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LA GÉOMANCIE RETROUVÉE

OUVRAGES DU MÊME AUTEUR


Planèles et Dieux (Ed. Maurice d'Hartoy).
Planètes et Destins. Préface de Maurice Magre (Ed. Maurice d'Hartoy).
Leurs Eminences (Ed. Maurice d'Hartoy).
1927-1999 : Comment lire les prophéties de Nostradamus (Ed. Maurice d'Hartoy).
Le Reliquaire. Tableau 6 couleurs (Ed. Maurice d'Hartoy).
La Vérité sur l'Horoscope (Ed. Sous le Ciel).
Les Présages par les directions évolutives (Ed. Adyar).
Le Graphique du Sensitif, sur fort bristol (Ed. Sous le Ciel).
Les Lourds Secrets de 1937 (Ed. Denoel), épuisé.
Les Présages à la lumière des lois de l'évolution (grand in-8°, 900 pages). (Ed. Sous le Ciel.)
La Sphère sensitive (Ed. Sous le Ciel).
Grande Encyclopédie illustrée des Sciences Occultes, ouvrage en collaboration, sous la direction
de D. Néroman, deux très beaux volumes reliés (Ed. Argentor), épuisé.
Un Acle : Le Congrès de 1937 (Ed. Sous le Ciel).
Que nous réserve 1938 ? avec un précis d'astrologie (Ed. Pion).
Prima-Dix, Tables Astrologiques avec éphémérides perpétuelles et comput universel (Ed.
Sous le Ciel).
La Clé secrète de la Pyramide (Ed. Dunod), épuisé.
Les Roses Astrologiques (Ed. Sous le Ciel).
L'Orne des Planètes (Ed. Corymbe), épuisé.
Grandeur et Pitié de VAstrologie. Préface de J.-H. Rosny aîné (Ed. Sorlot).
La Leçon de Platon (Ed. Niclaus).
Traité d'Astrologie Rationnelle (Ed. Sous le Ciel).
Verlaine aux mains des dieux (Extraits Littéraires du Traité d'Astrologie). (Ed. Ariane),
préface de François Porché
La Fausse Science devant l'Occultisme (Ed. Ariane).
Les Tables Françaises illustrées (1945-1946-1947-1948).
Le Nombre d'Or à la portée de tous (Ed. Ariane).
Callimaïs, roman d'initiation pythagoricienne (paraît en à-suivre dans la revue SCIENCE-
INITIATION).

A PARAITRE
Pi-yoh, roman de l'aventure humaine,
DOM N É R O M A N
Ingénieur Civil des Mines

L A G É O M A N C I E R E T R O U V É E

Traité de Géomancie Rationnelle

Leçons données par le Mage Douban


Au jeune prince Agib, fils du Sultan,
Avec les aventures, à l'appui,
D'un conte bleu des Mille et une i Nuits.

ÉDITIONS SOUS LE CIEL


11, rue Bois-le-Vent
PARIS ( 16e)
IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE

300 EXEMPLAIRES SUR P A P I E R VÉLIN T E I N T É MOULIN VIEUX

NUMÉROTÉS DE 1 A 3 0 0 , HORS COMMERCE,

2 0 0 EXEMPLAIRES SUR PAPIER VÉLIN BLANC MOULIN VIEUX

NUMÉROTÉS DE 3 0 1 A 500

CONSTITUANT L'ÉDITION ORIGINALE.

Copyright 1948 by D. Néroman et Editions "Sous le Ciel", 11, rue Bois-le-Vent, PARIS (16")
INTRODUCTION

La Géomancie est un art divinatoire dont le tentait de le dessiner sur le sol ; à ce point les
caractère le plus frappant est le contraste entre accessoires étaienfréduits à néant : la pointe du
l'extrême simplicité des moyens qu'il met en couteau traçait le carré sur la terre battue des
jeu et la richesse exubérante de ses ressources carrefours, et le chemin fournissait les cailloux.
oraculaires. Les ressources, avec d'aussi pauvres moyens ?
Les moyens ? Un" « carré », une poignée de Nous n'allons certes pas les demander naïvement
petits cailloux. Certes, il faut envisager — et aux conteurs arabes, dont le miracle est le pain
nous préconiserons — des accessoires mieux quotidien ; l'oracle, par exemple, que nous
choisis, mieux adaptés au Symbolisme universel, venons d'évoquer donne au magicien les rensei-
et conçus avec un souci d'art qui, lui aussi, est gnements les plus précis :
un lien avec le Divin ; mais le géomancien beso- Au lieu de découvrir qu' Aladdin fût mort dans
gneux des contes arabes se contente de son le souterrain, il découvre qu'il en était sorti, et
« carré » et des cailloux du chemin ; ce carré qu'il vivait sur terre dans une grande splendeur,
est une simple boîte à couvercle emplie de sable. puissamment riche, mari d'une princesse, honoré
Voici, par exemple, ce que raconte Shéhérazade et respecté.
au sujet du magicien qui était en lutte avec Ces mirifiques précisions, c'est l'ordinaire
Aladdin (1) : féerie des Mille et une Nuits. Mais le réel, à lui
Comme il était grand géomancien, il tira d'une seul, est surprenant. Le consultant peut poser
armoire un carré en forme de boîte couverte, dont une question quelconque : l'oracle y répond
il se servait pour faire ses observations de géo- souvent, et presque toujours, s'il refuse d'y
mancie. Il s'assied sur son sofa, met le carré répondre, il donne obliquement un indice qui
devant lui, le découvre, et après avoir préparé et explique ce refus ; on trouvera dans cet ouvrage
égalisé le sable, avec l'intention de savoir si Alad- cet exemple que nous citons ici pour expliquer
din était mort dans le souterrain, il jette ses points, en toute netteté ce que nous voulons dire : un
il en tire les figures, et il en forme l'horoscope. marchand demande à l'oracle s'il peut espérer
Le texte ne parle pas des cailloux, qui ser- s'enrichir un jour ; la question reste sans réponse;
vaient aussi bien à « jeter les points » (pairs ou mais si le géomancien sait lire entre les lignes
impairs) qu'à dessiner les figures en incrustant (ou plutôt entre les points), s'il regarde tout le
les cailloux dans le sable égalisé. Mais le géoman- thème au lieu de s'en tenir à la maison des
cien ambulant ne s'embarrassait pas toujours du richesses, ce refus est motivé de façon péremp-
carré ; il le remplaçait souvent par un morceau toire : le consultant va mourir, en sorte que sa
de tapis, plus facile à transporter de douar en question est dépassée par l'imminence du destin
douar, et plus fréquemment encore il se con- et ne peut recevoir aucune réponse.
A ceux qui ne voudraient voir dans l'art de
géomancie qu'un enfantillage, il est d'usage de
(1) Les Mille et une Nuits, 332e nuit. — Trad. citer les références impressionnantes des grands
A. Galland, Pourrat éditeur 1837. Tome II, p. 137. cerveaux qui l'ont étudié et pratiqué avec
confiance ; Caslant n'y a pas manqué dans son de l'attrait si puissant du mystère et de l'énigme
Traité élémentaire de Géomancie (1) : indéchiffrable obstinément scellée sur les lèvres
Il faut alors, dit-il dans sa Préface, que cette de pierre du Sphinx muet.
superstition, si superstition il y a, soit bien tenace Ces objections, une seule réponse peut les
car la Géomancie est très ancienne. On la retrouve réduire au silence : celle qui apportera la preuve
à toutes les époques et dans presque toutes les races, de la vérité géomantique. Caslant n'avait pas
voire même cKez les Hovas de Madagascar qui la manqué d'y songer :
pratiquent couramment. Si l'accueil fait à cet ouvrage le permet, écrit-il
Le Dante y fait allusion dans sa Divine en terminant sa préface, je le compléterai par la
Comédie ( voir Le Purgatoire, chant XIX, vers 1 suite par une étude rationnelle sur les principes
à 6). Or, l'achèvement de La Cantica del Purga- de la Géomancie, par l'explication logique des
torio date environ de 1314. règles et par la signification métaphysique des
Les Contes des Mille et une Nuits, d'origine figures.
persane et arabe, en mentionnent l'emploi à Caslant est mort sans avoir pu mener à bien
plusieurs reprises. cette tâche essentielle. C'est pourquoi nous
Un manuscrit de la Bibliothèque Nationale voulons tenter cette justification. N'est-elle pas
intitulé Dictionnaire de Géomancie et des Rose- d'ailleurs, dans notre voie habituelle, constante ?
Croix est un extrait de la géomancie des Hébreux. Nous n'avons consenti à étudier et pratiquer
Christofe de Cattan, qui fut le géomancien le l'Astrologie (chacun le sait au Collège Astrolo-
plus réputé du XVIe siècle, écrit dans la préface gique de France) qu'après avoir retrouvé la
de son Traité de Géomancie : « Or, quant à Géo- justification rationnelle des influx planétaires (1):
« mantie, entre tous ceux qui en ont escript, comme il était essentiel de démontrer d'abord que cha-
« Indiens, Caldéens, Hébreux, Arabes, Egyp- que planète a bien son « nom cosmique », que par
« tiens, Grecs et Latins, je n'en ai trouvé qui exemple celle qui nous précède à partir du Soleil
« soyent d'importance, sauf trois livres qui pour le est bien Vénus et que celle qui nous suit est bien
« fourd'huy sé trouvent entre les hommes, dont Mars, ces noms signifiant valablement que l'une
« l'un composé par les Indiens se commence : inspire l'art, la douceur, l'amour, et l'autre la
« Estimaverunt Indi, l'autre par les Hébreux combativité, l'audace, l'esprit d'action et d'a-
« qui se commence : Ha veenestre, et le tiers lait gression. De la même façon, nous avons été
« par un de la nation latine, nommé Barthélemy extrêmement circonspects sur la Géomancie tant
« de Perme. » que nous n'avons pas aperçu les raisons valables
Mais cet appel classique aux références ne d'appeler telle Figure « Fortuna Major », telle
saurait suffire aux esprits positifs, dont les - autre « Tristitia », ces noms devant être cosmi-
objections ne sont pas négligeables : Que les quement valables. Nous croyons y être parvenu
savants des Universités iraniennes de Gondé- en étudiant successivement les « correspon-
Shapour et de Bagdad aient pratiqué la géo- dances » des Figures géomantiques avec le
mancie venue de l'Inde, qu'est-ce que cela symbolisme de leur édification progressive, celui
prouve ? Que leurs élèves arabes et juifs l'aient de leur structure géométrique, celui de leurs
emportée à Damas, et essaimée dans tous les couplages, celui des Maisons astrologiques, celui
centres intellectuels des rives méditerranéennes, des quatre Eléments évolutifs, celui des Planètes,
ceux de l'Egypte, de la Grèce, de l'Italie, du celui des Nombres-créateurs de l'arithmologie
Maghreb, de l'Espagne, qu'est-ce que cela pythagoricienne. Nous n'aurions pas livré cet
prouve ? Que la « petite science oraculaire » ait Essai au public si ces multiples correspondances
gagné partout en profondeur, jusqu'au Soudan, ne s'étaient affirmées avec une cohésion et une
jusqu'à Séville et Tolède, jusqu'à Venise et harmonie d'ensemble telles qu'elles nous ont
Crémone, puis plus tard jusqu'au cœur de paru justifier pleinement la valeur de la Géo-
l'Allemagne et de la France, qu'est-ce que cela mancie.
prouve ? Simplement que les superstitions sont Il reste, après cette justification théorique, à
d'autant plus tenaces qu'elles sont plus ancien- fournir un lot important de preuves expérimen-
nes, ou tout au moins qu'il y a toujours eu, et tales ; nous apportons le nôtre dans chacun des
qu'il y aura toujours des esprits curieux de thèmes géomantiques développés au cours des
l'antiquité, de ses croyances, de ses techniques, épisodes de cet ouvrage, qui mêle aux leçons
et particulièrement de ses superstitions, riches

