par-dessus le marche Capitaine
d'industrie injuste de tous points, comme je le disais;
non chevalier, mais boucanier 1 La « loi commerciale
l'acquitte, il est vrai elle demande en ouvrant de grands
yeux qu'eût-il pu faire d'autre? Et de même Howel
Davies demande n'aide pas agi conformément à la
plus stricte coutume des boucaniers ? Me suis-je dé-
parti, du moindre iota, de la moindre vétille, des lois
des boucaniers ?'1

-Apres to~U'argent esty~omme~on~ di~miracMtcux.––


Plugson voulait ta victoire, tout comme les chevaliers,
~MCVMtWt <

20
30~ !.E PASSE iE'f t.E H~SBNT

toc tt~««nn{opa ft t«a ntttffa


ttntT*m«a
les boucaniers et les autres
hommes. !1H aa trouve que
l'argent était regardé d'un seul accord, par le monde
entier, comme le vrai symbole, l'exact équivalent, le

synonyme de la victoire – et voilà que nous en avons


fait un indomptable boucanier au front menaçant, ve-
nant à nou~ avec une « victoire » à laquelle le monde
entier ne casse d'applaudir Le monde entier, instruit
d'une manière assez impressionnante, commence & re-
connattre qu'une telle victoire n'est qu'une demi-vie-
toire et qu'à présent, s'il plait aux puissances suprê-
mes, il nous faut l'autre moitié 1
L'argent est miraculeux. Quelles facilités miraculeu-
ses il nous a procurées, nous procurera encore mais
aussi queUes confusions inimaginables, que d'obscu-
rités il a introduites jusqu'à amener la presque totale
extinction du sens parmi moral de considérables
grou-
la propriété ce qui est
pes d'hommes Protéger
mien, signifie pour la ptupart dos hommes protéger

l'argent, cette chose, qui, quand je t'enfermerais


sous cent verrous, serait moins que toute autre mienne;

qui est, en un sens, à peine digne d'être appelée


mienne Le
symbole sera tenu pour sacré, défendu
à l'aide d'huissiers, de cordes et de gibets –
partout
et la chose signifiée sera tranquillement jetée aux
chiens. Une créature humaine qui aura travaillé avec
d'autres créatures humaines réglera
comptestous ses
avec elles, réalisera, triomphante, sa séparation com-

plète d'avec elles, en daignant leur payer tant de livres


et de schillings N'est-ce pas là le salaire que je vous
ai promis? Le voilà, jusqu'aux derniers six pence,
conformément à la loi des boucaniers Oui, vraiment
et en des temps comme ceux-ci, il devient~hnpeneu-.
sement nécessaire de demander à tous, boucaniers et
pumsox as ~t~E~tu.E 3M

autres, si cette
respectable loi des boucaniers est écrite
quelque part dans les cieux éternels de Dieu, ou au
fond du cœur de t'homme – ou bien seulement sur !e
respectable livre de loch des boucaniers, pour la seule
commodité de leur métier de boucaniers? Quelle ques-
tion devant eUe tout Westminster-HaU frissonne jus-
qu'au plus desséché de ses parcheminset sur les per-
ruques inanimées chaque crin en particulier se dresse
de toute sa hauteur
Les lois du laissez faire, o Westminster, les lois du
t'apitaine industriel et du soldat industriel (combien
ptus juste serait de dire du capitaine paresseux et du
soldat industriel) demandent être rédigées à nouveau,
modifiées et rectifiées do cent et cent manières– et
pns précisément dans !c sens de t'écheUe mobile, mais
dans un sens totalement opposé 1 Avec deux millions
déjà de soldats industriels assis dans les Bastilles et
<nq millions d'autres
qui se dessèchent, réduits &
quelques pommes de terre, je crois que Westminster
ne pourra pas se mettre trop tût a la besogne! D'au-
tres obligations incombent & l'homme, dans cet uni-
vers de Dieu, que ceUe de payer en espèces celles-là
aussi, si Westminster veut continuer d'exister et de
toucher une indemnité pour ses frais de nourriture, il
lui faudra s'efforcer de s'en acquitter que ce soit par
l'entremise de Westminster ou de tout autre, il faudra
qu'eues soient acquittées et elles le seront qu'au prix
de n'importe quelles difncu!tés elles se fassent jour,
soient soutenues, et que, dans la mesure qui convient,
elles soient mises en pratique. Et, comme je le disais,
ce ne pourra être trop tôt! Car !e Mammo-
jamais
n~me,~bandoMné ~M-mëmë, a màintënahtttes orët!
les de Midas et en dépit de toutes ses montagnes d'or
3M tB PASSE ET LE POSENT

il là, assis, qui meurt He faim faute de pain


est tandis
que le dilettantisme avec ses filets à perdrix, en notre
univers d'un sérieux suprême, joue vraiment un peu
trop gros jeu. « Un homme par son seul aspect promet
tant»; oui et par l'état de ses revenus, ne promet-
i! rien '?1
Hélas, quelle besogne sera-ce, celle que nos amis du
continent cherchent à tâtons fort
depuis longtemps
stupidement et qu'ils appellent l' « organisation du tra-
vail » besogne qu'il faut retirer d'entre les mains des
gens absurdes, tout en vent', et qu'il faut remettre
entre les mains d'hommes sages, laborieux, modestes
et vaillants, afin qu'ils l'abordent sans retard qu'ils la
fassent avancer et réussissent de plus en plus, si l'Eu-
rope, en tous cas si l'Angleterre doit continuer d'être
encore habitable. Quand on observe la sorte infiniment
noblè de ducs de la loi sur le blé ou de cfMces
pratiques
que nous avons, ou encore les très révérends gardiens
d'âmes, les <~accs spirituels et chrétiens qui sont « au
minimum quatre mille cinq cents », on se sent un
peu
refroidi dans ses espérances. il
Courage néanmoins
y a beaucoup de braves gens en Angleterre, mon in-
domptable Plugson et quoi n'y a-t-il pas même en
toi quelque peu d'espoir? Tu as été jusqu'ici un bouca-
nier, selon que te l'avait ordonné et prescrit un monde
mauvais mais dans ce frcnt
menaçant, dans ce cœur
indomptable qui peut conquérir le coton, n'y a-t-il pas
peut-être en réserve d'autres dix fois plus
conquêtes
nobles ?

i. Windy.

_n. -~< _d-


CHAPITRE XI

TRAVAIL

Car une noblesse qui ne passe pas, quelque chose de


religieux même, réside dans le travail. En quelque
nuit qu'il soit plongé, si oublieux qu'il soit de sa haute
destinée, si un homme travaille en ce moment même et
sérieusement, on peut encore espérer quelque chose de
lui devant la paresse seule il faut désespérera jamais.
Le travail, si infesté
de mammonisme, si vil qu'il soit,
est en communication avec la nature; le désir sincère
en un homme d'accomplir quelque travail le conduira,
à lui seul, de plus en plus près de la vérité, des décrets
et des règlements de la nature qui sont la vérité.
La formule dernière de l'évangile de ce monde c'est
« Connais ta tâche et accomplis-la ». « Connais-toi toi-
même ? M, assez longtemps, ce pauvre Moi t'a tour-
menté; tu n'arriveras jamais à le connaître, je crois ne
pense pas que ce soit là ta tâche, celle de te connaître;
tu es un individu inconnaissable connais ce à quoi
tu peux travailler et travailles-y comme un Hercule t
C'est là ce-que tu peux faire de mieux.
Il est écrit, « un sens infini réside dans le travail; un
homme ~J!$rfectionne~~ trav~
d'anreux fourrés sont défrichés, de beaux champs prêts
910
tBMSSSKTMPMgSEiST
.`
a être -ensemencés occupent !eur place, ou bien dë~
villes superbes c'est seulement il s'est mis à
quand
cette besogne que l'homme a cessé d'être lui-même un
fourré et un désert malsain. Considère combien, même
quand il s'agit des plus humbles besognes, l'âme
entière do l'homme s'apaise, atteint une harmonie
réelle au moment même où it se met au travail. Doute,
désir, tristesse, remords, indignation, désespoir tous,
comme autant de chiens d'enfer assai!!ent l'âme du
pauvre journalier aussi bien que celle de tout homme
mais il se penche, courageux et libre vers sa tâche, et
toutes les furies s'apaisent, elles se retirent toutes en
grondant pour regagner au loin leurs antres. L'homme,
à ce moment, est bien un homme. Le rayonnement
béni du travail qui l'éclaire, n'est-ce pas comme un feu
purificateur dans lequel tout poison vient se fondre,
tandis que i'âcre vapeur elle-même y devient une bril-
lante et sainte flamme J
La en somme,
destinée, n'a pas d'autre moyen de
nous façonner. Un chaos informe à qui l'on a une fois
imprimé un mouvement de rotation, tourne et s'ar-
rondit toujours davantage il se dispose, par la seutc
force de la gravité, en couches, en assises sphériques
il cesse d'être un chaos, c'est un monde sphérique et
compact. Qu'adviendrait- de la terre si elle s'arrêtait
dans sa rotation? Dans cette pauvre vieille terre, tant
qu'elle continue de tourner, toutes les inégalités, irré-
gularités se dispersent les irrégularités atteignent
sans cesse à la régularité. As-tu jamais regardé ta
roue du Potier–un des plus vénéraMes objets qui
soient, vieux comme le prophète Ezéchiet et même
plus vieux encore? Tu as vu ces informes morceaux-
d'argile, comme i!s se façonnent d'eux-mêmes, rien
%t$An. '&<

que par cette rotation rapide, et deviennent de Seaux


p!ata fonda? Imagine le Potier le plus assidu, privé
seulement de sa roue, réduit à faire des plats ou plutôt
des ustensiles informes, no pouvant que cuire et pëtrir! 1
C'est, dans une situation pareille à celle de ce Potier que
se trouverait la destinée aux prises avec une âme
humaine qui voudraitne rien faire, se reposer à sa guise,
qui né voudrait ni tourner des roues ni travailler D'un
homme paresseux, qui ne tourne pas, la plus bienveil-
lante destinée tout
comme le plus assidu des Potiers
s'it n'a pas de roue – ne tirera rien d'autre, après
l'avoir cuit et pétri, qu'un ustensile informe elle aura
beau répandre sur lui les couleurs les plus coûteuses,
toute la dorure, tout l'émail qu'elle voudra, ce ne sera
jamais qu'un ustensile informe. Jamais ce ne sera un
ptat; non, mais un ustensile bombé, pétri, tordu. lourd,
aux angles mal dessinés, amorphe – une simple pièce
cmaittée proclamant le déshonneur Que le paresseux
tnédite cela.
Bienheureux celui qui a trouvé sa tâche; qu'il ne
demande pas d'autre bénédiction. Il a sa tâche, un but
de vie qu'il a trouvé et qu'il suivra! En lui, c'est comme
un canal qui coule, librement creusé et entraîné par
une noble force à travers les âcres et boueux marais
d'une existence humaine; c'est comme une'rivière qui
s'y ferait'de plus en plus profonde entramant peu à
peu l'eau acre et corrompue loin de la racine des
môindres brins d'herbe transformant un marais pesti-
lentiel en une plaine verte et fertile, par son courant
limpide. Quel bienfait pour la pràirie elle-même, que le
courant et sa valeur soient d'ailleurs grands ou petits 1
Le travail c'esttja vte j~au plus j~oîondjte son cœur~ le~_
travailleur possède la force, don de Dieu, céleste et
~PASSSETtRU'~SBNT 1,
sacréeessence de-vie, insufflée en lurparteMeu Ttmt-
Puissant au plus profond de son cœur elle élève la
voix, éveillant l'homme, lui rendant accessible, toute
noblesse, toute science – a Science de lui-même M et
bien d'autres, sitôt le travail convenablement com-
mencé. Science ? !a science qui s'entretiendra par le
travail, attache-toi à celle-là car la nature elle-même
l'accrédite, lui dit oui. A proprement parler, tu n'as pas
d'autre savoir que ce que tu as acquis en travaillant
tout!e reste
est, jusqu'ici, un hypothétique savoir, une
chose dont on discute dans !es écoles, une chose
flottant dans les nuages en tourbillons de logique, sans
fin, jusqu'à ce que nous l'éprouvions et le fixions. « Le
doute, sur quelqu'objet qu'il porte, ne se résoud que
par l'action.
Et d'ailleurs, as-tu estimé la valeur de la patience, du
courage, de la persévérance, de l'ouverture d'esprit 2
Sais-tu ce qu'il ya de mérite li convenir qu'on s'est trom-
pé, qu'on tachera de mieux faire une autre fois? Tout
cela, toutes ces vertus tu les apprendras sans cesse en
luttant avec !'obscure et brutale force du fait – non
pas en donnant par-ci par-là des ordres à tes sem-
blables.
Place-moi un brave sir Christopher au milieu de
vieux tas de pierres noircies, d'évêques stupides, n'en-
tendant rien à l'architecture, de formalités ncelées de
rouge, de défenseurs indolents de !a foi, comme Nell
Gwyn et dis-moi s'il fera oui ou non sortir de
tout cela une cathédrale Saint-Paul Rudes, gros-
siers et hostiles nous sont les choses et les êtres,
depuis les maçons indisciplinés et les aide-maçons
d'Irlande, jusqu'aux indolents défenseurs d'une mo-
ranté de Neu Uwyn~jusqù'aux bruyantes formalités
k 1" -<1
TNAVAtt. 3t3
--> <o.
avec leurs -o.
ncëttës~ rouges, jusqu'aux stupidës évoques
n'entendant rien à l'architecture. Toutes ces choses
et tous ces êtres ne sont
pas là dans l'intérêt de
sir Christopher et de sa cathédrale ils sont là surtout
dans leur propre intérêt 1 Christopher devra conquérir
et se soumettre tout cela s'il en est capable. Tout
est contre tui !'ëquitab!e nature elle-même qui porte
ses principes mathématiques et architectoniques, non
pas étalés à sa surface, mais profondément cachés en
son sein – la nature elle-même n'est que partiellement
pour lui; elle sera tout à fait contre lui s'il ne se la
soumet pas Son argent même, d'où un sir Chris-

topher le devra-t-il tirer?


La pieuse !ibéra!ité de l'An-
gleterre est partout dispersée, lointaine, incapable de

parler et de dire « me voici il faut qu'on lui parle


avant qu'ette-meme ne parle. La pieuse !ibéra!ité, comme
tout secours, est ainsi silencieuse, invisible comme les
dieux; les entraves, les contradictions de toutes sortes
parlent si haut et si près de nous 0 brave Christopher, aie
confiance malgré tout et affronte tous les obstacles 1 par
une courageuse patience, un noble effort, de la sagacité,
par ta force humaine vaincs et subjugue tout cela
et pose enfin victorieusement la dernière pierre au som-
met de cet édifice de Saint-Paul. Ce monument, plu-
sieurs siècles t'en assurent la durée, et le sceau « Grand ;0'
Homme M y est imprimé très lisible sur la pierre de
Portland 1
Oui, toute espèce de secours, de pieuse réponse de
la part des hommes ou de la nature, est toujours ce
que nous pouvons appeler le silence ne se fait enten-
dre, ne devient distincte qu'après que nous l'avons r:
spercue~j~~lut ayons~ parte, nous-mêmes.. Toute noble
tâche, au début est « impossible". A la vérité~ joo!M*

;"ih!
314- M PAS8)MM PRËSENT

:x
toute noble tacha les-possibilités sont éparses, diffuses
a travers l'immensité; muettes et invisibles si ce n'est
pour la foi. Comme Gédéon, tu devras étendre ta toison
au seuil de ta tente regarder si sous l'immense voûte
des cieux il y a quelque trace de bienfaisante humidité.
Ton cœur, le plus précieux de toi-même, devrait être
comme une miraculeuse toison de Gédéon, étendue au
dehors dans un appel silencieux vers le ciel et tu
verrais que de l'immensité clémente – tandis que les
misérables localités inclémentes, toutes les villes et les

campagnes ne pouvaient te la donner il serait tombé


pour toi une bienfaisante et humide rosée 1
Le travail est d'essence religieuse le travail est de
même essence que la bravoure, ce à quoi toute reli-
gion tend aussi. Tout le travail de l'homme est comme
celui du nageur un vaste océan menace de l'onglou-
tir si l'homme ne l'affronte pas bravement, le gouffre
tiendra parole.
Par une continuelle et sage méfiance, en luttant par
de vigoureux efforts, voyez, l'homme contraint les
flots à le porter loyalement, à le soulever comme leur
conquérant. « Il en va de même, dit Gœthe, pour toutes
les choses que l'homme entreprend en ce monde, a
Brave capitaine de la mer, Norse, roi de la mer–
Colomb, mon héros le plus royal de tous les rois de la
mer Ce n'est pas un entourage amical que le tien, ce
qui t'accompagne sur la vaste et profonde mer autour
de toi des âmes révoltées, découragées derrière toi la
disgrâce et la ruine devant toi, le voile encore impé-
nétré de la nuit. Frère, ces furieuses montagnes d'eau
bondissant de teur base profonde (une profondeur de
dixmittes, paraît-tt) elles ne sont pas uniquement j)~ _T:
pour te servir je crois qu'elles ont autre chose a faire
TRA~Ht 9<&
"– et ces vents ter-
qu'a pousser ton navire en avant
ribles qui balaient tout depuis la Grande Ourse jusqu'aux

tropiques et à l'équateur, qui dansent leurs valses de


géants à travers les royaumes du chaos et de l'immen-
sité ils se soucient fort peu de gonuer bien ou mal les

petites voiles en forme d'épaule de mouton qui per-


mettent li ta coquille d'esquif d'avancer sur l'eau 1 Tu
n'es pas au milieu d'amis partant un langage articulé,
mon frère tu es au milieu d'innombrables monstres
muets, renversant tout, hurlant à travers tout l'univers.
Le secret, là-bas, au loin, est invisible à tous lescceurs
sauf au tien il y a de ta ressource, songe au moyen
d'arriver au but. Patiemment tu attendras jusqu'à ce que
le fou qui se dirige vers le Sud-Ouest ait consommé sa
– te sauvant,
propre ruine pendant ce temps, par une
science habile vaillamment tu arriveras, avec une déci-
sion rapide, sitôt que l'Est favorable, et par lui le pos-
sible, surgira. L'indiscipline des hommes, tu la réprime-
ras sévèrement la faiblesse, l'abattement, tu les secou-
rcras, les encourageras de ta gaieté tu avaleras sans
mot dire la plainte, la révolte, la lassitude, la faiblesse
– tant celles d'autrui combien
que les tiennes propres
de choses ne faudra-t-il pas que tu avales 1 En toi il y
aura une profondeur de silence plus grande qu'en cette
mer qui n'est profonde que de dix milles un silence
insondable, connu de Dieu seul. Tu seras un grand
,¡.
homme. Oui, soldat de l'Univers, toi, dévoué au service
maritime de l'Univers – il te faudra être plus grand
que ce tumultueux et incommensurable Univers qui
t'entoure dans ton âme robuste, il te faudra l'étreindre,
comme un lutteur avec.ses bras et lui faire endosser le

haMaM, puis tu~Ie~jMsJ.e~po~


Amériques ou partout ail!eurs,où Dieu voudra l
CHAPITREXM

RECOMPENSE

« Religion » disais-je; car, en vérité, tout vrai travail


est une forme de religion et tout ce qui, dans la reli-
gion, n'est pas du travail, on peut l'écarter, le laisser
aux Brahmanes, aux Antinomiens, aux Derviches Tour-
neurs, ou n'importe en quel lieu près de moi, cela
ne trouvera pas asile. Admirable, cette phrase des
moines d'autrefois cc Laborare est orare », travailler
c'est prier.
Bien avant tous les évangiles prêchés existait dé}a
cet évangile imprêché, inarticulé mais indéracinable et
à jamais durable travaille et trouve-là ta félicité.
Homme, fils de la terre et du ciel, n'y a t-il pas au plus
profond de ton coeur un esprit d'activité méthodique,
une force pour le travail brûlant en toi comme un
feu qui couverait péniblement, ne te laissant pas de re-
pos jusqu'à ce que tu t'aies fait flamber, jusqu'à ce que
tu en aies imprimé la marque, autour de toi, sous
forme de faits utiles Ce qui est sans méthode, inculte,'
tu as à le rendre méthodique, régulier, arable à le faire
t'obéir, à le Mre produire. Où tu trouves le desordre,
là réside ton éternel ennemi: attaque-iej~romptemoH~
"vamcs-~e,ramene-ïeàrôrdre, fais-en un sujet non plus
B&MMPBN8E M?
a, 1_ ·

du chaos maisde l'intelligence, de la divinité et de toi-


même Le chardon a poussé sur ton chemin, déracine-
le afin qu'un brin d'herbe utile et par lui une goutte de
lait nourrissant puisse prendre sa place. Le cotonnier

sauvage, ramasses-en les flocons blancs, file-les, tisse-


les afin qu'au lieu d'une litière sans valeur nous obte-
nions des pièces de tissu bien pliées et que nous ayons
quelque chose à mettre sur le dos de l'homme qui allait
tout nu.
Mais par-dessus tout, où tu rencontreras l'ignorance,
la stupidité, un esprit enveloppé de profondes ténèbres
– là, alors, avec ou sans dîmes ecclésiastiques, ou

chapeaux en forme de pelles, avec ou sans droits d'au-


teur Talfourd-Mahon, quand ce ne serait qu'avec de
simples cachots, gibets et crosses, attaque-les,te dis-je;
avec sagesse, sans relâche et sans jamais
frappe-les
t'arrêter tant que tu vivras ou qu'ils vivront,mais frappe,
frappe au nom de Dieu Le Très-Haut, je l'entends
qui te le commande distinctement ainsi sa voix est
encore distincte si tu as pour l'entendre.
des oreilles
C'est lui, lui-même c'est sa voix sans mots, plus ter-
rible que toutes les foudres du Sinai ou les discours
avec syllabes et tous les tourbillons de paroles; car le
silence de l'éternité des mondes sis au delà
profonde,
de l'étoile du matin, ne te par~e-t-il pas? Les âges qui
ne sont pas encore venus, les vieux tombeaux avec leurs

longtemps en cendres, est-ce que tout


dépouilles depuis
cela ne te parle pas et ne te dit pas des mots que n'en-
tend pas l'oreille? Les profonds royaumes de la mort,
les étoiles dans leur course éternelle, l'espace et le

par un continuel et
temps tout entiers te le proclament
nmët~ërtissemënt. Toi aussi, siJamaïscëfutlëTtïevoir"
de l'homme, il faut que tu travailles pendant que dure
3i8 <.E PASSE M t.8 MISENT

encore !e jour. Car la nuit approche, pendant laque~e


nul homme ne peut travailler.
Tout rée! travail est sacré dans tout réel travail, ne
fut-ce qu'un réel labeur manuel, il y a quelque chose de
divin. Le labeur, large comme la terre, monte jusqu'au
ciel où il a son sommet. Sueur
du front, d'abord et,
d'échelon en échelon, sueur du cerveau, sueur du cœur,
cela comprend tous les calculs de Kepier, méditations
de Newton, toutes les siences, toutes les épopées ra-
contées, tous tes héroYsmes ou martyrs vécus et jusqu'à
cette « agonie de sueur sanglante » que tous les hom-
mes ont nommée Divine 0 mon frère, si ce n'est pas
là « prier », alors, je le déclare, tant pis pour la prière;
car c'est là la plus noble chose qu'on ait encore décou-
verte sous le ciel de Dieu. Qui es-tu, toi qui te
plains
de ta vie de luttes ? Ne te plains pas. Lève les yeux,
frère, si tu es las regarde les travailleurs, tes frères
dans l'éternité deDieu iissurvivent, ils survivent seuls.
Bande sacrée des immortels, céleste garde du corps de
l'empire de l'humanité. Même dans la faible mémoire
humaine, ils survivent longtemps à titre de saints, de
héros, de Dieux ils survivent seuls, à eux
peuplant
seuls les solitudes immesurées du temps Pour toi, le
ciel, quoique sévère, n'estpas défavorable;– le ciel
t'est favorable, comme une noble mère, comme cette
mère Spartiate disant à son fils en lui donnant son
bouclier « Reviens avec ou. dessus 1 Toi aussi, il faut
que tu reviennes dans ta patrie, dans ta lointaine
patrie,
avec honneur: n'en douté pas – si toutefois dans laba-
tai!!e tu conserves ton bouclier Toi, devant t'éternité,
les plus profonds royaumes-de la mort, tu n'es pas un
~anger~ tu es un citoyenjdeious-ïés~eu~ Nete plains
les Spartiates eux-mêmes ne se plaignaient
pas pas I
BËCOMPEKSE 3!t9

Et qui es-tu, toi qui te vantes de la vie d'oisiveté, qui


étales complaisamment tes brillants équipages dorés,
tes somptueux coussins, ces supports où tu appuies
tes bras quand tu dors regarde en haut, en bas, autour
de toi, discernes-tu, ailleurs
qu'à la foire de mai, un
seul héros oisif, qu'il soit saint, dieu ou même diable ?'1
Pas même les vestiges d'un seul. Aux cieux, sur la
terre, dans les profondeurs souterraines de l'Océan, il
n'en est aucun qui te ressemble. Tu es un être a part
dans la création un citoyen de la foire de mai, unique-
ment, et uniquement de ce siècle ou demi-siècle extra-
ordinaire En ce monde il n'y a qu'un monstre: l'homme
oisif. Quelle est sa religion ? que la nature est un fan-
tôme où le mendiant rusé, où le voleur peuvent parfois
trouver de bonnes victuailles que Dieu est une fantas-
magorie que l'homme et la vie sont un mensonge. –
Ilétas, hélas, lequel d'entre nous <~ I& et a le droit de
dire j'ai travai!!é?!es plus fidèles d'entre nous sont
des serviteurs les
plus fidèles d'entre
inutiles nous
sont ceux qui le savent le mieux. Les plus fidèles
d'entre nous peuvent dire avec ce triste vieillard, le sin-
cère Samuel « Une grande part de ma vie a été dissi-
pée en vain. » Mais celui qui n'a et qui, excepté dans les
occasions publiques, professe n'avoir pas d'autre fonc-
tion que celle d'aller, oisif de marcher avec grâce ou
sans grâce; d'engendrer des fils qui vivront oisifs de
s'adresser aux principaux filateurs et exploiteurs de
mines du moins, /b~ le métier de filer et
qui eux,
d'exploiter pour leur dire « Vous, vous êtes des
êtres scandaleux qui produisez en excès a Mes amis
de la loi sur le blé, sur quels Eldorados imaginaires,
sur -quelles pointes, de-fer Eéelles~ la loi-deJt~-gravita-~
tion est-elle en train de vous précipiter 1
320 M MSS)6 ET M POSENT

Quant au salaire du travail, it y aurait des cnosea


innombrables à dire on dira et il devra se dire encore
des choses innombrables dans Saint-Stephen et hors de
Saint-Stephen et graduellement elles ne seront pas en
petit nombre les choses soutenues et écrites surparche-
min légal concernantce point particulier: – « un salaire Ë
quotidien satisfaisant pour un travail quotidien satisfai-
sant; » c'est bien la demande la plus impossible à re-
pousser Un salaire en numéraire « tel
qu'il permette ¡
au travailleur de se maintenir vivant afin de pouvoir
travailler davantage w – à moins que vous ne vouliez

l'envoyer directement dans l'autre monde, voilà, certes,


qui est indispensable tant au plus noble qu'au moins
noble travailleur 1
Ï! n'y a qu'une chose que je veuille dire ici au sujet de
la première classe, des nobles et des plus nobles, mais
qui jettera de la lumière sur toutes les autres classes
et leurs tentatives pour résoudre ce point difficile. Le
« salaire M de tout noble travail, est encore
pour l'heure,
au ciel ou sinon il n'est nulle part. Ce n'est pas en billets
sur la banque d'Angleterre ou sur la banque du travail
d'Owen ou sur aucun des établissements les
plus
perfectionnés de banque ou de change – qu'il te faut,
âme héroïque, présenter le compte de ce qui t'est dû.
Les banques humaines, les banques du travail ne te
connaissent pas, ou te connaissent après que des gé-
nérations et des siècles se sont écoulés et que tu es à
jamais hors d'atteinte de toute
« récompense » toutes
espèces de traites, de petites caisses, de trésors de 1
Downing Street restant alors invisibles à tes yeux, à
une telle distance de toi 1 Mais quoi, au fond, as-tu be-

~oin~ucune récompense tetait-cece~nie tu~voutais et


le but de ta vie, d'étre comblé de bonnes choses en re-
R~COMMNSE 3~i
1_
tour de ton héroïsme; d'avoir une vie passée dans !a
pompe et !e bien-être, d'être ce que les hommes appel-
lent « heureux M en ce monde ou en tout autre monde?
Je réponds pour toi, délibérément non. Tout le secret
spirituel de l'âge nouveau réside en ceci que tu peux
répondre par toi-même avec toute ta lucidité d'esprit et
de cœur, délibérément non 1
Mon frère, l'homme brave doit faire don de sa vie.
Donne-la, je te le conseille tu n'espères pas vendre ta
vie d'une manière adéquate ? Quel prix, par exemple,
te contenterait? Le juste prix de la vie, à tes yeux –
mais c'est la création de Dieu tout entière, toute i'uni-
versatité de l'espace, toute l'éternité du temps avec tout
ce qu'elles renferment; voita le prix qui te satisferait;
c'est cela, si tu veux l'avouer avec candeur, et rien de
moins c'est ton tout et pour cela tu voudrais avoir
tout. Tu es un mortel déraisonnable ou plutôt tu es
un pauvre mor tel !ft/!nt, qui dans ton étroite
prison d'ar-
~He, ici-bas, semble si déraisonnable Tu ne vendras
jamais ta vie, ni aucune partie de ta vie d'une manière
qui te sàtisfasse. Donne-la comme ferait une âme royale
que le prix en soit Rien tu auras alors, en un certain
sens, reçu Tout en échange L'homme héroïque et
tout homme n'est-i! pas, Dieu soit loué, un héros en
puissance ? doit agir ainsi en tout temps et en toutes
circonstances. Aux âges les plus héroïques comme aux
plus inhéroïques, il doit dire ce que Burns disait fière-
ment et humblement de ses petites chansons écossai-
ses, ces petites gouttes de rosée de mélodie céleste, à
une époque où tant de choses étaient autimélodieûsés
<' Par le ciel, elles seront au delà de toute valeur ou
sansjvaleut~aucune~o n'ai pa~besoin de vos gumées~en
échange C'est là un élément qui devrait entrer et
21
aa8 PASSg Kf M PMgSENT~

entrera profondément eh ligne de compte dans toutes


les évaluations de salaires ici-bas. Ils ne seront jamais
<' satisfaisants il ne le peuvent
n autrement pas, &
de Mammon, ik ne le pourront
évangile jamais Do
l'argent pour ma petite somme de travail, « dans ta
mesure où cela me permettra de continuer à travailler »,
cela, oui, à moins que vous ne vouliez que.je m'en aille
avant que le travail renfermé en moi n'en ait été extrait
mais quant à un « salaire ))
M
En somme, nous l'accordons
pleinement à ces moines
d'autrefois /<<!6orat'c est or<M'e. En mille sens, d'un
bout à l'autre de l'acception du mot, le vrai travail est
une prière. Celui qui travaille, quel que soit son travail,
revêt d'uncorps la forme de choses invisibles jus-
qu'alors c'est un petit poète que tout travailleur.
L'idée, ne fut-ce que celle de son pauvre plat de Deift
et bien plus encore s'il s'agit de son poème épique –
n'est encore vue, à demi
vue que par lui-même pour
tous les autres, c'est une chose invisible, impossible,
pour la nature elle-même c'est une chose invisible, une
chose qui jamais encore ne fut complètement « im-
possible » car ce n'est encore qu'une non-chose. Les
puissances invisibles ont dû veiller sur cet homme i!
travaille dans et pour l'invisible. Hélas, s'il ne doit lever
les yeux que vers les puissances visibles, il fera aussi
bien de laisser tout de suite ce qu'il entreprend sa non-
chose n'aboutirajamais à une chose, mais a une décep-
tion, a un semblant de chose – qu'il vaudrait mieux
n'avoir pas faite 1
Cette non-chose qu'est ton projet 6 poète
de poème,
qui n'as levé les yeux que vers les directeurs de revues,.
les~drotts d'auteur les librairies,. 1~ popularité re-
garde, cela n'est pas encore devenu une chose, car la
RËCOMPENSB 32~
vérité n'y est point encore renfermée cela a beau être
imprimé, satiné, revu, célébré, vendu jusqu'à l'épuise-
ment de la vingtième édition qu'est-ce que tout cela 1
La chose, en langage philosophique, non commercial,
est encore une non-chose, une simple apparence, une
illusion de la vue l'oubli bénin la ronge continuelle-
ment, impatient de voir le chaos, à qui elle appartient,
l'absorber tout entière '1
Celui qui ne prend pas conseil auprès de l'invisible
et du silence, celui-là ne produira jamais rien de réel
dans le domaine du visible ou de t'exprimé. H te faut d'a-
bord descendre auprès des ~f~'es, des ~dnes, dans ces
royaumesdutravaithercutéen et delalongue souffrance,
si tu veux ensuite réapparaître victorieux dans l'empire
du jour. Ainsiqu'à la bataille, dans la metée de la
guerre, car ne s'agit-il pas d'une bataille?– tu ne
dois craindre ni la peine ni la mort tu ne dois recher-
cher ni le bien-être ni la vie la voix des joyeux lour-
dauds qui festoient, le bruit du sombre Achéron doivent
également rentrer dansle silence, soumis par ton pied
vainqueur. Ton travail, comme celui du Dante, doit te
rendre maigre pour bien des années o. Le monde avec
ses salaires, ses critiques, ses conseils, secours, entra-
ves, doit être pour toi comme un Océan sauvage, comme
le chaos à travers lequel il te faut nager et naviguer.
Ce ne sont pas les vagues furieuses, avec leurs courants
charriant toutes sortes d'herbes qu'il te faut prendre
pour guides, mais ton étoile seule, « Se <M se~jw tua
slella 1 n Ton étoile seule dont la clarté luit maintenant
dans le chaos, ou plutôt qui, de notre temps, s'obscurcit
par instants, qui subit une désastreuse éclipse: c'est
elle seule qu'it~au~ t'eKorcep~e suivre, ~c'est~une–
rude tâche, je le pense bien, celle de se frayer à tâtons
324 ~E PASSEET t.E PRESENT

un chemin &travers lé chaos et les ténèbres de t'Enter!


