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DANS LA MEME SERIE Histoire des sciences et des savoirs ‘sous la direction de Dominique Pestre tome1 De la Renaissance aux Lumiéres sous la direction de Stéphane Van Damme ToME2 Modernité et globalisation sous la direction de Kapil Raj et Otto Sibu ToME3 Le siécle des technosciences sous la direction de Christophe Bonneuil et Dominique Pestre Sous la direction de DomiN1QUE PESTRE HISTOIRE DES SCIENCES ET DES SAVOIRS 2. MODERNITE ET GLOBALISATION Sous la direction de Kari Raj et H. OTTO SIBUM A. Atexawpen D. AUEIN, L BERLIVET, JIE. CHAPLIN, B, DOUGLAS, W. FEUERHAHN, “JcB, Feessoz, 8. HOucee, K [70 MR LEVIN, F.LOCHER, L Lowy, S, Mézien Wize, IV. ProxsTon®, K. Ray, S. SCHAFFER N. SCHLANGER, H.O. SIBUM, J. TRESCEE, MIN, Wise ‘Traductions de P. Dusoucuer, S. DUMAS PRIMBAULT, M. Lapriére, F LEMONDE, An. Ras, Ar. Ray Bibliotheque 4 EHESS-CNRS-MNHN. EDITIONS DU SEUIL 25, bd Romain-Rolland, Paris XIV PLAN DU REZ-DE-CHAUSSEE Partages politiques des savoirs. Lettres versus sciences, Geisteswissenschaften versus Naturwissenschaften WOLF FEUERHAHN Pris entre deux temps, celui auquel il appartient et celui dontil souhaite relater et expliquer les dynamiques singuliéres, Vhistorien voit sa curiosité éveillée lorsqu'un débat ancien fait écho a des faits récents. Qui feuil- lette aujourd'hui les Mélanges littéraires, politiques et philosophiques publiés par Louis de Bonald en 1819 expérimente ce type de concor- dance des temps. Dans un article intitulé «Sur la guerre des sciences. et des lettres», Bonald y décrivait les rapports entre les savoirs comme un véritable champ de bataille. En ce début de xxt* siécle, lexpression nest pas sans rappeler un fameux numéro de la revue Social Text intitulé «Science Wars» (1996). Ce volume avait été concu par des promoteurs des cultural studies de 'université de Duke (Etats-Unis) en réponse & un pamphlet du biologiste Paul R. Gross et du mathéma- ticien Norman Levitt. Intitulé Higher Superstition: The Academic Left ‘and Its Quarrels with Science (1994), le livre de Gross et Levitt accusait toute une série d'universitaires d'avoir sacrifié la rigueur scientifique et la recherche de Vobjectivite & leurs engagements politiques de gauche, a leur lutte contre le racisme et le sexisme. Mais si le volume «Science Wars» est resté célébre, cest parce que le physicien Alen Sokal réussit ay publier un canular intitulé « Transgressing the Boundaries: Toward a ‘Transformative Hermeneutics of Quantum Gravity» qui, sous couvert de montrer la fécondité des développements les plus récents de la physique pour une science postmoderne libératrice, souhaitait ridiculiser les absurdités des cultural et sciences studies contemporaines. Les multiples Phar dares do diauseés dels nouvelle Gorbonae. La fagade principale est coutonnée defivntons avec eculptures représentant,& gauche, les Seiances par Antonin Mereié (18453936); drite lee etree per Hensi Chapu (859383). 4 WOLF FEUERNAHN réactions 4 ce canular donnérent naissance a une véritable «affaire Sokal ». Il n'est pas question ici de tracer une ligne généalogique continue de Bonald 8 Sokal qui écraserait la singularité des contextes et nierait Fexistence de projets antidualistes, mais de remarquer que ces questions de partage des savoirs sont au moins autant politiques quépistemologiques. ‘Des avant cette controverse, /historien et sociologue des sciences Wolf Lepenies sest dailleurs emparé de expression de Bonald pour décrire Tordre des savoirs qui caractériserait les deux siécles qui se sont écoulés depuis?. Son constat est celui d'un divorce au long cours entre la littérature tt les sciences (Entliterarisierung), et de lémergence d'une concurrence entre ce qui alors prend, selon lui, la forme de disciplines”. Danse cadre, Lepenies érige le diagnostic posé en 1956 par le physicien et écrivain Charles Percy Snow selon lequel le monde intellectuel contemporain serait marqué par Vhostlité entre « deux cultures» (two cultures) — celle des scientists et celle des literary intellectuals® — en jalon de cette histoire biséculaire. Lepenies complexifie ce modéle en faisant