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PETRE §. NASTUREL
LA 80 DE ANI
Volum îngrijit
de
IONELCÂNDEA, PAULCERNOVODEANU
ci G H E O R G H E L A Z Â R
EXTRAS
BRÀILA, 2003
DIONYSIOS IVIRITIS ET LES POURPARLERS
ENTRE LA MOLDAVIE ET LA RUSSIE EN 1656
V.G.Tchentsova (Moskova)
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Les documents grecs du XVII e siècle qui se trouvent dans les fonds «Relations de la
Russie avec la Moldavie et la Valachie» (n° 68) et «Relations avec la Grèce» (n° 52) des
Archives Nationales des Actes anciens de la Russie demeurent encore presque inconnus des
chercheurs qui étudient les relations roumano-russes. Pourtant leur exploitation peut donner
des éléments déterminants pour l'analyse des évolutions politiques dans la région de Test et
du sud-est de l'Europe à cette époque. Mais, parfois, des sources connues déjà depuis
longtemps sont à même de permettre des observations et conclusions tout à fait inattendues.
pour peu que l'on retourne aux originaux manuscrits. Tel est le cas, par exemple, du «traité»
de 1656 entre la Russie et la Moldavie qui a retenu Pintérêt des historiens depuis longtemps.
Le texte de l'original grec en a été édité par l'historien roumain D.G. lonescu en 1933,
d'après un microfilm réalisé aux archives de Moscou par Ion Bogdan". La version russe,
Je tiens à remercier tout particulièrement Mgr G.-M. Croce pour quelques publications rares nécessaires à la
réalisation de cet article et pour son aide. Mes remerciements vont surtout à M.V.Prigent pour le travail de
relecture qu'il a bien voulu effectuer, ainsi que à Mgr G.-M. Croce pour la relecture finale du texte, (INTAS
ir 97-1482)
P.$.Nàsturel. Le Monl Athos et les Roumains. Recherches sur leurs relations du milieu du XIV siècle à 1654.
Rome. 1986 (Onentalia Christiana Analecta, vol. 227).
D.G. lonescu, Tratatul încheiat de George §le/an eu Rus^il in 1656. Contribuai la cunoaxterea legàturilor
moastre politice eu Rusia, m: Revista istorica româna, 1933. vol. 3, fasc. 2-3, p. 234-247 (la publication
r~.oiot\pique de l'édition de D.G. lonescu: N. Râileanti. Documente médiévale moldoven^îi dm Arhivu de
Râzboi a Suediei. Chiçinâu. 2001. p. 17-23. cf. commentaires: p. 13-16).
5S2 V.G.Tchentsova
Croyants 1 '. Il participa au Concile qui se tint à Moscou en 1666-1667 et qui déposa le
patriarche Nikon 1 ". Sur le chemin de son retour, il s'arrêta au métochion du couvent environ à
Bucarest, le monastère de la Sainte-Trinité (monastère de Radu Vodà) . Le 24 juin 1672, il
tut élu métropolite d'Hongrovalachie, mars décéda peu de temps après, ver< la fin de la même
année |J .
La participation de F archimandrite Dionysios à la composition du texte clé la
convention russo-moldave de 1656 montre qu'il joua un rôle important dans les pourparlers
entre la Moldavie et la Russie (et peut-être pas seulement en tant que copiste du texte mais
également comme l ' u n de ses auteurs). D'ailleurs, il est possible de supposer que la venue
même de l'archimandrite environ en Russie se plaça dans le cadre des contacts diplomatiques
moldavo-russes. George Stefan, l'usurpateur qui occupait alors le trône moldave, l'ayant
arraché à Yhospodar précèdent, Vasile Lupu. se trouvait clans une situation très instable et
dépendait largement des ses alliés étrangers, grâce auxquels il avait pu s'imposer comme
nouveau gouverneur en Moldavie. Il entama donc presqifimmédiatement des relations avec
Moscou1"". Le cellérier du monastère de la Trinité-Saint-Serge. Arsène Souhanov. envoyé par
Alexis Michailovitch et le patriarche Nikon acquérir les livres grecs nécessaires aux futures
réformes ecclésiastiques, entama sans doute également des pourparlers diplomatiques
confidentiels. En tout état de cause, dès l'hiver 1654. Arsène Souhanov s'entretint
secrètement avec le nouveau vuivode moldave et exprima a Moscou un avis très favorable
concernant ses intentions . L'envoyé russe Gabriel Samarine, venu a Jassy avec la charte
le même temps, le voïvode continuait à préparer ses négociations secrètes avec la Russie""1.