Épié par des dragons aux yeux verts, des cerbères &
trois têtes qui ne sont pas dépourvus à
de sympathie
leur façon « Eccovi ~'MOM ch' é stato all' T~~o. »
Car enfin, comme dit le poète vous faites route
Dryden,
la main dans la main, tout le long du chemin, avec la
pure folie- ce qui n'est en aucune manière une agréa-
ble compagnie Vous regardez fixement la folie et son
empire de ténèbres, sans limite, sans fond,
inexploré,
afin d'en pouvoir arracher une nouvelle ainsi
sagesse,
qu'une Eurydice hors du Tartare. Plus haute est la sa-
gesse, plus étroits étaient son voisinage, sa parenté
avec la pure insanité il en est littéralement ainsi et tu
peux sentir sans l'exprimer par aucun mot, observer
combien la plus haute sagesse, s'étant hissée avec peine
jusqu'à ce monde, y a souvent avec elle des
apporté
teintes, des lambeaux d'insanité qui pendent après elle
ici encore
Tous les travaux, chacun à son degré, sont une façon
d'introduire la raison dans la folie ce qui est, certes,
un acte assez religieux, ce qui ne peut être sans
accompli
religion. Autrement vous ne réalisez aucun travail vous
avez l'air de rendre service, vous avez un avide empres-
sement a toucher les salaires, une fabrication de plus
en' plus rapide d'apparences permettant de toucher les .l.i
salaires. Au lieu de la direction et temporelle
spirituelle
des âmes, vous en arrivez aux controverses sur les
« surplis noirs ou blancs » aux Papes-mannequins
rembourrés de crin et de cuir; aux eaKfca~ars terres-
tresde la loi, aux tords, promoteurs de lois; à l'« orga
nisation du travail » de ces dernières en votant
années,
des lois sur te~té~~t.grace a tout.ceta,.hetas, cette..
terre bouleversée est, à cette à éclater.
heure, pleine
BËCOMMNSB N28

Partout de faux semblants, doux au toucher et à la vue,


mais infiniment pernicieux néanmoins au corps et a
t'àme. Ces faux semblants – des étoffes
qu'il s'agisse
que portent les femmes et qui n'ont que l'air d'avoir été
tissées,ou des législations de dilettantes,ce n'estrien ta de
réel: laine ou principes fondamentaux, c'est de la pous-
si&re diabolique, maudite de Dieu et de l'homme 1 Nul
homme n'a travaillé ou ne peut travailler si ce n'est

religieusement pas même


le pauvre journalier, celui

qui tisse l'habit que vous portez, ou qui cire vos sou-
tiers. Tous les hommes, dès qu'ils ne travailleront pas
comme s'ils étaient sous l'œil d'un grand Entrepreneur,
travailleront mal, travailleront pour leur malheur et le
vôtre.
Le travail industriel encore sous
le joug de Mam-
mon, sans qu'au dedans de lui-même l'âme, la partie
rationnelle, se soit encore éveillée, c'est là un specta-
cle tragique. Les hommes en proie a la plus grande

agitation, s'agitant eux-mêmes sans repos, mus par


une énergie convulsive, comme si le galvanisme les

poussait, comme s'ils étaient possédés par un démon


fendant des montagnes, sans utilité car le Mammo-
nisme a toujours des oreilles d'âne cela est triste
à regarder en face. Cependant, courage les destins
bienfaisants, propices dans leur sévérité, nous infor-
ment que cela ne peut continuer. Le travail n'est pas
un démon, quand même il est détenu par le Mammo-
nisme le travail reste un Dieu emprisonné, luttant,
consciemment ou inconsciemment, pour échapper à
Mammon A Plugson d'Undershot, comme a Taillefer
de Normandie, il faudra la victoire et combien Plugson
lui-mêmejaeï'a plus heureux jde remporter une xictoire~~
de chevalier victoire de chactan La laideur
qu'une
1
N36 t.B PASSE ET M PRESENT

sans appel est celle d'un peuple fainéant. Montrez-moi


un peuple travaillant avec énergie, soulevant des far-
deaux, luttant, corps et âme à la besogne, chez qui !e
cœur bat, les muscles se tendent par une volonté, une
bien humaines je vous déclarerai
énergie qu'a ce
peuple on peut prédire déjà de grands biens que toutes
sortes de biens lui sont assurées si son énergie se main-
tient. En travaillant il s'instruira il a comme
beaucoup
Antée, un pied sur le fait, mère de toutes choses;
comment pourrait-il ne pas s'instruire ?`?
Le plus vulgaire des maîtres-travailleurs, un Plug-
son qui peut commander à des travailleurs, leur faire
produire du travail; est déjà un homme considéra-
ble. Des symptômes bénis, trois fois bénism'appa-
raissent déjà chez ces maîtres travailleurs, qui ne sont
pas des hommes vulgaires, qui sont des nobles et
commencent à sentir qu'ils doivent agir comme tels.
Courons à eux en toute hâte ils sont a présent l'espoir
de l'Angleter re Maisquant à Plugson lui-même, qui
n'a presque pas conscience de la moindre noblesse en
lui, que n'y a-t-il pas pourtant déj& en lui 1 Il n'est pas
dénué de toute faculté humaine, de toute clairvoyance,
de tout courage, de toute rude énergie, cet être gros-
sier. Ses paroles ne sont pas des plus sages mais ses
actes ne peuvent pas être absolument stupides. Songe
à ce qui arriverait si tu te trouvais tout à coup dans sa
peau II a mille hommes à commander. Et ce n'est pas
un commandement imaginaire; non, mais bien réel,
pratique à tous les instants. Les mauvaises de
passions
tous ces hommes (qui ont le diable en eux comme nous
tous), ce Plugson doit les vaincre employant à la fois
laforce de laparple~etjcelle du silence~ il doitlesrépci- J
mer ou les esquiver. Quelle force de silence, pour ne

1
RËCO~PBKSN 3~
d. 1f"'It.'W'
rien dire des autres, nous trouvons
chez ce Ptugson! 1 "y~.°
A ses mille hommes il faut qu'i! fournisse un nouveau
matériel, les machines, les plans, le logement, et tou-
jours, au bout de la semaine, le salaire dû. II n'a pas
de liste civilo, ni de budget Goulburn-Baring derrière
quoi se retrancher pour payer son régiment ses res-
sources, il faut
qu'il les trouve, dans la confusion qui
règne à travers toute la terre et l'histoire contempo-
raine, par sa seule dextérité. !t y aura des yeux qui
resteront secs s'il échoue à les trouver – Il s'écrie à
cette heure, « le visage bleui », presqu'étranglé par la
législation dilettante « Laissez-moi mes coudées fran-
ches, la gorge libre et je n'échouerai je veux pas Non,
filer encore, remporter une victoirede géant je sens en
moi des muscles faits pour la guerre, des ressources
ignorées pour faire la conquête de cette planète, si au
lieu de me pendre vous les ménagiez et m'aidiez. ') –
Mon invincible ami, c'est <a< il faudra bien qu'on
t'aide, et on t'aidera.
Ce n'est pas là un homme
que je voudrais tuer ou
étrangler par des lois sur le blé, même si je le pouvais 1
Non, je jetterais mes lois sur le b!é et mes coups de
canon au diable et j'essaierais de secourir cet homme.
Je lui enseignerais par de nobles préceptes et par des
lois-préceptes, mais surtout par un noble exemple, que
le Mammonisme n'est pas le fondement de sa présence
ni delamienne en l'Univers de Dieu; maisbienunechose
surajoutée,empruntée,une incarnation grossiëre,terre&-
tre, anti-divine, qui sera bien forcée de devenir plus ou
moins une incarnation divine. Par une noble Iégis!ation
réelle, par un travail de vrai noble,
par un effort jamais
Iassé,YaiUant,etnonj;étEibu6s'iUe~ut.dansmonE'ar-
lement'et dans ma paroisse, je voudrais aider, retenir,
~28''
4 Ï.E ï'ASS]ËST~B ra~SENT'

eneoHragepuntei homme ~eSeetuef ptus ou moins ce


changement. Carje saurais qu'il faut que cela s'enectue
que si cela nè s'effectue pas en quelque mesure, cet
homme et moi. et nous
tous, moi d'abord et avant les
autres, nous sommes voués à la perdition Enectué ce
le sera, à moins qu'un démon n'ait fait cet Univers,– [
ce que moi, pour mon propre compte, à aucun moment,
sous aucune forme, je ne crois le moins du monde.
N'en déplaise à vos Sërenissismes Hauteurs, à vos
Majestés, seigneuries et exécuteurs de la loi, l'épopée
propre à ce monde n'a pas pour titre actuellement « Les
bras et l'homme », encore bien moins « les jabots et
l'homme M non, actuellement c'est « les outils et
l'homme » voila désormais, jusqu'à la fin des temps, le
titre de votre épopée; -et vous, tout les premiers, vous
feriez bien, je crois, d'en prendre note 1
CHAPITRE XIII

DÉMOCRATIE

Si Leurs Altesses Sérénissimes et Leurs


Majestés ne
prennent point note de cela, alors, je le vois bien, cela
prendra note de soi-même Le temps est passé de la
légèreté, de l'insincérité, du creux babillage et des
comédies de toutes sortes le temps où nous sommes
est sérieux et grave. Les questions depuis longtemps
en souffrance, non encore résolues en phrases logiques
ou en lois parlementaires, se résolvent bien vite en
faits qu'il est quelque peu fâcheux de constater 1 La plus
grosse de toutes, cette question du travail et du salaire
que nous aurions dû commencer de résoudre depuis
deux générations au moins si nous avions écouté la
voix du ciel, nous ne pourrons pas la laisser plus long-
temps de côté sans que la voix de la terre se fasse en-
tendre. Le « travail M a vraiment besoin d'être quelque `~

peu « organisé comme on dit-Dieu sait combien ce


sera difficile. L'homme, aujourd'hui, a vraiment besoin
que ce qui lui est dû, ce qu'il a gagné, lui soit un peu
mieux payé par les hommes car, que le parlement en 1
parle ou garde là-dessus le silence, il y a là une dette
~MrneMe. de J~~arJL des hommes dont Jhu~e~~a~umien~
s'abstenir sans, & la longue, encourir de peine et Sna-
Il 1.
330 M PASSÉ BT tB t'RËSBKT

tëment !a peine de mort. Que de choses nous


parmi
doivent fin sans retard
prendre que de choses doivent
commencer sans tandis
retard, que nous disposons
encore des heures 1
Vraiment, nous nous trouvons conduits
aujourd'hui
à d'étranges résultats pour avoir laissé tout à l' « ar-
gent »; pour avoir fermé tranquillement le temple
de Dieu et ouvert peu à peu tout grand le temple de
Mammon, l'abandonnant au « laissez faire » et au
« chacun soi u Nous avons des classes
pour su-
périeures, des classes d'hommes et qui
qui parlent,
« partent vraiment comme aucun homme avant eux
n'avait parlé le dépérissement, la pauvreté, la sté-
rilité de leur parole avilie où ne subsiste
plus rien de
divin suffirait par elle-même à indiquer la nature des
actions, du Gouvernement recouvre.
pratique qu'elle
Car la parole est un élément de la nature du gaz elle
peut se condenser en toutes sortes de pratiques et
d'agissements, surtout en toutes sortes d'agissements
moraux, prendre toutes sortes de formes ce qu'est
l'une, les autres le seront. Si donc nous descendons
parmi la classe de ceux qui ne parlent pas, parqués
dans leurs caveaux de Stockport, dans leurs bastilles
de la loi des pauvres, ne nous faut-il pas déclarer
que
ceux-là aussi sont des hommes dont il n'y a pas eu jus-
qu'ici d'exemptes dans l'histoire de la postéritéd'Adam?
La vie n'a jamais été un jeu de Mai pour les hommes:
de tous temps, le sort des millions d'hommes
qui ne
prennent pas la parole et sont nés pour peiner, a été
déSgupé par des souffrances, des injustices de toutes
{ sortes, de lourdes charges, évitabtes et inévitables
~~non,Javiejn*a pas été_un jea du~tout~mais-~n~dur,
labeur qui meurtrissait les muscles et meurtrissait les
D~MOCBMtE 33it

cœurs qu'ils aient été esclaves M/~MM, 6ar~a~<, soc~e-


manni et même, qu'ils aient été ducs, comtes ou rois,
les hommes ont souvent été las de leur vie la sueur
sur le front, la sueur dans l'âme, ils ont dit: « Voyez,
ce n'est point un jeu, c'est une chose d'un sérieux
effrayant, et notre dos n'en peut pas supporter une
plus lourde charge 1 On sait tous les massacres,
tous
les mauvais traitements qui se produisirent ces injus-
tices écrasantes, prolongées, intolérables jusqu'à ce 1
que le cœur de l'homme eût atteint la folie et qu'alors
« Eu sac~SM, nimith euer sachses. « Allons, Saxons,
tirez vos coutelas a » Allons, Saxons, une « arrestation
partielle », une « arrestation des coquins et des !âches
est devenue indispensable – Les feuillets de Poussière-
sèche regorgent de pareils détails.
Et pourtant je me risque à penser qu'en aucun temps
depuis que la société a commencé d'exister, le sort de
ces millions d'hommes qui ne prennent pas la parole et
qui peinent, n'a été aussi complètement intolérable t
qu'il l'est précisément en ces temps que nous traver- ji
sons. Ce n'est pas de mourir, ni même de mourir de
faim qui rend un homme malheureux; bien des hom-
mes sont morts, tous les hommes mourront notre
dernière sortie à tous.s'effectue dans le char de feu de
la douleur. Mais c'est de vivre misérable sans savoir
pourquoi; de travailler rudement et pourtant de ne rien r
gagner d'avoir le cœur brisé, d'être tas, et pourtant de
se sentir isolé, sans Men avec personne, pris dans te
cercle d'un froid et universel laissez faire c'est de
mourir lentement tout
le temps de'la vie, emprisonné
dans une injustice infinie, sourde, morte, ainsi que
dansles~tancs maudits d'un taureau de PhatatisLyoit~1..
ce qui 3st, ce qui sera a jamais intolérable pour tous (
332 LE PASSE ET LE MISENT

les hommes que Dieu a créés. Faut-il nous étonner des


révolutions françaises, des chartismes, révoltes des
trois journées? Notre temps, si nous voûtons le bien
considérer, est vraiment sans exemple.
Jamais encore je n'avais entendu parler d'une veuve s
irlandaise réduite à « prouver le lien de fraternité qui
l'unissait aux humains en mourant de la nëvre typhoïde
C
et en infectant dix-sept personnes ') leur disant par-
là d'une façon qui rendait de nier « Vous
impossible
voyez que j'étais votre sœur! 1 » Le fait devoir des
sœurs, le fait d'avoir des frères ont souvent été oubliés;
mais ce n'est qu'avec le triomphe final de ce Mammon,
de cet évangile des coups de fusil que
je les ai vus reniés
aussi expressément. Si aucun pieux lord, aucun <en-
spa~ de la loi ne se les rappelait, il y avait du moins
toujours là quelque pieuse et noble dame (Jy/j~
Bienfaitrice, distributrice de pain, comme on l'appelait
que Dieu bénisse sa belle âme 1) quelque douce
femme à la voix et à la main maternelles
qui se tes rap-
pelait ou bien c'était quelque grave ancien, celui qu'au-
jourd'hui nous nommerions le « prester », l'ancien de
l'église ou le « prêtre qui était là pour rappeler ces
faits à la mémoire de tous les hommes, au nom du Dieu
qui les avait tous créés.
Me~ie chez les nègres, au Dahomey, on n'a jamais
dû, je pense, oublier ces faitsjusque dans la mesure de
cette fièvre typhoïde. Mungo-Park, n'ayant plus de res-
sources s'était couché, pour y mourir, sous l'arbre du
village cet objet blanc était un horrible
nègre spectacle
pour les yeux de tous. Mais chez la pauvre femme noire
et chez sa fille qui le regardaient, d'effroi, et
frappées
dont la fortune
en terres et les capitaux en espèces cqn- j
sistaient en une petite calebasse de riz, un cœur battait
OËMOCR&'HE 333
-o.
dont la richesse dépassait le ~tsse?
/<we ces femmes,
avec une magnificence royale, firent bouillir teurriz pour
Mungo-Park toute la nuit filant assidilment le coton
sur leurs quenouilles, elles lui chantèrent tandis qu'il

reposait « Ayons pitié du pauvre homme blanc il n'a

pas de mère pour lui chercher du lait, pas de sœur pour


lui moudre le bté Pauvre négresse Lady, toi
aussi n'est-ce pas un Dieu qui t'a créée toi aussi n'y
avait-il pas en toi aussi quelque chose de Dieu 1
Gurth, né esclave de Cédric le saxon, a excité une
grande pitié chez Poussière-sèche et les autres. Gurth,
un collier d'airain autour -du cou, gardant les porcs de
Cédric dans les clairières des bois, n'est pas ce que

j'appellerai un exemple de la félicité humaine mais


Gurth avait te ciel au-dessus de sa tête, autour de lui
le plein air, l'ombrage, les bosquets aux milles teintes
et intérieurement il avait au moins la certitude d'un

souper et d'un
g!tc habitable quand il rentrerait au
tog's et Gurth me semble heureux en comparaison de
`
plus d'un homme des comtés de Lancastre ou de Buc--
kingham, aujourd'hui, qui ne sont pourtant nés esclaves
de personne! Le collier d'airain de Gurth ne l'écor-
chait pas et Cédrie tH~r~at! d'être son maître. Les
porcs appartenaient à Cédric, mais Gurth avait sa part
de leurs restes. Gurth avait la satisfaction inexprima-
ble de se sentir lié indissolublement, quoique cela se
traduisit sous forme d'un rude collier d'airain, aux
mortels ses frères Il avait des supérieurs,
sur cette terre.
des inférieurs, des égaux Gurth, aujourd'hui est
<' émancipé » depuis longtemps; il a ce que nous ap-
pelons la « liberté ». La Mberté, dit-on, est chosedivine.
La tibet'tA qtt!~<w<Rn~« !th< 'rt6 de mourir d'inanitions 4_
n'est plus chose si divine 1 i
334 U: PASSE ET !<E PBiSSBNT

La liberté? La vraie liberté d'un homme, me direz


~vous, consiste à découvrir, à être forcé de découvrir le
droit chemin et à le suivre. A apprendre, à se faire en-
seigner de quelle sorte de travail il est capable puis,
fût-ce en usant de ta permission, de la persuasion ou de
la force, à se mettre à t'œuvre C'est
pour l'accomplir
ta la vraie félicité, l'honneur, la « liberté n et le maxi-
mum de la prospérité: si la liberté n'est pas cela, moi
pour ma part, je me soucie peu de la liberté. Vous ne
permettez pas à un homme ostensiblement fou de
s'élancer dans
un précipice vous violentez
sa liberté,
vous qui avez votre raison vous le gardez, fût-ce par
des camisoles de force, loin des précipices Tout
homme stupide, tâche ou sot n'est qu'un fou à un degré
moins ostensible sa vraie liberté serait homme
qu'un
plus sensé, que tout homme plus sensé pût, des
par
colliers d'airain, ou
par n'importe quel procédé plus
doux ou plus rude, se saisir de lui lorsqu'il
s'égarerait
du droit chemin, lui ordonner et le contraindre de
marcher un peu plus droit. Oh, si tu es réellement mon
senior, mon seigneur, mon ainé, ancien ou prêtre si
tu es réellement mon st~p~ea~' en sagesse, puisse un
instinct bienfaisant t'amener et te contraindre à me
« conquérir à me commander! Si tu sais mieux que
moi ce qui est bien et juste, je t'en au nom de
conjure
Dieu, force-moi à le fair e dusses-tu employer n'importe
quel collier d'airain, fouet ou menottes, ne me laisse
pas marcher vers des précipices Quand tous les jour-
naux m'appelleraient un « homme libre », cela m'avan-
cera peu si mon pèlerinage se termine par le naufrage
et la mort. 0, les journaux que ne m'ont-ils appelé
esclave, tache, sot ou du~nom qu't! aurait ptu,a~Ieura
douées voix de me donner, et qu'au lieu d'atteindre h la
DËNOCRATM 338

atteint a la vie! – La liberté a besoin


mort j'aie
de )
définitions nouvelles.
Une répulsion, une horreur consciente devant la folie,
la bassesse, la stupidité, la poltronnerie et toute cette
tribu de choses, existent, profondes, chez quelques hom-
mes inconscientes et plus profondes encore sont chez
d'autres cette
répulsion, cette horreur, recouvertes en
outre, grâce à la bonté des puissances suprêmes, de ces
appétits violents,de ces énergies, de ces soi-disant égoïs-
mes qui s'allient bien avec elles ces autres sont nos con-

quérants, les Romains, les Normands, les Russes, les


Indo-Angtais les fondateurs de ce que nous appelons
des aristocraties. Et en vérité n'ont-ils pas le plus « divin
des droits » à les fonder, étant eux-mêmes très exacte-
ment les « ApMTot » tes plus &r<wes, les meilleurs tandis
que ce qu'ils conquièrent est généralement une populace
en désordre, composée des pires ou tout au moins,
d'hommes plus ~ctM~s qu'eux? Je crois que leur
droit divin mis en cause, obtenant un verdict afnrmatif
devant le plus grand tribunal
que je connaisse, peut
~tre tenu pour fondé Cette sorte d'hommes est l'objet
d'attaques terribles de la part de Poussière-sèche; néan'
moins la nature bienfaisante a souvent eu besoin d'eux;
et elle pourra bien, hélas, en avoir encore besoin.
Quand, au milieu de ces centaines de formes miséra-
bles du scepticisme, de la trivialité,des toiles d'araignées
organisées qu'on trouve chez Poussière-sèche, on voit
un instant surgir un Guillaume le Conquérant ou un
Tancrède de Hauteville – ne semble-t-il
pas vraiment
qu'on discerne le contour grossièrement indiqué de
quelque roi réettemcnt façonné par Dieu; qui n'a pas
été _appel6~tL tf&Ne pa~ Jtc~'Champion~d'An~eterre~
emprisonne dans son fer b!anc, mais bien par ta nature
336 M PASSE ET LE FRËSESt

et l'univers tout entiers? Il est absolument Nécessaire v

qu'il ait été vainqueur. La nature ne veut pas encore,


au moins jusqu'à présent, que ses pauvres enfants les
Saxons meurent d'obésité, de stupeur ou de tout autre
maladie un directeur sévëre, une bande de directeurs
est donc appelée c'est la nature elle-même qui ap-
pelle ce sévère mais bienfaisant ~~ec<H a~c&e~-
~M!M la maison et elle pourvoit même à ses appointe-
M!e~fs Poussière-sèche se lamente sur Hereward et
sur les comtés marécageux; sur le comte Wattheof;
le comté d'York réduit en cendres avec tout le Nord:
toutes choses qui sont, sans contredit, lamentables.
Mais Poussière-sèche lui-même un fait:
m'apprend
« Un enfant, sous le règne de ce Guillaume, aurait pu
porter une bourse pleine d'or d'une extrémité de l'An-
gleterre à l'autre. » Mon érudit ami, c'est là un fait
qui
en contrebalance un millier! Laisse de côté tes toiles
d'araignée constitutionnelles ou sentimentales; regarde
face à face, si tu es encore capable de regarder, ce gros
lourdaud de Guillaume le Bâtard tu verras un individu
du plus éclatant discernement, un des plus vaillants
cœurs de lion; il semble que dans une charpente de
chêne et de fer les dieux aient placé !'ame d'un « homme
de génie » 1 Appelles-tu cela rien? Moi, j'appelle cela
une chose immense. De la rage, il y en avait assez chez
ce Guillaume le Conquérant il trouvait assez de rage en
lui à l'occasion – pourtant Félément essentiel chez
!ui, comme chez tous les hommes de sa trempe, ce n'est
pas le feu qui brûle, mais la ~MMt~'e qui éclaire. H ya
quelque chose d'étrange dans la transformation récipro-
que du feu en lumière; et m6me, au fond, je les tiens
pour des formes dt~rentes,en ce_monde~deieL m6m&
cttoute divine « substance ctétnen'aire ?: chose qui
CËMOCBATtE 837
vaut la peine d'être u!ta. an tftnrtt~a nA
dite, au où nmmnous M~~nc
vivons.
temps
L'é!émentessentiet chez!e conquérant, c'est, avant tout,
sa perception lumineuse de ce qui, réeuement, est
quelque chose sur cette terre de Dieu; ce qui, vous le
verrez implique au fond la « justice » et un nombre de
« vertus a, qui n'est la con/'orM<M avec
pas petit:
ce que le créateur a jugé bon de créer, je suppose
que
cela implique bien la justice et une ou deux vertus? 'l
Penses-tu-que Guillaume le Conquérant aurait to!é.ré
dix ans de jargon, une heure de jargon, pour la conve-
nance de ceux qui veulent tuer les manufactures de
coton par des lois sur le blé faites en vue des
perdrix ?
Je pense que ce n'était pas un homme
que vous eussiez
pu révei!!er au milieu de son sommeil en n'ayant à lui
débiter que des insanités dignes de Bed!am « Aide-nous
mieux encore a battre les buissons pour chasser la
perdrix étrangle Plugson qui fait les chemises plus
– « Par la splendeur de Dieu »
longues ? Penses-
tu que Guillaume le Conquérant, s'il vivait aujourd'hui,
ayant d'un côté les engins à vapeur des capitaines
d'industrie, et de l'autre des capitaines d'oisiveté comme
Joe Manton, hésiterait pour savoir quels sont les meil-
/et<rs~ lesquels méritent d'être étranglés et lesquels
méritent de ne pas l'être?
Je me sens un certain penchant invincible pour ûuil-
laume le Conquérant. C'est, comme je le disais, un
médecin attaché à la maison, envoyé par la nature à son
cher peuple anglais et aux appointements duquel elle
a elle-même car il n'eut en aucune manière le
pourvu
sentiment de travailler pour le compte de la nature, ce
Guillaume, mais bien pour son propre compte exclusi-
vement Et de fait c'ctait~our son propre compt~q~–
t. En fM)};Kb dme te texte.

22
338 t.E PASSEET U5 PRESENT
t~it't -*f <
travaillait,animé « j9«r sp~nefeHr de Dieu ». Il est
nécessaire, je l'ai déjà dit, de faire produire leur œuvre
à de tels hommes, si dur que cela puisse être Quand
un monde qui n'est pas encore condamné à mort, se
précipite toujours plus avant dans la bassesse et la con-
fusion, c'est une cruelle nécessité qu'au milieu de ce
monde la nature introduise ses aristocraties, ses hom-
mes les meilleurs, fut-ce au moyen de la force 1 Quand
leurs descendants ou leurs représentants ont totalement
cessé d'être les meilleurs, le pauvre cher à la
peuple
nature se précipite bien vite à nouveau vers la bassesse
et, pour la nature, cela devient une nécessité cruelle
de les exclure. De là les révolutions françaises, chartes
en cinq articles, les démocraties et cette lamentable
liste d'ef cca~a que présente notre triste temps.
L'extension qu'a prise aujourd'hui la démocratie, la
rapidité toujours croissante, honteuse, avec laquelle
elle avance irrésistiblement, il suffit pour s'en rendre
compte d'ouvrir les yeux et d'observer
n'importe quel
département des choses humaines. La démocratie est
partout ce que réclame inéxorablement notre temps, la
demande qui trouve vite satisfaction. le canon
Depuis
des batailles de Napoléon de l'As-
jusqu'au baragouin
semblée publique de Saint-Marie Axe, toutes choses
annoncent la démocratie. Un homme distingué, que
mes lecteurs entendront de nouveau avec plaisir, m'écrit
ce qui suit sur ce qu'il observe dans le de
Wahngasse
Weissnichtwo où nos mœurs de Londres sont en
pleine vogue. Laissons donc encore une fois la parole
à M. Teufètsdrockh, n'eut-il mot insignifiant à
qu'un
nous dire 1

~EaaMemmManstotsxMiWarugMM.taoaorÀvMgtamenr
2. WctMftchtwo? Jo no aats où.
BËHacR&TtE 939
« La démocratie, c'est le désespoir de trouver des
héros pour nous gouverner et la résignation, satisfaite,
à s'en passer – toi
hélas, aussi, mein ~e&cr, tu vois
bien quelle parenté étroite l'unit à M~sMe et à tant
d'autres fâcheux ismes: celui qui ne sait découvrir
aucun Dieu, comment découvrirait-il les héros, ces
visibles temples de Dieu? – C'est assez étrange, en
attendant, d'observer avec quelle irréflexion, dans ce
pays, conservateur avec tant de rigidité, les hommes,
d'un cri unanime, se précipitent dans la démocratie.
Il faut que, sans doute, notre chevalier titulaire Kan-
dcrwatsch von Pferdefuss-quacksaiber', notre distingué
chef du parti conservateur, et tous ceux de son parti,
sauf les têtes trop dures, considèrent la démocratie
comme aussi inévitable que la mort, et désespèrent
même d'en différer t'avènement 1
beaucoup
a Vous ne
pouvez pas circuler dans la rue sans
y
voir la démocratie s'annonçant jusqu'au tailleur qui,
est devenu, sinon exactement un adhérent du sans--
culottisme, ce qui serait sa ruine, du moins un tail-
!cur inconsciemment et prophète,
symboliste avec ses
ciseaux, du règne de l'égalité. Quel est l'habit à la mode
aujourd'hui? Est-ce un vêtement d'un tissu extra fin,
d'une coupe avec des parements
longuement méditée,
garnis de Malines brodé d'or; si bien qu'un homme
pourra, sans peine, porter sur son dos la valeur d'une
de ces terres?
~Mto<~s, pas le moins du monde 1 Les
lois somptuaires sont tombées dans un état de désué-
tude tel qu'on ne l'avait
pas encore vu. L'habit à la
mode est un
amphibie qui tient du sac à grains et du
pourpoint d'unLcsmionocnï'. _–
Le tissu en est d'une grossièreté la cou'.
calculée;
t.ttMra!ement: Bamgo~n du Mtaaiquo charhhnhmo. ·
MO M pASSg Ef ï,E PRÉSENT

~(1111~
leur, c'est
un noir de suie tacheté,
n~nci 11~1 rW iaa t.·
ou un gris brun de
rouille; cela ressemble le plus possible au vêtement
d'un paysan. Et la forme, il faut voir cela 1 le comble,
durant cette année, ç'a été une forme qu'on
peut définir
du terme de triple sac un grand sac pour le corps,
deux petits sacs pour les bras et en guise de col un
ourlet! Le premier des Cheruscans qui, jadis, entre-
prit de se faire un vêtement, avec du feutre ou de la
peau de sanglier, du métal ou un os pour aiguille, avant
que les tailleurs se fussent encore réveillés du som-
meil du néant ne fit-il chose d'absolu-
pas quelque
ment semblable? Un large sac, bien ample, pour le
corps, avec deux trous pour laisser passer les bras tel
fut son habit primitif: à ces trous, on vit bientôt que
deux petits sacs bien amples, ou manches, qu'on y
pourrait aisément rattacher, constitueraient un pro-
grès.
» Ainsi, des tailleurs,
l'espèce pour ainsi parler, s'est
transformée comme beaucoup d'autres choses elle a
changé !?on centre de gravité elle a fait une révolution
soudaine du zénith au nadir. Votre Stulz fait une cul-
bute énorme et se précipite du haut de son établi dans
les profondeurs de la sauvagerie entrat-
primitive
nant bien des choses avec lui Car vous invite
je
à réfléchir que le tailleur, écume qui tout au
apparaît
sommet de la société humaine, est en somme chose
qui passe vite, éphémère, difficile à f
déchinrer pour-
tant elle est significative de bien des choses, et même
de toutes choses. Ecume tout au sommet de
apparue
la société, elle
subit la poussée de la lie et de toutes
Í
les régions intermédiaires du liquide. C'est l'exprès-
sion générate, vis'ble & tous les yeux, ce queTcs
hommes tendent à faire, de ce qu'ils ont été oMigës,
Ï)~MOCRA'F!E NM

mis à même de faire, dans ce département de la chose


publique qui consiste à se symboliser aux yeux les uns
des autres en se couvrant la peau. Dans le tailleur, il
y a la saveur de la vie humaine tout entière elle est
dans ses luttes effrénées pour atteindre la beauté, la
liberté, la dignité, la victoire; elle est dans ce fait,
qu'entravé par Sedan et Huddersnetd, par l'ignorance,
les ténèbres, les désirs morbides, et autres tristes
nécessités ou lois de nature, il en est arrivé à ceci
la morne sauvagerie d'un triple sac avec un ourlet 11
» Lorsque le tailleur lui-même penche vers le sans-
culottisme, la situation n'est-elle pas sinistre ? La der-
nière divinité de la pauvre humanité se détrônant elle-
même renversant aussi son flambeau, la flamme
vers la terre, comme le génie du sommeil ou de la
mort; en signe d'avertissement que l'ère des tailleurs
va finir! Car, si difficile qu'il soit à cette époque, de
formuler des lois somptuaires, rien n'est plus clair que
ce fait: partout où il existe aujourd'hui des rangs, une
différenciation des costumes ira s'accentuant si jamais
nous avons une hiérarchie, une aristocratie nouvelles,
reconnues véritablement pour telles ce que je
demande chaque jour au ciel par mes prières le
tailleur se relèvera; il sera, par sa position, ses efforts
volontaires, consciemment et inconsciemment, la sau-
vegarde du nouvel état de choses. »
Nous supprimons pour l'instant certaines observa-
tions dues encore à la même inappréciable sur
plume,
nos changements de mode sans fin, notre « appétit per-
pétuel, nomade, pareil à celui des singes, pour le chan-
gement et rien que le changement sur toutes les faces

'"f htMMf Mt-one aMas!on 01 HffC de <Mt!~ïe~ SaWbr"


t.
ResMtua n oa a )a dea vêtements
Philosophie
343 LE PASSE ET M KUSSBM

de notre existence et le « fatal instinct révolutionnaire a


qui se manifeste là. On peut poser
par ce fait que la
démocratie, dans les sens du terme, est dans son
tous
plein épanouissement par le temps qui court, nul ne
peut l'arrêter, ni un chevalier Kanderwatsch, ni aucun
autre fils d'Adam. La « liberté » est une chose que les
hommes ont résolu de posséder.

Mais vraiment, ainsi que j'ai dû le remarquer au


cours de ces réflexions, la « liberté pour chacun de
n'être pas opprimé par ses frères », quoiqu'indispen-
-sable, n'est qu'une des plus insignifiantes fractions de
!a liberté humaine. Aucun homme ne t'opprimera,
c'est-à-dire qu'il ne pourra pas t'ordonner d'aller lui
chercher, de lui apporter telle chose, d'aller ou de ve-
nir, sans t" fournir à cela une raison. Soit te voilà
émancipé vis-à-vis de tous les hommes mais vis-à-vis
de toi-même et du diab!e ? Aucun homme, fût-il plus
sage ou moins sage que toi, ne peut t'obliger à allerou
venir: mais ta futilité, tes
erreurs, ces appétits qui c

s'égarent vers l'argent, ces rois Georges à Windsor et


le reste? Aucun homme ne t'opprime, 0 libre et indé-
pendant favorisé de la franchise mais ce stupide pot
de porter ne t'opprésse-t-il pas? Aucun fils d'Adam ne
peut t'ordonner d'aller ou ~"nir mais cet absurde pot
de Lourd-Liquide le peut et le fait Tu es l'esclave, non
pas de Cédric le Saxon, mais de tes propres appétits
brutaux et de ce verre de liqueur, à peine essuyé. Et
tu vas te vantant de ta « liberté H ? Parfait idiot! 1
Le lourd-liquide et le gin hélas, ce ne sont pas les
seules formes
d'esclavage. Toi qui chemines t'abritant
derrière de vaines apparences, qui regardes la vie et la
mort avec un élégant reninementdc dilettante, unesupé-
Tioritc sërëîne;~t frôitihea gentjmenf; qui armes de
DËHOCn&TtE 343

billevesées la pauvreté de tes paroles et de somnam-


bulismes insensés la pauvreté de ta conduite – toi

qui es pareil à un « singe enchanté a sous le ciel de Dieu


où tu aurais pu être
un homme, avoir tes maîtres d'écote
et tes conquérants, et des constables munis de gar-
cettes appelles-tu cela !a « liberté? » Cet adorateur
acharné de Mammon, qui se lève tôt et se couche tard,
poursuivant sans trêve
l'impossible, comme s'il était
poussé par quelque galvanisme, par des diables et des
idées fixes quel bienfait ce serait de lui barrer la
route de la folie, soit en le persuadant doucemeht, soit
en usant de qu'on appelle la plus sévère tyrannie, et
de le ramener dans un chemin plus sage La tyrannie
la plus dure ne serait, dans ce cas encore, qu'une légère
« médication a la peine serait un prix d'achat modeste,
par la raison que la santé et la vie remplaçant le gal-
vanisme et l'idée fixe, sont payées d'un modeste,
prix
quoi qu'elles coûtent.
.Il est certain que parmi tous les sentiers dans les-
quels un homme il y a, à n'importe
peut s'engager,
quel moment, un meilleur sentier
pour chacun il est
une chose, en cet instant et en ce lieu, que chacun sera
plus sage de faire; – dût-il être amené, poussé à l'ac-
complir, celui qui fera cet acte « agira en homme
d'après notre langage tous les hommes et les dieux
seront d'accord avec lui, l'univers entier lui criera inté-
rieurement c'est bien agir t Le succès de cet homme
en pareil cas, sera complet sa félicité atteindra son
maximum Ce sentier, trouver ce sentier et le suivre,
c'est la seule chose qui importe pour lui. Ce qui k
poussera dans ce chemin, cela dût-i! se présenter à lui
sous formes-d~c<wp8~e pieds; c'est ~eia qui ~st
hberté; ce qui l'en écartera, assemblées d'arrondisse-
~44 LE PASSg ET M PRESENT

ment, réunions publiques, baraques de vot< festins


formidables, rivières de Lourd-Liquide, c'est cela qui
est l'esclavage. *)
Elle n'est pas fort plaisante, cette idée que la liberté
d'un homme consiste à fournir son vote aux réunions
électorales, à dire « Voyez, maintenant, je représente
moi aussi un vingt millième d'orateur dans la flagor-
» nerie nationale tous les dieux ne vont-ils pas m'être
favorables ? » La nature, cependant, se montre bien-
veillante pour l'instant elle met ces idées dans la tête
de beaucoup d'hommes, de presque tous même. Cette
liberté spéciale qui s'achète par l'isolement social, par
laquelle chaque homme se trouve séparé des autres
n'ayant « pas de rapport avec eux », sauf un compte de
caisse c'est là une liberté que la terre a rarement vue
dont la terre ne se contentera pas longtemps, quel-
qu'éloge que vous en fassiez. Elle se transforme, avant
d'avoir été longtemps mise en action, avant que les
hommes aient longtemps fait voler leurs chapeaux vers
elle, en la liberté pour des millions de travailleurs, de
mourir faute de nourriture; pour des milliers d'oisifs et
des oisifs isolés, en la liberté, hélas, encore plus fatale de
vivre en se passant de travailler; de n'avoir aucun devoir
sérieux a remplir dans cet univers de Dieu. Qu'advient-il
d'un homme compris dans cette catégorie ? Les lois de
ta terre restent silencieuses; celtes du ciel parlent,
mais leur voix n'est point entendue.~ Pas de travail,
joint à l'indéracinable besoin de travail, cela engendre
de nouvelles et étranges philosophies de la vie, de
nouvelles et étranges façons de vivre dans la pratique 1
On voit s'établir le dilettantisme, l'insouciance, te
beau brummélisme, à quoi se m6te peutrêtre a _y
~occasion un accès de byronisme, protestation à demi
BËMOCBANE 34S

folle après un certain temps, si vous retournez vers


la « mer-morte », vous y trouverez, vous dit notre ami `_
mahométan le « jour du Sabbat célébré d'étrange fa-
çon Mes frères, nous ne savons encore qu'impar-
faitement, après des années
de gouvernement constitu-
tionnel, ce que c'est que la liberté et l'esclavage.
Démocratie dans cette direction, la chasse à la
liberté ira jusqu'au bout; elle ne pourra être entravée
ni par Pferdefuss-Quacksalber, ni par personne de son
entourage. Les millions de travailleurs de l'humanité,
qui ont un désir passionné, instinctif de direction, qui
en ont un tel besoin qu'à cette satisfaction leur vie est
– rejetteront loin d'eux la fausse direction
suspendue
ils espéreront, pendant une heure que la non-direction
pourra leur suffire mais cela
ne pourra durer qu'une
heure. Le point le moins important de l'esclavage hu-
main, c'est l'oppression de l'homme par ses faux supé-
rieurs c'est le point le plus palpable, mais comme je le
disais, c'est au fond le moindre. Que l'homme secoue
une telle oppression, qu'il la foule aux pieds avec indi-
gnation je ne le blâme pas, j'ai pitié de lui, je
l'applaudis. Mais l'oppression par les faux supérieurs
une fois bien secouée, il reste encore à résoudre, ce
grand problème trouver un gouvernement par les vrais
supérieurs! Hélas, comment arriverons-nous jamais à
la solution de ce problème, dans les ténèbres,
plongés
égarés, êtres ronflants, ricanants, oublieux de Dieu
comme nous le sommes? C'est un travail qui demandera
des siècles pour apprendre à le faire il nous faudra les
tribulations, confusions, insurrections, entraves; qui
sait s'il ne faudra pas l'incendie et le désespoir C'est la
une leçqn~ qui contient en elle toutes
les~lecons; la plus
ure apprendre de toutes les leçons.
346 M MsaS ET M pnSSNNT

il
ït AL'"
est 1t. une.1. chose que je sais: ces singes, bavardant
sur les branches près do la Mer Morte, no l'ont jamais
apprise, mais ils bavardent aujourd'hui encore, Il serait
inutilo qu'aucun Moïse vint une seconde fois parmi
eux un minier do Moïses no seraient do
qu'autant
fantômes points, d'intéressants d'un nou.
frcres-ainges
vo! et étrange aspect, qu'ils « inviteraienta d!nor a, qu'i!s
seraient heureux do rencontrer dans leurs soirées do
« lions Pour eux, la voix prophétique, l'avertisse-
ment divin ont complètement cessé de se faire entendre.
Ils bavarderont là-bas, le ciel tour restant formé, jus-
qu'à la fin du monde. Les malheureux 1 Oh, en comparai"
son, qu'est-ce que mourir de faim, ayant dans les mains
d'honnêtes instruments, dans la cœur un but digne do
!'hommo, et voyant autour de soi une grande part de
besogne accomplie? On ne fait alors que quitter hon-
nêtement ses instruments, une
que quitter enveloppe
de dur labour, de maigre pitance, de décou-
de chagrins,
de contradictions, honnê-
ragements, après en avoir
tament use avec tout ccla – et on attend, pas précisé-
ment d'une façon distraite, ce que les Puissances
suprêmes, les silences et les éternités avoir à
peuvent
nous dire.
Il est une deuxième chose que je sais aussi cette
leçon, il faudra qu'elle soit apprise sous peine de
châtiments L'Angleterre ou bien l'apprendra ou sinon
cessera d'être comptée au nombre des nations. L'An-
gleterre ou bien apprendra à révérer ses héros, à les
discerner d'avec ses faux-héros, ses valets et ses his-
trions éclairés parles feux de la rampe; et!e apprendra
à les estimer comme ia voix de Dieu, distincte au
mitieu dos jargons dépourvus~c sens ~t des ~ri~e
marchandage qui s'é!even~en ce moment, elle leur dira
O~MMMTtR ~M
dans la toyaute do son co'ur « Soyez notre roi ot notre
prêtre, notre évangile et notre direction H – on bien
rAngtotcrre continuera d'adorer toa formes nouvelles
et sans cesse renouvelées du charlatanisme, et elle
descendra alors, non importe après quels chocs, quc!s
rohondiaaoments, le pore dos charlatans! 1 c
rejoindro
Pois-jo craindre do pareiiïos choses ponr I'Ang!eterre 2?
MiaôraMes mortels aux yonx bandés, au cœur endurci,
pourquoi vous obstincx-vous b adorer des mensonges,
un « assortissomont d'habits rotnbourrcs, fabriqués par
un neuvième do l'humanité Ce ne sont pas vos
bourses qui souffrent, vos fermages, commerces, b6nc-
fices industriels, si haut que vous vous tamontiex à co
sujet; non, il n'y a pas que cela, il s'agit de quelque
chose situé bien plus profondément que cola co sont
vos nmes qui gisent mortes, écrasées par de mcprisaMos
cauchemars, les atheismes, les fumées do vos cerveaux
ce ne sont plus des amos du tout, mais de simples succé-
danés qui remplacent !o sol pour empêcher vos corps,
avec leurs appétits, de se putret!cr Votre tissage du
coton, vos machines trois fois miraculeuses, qu'est-ce
encore autre chose que l'anirnalitrme avec des propor-
tions plus grandes? Les araignées savent tisser, les
castors savent construire et font preuve d'invention la
fourmi met de côté un capital qui va grossissant et elle
a, d'après ce que jo sais une banque do la terre des
fourmis S'il n'y a pas en l'homme une âme qui
atteigne plus haut que tout cela, quand même elle
trouverait le moyen de naviguer sur un nuage a vapeur,
de tisser le sable de la mer, l'homme, je le répète
n'est qu'un animal, une sorte de brute plus avisée que
ics autresri! n'a pas d'amë,mai~ un succédané qui
t. Ban!: of Mmnt pendant t: Manh ot England.
M«<m<~
&? M )MSS6 M M~SEXT