de la sociologie, prise entre science et littérature, une troisiéme culture’. Or Ie panorama qu'il présente est hanté par l'histoire politique contemporaine de Allemagne et plus généralement par le spectre des fotalitarismes. A la maniere des critiques du communisme Etat, Wolf Lepenies rejette «expulsion des sentiments hors des sciences sociales [(__Jau nom c'une raison arrogante» et attribue & ce titre une «lucidité» 2 Bonald, Inversement, il dénonce ses exces et sen prend plus généra- Tement au «culte de l'irrationnel » de ceux qui, critiquant les Lumiéres, se sont, selon lui, compromis avec les fascismes®. Il sautodéfinit de ce fait comme un promoteur de «Lumiéres modestes*». Le travail histo- rique de Lepenies témoigne de lusage historiographique de catégories indigeneset du glissement toujours possible entrele registre de historien ‘et celui des acteurs quil étudie. Surtout, il montre que, & Vinstar de ses Sources ~ Bonald, Snow ~ et de Sokal plus tard, la question des partages des savoits est indissociablement épistémologique et politique. Ce point ‘rest pourtant presque jamais explicité. Le plus souvent, ces opérations Cont réduites 4 des questions purement épistémologiques. Lobjectif est 1 Lopenies 1986 2 1987 1 teenies 1986 et 195° fine de Fexstence de « lscipines® au x1 sitele, voir Blanckart 2006 et 2012. soe 7999(p- 4). Pour la contextualisation par Lepenies dela confence initiate et de ls asneterse avec ER Leavis qui sensuvit, voir Lepenies 1997 (p. 151-154) {F Lepenies 1990, # 1eBentes 1987 (p. 16-17). Voir aussi Lepenies 2007. 6 Lepenies 1987 (P17) PARTAGES POLITIQUES DES SavOIRS ny 95 ici au contraire de rappeler le lien étroit entre ces questions et des choix politiques trés situés. Plut6t que de viser a Yexhaustivité, on se focalisera ici sur deux moments ci en France t danas tevitoce delangue allemand — qu petit un double intért, Des slogans duaistes ey cristalisrent sous la forme Glinstitations et eurent de ce fait la vie longue. Par ailleurs, mobilisés bien au-dela de leurs contextes d’émezgence, ils joue: échelle beaucoup plus large. . — Les lettres contre les sciences: la guerre civile sublimée _ Lies est bref son titre lagu et a description et sans appl. Dans guerre des sciences et des lettres», Bonald présente un paysage ott les domaines de lesprit sont & i pilot te prit sont érigés en bataillons et od 'hostilité régne ‘Ces deux puissances limitrophes, long-temps alliées (...] commencent a se_ emis ne |] Les sciences accusent les lettres d’étre jalouses de leurs. usleplocpicocnvhicusoagekas psbeandonsnes pole . Il est au contraire central de prendre au sérieux la diversité des dénominations (sciences / lettres, Naturwissenschaften / Geisteswissenschaften...) ete fait que les découpages qu‘elles proposent ne sont pas a priori superpo sables?, Si nous nous autorisons donc a passer ici du contexte francais @ des contextes germanophones, c'est parce que les acteurs établissent ces ‘comparaisons. Cela nimplique pas que nous les prenions pour argent comptant. Au contraire, notre objectif est d'étudier en quoi ces compa- raisons sont révélatrices de contextes bien singuliers. Conflits locaux et interrégionaux Einladung. Durch bichte Batclosng scaer Kosiglshon 3sestit vos sex Angut warde an maeree Unierstt sino besendere notaries scinflche Falk oiciet (ral. Belage), deren (letcbe Erifamng den 29, October stinden wid ‘a diet seadeitchen Feier werden i Homen des Rectors vad scolenischen Sens sinaliche Migeder und Freado der Uai- ‘versitat in den Festsaal des Universiitsgehiudes geriemendst eingeladen. Die Festrede wind balien Professor Dr. Hugo von Moll Ueber dio Errichtung naturwissenschaftlicher Facultiten. Cane invitation 8 Yalloeution inaugurale de a faculté des sciences dela nature de ivr de Tubingen 9 otobre 50) Mob fiche cs tte de son dcoure sa volt dela deca tinier un model sues enemble do enioe 4. Voir le discours inaugural de Hugo von Mohl in Engelhardt et Dec 1 Woi I alscous inaugu 1g0 von Mohl in Engethardt et Decker-Hauif 1963 (p. 198) roa WOLF FEUEKHAHN Traduction a ae sara con uptnde Su Meo Roya wn ae dca ae Se ee ds nna ot pace rc eet