Les préparatifs de l'alignement sur la Russie, dans la ligne de la démarche tout juste
réalisée par les Cosaques zaporogues, entrèrent dans leur phase décisive au printemps 1655,
lorsque le métropolite de Nicée Grégoire partit en mission pour la Russie. Officiellement, il
souhaitait présenter au tsar russe sa demande de subventions pour son diocèse ruiné, demande
appuyée par les patriarches de Jérusalem et de Constantinople. Mais un riche marchand,
Thomas Ivanov"", qui exerçait simultanément les fonctions d'agent politique, prévenait Alexis
Michailovitch que le métropolite de Nicée venait dire «.les mots secrets à sa grande royauté» 24 .
Il est possible que ces «mots secrets» aient pu concerner les préparatifs de futurs pourparlers
touchant la sujétion de la Moldavie.
L'importance de la visite du métropolite de Nicée. dans le cadre des relations
diplomatiques, se manifeste également par l'arrivée simultanée d'une délégation
particulièrement nombreuse de représentants des monastères apportant de saintes reliques,
ainsi que des livres utiles aux réformes liturgiques de Nikon25. C'est justement avec ces
représentants des communautés hagiorites que F archimandrite d'Iviron. Dionysios se rendit à
Moscou . L'apport de saintes reliques et d'objets sacrés accompagnait toujours les missions
diplomatiques de grande importance, annonciatrices de décisions politiques cruciales. Le
métropolite Grégoire transmit les habits portés par St Alexandre d'Alexandrie lors du Premier
Concile Œcuménique de Nicée où fut rejetée la doctrine des Ariens, des reliques de St
Maxime le Confesseur et de St Constantin le Grand, une partie du crâne de St Agathonique
(de Bithynie où se situait le diocèse du métropolite Grégoire)" 7 . Certainement, le choix de
reliques de saints associés à la lutte contre les hérésies, tels St Alexandre d'Alexandrie ou St
Maxime, symbolisait le soutien de la légation représentant le clergé Orthodoxe de tout
l'Orient Chrétien aux efforts du patriarche Nikon dans la lutte contre les adversaires des
réformes ecclésiastiques. Ces réformes constituaient le fondement de l'unité future de tous les
Chrétiens Orthodoxes, sans différences de rites, sous le pouvoir d'un seul empereur, destiné à
s'imposer en tant que «deuxième Constantin» . D'ailleurs, la translation à Moscou à ce-
moment d'une partie des reliques de St Constantin le Grand évoquait sa victoire contre les
païens ainsi que la victoire de l'Église contre les Ariens grâce au Concile q u ' i l réunit à
Nicée21'. Elle constituait un appel adressé directement au tsar russe à entretenir la vraie foi ei à
libérer les Chrétiens du joug des «Infidèles». Parmi les autres donations d'ob]ets sacrés au tsar
à l'occasion de la réception au Kremlin, se trouvait la main droite du saint martyr Basile
russe"19 .
Au mois de mars de l'année suivante, 1656, une ambassade moldave quitta de
nouveau Jassy à destination de Moscou40. Selon la version des légats, Bogdan Chmelnicky
aurait été à l'origine de leur démarche, rhetman ayant écrit à George Stefan que «c'(était) le
bon temps pour aller» et soutenant la demande de protectorat par ces propres lettres au tsar 4 ',
Le métropolite Gédéon et le logothète Grégoire Neaniul apportaient avec eux trois lettres du
patriarche de Jérusalem, Païsios (que celui-ci n'avait pas pu envoyer auparavant;, adressées
au tsar et au patriarche Nikon, appuyant les demandes de Yhospodar. En avril de la même
année, le patriarche cT Antioche, Macaire, déjà à Bolkhov. sur le chemin du retour de Moscou,
reçut un appel du tsar par lequel il était invité à revenir à la capitale russe pour une question
ecclésiastique urgente mais secrète42. Paul d'Alep parle de ce retour en même temps que des
rumeurs selon lesquelles, à Moscou, avait eu lieu une dispute entre le patriarche Nikon et
Alexis Michailovitch. Par ailleurs, on peut remarquer la coïncidence chronologique entre le
nouveau séjour de Macaire cT Antioche à la capitale russe et l'arrivée des légats du hospodar.