!'emp!aco !c so!. jLa-dossua, voyant qu'il est du nombre


des bâtes qui périssent, il aura pom'dovoit'do l'admet-
trc, je pense, et do so tuer tout de suite, lui et tous les
autres à son oxetnp!c; ainsi, il /?nM'« du moins d'une
manière digne do l'homme et il fera ses adieux pleins do
dignité à ce monde do brutes.
CMAHTBE XtV

SIR JABESH WINDBAG*

Olivier Cromwell, ils pondirent


dont le corps à leur
potence do Tyburn,
par ce qu'il avait trouvé la religion
chrétienne impraticable dans ce pays, demeure pour
moi de beaucoup le plus remarquable gouverneur que
nous ayons ou ici depuis environ cinq siècles. Depuis
environ cinq siècles, il n'y a pas ou parmi nous un gou-
verneur ayant quoi que ce soit d'un talent similaire, et
depuis deux siècles nous pouvons dire quo nous n'avons
pas ou un gouverneur ayant seulement la possibilité
d'un talent similaire – une idée, au fond du cour, ca-
paMe de lui inspirer un talent similaire, capable do
coexister avec ce talent.
Quand on considère qu'Olivier croyait en un Dieu, la
différence entre la position d'Olivier et celle do tous les
gouverneurs do ce pays qui lui succédèrent devient
d'autant plus immense qu'on y réfléchit davantage.
Olivier, qui ne fut pas un volontaire de la vie publique,
mais qui, simplement, soldat élu, reçut l'ordre strict
de l'affronter, entre donc dans la vie publique; itsecom-
portc~a~omme~n~omme~ui tiendrait st~ ~M'opm vif~–~
dans sa main, comme un homme qui sentirait toujours
i. WtndtMg, sac & vent,t6te.vMe.
38C U!MS8Ë]M'M!H~SBNt
nnsô snr tn! J'mil tht
crant!
posé sur lui t'coi! grand antnmamtMt)
du commandeur. Cela n'est
pas sans résultat. Olivier, avancé en âge, trouve, grâce
au destin et à ses propres mérites, ou mieux, comme il
l'énonce lui-même, par de merveilleuses et successives
« naissances de la Providence », le gouvernement de
t'Angieterro remis entre ses mains. Au sénat et sur !c
chnmp de bataille, par ses conseils et par ses actions
privées ou publiques, cet homme a prouve qu'il était un
homme. L'Angleterre et la voix de Dieu, parlant à son
grand cœur à travers d'immenses, terribles tourbillons
et malgré l'entourage, le somment d'affirmer forme!-
iemcnt sous la forme so!enno!te d'un fait et
public
comme un nouvel article
de la loi anglaise, ce qui non
formellement et de par i'eternciie loi de la nature n'a-
vait pas besoin d'être affirmé, a savoir que lui, Olivier
était l'homme le plus capable de l'Angleterre, le roi de
l'Angleterre, que lui, Olivier, devait entreprendre de
gouverner !'Ang!oterro.
La manière dont il fit cotte « assertion (!a seule
qu'il eût do la faire), a donné lieu a d'immenses criti-
ques mais l'assertion ei!e-meme, de quelque manière
qu'elle ait été « faite », n'est-ce pas quelque chose de
solennel, quelque chose de colossal 1
Et maintenant, en regard de cet Olivier et par con-
traste, placez mon très honorable ami sir Jabcsh
Windbag, M. Double face', vicomte de la Bouche de
Miel, comte Paiiie –charriée–par le vent, ou n'im-
porte quel autre Cagliostro Cagliostrino, Cagliostraccio,
quciecoura de lafortune et les majorités parlementaires
auront conduit constitutionnellement à cette dignité
durantcestri8tes~centjBïnquants_derni&res années
1. M. Fac!ne-!)oth-waya.
S. Eart of whdtastmw.
SMJAMSH
WtftHMû
Windbag a une faiblo foi on Dion, en qui il croit 8ou!e-
ment !e dimanche h l'église, et encore sa foi, n'est forte
que lorsqu'il s'agit do croire que les paragraphes et
ptausibintés lui procureront des votes ou que la force
de t'opinion publique, comme il l'appelle, est la néoos-
hi té première des choses et notre Dieu suprême: Windbag
si nous voulons !o considérer, a devant lui un problème
qui peut être rangé dans la classe de l'impossible.
C'est un Colomb disposé & naviguer vers le vague
pays de ttM~~a~, vers le vague paya de ~'Mtpo~e o&
comptant sur l'amilid do ces montagnes d'eau qui tour-
naient en désordre et sur la v«!so hurlante de tous les
vents réunis il ne compte pas les conquérir, en dépit
d'eux, it compte sur leur amitié quand une bonne fois ils
se seront décidés C'est le plus original Colomb que j'aie
jamais vu. Après tout, son problème n'est pas inso-
tuh)e Windbag o~'MfCMt infailliblement à ce pays do
nullo part, son indistinct n'importe où sera un Z.&-&as 1

Dans !'ab!modot'0céan. sur !o<'parquctdoDavyJones"


lui et la compagnie qu'il a a son bord, avec leur cargai-
son et teur marine, trouveront certainement à la fin un
logement.
Olivier savait, lui, que son était Mt, vers
Amérique
l'Ouest; et ce n'était
pas entièrement sur l'amitié des
montagnes d'eau et du furieux Océan d'écume, qu'il
comptait pour arriver à destination H navigua en con-
séquence il se pourvut de roses des vents, de règles de
navigation plus vieilles et plus grandes que ces
Océans d'écume, viciUes comme !e Dieu éternel Ou en-
core, pensez simplement à ceci: Windbag, pendant ses
M'
t. lâcher of Davy Joua~ e (Mpresston empby<e, en termo de mM'!no, pouf
désigner raMme. Aller vers ïo a Locker of Davy Jones) couler & fond, <i<M
perdu.
~Sâ m ï*ASS&&T M fn&HMT

cinq années de charge, doit prospérer, obtenir des « pa-


ragraphes tes paragraphes do oca cinq années doivent
être son salut, sinon c'est un homme perdu, sans r~
demption possible nulle part, dans les mondes ou dans
les temps qu'il sait découvrir. Olivier aussi aimerait
avoirses « paragraphes M le succès, la popularité durant
ces cinq années no sont pas sans lui inspirer de désir
mais notez, dis-je, ce détail capital après que ces cinq
années seront passées, viendra une éternité pour
Olivier 1 Olivier devra comparaître devant le juge Très- c
Haut le plus grand flot de paragraphes, le plus grand
Nux de tour marée, ne sera, soton la plus stricto arith-
métique, absolument rien du tout l'exacte valeur
en sera z~'o un compte complètement effacé Chose
énorme qu'un homme, do nos jours, peut à peine su
ngurermomeparunoubrt! Les «paragraphes n d'Onvicr
sont tous clos, ses batailles, sas listes do division, ses
succès additionnés et voit~ que devant cette tcrriblo
et infaillible courdo revision, la question réeUo csttout
d'abord posée: A-t-il réussi, n'a-t-it pas été défait mi-
sérablement et à jamais ? Qu'il se présente avec des
Jb-Pœans larges comme le monde, celn no changera
`
rien qu'il se présente couvert des exécrations du
monde, balafré d'ignominieuses blessures mortelles,
la corde autour du cou qu'est-ce que cela changera ?
La sentence est la suivante viens, toi qui es brave et 1
fidèle; la sentence est pars, toi qui es un charlatan,
sois maudit 1
0 Windbag, mon très honorable ami, en vérité j'ai
pitié de toi Je te le dis, ces paragraphes, ces votes a
yMxtïsute ou basse,jle~esj)auyres frères en stupidité
ne te guideront jamais dans aucune entreprise. Gou-
verner un pays par une semblable direction? Tu ne peux
'~r
,S~JAM'Mr~e. SM

pas Mro une paire do souliers, vendre pour deux sona


do ruban, dans ces conditions. Non, tes souliers sont
trompeurs, rapiécés pour affronter to marché, mais
regarde, le cuir n'en est qu'on <ïp~<!<'0nce tanne tes
:iou!iors fondent sous mes pieds on une
})ato boueuse,
co ne sont pas do vrais soutiers, déttant la bouc, mais
tout d'apparat, faits pour la vente, des similitudes do
soutiers – infortune Windbag et infortuné (juojc auia 1
0 mon très honorable ami, !orsnuo la marée des n para-
~raphosa mon~ait.qui pouvait se con)parera8irJa&osh?
Sur les flots qui s'onnaient il s'élevait, plus haut, plus
haut, triomphant, aussi haut que !o cic! Mais ïcs eaux
dos paragraphes se retirèrent, ainsi qu'il en doit être
forcément dos paragraphes deraiaonnab!cs voita sir
Jabosh échoué, enfoncé et s'enfonçant
toujours davan-
tage dans un ignominieux timon les nymphes de la
houe, un oubli toujours plus profond, sans fin, voilà
son !ot dans l'éternité. La « postérité ? Tuen appoUes
!a postérité, toi ? Mon très honorable ami, qu'est-ce
que fera la postérité pour toi ? Le vote do la postérité,
quand il serait continué en ta faveur pendant des siècles,
restera complètement inontendu, sans au-
extra-Iéga!,
cun effet. La postérité no peut tout simplement rien
pour un homme eHe ne peut même pas avoir l'air do
faire grand chose
pour lui si cet homme n'a pas le cer-
veau dérangé. En outre, à dire vrai, il y amille contre
un a parier que la
postérité n'entendra pas même par!er
de toi, mon très honorable ami 1 La postérité, je l'ai
constaté, a en général ses propres « Windbags ') (sacs
a vent) cétébrés sur ton~ les marchés avec
un~sufOsant
renfort de trompettes, elle n'a
pas le temps de s'occu-
perdësnotresT~postéHtéquta~
un simulacre et du normand un monstre et
Guillaume,
23
38* PASSEKt tB fM~M

une brute, que voudra-t-cHo faire do l'anglais Jabcsh?


0 grand Dieu, la « postérité a )
« Les pauvres Coventairoa écossais
pors~cuMa di-
sais-je au Français qui m'interrogeait, dans un ~an~aia
aussi hacM quo me le permettaient mes connaissances,
« </SM appelaient à. –~ la posldrité, intorrompit-
il venant à mon aide. – Ah, w<MMK!M~,~o/ M~/c
fois MOH Ils on appelèrent au Dieu éternel, pas du
tout à la postérité C'<~ <~<~f~H< »
i. En FMa{a!9 dans le texte.
CHAPITRE XV

ENCORE MORRtSON

Néanmoins, o libéral avancé, on ne peut pas te pro-


mettre une « nouvelle M avant un certain
religion
temps à parler franchement,
je no pense pas que nous
ayons la moindre chance d'en voir naître une Le lec-
teur candide veut-il, en manière de clôture à ce troi-
sième livre, écouter détachées sur
quelques remarques
te sujet?
Les lecteurs candides n'ont pas depuis longtemps
rencontré un homme qui eût moins que moi l'intention
de se mêler des articles do leur église, les trente-neuf
articles ou autres, par lesquels t!s se sont enbrcés –
bien qu'ils y soient de se figurer
impuissants quel-
qu'hypothëse qui ne fut pas inconcevable au sujet de
cet univers, et de leur propre existence au sein de cet
univers. La superstition, mes amis, est loin de moi !e
fanatisme pour n'importe quel /<MtMM qui pourrait bien-
tôt apparattre sur terre – ce!a est loin de moi. Les ar-
ticles de son église sont certainement, un homme,
pour
des articles de
prix et par te temps qui court, -il faut
~trer tolérant U'égaed de ~n~d'etrange~ arU-
êtes n, de tant de « non articles encore plus étranges
qui s'affichent partout d'une manière insensée – de
?0 .M BASSE KT ~E M~9MT
nombreux et
longs poteaux d'affiches, dos pots de
colle menaçant do se renverser, voit& co qui vient
parfois s'ingérer dans la rue que nous suivons en
paix
hnagincx-vous, d'ailleurs, un homme recommandant
a ses concitoyens de croire en Dieu, afin qu'on puisse
avoir raison du chartisme et que les travailleurs de
Manchester puissent retourner tisser en paix 1. Cette
idée est plus insensée que tous les poteaux d'afCches
qu'on ait pu voir jusqu'ici dans une rue où passent des
hommes! 1 Mon ami, si tu en viens jamais à croire en
Dieu, tu trouveras que tout le chartisme, l'émeute de
Manchester, l'incompétence du parlement, les minis-
tères entre les mains de sacs à vent, les plus effrénées
dissolutions sociales et la combustion de notre planète
tout entière c'est là bien peu de chose en comparaison.
Mon frère, cette
planète n'est qu'un grain de sable indi-
gne d'être considéré parmi les continents de l'être:
les pauvres intérêts temporaires de cette planète, ceux
que tu y as, ceux que j'y ai, tout cela quand je fixe mes
regards sur cette mer de lumière, cette mer de flam-
mes avec ses intérêts éternels, vient se résoudre littéra-
lement dans un néant. Mes paroles à ce sujet – c'est
du silence devant l'éternité. Prêcher la religion afin
qu'il y ait encore des constables, c'est comme si l'on
regardait la galaxib des astres, les stol-
systèmes
laires comme destines
à guider les petits bateaux
qui
servent a pêcherle hareng. 0 mon ami, libéral avancé, ce
nouveau pas, cette nouvelle idée « d'inventer Dieu
est vraiment étrange 1 Le jacobinisme se révèlant Saint
Simonisme nous
présage d'innombrables bonnes
choses; mata ta chose ette-mêmearracherattdestarmës
à un stoïcien Quant à moi, comme dans un espace de
,4..
BKËO~MpRM~ .351 _s.
-tt*
six mois selon mon calendrier, douxo ou treixo nou-
vellea relions me sont arrivées do diverses du
parties
monde, gros paquets dont la plupart n'étaient pas
affranchis, –j'ai priô mon inappréciable ami, l'employé
des postes, do ne plus m'en remettre aucun quand il y
aura lieu pour moi de payer plus d'un penny 1
Henri d'Essex, se battant en duel dans cette ue de la
Tamise, <' près l'abbaye de Reading avait une reli-
gion. Mais ce qui le montre, est-ce !e fait qu'il ait vu le
fantôme armé de Saint-Edmund, « à lalisi&re de l'hori-
xon qui !c regardait menaçant? Est-ce que cela avait,
par soi-même, rien a faire avec sa religion? La religion
d'Henri d'Essex, c'était la lumière intérieure ou la cons-
cience morale qu'il portait en son âme et
qu'il est donné
iv chacun de trouver en son âme cette lumière inté-
rieure traversait, chez lui « les mitieux intcuectuels et
:mt)'cs » qu'elle rencontrait; produisant des « fan-
tômes des visions pareiues ccUes d'un Kirchor sui-
vant les circonstances 1 Il en va de même pour tous les
hommes. Plus ma lumière intérieure luira clairement,
moins troubles seront les milieux qu'elle traversera,
moins nombreux les fantômes –
qu'elle produira plus
j'en serai, certes, heureux – et non pas plus j'en serai
dcso!c As-tu réuéchi, o lecteur sérieux, libéral avancé
ou autre, que la fin, l'essence, l'utilité de toute religion
passée, présente et a venir, c'est ceci à notre
permettre
conscience morale ou lumière intérieure de vivre et de
ce a quoi ne contribuaient
rayonner; pas les « fan-
tûmes » ni les « milieux troubles » Toute religion n'a
eu pour but que de nous
rappeler, plus ou moins bien,
ce que nous savons
déjà plus ou moins bien, la di~é-
rcnce abâoïutnënfM/T~M~u'irya~nfre un nomme bon et
un mauvais; nous commander d'aimer l'un infiniment,
398 t.S PASSE HT t-RM~BUt

de détester et de fuir autre innniment – do nous


efforcer inunimcnt d'c l'un et de n'être pas !'autre.. è
« Toute religion aboutit à un juste culte pratique dos
héros. :) Ce!u! dont t'amo n'est point asphyxiée n'aura
jamais besoin d'une religion celui dont Famé asphyxiée

n'ostp!usqu'un succédanércmp!acant!ose!, ne trouvera

jamais de religion quand bien même vous reasuscitorkx


d'entre los morts pour lui en prêcher une.
Mais, en somme, quand dos hommes et des réforma-
teurs réclament « une religion c'est comme s'ils nous
demandaient: « Que vouiez-vous que nous fassions?
et d'autres choses
analogues. Ils s'imaginent que leur
religion va être, elle aussi, une sorte de pilule Morri-
son qu'ils n'auront qu'a avator une bonne fois pour que
tout aille bien. Gobez résolument une bonne fois votre
religion, votre
pilule Morrison, tout va maintenant
marcher tout seul vous pouvez retourner a vos affaires,
vos non-affaires, vous en aUerh la chasse de l'argent, 11
la chasse du plaisir, faire le dilettante, vous dandiner,

grimacer et bavarder commme un singe de la Mer F


Morte votre pilule Morrison fera marcher vos affaires
a votre place. Les idées des hommes sont étranges 1
Mon frère, je te le dis, il n'y a pas, il n'y a jamais eu,
il n'y aura jamais, dans la vaste enceinte de la nature,
aucune pilule ou religion de cette sorte. Les hommes
ne peuvent point t'en procurer; aux dieux eux-mêmes
c'est chose impossible. Je te conseille de renoncer aux
pilulesMorrison; une foi'?pour toutes,renonce & l'espoir
d'une pilule universelle. Pour le corps, pour l'âme, pour
l'individu ou la société, aucun article de ce genre n'a été
fabriqué. ~VoMea~af. Dans la nature créée, cela n'est pas,
n'a jamais été,ne~era~amais.cst scutemcnt dans~ !es
vides imbroglios du chaos, dans les royaumes de Bedlam
1..11-

BSCORE MHRMS~S 9S9

que p!ano quelque vague ombre do pareille chose, éga-


rant et décevant ies matheurcux qui habitent ces /<CM~
Les rituels, liturgies, croyances, hiérarchies tout
cela n'est pas la religion, tout cola fut-ce aussi mort que
le cu!te d'Odin ou le fétichiame. ni tue pas la re!igou
non p!us Soule la stupidité, de combien
n'importe
de rituels elle s'accompagne, tue la rongion. Ce que
nous habitons ne forme-t-H pas ma!gré tout encore un
monde? Qu'il tisse le coton sous Arkwright ou Adam
Smith qu'il fonde dos villes pri's de ta fontaine de
Juturne sur le mont Janicu!e; qu'il cultive la terre de
Chanaan sous io prophète Samue! et le psatmistc David,
l'homme est toujours l'homme; !c missionnaire des
puissances invisibles il est grand et victorieux tant
qu'i! demeure fidèle a sa vraie miss ion il est vil, misé-
rable et vaincu, finalement annihile, chasse de la vue et
de la mémoire des hommes, se montre infidèle
lorsqu'il
a sa mission. Mon frère, tu es un homme, je pense; tu
n'es pas seulcment un castor constructeur ou un tisseur
de coton bipède il y a bien une âme en toi,
asphyxiée
ou non Ce Manchester plein de suie, il est construit
lui aussi sur les abîmes infinis; les cieux ctoités s'éten-
dent au-dessus do lui; là aussi, on na!t et on meurt
c'est en tous points une ville aussi merveilleuse,
aussi terrible, Salem ou la
inimaginable, que l'antique
cité prophétique. Marchez ou restez immobile, en quel-
que temps, en quetquedieu que vous vouliez, ne trou-
verez-vous pas des immensités, des éternités au-dessus
de nous, autour de nous, en nous

Devant Mue, eotëtmet,


ï.eMmhM portail, voilé
Terme ao'tonstMmMteÏsr~
Les étolte8
Los étoiles alienalavaes
sllenoleuses
tHencteose~ M)!ent
brillent m-dessM
au-dessus
an·desans do a~ona
nous
aoaa
Lee
Les tombM,
êio!te~ aeaa nos pat, sont eileMteMeat do
860 PASSÉET t.Bpn6s~T
V~-t t t *t <
Entre ces deux grands silences, s'étend le bourdon-
nement de tous vos cylindres à tisser, trades-unions,
ligues contre la toi sur le blé, Carttoh Clubs. La stupi-
dité elle-même devrait s'arrêter un instant pour consi-
dérer cela. Je te le déclare, à travers tous tes grands
livres, philosophies de l'offre et demande, ces cant, ces
préoccupations qui surgissent chaque jour, aussi mé-
lancoliques que modernes, là se revoie la présence d'un
indicible principe premier tu serais sage de la recon-
naître, et autrement que des lèvres 1
Les lois du créateur, promulguées avec la foudre du
Sinaï à l'oreille de l'imagination, ou promulguées de
quelqu'autre façon, sont les lois de Dieu transcen-
dantes, éternelles, elles réclament impérieusement
l'obéissance de tous les hommes. Cela, sans foudre, ou
avec autant de foudre
que tu voudras, s'il reste quelque
trace d'âme en toi, tu le sais fort bien. L'univers, to
dis-je, est régi par une loi la grande âme du monde
est juste et non point injuste. Plonge tes regards, s'il
te reste des yeux ou une âme, dans cet immense In-
compréhensible qui n'a point de rivage au cœur de
ces tumultueuses apparences, complications, do ces
tourbillons décharnés du temps, n'aperçois-tu pas, silen-
cieuses, éternelles, une suprême justice, une suprême
beauté; unique réalité, suprême pouvoir dirigeant te
tout? Cela n'est pas une figure de rhétorique, c'est un
fait. Le fait de la gravitation, connu de tous les ani-
maux, n'est.pas plus certain que ce fait interne, qu'il
est donné à tous les hommes de connaître. Dans le
cœur de qui le connaît, ce fait s'enfonce, silencieux,
terribte~indicible.-Cet homme-du'a~avec Faust :_«~ut
donc ose le nommer? » La plupart des rituels ou des
« qualifications », qu'il rencontrera à présent, sont bien
J
E~CORB HOMMSOX g~

près d'être des « quaiincations inquanOaMos! Dans


le temple de t'Ëterne!, qu'il l'adore en silence s'il nu
trouve pas les mots qu'il faudrait. La connaissance
qu'il a, couronnement do tout son être spirituel, vie
de sa vie, puisse cet homme la garder et veiller sur
eUe comme sur une chose sacrée. M a une religion. A
toute heure et tous les jours, monte de son cœur, on son
nom et en celui de tout l'univers une prière pleine de
foi, muette mais qui n'est pas sans effet « Que ta
volonté soit faite. ') Toute son œuvre sur terre est une
prière emblématique, en parolos ou en actes Que la
volonté de Dieu soit faite sur la terre – non la volonté
du diable, ni ceUe d'aucun des serviteurs du diable J
Cet homme a une religion une étoile
po!airoétorneMe
qui brille ?vcc d'autant d'éclat dans le ciel, que sur
plus
la terre, autour do lui, la nuit est plus noire. Et toi, si
tu ne sais pas cela, que te serviront tous les rituels,
liturgies, mythologies, messes chantées, tous les tours
imprimés à la calebasse rotatoire? Tout cela sera
comme r ien à bien des égards, MOMs que rien. Séparé
d'avec la chose essentielle, à demi séparé d'avec elle,
tout cola ne sera plus qu'une chose a remplir l'âme
d'une sorte d'horreur d'une et sacrée
inexprimable
pitié – ou crainte. La chose la plus tragique qu'un oeil
humain puisse contempler. I! fut dit au prophète
« Regarde, je te montrerai des choses pires des fem-
mes donnant leurs larmes à 'rhammuz. '< Ce fut là
l'apogée de la vision du prophète comme ça l'est
encore aujourd'hui.
Les rituels, credo, foudre du Sinaï:
liturgies, je sais
plus ou moinsJt'histoM'e de toutes ces choses:ieur nais.
sance, leur développement, leur déclin et leur chute.
La foudre, quandelle des trente deuxazimuths
partirait
.&<?-- mPASS& ET-Ï.B PN6SBST

et que ses grondements se répéteraient pendant des


ai~elea, rendra-t-eile à mes yeux les lois de Dieu plus
dignes ? Non, mon frère. Peut-être suisse assez grand

pour être traité en homme je n'ai plus besoin do


foudre ni de terreur! Peut-être suis-je au-dessus de la
terreur peut-être n'est-ce pas la peur mais l'admiration
seule qui me conduira désormais Des révélations, des
inspirations? Oui et ta propre âme, œuvre de Dieu

n'appelles-tu pas cela une révélation? Qui t'a fait, loi?


D'au viens-tu, toi? La voix de l'éternité, si tu n'es pas
un blasphémateur, un pauvre muet, asphyxié, parle par
ta langue. Tu es, toi, le dernier né de la nature c'est
l' « inspiration du Tout Puissant qui <'adonné l'intel-
ligence Mon frère, mon fr&re
C'est sous les athéiames funestes, !cs mammonismo,
dilettantisme, Joe Manton, avec les cants, los idolâtries

correspondantes, sous tout ce gravat scandaleux qui


obscurcit et étouffe
presque l'âme humaine – qu'il faut
chercher aujourd'hui !a religion et ses lois, écrites,
sinon sur des tables de pierre, du moins sur l'azur de
l'infini, au plus profond du cœur do la divine création,
certaines comme la vie, certaines comme la mort Je te
le dis, les lois sont là et tu ne saurais les enfreindre. Il
vaut mieux toi que tu n'essaies
pour pas. Plutôt cent fois
mourir.que.le tenter. De terriblcs « punitions », si tu
as encore besoin de « punitions », t'attendent d'ailleurs
si tu désobéis. Remarques-tu, 0 politicien ami de la
ficellerouge, ce phénomène brûlant, interna!, celui

~ue les hommes nomment ~NoMto~/T'a/tpaMe, comme


il navigue sans qu'on y prenne garde, sans qu'on l'ar-
rête à travers le vide de ton romaine
du protocole~ on
të~oit de loin, grâce une splendeur qu'il ne tient pas
du ciel Dix siècles le verront. Il y eut, à Meudon, des
EKCMtt MOPMMm _s ~3
tanneries pour les peaux humaines. Et oui
l'enfer,
positivement l'enfer l'emporta pendant un moment ~r
la terre de Dieu, au-dessus, de lui, Ce fut te ptuaorue!
des augures qui aient surgi dans l'espace créé depuis
dix siècles saluons-le avec des cœurs repentants,
frap-
pes de terreur, comme la voix d'un Dieu qui se serait
fait entendre à nouveau, quoique d'un Dieu courroucé.
Bénie soit la voix de Dieu.car elle est vraie et devant elle
les faussetés devront s'évanouir! Sans cet augure sur-
naturel et quasi infernal, on n'aurait, ce moment-la,
pas su que faire du tout de ce monde maudit. Anéantie
par le charlatanisme, aujourd'hui anéantie par la faim,
t'o'aséo, cette méprisable chose, ce /?eMo M<&t'«<tH,
que constituent les protocoles avec loursficelles rouges,
les calobasses rotatoires, les bastilles do la toi des

pauvres quelqu'un ponsait-it qu'elle pouvait être
<)csHncch durer?
n y a assez do punitions, mon frère Cotte punition
suffit qui implique toutes tes autres la mort éternello
de ton pauvre moi, si aucune autre ne te touche. Mort
éternelle, te dis-je, dans bien des sens anciens et mo-
dernes, maisjcvcuxmecontenterdeco!ui-ci:rcternettc
impossibilité pour toi d'être rien autre qu'une chimère,
un fantôme illusoire et bien vite évanoui dans la création
de Dieu bien vite évanoui, pour ne jamais réapparaî-
tre pourquoi réapparaîtrais-tu ? Tu as eu ta chance, tu
n'en auras plus jamais d'autre. Les âges éternellement
se succéderont, et aucune autre chance ne te sera
offerte. La plus stupidedes Ames aujourd'hui existantes
et qui parlent un ne peut-elle
langage articulé, passe
I~PJ~! "< J'ai~Mendu jle jMKï'~ et –
maintenant j'ai devant moi tout une éternité qui attend
de voir ce qtie je ferai une fois né H Ce n'est pas là de
aCt. tE PASSEET M PRESENT

la théologie, c'est de l'arithmétique. Et tu n'entrevois


cela qu'à demi tu ne crois cela qu'a demi ? Hélas, sur
les bords de la Mer Morte, au jour du Sabbat, il se

joue une tragédie 1


Mais laissons là la « religion » à vrai dire il y a tout

profit, en ces temps inqualiuablea, à garder le silence sur


ce point. Tu n'as besoin d'aucune « nouvelle religion
et il est probable qu'on ne t'en proposera aucune.
Tu as déjà plus de « religion que ce que tu en mets
en usage. Aujourd'hui même, tu connais dix devoirs “
h toi, dans ta pensée tu vois dix choses Q
qui s'imposent
qui devraient être faites contre une que tu fais ~a<s-
en une; celle-là d'elle-même, t'en fera voir dix autres
qui doivent être faites. « Mais mon sort
qui peuvent,
futur? » Oui, vraiment, ton sort futur?Ton sort futur si §
tu fais de cela le principal – il me semble
problème
bien problématique Je ne pense pas que ce puisse.
être rien de bon. Le norso Odin, il y a de cela une infi-
nité de siècles, bien qu'il fut un pauvre païen, t'aube
des temps, ne nous a-t-it pas appris que pour !e iacho
il n'y avait, ne pouvait y avoir aucun sort beurcuv

qu'il n'y avait nulle part de port pour lui si ce n'est dans
les profonds royaumes d'Hela, dans l'abîme de la nuit?
Les lâches, les coquins, ce sont tous ceux qui convoi-
tent le plaisir, qui tremblent devant la peine. A cause
de l'état du monde, à cause des lâches à venir, une.
classe d'êtres est vouée a être <' arrêtée o ils ne sont
bons à rien autre, ne peuvent se rendre utiles en rien
d'autre. Quelqu'un de plus grand~qu'Odin a vécu parmi
nous. Quelqu'un de plus grand qu'Odin nous a enseigné

– paa une plus grande lâcheté, je suppose Mon frët'e,


;I fë faut prier a~n d'obtenir une 8~0; luttëFavcc au-
tant d'énergie~que si la mort était en jeu, pour retrou-
EMORB MORMSO!! 3BS
ver ton orne Sache que la « religion a n'est point une
pilule Morrison qu'il faille chercher au dehors, mais un
nouvel éveil de ton moi, qui viendra du dedans et
surtout laisse-moi tranquille avec tes « religions
0 par
ci, tes « nouveitos religions » par !& Je suis las de tes
jérémiades de malade pour avoir une
religion en pilules
Morfison pour n'importe laquelle de oo genre-ta. Je
ne veux rien de toi et je vois que toute chose do ce
genre
est impossible. La résurrection des vieilles liturgies
tombées en désuétude; bien plus encore, la fabrication
(le, nouvelles liturgies qui puissent jamais vivre: quel
vain espoir! Les stylistes, le fanatisme des ermites etdes
fakirs, les attitudes de spasmodiques, et
d'agonisants
ces contorsions morbides, de
soignées, agrémentées
crampes, si nobles soient-elles, tout cela n'est pas une
chose qui me semble désirable. C'est une chose que
l'univers jadis, -alors
a/a~e, que sa barbe n'était pas
encore poussée comme elle l'est aujourd'hui!
Cependant, il y a du moins une liturgie
qui ne pas-
sera jamais:
ce!!e qui consiste a~'M~ (comme !e faisaient
les moines e/t travaillant. Et vraiment
d'autrefois) la
prière qui se récite en des chapelles spéciales, à heures
fixes, qui n'est pas celle d'un homme se relevant après
avoir achevé son travait, son action, et les avoir sancti-
fiés à tous moments – a quoi jamais a-t-e!te été bonne?
« Le travail est une ferveur » oui, en un sens hautement
profond et, étant donné l'état actuel de toute « ferveur »
qui donc peut découvrir toute la portée de ce sens? 2
Celui qui l'entend bien entend la prophétie de tout le
futur, le dernier évangile qui comprend tous les autres.
'S'a cathédrale~ ïa cathédrale d&l'immensttô–t'aft-ttt––
vue ? elle est couverte
par des galaxies d'étoiles elle est
pavée d'une mosaïque verte que forment la terre et
8M M996 Bt M PRSSBNT~

c'est le trône d'étoiles de l'Etarnet! 1


l'nn¿o~ an~ -1--l ~0 lnA,r,n ~'A.I.n.n
l'océan son autel,
Les litanies, les psalmodies, ce sont les nobles actions,
le travail, la souffrance héroïques, tout ce qui a jailli du
coeur sincère de tous les vaillants parmi les fils des
hommes. Le chœur des musiciens est composé par tes
venta, tes océans vieux d'une éternité, par les voix
graves, inarticutéoa mais si éloquentes do la destinée
et de l'histoire, surnaturelles à jamais dans l'avenir
comme elles le furent dans le passé. Entre deux grands
`
silences
Las MoUea silencieuses MHeat m-<!e99M de nous
Les tombos, eoue nos pas, sont ettancteutes t