anus svonee son aes eee einen exces, es eaminde entre ee eee Seine esa 5 lt Rea debenture ‘ le Professeur Docteur Hugo von Mohl pete ened scenes dele nature scours quill prononga pour inauguration de la nouvelle cit 59 octobre 1868 le botanlste Hugo von Mol présentait cet acquis comme une « victoire » le résultat d'une «lutte!» Le wocabulare wnilitaire ne manquait pas et deux fronts se dégageaient clairement: celut des sciences de la nature (Naturwissenschaften) et celui des humanités (humanistische Studien); la domination des derniéres étant présente comme un vestige poussiéreux de a faculté des arts (appelée en torts germanophone faculté de philosophie) qui, Tubingen, inclualties wis thaires de physique, dastronomie et de mathématique, de minéralogie, géologie et paléontologie: a fondation d'une faculté des sciences de la nature (naturwissenschafiiche Landon a spare mecla conception mederalseon aul Information Bildung) ne ésiderait que dans les Gtudes humanises (hun tischen Studien). Par cette fondation, on reconnait que les sciences de [a nature ont atteint une grandeur égale aux autres sciences et quelies doivin ‘uivre leur but particulier d'une maniére singuliére. On garantit enfin quélles pourzont tence vers ce but sans Etre génées par des influences étrangeres! Dans son discours, Mohl prend explicitement pour cible la Prusse, qui ne mériterait pas son titre d’«Etat de Vintlligence» (Staat der Intell gers) car elle naurait cessé de cantonner les sciences de [a nature dans ‘un rdle subordonné. Mohl dénonce également ce qui: faisait alors la fierté del Etat prussien: le Gymnasium (lycée), institution chargée de prouver ‘au monde que siles Allemands n'avaient pas d’Etat-nation ils exergalent tne domination culturelle et étaient une réincarnation de Iidéal grec de 1. Engelhardt t Decker-Havff 1968 (p- 193) Oe inaugural a l'université EIB 28) «a exgrson forge pt Hegel dans von daca nang 3d Seng (28.10.1816) at rapigement devenue un mot ordre, PARTAGES POLITIQUES DES SAVOIRS 103 formation équilibrée. Pour Mohl, c'est précisément le caractére unila- téral de ces études secondaires, tout entiéres dévolues a 'Antiquité classique, qui était responsable du fait que les auditoriums prussiens des sciences de la nature fussent si peu fréquentés et de la piétre formation des médecins prussiens! A Vheure oi la Prusse tentait d’unifier les territoires allemands sous son égide, cette charge contre son modéle scolaire et universitaire était au moins autant politique que scientifique. Issu d'une famille libérale du royaume du Wurtemberg, trés hostile a la volonté dominatrice prussienne, Mohl ancrait ainsi la question de Finstitutionnalisation du partage entre sciences de la nature et humanités dans un contexte d'affirmation d'une singularité locale et de relations interrégionales tendues. Preuve en est le fait qu’au lendemain de lassemblée qui, aprés quatre années dapres débats, devait décider de la création de cette faculté des sciences de la nature a Tubingen, le physicien prussien Hermann von Helmholtz, pourtant éminent représentant des sciences de la nature, prononca dans l'uni- versité voisine de Heidelberg un discours de rectorat resté fameux oi iL défendait unité de la faculté de philosophie®. Ce discours est d’autant plus révélateur de la prévalence des enjeux politiques que Helmholtz opérait une distinction entre les sciences de la nature (Naturwissenschaften) et les sciences de lesprit (Geisteswissenschaften). Pour lui, elles présentaient une différence de méthode, les premiéres procédant par «induction. logique », les secondes par « induction artistique® ». Mais Helmholtz ne promouvait pas pour autant une scission de la faculté de philosophie. Tlentendait surtout contrer Importation des travaux britanniques de H.T. Buckle et de J. Mill sur le sol allemand, ou ils étaient percus comme promoteurs d’un alignement des sciences de esprit sur les sciences de la nature. Helmholtz faisait notamment valoir lidéal prussien de « 'équi- libre sain des facultés de Vesprit» pour défendre l'unité de la faculté de philosophie. ‘Au prussophile Helmholtz le Wurtembergeois Mohl répondit indirec tement un an plus tard, lors de inauguration de la nouvelle faculté (le 29 octobre 1863). II contestait Fopposition fréquente entre la « voie inductive» qui serait dominante chez les praticiens des sciences de la nature et la «voie spéculative» des philosophes*. Pour lui, le «fossé 1. tbid(p. 207) 2. Lesénat de luniverstéavait voté le 13 novembre 1862 la fondation dela aculté des sciences dela nature. Helmholtz pronona son ciscours le 22 novembre suivant. Pour une analyse ‘étallée de cette fondation, voir Feuethahn 20154. 