Le patriarche ne quitta la ville qu'au terme des pourparlers. Paul d'Alep aiïirme qu'il y avait
trois raisons pour lesquelles le patriarche était de nouveau attendu à Moscou : le souhait des
autorités de connaître sa position sur la validité du baptême des Polonais, voir du baptême
catholique 43 , l'arrivée du métropolite Gédéon, donc, d'un ambassadeur moldave, et, enfin, ia
lutte contre l'hérésie du «deuxième Arius», c'est-à-dire contre le protopope Ivan Neronov, le
chef des Vieux Croyants4^.
* F.52-2. n 541-542 (août 1655). Le patriarche confirme que le voïvode est fidèle à l'Orthodoxie et n'est ni
Calviniste ni athée, enfin, qu'il est prêt à accepter le protectorat russe. Il est significatif que Paul d Alep accuse
aussi le voïvode Mathieu Basarab vers la fin de sa vie d'aimer les Turcs et de haïr les Chrétiens! - FlaBeri
AnenncKuù. HyremecrBue, Moscou. 1896. t . l , p. 136-137. Certainement les démarches politiques du voiv(>dc
valaque expliquent ce jugement sévère. Cf.: H.O. KanrepeB. Cnowenu^ HepycanuMCKUX narpuapxoB c
pyccKUM npciBurenbCTBOM c nonoBUHbi XVI ôo Konua XVIII cTonerun, in: tlpaBOcnaBHbiû rianecTUHCKuû
CôopnuK, CaHKT-nerepôypr, 1895, Bbin. 43, T. 15 ( 1), p. 161-162; LA. Eremia. op. cil., p. 34.
41 • Cf.: McTOpuvecKue csxau, t. 2. n c 88, p. 270-273.
M 'F.68-1, n l. fol. 26-28, 82.
42 [laseri AnenncKuû. flyreLuecTsue. t. 4, p. 165-168; H.B. PoxuiecTBeHCKUÛ, MaKapuù. narpuapx
aHTUOXuûcKuu, p. 76-77; A. Raheb, op. cit.. p. 106-107.
La question du rite du baptême avait toujours une signification politique à ce moment car l'attitude envers les
Catholiques et le rite catholique engageait non seulement l'Eglise, mais aussi le gouvernement et influait sur de
possibles négociations avec les Polonais. Les années de guerre contre la Rzeczpospolita ont vu se durcir les
positions envers les Catholiques dans les territoires conquis, (cf. par exemple: M. LJJBapu, AecTpo-pyccKue
ôunnoMarunecKue OTHOLUCHU^ B nepBbie roôbi CesepHOû BOùHb/, in: PyccKa& u yKpauHCKaz ounnoMarux..., p.
38-40) Mais, après l'armistice à l'automne 1655, la politique russe marqua un changement crucial. Il convient de
garder à l'esprit qu'en avril 1656, à Moscou, eurent eu lieu les pourparlers avec le légat du roi polonais. La
guerre éclata brusquement avec l'ancien allié, la Suède, tandis que les Polonais attiraient l'attention du
gouvernement russe non seulement comme alliés dans les ultérieurs plans anti-ottomans, mais aussi comme
futurs sujets. 11 existait un projet visant à proposer la candidature du tsar russe aux élections royales polonaises
(Monuments historiques, relatifs aux règnes d'Alexis Michaélowitch, Féodor III et Pierre le Grand, C~ars de
Russie, extraits des Archives du Vatican et de Naples. éd. A.Theiner. Rome. 1859. p. 10-38, n" 6-17; E.Smurlo,
Rom und Moskau un Jahre 1657, in: Zeitschrift fur osieuropaische Geschiclite. Bd. V ( 2 ) (iNeue Folge, Bd.l).
1931. p. 181-184: M. LLlBàpu, op. cil,, p. 35-36. 40). L'attitude politique envers la R/.eczpospolita et.
conjointement, l'attitude de l'Église russe envers le baptême catholique, était déterminée largement par
l'évolution des rapports de force au sein du gouvernement russe, où le patriarche Nikon jouait un rôle clef. Le
signe d'une mésentente entre Nikon et le tsar, dont la rumeur aura rattrapé le patriarche Macaire et Paul d'Alep à
Simonovka, sans doute peut être interprétée comme l'indice de cette évolution. Hasen AnenncKuû,
flyreLuecrBue, t. 4, p. 168-169, 175.