(1) D. Néroman. — Planètes et Dieux, Ed. M.


(1) Lib. Véga, éditeur, 1935. d'Hartoy.
du Mage Douban les aventures vécues par le de l'expliquer. L'explication de cette sorte de
prince Agib, son élève, dans le palais de son père prodige nous parait tenir tout entière dans le
le sultan- Noureddin-Ali ; personnages fictifs, fait que les Figures Géomantiques sont en cor-
certes, aventures imaginées dans l'atmosphère respondance avec tous les aspects astrologiques
d'un conte des Mille et une Nuits, mais oracles du Symbolisme universel, tout en étant formées,
réellement tirés, avec les dés zodiacaux, et tou- à chaque interrogation de l'oracle, par un con-
jours conformes aux événements du roman de sultant qui est mû par les astres dans la seule
Zobeïdeh, héroïne de ce conte didactique. Expli- condition où il peut l'être, celle dictée par son
quons-nous sur l'exemple du thème déjà cité, thème natif ; ainsi le contact entre le consultant
celui du marchand qui consultait l'oracle sur ses et le ciel est parfaitement réalisé, pourvu, bien
chances de faire fortune, et qui allait mourir ; entendu, que ce consultant soit convenablement
nous avons conçu a priori ce cas qui nous sem- concentré au moment où il opère.
blait un excellent exemple de question mal La Géomancie apparaît, ainsi, comme YAstro-
posée, à laquelle l'oracle ne pouvait répondre ; logie horaire par excellence, et même, pensons-
et nous avons tiré les points en demandant à nous, comme l'unique processus valable d'astro-
l'oracle de fournir le thème le plus propre à logie horaire.
illustrer cet exemple ; l'oracle a répondu en Qu'est, en effet, une consultation d'astrologie
plaçant la figure dite le CERCUEIL à la fois horaire ? J'en prendrai un exemple dans un
dans le sensitif et dans la case du Juge, qui est ouvrage qui, paraît-il, fait autorité parmi les
celle de la réponse ; en outre, le cheminement du fidèles de la burlesque « Eglise Universelle
sensitif au Juge fut, comme on le verra dans d'Aquarius », Saint-Siège de l'astrologie améri-
l'exposé du Chapitre IX, LE CERCUEIL — caine, dont « les examinateurs (Sacré Collège s'il
TRISTESSE — TRISTESSE — LE CER- en fût), se chargent d'ordonner les Mages (1) ».
CUEIL (Juge). Nous citons religieusement — c'est le cas où
Pouvait-on souhaiter « correspondance » plus jamais — le texte révélant comment un de ces
étroite, plus parfaite entre le Bas et le Haut, la « vieux Mages» pratique avec succès l'astrologie
Terre et le Ciel ? Or, tous les thèmes réellement horaire (2).
tirés pour la rédaction de cet ouvrage ont obtenu Une personne me demanda conseil un dimanche,
la même faveur ; nous n'avons fait aucun choix ; durant une heure de Mars, et celui-ci lut, au
nous n'en avons écarté aucun ; pour chaque moment de la consultation, en conjonction avec
épisode, nous avons tiré les dés en souhaitant Jupiter qui se trouvait en cinquième Maison et
intensément le thème qu'il fallait ; et ce thème dans le Bélier. J'ai immédiatement fait part au
est sorti. consultant de mes déductions : « Un homme alerte,
C'est là une preuve éclatante de la réalité de actif, cheveux roux, portant des lunettes (Mars
la Géomancie, tout au moins pour ceux qui ne dans le Bélier) vous sollicite pour un placement
nous feront pas l'injure de penser que nous d'argent dans des obligations de charbon ( 5e Mai-
altérons la vérité, ou simplement que nous son, Mars conjoint à Jupiter), et vous ne devriez
l'enjolivons. Cependant ces sceptiques, une fois pas accepter sa proposition. »
le mécanisme géomantique en main, se rendront Le consultant avoua que c'était là l'objet de sa
aisément compte de l'énorme difficulté que pré- visite, en ajoutant que ces valeurs étaient un bon
sente l'édification de tel thème que l'on voudrait placement.
voir sortir ; ce serait un casse-tête chinois défiant Je précisai alors que si le Monsieur lui rendait
l'habileté la plus subtile et la plus exercée. Et à nouveau visite le mardi suivant (le jour de
il reste aux sceptiques la ressource de consulter Mars), à 2 heures de l'après-midi (l'heure de
eux-mêmes l'oracle de géomancie, afin de se Mars) et se mettait presque en colère dans son
faire une opinion personnelle ; s'ils sont indif- empressement de lui faire souscrire, ce serait une
férents à ces questions, rien ne les y oblige ; preuve qu'il ne devrait pas acheter ces obligations;
mais s'ils entendent prendre position et procla- qu'un autre homme très en vue, ayant les caracté-
mer leur scepticisme, c'est un élémentaire ristiques du Bélier, probablement le Président de
devoir.