Entre ces
deux grands silences, tous les bruits
humains, en ce temps do phénomènes naturels, no
viennent-ils pas se produire et se dérouter do la façon
la plus .surnaturelle `t
Je voudrais transcrire ici, sur un ton moins rctevc,
ce passage des MfAe~tscAe ~'M~MM~e~t de Sauer-
teig. « La ferveur dit-it? « Avant que ce tumulte creux
des ouï-dire ne remplit- la tête des hommes, tandis que
te monde était encore silencieux, que les cœurs étaient
ouverts et sincères, bien des choses constituaient la
ferveur! Pour l'homme primitif, n'importe ce qui lui
arrivait de bon, lui était envoyé directement (comme,
en somme, c'est toujours le cas) par Dieu; n'importe
quet devoir se révélait a lui, bien visible, c'était un
Dieu suprômequU'avait prescrit. Et à l'heure actuelle,
je te demande qui aerait~e d'autre? Pour l'homme pri-
taitif,~ habitacle de la pensée, cet univers tout entier
notait qu'un temple ;a vie, partout, un élan de ferveur.
.a ~uetle&rveur~par exemple, nepeut-enpa~trouver~
1.' M SpHogwanetn (e]!pKssM& popaMre) est une soi disant,
planto ayant.
hptoptMté do f~e6Mterte9Mn~M;!a force-portes.
_r
MCMœ HORMSON

dans to simple acte de ftft se tnvof9


SR
laver? f'aat
C'est M~nt~At.
peut-être une J~~
dos
choses les plus moyalea que, le l'homme
plus souvent,
ait !e pouvoir de faire. Déshabille-toi, va au bain, ou
même dans l'étang limpide, dans le ruisseau rapide,
iavc-toi, fais-toi propre; tu en sortiras plus pur et
meiUour. La conscience d'une exté-
parfaite pureté
rieure, qu'a ta peau n'adhère la souillure d'aucun corps
étranger comme cela va dedans do
rayonner jusqu'au
toi, exercer une subtile inftuenco symbolique jusqu'à
ton âme! tu possèdes désormais un renfort de ten-
dance vers tout ce qui est bien. Les vieux sages de
rOriont, pleins de joie et d'une pieuse reconnaissance,
avaient bien senti cola et que c'était là une grâce
en même temps que la volonté du créateur. De qui
d'a~'e pourrait-ce être la volonté? Cela a continué
(t'être un devoir religieux en Orient, depuis les temps
les plus reculés. Et M. le professeur Strauss, quand
je lui ai posé la question, n'a pas pu nier que ce n'en
fOt un aussi, à présent,
pour nous autres occidentaux! 1
Pour cet ouvrier, noir, fuligineux, qui sort do son
usine de suie, quel sera le premier devoir que je pres-
crirai, pour l'accomplissement duquel je lui offrirai
mon aide? sa peau. jPettHl selon
Qu'il purifie prier
telle méthode reconnue ? On ne sait trop au
juste
mais avec du savon et ce qu'il faut d'eau, il
peut se la-
ver. Les sombres eux-mêmes ont un vague sen-
Anglais
timent de cela; ils ont un dicton « Propreté est proche
parente de divinité » et pourtant dans! aucun pays je
n'ai vu des ouvriers
plus mal lavés, ni, sur un sol inondé
par une si douce eau de pluie, pareille rareté de bains a»
~?~g< nos _«_ouYMers_M_a, présenta sont A
court même de pommes de terre: quel « devoir » pou-
vez-vous bien leur prescrire?
3M mpA~§S BT M ?a~NT

Mais jetons un regard sur la Chine. Dans ce pays-H


notre nouvel ami, l'empereur, est le pontife de trois cent
millions d'hommes, qui tous vivent et travaillent depuis =
maintenant plusieurs siècles et qui sont jusqu'ici sous
le patronage authentique du ciel, par conséquent ils
doivent bien avoir une « religion » quelconque. L'em-
pereur-pontife a, en effet, une croyance religieuse en
certaines lois du ciel; il observe avec une religieuse
rigueur les « trois mille ponctualités n données par
des hommes avisés, comme en étant une transcription
lisible, il y a de cela quelque soixante générations –
transcription que les cieux semblent ne pas tenir pour
complètement inexacte. Il n'a pas grand rituel, ce pon*
tife-empereur il doit croire, probablement, avec tes
moines de l'ancien temps que « travailler c'est adorer ».
Son plus grand acte public d'adoration, à ce qu'il pa-
raît, consiste, – lorsque les cieux après le noir hiver,
période de mort. viennent à nouveau réveiller la terre i
par tes splendeurs printanières qu'ils répandent – &
tracer solennellement, avec la charrue, un certain jour,
dans le sein verdoyant de cette mère, la terre, un
sillon distinct et rouge signal qui indique que toutes
les charrues de la Chine doivent commencer à labourer,
à adorer 1 C'est assez notoire lui, l'empereur-pontife,
sous les yeux des puissances visibles et invisibles, il
trace là son sillon distinct et rouge disant ainsi, de-
mandant par ses prières, en un symbolisme muet, tant
de choses éloquentes 1
Si vous demandez à ce pontife qui l'a créé, ce
qu'it adviendra de lui et de nous? il gardera une
réserve dxgne~d'un geste dejamam.deses~yeuxde
pontife, il vous montrera l'insondable du
profondeur
ciel, le « tsien les royaumes azurés de l'infini, comme
8SCORE MOamsOX 369

t.ft')t-±~–
pour vous demander: « Est-il douteux
que nous soyons
bien faits? Rien de mai peut-il advenir de nous? Lui
et ses trois millions d'hommes (et c'est sur ce point
qu'ils sont avant tout « ponctuels ») visitent chaque
année les tombes de leurs pères chaque homme visite
!a tombe de son père et de sa mère seul, en silence,
portant en lui telle « adoration a ou telle pensée, cha-
que homme s'arrête là les cieux divins, au-dessus de
lui, sont silencieux les tombes divines, et cette tombe
divine entre toutes devant il s'est arrêté, sont
laquelle
sitcncieuscs sous ses pas les pulsations do sa propre
i'nne, s'il a toutefois uneâme, sont le seul bruit qu'il
puisse distinguer. Certes, il peut y avoir ta une forme
d'adoration Certes, si, regardant par une telle porte,
l'homme n'entrevoit pas un rayon émanant de t'éter-
nit< – par quelle autre est-tt nécessaire
qu'il essaie de
regarder ?
Notre ami t'empcreur-pontifc permet gaiement, quoi-
qu'avcc quelque mépris, tous les Bouddhistes, Bonzes,
T;)h)poins et le reste, de bâtir des temples de briques, a
leurs propres frais d'adorer leurs dieux avec autant
de chants, lanternes de papier, tumultueux braillements
qu'il leur plaira; leur permettant de faire de la nuit une
chose hideuse, s'ils trouvent quelque jouissance à agir
ainsi. Gaiement quoiqu'avec C'est un pontife
mépris.
plus sage que bien des gens ne le supposent C'est
jusqu'ici le seul potentat, le seul prêtre sur
suprême
terre qui ait fait une tentative nette, systématique, vers
ce que nous considérons comme l'aboutissement final
de toute religion le culte ~ycH~Me des héros sans
cesse~ avec jane~ réelle anxiété, it~nerehe par tous icg––
moyens qu'il peut, passant pour ainsi dire au tamis son
énorme population, afin de découvrir ceux qui sont nés V ··Vi7

M
~p ~ggg~

les plus sages parmi ses sujets; ces les plus


hommes
sages, avec autant de droit que s'ils étaient nés rois, 1
gouverneront les trois cent millions de sujets. Les cieux,
en une certaine mesure, semblent avoir les yeux sur
lui. Ces trois cent millions d'hommes, à l'heure qu'il
est, fabriquent de la porcelaine, du thé de Souchong, et
quantité d'autres choses sous le drapeau du ciel, ils
combattent contre la nécessité; – et ils ont entre eux
moins do guerre de sept ans, guerre de trente ans,
Révolution et luttes infernales,
française que n'en ont
certains millions d'hommes en d'autres pays
Mais dans notre pauvre Europe bouleversée, elle-
même, des voix religieuses ne se sont-elles pas élevées
en ces derniers temps proclamant une religion nou-
velle et pourtant des plus anciennes, que tous tes
hommes, en !eurcœur,ont sentie incontestab!e?J'en sais
quelques-unes qui no s'intitulent pas, ne se supposent
pas des « prophètes loin de là; ce furent, a vrai dire,
des voix mélodieuses, jaillies une fois encore du cecur
éternel de la nature âmes à jamais vénérables pont'
tous ceux qui ont une âme. Une Révolution française
est un phénomène de certaine sorte a titre de com-
plément, d'exposant spiritueldu premier, je regarde le
poète Goethe et la littérature allemande comme un
second phénomène. Le vieux monde séculier ou prati-
que, pour ainsi parler, ayant été consumé par le feu,
n'y a-t-~ pas ici la prophétie, l'aurore d'un nouveau
monde spirituel, générateur de nouveaux mondes pra-
tiques infiniment plus nobles, plus vastes ? Une vie
comportant l'antique ferveur, l'antique véracité, l'anti-
-qu~héroïsme ~est redevenue chose~poAsibte~redeYenue
actuelle et visible pour l'homme moderne. Ce phé-
nomène, si peu de bruit qu'il fasse, n'est cependant
~.aw n
BNCOKB NOMUSOX 3'~

comparable en grandeur à aucun autre Il Le grand


événement de ce monde, aujourd'hui comme de tous
temps, c'est la venue d'un nouveau Sage ». On entend
encore les accords, le ciel en soit loué à jamais, d'une
nouvelle mélodie des sphères célestes; on les distingue
a nouveau, parmi t'innni jargon de sons discordants,
le jeu si dur à l'oreille do cet instrument qu'on appelle
la Uttérature – ils sont sans prix,
pareils à la voix de
nouveaux psaumes cétestes! Lanttérature, pareille en
ccht aux v ieilles collections de prières des premiers
sit'des, a condition qu'on « choisisse et qu'on brute
avec discernement contient des choses précieuses.
Car la littérature, en dépit do ses presses à imprimer,
t)c ."es machines & réclames, de sa trivialité assourdis-
sanie et sans limites, est encore la pensée des âmes
j'pnsitntes M. C'est une « religion sacrée, si vous
tcut'x au nom, qui vit au sein do cet
étrange océan
d'wnmc, qui n'est pas tout écume, et que nous appe-
lons littérature de plus en plus cne s'en
dégagera ce
n'est déjà plus aujourd'hui un feu brûlant !a flamme
t'ougc et fumeuse du feu bru!ant s'est purifiée, s'est
faite lumière, blanche et bienfaisante. La lumière n'cst-
elle pas chose plus
grande que le feu ? C'est le même
c!pment a t'état de pureté.
Lecteurs ingénus, nous allons nous mettre en marche
et sortir de ce troisième
livre, avec un chant rythmé de
Goethe sur tes lèvres; chant qui a déjà retenti
peut-être
dans des heures de tén&bres ou de lumière
au fond de
bien des cœurs. Quant à moi, je le trouve pieux quoi--
qu'absolument vrai et admissible, de pitié et.
plein
~cmpt d~ tout. cant'; jc-conatatë avec JMe'qu'ifren-
ferme tant de choses et avec joie aussi que tant de:
choses ne s'y trouvent – et ce
pas petit fragment de
e, s ~-> c.' 1
'a7a'T<E
PASSE'ET'M'-PMS~
a
du plus grand des AUemanda me semble une `e
musique,
stance de la grandiose Chanson des chemins, chanson
des marches entonnée par ce grand peuple tectonique,
notre parent, tandis qu'il va, va toujours, vaillant et vie.
torieux a travers les profondeurs insondées du temps 1
Cela s'appelle ~e maçonnique non pas psaume, ni
hymne

Les ohemlns qu'est obligé da suivre le Franc-Maçon M


Sont un symbole de l'existence
Et sa persévérance
Lui apprend co quo sont lesjoura M
Des hommes, en ce mondo

L'avonlr enferma en lui


La joie et la doulour
Nom nous ptesMM cependant pour y entrer
Rten de ce qui nous y attend
Ne nous ef!)'ayant – nous nous poussons.

Et sotenno!, devant noua


Votte, le sombre portail
Termo do tous los mortels:
Les étoiles, silencieuses, br))!ont M-deMons de nous
Les tombos, sous nos pas, sont siloncieuses.

Tandis que tu regardes, grave,


Voici venir un préMge de terreur BN
Voici venir fantôme et erreur
Intimidant les plus braves
En leur mettant au coi)M' le doute et la crainte ~j

Mals voMqae se font entendre tes voix


Que se font entendre los sages
Les mondes et les âges ~j
CaQMMezNen,<MMnme;wase!)o!s!Mez
Ponr un temps Mon court et cependant vous choisissez r6termte:
pour ~jj

H y a des yeux qui voua regardent


-~– -MM~le~Mene~d'&tetalM- N
.Hysfoute
0 braves, pour vous récompenser ~t
TravatHez et ne désespérez poM.
UVREIV

HOROSCOPE

CHAPITRE PREMIER

`
ARISTOCRATIES

Prédire le futur, organiser le présent ne seraient pas


choses tellement si l'on n'avait pas mésusé
impossibles
du passé d'une manière aussi si les traits
sacrilège;
n'en avaient pas été effacés et, ce qui est pis, si ces
traits n'avaient été déugurés Le passé nese voit plus;
contemplé de nos jours au travers de l' « histoire
philo-
sophique », ce passé ne peut même pas n'être pas vu:
il est vu à faux on nous affirme qu'il exista
qu'il fut
une impossibilité où !c sentiment du divin était inconnu.
Vos conquérants normands, vraies âmes royales, sacrés
rois comme tels, furent des tyrans rapaces comme
des vautours, votre Becket, fut un égoïste et
bruyant
hypocrite, il toléra que sa cervelle rejaillit sur les dalles
de la cathédrale de CanterbuEyaSn de s'assurer par
là de la chance
capitale– quelque peu incertaine pour-
tant 1
~~T~' fanatisme~, dH'ez-YousDeut-~tre._L~
enthousiasme M, même « enthousiasme honnête M –
ah, oui, naturellement
~4
m MSS& ET i& PRËSeM .–
Le chien, pour en vcntr & aea proprea fins
Ben<ntenMg6etmordMrhomn)e) 1

Car, à vrai dire, t'ceit voit en toutes choses « ce qu'il


a apporté le moyen de voir ». Un siècle à qui manque le
sentiment du divin et qui reporte ses regards en arrière
sur des siècles où le divin fut présent, des
projette
images plus miraculeuses qu'aucun autre. Tout n'était
que discordance vide dans le passé la force brutale
réglait tout; stupidité, déraison sauvage mieux faite
pour Bedtam que pour un monde humain C'est pour-
quoi il devient assez naturel que les mêmes qualités,
revêtues d'habillements plus soyeux, continuent de
régner de notre temps. Des millions d'hommes ensor-
celés dans des ateliers Bastille des veuves irlandaises
prouvant leur parenté par le typhus: que voudriez-vous :¡
donc? H en fut toujours ainsi, sinon pis, L'histoire de
l'homme ne fut-ce pas toujours précisément la suivante
l'imbécile dupe assaisonné et avalé par le charlatan &
succès la bataille, avec des armes diverses, entre
=
charlatan et tyran voraces, d'une part, et tyran et char-
latan voraces de l'autre? Pas de Dieu dans le passé:
rien que des mécanismes et les dieux brutes du chaos:
comment le pauvre « historien » qui =
philosophique
tout son siècle apparaît sans Dieu, verrait-il un Dieu c
dans les autres siècles? '1
Les hommes croient en des
puis cessent de
bibles
croire en eUes:, mais de toutes les bibles, celle en laquelle
it est le plus terrible de cesser de croire, c'est la « bible
de l'histoire universelte )). C'est là la bible éternelle, te
livre de Dieu, que « tout être né homme », jusqu'à ce que

~~tetgnentspnâme~etsayue~peutet dqit~oirdeses
propres yeux le doigt de Dieu en train de tracer » Dis-
créditer cela est une infidélité comme pas une. Pareille
JHHSTOCR&'NES ~~S

inndétité se devrait sinon par le feu et to fagot


punir, =
dont il est difficile de se servir de notre du moins
temps,
par l'ordre le.plus péremptoire de se tenir coi jusque ce
qu'eUe ait quoique chose de plus sage à dire. Pourquoi le
silence béni serait-il succomberait-i!
rompu, pourquoi
sous des bruits qui n'auraient de cette
que l'équivalent
infidénté à communiquer? Si le passé n'enforme pas
trace de divine-raison, mais seulement la diabolique-
déraison, que le passé tombe a jamais dans l'oubli n'en
faisons plus mention nous dont les ancêtres furent
tous pendus, qu'irions-nous parler de cordes
Ce n'est, cependant,
pas vrai que les hommes vécu-
rent de tous temps, dans le délire, l'hypocrisie,
l'injus-
tice ou tout autre forme de déraison depuis qu'ils
inrenthabiter cette ptancte. Il n'est pas vrai qu'ils aient
Yt'cu dans le passé ou puissent vivre dans l'avenir, si
n'est des conditions inverses. Les hommes devront
.prendre cela a nouveau. Leur histoire vécue devra
n'devcnir un héroïsme tour histoire écrite ce qu'elle
fut jadis, une épopée. Certes, a jamais il en sera ainsi.
on sinon il n'y a v irtuellement rien. Fnt-it raconté
en mille volumes, le non-héroïsme contenu en tous ces
volumes tend sans cesse vers l'oubli le contenu net
d'une bibliothèque alexandrine de non-héroïsmes, c'est
(et la suite le montrera mieux encore) zéro. Quel
homme est intéressé à se /e rappeler est-ce que tous
les hommes, de tous temps, n'ont pas le plus vif intérêt
& l'oublier? « Des révélations » infephaies, sinon
célestes, nous apprendront que Dieu est; nous pourrons
alors, si c'est nécessaire, discerner sans difficulté qu'il
~L'~ phHosophismesjdePquMi&re-scçhe,
les sceptieismes éclairés du xvnî" siëcle, historiques et
autres, survivront quelque temps pour les physiolo-
376 M B&sa~ETt.E PaËSEKï..

gistes à titre de mémorable c<wc~PM<M* r~. Toute cette


époque sauvage avec ses doctrines de spectres, ses phi-
losophies de tête de mort, « prêchant par l'exemple
ou autrement, deviendra un jour pour les hommes, ce
que sont pour nos amis mahométans leurs siècles sans
dieu « La période d'ignorance. »
Si les luttes convulsives de la dernière moitié du
siècle ont enseigné quelque vérité à la pauvre Europe,
luttante et convulsée, c'est peut-être, telle l'essence
d'innombrables autres, celle-ci: que l'Europe a besoin
d'une réelle aristocratie, d'un réel ctergé sans quoi c!!e
ne peut continuer d'exister. Les colossales révolutions
françaises, les
napotéonismes, puis bourbonnismes
avec teur corollaire des trois journées, Unissant par un
Louis-Philippisme très peu Hna! tout cola doit être
didactique 1 Tout cela peut nous avoir appris que les
fausses aristocraties sont intolérables que les non-
aristocraties, tes liberté et égalité sont impossibles

que tes aristocraties véritables sont immédiatement

indispensables et ne se réalisent pas aisément.


Aristocratie et clergé, classe gouvernante et classe
enseignante: toutes deux séparées parfois et essayant
de s'harmoniser, parfois réunies en une sente avec !c
roi comme roi-pontife aucune société n'a existé sans
ces deux éléments vitaux, aucune n'existera jamais.
Cela tient à la nature même de l'homme vous ne pour- f
rez pas visiter le plus lointain village dans le pays te
plus républicain du monde sans y trouver virtuelle-
ment ou actuellement ces deux
puissances à t'œuvre.
L'homme, si peu qu'il s'en doute, est dans la nécessité
d'obéir à des supérieurs. Il est un être sociable en vertu
de cette nécessité if ne serait pas, autrement, suscep-
tible de former des associations. ït obéit à ceux qu'il
AMSTOCRAMES .3~
estime meilleurs que lui-même, plus sages, plus braves
à jamais il obéira à ceux-ta; et même il sera prêta le
faire, heureux de le faire.
Les plus sages, les plus braves ceux-là, aristocratie
virtuelle en tous lieux et en tous dans toutes
temps,
les sociétés qui atteignent à une forme organisée, se
constituent en une classe en une aristocratie
dirigeante,
actuelle ayant des modes fixes d'opérations,
qu'on ap-
pctte lois, même lois jM'«~M ou privi!ègos et ainsi de
suite; bien dignes d'arrêter nos regards en ce monde,
aristocratie et clergé, disions-nous, sont parfois unis.
Car, en somme, les plus sages et les plus braves no sont
a proprement parler même classe il n'est pas
qu'une
d'homme sage qui n'ait dil, tout d'abord, être un homme
brave sans quoi il n'eût jamais été
sage. Le noble prêtre
fut toujours un noble ot'tsfos pour commencer et quel-
tn~ chose do plus pour nnir. Vos Luther, Knox, vos
Anselme, Becket, abbé Samson, Samuel Johnsona'its
n'avaient ou la bravoure
pas quctte possibilité
voulue,
eussent-ils eue d'être jamais sages? Si, soit par acci-
dent, soit par prévision, votre aristocratie actuelle s'est
trouvée scindée en deux classes, il ne saurait y avoir de
doute que la classe des prêtres ne soit la plus digne,
qu'eiïc ne l'emporte sur t'autrc comme la tête qui pense
l'emporte surla main agit. Et cependant,
qui dans la
pratique, il estprobnble que les choses seront organisées
tout au contraire: est déjà
signe que l'organisation
viciée; qu'une fente y a été faite qui ira s'élargissant,
s'élargissant jusqu'à ce que le tout se sépare en deux.
En Angleterre, généralement en Europe, nous pou-
vous
dire que ces deux virtuatité~se sont épanomes en
actualités, sous !a forme de beaucoup !a plus noble et
la plus riche
qu'aucune région du monde ait jamais vue.
S?8 LE PASSEEfM PR6SENT

Une direction spirituelle, un gouvernement pratique se


sont établis, fruits des grandes tentatives conscientes
– ou des infinis, des inconscients besoins et
plutôt
instincts des hommes étrange spectacle Partout, là
où l'on a oublié tant de choses, vous trouvez le du
pa(ais
roi, et le château du vice-roi, l'hôtel, le manoir; si bien
qu'il n'y a plus un pouce de terrain d'une mer & l'autre
qui n'ait à la fois son roi et son vice-roi, de longues
séries de vice-rois autorises, son squire, comte, duc
ou quelqu'autre titre qu'il porte – A qui le pays a été
par vous donné afin qu'il pût vous y gouverner.
Il y a plus touchant encore: hameau
pas un où de
pauvres paysans vivent assemblés, qui ne se soit édifié
une église – un édifice couvert, avec ses trésors et ses
beffrois; une chaire, un pupitre avec des livres et des
méthodes: c'est-à-dire, en somme, la possibilité, la
stricte prescription même qu'un homme vienne siéger
t& et parle aux hommes de choses spirituelles. C'est une
chose belle même en dépit de tant d'obscurité et de
décadence, elle demeure une des plus belles, des plus
touchantes qu'on puisse voir sur terre. ora-Cet homme
teur, à vrai dire, de nos jours il s'est terriblement écarté
du fait on dirait même, hélas, qu'il a totalement perdu
de vue son fait cependant, après tout, qui avons-nous
que nous lui puissions comparer ? De tous les fonc-
tionnaires publics, nourris et logés grâce à l'industrie
de l'Europe moderne, en est-il un plus digne de l'entre-
tien qu'on lui fournit? Un homme qui professe et qui,
si tièdement que ce soit, fait encore quelques tenta-
tives pour sauver les âmes des hommes mettez-le
donc en face d'un autre
qui professe ne rien faire que
de tuër~ës~ perdrix de ce~inbhaë! Je souhaite qù'i!
puisse retrouver son fait, l'homme orateur, et s'y atta-
ABNTO&BAM&S L j!HSL~;

cher avec ténacité, avec une mortelle énergie, car il


nous fait bien défaut à présent La fonction oratoire,
t'otte du vrai descendant sur nous par l'entremise d'une
voix vivante, sous une forme vivante, comme un exem-
pte concret et pratique voita ce qui, au milieu do toutes
nos fonctions d'écrire et d'imprimer, a sa place éter-
n"tte. Puisse seulement l'orateur retrouver le fait
retirer de son nez ses vieilles lunettes et levant les yeux
découvrir, presqu'en contact
avec lui, ce qu'est aujour-
<i)ui le ~c/ satan, le diable dévoreur d'âmes, dévo-
reur du monde Le péché originel et le reste sont certes
<!c mauvaises choses, je n'en doute pas mais te gin
distillé, la sombre ignorance, la stupidité, la sombre
ttti surte blé, la bastitto et compagnie, qu'est-ce donc!
Notre orateur f<ï- découvrir notre nouveau et réel
satan, qu'il a à combattre; ou bien va-t-il continuera
oasUter, avec ses vieilles lunettes sur son nez, des
phrases sur tes satans depuis
longtemps disparus ne
wn'a-t-it jamais le réet jusqu'à ce qu'il le sente lui serrant
!a gorge et la nôtre avec? C'est !& une question, pour
l'univers entier Ne nous en mêlons point ici.
Si triste, si illusoire
que nous apparaisse cette double
in'istocratiede directeurs et de gouverneurs, il est bon
cependant que tous les hommes sachent que l'objet
qu'ette se propose est et demeure noble et essentielle-
ment réel. Poussière-sèche, qui ne regarde que la sur-
face, commet une erreur grossière au sujetde ces anciens
rois. Guillaume le Conquérant, Guillaume Rufus ou Bar-
berousse, Curthose lui-même, bien plus encore Henry
Beauclerc et notre brave Henry Ptantagenet: la vie de
ces de vautours leur
hommes nefutjjas un. combat
vie fut un gouvernement plein de valeur, auquel à l'oc-
casion, le combat dut.(comme hélas, il doit encore, bien
NM t.R PASSE NTM ~SENIf

que beaucoup plus rarement aujourd'hui) s'ajouter


comme un accident, une adjonction entravante et mal-
heureuse. Le combat, on outre, était indispensable pour
déterminer à qui revenait le pouvoir et sur qui – à qui
revenait le droit et sur qui. Gr~ce a maint rude combat,
comme noua l'avons dit, « les irréalités, réduites en
s'envolaient graduellement a et faisaient
poussière,
an fait « Toi, plus fort que
place à la simple réalité,
moi toi, plus sage que moi toi roi, moi ton sujet »
sous une forme plus claire. Vraiment, nous ne saurions
dont, en leur temps, cet abbé
trop admirer la manière
Samson, ce Guillaume le Conquérant avaient organisé
leurs classes
gouvernantes. Il est hautement intéressant
d'observer comment, chez <x, la constatation sincère
de ce qui, de première nécessité, devait être accom-

pli, les avaitconduits à en tenter l'accomplissement, et


au cours du temps, le leur avait fait accomplir Aucune
aristocratie imaginaire n'eûtfaitteur affaire, etparsuite,
ils en constituèrent une récite. Les hommes tes plus
braves, qui sont aussi, en somme (il faut toujours te

répéter et l'avoir présent à la mémoire), tes plus sages,


les plus forts, de toutes façons les meilleurs, avaient
alors été choisis avec une rare
pénétration à chacun
avait étéconuée sa portion de territoire, d'abord prêtée
puis graduellement donnée afin qu'il y pût gouverner.
Ces vice-rois, installés chacun sur une portion du terri-
toire connu de l'Angleterre, avec un roi en chef au-
dessus d'eux, constituaient vraiment, à un étonnant
degré, une « virtualité perfectionnée en actualité ».
Car les temps étaient rudes, alors; pleins de gravité,
de la forte vérité de Dieu; en tous cas la ~orn~a~ était

~dïcibtëment ptus~MMCc qu*àùjourd'hut te TaKs'abat-


tait rapidement sur les hommes si, a un moment donné.
~P<
>». 88<
ARMMCRMKS

ils cédaient au fantôme Les « coquins et les lâches »


étaient forcément « arrêtés a en quelque mesure sans

quoi le monde, presque dans la même année, dans -la


même journée, sentait
qu'il ne pouvait plus vivre. En
conséquence les coquins et les lâches étaient arrêtés.
Les lâches étaient arrêtés jusque sur le trône et jetés en
bas du trône -par les moyens dont on disposait alors,
par le plus rude des moyens, s'il ne s'en trouvait pas
de plus doux Sans doute, il y avait une grande dureté
de procédé, une grande rigueur, car ù vrai dire, le gou-
vernement, comme la chirurgie, fait souvent preuve de
quelque rigueur. Gurth, né serf de Cédric, recevait sans
doute des coups aussi souvent que les éptuchuros
laissées par les porcs, s'il se comportait mal, mais
(turth appartenait à Cédrie nutte créature humaine
n'était alors sans lien aucun avec personne, livrée a elle-
même pour s'acheminer vers les Bastilles ou pis
encore, sous la loi du /<!<ssM-/<M~c réduite à prouver
sa parenté en mourant du typhus – Le <
jour vient où
il n'y aura plus de roi d'Israël: mais où chacun sera son
propre roi et fera ce qui apparaîtra comme bon à ses
propres yeux – où des barils de goudron seront bru-
tés a la « liberté », à la « franchise de dix livres "et
autres choses semblables, ce qui produira un effet con-
sidérable sous divers rapports 1
Cette aristocratieféodale, dis-je, n'était point ima-
ginaire. Ses JaWs, ceux que nous appelons maintenant
comtes, étaient, et cela, à un degré digne de respect,
les forts en fait aussi bien qu'étymotogiquément. Ses
ducs étaient bien des dirigeants ses seigneurs, des
c~cp~m~e~n~~sa'ent.dans~~ J~.IUfy~LJ~
besogne de soldats, se chargeaient de la police,
jugeaient) rendaient les lois, et jusqu'à l'extension de
L .381 MPASSÊ-ETJLE.PatSSEKT

l'Église leur incombait tout ce qui, en fait de gouver-


nement, de direction et de protection être fait,
pouvait
l'était par eux. C'était une aristocratie terrienne, elle
s'occupait de gouverner le peuple anglais et recevait
les produits du sol en retour. C'est en maint sens la
loi de la nature –
que cette loi de la féodalité pas
d'aristocratie légitime sinon celle qui possède la Terre
Ceux qui en seraient curieux sont invités à méditer là-
dessus, de nos jours. La besogne militaire, la police,
la justice, l'extension de l'Église, en somme le gouver-
nement et ta directionréels, tout cela était alors effec-
tiv ement ea~cMM par les détenteurs du sol en retour du
sol qu'ils détenaient. Combien y a-t-il aujourd'hui de
ces besognes qui soient faites par eux qui soient faites
par quelqu'un ? Justes cieux « Laissez faire, ne faites
rien, mangez vos appointements et dormez », voit~
partout le cri passionné, à demi-sage, de notre temps,
et t'en ne se borne pas même à ne rien faire, il faut
qu'on fasse des lois sur le bté Nous cin-
prélevons
quante-deux millions, versés par la totalité de nous,
afin d'assurer l'existence de notre gouvernement ou
hélas, pour nous persuader qu'il existe et <' la charge
qui incombe en particulier au sol » c'est de payer, non
tout cela; mais, à ce qu'on me dit, la vingt-quatrième
partie de tout cela. Notre prochain Parlement Char-
tiste, ou Olivier ~ef<MMHS, me direz-vous, saura sur
quoi faire porter les nouvelles taxes de l'Angleterre
Mais des taxes ? Si nous faisions
quoi, payer aux déten-
teurs du sot, comme autrefois, jusqu'au dernier schil-
ting des frais qu'occasionne le gouvernement du sot< 1
J~J~L~i P'~9 s~ î ~pays ne peut_pas. être .J
gouverné par de simples gouverneurs salariés. Vous ne
pouvez pas louer des hommes pour gouverner le pays
AMSMCBMMs aaa

c'est en vertu d'une mission, non pas contmetêe & la


Bourse du commerce, mais ressentie au fond de leurs
cœurs comme venant du Ciel, que tes hommes peuvent
gouverner un pays. La mission d'une aristocratie terri-
toriale est chose sacrée dans les deux sens de ce vieux
mot. De la base sur laquello eue repose à présent,
d'autres pensées doivent s'élever que celtes de la toi sur
le blé.
certes, une « splendeur de Dieu » comme disait
Guillaume le Conquérant dans son rude serment,
rognait sur ces anciens âges incultes mais pleins de
voracité elle pénétrait, sans cesse davantage, d'une
eetcste noblesse, tous les départements de la vie et du
travail. Les fantômes ne pouvaient pas encore se pro-
mener revêtus des confections d'un tailleur c'était du
moins des fantômes « à la lisière de l'horizon des-
sines th par un rayon de lumière éternelle, venu du
dedans. Un culte des héros, essentiellement pratique,
se poursuivait inconscient ou à demi conscient.
partout,
D'un moine Samson, ayant au plus deux schillings
dans sa poche, on pouvait faire sans urne de scrutin
un vice-roi, après l'en avoir jugé digne. La différence
entre un homme bon et un mauvais était alors sentie
être, ce qu'elle est h jamais, incommensurable. Qui
aurait alors osé élever un Pandarus & une
Dogdraught'
charge quelconque, au club Carlton, au sénatoriat ou
& toute autre
place ? On sentait que le malin Satan, et
nul autre que lui, avait un légitime droit de propriété
sur Pendarus on sentait qu'il valait mieux n'avoir rien
à démêler avec Pandarus, éviter le voisinage de Penda-
'L~st~encoreA~etteL heure, Ie_fait~dan& toute-~
sa réalité,
quoique présent, hétas, le fait bien oublié. Je
1. Pendard, chenapan.
a84 MM~N't.EMtESB!)~

tiens que c'était des temps comparativement bénis, ces


temps lointains, à leur manière « Violence, guerre,
désordre » soit, qu'est-ce que la guerre, la mort elle-
même auprès d'une perpétuelle vie au sein de la mort,
etd'une « paix-paix 1 la où il n'y a pas de paix A moins
que quelque culte des héros, sous une forme nouvelle
et appropriée, ne nous revienne, ce monde ne semble
pas promettre d'être longtemps habitable.
Le vieil Anselme, exilé comme archevêque & Canter-
bury, une des âmes les pluspures qui furent jamaisparmi
les « hommes de génie o, s'acheminait jadis vers Rome
pour en appeler contre le roi Rufus homme plein de
rudesse en qui le « rayon de lumière ne luisait que
fort irrégulièrement. C'est un beau récit que celui du
moine Eadmer racontant comment les populations du
continent vénéraient et acclamaient cet Anselme, plus
que la population française ne vénère aujourd'hui Jean-
Jacques ou Voltaire, ce tueur de géants, bien plus
même que la population américaine ne vénère aujour-
d'hui un Schnüspel, le romancier distingué. Les gens
avaient alors, grâce à leur imagination et à leur vue
saine, la conviction la plus intense que quelque grâce
de Dieu était avec cet Anselme ce qui est aussi
une conviction. On s'attroupait autour de lui, à genoux,
le cœur enflammé, pour recevoir sa bénédiction, enten-
dre sa voix, voir la lumière qui rayonnait de son visage.
Qu'ils soient bénis, eux et lui Mais ce qu'il importe dé
mentionner c'est l'histoire d'un certain duc de Bourgo-
gne qui, nécessiteux ou avide (en tous cas gêné dans
ses affaires, espérons-le pour lui), songea que selon
toute vraisemblance, çeL archevêque d'Angleterre,
ailant à Rome .pour en appeler, devait avoir fait provi-
sion d'argent pour corrompre les cardinaux. En consé-
AMSTOCM'fMS 385

quonce, le duc de Bourgogne, pour sa part, décide de


se mettre en embuscade et de piller l'archevêque. « Au
milieu d'un bois », de quelque « bois a alors
verdoyant
et en pleine sève, en pays bourguignon, il y a de cela huit
siècles – voilà ce duc féroce entouré de compagnons
armés et non moins féroces, tous velus, sauvages,
comme des ours de Russie, à fondre sur
qui s'apprêtent
le faible vieillard Anselme tout seul,
s'approchait,
monté sur son petit poney à l'allure sauf
tranquille
quetque menue monnaie d'argent de route, le vieillard
n'avait pas une pièce d'or sur lui. L'ours de Russie, cou-
vert d'acier, bondit, avec des yeux menaçants –. !e vieil-
tani barbe blanche ne s'arrête même pas, il continue
!< route, aussi tranquille, scrutant le duc de ses clairs
yeux de vieillard, de son regard grave, tournant vers lui
sou visage vénérable,
plein de tristesse et ravagé par
le temps, son visage dont aucun être ni aucune chose
ne saurait avoir peur, mais
qui ne trahit la peur devant
aucun être ni aucune chose. Les yeux flamboyants de
Sa Urace de Bourgogne rencontrent les clairs regards
du vieillard, ils pénètrent son cœur le duc
jusqu'à
s'avise qu'en cet être faible, blanchi
par l'âge et qui ne
connaît pas la peur, il y a sans doute chose
quelque
qui vient du Très-Haut que lui, il sera sans doute
damné s'il porte la main surcevieillard-qu'en somme,
il vaut mieux n'en rien faire. Il fait un
saut, le rude
sauvage, et, de son cheval de guerre, it retombe à
genoux il baise les pieds du vieil Anselme lui
demande & son tour sa bénédiction il ordonne a ses
hommes de l'escorter, de veiller. à ce ne le
qu'on
depouiUnpas-et sous~ peiae-de châtiments ~embtës 'de
l'amener
sain et sauf à sa destination. Pcr os Déi,
comme avait coutume de dire Sa Majesté 1
aM ~E PASSEET MPR~SEST
Cette auereHe
querelle entre
entre Rufua
Rufus et Anselme
Anselme, entre
Henry
et Beckot n'est
pas sans nous fournir un enseignement.
Ce fut, en somme, une querelle importante. Car, en
admettant qu'Anselme eût été l'objet de la grâce divine,
il n'avait, en aucune façon, toutes les formes de la
grâce divine accumulées en lui bien d'autres formes
étaient possibles, en outre, auxquelles il ne songeait
guère et Guillaume Barberousse s'en trouvait incon~
sciemment être le représentant, l'organe. En vérité, si
au lieu du divin Anselme, le divin Pape Grégoire avait eu
gain de cause, cela aurait eu des résultats très notables.
Notre monde occidental tout entier serait devenu un
Thibeteuropéen, avec un grand Lama siégeant à Rome;
l'unique occupation honorable pour nous, eût été celle
de chanter la messe, jour et nuit. Ce qui ne nous eût