1 IlaBen AnenncKuù, flyreujecrBue, t. 4, p. 171-172, 175-178. Cf.: fi. HuKonaeBCKUû, Ma ucropuu CHOLUCHUÛ
Poccuu c BOCTOKOM B nojiûBUHe XVII Bexa, CaHKT-fleTepôypr. 1882 (ÛTTUCK U3 >Kypn. ^XpucruancKoe
», 1882. n° 1-6), p. 53-54; H.O. Karrrepes, Flarpuapx HUKOH u uapb AneKceuMuxaûnoBun, t.l. p. 193-
Dionysios Iviritis et les pourparlers entre la Moldavie et la Russie en 1656 589
Les légats moldaves quittèrent Poutivl pour Moscou le 15 avril. Le texte de la «lettre»,
avec les paragraphes exposant les futures conditions de la sujétion de la Moldavie, fut préparé
immédiatement par Dionysios et les légats. Le 12 mai, il était déjà traduit par l'interprète qui,
selon toute probabilité, était originaire des pays danubiens. En effet, au dos du document (fol.
4 v). on peut voir sa note autographe avec la date de F exécution de la traduction («L'année
164. le 12 mai. les paroles de l'ambassadeur moldave, est (sic) traduites» , ill.4). Le 20-21
mai. les légats furent reçus au Bureau des ambassadeurs par le diacre Almaz Ivanov en
personne45.
Le patriarche Macaire revint donc à Moscou d'urgence pour participer au concile, qui
traita d'importantes questions ecclésiastiques, et aux pourparlers avec les légats moldaves46.
La signature en arabe du patriarche fut ajoutée ultérieurement sur une feuille de papier collée
au document originel, rempli par l' archimandrite Dionysios (ill. 3). Ceci signifie
qu'initialement cette confirmation des conditions n'était pas prévue, mais qu'après que le
texte a été rédigé et signé par les légats moldaves, il fut décidé qu'il était préférable d'ajouter
la signature de ce grand hiérarque de l'Église Orientale, très respecté en Russie. La feuille
attachée, qui porte la signature du patriarche, ne présente que la signature arabe du patriarche,
a l'endroit où elle est collée, et une note grecque de quelques lignes qui y fait suite,
confirmant le serment et le contenu du document au nom des patriarches Macaire d'Antioche
et Païsios de Jérusalem (ill. 3). La note est datée du 17 mai 1656. Durant les pourparlers à
Moscou, on tint donc à souligner que l'acception de la sujétion moldave par la Russie («sous
la haute main du souverain» ) avait eu lieu selon les souhaits des trois patriarches. Nikon de
Moscou, Païsios de Jérusalem et Macaire d'Antioche, ainsi que de Thetman Bogdan
Chmelnicky.47. L'analyse paléographique de récriture de cette note montre qu'elle fut rédigée
par un autre personnage célèbre qui séjournait en Russie, le hiérodiacre Mélétios le Grec48.
Melétios entretenait également des liens étroits avec les principautés danubiennes. Il
était originaire de Chios mais sans doute n'est-ce pas sans raison que Ton trouve son père
Etienne, dès les années 70, résidant en Valachie . Probablement, la famille y séjournait déjà
depuis quelque temps. Le hiérodiacre Mélétios vint en Russie dès l'automne 1655 et
envisageait de partir en avril de Tannée suivante, probablement en même temps que le
patriarche d'Antioche . Mais ses plans ont brusquement changé au moment même où le
patriarche retourna à Moscou. Cette décision pourrait également avoir été motivée par de
nouvelles perspectives de travail a Moscou, après le retour du patriarche Macaire. dans le
cadre des futures réformes ecclésiastiques initiées par le concile auquel il prit part31 Mélétios
195: P. Meyendortf, op. cit.. p. 62,
45 F.68-1. n° 1. fol. 2. 70: FI. HuKonaeBCKuû. op. cit., p. 53-54.
Il quitta de nouveau la capitale russe le 29 mai, au ternie des négociations, après avoir confirmé par sa
signature les conditions de la sujétion de la Moldavie (B. Radu, Voyage du Patriarche Macaire d'Antioche. in:
gia orienuilis* 1930. t. 22. p. 8-10: D.G. lonescu. op. cit.. p. 238-239). Il se rendit directement à Jassy
d'où, dès le mois d'août, il envoya une lettre par laquelle il témoignait du bon accueil qu'avait réservé le
hospodar George Stefan à sa personne et, comme on peut le supposer, aux nouvelles que le patriarche apportait
de Moscou - f.52-2, ir 556 (30.08.1656).
47 F.68-1, n° 1 (16.04.1656-22.01.1657. attribué par l'inventaire à 1656), fol. 83. Cf.: HaBen AnenncKuû.
HyrewecrBue, t. 4. p. 171-172.