3. Helmholts 1896. 4 Engelhardt et Decker-Haulf 1963 (p. 202) 104 WOLF FRUERMAHN profond» entre la «recherche en sciences de la nature» (Naturforschung) et la «philosophie» (Philosophie) tenait au fait que la seconde était & tort «convaincue de T'nfallibilité de ses conclusions" ». Mohl reprenait ici argumentaire développé par de nombreux professeurs des sciences de la nature depuis la mort de Hegel (1831). Comme eux, au sein de la faculté de philosophie, il ne visait pas les sciences philologiques et histo- riques, mais les velléités dogmatiques et dominatrices de la philosop! ‘Ainsi moquait-il les aberrations de la Naturphilosophie tant romantique que hégélienne qui prétendait dépasser lempirisme aveugle des sciences de la nature. ; La présentation des rapports entre les sciences, qu‘lle ait été conflictuelle ala facon de Moh! ow au contraire harmonieuse comme chez Helmholtz, tenait done A des contextes locaux trés spécifiques. Mais, dans tous les cas, les régimes de savoir étaient associés & des options politiques. Comprendre (verstehen) versus expliquer (erkléren): Ia baraille d’téna Dans! histoire des conflits entre domaines du savoir, une autre opposition a été lige. lattribution de méthodes distinctes et opposées aux sciences historiques (auxquelles incomberait la compréhension, verstelren) et aux sciences de la nature (qui fonctionneraient par explication, erkldiren). La ‘encore, la genése de cette opposition doit étre appréhendée en contexte. Dans une lettre &’historien Heinrich von Sybel, Johann Gustav Droysen, récemment élu professeur d'histoire & l'université d’léna, justifiait sa décision, en 1852, de préparer un cours de méthodologie des sciences historiques par des considérations de géopolitique des sciences: Dans la situation actuelle, tout pourrit, et nous avec. Défa plus personne ne croit aux pulssances idéales et la polytechnique napoléonienne se niche ans lascience allemande. Ad vacem. Afin de simposer face & cette tendance ‘dominante ~ nos hommes les plus sages & Iéna enseignent déja que seuls le microscope et la balance seraient dela science, que leur méthode matérialiste serait la méthode par excellence, comme autrefois les leves de Hegel faisaient de méme avec la philosophie, jusqu’a ce que la philosophie attertisse dans ja crasse ~ je ferai en été un cours sur la «méthodologie et lencyclopédie de lascience historique» 1 tb (2080202) 2 Baap ide 34-55) tied 13 fer 1852). PARTAGES POLITIQUES DES SAVOIRS 205 Au cours des années suivantes, oit il prépara ce cours qu’il ne donna finalement pour la premiére fois quéen 1857, Droysen ne cessa de vitupére: contre Vorientation « matérialiste radicale» dominante a Iéna, issue de la «miséte polytechnique qui fait pourrir la France depuis 1789» et dont «révent les masses!». Les développements de la physiologie étaient alors intimement liés aux événements politiques de 1848. Liun des élaves de Justus Liebig, fondateur du premier laboratoire de physio- logie, Carl Vogt, qui avait appartenu a la fraction démocrate-radicale du Parlement de Francfort, avait fondé son plaidoyer anarchiste sur une analyse de la continuité entre les formes étatiques animales et humaines (Untersuchungen iiber Thierstaaten, 1851), explicitement défendu le «matérialisme » et violemment attaqué les universitaires allemands (Bilder aus dem Tierleben, 1852). Pour lui, la dépendance des fonctions psychiques vis-d-vis des fonctions cérébrales ne pouvait qu’imposer la vérité du matérialisme. A Iéna, le promoteur de la théorie cellulaire, Matthias Schleiden, n'était certes pas aussi engagé politiquement, mais