(1) N o u s n o u s a b s t e n o n s de d e s i g n e r c l a i r e m e n t l'ou-
v r a g e d u q u e l n o u s e x t r a y o n s ces citations, d é s i r a n t n o u s
t e n i r éloignés de t o u t e p o l é m i q u e ; m a i s n o u s e n don-
Ayant souligné le paradoxal contraste entre n o n s les p a g e s p o u r c e u x q u i l ' a u r o n t r e c o n n u ici
la simplicité des moyens mis en jeu par l'art de p. 123.
Géomancie et sa richesse divinatoire, il importe (2) p. 224.
la Compagnie, perdrait une somme considérable celui qui le précède et celui qui le suit, et de-
d'argent dans la combinaison. mande si sa femme est fidèle ou si le jour est
Le consultant vint me voir le mardi soir, se bien choisi pour prendre un billet de loterie ; si
montrant satisfait des conseils que j'avais donnés. l'on voulait lui répondre en conscience, il fau-
En effet, l'agent de la Compagnie s'était montré drait monter son thème de nativité et, au moins,
très vif durant l'heure de Mars prédite. Plus tard celui du dernier retour solaire ; admettant qu'il
les journaux annonçaient la faillite de la Compa- apporte ces documents au praticien, il faudrait
gnie. déceler le plexus intéressé par la préoccupation
Prenant ce récit au sérieux, comme le font qui a dicté sa question, et remonter au thème de
tous les fidèles de l'Eglise d'Aquarius, nous sa plus récente vitalisation par le Soleil, la Lune
voyons tout de suite une chose : le consultant ou la planète imprimante ; puis chercher l'heure
est totalement étranger à la consultation. Mars à laquelle les fuseaux de domification superpo-
est conjoint à Jupiter dans le Bélier et cela est sent ce vitalisateur au plexus évolutif ; ce ne
valable pour le monde entier ; ces deux planètes sera l'heure de la consultation que par miracle ;
sont en cinquième Maison, et c'est l'heure de ce travail exige l'isolement, la méditation ; il ne
Mars, ce qui est valable pour environ un dou- peut être fait en présence d'un consultant qui
zième de la surface du Globe, l'était un peu avant attend et derrière lequel la chaîne des autres
pour un autre douzième, le sera un peu plus tard clients se morfond dans le salon autour de revues
pour un nouveau douzième, le sera pour le Globe de sciences occultes périmées et mutilées ; ce
entier en vingt-quatre heures, et même le lende- n'est pas de « l'astrologie horaire » ; bien mieux,
main, et même les jours suivants, Mars n'étant « l'astrologie horaire » est une utopie, sous cette
pas très rapide. Et il n'y a pas autre chose; le forme d'étude directe des transits planétaires sur
consultant ? il ne compte pas; le Mage, selon son le thème natif du consultant.
propre raisonnement, aurait dit la même chose Il faut bien noter d'ailleurs que cette critique
à tout consultant survenu ce jour-là pendant ne nous est pas personnelle, et que déjà Morin
l'heure de Mars ; tous les Mages de la même de Villefranche s'élevait contre ces pratiques,
Eglise exerçant dans le même fuseau horaire dont on a peine à croire qu'elles aient pu être
(en gros), du Labrador à la Patagonie, en passant en honneur. Voici ce qu'il dit dans son Astro-
par New-York et les Antilles, par le Vénézuela Jogia Gallica, Livre XXI, d'après la traduction
et la Colombie, l'Equateur et le Perou, l'Ama- de Selva (Théorie des déterminations astrolo-
zonie et la Bolivie, tout le Chili et toute l'Argen- giques, Ed. Bodin) :
tine jusqu'à la Terre de Feu, auraient reçu la Où ces astrologues se sont trompés, c'est lors-
visite d'un capitaliste harcelé par un démarcheur qu'ils ont voulu, du seul état céleste d'une planète,
aux cheveux roux et aux yeux cerclés de lunettes pronostiquer des effets spéciaux à un individu...
cherchant à lui vendre des obligations d'une puisque cet état céleste est commun à toute la
Société Charbonnière dont les journaux annon- terre et indifférent à l'égard des individus. Ces
ceraient bientôt la faillite. Quant au consultant, prédictions seront donc fausses chaque fois qu'oii
qu'il soit né à Boston ou à Tucuman, en 1880 ne tiendra pas compte des éléments de détertni-,
ou en 1914, en hiver ou en été, au lever du Soleil nation particuliers au sujet, autrement dit de ctJ
ou à midi, qu'il ait Jupiter, Saturne ou la Lune qui constitue « l'état terrestre » de la planète consi-
dans la Maison II du compte en banque, cela dérée (c'est ce que nous appelons aujourd'hui
n'intervient pas, cela n'a aucune importance... la domitude de la planète, et plus exactement
et l'on nous présente cela comme de l'astrologie, son plexus).
comme son astrologie personnelle ! Que faisaient donc les Anciens ? Ils prati-
Certes, en dehors de cette Eglise dont les quaient l'astrologie horaire sous une tout autre
prélats semblent féguer au denier du culte leurs forme, celle de la Géomancie, qui assure la misc'--¡.
propres peaux pour fournir les parchemins des en jeu simultanée des planètes de l'heure et du
diplômés, il existe des tentatives d'astrologie consultant, aussi bien en ses dispositions actuelles
horaire plus soucieuse de logique et de bon sens ; qu'en ses dispositions natives. En effet, le con-
on cherche les présages dans les transits des sultant est partie agissante dans l'interrogation
planètes sur leurs «plexus » d'impression native, du ciel ; en astrologie horaire, il est passif, inerte,
alors le consultant est « mis en jeu », et c'est bien étranger à la recherche, en face de l'astrologue
de lui qu'il s'agit ; mais cette recherche n'est plus qui situe les planètes sur son sensitif et en con-
de « l'astrologie horaire » au sens où l'entendent jecture les effets ; en géomancie, c'est lui qui
ces praticiens : consultation rapide, donnée à jette les cailloux ou les dés, qui « tire les points »,
un inconnu qui se présente à leur cabinet, entre qui édifié seul le thème oraculaire ; or ses gestes,
seuls auteurs de ce thème, sont le résultat de une évidence — d'astrologie, ce pourrait être
réflexes déterminés par les actions planétaires contredit ; nous en avons donné les raisons,
( sauf pour ceux qui les nient ; mais alors il n'y a indiscutables pour tous ceux qui sont familia-
plus de débat entre l'astrologie et la géomancie) ; risés avec le mécanisme de l'influence astrale ;
et ces actions planétaires sont elles-mêmes il nous reste à montrer que les Anciens l'enten-
fonction du thème de nativité puisque chaque daient bien ainsi. Or, dans le passage des Mille
jour, à chaque minute, les mêmes planètes pro- et une Nuits que nous avons cité dès les premières
duisent sur des êtres différents des effets diffé- lignes, nous lisons :
rents et que le postulat astrologique est précisé- ... il jette ses points, il en tire les figures, et
ment la prévision de ces effets sur chacun de il en forme /'horoscope.
nous, d'après le thème de nativité. Ainsi, le Ce terme horoscope a un sens précis, exclusif ;
thème géomantique est absolument propre au l'assemblage des figures géomantiques est bien
consultant, ce qui est bien le moins que l'on un thème astrologique.
puisse exiger de lui, et il est thème d'astrologie Voici un autre passage emprunté à la 138e
horaire puisque le tirage du consultant s'opère Nuit (1).
sous l'effet des planètes en pouvoir d'action sur Il voulut savoir en quel endroit de la terre était
lui pendant les quelques minutes du lancer des Aladdin, comment il se portait, et ce qu'il y faisait.
cailloux. Il est donc véritablement un thème d'as- En quelque lieu qu'il allât, il portait toujours avec
trologie horaire, et, si nous n'osons dire qu'il est lui son carré géomantique, aussi bien que son
l'unique thème horaire, nous n'hésitons pas à frère : il prend ce carré, il accommode le sable,
'déclarer que nous n'en connaissons point d'autre. il jette les points, il en tire les figures, et enfin il
Bien entendu, l'oracle fourni par ce thème forme /'horoscope.
géomantique n'est valable que si le consultant Voilà donc un fait bien établi : le thème géo-
s'est réellement mis en correspondance cosmique mantique, ensemble des Figures formées par les
avec le « ciel horaire », le ciel du moment. Or, points, est bien astrologique puisqu'on peut en
cette condition essentielle dépend à la fois de lui former l'horoscope. Mais comment le fera-t-on ?
et du géomancien : Cet ensemble est composé de 15 Figures, dont
— DE LUI qui doit se concentrer, s'isoler de 12 représentent les 12 Maisons du consultant,
préoccupations étrangères à la question qu'il c'est-à-dire son sensitif tout entier, et 3 le « Tri-
pose, se mettre « en état de grâce » avec le ciel bunal », triumvirat de deux Témoins flanquant
horaire, le ciel qui passe ; les fidèles les moins le Juge. Former l'horoscope géomantique, c'est
raisonneurs, les moins « esprits-forts » de notre évidemment mettre les 12 « cases » géomantiques
religion, seront d'accord pour considérer qu'un du sensitif du consultant en correspondance
objet consacré, ou simplement l'eau bénite, correcte avec les 12 « Maisons » astrologiques de
n'acquiert de vertu que dans la mesure où l'offi- son horoscope de nativité ; les Traités résumés
ciant s'est concentré dans la prière et dans sa foi par Caslant ne donnent pas les règles de ces
fervente à l'instant de la consécration ; il est correspondances entre Cases et Maisons, et ils
difficile de considérer comme bénite une eau sur mettent d'office la Maison 1 en Case 1, la Mai-
laquelle, d'une main indifférente, le prêtre aurait son II en Case 2, et ainsi de suite ; cela pour tous
tracé le signe du Christ en pensant au tailleur les consultants, en sorte que le consultant n'est
qui l'attend pour l'essayage d'une soutane, ou pas accroché. Mais la règle que les Anciens prati-
à l'enfant de chœur qui doit boire de temps en quaient sans doute, et n'ont pas livrée, est facile
temps son vin de messe ; à reconstituer : les Anciens situaient toujours
— DU GÉOMANCIEN qui doit adapter le thème la Part de Fortune dans le thème géomantique ;
géomantique au thème de nativité du consultant. et c'est le seul facteur qu'ils eussent le souci
Ceci est une condition capitale et il semble bien d'introduire ; or, c'est un facteur astrologique,
que la tradition en ait perdu la notion : nul n'en c'est l'unique facteur astrologique dans cet
parle plus ; Caslant n'en souffle, mot, ce qui ensemble où ne figurent ni signes zodiacaux,
prouve que les ouvrages qu'il a consultés n'en ni planètes, ni maisons ; et c'est en outre le
font aucune mention, car il en a extrait des facteur qui fait la synthèse du thème individuel
règles et des notations influentielles de fort puisqu'il est déterminé par le jeu des Luminaires,
minime importance ; il n'aurait pas pu négliger Soleil et Lune, éléments du ciel, et de l'horizon,
celle-là. Nous allons donc lui consacrer quelques élément de la terre.
lignes.
Le thème géomantique, avons-nous dit, est
un thème d'astrologie horaire ; — horaire, c'est (i) Loc. cit. p. 161/162 .
Ceci exposé, il est bien clair que si les filles de l'horoscope (1) ; raccorder leurs deux
Anciens calculaient la Part de fortune géo- ombilics, c'est, en quelque sorte, renouer le
mantique, c'était pour l'utiliser. Or, Caslant cordon ombilical entre Mère et Fille, c'est donc
ne semble pas avoir trouvé dans les auteurs intégrer à la personnalité foncière du sujet,
anciens l'usage de cette Part ; il déclare sim- définie par son horoscope, la personnalité éphé-
plement : mère du consultant, traduite par ses réflexes au
Si la Figure de la case est bonne, la Part est moment où il jette les points.
bonne, sinon elle est mauvaise... elle éclaire sur' Alors, et alors seulement, la géomancie réalise
les caractéristiques finales de la question... elle la dans les meilleures conditions possibles, une
synthétise : c'est pourquoi lorsqu'elle tombe dans consultation d'astrologie horaire ; elle en con- .
la maison de la question, elle indique par cet stitue la seule technique justifiable, et peut-être
accord que celle-ci a été bien posée et que la figure la seule technique, tout court.
d'ensemble est bien faite.
Ce sont là, manifestement, des généralités,
♦ peut-être valables, mais qui ne justifient pas le
souci constant de situer cette Part ; en outre,
considérer qu'elle indique une question bien Telles sont les raisons qui nous ont déterminé
posée quand elle tombe dans la Maison de la à publier un Traité de Géomancie rationnelle qui,
question (en Maison II par exemple, pour une dans notre esprit, fait suite au Traité d'Astro-
question d'argent), cela revient implicitement à logie rationnelle, en le complétant pour tout ce
dire que la question est mal posée 11 fois sur 12 qui concerne l'astrologie horaire, impraticable,
et que la case 2 se confond toujours avec la dans l'état actuel de nos connaissances, par la
Maison II. technique de l'astrologie pure, qui indique des
Ces réflexions nous ont conduit à la clé tendances générales, mais reste muette sur des
probable du mystère : le thème géomantique questions précises nettement délimitées, sur
doit être « accroché » au thème natif du consul- une décision à prendre, sur le destin d'un
tant ; or, ce thèms natif comporte une Part de bref épisode, d'une aventure, d'une tentative.
fortune astrologique, horoscopique, significatrice Pour atténuer l'inévitable sévérité d'un
de la chance en général, bonne ou mauvaise du exposé didactique, nous avons imaginé un roman
consultant ; si donc les Anciens situaient, paral- dans lequel s'enchevêtrent et s'épousent étroite-
lèlement, une Part de fortune géoiiiatitîque, ce ne ment les leçons du mage Douban, les épisodes de
pouvait être que pour réaliser cet c( accrochage » la vie ardente au palais du sultan, et la philoso-
indispensable à l'intégration mécanique de la phie profonde que les Sages d'autrefois puisaient
personnalité du consultant dans le montage du dans la connaissance du Symbolisme. Nous avons
thème oraculaire ; et cet accrochage ne peut se situé ce roman à KOllm, en Perse, et, dans le
faire qu'en mettant en correspondance la Maison temps, l'an 1086 de notre ère, qui est l'an 478
qui contient la Part astrologique et la Case qui de l'hégire ; c'est l'époque où le califat oriental
contient la Part géomantique. Cette idée simple des conquérants arabes, installé dans sa capitale,
nous a paru une évidence, car si on la rejette, Bagdad, recule devant le retour offensif de
la Part de fortune géomantique ne sert à rien l'empire persan ; le Khalife Moktadi Biamrillah
de précis, l'oracle reste « décroché » du consul- (1075-1094) règne à Bagdad ; mais c'est le sultan
tant, dont la personnalité même reste exclue, Seldjoucide Mélik-Chah (1072-1093) qui l'a
puisqu'alors cases et maisons se correspondent élevé au khalifat; ainsi l'Arabe et le Perse sont
numéro pour numéro pour tous les consultants, étroitement mêlés dans une curieuse confusion
indifféremment. qui fait du conquérant arabe une créature de
Naturellement, nous avons contrôlé cette l'ancien vaincu, dans la même capitale ; khalife
règle sur de nombreux thèmes, et nous avons et sultan s'accordent pour favoriser l'astrologie,
souvent constaté que les deux Parts de fortune que les dictionnaires modernes appellent pudi-
doivent être mises en correspondance pour que quement astronomie ; Mélik-Chah fonde l'obser-
l'oracle soit bien dans la note de la question vatoire de Bagdad en 1074, réforme le calendrier,
posée ; elles apparaissent chacune comme Yom- assigne à l'année pour début le jour de l'équinoxe
bilic du thème, celui de l'horoscope du consul- de printemps (ce qui est une erreur cosmique) et
tant pour la Part astrologique, celui du thème
oraculaire pour la Part géomantique ; le premier
apparaît comme la mère génératrice de tous les (1) Le sensitif géomantique est exclusivement fémi-
thèmes oraculaires, le second comme l'une des nin : il comporte 4 Mères, 4 Filles et 4 Nièces.
crée une ère nouvelle qui commence le 14 mars lieutenant- générai du khalife Moktadi Biamrillah
Julien 1079 (20 mars grégorien, 8 ramadan 471 et père du jeune prince Agib dont Douban est le
de l'hégire) ; c'est l'ère djelalienne, car Mélik- précepteur.
Chah était déjà surnommé Djelal-Eddyn, gloire
de la religion. C'est dans cette atmosphère que le prince
C'est encore le temps où le curieux nishapou- Agib reçoit les leçons du géomancien de son
rien Omar Khayyam, tisserand, mathématicien, père, vit des épisodes de chasse et de harem, et
astrologue et poète, chantait ses robaiyat, ses fait de la houri Zobeïdeh une sultane, sur la foi
quatrains désabusés, dont la philosophie niait de la petite science oraculaire dont il s'éprend au
le ciel et célébrait les seules joies terrestres, tout fil des leçons et des vérifications des oracles ;
en tissant des tentes et collaborant à la réforme c'est dans cette atmosphère que nous avons
du calendrier ; nous l'avons fait intervenir dans voulu exposer au lecteur cet art divinatoire,
un festin donné à Koum par Noureddin-AIi, avec l'espoir que lui aussi s'en éprendra.