5JT OOHKUH, Meneruù FpeK. in: POCCUH u XpucruahCKUù BOCTOK. Moscou, 1997. t. 1. p. 159-178. L'exemple
de récriture de Mélétios le Grec est publié par B.L. Fonkiè dans: B.L. Fonkic", Greek documents and
manuscnpis, n° 44, p. 67.
^ 5JT OOHKUH, Meneruû HpeK, p. 160.
** F.52-1, ir 9 (novembre 1655. attribué par l'inventaire à 1656).
Les liens étroits entre Macaire d'Antioche et Mélétios le Grec se révèlent aussi à travers la charte envoyée par
le patriarche de Valachie à Moscou au lendemain de son départ, dans laquelle il recommande à l'attention du
590 V.G.Tchentsova
demeura à Moscou et travailla en tant que maître de chant ecclésiastique grec. Puis, il joua un
rôle très important dans la préparation du concile de Moscou en 1666-1667 auquel
participèrent les patriarches orientaux, de même que l'archimandrite Dionysios Iviritis .
La participation commune de Dionysios et de Mélétios à la préparation du texte des
conditions de vassalité de la Moldavie n'est pas un exemple unique de leur coopération dans
le domaine de la diplomatie internationale. Parmi les autres documents conservés aux
archives de Moscou, se trouvent les brouillons d'une charte du tsar adressée au patriarche de
Constantinople Méthode, dans laquelle le tsar demande le pardon de Païsios Ligandis, Le
texîe du projet de lettre fut écrit par Dionysios Iviritis et des corrections introduites par
Païsios Ligaridis (ill. 6-8) . Sur une des feuilles de brouillon (fol. 2 v). on aperçoit également
l'autographe de Mélétios le Grec, parmi d'autres petits textes écrits par Dionysios Iviritis et
Païsios Ligaridis. Dans le même dossier, on trouve aussi les petites notes de Mélétios (le fol. 1
v) qui semblent être des essais de plume. Dionysios nota lui-même que la charte du tsar
adressée au patriarche Méthode fut réécrite après sa traduction par le hicrodiacre Mélétios ( i l l .
7. 9) M . Cette information est confirmée de nouveau à la fin du projet russe de la lettre par
quelque collaborateur du Bureau des ambassadeurs : «L'archimandrite Dionysios a traduit ces
chartes en grec et à partir de la traduction grecque le diacre Mélétios les a réécrites sur la
feuille, suite a Tordre de sa majesté» (ill.9) .
Le dossier du brouillon des documents relatifs à l'absolution du métropolite de Gaza
Païsios Ligaridis par le patriarche de Constantinople manifeste la collaboration fréquente des
intellectuels grecs au service du gouvernement moscovite^ 6 . Les autographes de Dionysios
Iviritis et de Mélétios le Grec, trouvés au sein d'un document aussi important que la «lettre»
des légats moldaves, démontrent que cette coopération continue dans le cadre des affaires
diplomatiques et ecclésiastiques complexes, essentielles pour la politique russe, remonte à
leur arrivée à Moscou^'.
Par ailleurs, sur critère paléographique, il est possible d'attribuer à Dionysios Iviritis
une lettre écrite au nom de Roman lasov (lasonov, Nasonov). un envoyé grec de George
Stefan auprès du tsar russe, à la veille de la chute du hospodar (ill. 10) . Le message avait été
confié oralement par le voïvocle à son dévoue serviteur, comme l'explique le texte de la lettre.
patriarche Nikon le «chantre» Mélétios le Grec. - BJ1 OOHKUM, Mesieruù FpeK, p. 100.
H.O. Karirepee, flarpuapx HUKOH u uapb /\JieKceù Muxaûnosun. t. 2. p. 292-322; 5JT OOHKUH, Meneruù
rpex.p. 101-170.
"x" RGADA. f. 159 («Prikaznyje delà novoj ra/horkK). inventaire 2, n° 236 (la date correcte: mars-juin 1669,
attribué dans l'inventaire aux années 1667-1070). fol.l r-4 r. Pour la datation cl. aussi: H.O. KarrrepeB.