pas agréé le moins du monde. Les puissances suprêmes


n'ont pas voulu qu'il en fût ainsi.
Imaginons le roi Barberousse, inconscient, s'adres-
sant à Anselme, Uecket et les autres et leur disant
Mes Révérends, votre théorie de l'Univers ne saurait
vous être contestée ni les hommes ni
par par le
diable. Dans le
plus profond de notre cœur nous
sentons que cette chose divine, vous
que appelez
notre mère l'Église emplit tout l'Univers connu jus-
qu'ici, qu'elle est et sera tout notre saint, tout notre
désir. Et cependant et cependant bien
voyez,
que ce soit là un secret non révélé, le monde est plus
vaste qu'ucun de nous ne l'imagine, mes Révérends! 1
Une sainteté sans limites réside dans ce que vous
appelez paganisme, choses du siècle ï En,somme, j'ai
en~oi le~entiment obscur~mais ~rofondément~en!
ciné, que je ne peux pas m'entendre avec vous. Un
Thibet occidental et le chant de la messe à perpë-
AMMOCM'HES"

tuité? Non – je suis, pour ~insi en état de


parler,
grossesse jo porte dans mes flancs je ne sais
– pas
quoi mais certainement chose de tout
quelque
différent de ce que vous me faites entrevoir J~' os
dei, les filatures de coton de Manchester, les métal-
turgies de Bromwicham. les
Républiques américai-
les Empires de l'Inde, les machines à vapeur,
tes drames de Shakespeare dans mon sein
s'agitent
et je ne peux pas en accoucher, mes Révérends En
conséquence le jugement fut prononcé le saxon
Bceket versa son sang dans la cathédrale de Canter-
bury, comme l'Écossais Wallace sur la colline de la
Tour ce qui est, en général, le sort de tout âme noble,
de tout martyr ce qui n'a jamais lieu en vain; certes
non. jamais, mais ce qui a lieu dans but divin.
quelque
tout autre que celui qu'avait entrevu le M< Nous
allons quitter maintenant ces rudes siècles de la féoda-
lité, pleinement organisés mais limités dans leur
gran-
deur nous allons jeter un regard timide sur ces siècles
de l'industrie, colossaux, encore inorganisés
jusqu'ici,
à l'état tout à fait
pulpeux, trahissant un besoin déses-
père de se solidifier, d'atteindre à quelque forme d'or-
ganisation
Notre Épopée étant devenue aujourd'hui les outils et
MowfMe, il est plus que jamais impossible de prédire
t'avenir. L'avenir illimité s'étend devant nous, prévu,
que dis-je? réalisé déjà quoiqu'invisible recélant,
parmi des Mondes de Ténèbres, « la joie et le bon-
heur mais l'intelligence de Fhomme le plus remar-
quable n'en peut entrevoir que peu de chose,: seuls,
J'Mtettigenc~ et Ïes~<ïopts rétMHs de toas ies hommes;
toutes les générations
jae à venir, le pourront graduel-
1 1. Towerhill.
`.
988 M MSSË EftR POSENT

lement entrevoir, le' verront sous la forme d'un fait tan-


gible 1 En écarquillant nos yeux vers cet avenir, le plus
suprême effort de l'intelligence ne nous permet que de
distinguer sa pâle aurore, un petit sentier à travers
ses énormesprofondeurs des contours gigantesques
sont tout ce que la vue distingue !e rayon prophétique
s'évanouit à une courte distance. Mais ne pouvons-
nous pas dire, là comme partout A chaque jour suffit
sa peine Tracer tout l'avenir n'est pas le problème qui
nous incombe, mais seulement d'en tracer fidèlement
une petite partie, d'après des règles déj& connues.
serait peut-être possible à tous ceux d'entre nous qui
voudraient s'en informer avec le sérieux voulu, de s'as-
surer pleinement, de ce que, pour leur compte, ils ont
à faire cela trouvé, puissions-nous, dans la sincoiM
de notre cœur le faire et ne pas cesser de le faire. Pour
le résultat définitif, nous pouvons nous reposer sur une

intelligence plus haute que la nôtre et qui s'en est


chargée jusque ce jour.
Au point où en sont les choses, peut-être les lecteurs
sérieux sont-ils à même d'entrevoir par eux-mêmes,
un grand « trait') ou même deux- et d'en tirer quel-
que profit pour se diriger. H y a telle prédiction, deux
même, qu'il est déjà possible de faire. Car l'arbre de
Vie, Igdrasil', à travers toutes ses nouvelles ramifica-
tions, demeure toujours le même arbre de Vie, vieux
comme le monde il a trouvé à s'assimiler quelques
éléments de notre univers, il s'étend depuis les

Royaumes d'HeUa où il plonge ses racines dans l'autre


de Mime et des trois normes du temps, jusqu'à nos

coeurs, que son ombre a gagnera t'heure~résente,


sorte que nous concluons que les choses continueront
i. Vr. tes Héros où il est déjà fait aUmion à ce mythe.
.ANSTQMt&ttES ~aR~

ainsi. L'homme possède, en son Ame même, l'éternité


il peut y déchiffrer quelque chose de l'éternité, s'il veut
regarder en lui-même J[! sait déjà ce qui continuera
d'être; et aussi ce qu'on ne saurait, par tous les
moyens, tous les efforts possibles, faire continuer! 1
Un « trait un grand trait, devrait vraiment, do
toutes parts, nous apparaître distinct; à savoir ceci
Que sous une forme ou l'autro la « splendeur de Dieu
devra sortir du sein de notre sièclo lui
industriel,
aussi sinon il n'atteindra jamais à « l'organisation »
mais il demeurera dans le chaos, dans la détresse, de
plus en plus malheureux et affolé, il sera condamné a
se détruire par !o suicide. Un second « trait 't, une
deuxième prophétie, de moindre mais
importance,
d'une certance elle aussi, ne se
importance néanmoins,
)aisso pas entrevoir avec moins de certitude C'est
(]u'a nouveau, il y af~'a un roi en Israël une fa~on
d'fn-dre et de gouvernement et tout homme se verra, en
quelque mesure, contraint de faire ce qui paraîtra bon
aux yeux du roi. Cela aussi, nous le tenir pour
pouvons
un élément certain de l'avenir; car cela aussi fait partie
de t'Hternité cela aussi est réalisé dans le présent
quoique caché aux yeux de presque tous les hommes
et sans cela, aucune fibre du passé n'eût pu être. Une
souveraineté actuelle en même temps que nouvelle,
une aristocratie industrielle, réelle et non imaginaire
aristocratie voilà ce qui est pour nous chose indis-
pensable et il est indubitable que nous l'aurons.
Mais quelle aristocratie! basée sur des conditions
nouvelles, bien autrement complexes et judicieuse-
ment étabttes
que celtes sur quon'eppsMtJ'ancienne~!
Car il faut nous mettre dans la tête que l'épopée n'est
plus les armes et f/tOM~e, mais les outils et l'homme –
390 MPA8~BT!.BJfN6SBST

épopée inQniment plus vaste. Et il faut aussi nous


mettre dans la tête que l'homme ne peut plus être lié à
l'homme par des colliers de fer – non, èn aucune
façon la méthode des colliers de fer, sous toutes ses
formes a disparu de l'Europe à jamais! La légion
démocratie, circulant partout à travers les rues dans
son Habit-Sac, a proclamé cette vérité, irrévocablement
sans souffrir do réponse Il aura beau faire, l'homme
<t<ra éternellement l'esclave de certains hommes, !o
maître de certains autres
et l'égal d'autres encore
qu'il convienne ou non du fait. C'est le malheur, pour
lui, s'i! no peut pas convenir do ce fait; l'homme alors
est plongé dans !e chaos, prêt à périr, jusqu'à ce qu'it
ait convenu du fait. Mais nul homme n'est et no pourra
être désormais l'esclave d'un autre
par le moyen du
collier de fer il faudra l'enchaîner par d'autres, par de
bien plus nobles et sages méthodes. Une fois pour
toutes, il faut lui ôtcr le collier do fer, le laisser circutcr,
libre, dans un champ aussi étendu que le sont aujour-
d'hui ses facultés no voyez-vous pas qu'il n'en sera
que plus utile pour vous, dans ces conditions nou-
ve!ies? Laissez-le s'éloigner comme un homme libre,
qui a toute votre confiance il rentrera le soir au logis
rapportant un riche butin 1 Gurth ne pouvait que soi-
gner les pourceaux votre homme construira des viHes,
conquerra de vastes mondes. Comment, conjointe-
ment a l'inévitable démocratie, l'indispensable souve-
raineté pourra-t-e!!e exister'? Certes, c'est là la plus
gigantesque question qui ait jamais été jusqu'à ce jour
posée a l'humanité La solution sera t'œuvre de lon-
gues années, de longs siècles. Ces années, ces siècles,
hu! ne M)H de quc!ÏM~tatureri!s seront heureux ou mat-
heureux suivant que par leur effort sérieux et vaiHant,
'A. t.
AR~MSR~M~
les hommes feront avancer –
quelque peu !a question
ou bien que. fainéants, dans tour insincérité de dilet-
tantos, ils se borneront à parler de faire avancer le pro-
b)eme. Car désormais, c'est une nécessité soit un
progrès vers la solution, soit un progrès de plus on
plus rapide vers la dissolution.
est de première importance que cette grande
réforme commence que tes débats rotatifs a la loi sur
le blé et autres qui no sont guère moins que
jargons,
du délire a une époque comme la notre, s'envolent
bien loin et nous laissent le champ libre pour com-
mencer
Car le mal est devenu tangible, il saute aux yeux si
l'on n'yveiHo et n'y remédie, avant peu le plus aveugle
dt'ssots no pourra faire autrement que de le voir. Bien
dps choses
peuvent attendre, mais il en est aussi qui ne
sauraient attendre. Quand des millions de travailleurs
impatients sont emprisonnes dans une « impossi-
hitité dans des bastilles, résultat de la loi sur tes
pauvres il est temps que quelques moyens d'aviser au
sort de ces hommes, deviennent enfin « possibles
Devant le gouvernement anglais, devant tous les fonc-
tionnaires parlant un langage articulé, devant toutes
les aristocraties récites ou imaginaires, devant moi
comme devant toi la question se pose impérieuse
Que comptez-vous faire pour ces hommes? Où
pourront-its trouver une existence supportable ?
Qu'adv iendra-t-il d'eux et de vous ?
CHAPITRE !t

COMITË DE CORRUPTION

Lors du récent Comité de Corruption, la conclusion


des plus sains
esprits pratiques parut être que la cor-
ruption ne pouvait être abolie; élection
qu'une pure
était chose dont nous avions vu la fin et dont nous
devions désormais nous du mieux nous
passer, que
pourrions. Conct' aion qui ne laisse pas de nous éton-
ner pour nous réconcilier avec laquelle, au premier
abord, il faut un esprit pratique bien trempé semble
ainsi que. dorénavant, nous devions être constitues
non pas par suite du mérite
législateurs, que nous pos-
sédons, ou même du mérite que nous pourrions
paraî-
tre posséder, mais par suite de la longueur de notre
bourse et de notre franchise, de notre impudence et de
notre dextérité à en étaler le contenu. Notre théorie,
consignée dans tous les livres et dans
tous les codes,
huriée par toutes les bouches Masonnées, c'est la
pureté absolue de la franchise des Dix Livres, !a parfaite
sincérité de la question –
posée et de la réponse faite
mais notre pratique, c'est l'irrémédiable corruption,
irrémédiab!e/ impunissable si~ vous essayez de !a
punir vous -amènerez p!us de ma! que de Mch rCohc!u-
sion bien étonnante, encore une fois, qui, quoi qu'en
jE<attT6 BEjceaaapHON J- 999

puissent penser les plus sains esprits pratiques du par-


lement, invite tous les à des méditations de
Anglais
diverses sortes.
Un parlement, pourra-t-on penser, qui se proclame
étn et éligible par la corruption apprend à la nation
qui est gouvernée par lui une singulière nouvelle. Cor-
ruption avons-nous réftéchi h ce qu'est la corruption? °
Corruption ne veut pas seulement dire longueur de
bourse (ce qui n'est ni quatincation ni le contraire pour
bien – mais cela veut dire
gouverner) déloyauté,
même impudente déloyauté insensibilité d'airain pour
mentir et faire mentir les autres oubli total do toute
chose rce!!e que vous pourriez véracité ou
appeler
oxu'aUté et, dans ce but, rejet de tout cela par-dessus
bon! en même temps, dextérité ù revêtir les insignes
<)c cette chose réelle et ù se pavaner ainsi vêtu 1 Quel
gouvernement pouvez-vous tirer d'un homme, dans
cette fatale situation? Aucun qui vous pronte beau-
coup, on peut le penser Un gouvernant qui a luissé sa
véracité couchée sur le seuil de sa porte, cet homme,
oui, cet homme en personne, devra être envoyé dehors
y rechercher sa véracité 1
Ciel, que! progrès! Si jamais nous avions régunerf-
!nent installé dans Bowning-Street, un bureau ouvert
avec !c tarif des bourgs 1 Telle et te!!é population, telle
somme d'impôt foncier, de revenu du sol, telle impor-
tance de commerce rapport, deux membres, rapport
un membre contre tant d'argent versé tant
Ipswich
de milles, Nottingham tant-selon que l'un après l'autre
ils se trouveraient cotés dans ce nouvel inventaire de

Bowning-Streetj Progrès mcaIcuiaNe, en cpmpara!


son car ainsi du moins vous atteindriez votre but régu-
herement, par la longueur de votre bourse et vous lais-
?4 MM8SËBTHt'ReSE!iT
~< Nt "U
-1.1 1.- 1
seriez la déloyauté, l'impudence, la fausseté, toutes
dehors. La longueur de bourse et le désir de devenir
législateur doivent mener un homme au Parlement,
non pas avec mais.s'it y a moyen,sans la fausseté, l'im-
pudence et la dé!oyauté La longueur de bourse et !e
désir, quant à la qualification intrinsèque, sont, correc-
tement, des valeurs égales à zéro, mais ce n'est pas
encore moins que zéro ce que les rendraient la
moindre addition des trois valeurs ci-dessus nommées
Et en sommes-nous la? Et notre vénérable Parle-
ment s'annonce-t-il comme élu et éligible de cette
manière ? Certes un tel Parlement d'étran-
promulgue
ges horoscopes sur lui-même 1 Qu'adviendra-t-il d'un
Parlement élu ou éligible de cette manière ? A moins
que Belial et Bee!zebub n'aient pris possession du
trône de notre univers, un tel Parlement se prépare
a de nouveaux Bills de réforme. I! nous faudra l'éprou-
ver par le Chartisme, ou par n'importe quelle chose en
isme, plutôt que de le supporter te! H! y a dcj!t en
Angleterre assez de « religion » pour amener a se réunir
un conseil de six cent hommes
cinquante-huit qui ne
se mettrontjo<M~I'œuvre, un mensonge à la bouche.
Notre pauvre vieux Parlement, vieux de plusieurs mi!-
liers d'années, est encore bon a quelque chose, à plu-
sieurs choses – de nos jours,
quoique beaucoup
commencent à demander avec une anxiété de mauvaise
augure « Bon à quoi Mais à quelque chose ou
choses que le Parlement soit bon, il est indiscutable
qu'il lui faut se mettre à l'oeuvre avec autre chose qu'un
mensonge à la bouche 1 En fin de compte, tout Parle-
ment qui travaillera, un mensonge à la bouche, devra
~eiëCt~ryNt~~h Parlement, ~IS~iën dont ôtta!~
entendu cet univers n'a longtemps
parler, prêté abri
1.
,r.,
MMM& meMMMtMKM a9&

dans ces conditions. A toute heure du jour et de la


nuit quelque ohartisme s'avance, quelque Cromwell
armé s'avance pour déclarer à un tel Parlement
« Vous n'êtes pas un Parlement. Au nom de Dieu,
retirez-vous »
C'est une triste vérité, encore une fois, mais de nos

jours notre existence toute entière est bâtie sur le


eant, la spéciosité, !a fausseté, le dilettantisme; avec
cette seule véracité sérieuse on elle le Mammonisme
Creusez où vous voudr ez, à travers le plancher du Par-
lement ou ailleurs, infailliblement, à une profondeur de
ht~che au-dessous du devoir rempli, vous rencontrerez
cet universel substratum, le rocher des M!e~0M~
Beaucoup du reste est pur
ornement c'est vrai dans
les bouches b!asonnées, dans les chaires, les hustings,
sur les bancs du Parlement mais ce qui est à jamais
vrai et encore plus vrai, c'est ceci « L'argent assure la
\:))cur qui s'estime en argent, mettez de l'argent dans
votre bourse ? »
Si elle l'est encore
quoique part, c'est ici, sur ce
point, que l'âme humaine est absolument sérieuse, sin-
c&re d'une sincérité do prophète et « l'enfer des

anglais », comme dit Sauerteig, « c'est l'infinie terreur


de ne pas réussir, en particulier, de ne pas gagner d'ar-
gent ». Et cela porte ses fruits 1
Il y a beaucoup de gens que l'horoscope du Parlement
intéresse plus que moi mais certainement tous les
hommes une
âme seront
possédant forcés d'admettre
qu'envoyer des membres au Parlement par la corrup-
tion, c'est un infâme solécisme un acte entièrement

immoralauquel~aucun homme ne se sera plus ou m<Mns


mêlé sans se salir plus ou moins les doigts. Il.n'est ni
Carlton Club, ni Club de Réforme, ni aucune espèce de
396 t,E PASSE ET LE Pt~SBUT

club ou de créature, ni' d'opinions accréditées ni de


procédés, qui puisse faire d'un mensonge une vérité,
de la corruption, une Le Parlement devrait
propriété.
vraiment, ou punir et chasser la corruption, ou la léga-
liser par l'institution de quelque bureau dans Bowning-
Street. Aussi vrai que je lis l'Apocalguse, un Parlement
qui ne peut faire ni l'un ni l'autre, n'est pas dans une
bonne voie. Et pourtant, hélas, qu'allons-nous parler
de Parlements et de leur élection ? Les élections parle-
mentaires ne sont que la plus haute, l'ultime expres-
sion d'un mode d'élection usité à toute heure, en tout
lieu, dans toute réunion de deux ou d'un plus grand
nombre d'hommes. C'est nous qui votons mal et qui
apprenons aux pauvres citoyens loqueteux des bourgs
à mal voter. Nous témoignons du respect à ceux qui ne
sont dignes d'aucun respect.
Pandarus n'est-il
Dogdraught pas membre des clubs
sélect, n'est-il pas admis dans les salons ? C'est visible
pour tous qu'il fait partie du rebut de la création mais
il porte de l'argent dans sa bourse, le vernis requis sur
son visage de chien, et l'on a tout lieu de
supposer qu'il
ne volera pas les cuillers. humaine ne va pas,
L'espèce
d'un commun accord, imitant le psalmiste hébreu,
« fuir les lieux où se rend » refuser abso-
Dogdraught,
lument de dîner avec Dogdraught; lés hommes qu'on
appelle hommes d'honneur sont tout disposés h dîner
avec lui, sa conversation étant animée et son champa-
gne excellent. Nous pensons en nous-mêmes « Cet
homme est de la bonne d'autres ont
compagnie
déjà voté pour lui, pourquoi ne le ferions-nous
pas l'»
Nous oublions le droit de inaliénable
propriété que
~Satan poâsëdH eu Dogdraught – noùaTnë redoutons
pas d'approcher Dogdraught C'est nous qui votons
COM!TËt)E ConRUPIMX

mat, aveuglément, avec une fausseté prémédites C'est


nous qui oublions la différence entre la dignité humaine
et l'indignité humaine qui ne sentons plus que l'une
est admirable, seule admirable, l'autre détestable, dam-
nable Comment des gens comme nous découvriraient-
ils un héros ou un vice-roi Samson avec un maximum
de deux schillings dans sa poche? Nous n'avons aucune
chance. Nous sommes sortis des âges de l'Héroïsme,
entrés profondément dans ceux du Vatétismo il nous
faut rebrousser chemin ou mourir. Quelle noble race de
mortels nous composons, nous qui, parce qu'il n'y a pas
de saint Edmond qui nous menace a la lisière de l'ho-
t'ixon, ne craignons pas d'être ce que, suivant le jour et
l'heure, il nous est le plus avantageux d'être 1
Et maintenant, en toute franchise, un
pourquoi
citoyen pauvre et sensé accorderait-il son vote sans se
vendre ? Rendons plutôt honneur au pauvre homme de
ce qu'il discerne clairement où réside
pour lui le vrai
nuyau de t'affaire. Qu'est-ce que cola peut faire au pau-
vre citoyen loqueteux et barbouillé d'un bourg de dix
livres de franchise, que M. Aristide Amphigouri-
que membre du parti destructeur, ou l'honorable
Alcide Fait-peu-de-chose du parti conservateur, soit
envoyé au Parlement? et bien plus, que lui importe que
!:< deux-millième partie de ces individus soit envoyée
au Parlement, car telle est la proportion dans laquelle
il y peut contribuer? Destructeur ou conservateur que
pourront-ils, Fun ou l'autre, détruire ou conserver qui
soit d'un intérêt vital pour ce pauvre homme? A-t-it
trouvé chez l'un ou chez l'autre, au fond, le moindre
.Y~
i. Worth and Unworth, MtMfa!emont Vateof et invateur.
2. mgEMfeïe, conte à dormir debout.
3.6otime.
368 1. t~j pASSÊ ET LE PR&SEM

souci de lui-même ou de ses intérêts, ou de ceux de sa


classe et de son parti, ou d'une classe et d'un parti quel.
conques ayant quelque valeur devant Dieu ou devant les
hommes ? Amphigourique et Fait-peu-de-chose se sont
jusqu'ici, l'un comme l'autre, souciés d'eux-mêmes, de
leur propre clique et de leurs vaines billevesées, – de
leurs graisseux, déshonnêtes intérêts -de pudding, de
leurs venteux, déshonnêtes intérêts de vantardise; mais
pas beaucoup de n'importe quel autre intérêt, en tant
que je puis le découvrir. Ni Amphigourique ni Fait-peu-
de-chose ne feront du bien ou du mal à ce
pauvre
citoyen barbouillé, qu'en lui donnant un chèque de
cinq livres ou en le lui refusant. Ce sera plus avanta-
geux de voter d'après les sommes reçues. Voilà le fait
véritable et celui qui est indigent, tout comme ceux
qui ne le sont pas, agissent conformément à cela.
Eh bien, lecteur, à parler s'ils te
franchement,
demandaient, à toi ou à moi, pour
lequel nous enten-
dons voter Notre réponse la plus probable ne ser ait-
elle pas « Pour aucun des deux. Moi qui jouis de la
franchise de dix livres, je ne me laisserai
pas acheter,
mais je ne veux plus voter pour aucun de ces hommes.
Ni Amphigouriqueni
Fait-peu-de-chose, n'iront, envoyés
par moi, faire des lois pour ce pays. Je ne veux pas
mettre la main à une pareille Comment
besogne.
oserais-je ? Si on ne peut par trouver d'autres hommes
en Angleterre, une sorte d'hommes tout autres, diffé-
rents de ceux-ci comme la lumière de l'obscurité,
comme le feu des étoifes diffère de la boue de la
rue, à
quoi servent les votes ou les Parlements en Angleterre ?
faut que se rés'gne; H n'y a ni j38- L
poir nt possibilité pour elle. SH'Angleterre ne peut
faire que ses coquins et ses lâches soient « arrêtés »

1
COMTE CE COMtUPMO~ 30&
– ~<')~ ~-t n
en quelque mesure, mais s'ils ne sont qu* « é!us
de !'Angteterre ?
qu'adviendra-t-il
Je conclus, en toute conuance, que l'Angleterre devra
vraisemblablement mettre fin aux corruptions de ses
assemblées électives ou autres, à quelque prix que ce
soit.; et de môme, que nous tous, électeurs et é!igib!es,
tant que noua sommes dans notre propre intérêt et
dans celui de notre pay s, nous ne pourrons trop tût
commencer à quelque prix que ce soit, à mettre fin aux
c<M'MpMM<Ms qui sont en nous. La lèpre de mort, atta-
quée de la sorte, a ~extérieur par des lotions puri-
fiantes et à l'intérieur par le ralliement des énergies et
des puretés vitales, se laissera probablement enrayer
quelque peu Eito n'a, par d'autres moyens, aucune
chance d'être enrayée.
CHAPITRE !H

L'UNIQUE INSTITUTION

Que pourrait-on attendre que le gouvernement


accomplît ou tentât pour rendre l'existence des mil-
lions de travailleurs un peu moins anormale, un peu
moins impossible 2?
Avec notre système actuel
du mammonisme ind'-
viduel, du gouvernement par le laissez-faire, cette
nation ne peut pas vivre. Et si, durant l'intérim infini-
ment précieux, nous ne trouvons pas quelque remède
ou quelque autre moyen de vivre, nous ne devons pas
compter jouir d'une seconde de répit. Pendant ce
temps, l'ombre
s'avance, petit à petit, sur le cadran.
Ce que le gouvernement peut~aire? Ce qu'on appelle
l' « organisation du travail », si c'est.là, on le comprend
bien, ce qui constitue le problème de tout l'avenir
pour tous ceux qui, à l'avenir, prétendront gouverner
les hommes. Mais, avant tout, notre jalon prélimi-
naire Quoi faire des millions de travailleurs que ren-
ferme actuellement l'Angleterre ? Voilà le problème du

présent, pressant, impérieux, -–pressant,j3n ces. an-


nées, en ce jour, jusqu'à s'être élevé à une imminence,
à une intensité terrible. Aucun gouvernement ne peut
a
'Ï.~M<M8 MSTMOtMN Mï

le négliger plus longtemps mais, encore une fois, que


peut faire notre gouvernement?
Les gouvernements présentent divers degrés d'acti-
vité certains
(les gouvernements complètement pa-
resseux, dans les « pays libres », comme on dit), sem-
blent de nos jours professer de faire, sinon rien, du
moins on ne sait trop quoi, au premier abord. Discuter
au Parlement et s'assurer majorités des
lutter, avec
un labeur qui ne le cède presque en rien à celui d'ïxion,
afin de savoir qui sera le premier orateur, qui détiendra
le privilège de discourir, qui continuera de faire mar-
cher la roue d'ïxion, sinon pour la faire avancer, du
moins pour la faire tourner? –Au fond, il ne s'agit de
rien de tout ce!a bien des choses, pour !'œitexpéri-
mente, ne sont pas ce qu'elles paraissent! La chancel-
lerie, certains tribunaux semblent n'être rien mais, de
fait, les pires d'entre
eux sont quelque chose ce sont
des cheminées par où l'instinct diabolique, l'esprit de
lutte des hommes peut s'échapper c'est quelque
chose de considérable que cela! Le Parlement, lui
aussi, a sa tâche, si l'on y veut regarder, et elle suffit à
user la vie des hommes les plus solides. Les célèbres
chats de Killienny', durant leur tumultueux congrès,
où ils fendaient les oreilles de la nuit dire
pouvait-on
d'eux qu'ils ne faisaient rien ? Si vous de la aviez été
partie, vous auriei vu 1 Le cœur fé!in s'agitait, comme
s'il avait été mû par la vapeur- jusqu'au point d'écta-
ter une énergie meurtrière circulait dans chaque
muscle ils avaient une tâche devant eux, les chats de
Iiillienny, et ils la faisaient. Au matin, on trouva deux
-queues, c'ctaittout~e -quiTestaitd'eox âa miïieu d'un
paisiMe néant et le pays fut tiré du désespoir.
i. Chats
moqueurs (légende Irlandaise).
<Mt
?
1-
492 t,E PASSÉ ET PB6SËNT
t~–i~~ ~t i-~ ~–t~ A-––~–
D'autre part, les derviches tourneurs
pas ne sont-ils
un emblème éloquent, des plus significatifs ? L'avez-
vous jamais observé, ce Turc au visage solennel, les
yeux clos un sombre manteau de laine enroulé autour
de lui dissimule son corps; il a la forme d'une
cloche, il ressemble à une sombre cloche qui pivote-
rait sur sa
langue?' Mû par la force centrifuge, le
sombre manteau de laine se soulève; il s'étend de plus
en plus, pareil à une tasse renversée qui s'élargit jus-
qu'à sembler une soucoupe renversée et voilà le der-
viche qui tourne de plus en plus, pour la gloire d'Allah,
le bien-être de l'humanité, jusqu'à ce que la chute s'en-
suive, et parfois la mort 1
Un gouvernement comme le nôtre,
par sept constitué
ou huit cents orateurs parlementaires avec leur escorte,
les rédacteurs de talent et l'opinion publique, ayant Il
leur tête certains lords, attachés à la trésorerie, secré-
taires généraux et autres, qui se trouvent être à la fois
chefset non chefs, sont souvent commandés plutôt qu'ils
ne commandent un tel gouvernement, sans doute,
est une entité des plus compliquées et n'est pas des
plus alertes à dépécher la besogne Il est assez évident
que si les chefs n'ont
pas d'initiative et ne sont pas
ce que nous appelons des hommes, mais de simples
composés formés de plusieurs couches, sans principe
d'initiative, le gouvernement ne se mouvra jamais; il tré-
buchera, chancellera autour de son axe, comme nous le
lui voyons faire depuis tant d'années. Pourtant, prenez
un homme à initiative, qui ne soit pas un pur fantôme,
placez-le au centre de telle entité que vous voudrez, il

ia~eMsemouvoirplùs~bu~môins! CeTqu'iîya dans ta


1. Car!yie désigne ainsi te marteau de la cloche le son en ffap~~
qui produit
les parois.
t.'UMQUE INSTITUTION 409

nature de plus absurde, lui le rendra moins absurde. Le

plus indocile, il le fera se mouvoir c'est la raison


d'être de son existence en ce monde. Il sera du moins
assez viril pour en sortir s'il ne réussit pas il dira
à son adversaire: « Je ne poux pas t'amener à te mou-
voir, à te montrer homme; p!utôt que de jouer le
rôle d'un misérable morceau de bois habillé de vête-
ments d'homme ou de ministre, plutôt que d'être
condamné à un rôle inférieur à celui qui convient à
l'homme, j'aime mieux ne pas m'acharner davantage
âpres toi, pour trébucher inutilement sur notre mère
la Terre, dans le sein de laquelle tout est corruption
Adieu! »
Car en somme, c'est là le lot do tous les chefs, Il n'y
a pas de chef, dans le pays le plas despotique, qui n'ait
été en mcmf: temps un serviteur; qui n'ait été en même
temps générât, muni d'un commandement absolu, et un
pauvre sergent d'ordonnance, aux ordres des derniers
hommes des rangs – obligé de recueillir tes votes des
rangs, lui aussi (que ces votes aient été exprimés sous
une forme articulée ou non), et de tes peser exactement.
Le vrai nom de tous tes rois, c'est ministre, serviteur.
Dans aucun gouvernement imaginable un corps qui
n'est que superposition de plusieurs couches ne peut
marcher C'est lui, ce travailleur-serviteur, qui devra,
plus que tout autre, certes « étaler au dehors sa toison
de Gédéon et recueillir tes avertissements de l'immen-
s'té tes pauvres localités, ainsi que nous l'avons dit,
les paroisses de ou autres ne recevant
Palace-yard par
eHes-mêmes ~ucnn avortM~ement: Un premier mims-
~e, même ici, en Angleterre, qui oserait croire les
célestes augures et s'adresser en homme et en héros &
'aaie de t'AngIeterre en laquelle s'agite un sourd com-
M4 M PASSE ET tE PRËSENT.

