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ETUDE : Les qualités de la loi pénale

N° Lexbase E1412GAK
PDF généré le 13 octobre 2019.

Droit pénal général > La loi pénale

TABLE DES MATIÈRES

1 Synthèse
2 Etude détaillée
2.1 La consécration du principe de légalité
2.1.1 Les origines du principe de légalité
2.1.2 Le principe de légalité de la loi par renvoi à d'autres sources
2.1.3 La légalité des sanctions
2.1.4 Le contrôle du Conseil constitutionnel concernant le principe de nécessité
2.1.5 Le contrôle du Conseil constitutionnel concernant la proportionnalité de la peine
2.2 L'exigence de clarté et de précision de la loi pénale
2.2.1 La légalité matérielle
2.2.2 Le contrôle de l'exigence de clarté par le Conseil constitutionnel
2.3 L'interprétation stricte de la loi pénale

2 Etude détaillée
2.1 La consécration du principe de légalité

2.1.1 Les origines du principe de légalité


N° Lexbase E3071GAY

Droit pénal général > La loi pénale > ETUDE : Les qualités de la loi pénale > Etude détaillée

Origines

C'est au siècle des Lumières dans la pensée de Beccaria et de Montesquieu que l'on trouve l'idée du principe de légalité criminellenullum crimen
nulla poena sine lege . Soucieux de mettre n au système pénal de l'ancien Régime empreint d'arbitraire judiciaire, ils mettent en avant l'idée que
l'infraction doit être créée uniquement par la loi : seule la loi en tant que manifestation de la volonté générale dispose de la légitimité démocratique
suffisante pour créer des incriminations et des sanctions.

Proclamations. Dès la Révolution française, divers textes commencent à proclamer ce principe. Il en va ainsi bien évidemment de la Déclaration des
droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 en son article 8, texte à valeur constitutionnelle, ou encore du Code pénal de 1810 en son article 4.

Il gure aujourd'hui aux articles 111-2 et 111-3 du Code pénal, et est consacré dans de nombreux textes internationaux, comme l'article 11 § 2 de la
Déclaration universelle des droits de l'Homme, les articles 9 § 1 et 15 § 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ou encore l'article
7 Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Légalité formelle et légalité matérielle. Si à l'origine, le principe de légalité s'entend exclusivement de manière formelle au sens où c'est la source
légale de l'incrimination et de la sanction qui importent, depuis les années 1980 le principe a également pris une dimension matérielle. Le fait que la
norme pénale trouve sa source dans la loi ne su t plus, encore faut-il que cette norme dispose de qualités su santes, c'est-à-dire qu'elle soit
suffisamment claire et précise (v. infra, L'exigence de clarté et de précision de la loi pénale N° Lexbase : E1414GAM et s.).

DDHC 26-08-1789, art. 8


C. pén., art. 4, version du 22-02-1810, plus en vigueur
Art. 111-2, Code pénal
Art. 111-3, Code pénal
DDHC 26-08-1789, art. 11
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, New York 16-12-1966
CEDH 04-11-1950, art. 7

► Légalité formelle et nécessité d'un texte :s'agissant de l'aspect formel, le principe de légalité implique d'abord l'existence d'un texte
d'incrimination. Un citoyen ne peut être condamné pénalement que si son comportement correspond à celui décrit par un texte. Cette nécessité
d'un écrit a deux justifications principales.

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La première est la lutte contre l'arbitraire et les inégalités puisque la présence d'un texte applicable à tous constitue une garantie fondamentale de
sécurité juridique. Cette sécurité juridique est d'autant plus importante en matière pénale puisque l'individu est susceptible de subir une peine
privative de liberté. Il est donc normal que chaque citoyen puisse savoir à l'avance ce qui est permis et ce qui ne l'est pas, sous la menace d'un
châtiment.
En outre, le juge pénal est censé être cantonné à un simple rôle d'application du texte ; il ne peut pas créer une incrimination ni une sanction, ce qui
limite ainsi son pouvoir discrétionnaire.

La seconde justi cation est l'idée selon laquelle en prévenant les citoyens de l'existence des comportements susceptibles d'être sanctionnés, le
droit pénal remplit un objectif de prévention ; il faut intimider et dissuader le délinquant potentiel qui doit adapter sa conduite et ne pas violer la loi.
Le principe de légalité des incriminations signi e que tout comportement qui n'est pas interdit par une norme ne peut pas être sanctionné
pénalement, quel que soit le résultat causé pour l'ordre public, et même si ce comportement semble "anormal" ou "immoral". Ainsi, une juridiction
pénale qui constaterait l'absence d'incrimination du comportement reproché au prévenu ou à l'accusé devrait prononcer une décision
d'acquittement ou de relaxe.

Il a par exemple été jugé que le fait de refuser de communiquer son identité et son adresse après un accident matériel de la circulation, alors que
ces faits n'entrent dans les prévisions ni de l'article R. 233-1 dernier alinéa du Code de la route relatif aux conditions de l'arrêt et du stationnement
des véhicules, ni d'aucun autre texte réprimant les contraventions aux dispositions réglementaires du Code de la route, devait conduire à la relaxe
de la personne.

Cass. crim., 24-11-1993, n° 93-82160

Précision(s)
Cass. crim., 24 novembre 1993 n° 93-82.160, Bull. crim. n° 353, RSC, 1994, p. 549, note B. Bouloc.

Exclusion de la coutume. La conséquence directe de cette exigence d'un texte est l'exclusion de la coutume comme source d'incrimination et de
sanction. Elle peut néanmoins jouer un certain rôle en droit pénal.

D'abord, la coutume aide à l'interprétation de certains textes : les usages servent ainsi à appliquer les articles relatifs aux tromperies et falsi cations
(cf. précisions), et la jurisprudence peut se référer aux usages pour déterminer la dé nition d'un produit, comme la moule de bouchot, l'échalote
rouge d'Italie ou encore la truite saumonée, mais la Cour de cassation rappelle que ces usages n'ont qu'un caractère supplétif.

Cass. crim., 07-10-1998, n° 97-84.270


Cass. crim., 17-01-1996, n° 93-83.887, Malagutti René
Cass. crim., 10-03-1987, n° 86-94.291
Cass. crim., 15-01-1985, n° 82-91841

Précision(s)
Cass. crim., 7 octobre 1998, n° 97-84.270, Dr. pén., 1999, comm. 60, note J.-H. Robert : en " matière de fraude commerciale portant sur la
dénomination d'un produit non réglementé, il appartient aux juges du fond de se référer aux usages commerciaux en vigueur dont ils
apprécient souverainement l'existence ".
Cass. crim., 17 janvier 1996, n° 93-83.887, Bull. crim. n° 30.
Cass. crim., 10 mars 1987, n° 86-94.291, D., 1990, somm. 361, obs. G. Roujou de Boubée.
Cass. crim., 15 janvier 1985, n° 82-91.841, Bull. crim. n° 26 : "Si, en matière de fraude commerciale, les juges du fond ont tout pouvoir pour
reconnaître ou dénier l'existence d'un usage, cette appréciation ne peut être faite qu'en l'absence d'une règlementation s'opposant audit
usage".

Ensuite, la coutume secundum legem est également admise, le Code pénal faisant occasionnellement référence à la "tradition ininterrompue" dans
certaines localités pour justi er des actes de cruauté envers les animaux tels les courses de taureaux et combats de coqs (C. pén., art. 521-1, R. 654-
1 et R. 655-1), sans que le Conseil constitutionnel ne lui en tienne rigueur.

Cons. const., décision n° 2012-271 QPC, du 21-09-2012

Précision(s)
Cons. const., décision n° 2012-271 QPC, du 21 septembre 2012 ; v. aussi par ex. T. corr. Bordeaux 27 avril 1989 : JCP éd. G, 1989, II, 21344, note E.
Agostini ; CA Toulouse 3 avril 2000 : JCP éd. G, 2000, II, 10390, note P. Deumier ; Cass. civ. 2, 22 novembre 2001, n° 00-16.452 (N° Lexbase :
A2046AX3) : JCP éd. G, 2002, II, 10073, note X. Daverat ; RTDCiv., 2002, p. 181, obs. N. Molfessis ; Cass. civ. 1, 7 février 2006, n° 03-12.804, F-P+B
(N° Lexbase : A8375DM7), JCP éd. G, 2006, II, 10073, note E. de Monredon.

Dans cette logique de justi cation, même lorsque la loi pénale ne se réfère pas expressément à la coutume, cette dernière permet de justi er dans
certaines limites, des violences volontaires commises par des titulaires de l'autorité parentale sur leurs enfants en vertu de leur droit de correction,
mais pas une excision. Toutefois, dans la mesure où la coutume est invoquée pour exonérer une personne de sa responsabilité pénale, l'absence
de texte ne peut pas susciter exactement les mêmes craintes que lorsqu'il s'agit de la condamner pénalement.