HaTpuapx HUKOH u uapb Anenceù MuxaùnoBUH. t. 2, p. 502-5 i 4. appendice: p. XI-XI1I;
A.A. IltrpaKTiK'tx,. O / dçrj^ IlaïtJioc. ,/>-, M/roi'oAoyo^, in: (-koXnyia. 1937. ~. 15. a. 201; Texte autographe
de Dionysios Iviritis. corrections introduites par Païsios Ligaridis: fol.l r. 1.24-26, 34-35; fol.2 r, 1.23. 34, 37 etc.:
fol.2 v. 1.9-18 (1.1-6 - l'autographe de Dionysios Iviritis (avec les corrections introduites par Païsios Ligaridis),
1.7-8 - l'autographe de Mélétios le Grec); loi.3 r, 1. 9. 18-19. 24, 31, 33. L'exemple de l'écriture de Païsios
Ligaridis est publié par B.L Fonkië dans: B.L. Fonkic. Greck documems and manuscnpis. p. 00, n° 38.
M Ce n'est pas par hasard que les noms de Mélétios et de l'archimandrite Dionysios apparaissent ensemble
également dans le scandale de la «fausse» lettre du patriarche Macaire d'Antioche sur les
mauvaises relations de l'archimandrite avec certains moines de son monastère moscovite!
(). AAeÇai'ôpoTTouÀou. () Aïoi/Ufftoç i/3rjpirn^. a.73-75.
^ Ibid.. fol.l v. 2 v, 3 v. 4 v (l'autographe de Dionysios Iviritis en russe, signalant qu'il a traduit le texte russe en
grec et que le hiérodiacre Mélétios l'a recopié.), 5 r.
M) Sur la collaboration de Païsios Ligaridis avec Dionysios Iviritis cf.: 5J1. (£>OHKUH, HucbMO
UUOHUCUZ Hsupura flaucufo Jlurapugy, in: Byzjontinorussica, 1994. t. L p. 114-126,
(). A.X6ÇavôpOTTOÛXou, O Aïowaioç Itiripirrit,. a. 28, 114-118.
51 5J1. OOHKUH. HucbMO fluoHUCuz HsiipuTa, p. 115-116.
"* F.52-2, n°587 (18.02.1658).
Dionysios Iviritis et les pourparlers entre la Moldavie et la Russie en 1656 591
mais fut présenté à Moscou, au Bureau des ambassadeurs, le 18 lévrier 165859, sous une
forme rédigée. Les informations secrètes et confidentielles que renferme cette lettre
concernent les plans d'alliances militaires tournées contre les Cosaques et la Russie,
auxquelles George Stefan se voyait contraint de participer officiellement, ainsi que les plans
des Suédois relatifs à la signature d'un traité de paix avec la Rzeczpospolita, conformément
aux exigences de la Porte. Il s'agit d'une preuve irréfutable de la pleine connaissance que
Dionysios Iviritis avait de tous ces événements et des informations secrètes destinées
uniquement au tsar et au patriarche Nikon, puisqu'il rédigea lui-même le texte signé du nom
de Tenvoyé moldave et présenté au gouvernement russe.
Le constat que les conditions de la vassalité de la Moldavie furent finalisées grâce aux
Grecs ou Gréco-Roumains (en prenant en considération la difficulté à déterminer la
nationalité d'un personnage tel que Dionysios Iviritis, probablement né en Valachie. mais
dont le grec était la langue maternelle, et qui se qualifie de «makedonovlachos»)(l{) donne,
certes, un tour tout ù fait particulier à la question des objectifs de leur séjour et de leurs
missions en Russie, qui semblent en premier lieu politiques 61 . L'échec final des pourparlers
ne doit pas cacher l'ampleur de leurs efforts.
La demande du patriarche Macaire cTAntioche, adressée au gouvernement russe en
décembre, de laisser partir les légats moldaves retenus à Moscou, montrent qu'il continuait à
s'impliquer dans les relations politiques moldavo-russes après son départ de Russie et à
garder l'espoir de voir se réaliser le projet secret6". Les activités du patriarche Macaire durant
les pourparlers avec les légats moldaves à Moscou, dans le cadre de rétablissement d'une
alliance moldavo-russe de concert avec les nations ^protestantes», ne semblent pas en parfaite
harmonie avec à sa soi-disant position «pro-eatholique». Les bonnes intentions du patriarche
Macaire envers le Saint Siège sont connues: lorsqu'il séjournait encore en Orient, il était en
contact avec des missionnaires latins à Damas et Alep . Il manifesta cette même orientation à
Moscou en défendant dans un traité rédigé de sa main en arabe64, la validité du baptême des
Polonais, c'est-à-dire du sacrement catholique. Telle était l'attitude que les autorités russes (le
patriarche Nikon) attendaient de cette éminente figure de l'Église Orientale pendant le concile
à Moscou! Son soutien aux efforts de la légation moldave pour obtenir un protectorat russe
pour leur souverain et leur pays, s'explique sans doute par l'espoir du patriarche de voir
bientôt la Moldavie, les Cosaques, la Russie et la République Polonaise constituer une
alliance des pays orthodoxes et catholiques, une ligue chrétienne unie face aux Ottomans6:>
""" D'après une note de I"interprète chargé d'exécuter la traduction.