bat qui oserait formuler pour elle% réaliser pour elle la


justice divine qu'elle s'efforce do formuler, faute de
– ce ministre,
quoi eUe périt dis-je, verrait a'éveiUer
autour de lui le cœur de
l'Angleterre, plein d'une pas.
sion brûlante, d'une loyauté qui défierait tout, et celui
serait un « appui » tel que jamais liste de division,
majorité parlementaire n'en a fourni à un homme En
tel lieu ou tel autre, à telle époque ou à telle autre, celui

qui peut et ose avoir confiance en la céleste immensité,


se soumet par là toutes les localités. Demandons par
nos prières un tel homme et un tel chef bien plus,
même, cnbrçons-noua, mettons-nous nécessairement
en état, tous, tant que nous sommes, d'être dignes de
servir et seconder un tel chef Nous serons alors, pour
autant dire, sûrs de sa venue sûrs de bien des choses,
qu'il vienne ou non.
Qui donc désespérera du gouvernement s'i! vient 11
passer devant une caserne de soldats, ou rencontre un
homme en uniforme rouge dans les rues ? Qu'un corps
d'hommes ait été constitué pour tuer d'autres hommes
quand cela leur serait commandé a priori, cela ne
semble-t-il pas une des choses les plus impossibles?
Cependant, voyez, regardez au sein du plus stupide
des gouvernements du ne rien faire, cette impossibilité
est chose accomplie. Contemplez-la, avec ses ceintu-
rons de peau de buffle, ses uniformes rouges sur le dos
des hommes ici elle monte la garde devant les ca-
sernes là elle brosse des pantalons blancs dans tes ba-
raquements elle est devenue un fait palpable, indis'

cutabte~Jssue de la brumeuse~ntiquité, après avoir


traversé toutes sortes de difficultés financières, taiHes
sur le scaccarKHH, impôts perçus sur les navires, sauf-
conduits, toutes les vicissitudes de la chance et du
~ONi<}H84NSTMM'!Mt ~Qg

temps la voilà, à cette heure, bienheureuse, arrivée


nous.
jusqu'à
Bien souvent, à notre époque de pénible décadence
et de pénible formation, avec tous ses malheurs, ses
cris étounés, ses « impossibilités », quand vous ren-
contrez un grand garde du corps en culottes blanches,
ou quand vous apercevez ces deux autres gardes du
corps, hauts comme des statues, l'air formidable dans
leur peau d'ours et leur uniforme couleur argile de pipe,
montés sur leur quadrupède au poil soyeux, noir
comme du charbon – bien souvent,
dis-je, vous serez
surpris et vous vous demanderez avec une certaine
tristesse comment il se fait qu'au milieu de l'univer sel
ecrou!cment, do l'impuissance navrante do toutes les
vieilles institutions, cette institution du combat, la p!us
vieille de toutes, soit encore si jeune! Le teint frais, les
membres solides, haut do six pieds en moyenne, le
combattant est bien récHcment là, devant nous, en me-
sure de combattre. Ainsi, quand tant do choses n'ont
pu même parvenir au monde 1 quand tant d'autres en'
ont graduellement disparu, sont devenues une appa-
rence vide, un paquet d'habits les plus
quand hautes,
les insignes royaux, ne sont plus qu'une chimère para.
dant parmi les autres, devenant invisibles pour l'œi! le
plus grave, que dis-je, invisibles? presque menaçants
à l'égal d'un épouvantail d'une sorte plus relevée que
les autres, –
malgré tout, voi!a une institution de-
meurée dans toute sa réalité 1
L'homme à perruque de crin' s'avance, me promet
qu'il me procurera la « justice » il m'emmène dans
_ks tribunaux de ta chanceHerie, & traverftdea~iMines,
des cinquantaines de bagarres, au milieu d'un jargon
t. C'est le aïnst.
~ugo que Cm!ï!e dMgM
4M MMSSgë'fmfMSENT.
1 1
de déments et il. me~ocH~e, en réa!itê ? le désap.
pointement, presque le désespoir il ne me laisse qu'un
refuge, celui de les chasser de mon esprit, lui et sa
« justice ». Car j'ai du travail qui m'attend,
je ne peux
pas passer des dizaines d'années à discuter, sans résul.
tat, avec d'autres hommes, le salaire exact qui convient
à mon travail je travaillerai
gaiement sans toucher
do salaire, plutôt que de me laisser ronger le cceur
pendant dix ans par la gangrène, ou un procès en chan-
ceUerie 1 L'individu à perruque de crin est une sorte de
chimëro ce' n'est pas une substance, mais une p!ai.
sante imagination de l'esprit. Et celui-là, lui aussi,
avec son chapeau en forme de pelle, qui s'avance, dé-
clarant qu'il veut sauver mon âme. 0 Éternité,
gardons ici le plus absolu silence quant à lui – Mais
l'individu à habit rouge, c'est une réalité
triomphante,
pas une chimère du tout S'il en reçoit l'ordre, il tirera
pour tout de bon son sabre et me tuera. Il n'y a pasit à
,s'y méprendre. Cet homme est un fait, non pas une
ombre. Bien en vie, en cette année 1843, à même et
désireux de faire son métier. Sa race est apparue aux
siècles anciens, obscurs, avec Guillaume Rufus, Guil-
laume d'Ipres ou même bien avant,et elle s'est transmise
indemne jusqu'à ce jour. La catapulte a fait place au
canon, la pique a cédé le pas au mousquet, la cotte de
mailles en fer à l'uniforme rouge en drap, la mècho
qu'on allumait avec du salpêtre à la capsule à percus-
sion équipement, circonstances, tout a changé et
change encore, mais l'engin humain, demeuré le même
au sein de tous ces changements, prêt encore à livrer
bataHle~eat I&jdeyant npus,jEtJLsa_hauteur-moyenne ~L
de six pieds. Voici des caisses, des arsenaux de Wool-
wich, voici la garde à cheval, le bureau de la guerre, le
&'CMQWB!8NTHTM!< ~Q~

général en chef; voici des sergents qui persuadent à


coup de tambour, font la recrue dans les villes foraines,
dans les villages – et, en somme, vous dis-je, voici
votre moderne homme de voici
guerre, discipliné;
quatre-vingt-dix mille de ces mômes hommes, prêts à
partir pourn'importe quel coin du monde et à s'y battre.
Spectacle étrange, intéressant, terriblement triste,
pourtant à méditer. Etait-ce donc là, parmi toutes les
choses pour lesquelles l'humanité avait don,
quelque
la seule chose qu'il importât de bien apprendre, de
portera sa perfection se tuer l'un l'autre avec succès? '1
Certes, vous l'avez bien apprise et vous avez porté !a
chose à un haut degré de perfection C'est inimaginable
ce qu'en les arrangeant, en les commandant, les enrégi-
mentant, vous parvenez à faire des hommes. Ces mille
individus qui se tiennent là droits, solidement plantés,
qui portent les armes, marchent, tournent, avancent,
reculent; qui constituent, à votre profit, un magasin
où vous avez en réserve la mort par les armes à feu,
dans les conditions les plus parfaites d'activité poten-
tielle – il y a quelques mois encore, avant la venue
du sergent persuasif, qu'étaient-Hs ces hommes? Des
vauriens vêtus de loques faites de mille morceaux, des
apprentis ayant déserté, des tisserands au'amés, des
valets voleurs, tout une population à la débandade,
marchant à grands pas vers le moulin de la discipline.
Mais le sergent persuasif est venu à coups de tambour
il les a enrô!és, il lés a classés des listes, il
d'après
s'est mis de tout coeur à les former – lui et vous,

voyez ce que vous avez fait d'eux C'est un élément de


force, utHe ~n toute~sortes~e besogne, qa'une~age"
organisation, une administration, un commandement
ferme des hommes. Qu'aucun homme du
ne désespère
J~ !<E P~SË E~RË~ENT

gouvernement tant qu'il verra ces deux sentinelles


devant la caserne des gardes à cheval et devant nos
services réunis Je ne vois que trop l'utilité d'un ser-
vice d'émigration, d'un service de l'enseignement, de
variétés nombreuses de services ou réunis,
séparés forts
des milliers d'hommes voulus, et tous
aussi utiles que
l'est le service de la guerre tous feraient leur tâche
comme ce dernier – tâche qui, bien plus que la guerre,
est désormais la chose nécessaire dans le temps où
nous vivons! Que de choses gisent parmi nous qui
convulsivement, presque désespérément, se déballent
pour parvenir à r~re.
Mais les gouvernements médiocres, comme les indi-
vidus de facultés médiocres, s'en sont tenus à ce qui
était physiquement indispensable ils ont réalisé cela
et rien de plus. Le soldat est peut-être une des choses
les plus difficiles qu'il y ait à réaliser; mais les gouver-
nements, s'ils ne l'avaient pas réalisée, n'auraient pas
existé en conséquence voilà le soldat devant vous. 0
Ciet, si nous voyions une armée forte de quatre-vingt
mille hommes, entretenue et bienéquipée, qui conti-
nuellement et réellement agît et combattît, livrant ba.
taille à la famine humaine, au chaos, à la nécessité, &
la stupidité, à nos vrais « ennemis naturels a quel
.rêve ce serait 1 Une armée qui combattit et molestât,
non pas « les Français, » (les pauvres gens ont pour
leur compte une assez rude bataille du même genre
à livrer et n'ont pas besoin d'être par-dessus le marché
molestés par nous) mais une armée qui combattit,
sans cesse perçât de sa lance et détruisit la fausseté,
~g~o~~cë, le désordre, et te d~
même, lecteur cultivé, tu as fait quelque chose dans
cette guerre, ta seule vraie, mais hélas, en quelles cir-
t.'UNÏQCN J~SMMTttM;
-1. 1 -> 4M
1" eL,
constances? Toi, le bienfaisant sergent instructeur
perdrait son temps à t'enrôler dans les rangs à côté de
tes camarades à t'enseigner, en vrai artiste didacti-
que, avec tout l'esprit qu'il a déployé dans les occasions
précédentes, ton métier de soldat, à t'encourager quand
tu ferais bien, à te punir quand tu ferais mal, à te
crier à tout propos les sages formules du commande-
ment « En avant par ici, en avant par là « Ah t non,
toi, ton rôle est d'apprendre à faire des pointes et des
exercices de peloton où et quand tu le dois pom tous
les mortels excepté toi-même, c'est chose parfaitement
indifférente que tu aies jamais dû apprendre ces exer-
cices. Et les rations, et la paie d'un schilling, les as-tu
reçues?–j'ai connu tant de braves Jean Paul'réduits,

apprenant leurs exercices, à vivre d'eau sans pain. Voilà


pour les rations; mais aucun avancement, aucune pro-
motion au grade de caporal, de caporal des lanciers,
ou ta garcette, t'a-t-on accordé cela, en ayant quelque
peu égard à tes mérites La Providence, môme cette
d'un sergent instructeur dans son uniforme couleur
argile de pipe, ne veille pas sur toi. Le grade de caporal,
de caporal des lanciers, tu y as bien été promu hélas,
hélas, à la hallebarde et à la garcette aussi mais celui
qui te récompensait et te punissait s'est montré aveugle
comme le déluge ni le grade de caporal des lanciers,
ni même la garcette d'un tambour, parce que tous deux
étaient une dérision, ne t'ont procuré le profit attendu.
C'est fort bien ainsi, nous le savons et pourtant
ce n'est pas bien 1 Quarante soldats, me dit-on, pour-
ront disperser la foule la plus énorme de Spitalfieds
quarante~8urjd!X!nttte,yptt~Ia proportion des hommes~
t. Carlyle fait t lot allusion & J. Paul Richter, auquel H a consacré atHeuta une
Ëtode. tCf.fM~.)
4i0
~EPASS~S~tEPRë~H'PL

dressés
dressas & cmt~
qui n~
ceux nn!
ne tn
le Rnnt
sont iftaN il v n h!a
pas. ï! y a bien des choses,
en ce monde, qui ne peuvent encore être organisées i
mais quelques-unes, aussi, le peuvent, quelques-unes
aussi le doivent être. Quand on pense, à
par exempte,
ce que sont devenus les travailleurs du Lancashire; à
ce qu'un quatrième Ëtat, à ce que d'innombrables vir-
tuantes, non encore actualités, sont devenues et sont
en train de devenir, – on distingue des organismes, en
quantité suffisante, dans l'obscur immense avenir. Et
des « services réunis H qui sont autres que celui où l'on
porto l'uniforme rouge et bien d'autres choses, même
dès à présent, qui s'efforcent de parvenir à ~~c
Quant au bill sur les manufactures et autres bills
analogues, celui qui écrit ces pages n'a point auto-
rité pour en parler. Il ne sait
pas c'est à d'autres
que lui qu'il appartient de savoir
par quels moyens
appropriés on peut faire
intervenir la législation entre
les ouvriers et les patrons. H sait seulement et il
voit ce que tous les hommes commencent a voir.
C'est que l'intervention de la législation, plusieurs
formes d'intervention et pas
petit en
nombre, sont
indispensables que cette province de choses ne peut
rester plus longtemps une anarchie sans loi, livrée à
l'offre et demande, basée sur le seul taux des salaires.
Mais l'intervention a commencé il y a déjà des ins-
pecteurs de manufactures qui semblent ne pas man-
quer de besogne. Peut-être pourrait-il y avoir aussi des
inspecteurs des mines; – ne pourrait-on aussi
pas
créer des inspecteurs qui constateraient
pour nous
comment avec sept schillings et six pence par semaine
une famille humaine peut vivre! L~nteryention a_cpm-
mëncê; tHaut qu'eue continue, il faut qu'elle prenne
une grande extension, qu'elle se fasse plus profonde et
-'r-
1 1 Il
tt'OM~JB MiMHaHq}! 4M

plus pénétrante. Des choses pareilles ne peuvent pas


demeurer plus longtemps paresseusement enveloppées
d'obscurité on ne peut to!érer qu'elles continuent do
subsister invisibles le Ciel les voit la malédiction,
non la bénédiction du Ciel pèse sur une terre qui refuse
de les voir.
Je-le demande encore, une législation n'a-t-elle pas
le pouvoir de décréter des mesures de salubrité ? Les
anciens romains avaient leurs édiles qui auraient, je
pense, en contradiction directe avec l'offre et la
demande, fait rigoureusement abolir maint affreux
caveau dans nos quartiers de Southwark, Saint-Gilles
et dans nos sombres ruelles empoisonnées ils auraient
demandé gravement « Convient-il Romain
qu'un
demeure là? n La
législature, au prix de n'importe
quelles conséquences, aurait répondu « Dieu nous en
1 La législature, même telle qu'elle est ici,
préserve
pourrait ordonner que toutes ces villes manufactu-
rières, si noires, sortent de leur suie et de leur obscu-
rité qu'elles laissent pénétrer dans leurs murs la
lumière bénie, le bleu du ciel, qu'elles se fassent claires
et propres qu'elles brûlent leur houille, par exemple,
qu'elles la réduisent en flammes.
Des bains, le grand air, une température saine, des
plafonds hauts de vingt pieds, voilà ce qui pourrait être
ordonné, par un acte du Parlement, dans tous les éta-
blissements reconnus comme manufactures. Des manu-
factures existent déjà qui présentent ces conditions
honneur à ceux qui les ont construites La législature
pourrait dire aux autres Allez et faites de même, faites
nneux_s't!se peut.
Dans tout ce Manchester où l'on peine, une fois la
fumée et la suie brûlées, ne devrait-on pas, parmi tant
<M M PASS6 ET M MSENT
~t < <
d'autres conquêtes qui s'étendent aussi loin que le
monde, avoir fait celle d'une centaine d'acres, ou à peu
près. de verdure, plantés d'arbres, où les petits enfants
puissent jouer, où les travailleurs qui ont fait toutes
les conquêtes puissent aspirer un pou d'air te soir?
Vous déclarerez qu'il en doit être ainsi Une lég}s!a-
ture qui le voudrait pourrait te déclarer d'une manière
efncace. Une législature qui le voudrait pourrait dire
bien des choses Et à tous les « représentants d'inté-
rêts a ou autres, qui se lèveraient pour objecter sim-
plement « J'y perdrai mon profit », une législature
qui
voudrait, répondrait « Oui, mais nos 81s et nos filles
y gagneront la santé, la vie et une âme. » – Que
va-t-il advenir de notre industrie du coton, s'écrièrent
certains dateurs
quand fut proposé le bill sur les
manufactures; que va-t-il advenir de notre inap-
préciable industrie du coton? L'humanité de l'An-
gleterre répondit, entêtée « Délivrez-moi ces âmes
d'enfants, rachitiques, agonisantes et que votre indus-
trie du coton coure la chance. Dieu lui-même com-
mande la première chose, ce n'est pas Dieu spéciale-
ment qui commande l'autre. Nous ne pouvons pas
avoir une industrie de coton prospère et acheter cela
en tolérant que le diable en soit un -associé a – 11
y aurait assez de bille, si le bill d'abrogation de la loi
sur les blés était voté, et si la législature voulait Et
même, ce seul bill qui est toujours là, pas encore
décrété, à savoir un bill d'éducation sensé, n'est-il pas
par lui-même de nature à engendrer sûrement d'innom-
brables bills fort sages, des méthodes et des projets
pratiques, mûrissantpeu ~peu jusqu'à édoreen Mils? y
Faire rayonner avec intelligence (c'estra-dire avec
ordre,, arrangement et toutes sortes de félicités) ce qui
~'uMMEm'nrMMH! M~
t' t
est chaos, inintelligence comment y pea!-OM parve-
nir, sinonpar l'éducation Faire en sorte que la pen-
sée, !a réSexion, le langage articulé et la compréhen-
sion naissent dans chaque tête, parmi ces millions d'in-
dividus qui sont les atomes composant notre chaos i!
n'y a pas d'autre moyen de répandre la lumière à tra-
vers un chaos quel qu'il soit La somme totale d'intel-
ligence découverte
en lui détermine la mesure de l'ordre
possible dans votre chaos – la mesure dans laquelle
est faisable et rationnel ce que votre chaos réclame de
vous obcurément, et ce & quoi il consentira avec joie
quand vous le lui proposerez C'est une équation exacte
l'un est la juste mesure de l'autre. – Si la totalité de la
nation anglaise, durant ces « vingt années do répit », ne
reçoit pas d'instruction, ne fût-ce que d'un maître
d'école, une responsabilité terrible, devant Dieu et
devant les hommes, sera encourue par 1
quelqu'un
Comment aucun homme, excepté ceux qui s'intitulent
ministres de Dieu, ose-t-il se lever au Parlement ou
ailleurs, sous un prétexte quelconque,
invoquant une
déception quelconque, pour empêcher pendant un jour,
pendant une heure, que la lumière de Dieu ne pénètre
le monde, pour les ténèbres du diable à y
invtter
demeurer une heure de plus Car toute lumière, toute
science, sous n'importe quelles formes, à n'importe
quel degré deperfection,vientde Dieu; toute ignorance,
vient de l'ennemi de Dieu toute
obscurité, toute igno-
rance, vient de l'ennemi de Dieu. « Les croyances du
maître d'école sont un peu hétérodoxes w
H ? Certes, j'ai
trouvé bien peu de croyances absolument orthodoxes,
Menpëuderayôn~delaïmcrcparfaitemen~aKcs.pu~
de tout mélange mais de toutes les croyances et reli-
gions connues jusqu'à ce jour, la moins orthodoxe
tË PASS~BTT.E PK~NT
–t-~t <
n'est-elle pas, à un degré indicible, celle de t'anima-
lisme insouciant, le gin distillé, la stupeur
dispensant
et le désespoir? Nous l'échangerions, celle-là, même
contre le paganisme, le fétichisme et en somme, il fau-
dra bien que nous l'échangions contre chose.
quelque
Un « service de l'enseignement » effectif, voilà ce
que je considère comme nécessaire, un secrétaire de
l'éducation, un général en chef des instituteurs
qui
s'efforcerait de veiller à ce que nous instruits.
soyions
Et puis, pourquoi n'y aurait-il pas un « service de ré-
migration M avec un secrétaire, des adjoints, des fonds,
des forces, des navires de l'État un maté-
disponibles,
riel toujours croissant, en somme un sy~~e effectif
d'émigration. En sorte qu'à la fin, avant l'expiration de
nos vingt années de répit, tout honnête travailleur de
bonne volonté à qui l'Angleterre
paraîtrait trop encom-
brée, qui n'y jugerait pas l' « organisation du travail .<
assez avancée, pourrait trouver là un pont mouvant,
construit pour le porter vers de nouvelles contrées de
l'Ouest, dans lesquelles il pourrait, au large
plus
s' « organiser » du travail pour lui-même. cet
Là-bas,
homme serait une vraie bénédiction, il ferait pousser
du blé nouveau qu'il exporterait chez nous, il importe-
rait dans son pays nos cognées, nos tissus nouvelle-
ment fabriqués et il nous quitterait du moins en bons
termes que de rester
plutôt ici pour y être une force
physique parmi les chartistes, malheureux et sans con-
tribuer à nous rendre heureux 1 N'est-il pas scanda-
leux de considérer qu'un premier ministre ait pu lever
en une année, ainsi que je l'ai vu faire, cent
vingt mil-
K~n~deHvressterMngpourfaireisr guerre aux Français,
tandis que faute de la centième partie de cette somme,
nous sommes arrêtés net sans pouvoir continuer de
1
t.'OMQCE ÎN~TCTMN 4~

nourrir la population anglaise ? Maintenir vivantes les


âmes anglaises deux « services un service d'éduca-
tion et un service d'émigration, voilà, avec d'autres,
choses ce qui demande aujourd'hui à être organisé.
Un pont libre pour les émigrants nous serions alors
sur un pied d'égalité avec l'Amérique elle-même, le
plus favorisé de tous les pays qui n'ont pas de gouverne-
ment et nous conserverions, en outre, quantité de tra-
ditions et de souvenirs de choses infiniment précieuses
que l'Amérique a rejetées. Nous pourrions procéder
délibérément à « organiser le travail », nous ne serions
plus condamnés à périr si ce n'est pas fait au bout d'un
an et un jour tout travailleur de bonne volonté qui
serait jugé superuu trouverait, en 'effet, un pont de
bateau à sa disposition. I! faudra absolument que cela
se réalise, le temps est gros de ce fait. Notre petite île
est devenue trop étroite pour nous mais le monde est
encore assez large pour d'ici à six millions' d'années.
Les débouchés assurés de l'Angleterre seront dans de
nouvelles colonies d'Anglais parsemées dans toutes les
parties du globe. Tous les hommes négocient avec tous
les hommes, quand cela arrange les uns et les autres
ils sont même tenus par le créateur de tous les hommes
d'en agir ainsi. Nos amis les Chinois, qui s'étaient
rendus coupables du refus de négocier, en pareilles cir-
constances, n'avons-nous pas dû discuter avec
eux,
finalement sous forme de.coups de canon~ pour les
convaincre qu'ils devaient négocier ? Des « tarifs hos-
tiles » surgiront pour nous chasser, puis disparaîtront
pour nous laisser rentrer: mais les Sis de l'Angleterre,

eeuxquiparlenthtiangue~nglaise, si rien d'autre ne–


les rapproche, en tous temps, auront une pré-
ceux-là,
disposition indéracinable à négocier avec l'Angleterre.
4i6 t.EMSSÉETÏ.ETBËSËNT

Mycale fut jadis le pan ToKMn, le rendez-vous de toutes


les tribus d'Ionie, pour la Grèce d'alors pourquoi
Londres ne serait-il pas longtemps encore le home <fe
tous les Saxons, le rendez-vous de tous les « enfants
des rocs du Harz qui arriveraient là, par échantillons
choisis, des antipodes et d'ailleurs, par bateau et autre- a
ment, pour y passer la « saison » Que! avenir, infini
comme le monde, pourvu que nous ayons le cœur et j,
l'héroïsme – ce au ciel, nous
nécessaire, que, grâce
aurons

Ne demeure pas en place, Oxe, enraciné,


Aventure-toi avec ardeur, pars errer avec ardeur
Partout où tu les porteras, ta tête et tes bras
Et ton cœur vaiiiant seront en leur patrie.
En quelque contrée que le soleil nous visite,
J'
Nous portons avec nous notre ardeur quoi qu'il advienne
:1
C'est afin que nous ayons la place d'errer au travers
Quo !a monde a été fait si vaste.
GosTHE, WtMehx AfeMe'
t

I! y a de cela quatorze cents ans, ce fut grâce & un


considérable « service d'émigration », n'en doutons
pas, à de nombreux enrôlements, à des discussions, à
un appareil compliqué, que nous-mêmes nous avons
abordé en cette île remarquable, pour y arriver aux
difficultés actuelles parmi tant d'autres 1
Il est vrai, la législature anglaise, comme les habi-
tants de l'Angleterre, est d'un caractère
lent, essentiel-
lement conservateur. Dans nos périodes les plus agi-
tées de réforme, même pendant le long Parlement, on
remarque toujours une tendance invincible à s'en tenir
au passé à admettre le minimum de nouveau; à donner,
~*i! se peuty &~eHeviei!!e habitude, teHe~ieiMe métbo<~
reconnue utile auparavant, une nouvelle expansion cor-
respondant au besoin nouveau. C'est une tendance qui
L'BNIQ~EBiS'NTNTMN 4M

nous fait honneur c'est la condition de toute force et 0


de toute sagesse. L'avenir, grâce à elle, n'est pas séparé
net du passé, mais continuellement basé sur lui il a,
pour se développer, toute la vitalité du passé il plonge
de profondes racines dans le commencement de notre
histoire. La législature anglaise répugne entièrement à
croire en des « nouvelles époques ». La législature
anglaise ne s'occupe pas des époques elle a certes
autre chose à faire que de regarder l'horloge du temps
et d'écouter son tic-tac 1 Néanmoins, en fait, les nou-
velles époques arrivent et avec elles de nouvelles, impé-
rieuses nécessités péremptoires si bien que la tégis-
lature anglaise elle-même est obligée de lever les yeux
et d'admettre, quoique avec
répugnance, que l'heure a
sonné. Puisque a sonné, ne disons pas « impos-
l'heure
sible » il faudra que cela devienne possible « Les
habitudes du gouvernement seraient contraires à celles
du Parlement? H Oui, c'est vrai; mais aucun Parle-
ment ou gouverment s'est-il jamais trouvé jusqu'ici en
présence d'une année 1843 ? L'époque, l'année que
nous traversons est une des plus originales, elle est
sans exemple en bien des points importants elle diffère
totalement de toute autre 1 Car le temps marche, vorace,
féroce et les sept dormeurs se réveillant affamés après 1.
un sommeil de cent ans s'aperçoivent que ce n'est pas
leurs vieilles nourrices qui peuvent maintenant leur
donner à téter 1
Quant au reste, le Parlement, l'aristocratie, la millo-
cratie ou un membre quelconque de la classe dirigeante
seront sages de ne pas condamner d'un air triomphant
cemodeste_exempIede<<Jtnesurescuratiyes_M; qu'ils ne_
demandent plus, avec humeur, a celui qui écrit ces
pages Que faut-il faire ? Comment résoudre cet alar-
M
4i8 PASSE 6~ )? m~MT.

mant problème des classes ouvrières ? Ceux qui écri-


vent, tout d'abord, ne sont pas là pour vous dire com-
ment. Un certain d'entre eux remercie le Ciel de ce qu'il
ne reçoit pàs trois cent mille livres par an, ni deux cent
mille, ni même vingt mille, ni toute autre somme pour
vous apprendre le comment; mais de ce que son
salaire soit tout dînèrent, sa besogne quelque peu plus
appropriée à son goût. La besogne qui incombe à
l'écrivain, c'est de t'apprendre, à toi, qu'il faut que la
chose se fasse. La « manière d'arriver à ce qu'elle se
fasse », c'est d'essayer, en songeant qu'il faudra que tu
meures si elle n'arrive pas a être faite. Voilà un dos nu,
voilà un morceau d'étoue il faut que tu me tailles un
manteau pour couvrir le dos nu, toi dont c'est le métier.
« Impossible ? a Infortunée fraction de l'humanité, i
aperçois-tu la fatalité, écartant a demi ses voiles dans
les ténèbres de l'avenir, la vois-tu, là avec ses cordes de
gibet, ses lanières de fer, l'enfer authentique de Tailor, i~

qui attend pour voir si c'est « possible ? Allons, sors


tes ciseaux et coupe-moi ou ce manteau ou ta propre
gorge
CHAPITRE !V

CAPITAINES DE L'INDUSTRIE

Si je pensais que le Mammonisme et ses adjoints


dûssent continuer d'être le seul principe sérieux de
notre existence, je regarderais comme inutile de solli-
citer de la part d'un gouvernement des mesures cura-
tives, le mal n'étant pas susceptible de remède. Le
gouvernement peut faire beaucoup mais il ne peut
aucunement faire tout. Le gouvernement, en tant qu'il
est ce qu'il y a de plus en vue dans la Société, est tenu
de donner le signal pour qu'on fasse ce qui est à faire
il doit, par mille moyens, à l'exécution, la
présider
faire avancer et la commander. Mais, en dépit de tous
ses signaux et commandements, le gouvernement ne
peut pas faire ce que la société est radicalement dis-
posée à ne pas faire. A la longue, tout gouvernement
se trouve être le symbole exact de son peuple, avec ce
que celui-ci a de raison ou de déraison nous pouvons
dire tel peuple, tel gouvernement. – Le
point capital
de cet immense de l'organisation du travail,
problème
et tout d'abord du maniement des classes ouvrières,
dewa étre~ ~fésoht, !e~cbose est ossez e!aire;-par~eux
qui sont pratiquement placés au centre de lai question
par ceux qui eux-mêmes travaillent ou dirigent le tra"
420 M PASSE RT LE PRÉSENT

vail d'autrui.
Les germes de tout ce qui peut être de-
crète par le Parlement à ce sujet doivent déjà exister
en puissance au sein de ces deux classes, appelées à
obéir aux décrets. S'il n'y a pas de lumière dans un
chaos humain vous essaierezen vain d'en introduire en
versant sur lui la lumière l'ordre jamais n'y surgira.
1
Mais j'ai la ferme conviction que « l'Enfer de l'An-
..¡
gleterre » cessera de consister à « ne pas gagner d'ar-

gent »; que nous aurons un Enfer


plus noble et un '1
Ciel plus noble J'entrevois par avance la lumière dans
le chaos humain, brillante, de plus en plus éclatante `',j

d'après maints signes du dehors, il est évident que rÿ


cette lumière brillera. Notre divinité n'étant plus Mam-
mon 0 ciel, chaque homme se demandera à lui- ;1
même « Pourquoi cette rage a mort de gagner de

l'argent? Je n'irai pas en Enfer, quand bien même je


ne gagnerais pas d'argent 1Il existe un autre Enfer, a
ce que je vois 1 La compétition, qui court avec la
vitesse d'un chemin de fer à travers toutes
les branches
du commerce et du travail, s'arrêtera alors – il y
aura alors moyen de trouver de bons chapeaux de feutre

pour se couvrir la tête, au lieu des chapeaux de sept

pieds en latte et plâtre montés sur des roues 1 Les pé-


riodes d'entreprises chimériques avec leurs paniques
et leurs crises commerciales, recommenceront à se faire
rares, l'industrie stable et modeste prendra la place de
la spéculation et du jeu. Être un noble patron parmi de
nobles ouvriers, telle recommencera d'être la première
ambition de quelques-uns être un patron riche ne sera
que secondaire. Comme alors le génie inventif de l'An*
gleterre, – quand le-ronNement des bobines~et_de~

cylindres aura été reculé à l'arrière-plan des cervelles


travailler et non exclusivement &
-,va aviser, plus
CAHTAtNES DE t/MBUSTME 42i

mais à distribuer
H produire à meilleur marché, pïua
les produits à leur degré actuel de bon
r équitablement
N marché Par degrés, nous recouvrerons une société

qui aura en elle que!qu'Héroïsme,


t sur laquelle reposera
du ciel; nous retrouverons,
quelque peu la bénédiction
comme l'affirme mon ami l'Allemand « au lieu du feu-
dalisme de Mammon avec les chemises de coton qu'on
ne peut pas écouler et te maintien de la chasse, un
noble et juste industrialisme et un gouvernement par
les plus sages »
M
C'est avec l'espoir de réveiller ça et là en quelque
habitant de la Grande-Bretagne la conscience d'être un
homme et de posséder une âme divine, que l'on peut
maintenant adresser, pour finir, quelques paroles d'a-
vertissement à tous ceux à qui les puissances célestes
ont accordé quelque puissance terrestre en ce pays. Et

d'abord, à ces patrons, à ces chefs de l'industrie qui


sont les plus proches et de fait les plus puissants (bien
très éminents, n'étant et
qu'ils ne soient pas encore,
en combien de sens qu'une virtualité plutôt qu'une
actualité).
Les chefs de l'industrie, si toutefois l'industrie par-
vient jamais à être conduite par des chefs, sont virtuel-
lement les capitaines du monde s'il n'y a en eux au-
cune noblesse, aucune aristocratiene pourra jamaisêtre.
Mais que les capitaines de l'industrie considèrent ceci
encore une fois, sont-ils pétris d'un autre argile que les
capitaines du massacre? Sont-Hscondamnésanejamais
1
constituer une chevalerie, à n'être qu'une C/M~M:~p
portant une armure de plaques d'or- ce que Ies Fran-

cat8nommenjt_très justement a canaHie~, une <<chienn


»
rie ayant à sa disposition ou moins de pourriture
plus
1. Doggery.
433 tJS PASSE ET1BPBËSENT
~0 t -t~ t tf < t < <
dorée? Les capitaines de l'industrie sont los vrais com-
battants reconnus désormais comme les seuls vrais
ils ont à combattre contre le chaos, la nécessite, les
diables et les Jëtuns ils ont à diriger l'humanité dans
cette grande et universelle guerre, la seule vraie; les
astres, dans les courses, combattront pour eux et les
cieux et la terre déclareront tout haut « C'est bien o»
Que les capitaines de l'Industrie rentrent en eux-mêmes,
du fond de leur cœur qu'ils se demandent solennelle-
ment « Si l'on ne peut rien trouver d'autre
qu'un ap-
pétit de vautour pour les vins fins, la réputation fondée
sur des valets ou des carrosses dorés? H De la
part
d'âmes créées par un Dieu tout puissant, je ne croirai
jamais rien de pareil. Si profondément cachée qu'elle
soit sous les maudits cants oublieux de Dieu, sous les ·"
épicurismes, les doctrines des singes de la Mer Morte;
si oubliée qu'elle soit sous les épaisses et boueuses
alluvions du Léthé, au milieu des joncs du fleuve, il y
a pourtant dans tous les cœurs vivants de ce monde
divin, une étincelle de feu divin qui couve Debout, 0
dormeurs en proie
aux cauchemars debout, levez-vous
ou tombez à jamais
Ce n'est pas là de la poésie de théâ-
tre c'est un fait réel. Notre Angleterre, notre terre en-
tière ne peut pas vivre ainsi. Il faudra qu'elle se ratta-
che à quelque Dieu, ou qu'elle descende, sans cela, vers
le diable, consumée par le feu. Toi, si tu sens le divin
s'agiter en toi, si tu éprouves comme à travers les
brouillards du rêve au milieu d'indicibles tortures !a
moindre impulsion à aller vers lui, suis cet élan, je t'en
conjure. Lève-toi, sauve ton âme, sois un de ceux qui
sauverontleurpays..
Les boucaniers, les chactans de l'Inde dont le but
suprême, quand ils combattent, est de recueillir des
C&PMAMESBE t.'M!D!!STNE 4~3

têtes de cadavres, de l'argent, a8n de pouvoir amasser


et ces têtes et cet argent jamais parmi eux une che-
valerie ne s'est formée ni ne se formera Parmi eux, on
n'a pu trouver que le sang, la ruine, une rage infernale
et la misère la désolation s'apaisant par l'annihilation.
Envisage cela, je t'en prie, envisage et médite A quoi
te sert-il d'avoir cent billets de mille livres serrés dans
ton coffre-fort, cent têtes pendues dans ta cahute? Je
ne prise ni eux ni toi. Tes têtes, tes billets de mille livres
resteront sans valeur jusqu'à ce qu'une noblesse inté-

à travers eux, jusqu'à ce


rieure rayonne qu'une cheva-
lerie y apparaisse, en action ou du moins en embryon,
s'efforçant toujours vers l'être et l'action.
L'amour chez les hommes, ne peut pas s'acheter par
r un paiement en espèce, et, sans amour, les hommes ne

peuvent supporter de vivre ensemble.


On ne peut pas diriger un monde de combattants
sans les avoir les avoir constitués en
enrégimentés,
une chevalerie dès le premier jour, la chose se révé-
lerait tous les hommes, le supérieur le
impossible
premier, le plus borné le dernier, dirigés par un noble
instinct, ont conscience de cette nécessité. Et pourriez-
vous diriger plus longtemps un monde de travailleurs,
non enrégimentés, en état d'anarchie? Je réponds, et
les cieux et la terre vous répondent aujourd'hui: « Non M
la chose pas impossible « dès le premier
n'apparaît
au bout de deux générations elle se mon-
jour mais
tre telle. Oui, à une époque où dans les caveaux de crève
la faim de Stockport, les père et mère en arrivent à
leurs enfants; où les veuves, en Irlande, en
manger
–sont réduites a-prouver~eur parenté en-mourant du
où les « corporations dirigeantes des meilleurs
typhus
et des plus braves » sont occupées a défendre leurs
424 MPASSËETt.EPMËSENT
~< -– < t t <
chasses en levant
tes perdrix, tandis que des millions
d'êtres humains, créatures de Dieu plongées dans les
ténèbres, se soulèvent pour en venir à des chartismes
fous, à des mois sacrés impraticables' et des insurrec.
lions de Manchester – en une
pareille époque, au
bout d'une génération ou deux, je le déclare, même aux `'~

yeux des plus bornés et des


déshérités, la chose
plus z =
apparaît palpablement impossible! Notre temps ne nous
présente-t-i! pas, en outre, une aristocratie industrielle, N
à l'état virtuel, ne vivant encore qu'à demi ensorcelée
par un charme, au milieu
des sacs d'argent et des grands <;
livres? et une aristocratie de l'oisiveté, celle-ci bien
selon toute apparence
actuelle, près de mourir parmi les
illusions du rêve, les trépassés et la noblesse à la
deuxième puissance? Cette aristocratie mobile, « glisse '< r
sur un plan incliné qu'elle savonne à nouveau chaque
année avec quelque jargon de Hansard en sorte qu'elle N
« glisse a de plus en plus vite, vers une échelle mobile
et un plateau de balance où sont écrits, les mots « ?'«
as été trouvé trop léger. » Il n'est pas un monde de
travailleurs, et pas plus un monde de batailleurs, qui
puisse être dirigé sans quelque noble chevalerie du
travail, sans les lois et les règles fixes qui en dérivent
aristocratie autrement noble
que ne le fut jamais
aucune aristocratie de la guerre. En tant que multi-
tude plongée dans l'anarchie, sans autre guide que
l'offre et la demande, il est inévitable que nous dépé-
rissions dans l'horrible convulsion d'un suicide et d'une
mort volontaire, affreux à imaginer, et nous égalant
aux travailleurs chactan. Avec les cahutes et les
têtes de mort, avec les palais et les billets de mille

i. Allusion à un mouvement religieux du temps.