Cass. crim., 20-08-1983, n° 83-92616

Précision(s)
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Précision(s)
Ce droit de correction fondé sur l'article 371-1 du Code civil permet de justifier les violences légères : v. par ex. Tr. pol. Bordeaux 18 mars 1981 :
D., 1982, jurisp. p. 182, note D. Mayer ; Cass. crim. 21 février 1990, Dr. pén., 1990, comm. 216, note M. Véron ; RSC, 1990, p. 785, obs. G. Levasseur ;
Cass. crim. 31 janvier 1995, RSC, 1995, p. 814, note Y. Mayaud ; CA Angers, 17 juin 1997, Dr. pén., 1998, comm. 34, note M. Véron ; Cass. crim. 2
décembre 1998, D., 2000, jurisp. p. 32, note Y. Mayaud ; Dr. pén., 1999, comm. 83, note M. Véron ; CA Angers, 25 mars 2004, Dr. pén., 2004,
comm. 158, note M. Véron ; CA Paris, 4 mai 2004, Dr. pén. 2004, comm. 158, note M. Véron ; CA Paris, 11 mai 2004, Dr. pén., 2004, comm. 158,
note M. Véron ; CA Angers, 23 mars 2006, JCP éd. G, 2006, IV, 2905.
Cass. crim., 20 août 1983, n° 83-92.616, Bull. crim. n° 229.

En n, il faut noter que la coutume internationale a également une fonction justi cative puisque la Cour de cassation considère par exemple qu'elle
"s'oppose à ce que les chefs d'Etat en exercice puissent, en l'absence de dispositions internationales contraires s'imposant aux parties concernées,
faire l'objet de poursuites devant les juridictions pénales d'un Etat étranger". Toutefois, elle ne peut pallier l'absence de texte incriminant les crimes
contre l'humanité à certaine époque, conformément à l'essence même du principe de légalité.

Cass. crim., 13-03-2001, n° 00-87.215


Cass. crim., 17-06-2003, n° 02-80.719, FS-P+F

Précision(s)
Cass. crim., 13 mars 2001, n° 00-87.215, Bull. crim. n° 64 ; D., 2001, p. 2355, obs. M.-H. Gozzi.
Cass. crim., 17 juin 2003, n° 02-80.719, FS-P+F, RSC, 2003, p. 894, note M. Massé.

Répartition entre le domaine de la loi et le domaine du règlement.S'il est acquis qu'un texte est indispensable pour incriminer un comportement
et prévoir une sanction, la Constitution de 1958 prévoit une répartition bien précise des compétences entre pouvoir législatif et pouvoir
réglementaire. Il ressort en e et des articles 34 et 37 de la Constitution que la détermination des crimes et des délits est du domaine de la loi tandis
que celle des contraventions relève du domaine du règlement (Décision n° 63-22,19 février 1963), ce qui est con rmé par les articles 111-2 et 111-3
du Code pénal.

Const., art. 34
Const., art. 37

Précision(s)
( Lexbase : A7812ACC) : "La loi détermine les incriminations et les sanctions en
V. aussi Cons. const., décision n° 63-22, du 19 février 1963 N°
matière de crimes et de délits. Cette compétence incombe au pouvoir règlementaire en matière de contravention."

Conception française et conception européenne de la légalité

L'exigence d'un texte et cette répartition précise des compétences n'est pas partagée par tous les systèmes juridiques étrangers. En e et, par
exemple, les pays de Common Law y sont moins attachés, et le rôle de la jurisprudence comme source de droit y est beaucoup plus important que
dans le système français, a fortiori pénal. Aussi, pour tenir compte des di érences d'héritages culturels et juridiques existant au sein des pays ayant
adhéré au Conseil de l'Europe, la Cour européenne des droits de l'Homme a une interprétation particulièrement large des notions de "droit" et "loi"
gurant dans divers articles de la Convention. Elle estime que cela englobe le droit d'origine tant législative que jurisprudentielle (D., 2007. 124, note
Roets).

Il n'en reste pas moins que le système français semble assez perfectionné de ce point de vue puisqu'il prévoit de multiples garanties en faveur des
justiciables, toujours dans l'idée de minimiser le risque d'arbitraire judiciaire. Ainsi, cette répartition entre loi et règlement a des conséquences tant
sur la légalité des incriminations que sur la légalité des sanctions.

CEDH, 15-11-1996, Req. 45/1995/551/637, Cantoni c. France


CEDH, 10-10-2006, Req. 40403/02, PESSINO c/ FRANCE

2.1.2 Le principe de légalité de la loi par renvoi à d'autres sources


N° Lexbase E3072GAZ

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S'agissant de la légalité des incriminations, la principale di culté réside dans le fait que le législateur ne précise pas lui-même en totalité les
comportements interdits mais délègue cette tâche à d'autres. Pourtant, en vertu de son monopole législatif dans l'édiction des crimes et délits, il
ne devrait pas pouvoir con er ce travail de dé nition aux autorités administratives, juridictionnelles ni même à des textes internationaux. Mais la
position du Conseil Constitutionnel n'est pas aussi radicale puisqu'il admet un certain nombre de renvois.

Précision(s)
Lorsqu'une loi renvoie à une autre disposition légale, la question n'est plus celle de la légalité formelle (à l'évidence respectée) mais celle de
la légalité matérielle, v. infra, L'exigence de clarté et de précision de la loi pénale, La légalité matérielle (N° Lexbase : E1414GAM) et s..

Renvoi au règlement

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La technique du renvoi au règlement remet clairement en cause le principe de légalité formelle car ce n'est plus le législateur qui détermine en
personne le contenu de l'infraction. Cette technique a été pourtant validée par le Conseil constitutionnel selon lequel "aucun principe ou règle de
valeur constitutionnelle n'interdit au législateur d'ériger en infractions le manquement à des obligations qui ne résultent pas directement de la loi
elle-même".

Décision n°82-145 DC du 10-11-1982

La Chambre criminelle de la Cour de cassation va dans le même sens lorsqu'elle refuse de renvoyer une QPC au motif que le contenu exact d'un
des éléments constitutifs de l'infraction peut être trouvé dans un autre texte, fut-il règlementaire dès lors que la loi y renvoie et que ce texte est
conforme au droit international en vigueur. D'autres décisions plus récentes retiennent pourtant la solution inverse et semblent donc plus
pointilleuses sur le respect de la légalité formelle.

Cass. crim., 11-01-2011, n° 10-90.116, F-D

Précision(s)
Cass. crim., 11 janvier 2011, n° 10-90.116, F-D ; JCP éd. G, 2011, 347, note J. Huet. A propos de l'article 222-37 du Code pénal qui incrimine le
trafic de stupéfiants, et de l'article 222-41 qui renvoie à l'article L. 5132-7 du Code de la santé publique, renvoyant lui-même à un arrêté du
ministre de la santé.

Par exemple, les dispositions de l'article 434-35 du Code pénal (N° Lexbase : L1228LDT) punissant d'un an d'emprisonnement le fait de
communiquer par tout moyen avec une personne détenue en dehors des cas autorisés par les règlements ont été jugées contraires à la
Constitution comme portant atteinte au principe de légalité criminelle dès lors que le législateur s'en est remis au pouvoir réglementaire pour fixer
les contours de l'incrimination.

Cons. const., décision n° 2016-608 QPC, du 24-01-2017

De même, s'agissant de la transaction pénale, le Conseil constitutionnel a censuré la partie de l'article 41-1-1 du Code de procédure pénale
(N° Lexbase : L1216LDE) qui renvoyait à un décret pour déterminer en deçà de quel seuil de valeur de la chose volée le délit de vol pouvait faire
l'objet d'une transaction.

Cons. const., décision n° 2016-569 QPC, du 23-09-2016

Précision(s)
V. D., 2016, p. 2545 note J.-B. Perrier.

Mais un contre exemple peut également être mentionné puisque le fait que l'article L. 4161-1 du Code de la santé publique N° ( Lexbase :
L5550LCK) incriminant l'exercice illégal de la médecine renvoie, pour partie, et sous le contrôle du juge pénal, à une liste xée par un texte
réglementaire concernant la dé nition des actes médicaux réservés aux médecins, ne semble pas poser problème à la Cour de cassation. D'une
manière générale la Chambre criminelle estime que même en l'absence de délégation ou d'habilitation implicite de la loi, il appartient au juge
pénal d'interpréter et donc de fixer le contenu exact de l'incrimination.