'*'(). AAe^ai'ftpoTTOuÀou, () Aiorùmor. /(jrjpt rty:. a. 19-22.67.
Dans l'optique de ces relations diplomatiques, auxquelles Dionysios Iviritis participait, on comprend mieux
pourquoi il pouvait être impliqué aussi dans les projets de rencontre avec le voïvode déposé, George Stefan, en
1665-1666. Cf.: (). AA.eÇm'hpoTTOb'Xou, ( ) Atoi'wiot,
/(jfyHTfy:. ci. 64. On peut être certain qu'il ne s'agissait pas seulement de subventions matérielles pour son
monastère, largesses bien improbables de la part de voïvode déposé!
( ' 2 F.52-4. n° 46 (12.12.1656). f o l . l : la charte du patriarche Macaire d'Antioche. écrite de Târgoviste, publ.: H.B.
Po>KgecTBeHCKuû. MaKapuû, narpuapx anTuoxuùCKUù. p.93-94. cf. aussi: F.68-1. n c 1 (01.01.1657). fol.1-8. 11
faut remarquer que par la même lettre le patriarche Macaire appuyait, dans le conflit au sein du monastère grec
de Saint-Nicolas, la position de l'archimandrite Dionysios Iviritis contre ses adversaires, les moines Sirnéon et
Joseph. Est-ce que le conflit au monastère n'avait pas également une portée politique? Cette supposition, tout à
fait possible, demande néanmoins à être confirmée par une recherche spéciale. Cf. aussi à propos de cette lettre
du patriarche Macaire: (). AXeÇovôpOTTOuXov, O Aïoi'ûmoc; /ftrjpirr]^, a. 58-60, 74. Cf. HcropunecKue CBxau,
t. 2, n c 97 (22.01.1657). p. 296-297: le départ de la légation moldave de Moscou.
M A. Raheh. op. ci!., p. 107-125: B. Heyberger. op. cit.. p. 141, 391-397, 425.
M FlaBen AnenncKuù. HyrewecTsue. t. 4. p. 175: A. Raheb. op. cil., p. 107: B. Heyberger, op. cil., p. 396.
" A Constantinople commençait déjà une période de répression à rencontre du haut clergé lié à la constitution
592 V.G.Tchentsova
Appendice
de l'alliance anti-ottomane! - B.F. Hemaosa. Mujpa Flaucun MepycanuMCKoro - ne npucnaHHbiù pyccKOMy uapio
BCHCU «uapa KoHCTaHTUHa». in: HUKOH u ero speMSR. Marepuanbi HayMH. KOHc^epenuuu B Foc. Mcrop. Mysee.
Moscou. 2003 (sous presse).
M. HJeapu, op. cit., p. 34-41; K.AyrycTUHOBUH, PyccKO-nonbCKaa Boûna 1654-1657 rr. u nocpegHunecTBO
FaôcôyprcKOû UMnepuu, in: PyccKaa u yKpauHCKaa gunnoMajua, p. 47-52.
67 Flaeen AnenncKuù, HyrewecrBue, t. 4, p. 174-178: Cf.: K LLJBapu, op. cit., p. 37.
Dionysios Iviritis et les pourparlers entre la Moldavie et la Russie en 1656 593
l'encre noire; 1.35-41 sont écrites par Mélétios le Grec au nom du patriarche Macaire
d'Antioche.
Deux empreintes de cachet appartenant au métropolite Gédéon de Suceava et au
deuxième logoîhète Grégoire Neaniul sont apposées après les signatures des légats. Une
empreinte du cachet du métropolite Gédéon (diamètre 28 mm) avec l'effigie de St George
terrassant le dragon et une inscription circulaire: + REHAT C7TO ŒWPHA MMTPOnOJlPlI
CVHABCKOI. Une empreinte du cachet du logoîhète Grégoire Neaniul (diamètre 15 mm, un
cercle irrégulier) avec l'effigie d'un cerf tourné à droite et les lettres: HHA. A la fin du texte,
une empreinte du cachet du patriarche Macaire d'Antioche (diamètre 20 mm) avec une
inscription arabe au centre: [Ma]kâriyûs bi-rah mat Allah Tàâlâ al-Batriyark
al-Antâkî [wa-Jsâyr al-Masriq; et une inscription grecque circulaire:
t MAKAPIOÏ l£AE<q)> Œ(0ï) T I A T P I A P X H X A<i/>TIOXEIAZ69. Les empreintes du
sceau des Archives du Ministère des Affaires étrangers à Moscou (fol. 3 v, 4 r. 4 v).