2. Sur Homsard, Y. note, chapitre H/t.L
C&nTAMES DE t.'MMJSTNE 4S5

livres avec la sauvagerie, la dépopulation, la désola-


tion du chaos 1 Justes cieux, est-ce qu'une Révolution
Française et un régime de la terreur ne nous suffiront

pas, en faut-il deux? ï! y en aura deux s'i! le faut, il y


en aura vingt s'il te faut, il y en aura exactement autant

qu'il en faudra. Les lois de la nature veulent être


obéies. C'est une vérité dont je suis certain.
Vos vaillantes légions de batattteura, vos légions de
travailleurs, il vous faudra, comme tes autres, vous les
attacher loyalement il faudra qu'elles soient (et elles
voudront être) munies de titres en règle, légalement
assurées de leur juste part dans les conquêtes que
vous aurez remportées – elles voudront être
par elles
unies à vous par une véritable fraternité, des rapports

paternels, par des liens tout autres et autrement pro-


fonds que ceux de salariés du moment Comment des
régiments d'uniformes rouges, pour ne rien dire des
chevaleries, pourraient-ils combattre pour vous, si
vous pouviez vous libérer d'eux te soir de la bataille en
leur payant les schillings stipulés, et si eux, de leur
côté, pouvaient se libérer de vous le matin du combat
Les hôpitaux de Chelsea, les pensions,
promotions, un
covenant durable et rigoureusement observé, sont de

part et d'autre indispensables, même vis-à-vis d'un


combattant salarié. Le baron Féodal, mieux que cela,
comment eût-il pu subsister, entouré de simples mer-
cenaires momentanés, payés six pence par jour, prêts
à passer au parti ennemi si on leur en offrait sept? Il
n'eût pas pu subsister et son noble instinct le sauva
de la nécessité même d'essayer 1 Le baron Féodal avait
enfui une âme d'homme lui rendait
qui intolérables
l'anarchie, la mutinerie et autres conséquences de t'u-
sage des mercenaires momentanés il n'eut jamais été
4M M p&ssË BT US PRESENT

––t~< *< m~~


un baron sans cela mais eût continué d'être un çhactan,
un boucanier,. Ce lui parut d'abord chose et
précieuse,
à la fin lui devint'une habitude, (d'ailleurs sa fruc-
tueuse et riche existence l'impliquait comme une néces-
sité) que d'avoir autour de lui des hommes qui au fond
de leur cœur l'aimaient; de la vie desquels il disposait
avec rigueur et cependant avec amour, qui étaient prêts '¡,
à donner leur vie pour lui si cela devenait nécessaire.
C'était beau, c'était humain L'homme autrement ne
vit pas, ne peut pas vivre satisfait, nulle part, en aucun ~¡
temps. L'isolement est le résumé total do la misère hu-
maine. Être retranché de la communauté, laissé soli-
taire être en face d'un monde qui vousest étranger,
n'est pas le monde des vôtres qui vous est un camp
hostile qui ne vous est en rien un home où les cœurs
et les visages seraient ceux des vôtres, ceux de gens ~~`
qui vous regarderaient comme un des !eurs C'est là le .t
pire des ensorcellements ce n'est que trop à la lettre, ;`
l'œuvre de l'esprit du mal. N'avoir ni supérieurs, ni
inférieurs, ni égaux à qui l'on soit uni par des liens
humains. Être sans père, sans enfants, sans frère.
L'homme ne peut pas connaître une destinée plus
triste. « Comme chacun de nous, s'écrie Jean Paul, se
trouve solitaire dans le sein du vaste Tout 1 Chacun
est enfermé comme dans
un « palais de glace » transpa-
rent nous apercevons notre frère dans le sien, qui
nous fait des signaux et des gestes nous l'apercevons
mais sans pouvoir jamais l'atteindre sur son sein,
jamais nous ne reposerons, ni lui f=Ur le nôtre. Ce n'est
pas un Dieu qui a fait cela non, certes

Ëveillez-vous~nobles travailleurs, ô~ vous qu' guer-


royez dans Ta seule vraie guerre il faut remédier à
tout-cela. C'est vous déjà à demi vivants, a qui je veux
1
CAPNAMBSDBÏ.'NMSTNR 1-1- 4~
souhaiter la bienvenue dans
la vie c'est vous qu'au
nom de Dieu je conjure de secouer un sommeil ensor-
celé et de vivre pleinement Cessez de compter les têtes
des cadavres, les bourses d'or ce n'est pas là que
réside votre salut ni.te nôtre. Et même, ces objets, si
vous vous attachez à ne compter qu'eux, ne vous seront
pas laissés longtemps. Quittez-moi le métier de bou-
caniers, changez votre vie, abrogez vite toutes vos lois
de boucaniers si vous voulez gagner une victoire dura-
ble. Que la justice divine, la pitié, la noblesse et la
mâle valeur avec plus ou moins de bourses d'or, peu
importe se fassent
jour dans votre brève vie qui
passe et se révèlent à l'éternité, aux divinités et aux
silences. C'est à vous que j'en appelle car vous n'êtes
pas morts, vous n'êtes qu'a demi-vivants il y a en
vous une énergie toujours en éveil, intrépide, premier
facteur de toute noblesse en l'homme. Honneur à vous
tels que vous êtes. C'est à vous que j'en appelle: vous
savez tout au moins ceci que le mandat de Dieu
vis-a-vis de l'homme, sa créature, c'est « Travaille aIl
future du monde n'aura
L'épopée pas pour héros ceux
qui sont à demi-morts, mais ceux qui sont vivants, et
ceux qui s'éveittent & la vie.
Regardez autour de vous. Vos légions humaines sont
toutes en rébellion, en confusion, en plein dénûment;
à la veillé de sombrer dans le feu et la folie Elles ne
veulent pas continuer de marcher sous
vos ordres, avec
six pence par jour et le principe de l'offre et la demande;
elles ne veulent pas et de fait, ne te doivent ni ne le
peuvent. Vous les ramènerez à l'ordre, vous commencez
déjàjde les~y~j'amener. A l'ordre, ~une sage subordi-
nation, à une noble loyauté en retour d'une noble direc-
tion. Leurs âmes ont presque atteint à la folie que les
4S8 t,E PASSE BT LE PRÉSENT

vôtres soient sages et le soient de plus en plus. Ce n'eat


pas pareils à une populace' terrifiée et terrifiante,
mais pareils à une masse résistante d'hommes enrégi-
mentés, dirigés par de réelscapitaines, que ces
hommes marcheront à l'avenir. Tous les intérêts
humains, toutes les entreprises collectives humaines,
toutes les formes de société de ce monde, à un certain
stade de leur développement, ont eu besoin d'organisa-
tion et c'est le travail, le plus grand des intérêts
humains, qui en a besoin aujourd'hui.
Dieu le sait, la tâche sera rude mais jamais tâche
noble ne fut aisée. Cette tâche consumera nos vies, et
la vie de nos fils et celle
de nos petits-fils mais dans
quel but, sinon. pour des tâches comme celle-ci, la vie
a-t-elle été donnée aux hommes? II nous faudra cesser
de compter vos têtes de mille livres, les nobles d'entre
vous cesseront Mais quoi, ces têtes elles-mêmes, je
vous l'ai dit, vous ne les garderez pas longtemps si
vous ne comptez qu'elles. 11 vous faudra cesser complè-
tement d'être de barbares chactans affamés comme
des vautours et vous deviendrez
des hommes, des eu-
ropéens du X!X" siècle. Il vous faudra savoir que
Mammon, en dépit de tous les cabriolets et des « res-
pects M de la valetaille, n'est pas le seul Dieu qu'en
lui-même, il n'est qu'un démon, et un Dieu brute.
Difficile? Oui ce sera dif6cile. Le coton à fibres
courtes, cela aussi a été difficile à réaliser. Le coton-
nier, arbuste inutile, longtemps sans usage, indocile,
pareil au chardon du chemin, ne l'avez-vous pas
conquis? N'en avez-vous pas tissé de blanches chemises
pour les hommes? des vêtements aériens, aux teintes
Brillantes 3ahs lesquels les déesses semblent voltiger?
Vous avez fendu en deux les montagnes entre vos
CANTA!NES ? L'MDUSTM~ 439

mains, le dur fer. est devenu ployable comme du mastic


mou les géants des forêts, les Jôtuns des marais
portent aujourd'hui des gerbes de grains dorés Aegir
lui-même, le démon de la mer étend son dos pour vous
en faire un sentier uni, et vous circulez sur des chevaux
de feu, sur des chevaux de vent. Vous êtes infiniment
puissants. Thor, à la barbe rousse, avec ses yeux
bleus, pareils à deux soleils, son âme joyeuse, son
puissant marteau d'où jaillissait la foudre, Thor et
vous, vous l'avez emporté. Vous êtes inGniment
puissants, fils du Nord glacé, du lointain Orient
venus de
si loin, de vos sauvages déserts d'Orient
jusqu'ici, en marche depuis la grise aurore du temps 1
Vous êtes les fils du pays des JofMns, pays des diffi-
cultés vaincues. Difficile, le problème actuel? Vous
devez l'essayer. Essayez-le une bonne fois en vous
rendant bien compte qu'il demande à être et sera résolu.
Essayez-le, comme vous essayez de réaliser une chose
plus mesquine gagner de l'argent 1 Je parie
pour vous
cette fois encore, contre tous les Jôtuns, les dieux tail-
leurs, les défenseurs de la loi, nobles à la deuxième
puissance et tous les citoyens possibles du chaos 1

i. Les JCtuns, dans la mythologie du Nord, étaient des géants tout puissants
sur les éléments les torrents impétueux passaient pour leurs fils, les ruisseaux
plus paisibles, pour leurs aiies.
CHAPITRE V

PERMANENCE

Tandis que nous sommes sur le seuil, ou plutôt que


nous sommes encore en delà du seuil de la « chevalerie
du travail » et d'un avenir incommensurable
qui doit
être par elle plein de fécondité, d'ombrages verdoyants
tandis que tant de choses n'ont pas même atteint l'état
rudtmentaire et que toute prédiction, quant a quelque
décret positif, serait hasardeuse de la part de ceux qui
ne connaissent ces choses que de vue, contentons-
nous de signai" ici un vaste principe universel, base
sur laquelle toute organisation, parmi les hommes, a
reposé jusqu'ici et sur laquelle tout devra r eposer ce
principe, c'est celui du contrat permanent au lieu du
contrat temporai.e.
Permanent, non temporaire vous ne louez pas a la
journée le simple guerrier en uniforme mais
rouge,
pour des vingtaines d'années 1 La permanence, la per-
sistance est la première condition de tout résultat dans
les affaires humaines. La « tendance à persévérer !<
persister en dépit des obstacles, des découragements,
des « impossibilités c'est là ce qui distingua en
toutes choses une âme forte d'une âme faible le bour-
geois civilisé du sauvage nomade, homme
l'espèce
MBMANENCE 4?i

du genre singe Le nomade a une maison montée sur


des roues le nomade et, à un bien plus haut degré
encore, le singe, sont pour la complète « liberté » le
privilège de pouvoir fuir à tout instant leur est indis-
pensable. Hélas, en ce temps rapidement emporté, qui
lui-même efface ses propres traces, sous combien de
rapports notre humeur ne se montre-t-elle pas pareille
à celle des nomades et des singes assez affli-
spectacle
geant pour qui le contemple avec des yeux d'homme 1
Il faudra que cette humeur le premier été-
disparaisse;
ment de .toute fertilité dans les choses humaines, c'est
qu'une telle « liberté
x de singes et de nomades, volon-
tairement ou par force, se restreigne, fasse place à une
meilleure. L'homme civilisé ne vit pas dans des mai-
t3 sons roulantes. I! construit des demeures en pierre,
emplante des terrains, fait des contrats de mariage pour
la vie il a des propriétés de toutes sortes dont la
possession remonte a des dates reculées et qui ne se
cotent pas sur le marché de l'argent il a des généa-
logies, des bibiothcques, des codes de lois il a des
souvenirs et des espérances qui, même pour cette Terre,
s'étendent à des milliers d'années. Des contrats de
mariage pour la vie combien préférables seraient des
contrats d'un an, d'un mois, aux yeux du nomade ou
du singe 1
Les contrats d'un mois ne me plaisent dans
guère,
tout ordre de choses où
il y a possibitité de trouver
assez de vertu pour de plus longs. Les contrats d'un
mois ne répondent pas bien a nos besoins, même vis-a-
vis de nos domestiques la liberté, de part et d'autre,
~e changer tous !ca mois, est en train de ncus rappro-
cher des nomades, des singes et j'entends les phHo-
sophes prédire qu'il faudra que cela change sans quoi
432 !.EPASSËET!,EPRËSENT

d'étranges résultats s'ensuivraient. Sans quoi, les


hommes sages, infestés par les nomades, entourés
d'espions sans attachement et toujours renouvelés,
d'ennemis d'amis ou de serviteurs,
plutôt que peu à
peu les congédieraient, pesant avec indignation la subs-
tance en regard de la semblance, et, les renvoyant tous
jusqu'au décrotteur, leur diraient « Partez je pré-
fère me servir moi-même et avoir la paix » Gurth était
;~u;é
lié pour la vie vis-à-vis de Cedric, et Cedric de même
vis-à-vis de lui.
0 ligue contre l'esclavage, Exeter Ma!)
aux oreilles d'âne, mot qui sonne bien haut. mais en
vous aussi il y a une sorte d'instinct vers la justice et je
ne veux me plaindre de rien. Seulement, quand on se
sera suffisamment occupé des noirs d'au delà des mers, :c
n'ouvriras-tu pas tes yeux obscurcis tes yeux d'aveu- rt~
gle pour observer ces <' soixante mille valets que, dans
i;~F,
Londres seul, on
chaque met année à la rue, la saison
passée, pour qu'ils deviennent ce qu'ils peuvent `?~
~f&
ou pour contempler ces « travailleurs libres », qui j,
tombent sous la faim pâles, la peau jaune ceux-là, dans 1:
le Lancashire, Yorkshire, Buckinghamshire et tous
les autres shires 1 Ces peaux jaunes, actuellement,
absorbent toute ma sympathie si j'avais entre les
mains vingt millions, des fermes
modèles ou des expé- ,iA,
ditions du Niger, c'est à eux que je les donnerais 1 Les
noirs ont déjà des vivres, des vêtements les noirs ne t
j'
meurent pas d'un désespoir pareil à celui des hommes
pâles, à la ppaù~ jaune. Le noir, il faut l'avouer, n'est
encore idiot. Le duc de Marme- h
jusqu'à présent qu'un
lade, a Haïti, dont l'éducation a déjà duré près de cin-
<iuante ans, semble n'avoir pas la moindre lueur d~t-
telligence. Certes, chez l'un quelconque de ces tisse-
rands du Lancashire qui meurent de faitn, il y a p!ua
fNRMANENCE 4M

de pensée et de cœur, une plus grande quantité mathé-


matique de misère et de désespoir, que dans des ateliers
entiers de noirs. Il faut reconnattre que tes yeux sont
comme ceux des aveugles avec tes émancipations,
ton chiffre de vingt-deux millions et tes clameurs aux
oreilles d'âne, comme Robespierre avec son ~'e su-
prême de carton, tu menaces de devenir pour nous
une scie Avec ton dire suprême tu commences à m'em-
t
~<W
Dans une feuille
périodique de l'assidu M. Chadwick
qui fut très injurié et vraiment très utile, parmi des
questions et des réponses venues de près et de loin pour
aider à résoudre ce grand problème « Quel est l'effet
de l'éducation sur les ouvriers, par rapport à leur valeur
en tant qu'ouvriers », l'auteur du présent livre, ayant
lu avec satisfaction un verdict unanime et décisif contre
l'éducation, lut aussi avec un intérêt inexprimable la
remarque spéciale, intercalée en marge, comme note
incidente et due à un Quaker, manufacturier pratique
que nous nommerons, puisqu'il a gardé l'anonyme,
l'Ami Prudence. Prudence emploie un millier d'ou-
vriers il s'est efforcé par tous les moyens possibles de
se les attacher; il a organisé des soirées de conversa-
tion, des cours de récréation et des sociétés de musi-
que pour les plus jeunes il a même été « jusqu'à leur
acheter un tambour » toutes choses que la suite a
montré être uri excellent placement. Quant a une cer-
taine personne, désignée ici par un trait noir et que
nous appellerons Lacune, laquelle vit en face de l'autre)
celle-ci aussi emploie environ un millier d'ouvriers -,i
maiselle n'a rien fait pour eux de ce qu'a-fait l'autre,
ni quoique ce ~ôitd*ainëùra,~xcépté de leur payer
i. En Ftan~b dma !o texte.
28
M
~M “. M MSS&.ET US BBËSENT.. -–

strictement les salaires nxés l'onre et la


d'après
demande. Les ouvriers de Lacune sont
en perpétuelle
rébellion, toujours en discussions et en difncultés
tous les six mois, supposons, Lacune se trouve en face
d'une grève tous les mois, chaque jour et à toute
heure les ouvriers donnent de l'irritation à ce Lacune à
ia vue courte et lui tiennent tête. Ils le volent, gaspil-
IJ~
lent, paressent, ils omettent et commettent mille
choses. « Je ne voudrais pas, dit l'Ami Prudence,
échanger mes ouvriers contre les siens, quand on
m'offrirait sept mille livres par-dessus le ma~c~d t ')
Tu as raison, 0 honorable Prudence tu as pleine-
ment raison sept mille livres pour profit en ce monde,
au marché de l'argent de ce monde 1 Et en tant que
profit, nonplus dans ce monde seulement, mais dans
l'autre et dans tous les autres, la banque d'Angleterre
n'a pas de quoi en donner la mesure! Le lecteur sagacc
ne voit-il pas là, comme une sorte de lointaine chaîne
de rochers, peu élevés, émergeant de couches rocheuses
qui supportent tout l'univers, profondes comme le cen-
tre de la Terre ? Ces fondements rocheux feraient ainsi
saillie dans l'expérience du bon Quaker à travers les
tourbillons poussiéreux du Styx et de la Terre où tout est
corruption, sur laquelle en ce moment tout chancelle et
trébuche incertain, comme
sur le point d'être englouti ?
La permanence du contrat, sous certaines formes,
est déj& presque possible. Le principe de la perma-'
nence, chaque année mieux' compris, mieux élaboré,
peut prendre de l'extension, s'étendre graduellement
de part et d'autre jusqu'à former un système. Celui-ci
assuré, uneL base~ serait posée-pour toutca-sortc~do
bons résultats. Une fois !c contrat devenu permanent,
t. ~a~po~ sur <'tMffttMfM't
des en/<mft~aMt~M(MM),p. 89.
JPBMMNBNCB 43S

vous ne lutteriez pas avec la première difficulté reh-


contrée sur votre chemin, la quittant avec moUosse et

~~goût vous réCéchirez qu'elle ne saurait être quittée,


,]qu'i! ta faut conquérir, qu'il faut prendre un sage arran-

gement vis-à-vis d'elle. Vous, stupides êtres lies par


tes liens du mariage, vous vous êtes disputés, l'esprit
du mal a suscité entre vous une lutte, une aigreur pas-
Msemble
?: sagères si bien que l' « incompatibilité pro-
ehe vous n'en êtes pas moins les deux êtres qui, par
suite d'une longue habitude, sinon d'autre chose, êtes
T- les mieux aptes à vous convenir l'un l'autre. Il y va de
t'intérêt de vos deux stupides moi, sans parler des
enfants, des alliés et du public en généra!,
que vous
vous réconciliez, que vous repoussiez l'esprit du mal,
et que sagement, vous luttiez de vos deux mains pour

parvenir à être guidés par un esprit du bien 1


Lechevallui-même, quand il appartient en perma-
nence à son maître ne fait-il pas (et son cavalier par
lui) une besogne autrement meilleure que celle qu'on
peut attendre d'un cheval prêté pour un moment, loué
1 J'apres les principes d'emprunt connus jusqu'à ce
la permanence en
jour2 Je suis pour .toutes
choses,
commencée aussitôt que possible et prolongée aussi
lard que possible. Louange à celui qui persiste dans
les conditions où il se trouve 1 Ici, apprenons à séjour-
ner, à tracer des sillons, là, apprenons & nous uxer,
même ici, les vergers que nous emplanterons nous
donnerons des fruits les glands deviendront une forêt
mauplaisant ombrage si nous savons attendre. Combien
de choses poussent, en tous lieux, quand on sait seule-
ja ment attendrc~-A travers !cs~ marécages, noaa 6'aie- -c
M'nades chaussées, nous obtiendrons (le force des
fossesd'écou!cment; nous apprendrons à traverser tes
436 M! PASSË'ET LE PRÉSENT

rocs inaccessibles et des chemins battus se forme-


ront, devenus amis par le seul fait vainqueur du fré-
quent passage des hommes. Il n'est pas une difficulté
qui ne puisse se métamorphoser en un triomphe; il
n'est pas même une difformité qui, si notre propre âme ~.S-
lui a imprimé de la valeur, ne puisse nous devenir
chère. Les ptainesensotoiUées de l'Italie, son ciel trans- a:°;`~'
parent, d'un indigo intense, laissent parfaitement indif-
férent le grand cœur mélancolique d'un sir Walter r
Scott mais sur la crête
Apennins, des parmi les ri- ~w-=
gueurs du printemps, la vue des sapins d'Écosse exposés
à tous les vents, de la bruyère tachetée de neige, de la
désolation du paysage, fait monter les larmes aux yeux
du grand homme
0 mortels insensés qui toujours changez et quittez, :î==
disant ici °~
La-bas, pas Une richesse plus
grande que
celle qu'enferment les deux Indes, git en tout lieu pour i~-
l'homme, s'il veutattendre. Iln'y a pas que ses chênes et ~°`:
ses arbres fruitiers son cœur lui-même plongera des .;e;
racines en tout.lieu où il séjournera, pren-son cœur
dra lui-même racine, il puisera
aliments
des a la fon- yt
taine profonde de l'Être universel.
Les Sam-Shcks* «

vagabonds qui rôdent par toute la terre, faisant des


'Y
« coups de commerce », quelle fortune acquièrent-ils?
Des charges de métal, blanc ou jaune portées par des
chevaux ou des vaisseaux. en vérité, qu'est-ce que
cela ? Slick ne se repose nulle part, il n'a pas de home.
Il pourra construire des maisons de pierre ou de marbre,
mais demeurer en quelqu'une lui est interdit. La for-
tune d'un homme consiste dans le nombre de choses

qu'il aiment qu'il bénit, dont i~est aimé etrMnH Le

i. LoeMtmt, Vis de Walter Scott.


2. PeMCMMge d'une pt6cM do eom6d)o, qu: tourne CM Tfaa!teoe en dtri~oa.
MNMANENCE' .93*!

pâtre, dans sa pauvre hutte de bouc, où sa vache et son


chien sont des amis pour lui, pour qui la moindre cata-.
racte est pleine de souvenirs, à qui le sommet de
chaque montagne fait un signe amical, en vieille con-
naissance, dont toute la vie est entourée comme des
bras chéris d'une mère, ce pâtre est-il plus pauvre
que Slick portant su*' son dos des charges d'âne de son
métal jaune ? Malheureux Slick Hélas, tant de choses
C (quoique peine, répugnance ou impossibilité qu'elles
aient à vaincre) devront se modifier, se Hxerà nouveau,
– de quelque manière sensée, de quelque manière qui
ne tienne pas du délire 1
Ici, une question s'élève Celle de savoir si à quel-
qu'époque ultérieure de son développement, peut-être
a une date assez prochaine, cette « Chevalerie du
Travail H ne nous montrera
pas des patrons qui trouvent
possible, nécessaire môme, d'accorder à leurs ouvriers
un MM~f permanent dans l'entreprise dirigée par lui
et eux ? En sorte qu'elle devienne en pratique ce qu'en
fait essentiel et selon la justice, elle est, jamais: une
entreprise en commun, dans laquelle tous les hommes,
depuis le directeur en chef jusqu'au plus humble sur-
veillant ou employé auraient leur part, conformément
à l'économie aussi bien
qu'a la loyauté. A cette ques-
tion, je ne répondrai pas. La réponse, qu'elle ait lieu
bientôt ou dans longtemps est peut être, oui et
pourtant nous savons quelles difScuItés il nous faudra
résoudre. Le despotisme est une partie essentielle dans
bien des entreprises il paraît qu'on ne tolère pas la
liberté des débats M à bord d'un soixante-quatorze 1
Un ~ënatTrëpubncain ët~ïës ~MMMï?es ne siéraient
guère dans des manufactures de coton. Et pourtant,
t. Naffro da gaefM.

"438 –– M PASS~ ETtE PRË8BNT
t~ ~~f.ftï ~$~M~ ce ~.Ït
là t- B't~A~ 1--
aussi, observez fait !a liberté (non pas !a liberté
des nomades ou des singes), mais la liberté
humaine, S
voità la chose indispensable. ti nous la faut et nous
l'aurons Réconcilier le despotisme avec la liberté
quoi, est-ce là un si grand mystère? Ne sàve~-vous pas
déjà le moyen? Il consiste à rendre votre despotisme
juste. C'est rigoureux comme la destinée mais juste, °
aussi, comme la destinée et ses lois. Les lois de Dieu t
tout homme leur obéit et ne peut avoir de « liberté a
qu'en leur obéissant. Le moyen est déjà connu, en
partie du moins du courage et quelques qualités,
voilà ce qui est requis pour le suivre I
CHAPITRE VI
~r

CELUI QUI POSSÈDE DES TERRES

Un homme qui a cinquante, cinq cents, mille livres


par jour, qui les a reçues à titre gracieux, sans condi-
tion aucune, à condition, comme on dit aujourd'hui,
qu'il se tiendra assis, les mains dans ses poches sans
faire de bêtise, sans voter de loi sur les blés ou autres,
cet homme là, à ce qu'il semblerait, est ou pourrait

y;.s~~être un fort travailleur C'est un travailleur qui dispose e


'`v d'instruments tels qu'aucun homme en ce monde n'en
a Mais en pratique, chose très éton-
~r~; jamais possédés.
nante, très sinistre à constater, il ne se révèle pas du
tout comme un fort
travailleur on est trop heureux
y"~ s'il veut bien ne se révéler que non-travailleur, ne rien
faire et ne pas mal faire.
Vous lui demandez, à la fin de l'année « Où sont vos
trois cent mille livres quel résultat nous avez-vous
acquis avec cette somme? ') Il nous répond avec une
surprise indignée « Ce que j'ai fait avec? Qui ôtes-
vous, vous qui me le demandez ? Je l'ai mangée moi,
axes ma~valeiaiHe, me8_ paraattes~ jtnes~jesctaveN
» bipèdes et quadrupèdes, d'une manière et
élégante
je suis encoreen vie, gr&ce a cette somme le résultat
que je vous ai acquis avec, c'est Mof-Me/ » C'est
<
MO LE PASSE ET LE PMESEKT

là une réponse, nous l'avons dit souvent, telle qu'on


n'en a jamais fait encore sous le soleil. Une réponse
qui me remplit de crainte quant à l'avenir, qui me fait
présager le désespoir. 0 us-et-coutumes stupides
d'une fin de siecle athée, 0 Ignavia, Tailleur-Dieu,
cant meurtrier des âmes, à quelles extrémités nous
amènes-tu ? – La voix du Tout-Puissant, bravant le
tourbillon qui souffle violent, annonce à nouveau de nos
jours, distincte peur ceux qui ont des orei!!es:«La
paresse ne doit pas être. » Ainsi a parlé Dieu, l'homme
ne saurait le contredire.
Ah, combien il serait heureux que ce travailleur
Aristocrate voulût pareillement voir sa besogne -à lui, et
la faire C'est terrible qu'il aille chercher quelqu'un
d'autre pour la lui faire. Les guillotines, les tanneries de
Meudon, la vie d'un demi-million d'hommes, voilà ce
qu'il en a déjà coûté et l'affaire est encore loin d'être
terminée. Cet homme, lui aussi, est quelque chose que
dis-je? il est chose importante. Regardez-le tel qu'il est
là c'est un homme d'aspect viril chose de la
quelque
« joie de l'orgueil » se lit encore sur ses traits. Un air
dégagé de stoïcien gracieux, de dignité naturelle lui
vont bien dans son cœur, si nous y pouvions pénétrer
se trouveraient des éléments de générosité, de justice
prête à se sacrifier, de véritable valeur humaine. Pour-
quoi faut-il que cet homme, dans de pareilles condi-
tions, ne soit qu'un encombrement dans le présent;
qu'il doive périr tragiquement dans l'avenir? Dans
aucune des sections de l'avenir nous ne voudrions voir
se perdre cette noble courtoisie bien qu'elle
(impalpable _4
s'exerce partout), ces réticences pleines de dignité;
cette royale simplicité ni rien de ce dont le fertile
i. Déesse do ta to!ttcnnedo.
CELUI OUI POSSËDEDES TERRES 44i

passé nous donne encore la marque, les traces, en cet


homme. Ne pouvons-nous pas le sauver? ne peut-il pas

p nous aider à le sauver Ce serait un brave homme, lui

t~ aussi, si Ignavia athée, les ouï-dire, les mots sans sens,

p* si le cant, le cant multiforme, en dedans et autour


de lui, l'enveloppant comme un gaz étouffant, comme
une épaisse obscurité d'Égypte, n'avaient pas plongé
p son âme dans l'asphyxie, n'avaient pas, pour ainsi dire,
~< éteint cette âme. En sorte que cet homme ne voit pas,
n'entend pas, et que Moïse et tous les prophètes s'adres-
sent à lui en vain.
Se réveillera-t-il, ressuscitera-t-il, recouvrera-t-il une
âme? ou bien cette apparence de mort est-elle en
effet la mort ? C'estla question suprême, pour lui et
pour nous tous Hélas, n'est-il pas quelque noble tâche
pour cet homme-là, lui aussi? n'a-t-il pas à son ser-
f
vice des rustres
ignorants à l'esprit borné des fer-
<, miers paresseux, réduits en'esclavage; ne possède-t-il

pas des terres marécageuses ? Des terres mais n'em-

ploie-t-il pas des hommes qui, épuisés, pliant sous les


lourdes charges, labourent ces terres? des hommes à
l'âme immortelle, qui labourent, piochent, dessèchent,
le dos nu, l'estomac vide, presque le désespoir au cœur,
gt
et que nul être au monde ne peut aider pacifiquement
ag
g) que lui, leur maître ? Ne peut-il pas trouver avec ses
M trois cent mille livres, quelque noble être foulé aux
B pieds dans une ruelle et qu'il ferait œuvre pie en rele-
S[ vant? Ne peut-il rien d'autre pour le Burns de son pays
i~ que d'en faire un jaugeur; que de l'encenser, l'accabler
~~înersjstuctdement pendant quelque jtemps pour le e_
siffler ensuite, le rejeter, désespéré, au vent et &la mort
cruelle ? Son œuwe, à lui l'homme riche, est difficile
Z aussi, en ces temps modernes, si disloqués. Mais elle
'<? "t.Ë PASSE BT M. PRSSBiM

peut être faite elle peut être essayée il le faut


faire.
Un duc de Weimar, de nos contemporains, qui n'é-
tait pas un Dieu non plus, mais un duc tout humain,
fauchait, tant en revenus, en taxes, en impôts de toutes
sortes, de moindres sommes que n'en touchent plu-
sieurs de nos ducs Anglais en revenus seulement. ~°
Avec
ces revenus le due de Weimar devait gouverner, juger,
défendre, administrer dans tous les sens du mot M/< ~$s~,
Duché. Il s'en acquittait comme peu d'autres, et, par-
dessus tout cela, il améliorait le pays, faisait des rem- '~y,,
`
blais, n'entretenait pas seulement une armée mais des
universités, des institutions, et à sa cour on trouvait a~,a
ces quatre hommes: Wieland, Herder, Schiller et
;n
Gœthe.Ces hôtes n'étaient pas là en parasites, ce qui eût
été impossible ce n'était pas des bouffons, des Kater-
feltoes poétiques mais c'étaient de nobles hommes
spéculatifs travaillant sous h présidence d'un noble
<:
homme pratique. Ce chef leur était un bouclier contre
bien des misères contre bien des échecs, bien des
:i~
aberrations mortelles, peut-être. Le ciel, alors, avait 1'f~
envoyé une fois encore une lumière divine dans le
monde et ce fut l'honneur de ce duc que cette lumière
ait été la bienvenue prës de- lui. Nouvelle sorte de noble
clergé, sous une ancienne mais encore noble espèce
de roi Je considère
que ce seul duc de Weimar fit plus
pour la culture de sa nation que tous les ducs et duces
de l'Angleterre ne firent pour la leur, et non seulement
ceux qui vivent à cette heure mais tous ceux qui ont
vécu, depuis qu'Henri VIII leur donna les terres de
l'Église Mëvôrér J'ai honte, j'ai peur pour mes ducs
d'Angleterre; que puis-je dire?
<. bes honCoM po6HaM9, KateffeKoo, prattMtgKateuf.
CEHM QUI MSSËD8 DES TBNMES 443

Si notre aristocratie actuelle, comme « celle


désignée
des meilleurs et des plus braves M, veut être sensée,
4
'c, fF quel
bonheur inexprimable pour nous! Sinon, la
~.``` voix de Dieu, en dépit du tourbillon, se fait entendre à
moi distincte. Et même, je remercierai le Dieu Tout-
Puissant de ce qu'il a déclaré, quoique avec des accents
si terribles et animé d'un courroux si juste envers nous,
que « la paresse devait cesser d'être 1 La paresse '1
?
l'âme de l'homme, quand elle est éveillée, toute âme
~r;
-~y d'homme excepté celles qui sont asphyxiées, se détourne
~~>~ d'elle comme de quelque chose de pire que la mort.
z, C'est la vie dans la mort dont parle le poë'e
`~`' Coleridge.
> La fable des singes de la Mer Morte cesse d'être une
~<< fable. Le pauvre ouvrier qui meurt de faim n'est pas le
plus triste des spectacles. Il gît là, étendu mort sur son
~` retombé dans le sein de sa mère éternelle;
bouclier;
avec un visage pâle, hagard, ravagé par les soucis,
:~y~ mais rasséréné maintenant par la paix divine et il en
°'~ appelle silencieusement au Dieu Éternel, à l'Univers
entier, à la fois le plus silencieux et le plus éloquent
des hommes.
r Des
exceptions ? ah, oui, grâce au Ciel, nous savons
qu'il y a des exceptions. Notre cas serait trop dur, s'il
n'y avait pas d'exception, exceptions partielles, pas
rares, que nous connaissons et que nous ne connais-
sons pas. Honneur au nom d'Ashley honneur à lui
et a cet autre vaillant Abdiel qui se montrèrent fidèles;
qui souhaitèrent ardemment pouvoir, par leurs actes et
par leurs paroles, exhorter leur ordre à ne pas courir

vers lajiesh'ucMon Ceux-I& sont~parmt ceux qui, s'ils~


ne sauvent pas leur ordre, en retarderont la chute;
grâce à qui, par une bénédiction des puissances suprê-
i. Ashley, Lord Shaftesbufy, cMM)M pManthtope.
4M MS PASSE ET M fM~M)T

mes, on pourra atteindre sur bien des points à « uno


paisible euthanasie qui se prolongera sur plusieurs gé-
nérations, au lieu d'une mort rapide et torturante (lui
surviendrait au bout de quelques années M. Honneur et
bonne chance à ces hommes 1 Un homme noble
peut
encore s'efforcer noblement do servir et de sauver son
ordre; du moins pout-il se rappeler le précepte du
prophète « Quitte ton pays, mon peuple; quitte ton
pays 1
Rester assis sur un siège élevé, comme une statue
vivante, comme un absurde dieu d'Epicuro, regorgeant
de tout et isolé, exclu du glorieux champ de bataille où
so joue le sort de ce monde divin c'est une triste vie
pour un homme, quand tous les tapissiers, les cuisi-
niers français feraient des merveilles 1 Quelle i!!usion
de cerveaux bornés que celle qui nous fait tous croire,
qu'un homme doit ou peut subsister en dehors d<~
autres hommes, n'avoir pas do « rapport avec eux, si
ce n'est un « rapport » de compte de caisse C'est
l'histoire la plus sotte que jamais génération d'hommct
malheureux se soit avisé de raconter à une autre. Les
hommes ne sauraient vivre isolés: nous sommes, <!c
fait, tous liés les uns aux autres, pour notre mutuel
bonheur ou pour notre mutuel malheur, comme des
organes vivants dans un mêmo corps. Aucun homme
situé tout en haut ne peut se désunir d'avec un autre
situé tout en bas. Méditez cela. Le pauvre « Werther
mettant fin à son existence misérable parce que Char-
lotte ne veut point en disposer o ce n'est pas là une
phase unique; c'est simplement la suprême expression
d'une phase dont on distingue la trace.partout où une
-créature humaine eirrencoHtï'ë une autre QusfitiHrmc
Thersite au dos courbé fasse savoir au tout puissant
CM.MQMMaSËDKMa.tmRKS 4M 'a;

Agamomnonj)u'actuenetnent ne rossent pus du res-


pect pour lui, FœU du tout puissant Agamomnon, en
réponse à cette déclaration, dardera des nammcs; une 0
peine réono et une folie partielle s'empareront d'Aga"
memnon. Chose assez un Ulysse
étrange ptoin do
sagesse perd son aan~-froid devant un grodin imbeciie
il vibre, comme tilt orgue de Barbarie, it t'attoucitemcnt
du gredin imbécito, il est vient mémo a se saisir d'un
bâton a faire p!ouvoir plaies et bosses sur le doa
courbé Puisse un gouverneur d'hommes méditer bien
ce fait. Ce n'est point en n'ayant
pas do « rapport n
avec les hommes, mais on n'ayant avec eux aucun rap-
port injuste, en Hy<!M<avec eux toutes sortes do vérita-
bles et justes rapports, que devient son bon-
possible
heur ou !o !our et que ce monde desoto se transforme
pour les deux partis, en un homo et un jardin habite.
L'homme révère l'homme. L'homme vénère en ce
temple du monde, comme dit Novalis, !a présence d'un
homme Le cutto des héros véritable
et béni, on s'il est
méconnu, faux et maudit, se perpétue on tous tieux et
en tous temps. En co monde, il est une chose divine,
essence do tout co qu'il y eut, de tout ce qn'it y aura
jamais de divin en ce monde c'est la vénération qui
s'evoi!tc dans les coeurs humains devant la valeur
humaine. Le culte des héros, dans les âmes héroïques,
droites et sages, c'est la présence du Ciel
perpétucHo
sur notre pauvre Terre
quand et!c y fait défaut le
Ciel est pour nous voilé; tout alors est mis par le
Cict au ban, à l'interdit, il n'y a plus, ni
vénération,
ni fonction de vénérer ni valeur, ni bonheur sur
Terre! 1