Cass. QPC, 04-12-2012, n° 12-90.059, F-P+B


Cass. QPC, 06-06-2012, n° 12-90.016, F-D

Renvoi aux conventions collectives et usages professionnel

Le droit pénal du travail est une matière dans laquelle la question de la légalité formelle se pose particulièrement. Par exemple, s'est posée la
question de savoir si le contenu du délit d'entrave aux institutions représentatives du personnel pouvait être déterminé non pas en fonction d'une
règle d'origine légale mais en fonction d'une convention/accord collectif ou d'un usage. Après l'avoir accepté, la Chambre criminelle a modi é sa
solution.

Cass. crim., 24-02-1977, n° 75-92688

Précision(s)
Les principales institutions étant le comité d'entreprise (CE), le comité de groupe, le comité d'entreprise européen, les délégués du
personnel (DP) et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHCST).
Attention : L'ordonnance relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la
valorisation des responsabilités syndicales prévoit la création d'un Comité Social et Economique (CSE). Cette nouvelle instance est le résultat
de la fusion des 3 instances de représentation actuelles.
En matière d'usage plus favorable (Cass. crim., 24 février 1977, n° 75-92.688) et de dispositions conventionnelles (Cass. crim., 14 février 1978, n°
73-93.406).

S'agissant des accords ou conventions collectifs, elle a tenu compte de l'entrée en vigueur d'un nouveau texte, créé par une des lois "Auroux" de
1982, qui autorise la sanction pénale de dispositions conventionnelles sous certaines conditions. Ce texte a cependant un champ d'application
limité et n'a donc vocation à s'appliquer qu'assez rarement.

Précision(s)
Loi n° 82-997 du 23 novembre 1982, relative à l'attribution aux agents de l'Etat du congé pour la formation syndicale ; C. trav.,art. L. 153-1
devenu art. L.2263-1 : "Lorsqu'en application d'une disposition législative expresse dans une matière déterminée, une convention ou un

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accord collectif de travail étendu déroge à des dispositions légales, les infractions aux stipulations dérogatoires sont punies des sanctions
qu'entraîne la violation des dispositions légales en cause".

Aussi la Cour de cassation juge-t-elle désormais que si les conditions ne sont pas remplies, la violation d'une disposition conventionnelle ne peut
pas caractériser le délit d'entrave (Cass. crim., 4 avril 1991, deux arrêts, n° 89-85.536, publié au bulletin N° Lexbase : A0135CG4 et n° 88-84.270
N° Lexbase : A4870ABY).

S'agissant ensuite des usages, la Chambre criminelle a radicalement modi é sa position en indiquant que la violation d'un usage ne peut pas
constituer le délit d'entrave. Désormais donc, le délit d'entrave suppose la violation d'une disposition légale, ou bien la violation d'une disposition
conventionnelle ayant, en quelque sorte, acquis force de loi (Cass. crim., 4 avril 1991, n° 89-83.204 N° Lexbase : A1646ABL).

Cette solution est bien plus satisfaisante au regard du principe de légalité criminelle, dans son aspect formel puisque le risque de faire perdre au
législateur une partie de ses pouvoirs en matière pénale en con ant à d'autres la maîtrise de l'incrimination est limité. Le contentieux reste
cependant fourni (Cass. crim., 19 juin 2012, n° 11-84.884, F-P+B N° Lexbase : A9642IQ8 ; Cass. crim., 5 mars 2013, n° 11-83.984, FS-P+B+R N° Lexbase :
A3105I9U ).

Renvoi à une convention internationale

A l'inverse, lorsque la loi pénale française renvoie au contenu d'une convention internationale, ce transfert de compétence semble admis avec
moins de scrupules par le juge constitutionnel. Le Conseil constitutionnel estime par exemple que le concept de criminalité organisé n'est pas
imprécis dès lors que son contenu à été clari é par le juge national exigeant une préméditation et organisation structurée entre les auteurs et qu'il
existe une convention internationale (la Convention de Palerme) ratifiée par la France posant cette définition.

Cons. const., décision n° 2004-492 DC, du 02-03-2004

Renvoi à un Règlement de l'Union européenne

Dans cette même logique, la Cour de cassation ne semble pas s'offusquer du renvoi opéré à un Règlement de l'Union européenne.

Cass. crim., 22-03-2016, n° 15-80.944, F-P+B

Précision(s)
Par exemple, dans une affaire où deux hommes étaient poursuivis pour avoir procédé ou fait procéder à un transfert de déchets, sans avoir
notifié ce transfert aux autorités compétentes françaises ou étrangères ou sans avoir obtenu le consentement préalable desdites autorités,
sur le fondement de l'article L. 541-40 du Code de l'environnement, la cour d'appel les avait relaxés au motif que cet article renvoie au
contenu entier du Règlement n° 1013/ 2006.
Ce n'est donc qu'après lecture de ses dispositions qu'il convient d'en retenir l'article 3 comme étant applicable à la matière pour constater
que ce texte procède lui-même, dans un langage extrêmement technique, à de nombreux renvois, le tout rendant la réglementation
applicable difficilement intelligible. Les juges du fond ajoutaient que ces textes, procédant par renvois multiples qui se croisent et se
chevauchent, au point de constituer un dédale obscur ne mettent pas le justiciable en mesure de connaître exactement les faits qui lui sont
reprochés et ne satisfont pas à l'exigence constitutionnelle de clarté et de précision d'un texte d'incrimination.
La Chambre criminelle n'a pourtant pas été de cet avis, et a sévèrement prononcé une cassation, retenant que l'article L. 541-40 du Code de
l'environnement renvoie, pour son application, à un règlement communautaire directement applicable dont le caractère technique est
inhérent à son objet, et qui détermine de façon claire et précise, en fonction du type de déchet, les éléments constitutifs de l'infraction
poursuivie (Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15-80.944 ; Dr pén., 2016, comm. 82, obs. J .H. Robert).

Renvoi à une décision administrative

En n, reste le cas du renvoi d'un texte pénal à une décision administrative, qui est quant à lui nettement refusé. Etait par exemple en cause le fait
que puissent être déclarées responsables pénalement notamment de l'infraction d'aide directe ou indirecte à l'entrée, à la circulation ou au séjour
irréguliers d'un étranger en France les personnes morales, à l'exception des associations à but non lucratif à vocation humanitaire, dont la liste est
fixée par arrêté du ministre de l'Intérieur.

Il a ainsi été jugé qu'en soumettant à l'appréciation du Ministre de l'Intérieur la "vocation humanitaire" des associations, notion dont la dé nition n'a
été précisée par aucune loi et de la reconnaissance de laquelle peut résulter le béné ce de l'immunité pénale en cause, la disposition critiquée
fait dépendre le champ d'application de la loi pénale de décisions administratives. Dès lors, nonobstant le pouvoir du juge pénal d'apprécier la
légalité de tout acte administratif, ladite disposition porte atteinte au principe de légalité (Cons. constit., décision n°98-399 DC du 5 mai 1998
N° Lexbase : A8746ACW).

Il en va de même lorsque le législateur édicte des délits réprimant la méconnaissance d'obligations dont le contenu n'est pas défini par la loi, mais
par le bureau de chaque assemblée parlementaire (Cons. const., décision n° 2016-741 DC, du 8 décembre 2016 N° Lexbase : A1548SPZ).

2.1.3 La légalité des sanctions


N° Lexbase E3073GA3

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Le principe de la légalité des sanctions

S'agissant de la légalité des sanctions, ce principe posé par le second alinéa de l'article 111-3 du Code pénal (N° Lexbase : L2104AMU) s'impose
en premier lieu au législateur, ce qui a deux conséquences :

► d'abord, cela implique l'existence d'une d'une peine qui assortit l'incrimination, à défaut que quoi l'incrimination est imparfaite et ne peut
s'appliquer, le juge pénal n'ayant pas le pouvoir de combler les carences du législateur ;

► ensuite, n'importe quelle peine ne peut pas être choisie, il faut que le législateur opte pour une peine au sein de l'arsenal de peines à sa
disposition.

En second lieu, ce principe s'applique au juge qui ne peut donc appliquer qu'une peine prévue par la loi pour l'infraction concernée. De
nombreux arrêts de la Cour de cassation censurent des décisions du fond ayant retenu une peine non prévue par la loi. La plupart du temps,
cela concerne les peines complémentaires.