Remarques: Le document se trouve dans le dossier relatif à la documentation
concernant le séjour des légats moldaves en Russie et leur serment de fidélité au tsar russe.
Dans le même dossier, se trouvent: fol. 1 r, 1 v, 2 r, le texte russe du serment de fidélité signé
par le métropolite Gédéon et le deuxième logoîhète Grégoire Neaniul avec les empreintes des
cachets leur appartenant, identiques à ceux présents sur le fol. 4 r du document grec; fol. 5 r:
la traduction russe des signatures du métropolite Gédéon, du deuxième logoîhète Grégoire
Neaniul et du texte ajouté après la signature du patriarche Macaire d'Antioche; fol. 6 r, 6 v,
7 r, 7 v, 8 r: la traduction russe (préparée pour la publication au XIXe siècle dans: flonnoe
coôpahue 33KOHOB POCCUÛCKOÙ uMnepuu, 1830, t.l, n° 180, p.384-386, cf.: p.382-390); fol.
9: vac.
Publ.: D.G. lonescu. Tratatul încheiaî de George Stefan eu ruçii în 1656. Contribuai
la cunoaçterea legâturilor noastre politice eu Rusia, in: Revista istoricà românà, 1933, vol. 3,
fasc. 2-3, p. 241-246 (la publication phototypique: N. Râileanu, Documente médiévale
moldoveneçti clin Arhiva de Ràzboi a Suediei. Chi^inàu, 2001, p. 17-23.) u.
Traduction: F.68-1. n û 1 (16.04.1656-22.01.1657, attribuée par l'inventaire à Tannée
1656): «L'arrivée à Moscou des ambassadeurs du voïvode de Moldavie [George] Stefan, du
métropolite Gédéon et du boyard logoîhète Grégoire Neaniul, avec la demande d'accepter son
assujettissement impérissable avec toute la Moldavie à la Russie», fol.60-69. - L'exécution de
la traduction des signatures sur feuille séparée suggère que le texte des conditions de
l'assujettissement de la Moldavie a été traduit avant qu'il soit signé. Puis, lorsque les légats
moldaves eurent apposé leurs signatures au texte originel, les employés du Bureau des
ambassadeurs ajoutèrent au dossier la traduction russe des signatures avec le petit texte de
confirmation de la fidélité du liospodar, écrit au nom du patriarche Macaire d'Antioche. Ce
document se trouve maintenant dans le même dossier que le texte grec (f.68-3, n° 5, fol.5 r).
6g<abc>: lettres oubliées, mais nécessaires pour en comprendre le sens; (abc): solution des
abréviations.
Corrections à l'édition de D.G.lonescu (lignes de l'édition du texte sont indiquées):
P.241. 1. 1-2 èTOpdvyriïAev | p.242. 1.10 eï'BeXai- || 1.14 (3a<ai>Xd(ai') || 1.33 TO pnXafn TOI) || 1.36
K ( U L ) aY[ifji' post COÏT, supra I T / ; uf|r. scriha ipse correxit, lege K ( Q I ) T<i>[iTJi'. cf. p.243, 1.1
H T i | i f j K ( ( H ) n TcvÇn T HA d6€i ; T(ar, || 1.39 XP^ 0 ''- il p.243. 1.16 eic II p.245. 1.1 a/VXa j| 1.4 e/nuoi || 1.5
é*yicaTOiicouç|| p.246. 1.6 (3o€(3cuvôar, || 1.9 Trapiôi' || 1.13 iT(coTn,JpLcu.
594 V.G.Tchentsova
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Fig. 9. RGADA, f. 159-2, n° 236, fol. 5 r: note rédigée en fin du projet russe
de charte du tsar Alexis Michailovitch au patriarche Méthode de
Constantinople par q u e l q u e collaborateur du Bureau des
ambassadeurs; celui-ci signale que Dionysios Iviritis a traduit le texte
russe en grec et que le hiérodiacre Mélétios l'a recopié.
Dionvsios Iriritis cl les pourparlers entre la Moldavie et la Russie en 1656 603
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