-L'Indépendance « raine attcœuï~do-lionjet&I'ceH__


i. M y a, en ouglals un jeu de mot Intraduisible: nt Mof<A~A(p.
Wo'~p
4M US PASSEET MS fM~MT
~t-'<- ttt t t °
A'ai~a. s, hôïas oui, c~st queiqu'un que nous avon~
appris à conna!tro on ces derniers temps, chose india.
pensable pour eporonner avec l'énergie requise les
innombrables faux supérieurs, fabriquas par io tai!-
leur, honneur à elle, puisse-t-elle remporter un entier
succès Cet entier succès
lui est assuré. Mais il ne faut
pas qu'elle s'en tienne là, à ce petit succès, otto qui a
un coii d'aide. Elle a maintenant à remporter un second
succès, beaucoup plus grand il lui faut chercher ses
supérieurs réels, ceux que le Tout-Puissant et non !o
tailleur, a crée ses supérieurs, et voir un pou ce qu'ello
fera d'eux 1 Serévolter contre eux aussi? Passer a côte
d'eux avec un torritlant regard d'aig!o, avec un ricane-
ment do tranqui!!c moquerie, ou mémo sans moquerie
ni ricanement, quand ces supérieurs se présenteront 1
Avec un cœur de lion, jamais e!!o n'imaginera de pu"
roi!!os choses. Loin d'elle do pareilles idées! Son tcni.
fiant regard d'aigle se voilera, se fora doux comme
celui de la colombe son cœur do Mon deviendra ua
cœur d'agneau; toute sa juste indignation se changera
en une juste vénération, ae fondra on flots bénis d'un
amour humble et noble, incomparaMcmont plus ccicate
que tout orguci!, et même si voua voulez, incompara-
blement plus orgueilleux. Je la connais, cette indépen-
dance au cœur de lion je l'ai rencontrée, se précipi-
tant la « poitrine nue avec un air tout à fait égaré,
échevelé, les temps étant dura; eh bien je peux le dire
et le garantir sur ma vie: en elle, il n'y a pas de rcbe!-
lion il y a en elle l'inverse de la rébellion, la disposi-
tion nécessaire à l'obéissance. Car si vous entendez
réellement obéir & des supérieurs créés par Dieu, la
première mesure h ~rendre consiste à Jbatayer~eux qui
"sonfcrëéspaFÏe taiHeur;a leur ordonner, sous!a me-
MM! QM MSSËMSMRSfEMtSa MT
nace de punition, d'avoir à disparaître, do se préparer
&di8para!tro! 1
Et même, cc qui est bien mieux, ils no
pourraient pas
so révolter quand même ils le voudraient. Aux supé-
rieurs que Dieu nous a destinés, nous no saurions
ordonner de so retirer? En aucune fa~on le Grand Turc
lui-même, le frère du soleil et de !a tune, cr~o par le
tailleur, avec ses vetomcnta richement ornes, no !o pont:
mais seut !o peut un arabe, dont les habits ont été fabri-
qnes par !ui-mcme, dont les yeux noirs rayonnent, dont
le ccour onflammé de souverain est issu directement du
centr~do l'Univers; un homme, a ce qu'il parait, qui
avait aussi une terrible « veine on fer à cheval que to
courroux gonuait sur son front un homme que dos
éclairs (si vous ne voulez pas appeler cela une hnniere '),
parcourait dans toutes les veines*. Cet hommo se lève,
il dit avec autorité « Grand turc aux vêtements riche-
ment ornes, frère du soleil et do la lune, œuvre du tail-
!cur, sache que non, ce n'est pas moi qui me retirerai
tu m'obeh'as ou tu te retireras » Et il en fut ainsi; ies
grands turcs aux vêtements richement ornés ainsi quo
toute leur progéniture, jusqu'à cette heure, ont obéi à
cet arabe do la manière la plus remarquaMo, ayant
préféré ne pas so retirer.
0 mon frère, ce m'est une consolation infinie, en ce
monde désorganise, a cette heure si étou~éopar !o char-
latanisme, étouffée, vous pouvez bien le dire, par le
cauchemar, par l'enfer, -de constater que la désobéis-
sance envers le Ciel quand il nous envoie quelque mes-
sager, est et demeure impossible. Elle no se peut pas

i, lt y a t& oncoro un jeu do mois qu'on no peut Mndra « KaMnt'M sinon –


–––- –– -–-–––– – .––
-~r--
2. &))-!y!e fait M aMMÏon & M~omet.
4M M PASS~ M M PMgSBST

edmmottro: aucun turc ou petit, ne Ïa peut corn


grand
mettre. « Montrez au plus born6 des lourdauds, dit
mon inappréciable ami d'Allemagne, montrez au plus
hautain des chapeaux a plumes qu'il y a là, devant jB~
lui une âme plus grande que la sienne ses genoux
g
fussent-ils raides comme de l'airain, se plieront pour
adorer. Il
v
Vu
CHAPITRE

r" CELUI QUI POSSÈDE LES DONS


r..
~N

Certes, en quelque gigantesque et tumultueuse


anarchie que puisse résider et tuttorun noble principe
humain, ce tumulte est on voie d'être apaisé, de se
transformer en une souveraineté prospère. C'est inévi-
table, aucun chaos no peut demeurer chaos quand il
n'nfcrmc une âme en lui. Animé
par une noblesse
humaine et grave, est-ce que le meurtre, la violence,
~"I
)n fureur aux yeux de feu ne se sont pas transformes en
une chevalerie, en une loyauté bénie chez les gouver-
nants et les gouvernés? Et le travail, noble par lui-
nieme, seule véritable forme de guerre, n'ourirait pas
une semblable possibilité? No !o croyez pas; ce n'est
p!)s croyable; tout FUniversy contredit. Là aussi, le
principe du Chactan sera vaincu le principe de l'homme,
par degrés, se fera supérieur, se fera le principe su-
prême.
Je connais Mammon, lui aussi; tes Banques d'An-
gleterre, les systèmes de crédit, les possibilités vastes
comme le monde, ouvertes au travail et au trauc: j'y
appiaudig, je admire. Mammon_est_semMabte-au..
Jes
feu c'est le plus utile des serviteurs en même temps
que le plus terrible desma!tres! Les Cliffords, 7 Fitzade-
on
29
<!SO t.R MSSË RT t.R Pa~SRNT
!ms et les guerriers tle h) chevatcric « souhaitaient
remporter lit victoire n'en doutex pas; mais In vh.-
toire, h moins d'être remportée dans un certain
esprit.
n'est pas la victoire; la défaite, subie dans un oertnir. t
esprit, est oUc-meme victoire.e !e répète et M cesse-
rai do le répéter: s'Hs n'avaient fait que compter tes
tûtes do cadavres, ils seraient demeures dos Chaotana ot
aucune chevatcric, aucune victoire durab!e n'eussent
pu être. ~ïaia chez tes guerriers et les capitaines d~
t'tndustt'ic, ne peut-on découvriraueune noMen~oPPour
eux seuls entre tous tes hommes, no saurait-il jamais
y avoir d'autre félicité bénie que dans des coffres hio)
remp!is?Voir autour d'eux la beauté, l'ordre, la grati. y:
tudo, la loyauté des cœurs Jtumains, tout cela scroit i!;
sans importance voir lit difformité tt) )c-
fuHgincuse,
hollion, la haine et le désespoir, mais avec un doni-
mi!iion de guinecs, vaudrait mieux ? La bénédiction <)n
Ciel ne réside point en cela
ce qui en est le suhstitut, 0-
c'est !a malédiction du Ciel avec votre dcmi-miHion dp
morceaux de metat N'y a-t-il aucun pront répandu'
la bénédiction de Dieu mais seulement il gagner de
l'argent? S'il en est ainsi, j'informerai !e jtropric-
taire -de manufacture et !o rniHionnairc' qu'il peut, lui p
aussi, s'apprêter à disparaître; que /<« non plus n est
pas né pour ôtre le souverain de ce monde qu'il sera
piétiné ci enchaîné de quelque terrible façon, sous lit s! s
sauvegarde d'un collier de fer, parmi ceux qui, en ce
monde, sont nés serfs! Nous ne pouvons pas toiérer
des canailles, une chiennerie, qui ne veulent pas se cons- tgj
tituer en une chevalerie notre noble s)t
quelconque
avec hnpattence;
Planète les supporte en un mot, elle
né peut plus du tout les tolérer!
t. n y (ma jeu do mot MradaMMe :MWo!tHef etJMMMmiMatre.
CEUit ÙUÏ FOSSËH8 MS DOX& -4St

Car le in~
Ciol, inlassablo
in~naanWn
on ansa
nn ~nnlni
bonté,
nn..n:n
envoie on
nw
co
nn

~j monde d'autres âmes pour qui (comme pour les prccur-


L' sours au temps dos Romains, au temps des Hébreux,
n toutes les nobles époques), la guinée omnipotente
n'est, on somme, qu'une guinéo impotente. Votre lord
do la toi sur te bté, avare et à demi-mort, votre lord do
la loi sur !o coton, avare et a demi-vivant n'ont-its
jamais vu un do ces hommes? It y en a, non pas un
mais plusieurs; ity on a et il y en aura, a moins que les
dieux n'aient condamne co monde à une prompte et
'` cruottc ruine. Los voita, les élus du monde; toshom-
?
?
mes forts, nés les champions, les Samsons libérateurs
? do ce misérable monde, a qui le misérable monde des

&j !)a!i!as no dérobera pas toujours lu force et la vue,


pour tes envoyer, condamnés à d'éternelles ténèbres,
~} faire tourner ~CHf misérable roue d'engrenage! A de
tcttcs âmes, te monde commence do nos jours, à faire
perdre patience Byron même, de nos jours, devient
furieux; il refuse nettement do rendre au monde ndé-
tité et hommage. Le monde avec ses injustices, ses
brutalités déguisées sous l'or, ses inertes guinées jau-
nés, est un dégoût pour de pareilles âmes le rayon du
Ciel qu'ils portent en eux les prédestine tout au moins
& beaucoup souffrir ici-bas. Oui: et pourtant toute
souffrance est une faculté dirigée à faux, une force qui
n'a pas encore trouvé sa voie. Le noir tourbillon est le
père de l'éclair. Il n'est
pas do /MfH~, en aucun sens,
g qui ne puisse devenir une flamme et répandre ta lu-

g mierct Une amc comme cette dont je parle, ayant pris


Bt ses grades à la sévère Université du Ciel, en sort supé<
ricure & votre guinee. – ~–
Sacliez-le, û somptueux lord du blé, lord du coton,
g!
Trade-unioniste révolté, victimes du gin, vous qui ne
~83 t.R PA8S6ET t.E PR)6SB!<T
sauriez
Sttm'!nx ~trc
~t)W <m!tft'Aa'cn«tt«-tn
dé!ivrés;sache-te, ô monde
AtM~n~n t~t'
profondément S
esclave cet tmmmo-1~ n'est un esclave
point comme
toi! Il n'a besoin d'aucun do tes
grades. Sa place est
auprès des étoiles, dans les cieux ce peut être une
question importante pour toi une question do vie ou de
mort que de savoir si tu le placeras!, pondantson séjour
sur terre dans la plus humble des cahutes ou à qua-
rante pieds plus haut, au sommet de la Tour prodi-
gieusement haute: pour lui, c'est chose indifférente.
Les joies de !a Terre qui sont précieuses ne dépendent
pas de toi, ni de tes promotions aux hauts grades. La
nourriture et les vêtements, autour d'un foyer
puis,
social, des âmes qui l'animent et qu'il aime ces biens
sont déjà les siens. t! n'a besoin d'aucune de tes ré-
compenses et remarque, aussi, qu'il ne redoute aucun
de tes châtiments. Tu ne répondrais même pas ccta
en !c tuant se peut tuer,
l'enveloppe d'Anaxarque
mais le Moi d'Anaxarquo, la parole ou l'action d'A-
naxarque, en aucune manière. Pour un tel homme, la
mort n'est point un épouvantait pour un tel homme la
vie est déjà chose aussi grave, aussi aussi
effrayante,
belle et terrible que la mort.
Ce n'est pas un jeu de Mai,
que la vie de cet homme
mais une bataille et une marche, un combat contre des “
~rincipatités et des puissances. Sa vie n'est point une
promenade à travers des bosquets embau- JI
d'orangers
mes, des chemins verdoyants et fleuris dans laquelle
l'accompagnent le choeur des Muses et les Heures ver- g
moitiés c'est un rude pèlerinage à travers des déserts
sablonneux et brûlants, à travers des régions couvertes
d'épais blocs de glace. Cet homme chemine au milieu
des hommes; it aime les hommes avec une pitié indici- JE
blement douce et comme eux ne peuvent pas t'aimer: g
CHHJt (JD! fOSS~M t.t!8 NOSS 483

mais sun umo Jcmeuro dans tu aotitude, dans les parties


tes plus recutéos do t'Univcra. Au milieu do vertes
oasis, auprès des sources qui ombragent tes palmiers,
il se repose un court instant; mais aussitôt il lui faut
continuer son
voyage, escorté par les terreurs et les

splendeurs, par les archanges et les archidémons. Tout


!o Ciet, tout le pandémonium l'escortent. Les étoiles
aux regards perçants, à travers l'immensité lui envoient
des messages les tombeaux, qui gardent silencieuse-

¡.. ment leurs morts, lui envoient, eux aussi, leurs messa-

¡ ges a travers l'éternité. Les profondeurs t'appellent vers


l; tes profondeurs.
Et toi, o monde, comment te protégeras-tu contre
r. cet homme? tu ne peux pas lui payer de salaire on gui-
nées tu ne peux pas plus lui résister
non au moyen de

punitions légales ou du gibet. Il t'évite comme le ferait


un Esprit. Tu ne peux pas le pousser, tu ne peux pas
l'arrêter. Tes punitions, réduction à la pauvreté, né-
f
gligences, outrages vois, tout cola tourne a son profit.
Viens lui en ennemi détourne-toi de lui avec antipa-
thie il n'y a qu'une chose que je te conseille de ne pas
`
faire ne l'infeste pas de ta propre folie un génie bien-
faisant, fût-ce en le tuant, le protégera contre toi Que
lui veux-tu? Il est de toi, comme un dieu.
au-dessus
Toi, dans tes prodigieux socques de trois pouces, tu es
~? au-dessous de lui. I! est, de par la naissance, ton roi,
.l1~ ton conquérant, ton suprême législateur toutes les

guinées, tous les canons, pas plus que tout le cuir et


toutes les étoffes de laine qui sont sous le soleil, ne te
peuvent préserver de lui. De tous les mondes Mammo-
niens, celui qui a la peau la plus dure, de tous les Cati-
bans te plus grossier~ doivent obéira cet homme, sana_~
quoi il n'y aurait plus de Caliban mais un crampon.Oh,
<M !.BMMgBTMrM~8M'
M <w fond do cet homme dont
les yeux tancent tes fou-
~dres du ciel et qui réduit tons tes catibans en crampons.
on ne trouvait pas, constituant l'essence mcme do son
être, une Justice Divine, une noblesse humaine, !a vé-
racité et la clémence, je tremblerais pour !o monde.
Mais~a force,
r~jouisaons-nons de !o comprendre,
consiste justement on ceci la quantité de justice,
de valeur et de pitié qu'il renferme en lui. Pour tt's

hypocrites, !es char!atans, œuvres dos taiueurs et


qui occupent tes hauts postes, les yeux de cet homme
lancent !& foudre; mais ses regards se fondent en
une rosée de pitié, se font plus doux que ceux d'une j
mère, pour les oppressés, les maltraités son cœur,
sa vaste pensée sont un sanctuaire ouvert a tous les
malheureux. Le progrès de ce monde est à jamais
assuré.
« Homme de génie ? x Tu as une bien faible notion,
à ce qu'il me semble, 0 Mécène Twiddledee', de ce que
c'est qu'un homme de génie. Lis-le dans la Bib!c et
ailleurs, si toutefois, sous les flots d'inanité miel-
leuse, sous les misérables torrents d'écume du cant qm
roulent maintenant depuis plusieurs siècles, le sens du <i
Nouveau Testament n'est pas devenu complètement
obscur pour toi. JPeMa?-tu même lire dans ton Nouveau
Testament ? Le plus sublime des hommes de génie, le Mj
connais-tu, l'homme divin tenu
pour Dieu jusqu'ici 2?
Celui dont la couronne est une couronne d'épines ? Sot
~3
que tu es, avec les divinités. creuses, tes apothéoses
chM'des sa~ ~'<M!cAcs toi qui as transformé -la couronne Q
d'épines en une pauvre couronne d'orfèvrerie, bonne à
g
poser sur ta tête des imbéciles; et transformé teche-

mm de crotx~jMe promenade, dans un caM de g


t. Expression q~eignineeMtao. H
<:Et.M QUI MSSËBR t.H8 tlO~S 488

Cesse
!esso ton
ton chantacn
chantage de mnssn.
de mnssn, trs
trs titnnms.
litanies,
t~ Long-Acre?'
h's prières h lit machine selon l'usage des Catmucks et
prie donc, bruyamment si tu veux, mais du moins
d'une manière un pou plus humaine. Avec tes rubri-
ques et tes dalmatiques, avec tes toiles et tes toiles d'a-
raignée, avec toutes tes stupidités et ta rampante bas-
sesse do
cœur, comme tu as su cacher le Très-Saint
jusqu'à le rendre parfaitement invisible
Homme de génie 0 Mécène Twiddtedce, as-tu
la moindre notion de ce que c'est qu'un homme de
génie ? Le génie est un don insufflé par Dieu c'est la
révélation la plus claire de la présence en l'homme du
Dieu tout puissant. Obscure, en puissance dans tous
tes' hommes, chez l'homme de génie elle s'est faite
claire, a passé a l'acte. C'est ce que dit John Milton,
) autorisé à être juge ainsi lui répond la voix de tous les
âges et de tous les mondes. Veux-tu te mettre on rap-
port avec cet homme do génie? Sois réellement son
pair y a-t-il l'étoffe en toi ? Connais-toi toi-même,
connais et ta place réelle et ta place apparente, et agis
"` de quelque noble manière en conformité avec tout cola.
< La clarté des étoiles de t'Empyrée
Quoi s'éclipserait
et illuminerait des lanternes magiques pour l'amuse-
tuent de grands enfants! Lui, l'inspiré de Dieu, devrait
faire retentir la harpe en ton honneur et souffler dans
de durs tuyaux pour charmer ton âme lasse avec des
g
visions d'Eldorados nouveaux
et plus vastes que ceux
d'autrefois, avec des visions de Houris Paradisiaques,
de pays de Cocagne plus riches que ceux dont on parle
g
g jamais ? Mon frère, ce n'est pas là l'inspiré de Dieu
c'en est une contrefaçon, cet homme qui joue de la
g
Jtarpe~qui~oufile dansdodursjtuyaux,faijt entendre ces__
i. Long-Acre eat h) qaanier des grands caMOMiere.
gg
1-
(tJ.t
4C6 M PASS6 BT ta PRËSBttT

~ons discordants,
vains, aigres. Tu feras bien do dire
avec Saut écœuré « Ce n'est rien qui vaille, ces sons
de harpe n, et dans un accès do rage, saisissant ta
lance, d'essayer si tu no pourrais pas clouer cet homme
contre !o mur. Le roi Saû! se trompa dans son cas, Yv,
mais tu auras raison dans le tien. C'est ce qu'on doit à ~z~
un homme comme le tien le clouer au mur et l'y
laisser. C'est ainsi qu'on cloue les shillings do cuivre ta-
sur les comptoirs clouons les génies de cuivre sur les
murs et laissons-les là, pour qu'ils servent do signes
Je conclus que les hommes de lettres, eux aussi
's~
pourraient constituer une « chevalerie », un ctcrgé
actuel au lieu d'un virtuel, ce qui aurait des résultats
f'
incommensurables, aussitôt, toutefois, qu'il y aurait
en eux la noblesse requise. Et, certes, pas avant D'un
i:
intrinsèque Valetisme vous no sauriez tirer, quand tous ':<
les Parlements vous y aideraient, un Héroïsme. Les
chienneries en dépit de toutes leurs armuresde plaques
d'or, les chienneries en dépit de tous leurs écussons,
f'
les chienneries en dépit de tous leurs diplômes, bouf-
fies d'emphase, éclairées par le gaz, continueront
d'être des chiennerics et devront en accepter le sort.
,1
1~
CHAPITRE V!)!

LE PRÉDICATEUR DIDACTIQUE

Certes, je me ferais uno posante illusion si je m'at-


tendais a ce que mes sermons renversassent le Mam-
monisme a ce que, grâce à mes sermons, Bobus
Houndditch aimât moins ses guinées et davantage son
âme 1 Mais il est un prédicateur dont la prédication a
des effets et qui, graduellement, tous les hom-
persuade
mes i! a nom Destinée, divine providence et son sermon
s'appelle l'inflexible cours des choses. est
L'expérience
un professeur qui exige des appointements terrible-
ment élevés mais elle enseigne comme pas un
Je reviens à l'ami Prudence et au refus que fit ce bon
quaker des « sept mille livr es par-dessus le marché ».
La conclusion de notre ami
pratique Prudence, peu à
peu, sera celle de tous les hommes pratiques raisonna-
bles, quels qu'ils soient. Fondé sur la base, sur les
principes actuels, le travailne peut durer davantage.
Les grèves, trade-unions, chartismes; la sédition, la
malpropreté, la rage, la révolte désespérée, .de plus en
plus désespérée tout cela suivra son cours. A mesure
qu'une plus noire misère s'abattra sur nous, et que nos
refuges ~nnatntitsa~Uï'iemenaong&tombcront en mor-"
ceaux l'un après l'autre, les cœurs des hommes deve-
4M MPASSËET.~EPRËSEKf

nant enfin sérieux, se tourneront vers des refuges


construits sur la vérité. Les étoiles éternelles revien-
nent briller à nouveau, aussitôt que l'obscurité est suf-
fisante.
Entouré de toutes par ces Trade-Unions
parts et la
rébellion peu à pou on verra
anarchique, plus d'un
industriel, t~/e~seH~' de la loi ayant négligé de faire des
lois et d'en assurer le maintien, qui ira se disant à lui-
même « Dans quel but ai-je réalisé
cinq cent mille
livres? Je me levais tôt, je veillais tard, je peinais et
m'échinais à la sueur de mon front et à la sueur de
mon âme, je me suis enorcé do gagner cet argent
afin de devenir un personnage en vue et de m'attirer
quelque honneur parmi mes semblables. Je désh'nis
arriver à ce qu'ils m'honorent, à ce qu'ils m'aiment.
Voilà bien mon argent, gagné au prix du meilleur
de ma vie mais l'honneur? Autour de moi, c'est un
cercle de malpropreté, de famine, de rage, de déses-
poir s'exhalant dans la suie. Je ne suis point honoré,
i. peine suis-je envié a peine les sots et la race des
valets va-t-elle jusqu'à m'envier. Je suis en vue, en
tant que je suis une cible où visent toutes ic~ maté-
dictions et toutes les tuiles. Quel profit. ai-je retiré 2?
Mes cinq cents têtes de mort pendent ta dans ma cahute:
plût au ciel que j'aie cherché à amasser autre chose
que des têtes de mort 1 Plut au ciel que j'aie été un
guerrier chrétien et non pas un chactan Avoir com-
battu et gouverné, animé d'un esprit divin et non' mam-
monique avoir senti mes gens me bénir de tout leur
cœur comme leur vrai gouverneur et capitaine, avoir
jsentt que mon propre cœur me béntssatt; et t[uejcette
bénédiction descendait sur moi émanée d'un Dieu, au
lieu de monter jusqu'à moi, émanée d'~n Mammon
M NtËMCATECa Mt)ACTtQt)8 489

voilà qui eût été quelque chose Retirez-vous loin do


P
ma vue, misérables cinq cents têtes qui me représentez
mille'unités de banque' je veux essayer do quoique
chose d'autre, sinon je tiendrai ma vie pour une tragi-
¡ que futilité a
La « chaîne de rochers », comme nous l'avons appe-
lée, de notre Prudence, deviendra peu da pou distincte

pour plus d'un pour tous même. Attaquées par en haut


et par en bas, les lois du laissez-faire, do l'oure et de la
demande, le paiement en espèces, devoir unique tout
ce déluge de bons disparaîtra peu à pou, de toutes
parts et l'on verra do nouveau apparaître les éternelles
~`'
cimes de montagnes, les solides fondements rocheux
qui plongent jusqu'au centre
de l'Univers, reposent sur

ij la nature elle-même l'on pourra, sur eux, édifier et


',¡~ construire. Quand ici et la, les adorateurs do Mammon
se feront adorateurs do Dieu, quand les bipèdes de

proie se feront hommes, quand une amc se fera sentir


$ li nouveau à travers l'animaiismc mécanique do cette
terre, dont le pouls bat, violent comme celui d'un co-
losse alors cette terre sera de nouveau un séjour
béni.
« Les hommes cesseraient do tenir à t'argcnt? me
crie Bobus Houndditch, « à quoi d'autres tendent les
efforts des hommes? lui-même m'informe
L'Évêque
que la chrétienté ne saurait subsister sans un mini-
mum de quatre mille cinq cents livres en poche. Cesser
de tenir à l'argent? Ceta arrivera le jour du jugement
dernier, dans l'apr&s-midi
0 Bobus, mon opinion est quelque peu différente.

1. L'expression que créa C~rlyta Mt {ntMdutsMa ttve ttu<M!M<! ocittpa of"

g banher'e '– thonsande.


2. o Bipeds.of.prey." D
460 t.E PASSÉET t.E H~SENT

Mon opinion est que les puissances suprêmes n'ont


pas
encore résolu de détruire le monde d'ici-bas. Je pres-
sens avec confianceune minorité sans cesse 't
respectable,
grossissant, et luttant pour quelque chose de plus é!e\'ë
que l'argent elle ira sans cesse grossissant jusqu'il yait
de quoi en saupoudrer toutes choses,comme toute !a terre
l'est do sol. Cette chrétienté qui ne peut subsister sans
un minimum de quatre mille cinq cents, fora place a
quelque chose de mieux qui pourra vivre sans cela. Tu
neveux pas te joindre à notre petite
majorité ? Tu veux
attendre jusqu'au jourdu jugement dernier, danst'aprcs-
midi ? Soit il ce moment-là, du moins, tu te joindras à
nous, toi et !a masse qui constitue la majorité 1
Mais vraiment c'est un beau spectacle de voir !'cm-
pire brute de Mammon craquer de toutes parts; nous
donner la promesse certaine qu'ou bien il mourra, ou
bien il se transformera. Une aurore étrange, qui nous
donne le frisson, semble presque un spectre, se !cvc
jusque dans !o pays des Yankees mes amis les trans-
cendantaux* annoncent ici d'une manière distincte, p
quoiqu'un peu gauchement et sans
profit, que le Dé-
miurge DoUar est détrôné;
que de nouveaux démiurges,
prêtres, aristocraties, éclosions et destructions, tous
inconnus jusqu'à ce jour, se font déjà visibles dans !a
brume des temps à venir. Chronos est détrôné par Jého-
vah Odin par Saint-Olaf le dollar ne saurait à jamais
régner au ciel. Non, je pense, non. Des prédicateurs
sociniens quittent là leur chaire, au pays des Yankees,
déclarant « Mes amis, nous regrettons de le dire, tout
s'est tourné vers la toile de couleur 1 et ils se retirent
dans les pour y cultiver
champs les plants d'oignons,
~~ivrë H uga!eméhf de !égùmes~ C'est un faHTtres nô-
i~ C'est ainsi quo Carlyle d~aigM les «Komada.
M H~MCMECR NPACTÏQCE 4C<

f table, Le vieux calvinisme, aux allures divines, déclare


que son vieux corps est aujourd'hui tombé en hunbe jx,
que c'en est fait de lui et son fantôme éploré, désin-
carné', passe encore dans le vent; ce n'est jusqu'ici

qu'un esprit et un fantôme mais c'est !o héraut qui


nous annonce de nouveaux mondes d'esprits, des
& dynasties meilleures que celle du dollar.
Oui, aussi bien en un point qu'on d'autres, la lu-
mi6ro pénètre !e monde les hommes n'aiment pas
l'obscurité, ils aiment la lumière. Un profond sentiment
de l'éternelle nature de la justice transparaît de toutes

parts au milieu de nous, il se lit même dans les som-


brcs yeux d'Excter HaU une inexprimabtc religiosité
se débat, dans la pire détresse, pour arriver !) s'exprimer
il travers les puissances et le reste. Dans notre cant,
condamnable tout entier, que de choses il y a qu'on ne
saurait condamner sans pitié, nous pourrions presque
dire sans respect Ce qn'it y a de vérité et de valeur
s inarticulée en Angleterre y p!ongc encore des racines

jusqu'aux Fondations de t'Univcrs.


j Certaine « Chevalerie du Travail certaine noble
humanité, religion pratique du travail, se réaliseront
encore sur cette terre. Sinon pourquoi uoM~o~ pour-
quoi prier le ciel sans nous atteler nous-mêmes à la
charrue? Le présent, s'il veut que l'avenir s'accom-

plisse, devra commencer tui-meme. Toi qui prophé-


tises, qui crois, commence d'accomplir. Ici ou là, au-

jourd'hui comme en n'importe quel temps Vois cette


chose ou cette créature rejetée, qui a besoin d'aide,
écrasée sous les pieds ou les sabots du vulgaire, sans
soit ~< possiM~M de~'aider~ sans qtt'ancnn~récotn- –
S quit
pense soit offerte à qui la sauvera, ne pourrais-tu
i. « D!Mtnbodted t.
:M"PA9S&B'fMPnë8E~' 1

la sauver, toi, sans récompense? Étends la main, au


nom do Dieu; sache que le mot « impossiMe a, quand
la vérité, Ja charité et l'éternelle voix de la nature com-
mandent, n'a pas place dans le dictionnaire de l'hon-
nëto homme. Lorsque tous les hommes auront dit
« impossible H et auront trébuche pour tomber bruyam-
ment n'importe où, lorsque toi seul tu resteras debout,
c'est alors 4'
seulement que le moment et la
possibilité
seront venus pour toi. C'est maintenant
ton tour; fais
et ne prends conseil d'aucun homme, mais de toi seul
et do Dieu. ilion frcre, tu as la possibilité do faire bien
des choses la possibilité d'écrire sur les cieux éternels
le compte rendu d'une vie de héros. Cette nobte « in)"
possibilité », fût-eHe encombrée ou ne filt-elle pas
encore née, tu la peux soulever jusqu'à toi tu peux,
par le travail de ton ama, l'amener au grand jour. î
N'escorte pas cette bruyante et vive actualité, trop
« possible celle-là, qui roule avec des millions dans
sa poche, avec des trompettes aux riches vêtements
qui soufflent a pleins poumons sur son passage et tout
l'univers pour escorte, valetaille muette ou bavarde,
n'escorte pas cette actualité 1 Dis-lui sinon rien, du
moins dans le plus profond de ton cœur « Entité s

bruyante, ni la force des trompettes, ni le numéraire,


ni l'art Long-Acre, ni l'universelle vatéticité des hom-
mes, ne peut faire de toi une entité tu es une non-
entité, un simulacre trompeur, plus fatal que tu ne le
parais. Passe ton chemin du diable, qu'un homme
du moins refuse de te rendre hommage, et taisse-noua
le chemin libre ))
M g
Ccj~esontpius les ptaines~'Hion ou ttaLatium;~e g
sont des plaines, des lieux bien autrement lointains tN
qui, à l'avenir verront s'accomplir tes nobles exploits, g
t.BPKeMCATEtWBÏMC'nQ~ ~t~

Ce ne sont p!us iea plaines d'tnon mais combien moins


g
~a encore les salons do Mayfair Ils ne consisteront plus
en victoires sur nos pauvres frères, Français ou Phry-
giens mais en victoires sur les Jotuns des glaciers, les
géants des marais, sur ces démons qui s'appellent la
discorde, la paresse, l'injustice, la déraison et le retour
du chaos. Aucune des antiques épopées n'est plus
possible. L'épopée des Français et des Phrygiens
était une épopée comparativement petite mais celle
des uirts et des frivolités, qu'est-elle donc? C'est une
chose qui s'évanouit au chant du coq, qui commence

\1,. déjà1. a naircr l'air du matin Les aristocraties toutes


au maintien de leurs chasses auront beau « lever u
les perdrix avec tout le succès possible, elles ne pour-
t'ont échapper a l'oiseleur subtil. Les mois de chasse
seront cxccUcnts, puis redeviendront indifférents et
li peu n'existeront
peu plus du tout. La dernière pcr-
drix de l'Angleterre, d'une Angleterre où des mii-
lions d'hommes ne peuvent pas trouver de b!é man-
'.`~ ger, sera tuée d'un coup de feu et tout sera fini. Les
;< aristocraties qui ont de la barbe au menton trouveront
? une autre à accomplir de s'amuser avec
besogne que
des cerceaux.
Mais a vous, travailleurs,
c'est à vous qui déjà tra-
vaillez, qui êtes des hommes faits, nobles et honorables
a votre façon, que l'univers entier en appelle
,~i pour
obtenir un nouveau travail et une nouvelle noblesse.
S Subjuguez la rébellion, la discorde, le désespoir illi- t
mité par votre humanité, votre justice, votre charité et }
votre sagesse. Le chaos est sombre, profond comme
g TenfM'~faites en sorte que la lumière soitft t'on verras
a !a place de ce chaos, un monde verdoyant et fleuri.
Oh, voilà qui est grand et il n'est pas d'autre grandeur.
.M 1 s M PA8S& BT~E POSENT

Rendra quelque recoin de la création de Dieu un peu


plus fertile, meilleur, plus digne de Dieu rendre
i
quelques cœurs humains un peu plus sages, plus virils,
plus heureux, plus bénis et moins maudits C'est !&)
la besogne d'un Dieu. L'Enfer enfumé de la rébellion,
de la sauvagerie et du désespoir grâce h
peut devenir,
l'énergie humaine, une sorte de paradis; il peut être
purifié de sa fumée, de sa rébellion, de ses motifs mêmes
de rébellion l'éternelle voûte d'azur
du ciel peut s'éten-
dre au-dessus de lui aussi, de ses habiles mécanismes,
de ses grands ctochers-oheminées comme elle ferait au-
dessus d'êtres enfantés par le ciel; Dieu et les hommes
contempleraient alors ce paradis, satisfaits.
Pur des difformités destructrices, des ravages de !))
petite vérole, sans avoir coûté aux hommes des larmes
épuisantes ou le sang de leur cœur, le noble et frite- ;,1
tucux Travail progressera, se faisant toujours plus ,g'
noble, grand et unique miracle de l'homme, par qui
l'homme s'est élevé littéralement, des bas rangs de
cette terre jusqu'en des cieux divins. Laboureurs, fila-
teurs et constructeurs prophètes, poètes et rois les
Brindley et les Goethe les Odin et les Arkwright
tous, martys, nobles et dieux font partie d'une même
armée, armée incommensurable, éternellement en
0
marche depuis le commencement du monde. Armée
énorme, conquérant tout, couronnée de flammes, dans
laquelle tout soldat est noble armée sacrée et seule
noble, Que ceux qui n'en font point partie s'en aillent
se cacher, qu'ils tremblent pour leur propre sort. Des
rosettes à chaque boutonnière ne sauraient les faire
_nobtes,pa8~ptus~que_des_gerb!Bs d'ordres de ta Jar~
tière, ou des boisseaux d'ordres de Saint-Georges;
aucun autre artifice ne pourra les faire nobles, ils n'ont
PRëptCAMU!H)!BACT~m ~JBH

qu un moyen c'est de s'enrô!erviri!emënt,dë.pren3)M~~


vaillamment Isur p lase dana cettecotta armée
armga et
p. de mat~P' $" r
vaiHammentteurptacodans
avec eue. 0 ciel, ces hommes ne réQêchiroMt-Hs pas
.t.
on a tant besoin d'eux Farmée! Leur venue serait'

une telle bénédiction, triple Mnédiction pour eux et


de voir tomber la der-
pour .nous tous Dans l'espoir
nibre perdrix et de voir surgir un duo de Weimar
nos ducs anglais, nous un
parmi patientoronsTBRqore
1
f\
peu.
e
t<e<MaTMe6!eeaMt sol
f t j<* ~}
t~o bonheur et le matheur; t t t. t j~e
Ttanqn!UM,noo9noMfMyoManct)en))n,\
Rten do ce que nous y taneontroM )
No nous iattmMe, et nous avançons.
TABLE DES MATIÈRES

Livre t. PM&me.

Pagos.
CHAP. I.–Mtdaa. <
– it
U.–Le.BpMnx.
– H!. -L'insut-raettoodoMaMhoater. 23
tV.–PHato~Mon-iso)). 87
– V. Arlstocratlo de talont. 44
– 'Vt.–LeeuHo<!eth<ro3. 51

Livra Il. Le Moine d'ÀutMïoia.

C)!AP. ï. – JoceHn de BMMonde. 68


– Il. –SatntEdmundbcry. ~&
nt.–t.eSetgnctu'Edmunt). 81
– ÏV.–L'AbM 92
Hugo.
V.–Le douzième atMo. i00
/V!.–t.oMo)ne8tnnson. i(M
– M8
Vtï.–LasoHicitattondeMf&tgM.
~M.-L'ËtecHon. M3
– ÏX.–ï/AbMSamson. !?
– X. –Gonvemament. i45
– XÎ.-LeBf~oMd'agtrdel'AbM. i&i
– XH.–LesennaisderAbM. t59
– X!M.–Au Paiement. IN
– HO
XtV.-Hentad'EMeï.
~–––3<Pftt!T!!M~e-<Ml~M~yK~ir~T.T:T.7.
– XVÏ.–a<ttatEdm<md.< iSÏ
– i99
XVÏL–LM.Commencements.<
L'4@8 'TAti~S~'HeM8

MwetM.–~eT~vaMeMï'moaeHM.

CnAP. ï. – FactCmea. M5
– H.–Ê~aagHedwMammoB~MNe. J. N8
– ÏH.–ÉvangttedudUeManMMne.
– tV.–Heureux. M3
– V.–t-'Angtah. M8
– VI. Deux aiitetei). 263
– Vtt.–Sw-pîoducMon. S69
Vm.–L'ArMaeraOeqntnetravaUtepaa. 215
– ÏX.t.'ArM()CM<ieqtah'ava:)ta. S88
– X.–PhgMn de VUah)o-VMe. 2N
– XJ.–Ttawa)). 309
– XU. 8t6
MeompeBM.
– XUt. DênMomMe. M9
– XtV.–Sir JaheshWhdbag. M9
– XV.–EncoMMotfhon. 355

Livre IV. Horoscope. A;-

CaAp. Y.ArhtoeraMea. 3~:t [


– H.–ComiM do corruption. 3M r~
– 400
!–L'Mn!qtteina)t)Htio!). t
– IV.–CapOatMsdonndasMe. it9
– V.– Permanence. <:?
– 439
V!.–CaMq~po9sMede~teTrea.
– Vtt.–C<;Mqu!poMcdete8<h)ns. )M
– VU!.–Le prcdteateurdMaeMque.

'f\.J~J;

~.ChMeMtMx. – et Htt~A~p~M<<e&
'–

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