NOTE IMPORTANTE POUR LA LECTURE DES THÈMES

Les fondeurs n'ayant plus les possibilités de 2o Le signe oraculaire. Dans les dessins des
l'avant-guerre, il nous a manqué deux carac- thèmes, il est figuré par une bouche (même
tères qui figurent dans nos illustrations des thème no 1, fig. 6, p. 37 ; à plus grande échelle,
thèmes, mais que le lecteur ne retrouvera pas thème no 4, fig. 15, p. 65). Dans le texte composé
dans le texte. Ce sont : en caractères d'imprimerie, ce signe oraculaire
10 Le nouveau signe adopté pour le SCOR- est ^
- PION par le Premier Congrès d'Astrologie
Rationnelle (Exposition de Paris 1937) ; cet AUTRES DONNÉES ASTROLOGIQUES
hiéroglyphe est dessiné, en particulier, sur le ET ARITHMOLOGIQUES
Thème no 1, fig. 6, page 37, 3e et 4e points de
la 30 Mère ; se reporter d'ailleurs page 35 où Nous donnons page 97 la ROUE CHRYSO-
sont donnés les noms de tous les signes formant MAGIQUE-108 dont parle Douban dans la
ce tirage. Dans le texte composé en caractères CINQUIEME PARTIE. Cette roue ayant été
d'imprimerie, le signe utilisé pour le SCOR- centrée sur le Zodiaque, le lecteur aura ainsi
PION est l'ancien signe Ill, ; ne pas le confondre sous les yeux, dans un ensemble commode, les
avec celui de la VIERGE iip ; (c'est d'ailleurs .signes zodiacaux et planétaires dans leur dessin
pour mettre fin à cette trop fréquente confusion le plus moderne, en correspondance avec la
que le Congrès de 1937 a adopté un nouvel stupéfiante ROUE qui révèle l'essence arith-
hiéroglyphe pour le SCORPION). mologique de l'Univers.
PREMIÈRE PARTIE