Art. 111-3, Code pénal

Illustrations en matière de peines complémentaires. Par exemple, il est impossible de prononcer la peine de faillite personnelle à l'encontre de
celui qui est reconnu coupable d'abus de biens sociaux puisque cette peine complémentaire n'est pas prévue par l'article L. 241-3 du Code de
commerce (N° Lexbase : L9516IY4 ) réprimant le délit reproché (Cass. crim., 23 septembre 2009, n° 08-88.228, F-D), ou encore d'ordonner
l'a chage de la décision ainsi que sa publication par voie de presse alors que le texte prévoit soit la peine complémentaire d'a chage soit
celle de diffusion de la décision (Cass. crim., 12 juin 2007, n° 06-88.900, F-PF).

De même, en prononçant une peine complémentaire de cinq ans d’interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler à un titre quelconque,
directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société
commerciale, alors qu’à la date des faits, seule était applicable l'interdiction prévue par l'article 1750 du Code général des impôts (N° Lexbase :
L3324IQ8 ), limitée à l'exercice, direct ou par une personne interposée, de toute profession industrielle, commerciale ou libérale, qui ne pouvait
excéder une durée de trois ans, la cour d'appel a méconnu l’article 111-3 du Code pénal (Cass. crim., 29 mai 2019, n° 18-81.013, F-P+B+I
(N° Lexbase : A1112ZDK).

Illustrations en matière de peines principales. La juridiction du fond ne peut pas non plus prononcer à titre de peine principale trois ans
d'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour un délit d'outrage à magistrat dès lors que l'article 434-44 du Code pénal (N° Lexbase :
L1227LDS), qui énumère les délits passibles de la peine complémentaire de l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, ne mentionne
pas ce délit (Cass. crim., 13 avril 2010, n° 09-84.583, F-P+F ; v. obs. J.-B. Perrier, AJ pénal, 2010. 395.).

Cass. crim., 23-09-2009, n° 08-88.228, F-D


Cass. crim., 12-06-2007, n° 06-88.900, F-PF
Cass. crim., 13-04-2010, n° 09-84.583, F-P+F

Les censures concernant les peines principales sont plus rares mais existent, notamment lorsque le montant de la peine excède le maximum
légal ; ainsi, un jugement correctionnel a été cassé et annulé pour avoir condamné une prévenue à trois mois d'emprisonnement avec sursis
pour racolage public alors que le maximum prévu par l'article 225-10-1 du Code pénal (N° Lexbase : L9005DCI) réprimant le délit reproché était
de deux mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende.

Cass. crim., 29-02-2000, n° 99-83241


Cass. crim., 20-11-2012, n° 11-88.583, F-D
Cass. crim., 26-09-2007, n° 07-82.713, F-P+F

Précision(s)
Cass. crim., 26 septembre 2007, n° 07-82.713, F-P+F, Dr. pénal, 2008. 4 (2ème esp.), obs. Véron (texte abrogé au 15 avril 2016 par la loi n°
2016-444 du 13 avril 2016).

Le principe de nécessité des incriminations et des sanctions

Au-delà de la "simple" légalité formelle, les incriminations et les sanctions doivent respecter unprincipe de nécessité, dégagé par le juge
constitutionnel sur le fondement des articles 5 et 8 de la DDHC.

C'est une manifestation de la subsidiarité du droit pénal au sens où l'opportunité d'incriminer un comportement appartient à la souveraineté
nationale par le biais du pouvoir législatif mais en sachant que l'incrimination doit être strictement nécessaire et répondre à un besoin social
parce qu'il serait moralement choquant de laisser tel ou tel comportement impuni.

DDHC 26-08-1789, art. 5


DDHC 26-08-1789, art. 8

En d'autres termes, si l'édiction d'une incrimination et d'une sanction ne peut résulter que d'un texte, encore faut-il que ce texte soit nécessaire
et proportionné. Ce principe de nécessité s'impose au législateur lorsqu'il crée ou supprime une incrimination mais aussi au pouvoir
réglementaire. Ainsi, le droit pénal doit s'adapter à l'évolution de la société, par exemple en dépénalisant les comportements entrés dans les
moeurs ou en pénalisant de nouvelles formes de criminalité, telle le terrorisme et tous les comportements déviants nés des nouvelles
technologies, en particulier Internet.
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Cons. const., décision n° 2012-225 QPC, du 30-03-2012

Précision(s)
Tel l'adultère, qui constitue tout au plus une faute civile, ou encore l'avortement ou l'homosexualité. V. L'exemple inverse avec
l'incrimination du recours à la prostitution depuis la loi du 13 avril 2016 alors que ce recours était toujours toléré jusqu'à présent en droit
français ; cela signifie désormais que les clients de prostituées peuvent être condamnés pénalement (C. pén., art. 225-12-1 N° Lexbase :
L7009K7Q : délit puni d'une amende de 3 750 euros).

2.1.4 Le contrôle du Conseil constitutionnel concernant le principe de nécessité


N° Lexbase E3074GA4

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Contrôle limité du Conseil constitutionnel

Le respect de ce principe de nécessité est assuré par le Conseil constitutionnel, qui est de plus en plus fréquemment amené, notamment par
le biais de questions prioritaires de constitutionnalité, à vérifier à la fois la nécessité des incriminations et la proportionnalité des peines, par une
lecture combinée des articles 5 (N° Lexbase : L1369A9L) et 8 (N° Lexbase : L1372A9P) de la DDHC. En théorie, il est possible de distinguer ces
deux éléments, le contrôle de la nécessité précédant forcément celui de la proportionnalité.

Toutefois, la frontière reste mince parce que si une incrimination peut être nécessaire tout en prévoyant une peine disproportionnée, une
incrimination non nécessaire comporte forcément une peine disproportionnée. Les deux concepts sont donc entremêlés. En outre, le Conseil
constitutionnel a rme avec constance qu'il ne lui appartient pas de substituer sa propre appréciation à celle du législateur en ce qui concerne
la nécessité des peines attachées aux infractions, en l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue.

Dans la même logique, il refuse de se reconnaître pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement.
L'appréciation pure de l'opportunité des incriminations est donc rare, car c'est un contrôle de proportionnalité entre la peine et le
comportement incriminé qui est privilégié, étant précisé que les censures sont réservées aux disproportions manifestes, donc aux cas les plus
graves.

Violation du principe de nécessité

Seules quelques incriminations ont été invalidées par le Conseil constitutionnel pour défaut de nécessité. Ainsi de l'incrimination de l'aide à
l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger qui était, selon la loi litigieuse, constitutive d'un acte de terrorisme, lorsqu'elle
était intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par
l'intimidation ou la terreur.

Considérant notamment que cette disposition n'incriminait pas des actes matériels directement attentatoires à la sécurité des biens ou des
personnes alors qu'elle entraînait l'application du régime juridique dérogatoire du terrorisme, le Conseil constitutionnel a estimé que le
législateur avait alors entaché son appréciation d'une disproportion manifeste .

Décision n°96-377 DC du 16-07-1996


Cons. const., décision n° 2011-625 DC, du 10-03-2011

Un exemple plus récent peut être mentionné avec la censure partielle du délit d'entreprise individuelle terroriste individuelle, résultant de la
loi du 13 novembre 2014.

Cons. const., décision n° 2017-625 QPC, du 07-04-2017

Précision(s)
Alors que l'article 421-2-6 du Code pénal (N° Lexbase : L9398LDG) incriminait notamment le fait de "détenir, de rechercher, de se procurer
ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui" en combinaison avec un autre fait (recueillir des
renseignements sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ces lieux ou de porter atteinte à ces personnes ou
exercer une surveillance sur ces lieux ou ces personnes, etc) et lorsque le mobile terroriste est établi, le juge constitutionnel a estimé
que les mots "de rechercher" sont manifestement contraires au principe de nécessité des délits et des peines. En effet, en les retenant, le
législateur a permis que soient réprimés des actes ne matérialisant pas, en eux-mêmes, la volonté de préparer une infraction, de sorte
que le Conseil constitutionnel a choisi de les abroger immédiatement.

⇒ Lire, O. Cahn, Délit de consultation de sites terroristes : ni fleurs, ni couronnes..., Lexbase Pénal, janvier 2018 (N° Lexbase :
N2232BXX)

Absence de violation du principe de nécessité

Pour le reste, le Conseil constitutionnel n'est pas très exigeant, et admet par exemple que le principe de nécessité des peines n'interdit pas au
législateur de prévoir que certains faits puissent donner lieu à di érentes quali cations pénales. Il a par exemple validé la double incrimination
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du harcèlement moral dans le Code pénal et dans le Code du travail, estimant qu'elle n
" 'est pas en elle-même contraire à la Constitution".

Cons. const., n° 2001-455, du 12-01-2002

Pourtant, ces doublons et autres incriminations inutiles altèrent la qualité de la loi pénale pour des raisons purement symboliques. De même,
n'a pas posé problème la création de l'article 222-14-2 du Code pénal (N° Lexbase : L6177IGU) incriminant le fait pour une personne de
participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits
matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens.