n’hésitait pas a railler la Naturphilosophie®. Membre de la faculté de philosophic, il était trés vraisemblablement l'une des cibles de Droysen. Crest en tout cas juste aprés la 31° assemblée des naturalistes allemands, a Tété 1854 — acmé de la querelle sur le matérialisme (Materialismuss- treit) -, que Droysen formula pour la premiere fois Vidée d'une spécificité de la «compréhension (Verstehen) de 'histoire» qui «nous fait sentir combien la sagesse de la méthode moderne est misérable qui souhaiterait volontiers tout mécaniser, tout réduire au métabolisme et a léternité de la matiére*», Lantagonisme entre des méthodes ne saurait étre plus clair. Il sera formulé ensuite, dans labrégé de son cours qui circulait dés. 1858 sous le titre Grundriss der Historik, & Yaide de Yopposition entre la démarche compréhensive (verstehen) de la recherche historique et celle, explicative (erkldren), qui déduit & la maniére d'un raisonnement et qui caractétiserait les sciences de la nature’, Cet ouvrage, devenu emblé- matique de lirréductibilité des sciences historiques aux sciences de la nature, a ainsi contribué a faire de cette distinction épistémologique un mot dordre. 1 Ibid (p. 1:9: 17 juillet 1852; p. 182: 19 octobee 1853). 2. Gerber 2609 (p. 108-108), 3, Droysen 1967, p. 282-283 (30 septembre 1854). Voir ausi p, 424 (29 juillet 1856), p. 442 (20 mars 1857), p, 450 (6 mai 1857). 4 Droysen 1977 (p. 403) 206 WOLF FEVERHAHS. Guerre mondiale? Meme si tous deux mobilisaient des référents étrangers, les cibles premiéres visées par Mohl ou Droysen étaient locales: la Prusse et le primat quelle accorderait aux humanités classiques pour le premier, léna cet a domination de la pensée matérialiste pour le second. Le philosophe Wilhelm Dilthey, resté a la postérité comme le défenseur d'une opposition entre sciences de lesprit (Geisteswissenschajten) et sciences de la nature (Naturwissenschaften), allait donner une nvergure internationale & ces conflts. Luunité allemande et la guerre franco-prussienne de 1870 semblent avoir fortement contribué & lui faize considérer les sciences de Tesprit comme une spécificité allemande. Suite & fannexion de Alsace, les autorités prussiennes envisagerent d'ériger Strasbourg en vitrine dela science allemande a léchelle internationale . Un rapport en vue de Yorga- nisation de cette nouvelle université impériale fut commandéa Dilthey’. Ily défendit un double point de vue: d'abord un principe général valant pour tous les peuples et selon lequel ce ne sont pas les sciences de la nature qui élevent les concepts moraux et politiques d'une population qui a sombré. Lanalyse du déclin de la France Tots de lapogée de ses sciences exactes le montre dle maniére frappante. C'est dans les sciences historiques et philosophiques que réside la force qui permet lever une disposition nationale et une rigueur morale®. La supériorité politique et morale des sciences quill nomme ici «histo- riques et philosophiques» (kistorisch-philosophisch) nest manifestement pas mise en doute, et la France révolutionnaire, avec son primat accordé auxsciences, sert de preuve a contrario. Mais Dilthey ne défend pas pour autant un point de vue universaliste. Il considére au contraire le dévelop- pement des sciences de esprit comme une singularité allemande: « Ces sciences sont en méme temps celles en lesquelles réside la grandeur distinctive de la science allemande*. » Dilthey reprenait de la sorte la cartographie européenne de la pensée forgée en 1815 par Vhistorien du droit Friedrich von Savigny. Hostile au maintien du Code civil napoléonien dans les Etats allemands, ce dernier avait opposé I’« école historique» allemande du droit, soucieuse de la 1. Voie Craig 1984 (p. 38), 2 Dilthey 1881, Diltzey 2011 (p 606) et pour son commentaire: Feuethahn 2015c. 5 Dilthey 1941 (p. 82) 4. bid (p. 82) PARTAGES POLITIQUES DES SAVOIRS 107 singularité des différents peuples, al'« école anhistorique », rationaliste et cosmopolite, promue par la puissance impériale frangaise;celle-ci étant accusée d'avoir voulu imposer sa législation particulidre tous les peuples sous couvert d’universalité de la raison. Pour