LE T H È M E G É O M A N T I Q U E

CHAPITRE PREMIER

LE COMPLOT DÉCOUVERT

Dans la poussière d'or du soleil couchant, au son vizir ; mais calme mon fils ; Douban est un
pas fatigué de leurs chevaux blancs d'écume, sage vieillard bien précieux pour mon royaume ;
les chasseurs rentraient au palais sur lequel je n'abandonnerai pas sa tête à un caprice d'Agib;
régnait, à Koum, le sultan Noureddin-Ali, lieu- envoie-le quérir sur l'heure, afin que mon fils le
tenant-général du khalife de Bagdad, Moktadi trouve à mes côtés et sous ma protection.
Biamrillah. Sombre, la rage au cœur, éperonnant L'instant d'après, Agib et Douban étaient
en vain son cheval épuisé, Agib, fils du sultan, devant le sultan, le jeune prince ivre de rage,
précédait de loin le cortège, sur lequel semblait le vieillard d'un calme imposant.
planer l'aile sombre d'un dive malfaisant. — Tu m'avais affirmé, rugit Agib, par ta géo-
— Que se passe-t-il ? demanda Noureddin à mancie menteuse, que cette chasse, commencée
son vizir Moddafar ; je croyais mon fils parti au seizième jour de la Lune de Schaaban, me
pour dix jours de lune, et le voici qui rentre serait éminemment favorable ; or, elle m'a coûté
avant la première nuit. la vie de mon plus vaillant officier, de mon plus
Moddafar, de son œil aigu, scrutait la troupe cher ami, Alcouz.
qui se rapprochait lentement. Soudain il s'écria : — Comment est-il mort ? demanda placide-
— Un accident, Hautesse ! Je vois un cheval ment Douban.
sans cavalier, conduit par un noir qui le tient — Il s'est écarté de nous, à la poursuite d'un
à la bride. cerf, et il s'est trouvé seul en face d'un tigre qui
Agib mit pied à terre et, apercevant son père l'a surpris et dévoré. Mais qu'importe la manière
au balcon du palais, il s'écria : dont il est mort ? Il n'est plus, et tu m'as trompé.
— Qu'on me livre Douban ! Je veux plonger — Seule ta jeunesse, répondit lentement le
moi-même mon poignard dans son cœur maudit géomancien, peut affirmer à la légère que je t'ai
de géomancien'. trompé. Qui te dit que sa mort ne t'est pas un
— Oui, quelqu'un a été tué, dit le sultan à bienfait ?
Stupéfait, Agib resta muet, regarda son père, ne te donnerai jamais un conseil que tu n'aies
puis Moddafar. Ce dernier, après un silence, sollicité ; mais le jour où il te plaira de question-
proféra d'une voix sévère : ner le ciel, aie la sagesse de ne point te révolter
— Tu insinues, Douban, qu'Alcouz était per- contre ses ordres, de ne point l'accuser de te
fide envers notre jeune prince. Est-ce bien cela tromper quand il te sert, de ne point balancer
que tu veux dire ? entre ce que sa bienveillance te dicte et ce que
- Je n'ai jamais eu vent du moindre complot ta fougue t'inspire,
d'Alcouz contre son maître ; je n'insinue donc — Il a raison, intervint Noureddin-Ali ; la
rien. Mais j'interprète l'oracle géomantique ; bienveillance du ciel est sage, parce qu'elle est
cette chasse devait être entièrement favorable divine ; la fougue des jeunes princes est aveugle
au prince ; elle a supprimé Alcouz ; la sagesse parce qu'elle est humaine.
est d'ordonner une enquête sur la fidélité de cet — J'écouterai tes conseils, mon père, dit Agib
officier. en s'inclinant. Mais mon sang, qui est le tien,
— Père ! s'écria le bouillant Agib, si la droi- se révolte à la pensée de suivre docilement les
ture d'Alcouz sort intacte de cette enquête, je te ordres d'oracles dont j'ignore les ressorts ; je
demande la tête de Douban, que je trancherai suivrais mieux les indications de la géomancie
moi-même. si Douban m'en expliquait les secrets. Ne puis-je
— Elle t'appartient, dit le mage avec douceur. apprendre cet art, sinon assez profondément
Le grand vizir, lui-même, se rendit chez l'offi- pour l'exercer moi-même, tout au moins suffi-
cier ; il saisit tous ses coffres, les fit apporter au samment pour comprendre ce qu'il révèle aux
palais sans les avoir ouverts, et les déposa aux mages exercés ?
pieds de Noureddin-Ali. On les fractura et on y — Tu peux apprendre l'Ilm-al-Raml (1),
découvrit tous les plans d'un complot ; à la néo- répondit Douban. N'était-il pas de sang princier,
ménie du Capricorne, on devait tuer le sultan, . le sage maghrébin Abou-Mohammed-al-Zanati,
son fils, le vizir Moddafar et quelques ministres qui fut instruit par Tomtom l'Hindou, et trans-
parmi les plus fidèles à Noureddin-Ali ; Alcouz, mit son savoir à ses successeurs, jusqu'à Ibrahim
âme du complot, devenait sultan et maître du ibn Nâfi al Sâlihi, qui reste mon maître ? Mais
royaume. il faut de la patience, beaucoup de patience^..
- Fais tomber les têtes qu'il faudra, dit - Cette vertu, dit Agib, ne s'accorde guère
Noureddin-Ali, d'un air las, à son vizir ; prends avec mon impétuosité native ; si le ciel m'a
ce coffret de gemmes que je destinais à l'émir voulu si fougueux, crois-tu qu'il ait pu en même
Selama ; gardes-en la moitié et distribue le reste temps me douer de patience ?
- à ceux qu'Alcouz voulait supprimer : ce sont — Le tigre est fougueux dans l'attaque et,
évidemment les plus fidèles. Quaiit à toi, mon patient aux aguets.
cher Agib, fais le plus beau présent à Douban et — J'essaierai donc de m'initier à l'Ilm-al-
prie Allah qu'il te conserve le plus longtemps Raml. Mais je redoute à l'avance les longues
possible sa chère vieille tête, que tu voulais heures d'initiation théorique, dans l'abstraction
trancher dans ta folie trop impétueuse. des symboles.
— Que désires-tu, chère vieille tête ? demanda — Tu peux t'initier en consultant la géo-
le jeune prince en baisant l'épaule du géoman- mancie pour toi-même, petit à petit ; demande
cien. un conseil ; nous éplucherons ensemble les élé-
— Je n'ai besoin de rien, tu le sais ; les fruits ments de la réponse de l'oracle.
du ciel et l'eau fraîche des sources me suffisent. — Excellente idée, déclara Noureddin-Ali. Et
— Suis-je donc moins puissant que toi, que si tu veux me plaire, mon fils, commence par
je ne trouve rien à te donner au moment où je interroger l'oracle sur le partage de ta vie entre
veux absolument te témoigner ma bienveillance? les joies du harem et les exercices de la chasse
— Donne-moi ta confiance ; le ciel est loin et de la guerre. Tu connais mon sentiment
de tout me dire, mais quand il daigne m'éclairer, là-dessus.
crois-moi. — Oui, mon père ; tu me reproches souvent
Agib ne répondit pas. Il hésitait ; donner sa d'abuser des plaisirs amollissants que je goûte
confiance,n'était-ce pas se mettre à la merci du avec les houris, et de leur faire la part trop large,
mage ? abdiquer sa puissance entre ses mains ? au détriment de ma valeur guerrière.
— Tu me demandes beaucoup, dit-il enfin.
— Je t'ai dit que je ne te demandais rien ; je (i) Traité de Géomancie.
— E n effet ; t u d o n n e s t r o p de t e s forces — N o u s allons d o n c l ' i n t e r r o g e r s u r ce p o i n t ,
a u x houris, pas assez a u x exercices g u e r r i e r s ; déclara Douban, q u a n d t u voudras.
c ' e s t d u moins m o n avis ; je serais cu- — Ce soir m ê m e .
r i e u x d ' a p p r e n d r e si c ' e s t aussi celui de — Déjà t a fougue t ' e m p o r t e ! Nous choisirons
l'oracle. le j o u r d i c t é p a r le ciel.