Cons. const., décision n° 2010-604 DC, du 25-02-2010

Précision(s)
Le juge constitutionnel a en effet considéré ne pas pouvoir retenir l'argument du défaut de nécessité de ce texte, retenant notamment
que ce texte répond à l'exigence d'ordre public de lutter contre les violences faites aux personnes et les dommages causés aux biens
perpétrés par des personnes réunies en groupe, que la nouvelle incrimination n'a ni pour objet ni pour effet de permettre qu'une même
personne soit poursuivie en raison d'une infraction pour laquelle elle a déjà été acquittée ou condamnée par un jugement définitif, et
qu'en tout état de cause, elle n'a ni le même champ d'application, ni la même définition, ni la même finalité que d'autres délits ou cas de
complicité

2.1.5 Le contrôle du Conseil constitutionnel concernant la proportionnalité de la peine


N° Lexbase E3075GA7

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Critère de la proportionnalité de la peine

L'essentiel du contrôle du Conseil constitutionnel va donc porter sur la proportionnalité de la peine édictée par la loi par rapport au
comportement incriminé. Seule une disproportion manifeste engendre une censure du texte, disproportion pouvant prendre deux formes :

► d'une part, la peine peut être manifestement trop clémente, et donc pas assez dissuasive, comme le serait une simple peine d'amende
pour punir un meurtre. Il semble que cette hypothèse soit cependant rarement concernée ;

► d'autre part et surtout, c'est donc une peine manifestement trop sévère qui peut être invalidée ou abrogée par le Conseil constitutionnel.

L'analyse des très nombreuses décisions sur ce point révèle que la censure n'est quand même pas très fréquente, en partie parce que le
Conseil prend en compte le principe d'individualisation de la peine, selon lequel il est loisible à la juridiction pénale qui in ige une peine d'en
minorer le quantum de manière à l'adapter au comportement commis. Sont également pris en compte les objectifs que s'est xé le
législateur en posant l'interdit pénal au regard du quantum de la sanction ainsi que la pertinence des critères permettant de dé nir la
sanction elle-même.

Peine manifestement disproportionnée

A néanmoins été jugée manifestement disproportionnée par rapport aux faits susceptibles de motiver de telles mesures, le fait que tout
arrêté de reconduite à la frontière entraîne automatiquement une sanction d'interdiction du territoire pour une durée d'un an sans égard à la
gravité du comportement ayant motivé cet arrêté.

Cons. const., décision n° 93-325 DC, du 13-08-1993

De même pour la peine complémentaire d'interdiction pour une durée de cinq ans au plus, d'entrer et de séjourner dans l'enceinte d'une ou
plusieurs infrastructures aéroportuaires ou portuaires, d'une gare ferroviaire ou routière, ou de leurs dépendances, sans y avoir été
préalablement autorisé par les autorités de police territorialement compétentes en cas de non-respect de l'interdiction faite aux sociétés de
transports de personnes au moyen de véhicules motorisés à deux ou trois roues de circuler ou de stationner sur la voie publique en quête de
voyageurs aux abord des gares et aérogares.

Cons. const., décision n° 2013-318 QPC, du 07-06-2013

De même, la loi sur la fraude scale et la grande délinquance économique et nancière souhaitait établir un nouveau mode de calcul de
l'amende encourue par la personne morale et la mettre en relation avec son chi re d'a aires. Cela a été jugé contraire à la Constitution, le
législateur ayant retenu un critère de xation du montant maximum de la peine encourue qui ne dépend pas du lien entre l'infraction à
laquelle il s'applique et le chi re d'a aires et qui est susceptible de revêtir un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité de
l'infraction constatée.

Cons. const., décision n° 2013-679 DC, du 04-12-2013

Peine n'étant pas manifestement disproportionnée

La grande majorité des décisions valide les dispositions contrôlées, en raison du large pouvoir d'appréciation laissé au législateur.
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Ainsi, n'est pas manifestement disproportionnée la déchéance de la nationalité française des personnes l'ayant acquis depuis moins de 10
ans condamnées pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ou encore la peine sanctionnant le refus de prélèvement
externe d'empreintes génétiques, compte tenu de l'absence de voies d'exécution d'o ce du prélèvement et de la gravité des faits
susceptibles d'avoir été commis.

Décision n°96-377 DC du 16-07-1996


Cons. const., décision n° 2014-439 QPC, du 23-01-2015
Cons. const., décision n° 2003-467, du 13-03-2003
Cons. const., décision n° 2010-25 QPC, du 16-09-2010

Pour l'infraction d'installation en réunion et sans autorisation sur le terrain d'autrui, le juge constitutionnel a jugé que le législateur n'a pas
méconnu le principe de nécessité des peines en prévoyant les peines complémentaires de suspension du permis de conduire pendant une
durée maximale de trois ans et la con scation des véhicules automobiles utilisés pour commettre l'infraction, à l'exception de ceux destinés
à l'habitation.

Cons. const., décision n° 2003-467, du 13-03-2003

Parmi les décisions plus récentes, rendues sur QPC, il a été décidé que n'est pas disproportionnée l'instauration, à l'encontre d'un étranger
ayant pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions du CESEDA ou qui s'est maintenu en France au-delà de la durée
autorisée par son visa, d'une peine de prison d'un an et d'une amende de 3 750 euros.

Cons. const., décision n° 2011-217 QPC, du 03-02-2012

La juridiction pouvant, en outre, interdire à l'étranger condamné, pendant une durée qui ne peut excéder 3 ans, de pénétrer ou de séjourner
en France, cette interdiction du territoire emportant, de plein droit, reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant à l'expiration de la
peine d'emprisonnement.

Cons. const., décision n° 2011-217 QPC, du 03-02-2012

N'est pas non plus disproportionnée l'aggravation de la peine encourue par l'auteur du crime de viol ou du délit d'agression sexuelle lorsqu'il
a, sur la victime, une autorité de droit ou de fait, ou encore la peine de confiscation de véhicule en cas de grand excès de vitesse.

Cons. const., décision n° 2014-448 QPC, du 06-02-2015


Cons. const., décision n° 2010-66 QPC, du 26-11-2010

Cas du cumul des sanctions

Un cas particulier est celui de la présence de plusieurs dispositions pénales qui sont susceptibles de fonder la condamnation d'un seul et
même fait. Au-delà du questionnement sur l'utilité de la pluralité de dispositions dans ce cas de doublon (v. supra, Absence de violation du
principe de nécessité N° Lexbase : E3074GA4), il pourrait y avoir disproportion en cas de cumul des sanctions.

Le Conseil constitutionnel juge alors qu'il n'y a pas en soi disproportion manifeste dès lors que les sanctions subies ne peuvent excéder le
maximum légal le plus élevé. Il insiste néanmoins sur le fait qu'il appartiendra aux autorités juridictionnelles, ainsi, le cas échéant, qu'aux
autorités chargées du recouvrement des amendes, de respecter, dans l'application de la loi le principe de proportionnalité des peines,
formulant ainsi fréquemment sur ce point des réserves d'interprétation. La solution s'étend au cumul entre sanction pénale et sanction
administrative. Il a été jugé que les principes de nécessité et proportionnalité ne concernent pas seulement les peines prononcées par les
juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition.

Par conséquent, si en soi, le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une
même personne puissent faire l'objet de poursuites di érentes aux ns de sanctions de nature administrative ou pénale en application de
corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction, l'éventualité que soient engagées deux procédures peut conduire à un
cumul de sanctions.

Cons. const., n° 2001-455, du 12-01-2002

A ce moment là le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement
prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues, et il appartient aux autorités administratives et
judiciaires compétentes de veiller au respect de cette exigence .

Cons. const., décision n° 2014-418 QPC, du 08-10-2014


Cons. const., décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC, du 18-03-2015
Cons. const., décision n° 2015-513/514/526 QPC, du 14-01-2016
Cons. const., décision n° 2016-545 QPC, du 24-06-2016
Cons. const., décision n° 2016-546 QPC, du 24-06-2016
Cons. const., décision n° 2016-556 QPC, du 22-07-2016
Cons. const., décision n° 2016-570 QPC, du 29-09-2016
Cons. const., décision n° 2016-573 QPC, du 29-09-2016
Cons. const., décision n° 2016-572 QPC, du 30-09-2016

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Cons. const., décision n° 2016-621 QPC, du 30-03-2017

2.2 L'exigence de clarté et de précision de la loi pénale

2.2.1 La légalité matérielle


N° Lexbase E3076GA8

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Initialement, le principe de légalité se résumait tout entier à la légalité formelle. Puis, partant du constat que même une loi n'est pas
toujours bien rédigée, l'on a progressivement exigé d'elle qu'elle remplisse certaines qualités, toujours dans l'idée de sécurité juridique.
Concrètement, la norme pénale doit être prévisible, ce qui suppose d'une part qu'elle ne soit pas rétroactive (v. F. Safi, L'application de
la loi pénale dans le temps N° Lexbase : E1421GAU) et d'autre part qu'elle soit accessible.