tous ceux qui s‘inscrivaient dans la lignée de l’école historique du droit, quills traitent de économie, dela langue, de fart ou de toute autre production de lesprit des peuples (Voiksgeist), VAllemagne devenait ainsi le porte-drapeau de la science historique contre l'anhistorisme franco-britannique!. Dilthey, qui, dans son rapport sur luniversité de Strasbourg, sopposait a la création d'une faculté autonome des sciences de la nature et lui préférait la séparation en «sections» moins radicale et plus usuelle en Prusse’, considérait ainsi son Introduction aux sciences de lesprit comme «la tentative {...] de justifier philosophiquement le principe de lécole historique et le travail des sciences singuliéres de la société qui actuellement sont tout entidres déterminées par lui*». Dis 1875, Dilthey avait souligné combien lapproche postiviste de hi toire des sciences de lesprit et de leur avenir, qu'elle viene de Comte ou quelle ait été modifiée par des «chercheurs anglais», lui semblait «s'écarte[t] entidrement de cette profondeur dans la recherche que cultivent les Allemands*». Les sciences de la nature étaient pour lui la version contemporaine du rationalisme abstrait des Lumiéres franco-bri- tanniques et elles ne pouvaient constituer un modéle pour les moral Les réponses de Comte et des positivistes, de Stuart Mill et des empiristes & ces questions me semblaient mutiler la réalité historique pour ladapter aux concepts et méthodes des sciences de la nature’, ja titiaui était un défenseur de Funité sous Tégide de la Prusse et louit a politique de Bismarck, vantait les mérites de la formation philo- 1 asociton deta Grande Betagned France dant soc ance trouve acins dasa peste des écono- Iter horle Adam Sra comme Adam Miler dns element rat (1809 Ss eo fon nagar sven ot Cai 9 (0) fed ase 17? At in der ley ea a in parton dea ees Spee paion onc eted Ve Scheer ithe 199te (x Ls deux premines pages de Dredacton propose une Inge de emergence de scene iste ef ela plc gl de lemoge es Ince date eww urls abr dat, dee eligon a A conan don along vlatonaes ct apelconens suet eset ‘cutee Epi and eae i np) 9508 pr. anne. 5. Dilthey 19902 (p. xvt-xvtt). eet ed Tite 1990 (a) 308 (WOLF FEUBRHAHN li Venseis si 'apprentissage logique au cceur de son dispositif denseignement. Ainsi dela rigueur philologique expliquait-ila ses yewxlécart entree rationa- lisme franco-britannique et lesprit historique développé en Allemagn historique qui ne se forme que grice & des re-herches singuligres fl te opolitique épistémologique ne faisait pas lunanimité a échelle nationale ni dans le monde germanophone?, mais elle acquit fautant plus de popularité & partir des années 1890 quelle répondait aux défis litiques du jour’ ; eonnndours da xe stele la sience était devenue une fierté nationale, un eritére de puissance. Expositions universelles et congrés internationaux qui lui étaient souvent associés étaient l'occasion d'une concurrence entre les délégations nationales*. La géopolitique épistémologique qui Saffrmait vira de plus en plus @ la caricature. En Allemagne simposa Vidée que seule a science allemand pouvait défendee Firéductbiité des sciences de esprit aux sciences dea natureet parla méme respecte es singularités historiques et nationales. De lautre cOté du Rhin, nombreux farent ceux quistyisrent a France en garante de Funité des sciences, universalisme rationaliste et de ’humanisme, ite en 1895 par une revue italienne 2 présenter «état actuel des études sociologiques en France», Emile Durkheim dressa un portrait on ne peut plus contrasté de ce qu'il nommait les «esprits » frangais et allemand 3 ‘i jexe dans i esprit allemand et plus sensible quel ndtre ce quilya de complexe meets en evant, cose ie eoeementanalytga la 4 semblé tres difcle sinon impossible de soumettre entitrement & Fanalyse Scientifique une réalité aussi compliquée; cest pourquoi [les «socialists de te ‘Theodor defens sme dans lh 20g ne oe i te Fempie des Habsbourgcitque explictement Dilthey dane sa preface a traduction des eure compl de Suan fae cate qu present fempievens deFaneset de Grane, nicer henge ce rebar oaae cer Hepat ee tae