CHAPITRE II

LE RITE DES SEIZE HOURIS

Douban, penché sur des grimoires, méditait — Ah oui ! je connais tes lenteurs désespé-
dans sa chambre. Elle était perchée au sommet rantes ! Et nous tirerons les quinze autres à
d'une tour ; un escalier intérieur en colimaçon, chaque quarte du jour, ce qui prendra quatre
étroit et raide, donnait accès à la terrasse d'où jours. Tu sais que je n'ai jamais accepté ces rites
le mage pouvait contempler à loisir les étoiles léthargiques, et tu m'as toujours accordé de tirer
innombrables qui roulent leurs perles d'or dans les seize points tout d'une haleine.
le ciel d'Orient, et la Lune vagabonde qui naît — Je ne te l'ai pas accordé ; tu me l'as imposé ;
en un mince croissant vespéral, s'épanouit en et tu as eu tort, car l'oracle consulté hâtivement ,
une lampe toute ronde autour de laquelle les répond du bout des lèvres.
étoiles pâlissent, et meurt lentement jusqu'au - Pour ma dernière «hasse, j'ai bousculé les
ténu croissant matinal, dans le fourmillement dés et l'oracle t'a bien révélé la félonie d'Al-
renaissant des étoiles rassurées. couz !
La porte s'ouvrit brutalement, arrachant le — Il t'a témoigné en cela beaucoup de bien-
géomancien à sa méditation. C'était Agib qui veillance ; il ne m'a pas révélé ce complot, mais
lui rendait visite. simplement un jour heureux pour toi.
— Bonjour, sage Douban. Je me suis purifié — Cela me suffisait : je suis allé à la chasse
dans un bain d'eau de rose (car je connais tes au jour fixé par le ciel.
rites) et je viens tirer les seize points de ma — On peut hâter le rite magique quand on
première leçon ; embrase les pastilles d'encens consulte le ciel sur un épisode peu important de
\¡., et donne-moi tes dés. l'existence ; tu partais pour la chasse, ce n'était
— Ce n'est pas le jour de les tirer, répliqua pas un événement ; si tu avais voulu partir en
Douban. guerre contre nos voisins, j'aurais exigé un plus
Agib éclata de rire. grand respect du rituel magique.
— Tu veux d'abord m'apprendre la patience, — Je t'accorde que ma consultation d'au-
si je te comprends bien... tirons-les quand même, jourd'hui a plus d'importance. Je serai donc
j'ai hâte de m'instruire. patient, jusqu'à lundi à midi pour tirer le pre-
— Je veux bien t'instruire, mais non pas mier point et jusqu'à, jeudi pour tirer le sei-
consulter l'oracle. Tu es pressé, dis-tu ; le ciel zième,
n'accepte pas nos rendez-vous, il nous fixe les — Ce sera beaucoup plus long, Agib ! Il
siens ; si tu veux voir une éclipse, ou le coucher convient d'appliquer le grand rite, qui demande
simultané de Vénus et de Sirius, il faut venir dix-neuf jours.
quand le ciel les produit, et non les réclamer de — Douban, je devine que tu te joues de moi !
lui quand il te prend la fantaisie de voir ces — Depuis que nous avons formé ce projet de
spectacles. t'instruire dans l'Ilm-al-Raml, poursuivit le
Agib eut un geste d'impatience, mais se mage sans répondre, j'ai relu l'histoire de nos
maîtrisa. Douban reprit : princes et de nos maîtres en géomancie, et j'ai
— Nous tirerons le premier des seize points retrouvé le récit de la façon dont le khalife
lundi prochain, à midi. Aboul Hassan consulta l'oracle pour savoir s'il
devait incendier son harem et brûler vives n'est pas un jour, mais un jour et quart. Le pre-
toutes ses houris, en châtiment d'une orgie au mier point sera tiré lundi à midi ; c'est à midi
cours de laquelle elles s'étaient toutes livrées aux précis que les seize houris tendront ensemble
esclaves noirs, depuis la plus délaissée jusqu'à leurs mains droites vers le plateau sur lequel
la sultane. Tu dois procéder de la même manière seront rangés les seize gâteaux ; dès que chacune
pour la question qui te préoccupe. a son gâteau dans la main, le point est tiré, le -
— En effet, l'analogie n'est pas discutable. destin est fixé ; celle que le sort aura désignée
Et quel est ce procédé ? sera purifiée, sa gemme sera passée à son cou
— Tu attends des houris que ton pourvoyeur avec un fil d'or, et elle te sera conduite dès la
est allé acheter à Casgar. Quand doivent-elles prière du soir.
arriver ? Le second point sera tiré un jour et quart plus
— La caravane devrait être là ; je m'étonne tard, donc dès le début du mercredi, au coucher
de son retard. du Soleil (1) ; le plateau ne contiendra plus que
— Si elle est au palais avant lundi, et si elle quinze gâteaux, et il sera présenté aux quinze
t'amène au moins seize houris, ce sera le signe houris restantes ; la gagnante te sera conduite
que le ciel confirme le conseil de procéder comme comme celle de la veille, dès la seconde prière (2).
Aboul Hassan. Voici donc ce que tu feras : dès Le troisième point sera tiré le jeudi à minuit ;
qu'elles auront été purifiées et parfumées, on la houri te sera conduite aussitôt désignée ; le
leur servira des gâteaux d'aspect identique, temps de la purifier et de la parfumer. Le qua-
dont un seul contiendra une pierre précieuse ; trième le sera le vendredi au lever du Soleil ;
la houri qui trouvera la gemme dans son gâteau donc, pour la nuit du vendredi, le rite sera
te sera conduite pour la nuit ; si elle te plaît, interrompu pour toi, tu dormiras avec une des
tu la garderas, et ton premier point géomantique femmes de ton harem, celle que tu choisiras
sera impair, point d'activité ; si elle n'allume pas librement.
tes sens, tu la renverras, et ton premier point — Mon harem sera déjà enrichi de trois des
sera pair, point de passivité ; naturellement, tu nouvelles ?
choisiras alors dans le harem une autre houri, — Assurément.
car tu ne dors presque jamais seul, et si tu jeûnais — Je m'en réjouis, car je suis las de tous ces
d'amour devant celle qui te laisserait froid, le visages trop connus ; il était vraiment temps de
jeu se trouverait faussé pour celle du lendemain. " les renouveler. J'espère donc qu'une des trois
— Parfait, mais qui choisira la houri de premières m'aura charmé suffisamment pour que
remplacement, ? j'aie le désir de la recevoir une seconde fois.
— Toi seul, dans celles qui habitent déjà ton Mais quand me conduira-t-on la quatrième ?
harem ; les nouvelles ne se mêleront aux ancien- — Le samedi soir, dit Douban. Puis le second
nes qu'après t'avoir été envoyées une fois par le cycle commencera, le samedi à midi pour la
choix du gâteau ; donc une à une, car c'est tous cinquième, le lundi au coucher du Soleil pour la
les jours que le gâteau aux pierres précieuses sixième, le mardi à minuit pour la septième, le
leur sera servi, jusqu'à ce que les seize soient mercredi au lever du Soleil pour la huitième.
passées dans ta chambre ou délaissées. Tu vois que le rythme géomantique est ainsi
— Fort bien. Ce rituel est long, mais permet parfaitement suivi, puisque les quatre premiers
la patience. Il est coûteux, cependant ; ne pour- points forment la première Mère, les quatre
rais-je remplacer les gemmes par des fèves ? suivants la seconde Mère, et ainsi de suite. Je
— Aboul Hassan avait choisi quatre saphirs, t'expliquerai le sens des Mères prochainement.
quatre diamants, quatre émeraudes et quatre — Peux-tu me dire pourquoi tu as choisi de
rubis, qui sont aux couleurs des quatre planètes commencer le tirage lundi prochain, sans savoir
humaines : le Soleil, la Lune, Mercure et Vénus. si mes nouvelles houris seront arrivées ?
Il désirait que les houris appelées à rénover son
harem gardassent un précieux souvenir de la
consultation de l'oracle.
— Je l'imiterai donc. Mais t'ai-je bien com- (1) Chez les Musulmans le jour commence au cou-
pris tout à l'heure ? N'as-tu pas dit que la con- cher du soleil.
sultation durerait dix-neuf jours ? Cela ne fait (2) Les Musulmans font 5 prières par jour : la Ire
au coucher du soleil, la seconde à l'entrée du soleil en
que seize. . VI, la 3me à l'entrée du soleil en I, la 4me à midi, la 5me
L'intervalle entre deux tirages de points quand le soleil parvient au milieu de la Maison VIII.
— L u n d i est le n e u v i è m e j o u r du R a m a d a n ; — J ' a t t e n d r a i j u s q u ' à lundi, d é c l a r a p a i s i -
il est, p o u r ce mois, le plus propice a u x c o n s u l - b l e m e n t le prince. E n f e r m e z ces h o u r i s à p a r t ,
tations magiques. ne les mêlez p o i n t a u x a u t r e s j u s q u ' à n o u v e l
— Pourquoi ? o r d r e ; D o u b a n v o u s d o n n e r a mes i n s t r u c t i o n s ;
— T o u t d ' a b o r d , c ' e s t le j o u r d u t r i g o n e v o u s les s u i v r e z a v e u g l é m e n t . . . Au fait, c o m b i e n
a s c e n d a n t . E n s u i t e , c e t t e v e r t u est liée au g r a n d sont-elles, ces nouvelles ?
rite g é o m a n t i q u e q u e je viens de t e décrire, et — Dix-neuf, H a u t e s s e .
qui d u r e 19 jours ; si nous c o m m e n ç o n s le — Allah soit loué 1 c l a m a D o u b a n en p o s a n t
l u n d i 9, à midi, nous t e r m i n e r o n s le s a m e d i 28 s a m a i n d r o i t e s u r son c œ u r . C'est le n o m b r e d u
p o u r le t i r a g e , au lever d u Soleil, et le d i m a n c h e cycle l u n a i r e des éclipses, et aussi le n o m b r e de
29, p o u r t o n c h o i x ; la L u n e a u r a alors 29 j o u r s ; jours du grand rite géomantique.
elle en a u r a 29 et demi a u c o u c h e r d u Soleil, ce — J e p a r t a g e t a joie, s o u r i t Agib, bien q u e
qui v e u t dire q u e la l u n a i s o n s e r a t e r m i n é e en cela me doive c o û t e r t r o i s g e m m e s de p l u s .
m ê m e t e m p s q u e la c o n s u l t a t i o n de l'oracle ; il — T u viens de p a r l e r é t o u r d i m e n t , r é p l i q u a
f a u t bien, p o u r t e r m i n e r e n s e m b l e la l u n a i s o n et le mage, qui o u b l i a i t parfois q u e s o n élève é t a i t
la c o n s u l t a t i o n , c o m m e n c e r celle-ci a u t r i g o n e son m a î t r e et s o n prince. Mais A g ' b é t a i t de
ascendant. b o n n e h u m e u r ; il l ' i n t e r r o g e a d ' u n r e g a r d s o u -
Une r u m e u r l o i n t a i n e leur fit dresser l'oreille. riant.
— M o n t o n s s u r la t e r r a s s e ! dit Agib. — T u ne d é p e n s e r a s , p o u r s u i v i t D o u b a n , q u e
Dès qu'ils y f u r e n t p a r v e n u s , ils a p e r ç u r e n t u n e q u e l q u e s g â t e a u x de plus ; il n ' y a u r a q u ' u n e
c a r a v a n e qui s ' a p p r o c h a i t d a n s u n n u a g e doré. g e m m e d a n s les d i x - n e u f g â t e a u x d u p r e m i e r
— Les h o u r i s ! j o u r et q u ' u n e g e m m e encore d a n s les q u a t r e
— Le ciel c o n f i r m e le c h o i x de n o t r e d a t e . g â t e a u x d u d e r n i e r j o u r ; je r e c o n n a i s c e p e n d a n t
Loué s oit Allah ! lui seul est Dieu ! q u e si t u n ' a v a i s r e ç u q u e seize houris, la sei-
Une h e u r e plus t a r d , le P o u r v o y e u r p r é s e n t a i t zième e û t é t é seule, le d e r n i e r j o u r , ce qui t e
au p r i n c e Agib les h o u r i s qu'il r a m e n a i t de d i s p e n s a i t d u g â t e a u et de la g e m m e ; m a i s t u
Casgar ; D o u b a n , p a r u n privilège d û à son la lui a u r a i s c e r t a i n e m e n t d o n n é e , p o u r ne p a s
g r a n d âge, f u t a d m i s à les c o n t e m p l e r . j e t e r d a n s s o n c œ u r u n f e r m e n t de j a l o u s i e à
— Elles s o n t belles, dit Agib ; t u as b i e n l ' é g a r d de ses c o m p a g n e s .
choisi. — Certes oui, dit Agib ; elles o n t assez de
— E t p o u r t a n t , se r e n g o r g e a le P o u r v o y e u r , motifs de querelles p o u r q u e je me dispense d ' e n
leurs t r a i t s s o n t f a t i g u é s p a r la c h a l e u r et la inventer d'autres.
poussière de la r o u t e . Si t o n i m p a t i e n c e p e u t E t il p a s s a d a n s la g r a n d e salle d u h a r e m , où
être maîtrisée, Seigneur, je t e conseillerai d ' a t - il s ' a v i s a que le lot des « a n c i e n n e s », d o n t la
t e n d r e à d e m a i n p o u r le c h o i x de la p r e m i è r e doyenne avait vingt ans, p r é s e n t a i t encore des
qui a u r a l ' h o n n e u r de t a couche. r e s s o u r c e s dignes de sa princière attention.

CHAPITRE m

LE PREMIER POINT

On papotait. ferme, dans le harem d'Agib, et le mardi, une des nouvelles houris fit son entrée
aussi dans celui de son père Noureddin-Ali, sur dans le harem d'Agib. Allah sait si les questions
l'aventure des dix-neuf houris apportées par la l'accablèrent ! Elle s'appelait Zobeïdeh, comme
dernière caravane. Pourquoi les tenait-on enfer- la femme elle-même d'Haroun-al-Rachid.
mées dans une salle à part ? Pourquoi ne les — Tu es seule ? Tes compagnes ne viendront-
mêlait-on pas aux anciennes ? Pourquoi le jeune elles pas ?
prince n'allait-il pas les voir ? Qu'attendait-il Elle n'en savait rien ; elle raconta le peu
pour s'intéresser à elles ? qu'elle connaissait :
Enfin le dixième jour du Ramadan, qui était — On nous a tenues enfermées dans cette
salle, et le jeune sultan n'est jamais venu nous m'ont baignée dans l'eau de rose, purifiée et |)
voir. Hier enfin, vers midi, le grand eunuque a parfumée. Le soir, après la seconde prière, Agfb\
fait une entrée solennelle, suivi de quatre escla- est venu me voir ; nous avons mangé des mets
ves qui portaient un immense plateau d'argent savoureux, bu des vins étonnants, tout cela en
chargé de gâteaux ; ces gâteaux étaient disposés musique...
tout autour du bord, en un cercle parfait : les — On connaît, on connaît, coupa une houri
esclaves déposèrent le plateau au centre de là dépitée. Et il t'a emmenée ?
pièce. « Mes enfants, dit alors le grand eunuque, — J'ai eu les honneurs de sa nuit, de toute
rangez-vous autour de ce plateau, dans l'ordre sa nuit, insista-t-elle avec orgueil. Au matin, il
que vous voudrez ; vous allez entendre un son a fait venir son magicien.
de trompette ; aussitôt, et en moins de temps — Tu veux dire son géomancien, Douban.
qu'il n'en faudrait à un oiseau pour traverser — C'est cela ; j'en ai été surprise, car j'étais
cette pièce, vous vous saisirez chacune d'un à peu près nue sur la couche...
gâteau de la main droite et vous mordrez — Oh ! Douban est si vieux !
dedans ; je vous préviens qu'un de ces gâteaux — Et j'ai encore été plus surprise de ce qu'il
contient un saphir ; gardez-vous de l'avaler par lui a dit : « Tu peux marquer un point impair,
gloutonnerie ; ce saphir est le cadeau de bien- pour commencer ton oracle ! »
venue que fait notre jeune sultan à celle qui le — « Impair », a répété Douban en s'inclinant,
recevra du sort ; que celle-là me le montre et et il s'est retiré. Qu'est-ce que cela peut bien
me suive. » A peine avait-il terminé ce gentil vouloir dire ?
discours que la trompette retentit ; nos bras se — Il y a là-dessous quelque manigance de ce
tendent, nous saisissons les gâteaux et nous les vieux sorcier, dit une houri. Et tu restes avec nous?
entamons à belles dents ; à la troisième bouchée, — Oui. Agib, en se levant, m'a dit : « Tu fais
je pousse un cri : j'avais dans la bouche une désormais partie de mon harem, et j'aurai grand
pierre dure ; je la retire, je crie : « J'ai le saphir ! » plaisir à t'y retrouver. »
et je suis tellement émue que je n'achève pas , — Il dit toujours ça ; il est si poli 1
mon gâteau. « C'est bien, dit l'eunuque ; quel Zobéïdeh, qui débutait, comprit que le harem
est ton nom ? — Zobeïdeh. — Tu vas me suivre ; comptait quelques vipères, et ses yeux s'empli-
vous autres, sachez que demain, au coucher du rent de larmes.
soleil, nous recommencerons avec dix-huit — Ne la fais pas pleurer, dit une autre ; ne
gâteaux, et un diamant. » Il m'a conduite dans vois-tu pas qu'elle est encore plus belle quand
une belle salle, m'a accroché ce saphir au cou ses yeux se mouillent ?
avec un fil d'or... La pauvre nouvelle se réfugia dans un coin et
— Comme il est beau ! admiraient ses nou- se consola en songeant que, le lendemain, elle se-
velles compagnes. rait rejointe par la gagnante du diamant, et qu'elle
— Et il m'a confiée aux esclaves noires qui ne serait plus seule devant tant d'inconnues