L'accessibilité de la norme implique d'abord une certaine publicité, c'est la raison pour laquelle la loi pénale comme les autres lois est
publiée au Journal o ciel. Mais surtout, le Conseil constitutionnel a posé une exigence de clarté depuis les années 1980, il estime que les
incriminations doivent être dé nies en des termes su samment clairs et précis pour exclure l'arbitraire sur le fondement de l'article 8 de la
DDHC (N° Lexbase : L1372A9P) qui a valeur constitutionnelle.

Cons. const., décision n° 80-127 DC, du 20-01-1981

Cette exigence se retrouve aussi dans la jurisprudence de la CEDH qui juge régulièrement qu'une infraction doit être clairement dé nie par
la loi, et que cette exigence se trouve remplie lorsque l'individu peut savoir, à partir du libellé de la clause pertinente et, au besoin, à l'aide
de son interprétation par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité. La CEDH en fait donc une appréciation assez
souple et admet qu'une norme pénale puisse contenir des formules assez générales dont la précision résultera d'une interprétation ; il n'est
donc pas interdit que la loi utilise des formules larges et abstraites pour appréhender tous les modes de réalisation d'un acte (par exemple
"par tout moyen", "tout acte", "d'une manière quelconque"), position partagée dans l'ensemble par le Conseil constitutionnel.

CEDH, 25-05-1993, Req. 3/1992/348/421, Kokkinakis c. Grèce

Cette exigence de clarté permet non seulement de déterminer quels sont les comportements interdits, comment détermine-t-on l'auteur
de l'infraction et quelles sont les peines encourues ainsi que leurs modalités d'exécution. Cela impose au législateur d'adopter des
dispositions su samment précises et des formules non équivoques. Cela permet en théorie à chaque citoyen de connaître la loi pénale,
que nul n'est censé ignorer.

Néanmoins, la quantité de normes pénales s'accroît, et connaître le contenu précis d'un texte d'incrimination et la sanction applicable
relève parfois du jeu de piste, par exemple dans le Code de la consommation ou le Code monétaire et nancier, où il faut naviguer d'article
en article par le phénomène des renvois.

Précision(s)
A priori on peut penser qu'en matière de peines, il n'y a pas de problème de rédaction possible, contrairement à ce qui se passe pour
la définition de l'infraction puisque le législateur ou le pouvoir exécutif n'a qu'à " piocher " parmi les différentes peines qui s'offrent à
lui. Pourtant la CEDH a posé une exigence de clarté de la peine. Cela signifie que le citoyen doit pouvoir savoir avec précision quelle
peine il encourt exactement s'il décide de commettre l'infraction. Cela vaut pour la nature et le montant de la peine, mais aussi sur
l'exécution de la peine (possibilité de réduction de peine, libération conditionnelle...) ; la CEDH condamne ainsi les Etats dans lesquels
le système juridique organise le prononcé de peines imprévisibles. Une peine peut être imprévisible parce qu'elle dépend des critères
d'application ambigus ou obscurs ou bien parce qu'il est impossible de déterminer par avance la manière dont un texte sera mis en
oeuvre.

Ne contribue pas non plus à la clarté du droit pénal le fait que l'on retrouve parfois la reproduction dans certains codes de dispositions déjà
présentes dans d'autres codes : par exemple, le délit de fuite incriminé à l'article 434-10 du Code pénal (N° Lexbase : L7657IPB) est recopié
à l'article L. 231-1 du Code de la route (N° Lexbase : L3431IRI), et il faut espérer que si l'un était modifié, l'autre le serait en même temps.

Art. 434-10, Code pénal

2.2.2 Le contrôle de l'exigence de clarté par le Conseil constitutionnel


N° Lexbase E3077GA9

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Juridiction de contrôle

S'agissant de contrôler la conformité d'une loi à une norme de valeur constitutionnelle, seul leConseil constitutionnel est compétent pour
apprécier la clarté et la précision d'une disposition légale pénale. Toutefois, dans la mesure où cette exigence est également posée par
l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4797AQQ ) tel qu'interprété par la CEDH, le
juge judiciaire est lui aussi compétent pour opérer un tel contrôle. Il peut ainsi censurer un texte pénal peu précis ou obscur par ce
contrôle de conventionnalité.
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L'analyse de la jurisprudence, tant constitutionnelle que judiciaire, permet di cilement de dégager une vraie ligne de conduite.
L'exigence de clarté et de précision ne s'oppose pas à ce que l'on ait recours à des termes généraux qui devront donc faire l'objet
d'interprétation jurisprudentielle, ni à ce qu'il y ait des références à d'autres textes nationaux ou internationaux internationaux. Ainsi il n'y
aura pas d'inconstitutionnalité si d'autres textes du même domaine ou la jurisprudence permettent de combler les lacunes de la norme
pénale. La question des qualités de la loi rejoint donc incontestablement celle de la compétence législative.

Manque de clarté et de précision

Si ce contrôle de prévisibilité de la norme pénale s'opère depuis plus de trente ans, il s'est largement accéléré ces dix dernières années
puisque c'est surtout dans le cadre des QPC que le Conseil constitutionnel, et la Chambre criminelle dans le processus de ltrage, ont eu
l'occasion de censurer des dispositions pénales insuffisamment claires et précises.

Deux séries d'exemples peuvent être données, la première plus connue que la seconde :

1 • en premier lieu, deux affaires assez médiatisées :

la première est relative à la loi du 8 février 2010 qui avait introduit une nouvelle disposition dans le Code pénal, selon laquelle "Les
viols et les agressions sexuelles sont quali és d'incestueux lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur
par un ascendant, un frère, une soeur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille,
ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait". Mais la notion de "membre de la famille" n'était pas dé nie, ce que le juge
constitutionnel a considéré comme étant un manque de précision et de prévisibilité justi ant une abrogation. Il a estimé que s'il était
loisible au législateur d'instituer une quali cation pénale particulière pour désigner les agissements sexuels incestueux, il ne pouvait,
sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, s'abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être
regardées, au sens de cette quali cation, comme membres de la famille. Au-delà de l'imprécision des termes, se posait la question
de la nécessité de cette disposition pénale puisqu'elle était purement symbolique et ne constituait pas une incrimination ni n'était
associée à un quelconque régime juridique particulier, mais le Conseil ne s'est pas explicitement prononcé sur ce point.

la seconde a aire est relative au harcèlement sexuel dans sa rédaction issue de la loi la loi du 17 janvier 2002, qui consistait à
"harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle", alors que dans la rédaction antérieure, le législateur avait
précisé les comportements interdits, à savoir des ordres, proférer des menaces, imposer des contraintes ou exercer des pressions
graves, ce qui n'était plus le cas.

Le juge constitutionnel a alors estimé que les éléments constitutifs du délit ne sont pas assez définis.

Cons. const., décision n° 2011-163 QPC, du 16-09-2011


Cons. const., décision n° 2012-222 QPC, du 17-02-2012
Cons. const., décision n° 2012-240 QPC, du 04-05-2012

Précision(s)
Mais pas exclusivement. Le contrôle a priori du Conseil constitutionnel permet également de déceler certaines inconstitutionnalités.

Par la suite, l'inceste a fait son "retour" dans le Code pénal sous la pression des associations de victimes. La loi du 14 mars 2016
définit plus précisément les personnes concernées, indiquant que les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux
lorsqu'ils sont commis sur la personne d'un mineur par :
1° Un ascendant ;
2° Un frère, une soeur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ;
3° Le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec
l'une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s'il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait

2• en second lieu, deux exemples peuvent être donnés concernant des concepts particulièrement techniques:

d'abord, une loi incriminait le fait d'éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous
quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'oeuvres ou d'objets
protégés, tout en précisant que ne sont pas concernés les logiciels destinés au travail collaboratif, à la recherche ou à l'échange de
chiers ou d'objets non soumis à la rémunération du droit d'auteur. Cette notion de travail collaboratif, déterminante pour connaître
le champ d'application du texte n'étant pas suffisamment précise ;

ensuite, dans la même logique, a été jugée imprécise la notion d'activité privée d'intelligence économique alors qu'est incriminé
l'exercice sans agrément ou autorisation de cette activité.