neta ato roars rane cceeey pear a succes PARTAGES POLITIQUES DES SAVORS 109 |a chaive» allemands] affrment que la société ne peut étre Fobjet que dune semi-science, dune pseudo-science, iil n'y a pas de lois au sens strict dit met, mais seulement des généraltés approximatves,sujettes& toutes sortes exceptions. Lesprt frangais, au contrare, bien quil ait embrassé les idées nowvelles dont nous avons par, est resté ce quia toujours, profondément ratjonaliste, Nous sommes malgré tout restés fides la loi cartésienne en vertu de laquelle univers intelligible peut étre traduit enttrement en symboles scientifiques... Etcest pour cela que nous estimons quella France se trouve 4ans les conditions les plus favorables pour contribuer au progres de la sociologie! Emile Durkheim avait lui-méme enquété en Allemagne dans les années 1880 sur ce qu'il nommait «la science positive de la morale» et dans laquelle il rangeait aussi les historiens de l'économie, dits «socialistes de la chalre». De maniére intéressante, il mobilise ici le vocabulaire parti- culariste de esprit d'un peuple (Volksgeist) quill avait appris de cette science? pour attribuer & la France une singularité qui pouvait sembler paradoxale: celle d’incarner la rationalité universelle. Cette nouvelle science quiétait la sociologie suscitait la concurrence entre les nations et, ar sonstatut d'informateur critique de lécole historique allemande en économie, Durkheim sattribuait une position dominante sur la scéne socio- logique internationale, Pour ce faire, il excluait purement et simplement la conception des sciences de lesprit défendue par cette école du périmétre des sciences et en faisait le vestige d'une culture littéraire?. Ainsi [Alle- ‘magne était présentée comme plus proche de ce contre quoi il luttait en France, le primat des lettres sur les sciences. Mais, affirmer l'unité des sciences ne garantissait pas plus la paix internationale que la défense de la diversité des pratiques scientifiques. Des deux cotés du Rhin, la majorité des savants prit fait et cause pour Ie conflit*. De ce fait, fopposition entre le particularisme allemand et Tuniversalisme francais allait fonctionner comme une antienne des discours idéologiques et imprégner les esprits pour longtemps. Le plus souvent interprétées comme des débats purement épisté- mologiques et méthodologiques, dont on se contente de discuter les 1. Durkee 1975p. 106. 2:lllouatnowveu et acquls savant dans le pamphlet qui die en 1915 equi chercait Acaractéerlasinentaites allemande & pari de Tanayue de avr de Thstoen nations, Ist H, von Treischke: Durkheim 1915 (p27), Sur le anton allemand de Dust, vr Feuer 201 3 Durkheim 1975 p34) (xa socologie et son domaine scientifique, Rist tliana di Socnigt, 1900) 4 Mommien 196, Prochasson et Rasmussen 1996 présupposés philosophiques, les oppositions entre «lettres» et «sciences», ‘cexpliquer (erkldrer) » et « comprencie (verstehien)», «sciences de esprit (Geisteswissenschaften)» et «sciences de la nature (Naturwissenschaften) » sont en fait inséparables de controverses qui sont au moins autant politiques. A une époque oit les sciences expérimentales affirment leur autonomie, oi les élites politiques en vantent les progrés ainsi que les liens avec l'industrie, oi la figure de Vingénieur s'affirme, la table des valeurs ‘du monde académique dont les humanités constituaient le coeur semble vaciller. Partager les savoirs est alors concu par certains savants comme ‘un moyen pour sauver un modéle de formation et un éthos professionnel quileur semble menacé. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES BLawekaEsr Claude, 2006, «La discipline en perspective. Le systéme des sciences & There da spéciallsme (xte-XX* siéle)» in Jean BOUTHER, Jean-Claude PASSERON tet Jacques Revel (it), Quest-cequtune discipline? Pars, Ed de EHESS, p. 117-148. ~ 012, «Léquation disciplnaire des sciences humaines, Paradigme ou probleme pour tine dpistemologie vraiment historique? >, in Jean-Louis Cxts, Dan SAVATOVSKY, Danielle Cane et jacqueline LEO (dix), La Diseplinaisation des savoirslingus- Paes. 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