CHAPITRE IV

PREMIÈRE LEÇON
« LES CHOSES DE LA TERRE »

Avons-nous fait un bon départ ? demanda guille, à peine visibles (1). La plaque était cou-
Agib. Il était dans la chambre de Douban. verte d'inscriptions : les Mères, les Filles, les
Celui-ci avait disposé sur un pupitre une grande Nièces, les Témoins, le Juge.
plaque de turquoise en forme d'éventail, dans %
laquelle étaient incrustées quinze lames d'ivoire,
disposées comme l'indique notre illustration (i) Les Arabes écrivent de droite à gauche ; le thème
(fig. 1.) ; chaque lame portait treize trous d'ai- géomantique moderne a conservé cet usage.
— Très b o n d é p a r t , r é p o n d i t D o u b a n . J ' a i la seconde, souhaitant presque déjà retrouver
surveillé avec la plus g r a n d e précision l ' h e u r e de ZobeIdeh.!.
midi, et j'ai s o n n é de la t r o m p e t t e un q u a r t de — Ce sera encore ton sentiment que tu sui-
m i n u t e a v a n t q u e l ' o m b r e ne soit s u r la méri- vras i le second point découle du premier ; il en
dienne. Le g r a n d e u n u q u e m ' a c o n f i r m é q u e les dépend ; que ta curiosité pour la seconde soit
. g â t e a u x o n t été saisis a u s s i t ô t p a r les d i x - n e u f plus forte ou non que ton goût pour la première,
ce sera bien ton sentiment qui
dictera ton choix ; ce qu'il faut
éviter, c'est l'idée d'agir de façon
à obtenir un point pair ou im-
pair, même si tu en ignores le
sens.
— Tu peux compter sur moi
pour cela.
— Mais je t'ai promis pour
aujourd'hui une leçon, la pre-
mière.
— Je t'écoute, vénérable Dou-
ban.
— Voici tout d'abord com-
ment je place le premier point,
début de l'oracle.
Il prit dans un tiroir un bou-
ton d'or, muni d'une aiguille qui
entrait de justesse dans les trous
des plaques d'ivoire, et il le
posa sur la première ligne de la
première Mère (fig. 1), dans le
trou du milieu.
Si le point eût été pair, expli-
qua-t-il, j'aurais mis deux bou-
tons d'argent, encadrant le trou
du milieu ; c'est pour cela que
chaque ligne porte trois trous.
Puis il prit un second bouton
d'or et le piqua dans la première
Fille, exactement de la même
manière.
— Tu vois, dit-il, la première
F I a . 1. — L ' é v e n t a i l yéoincmtique
avec mise en place d u p r e m i e r point. Mère et la première Fille débu-
tent de façon identique. Mais cela
changera au second point.
mains des houris ; donc, tout s'est passé confor- Et les Nièces ? demanda Agib.
mément au rite. D'ailleurs, le muezzin nous a — Il faut attendre le cinquième point pour
invités à la prière dès mon coup de trompette. former le premier point de la première Nièce.
Et toi, Agib, as-tu bien suivi tes sentiments Tu verras.
naturels, sans calculer, même inconsciemment, — Mais il n'y a que des femmes, là-dedans ?
s'il valait mieux commencer par un point actif Mères, Filles, Nièces...
ou un point passif ? — Parce que le consultant est femelle devant
— Comment l'aurais-je calculé, puisque je le ciel mâle.
suis incapable d'en prévoir la signification ? — J'abandonne donc la consultation, rugit
ZoheIdeh m'a plu tout de suite, m'a charmé d'un 'Agib, comme s'il eût reçu un coup de cravache
seul coup, au point que je serai très difficile pour en plein visage.
— T'apprendrai-je jamais la sagesse ? sourit — Le premier de ces moyens, c'est de leur
Douban. La prière aussi est femelle, et tu pries poser la question que tu viens de me faire : que
cinq fois par jour. Ne confonds pas les symboles signifient « les choses de la Terre » dans cet art
et les réalités. Le Ciel domine la Terre ; il la fait qui a nom Géomancie ? Les faux devins l'igno-
tourner du jour à la nuit, de l'été à l'hiver ; il la rent, et même certains devins honnêtes mais non
réchauffe ou la refroidit, la féconde de pluie ou parvenus au bout de l'initiation, car aucun
la stérilise de sécheresse ; dans le couple Ciel- ouvrage n'a le droit de le dire, et nous ne l'ap-
Terre, il est bien le mâle, et la Terre est bien la prenons que par la tradition orale ; je l'ai appris
femelle ; c'est toute la Terre qui est femelle ; de la bouche d'Ibrahim ibn Nâfi al Sâlihi. Si le
or, la Géomancie c'est la divination par les géomancien ne donne pas immédiatement la
choses de la Terre ; c'est pourquoi les douze réponse, nette et simple, il est suspect.
cordes sensibles du vivant qui interroge le Ciel — Apprends-moi donc ce précieux secret.
ont des noms femelles. — Tu as le droit de le connaître, puisque tu
— Je te comprends, Douban ; mais il n'en est es prince ; néanmoins, comme tu n'enseigneras
pas moins vrai que l'homme, en interrogeant le jamais cet art, sinon par fantaisie à quelque
Ciel, s'abaisse au niveau de la femme : les noms sultane habile à te plaire, tu dois faire le serment
choisis le proclament. de ne le révéler à personne au monde.
— Non, mon enfant ; le consultant s'incline — J'en fais le serment devant Allah qui
comme le doit tout croyant, au lieu de défier le . m'entend et qui me juge.
Ciel comme le fait tout orgueilleux. Si tu blas- Douban prit un temps et, d'une voix grave,
phémais Allah, si tu le bravais, si tu refusais l'index levé, il proféra :
l'ablution, la prière, la prosternation vers la — Les choses de la Terre, c'est l'horoscope
Mecque, si tu déchirais l'Alcoran de tes mains terrestre. C'est l'ensemble des douze maisons
impies, alors tu deviendrais une femme vile le terrestres dans lesquelles s'inscrivent, non plus
jour où tu voudrais interroger, pour ton profit, des pans de Ciel, mais les figures géomantiques
la puissance d'Allah. Mais tu es un pur Cro- tracées par les vivants de la Terre ; c'est, si tu
yant, Agib, et tu ne t'avilis pas plus en inter- préfères, le sensitif (1) astrologique meublé des -
rogeant le Ciel selon les rites géomantiques, figures géomantiques. En astrologie, on place
qu'en observant Je jeûne du Ramadan ou l'égor- dans les maisons de l'horoscope des pans de ciel,
gement du grand Baïram. des arcs zodiacaux avec les planètes et les
— Douban, tu es vraiment un Sage. Je étoiles qui s'y trouvent, en un mot, ce que le
regrette ce mouvement de courroux. Explique- ciel y met à notre naissance ; en Géomancie,
moi, je te prie, le sens précis que les Mages ont on y place les Figures, les Mères, les Filles, les
voulu donner à ce mot : Géomancie, divination Nièces, c'est-à-dire ce que l'être terrestre y met
par « les choses de la Terre ». Que sont ces choses lui-même, - par les voies de la magie qui lui
de la Terre ? accordent la correspondance avec le ciel. Ainsi,
— C'est là un secret, Agib. Tout ne doit pas dans ta dixième maison, qui est celle de la
être révélé, car les dives sont plus nombreux que destinée, le Ciel de ta naissance a mis le Soleil et
les péris (1) et ils font naître par le monde des Jupiter, qui te garantissent un règne prospère
faux devins, des géomanciens ignorants et sans et glorieux, et, quand tu as demandé à l'oracle
scrupules, auxquels le Ciel interrogé ne répond un avis sur le projet de ta dernière chasse, tu
jamais, et qui mentent aux hommes en leur as mis toi-même dans cette dixième maison la
transmettant de prétendus oracles qu'ils ne figure dénommée le Gain, qui te promettait un
reçoivent pas ; ils mentent à tous, aux houris événement favorable à ta destinée ; c'était la
comme aux santons hypocrites, aux hommes de mort d'Alcouz, très heureuse pour toi, car le
loi comme aux esclaves, aux usuriers comme peuple a vu nettement la protection divine sur
aux marchands, aux pauvres pécheurs comme ta tête, Agib ; tu n'as pas eu à découvrir et
aux sultans magnifiques. Ne faut-il pas les châtier le félon, le Ciel a tout fait en ta faveur ;
reconnaître, les démasquer ? ^ c'est très important pour l'affection de ton ^
— Cela me paraît de la plus pressante néces- peuple.
sité. Quel en est le moyen ?
(i) Pour le maximum de clarté, nous mettons ici
dans la bouche de Douban le mot, inusité en son temps,