Cons. const., décision n° 2006-540 DC, du 27-07-2006


Cons. const., décision n° 2011-625 DC, du 10-03-2011

Clarté et précision suffisantes

La majorité des décisions ne conteste cependant pas le travail e ectué par le législateur. En e et, le Conseil constitutionnel s'appuie
souvent sur la jurisprudence judiciaire, estimant qu'une norme pénale est su samment claire lorsqu'il existe des précisions
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jurisprudentielles sur son sens : en soi, cela n'est pas si choquant puisque le juge est tenu par le principe d'interprétation stricte (v.
L'interprétation stricte de la loi pénale, Fondement textuel N° Lexbase : E1415GAN), mais il faut tout de même veiller à ce que le juge pénal
ne réécrive pas la loi.

De même, il est bien dommage que le Conseil ne s'intéresse pas à la cohérence globale de l'arsenal pénal en se prononçant
exclusivement sur le texte qui lui est soumis, notamment en présence de double incriminations qui, outre le questionnement sur la
nécessité d'une incrimination, soulève des di cultés de clarté dans la détermination des normes applicables. Il a pourtant validé la
double incrimination du harcèlement moral.

Cons. const., n° 2001-455, du 12-01-2002

Par ailleurs, de très nombreux exemples dans lesquelles la clarté et la précision de la loi sont jugées su santes peuvent être donnés.
Ainsi de la notion de bande organisée, du délit consistant à pénétrer ou se maintenir dans l'enceinte d'un établissement d'enseignement
scolaire sans y être habilité ou y avoir été autorisé, de l'abus de faiblesse ou d'état d'ignorance, de l'entrave au fonctionnement régulier
d'un comité d'entreprise, ou encore récemment de la notion d'identité de genre ou du délit d'entrave à l'IVG.

Cons. const., décision n° 2004-492 DC, du 02-03-2004


Cons. const., décision n° 2010-604 DC, du 25-02-2010
Cass. crim., 04-05-2017, n° 16-85.919, F-D
Cass. crim., 26-01-2016, n° 13-82.158, F-P+B
Cons. const., décision n° 2016-745 DC, du 26-01-2017
Cons. const., décision n° 2017-747 DC, du 16-03-2017

A également été jugé conforme à cette exigence de clarté et de précision les textes incriminant le fait d'organiser un système de mise en
relation de clients avec des personnes autres que les taxis, les voitures de transport avec chau eur, les véhicules motorisés à deux ou
trois roues ainsi que les entreprises de transport routier pouvant e ectuer les services occasionnels dès lors que cette disposition n'est
explicitement pas applicable au covoiturage.

Cons. const., décision n° 2015-484 QPC, du 22-09-2015

2.3 L'interprétation stricte de la loi pénale


N° Lexbase E1415GAN

Droit pénal général > La loi pénale > ETUDE : Les qualités de la loi pénale

Fondement textuel

Toujours dans la logique de réaction à l'arbitraire judiciaire de l'Ancien Régime, Portalis énonçait au début du XIXème siècle : "en matière
criminelle, où il n'y a qu'un texte formel et préexistant qui puisse fonder l'action du juge, il faut des lois précises et point de
jurisprudence" (Portalis, Discours préliminaire du premier projet de code civil). L'absence de la moindre interprétation judiciaire était
néanmoins utopique parce que la loi pénale doit nécessairement être interprétée par le juge pénal lorsqu'il l'applique.

Aussi ce fût le principe d'interprétation stricte de la loi pénale qui fut retenu et qui gure à l'article 111-4 du Code pénal N°
( Lexbase :
L2255AMH). Il est censé contribuer à la prévisibilité de la loi pénale, même si nul ne peut se prévaloir d'une jurisprudence gée et que le
principe de non-rétroactivité ne s'applique pas à une simple interprétation jurisprudentielle. L'interprétation stricte ne se manifeste pas
de la même façon selon que la norme pénale est claire et précise ou non.

Cass. crim., 02-02-2016, n° 15-84.356, FS-D

Précision(s)
V., Gaz. Pal., 2016. 1147, obs. Dreyer.

Texte clair et précis

En présence d'un texte clair et précis, le juge doit procéder à uneinterprétation littérale, c'est-à-dire s'attacher à la lettre du texte.
Autrement dit, il doit l'appliquer tel quel, sans rien ajouter. Plus précisément, est strictement interdit le raisonnement par analogie, qui
consiste à appliquer la loi pénale à un comportement qui n'est pas visé mais qui est similaire à celui visé par la loi. En matière pénale en
effet, "tout est de droit étroit" (Cass. crim., 4 février 1898, S., 1899. 1. 249, note Roux).

Cass. crim., 01-06-1977, n° 76-91999


Cass. crim., 31-03-1992, n° 90-83.938
Cass. crim., 29-09-1992, n° 91-86.248, Fertal Alain

Précision(s)
Cass. crim., 9 août 1913, DP, 1917. 1. 69 ; Cass. crim., 16 octobre 1957, Bull. crim. n° 637 ; Cass. crim., 7 mai 1969, D., 1969. 481 ; Gaz. Pal.,
1969. 2. 68 ; Cass. crim. 1er juin 1977, n° 76-91.999 ; Cass. Crim. 31 mars 1992, n° 90-83.938 ; Cass. crim., 29 septembre 1992, n° 91-
86.248.
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Par conséquent, si un fait est moralement répréhensible mais qu'il n'est pas prévu par un texte d'incrimination, la personne poursuivie
devra être relaxée, conformément au principe de légalité formelle. Ainsi du cas de la personne qui commandait des aliments dans un
restaurant, se faisait servir, consommait, puis partait sans payer, à laquelle on ne pouvait pas appliquer les délits de vol, d'escroquerie
ou d'abus de con ance ; un tel comportement n'a pu tomber sous le coup de la loi pénale qu'à compter de la création de l'incrimination
de filouterie d'aliments.

Précision(s)
La filouterie d'aliments, également connue sous le nom de grivèlerie, a été introduite dans notre droit par 1a loi du 26 juillet 1873.
Elle figurait dans l'article 401 du Code pénal de 1810, et est désormais incriminée avec d'autres formes de filouterie, à l'article 313-5
du Code pénal.

Le Conseil constitutionnel rappelle lui-même ce principe d'interprétation stricte tout en reconnaissant le pouvoir créateur de la
jurisprudence (v. supra, La consécration du principe de légalité, Le principe de légalité de la loi par renvoi à d'autres sources, Renvoi au
règlement N° Lexbase : E1413GAL, in fine, et suivants).

Décision n°98-408 DC du 22-01-1999


Décision n°96-377 DC du 16-07-1996

Illustrations. De très nombreux exemples peuvent illustrer l'application de l'interprétation stricte par la jurisprudence, en particulier par
la Chambre criminelle de la Cour de cassation : C'est ainsi au nom de ce principe que la quali cation d'homicide par imprudence est
exclue pour le foetus, qui n'est pas un "autrui" au sens de l'article 221-6 du Code pénal (N° Lexbase : L3402IQ3) (Ass. plén., 29 juin 2001, n°
99-85.973 N° Lexbase : A6448ATY ), ou encore que la poursuite de travaux malgré une décision de la juridiction administrative
prononçant le sursis à exécution du permis de construire n'est pas constitutive de l'infraction de construction sans permis prévue par
l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L2549LBZ) (Ass. plén., 13 février 2009, n° 01-85.826N° Lexbase : A1394EDY ; JCP
éd. G, 2009. II. 10057, note Bailleul ; RSC, 2009. 386, obs. J.-H. Robert).

Dans la même logique, il a été jugé que la di usion sur internet d'une photographie d'une femme nue enceinte prise par son ex-
compagnon à l'époque de leur vie commune ne constitue pas le délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée réprimé par les articles 226-1
(N° Lexbase : L2092AMG) et 226-2 du Code pénal (N° Lexbase : L2241AMX) (Cass. crim., 16 mars 2016, n° 15-82.676, FS-P+B+IN° Lexbase :
A4888Q78, JCP éd. G, 2016. 658, note Saint-Pau. V. désormais l'article 226-2-1 du Code pénal issu de la loi du 7 octobre 2016).

Mais aussi que le fait pour un homme d'avoir pointé du doigt quatre salariées comme s'il tenait une arme en disant pan,
" pan, pan, pan,
toutes les quatre fusillées" et en mimant l'acte de sou er sur le canon d'un pistolet ne constituait pas une menace de mort
répréhensible dès lors que celle-ci doit, pour être constituée, que soit caractérisée sa réitération ou sa matérialisation alors qu'en
l'espèce l'action décrite ne pouvait s'analyser qu'en un simple geste accompagnant une menace verbale (Cass. crim., 22 septembre
2015, n° 14-82.435, F-P+B N° Lexbase : A8236NPQ).

Sans qu'il soit forcément question d'interprétation analogique, force est de constater que la jurisprudence pénale a un rôle créateur
pour préciser un grand nombre de notions non dé nies par le Code pénal. Le juge pénal s'a ranchit alors plus ou moins de la lettre du
texte, par exemple en admettant la quali cation de viol à propos d'une fellation subie par un adolescent alors qu'à l'évidence ce n'est
pas l'auteur qui avait commis un acte de pénétration sexuelle sur la victime mais l'inverse et qu'il s'agissait donc d'une agression
sexuelle.

Cass. crim., 16-12-1997, n° 97-85.455


Cass. crim., 22-08-2001, n° 01-84.024

Précision(s)
V. tous les exemples donnés par E. Dreyer,Droit pénal général, LexisNexis, 3ème édition, 2014, n° 574 ; Y. Mayaud,L'emprise
contrastée de la jurisprudence sur le livre II du Code pénal, in La réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale, Opinio
doctorum, Dalloz, 2009, p. 79.

Nécessité d'une interprétation adaptée aux évolutions techniques

Pour autant, interprétation stricte ne signi e pas interprétation restrictive, et il appartient au juge pénal de prendre en compte les
évolutions technologiques pour appliquer un texte à un cas qui n'avait pas pu être envisagé. Il en va ainsi du célèbre cas de vol
d'électricité puisqu'en 1912 la Cour de cassation a admis que la quali cation de vol puisse être appliquée au cas de détournement de
courant électrique, situation à l'évidence non envisagée par les rédacteurs du Code pénal de 1810.

Précision(s)
Cass. crim., 3 août 1912, DP, 1913. 1. 439 ; S. 1913. 1. 337, note Roux. Voir désormais article 311-2 du Code pénalN°
( Lexbase :
L1904AMH).

Analogie in favorem. L'interdiction du raisonnement par analogie se comprend à la lumière du principe de légalité formelle, puisque le
citoyen doit pouvoir connaître à l'avance les comportements interdits, ce qui est matériellement impossible si on lui applique
extensivement un texte qui ne lui interdisait pas expressément d'accomplir tel ou tel comportement.

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C'est donc dans l'idée de préserver les citoyens d'un éventuel arbitraire judiciaire que ce principe s'inscrit. Or, lorsque ces craintes n'ont
plus lieu d'être, l'interdiction disparaît : de ce fait, lorsqu'une règle est favorable à la personne poursuivie, elle va pouvoir béné cier
d'une interprétation analogique.

La jurisprudence admet en e et depuis longtemps que "le principe de l'interprétation stricte n'interdit pas l'application large des lois
pénales favorables" ou que "l'interprétation par analogie est pourtant possible lorsqu'elle est favorable à la personne poursuivie". Cela a
notamment permis à la jurisprudence d'étendre des règles de fond ou de procédure à des situations qui ne sont pas visées par le texte,
comme la légitime défense des personnes étendue aux biens ou encore la création du fait justi catif d'état de nécessité ou d'exercice
des droits de la défense.

Cass. crim., 11-05-2004, n° 03-80.254, FS-P+F+I


Cass. crim., 04-01-2005, n° 04-82.337, F-D

Précision(s)
Cass. crim., 8 février 1840, S., 1840. 1. 651.
Cass. crim., 25 juin 1958, D., 1958. 693, note Larguier.
Cass. crim. 11 mai 2004, Bull. crim. n° 113 ; D., 2004. 2327, note Gaba ; ibid. Somm. 2759, obs. Roujou de Boubée ; RSC, 2004. 866, obs.
Vermelle ; Crim. 4 janvier 2005, Bull. crim. n° 5; JCP éd. G, 2005. IV. 1565 ; ibid. 2006. I. 113, obs. Véron ; Cass. crim., 16 juin 2011, RSC,
2011. 836, obs. Matsopoulou ; ibid. 853, obs. Cerf-Hollender ; D., 2011. 2254, note Beaussonie ; ibid. Pan. 2826, obs. Roujou de
Boubée ; Dalloz actualité, 6 juillet 2011, obs. Ines ; AJ pénal, 2011. 466, obs.Gallois ; Dr. pénal, 2011, comm. 100, obs. Véron ; RPDP,
2012. 146, obs. Chevallier.

Interprétation d'une notion extra pénale

Par ailleurs, lorsqu'un texte d'incrimination vise un concept qui n'est pas purement pénal, le juge n'est plus lié par le principe
d'interprétation stricte. Par exemple, le notion de domicile revêt une signi cation particulière en droit civil puisque l'article 102 du Code
civil y voit le lieu du principal établissement, ce qui implique un local d'habitation.

Art. 102, Code civil

En droit pénal en revanche, la dé nition est bien plus large puisqu'il s'agit du "lieu où une personne, qu'elle y habite ou non, a le droit de
se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux".

Cass. crim., 22-01-1997, n° 95-81.186


Cass. crim., 30-10-2006, n° 06-80.680, F-P+F

Précision(s)
Cass. crim., 22 janvier 1997, Bull. crim. n° 31 ; Dr. pénal, 1997. 78, obs. Véron ; Cass. crim., 28 février 2001, Dr. pénal, 2001. 85, obs.
Véron ; Cass. crim., 26 juin 2002, Dr. pénal 2002. 136, obs. Véron ; Cass. crim., 30 oct. 2006, Bull. crim. n° 261.

Texte imprécis ou obscur

La règle de l'interprétation stricte a des incidences di érentes lorsque le texte à appliquer est imprécis ou obscur. En e et, le juge pénal
ne peut pas refuser de juger une affaire qui lui est soumise sous ce prétexte, sinon il commet un déni de justice, prohibé par l'article 4 du
Code civil et incriminé à l'article 434-7-1 du Code pénal.

Dans ce cas, le juge peut néanmoins se référer à laratio legis du texte, c'est-à-dire la volonté du législateur, procédant ainsi à une
interprétation téléologique. Il s'agira notamment de consulter les travaux parlementaires tels que les rapports d'information ou l'exposé
des motifs, a n d'identi er les raisons qui ont conduit le législateur à adopter ce texte pénal. Le juge peut également s'appuyer sur les
circulaires interprétatives, bien qu'elles n'aient pas force obligatoire, parce qu'elles peuvent éclairer sur le sens du texte. Il s'agit de
documents élaborés par le pouvoir exécutif et qui ne s'imposent qu'aux magistrats du parquet en vertu de l'obéissance hiérarchique,
mais qui peuvent guider les magistrats du siège pouvant y trouver des réponses à leurs interrogations.

Art. 434-7-1, Code pénal

Il faut également savoir qu'avant de statuer sur une question de droit nouvelle, présentant une di culté sérieuse et se posant dans de
nombreux litiges, les juridictions de l'ordre judiciaire peuvent, par une décision non susceptible de recours, solliciter l'avis de la Cour de
cassation, mais que l'avis rendu ne lie pas la juridiction qui l'a demandé.

Si malgré cela, le juge estime ne pas pouvoir appliquer le texte car il est trop obscur ou imprécis, il peut décider de l'écarter en
invoquant l'exception d'inconventionnalité car un texte présentant de tels défauts est contraire à l'article 7 de la CESDH tel qu'interprété
par la Cour européenne des droits de l'Homme exigeant la clarté et la prévisibilité.

Art. L441-1, Code de l'organisation judiciaire

La Chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi, par exemple, approuvé le raisonnement d'une cour d'appel qui avait jugé l'article
38 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 incompatible avec l'exigence de légalité.

Cass. crim., 20-02-2001, n° 98-84.846


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Précision(s)
Les juges du fond avaient notamment retenu que la possibilité pour chacun d'apprécier par avance la légalité de son
comportement implique une formulation particulièrement rigoureuse des incriminations et ne saurait résulter que de définitions
légales claires et précises, alors qu'en l'occurrence le texte litigieux comporte une formule évasive et ambiguë en ce qu'il s'agit de
la reproduction de tout ou partie des circonstances d'un des crimes et délits visés et que l'expression "circonstances",
foncièrement imprécise, est d'interprétation malaisée.
Trop générale, cette formulation introduit une vaste marge d'appréciation subjective dans la définition de l'élément légal de
l'infraction et ne permet pas à celui qui envisage de procéder à la publication d'être certain qu'elle n'entre pas dans le champ
d'application de l'interdit de sorte que cette ambiguïté rend aléatoire l'interprétation du texte qui serait faite par le juge selon les
cas d'espèce et que la rédaction de l'article 38 alinéa 3 n'offre pas de garanties réelles quant à la prévisibilité des poursuites.

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