(i) Dives, génies tnalfai,"nts. — Péris, génies bien- . de sensitif, qui est d'un usage courant au C. A. F., et
faisants. qui signifie l'ensemble des douze maisons du thème.
— J ' a i bien compris, D o u b a n : Si les m a i s o n s t a b l e t t e s d'ivoire, p r ê t e s à r e c e v o i r les p o i n t s . Il
de l ' h o r o s c o p e s o n t m e u b l é e s p a r les d i e u x du r e s t a sans r é p o n s e .
ciel, c ' e s t l'Astrologie ; si elles le s o n t p a r les — C o m b i e n c o m p t e s - t u de t a b l e t t e s d ' i v o i r e ?
h o m m e s de la t e r r e , c ' e s t la G é o m a n c i e . Mais — E n effet, il y en a q u i n z e p o u r douze m a i -
les g é o m a n c i e n s s a v e n t bien qu'ils o n t à p l a c e r sons s e u l e m e n t .
les F i g u r e s d a n s les m a i s o n s a s t r o l o g i q u e s ? — Les t r o i s d u b a s f o r m e n t le t r i b u n a l : les
Alors ils c o n n a i s s e n t bien le sens des mots d e u x T é m o i n s d ' a b o r d , le J u g e ensuite. E t ce
« choses de la Terre » ? d i s p o s i t i f t e m o n t r e bien la d u a l i t é d u t h è m e
— Ils s a v e n t qu'ils o n t à p l a c e r les F i g u r e s g é o m a n t i q u e , nécessaire à t o u t e c o n s t r u c t i o n
d a n s les Maisons, mais d ' u n e f a ç o n i n e x a c t e , s u r s y m b o l i q u e : d ' u n côté, le q u e s t i o n n e u r , le con-
laquelle je m ' e x p l i q u e r a i plus t a r d ; c a r là est s u l t a n t , figuré p a r les d o u z e m a i s o n s femelles de
la séconde é p r e u v e de leur v a l e u r . C e p e n d a n t , ils s o n sensitif, c ' e s t - à - d i r e les d o u z e d o m a i n e s en
n ' o n t pas c o m p r i s que « les choses de la T e r r e » lesquels il p e u t ê t r e a t t e i n t p a r les influx f a v o -
s o n t s i m p l e m e n t l ' h o r o s c o p e des Figures géo- r a b l e s o u n é f a s t e s d u ciel ; de l ' a u t r e , en t r o i s
m a n t i q u e s , c a r on enseigne volontairement aux, F i g u r e s mâles, le ciel a c c o r d a n t sa r é p o n s e , l ' o r a -
d é b u t a n t s u n e t o u t a u t r e signification. U n f a u x cle t r i n i t a i r e , qui r é s o u t l a q u e s t i o n posée.
d e v i n i n t e r r o g é t e d i r a : « Mon a r t consiste à E t le lien e n t r e le c o n s u l t a n t et l'oracle est
c o n s u l t e r le ciel a u m o y e n d ' o b j e t s p u r e m e n t a s s u r é p a r ce m é c a n i s m e p a r f a i t :
t e r r e s t r e s , c o m m e des galets j e t é s en l'air, des E n p r e m i e r lieu, le c o n s u l t a n t f o r m e lui-
g r a i n s r é p a n d u s d a n s le v e n t , des osselets versés m ê m e , a u m o y e n d u t i r a g e des p o i n t s , les q u a t r e
s u r u n p l a t e a u . » U n a u t r e r é p o n d r a : « La divi- Mères, d o n t les figures v i e n n e n t s ' i n s c r i r e d a n s
n a t i o n p a r la t e r r e c o n s i s t e à j e t e r de la t e r r e q u a t r e m a i s o n s de s o n s e n s i t i f ; il c o u v r e ainsi
séchée s u r u n e large feuille de p a r c h e m i n , et y l ' e n s e m b l e des q u a t r e é l é m e n t s , m a i s s e u l e m e n t
r e c o n n a î t r e les figures f o r m é e s p a r les p o i n t s . » en u n e seule des t r o i s m a i s o n s s u r lesquelles
U n t r o i s i è m e t e d i r a qu'il préfère le m a r c de café r è g n e c h a q u e é l é m e n t (1).
à la t e r r e séchée ; u n q u a t r i è m e t e n d r a vers E n s e c o n d lieu, le j e u s o u v e r a i n des N o m b r e s
l ' a l e c t r y o m a n c i e , en f a i s a n t p i c o r e r des graines crée h u i t a u t r e s Figures, qui v i e n n e n t a u t o m a -
p a r u n coq ; un c i n q u i è m e mêlera, sans s ' e n t i q u e m e n t c o r r e s p o n d r e a u x q u a t r e Filles et a u x
d o u t e r , la g é o m a n c i e et l ' a s t r a g a l o m a n c i c , en q u a t r e Nièces ; il é t e n d ainsi le t h è m e à la t o t a -
p r é f é r a n t a u x galets ou a u x fèves, soit les osse- lité de ses d o u z e m a i s o n s ; il est m a i n t e n a n t t o u t
lets, soit les dés. e n t i e r t e n d u v e r s la r é p o n s e qu'il a t t e n d de
— T u n ' h é s i t e s pas, t o i - m ê m e , à utiliser les l'oracle.
dés, D o u b a n . E n t r o i s i è m e lieu, le m ê m e j e u des N o m b r e s
— Ils c o n v i e n n e n t à la G é o m a n c i e , et je t ' e n crée t r o i s nouvelles F i g u r e - , qui ne p e u v e n t plus
p a r l e r a i d a n s u n e a u t r e leçon. R i e n n ' e s t f u n e s t e a p p a r t e n i r a u c o n s u l t a n t — p u i s q u e les d o u z e
c o m m e de se laisser aller à m é l a n g e r les ques- p r e m i è r e s le r e p r é s e n t e n t t o u t e n t i e r — qui, d o n c
tions. N o u s n ' e n s o m m e s pas a u x modes de a p p a r t i e n n e n t à ce qui est hors de lui, a u ciel
t i r a g e des seize p o i n t s , qui s o n t n o m b r e u x , et qu'il a c o n s u l t é , à l ' o r a c l e ; ainsi se f o r m e la
qui s o n t dictés p a r l ' o b j e t m ê m e de la c o n s u l t a - t r i n i t é d u t r i b u n a l , qui est m â l e (bien q u e p a r -
t i o n ; p r é s e n t e m e n t , t u les tires avec des houris ; fois l ' o n a p p e l l e les t é m o i n s le père et la m è r e
ce m o d e n ' e s t à la p o r t é e q u e des s u l t a n s , et ne du J u g e ) et qui, g é n é r a l e m e n t , lui r é p o n d r a .
c o n v i e n d r a i t pas d'ailleurs à d ' a u t r e s c o n s u l t a - — C'est u n e c o n s t r u c t i o n a d m i r a b l e , dit Agib
v t i o n s de l'oracle. Laissons donc, p o u r l ' i n s t a n t , c o n q u i s . J e v e u x a p p r e n d r e cet a r t en t o u t e s ses
de c ô t é les m o d e s de t i r a g e , et r e s t o n s s u r n o t r e finesses. Mais p o u r q u o i d i s - t u q u e l'oracle r é p o n -
s u j e t : le sens v é r i t a b l e de la G é o m a n c i e . R é s u m e dra « généralement » ?
ce que je t ' e n ai dit. — Il est des cas où il refuse de r é p o n d r e ;
— Cet a r t , si j'ai bien compris, consiste à alors, il f a u t conclure, selon l'espèce, ou bien
f o r m e r des « F i g u r e s g é o m a n t i q u e s » et à les q u e le c o n s u l t a n t a été t r o p c u r i e u x , ou t i e n
p l a c e r d a n s les douze m a i s o n s d u sensitif, selon
des règles q u e t u m ' a p p r e n d r a s .
— P a r f a i t . Mais que r e m a r q u e s - t u s u r m o n (i) Rappelons que le F E U règne sur les maisons de'
éventail ? dynamismes 1 — V — IX, l'AIR sur les maisons de
concours VII — X l — III, l'EAU sur les maisons
Les y e u x d ' A g i b se p o r t è r e n t s u r la p l a q u e d'obstacles IV — VIII — XII, la Terre sur les maisons
de t u r q u o i s e d a n s laquelle é t a i e n t e n c h â s s é e s les de fins X — II — VI.
qu'il ne s'était pas mis suffisamment en état de — La distance, expliqua Douban, entre l'œil-
correspondance magique avec le ciel, ou bien que leton et l'anneau est telle que si je colle l'œi! sur
peu importe qu'il prenne l'une ou l'autre des l' œilleton, le disque du Soleil s'inscrit exacte-
deux déterminations entre lesquelles il balan- ment dans l'anneau ; je suis l'astre, toujours
çait. exactement centré, dans le mouvement qui
Mais cette première leçon n'a que trop duré. l'entraîne sous l'horizon ; ainsi quand le fil
Je te donnerai demain la seconde. Le Soleil horizontal de l'anneau se confond avec l'horizon,
décline, d'ailleurs, et l'heure approche où je dois le Soleil se couche, rigoureusement.
signaler l'instant précis de son coucher, pour le — Puis-je voir ?
second tirage des gâteaux. — Non, l'instant est trop proche...
— Puis-je assister à ton observation ? Douban avait déjà saisi sa trompette ; l'œil
— Volontiers, mon enfant. collé sur son instrument, il la porta à ses lèvres
Ils montèrent sur la terrasse. Le Soleil rou-
et brusquement souffla de toutes ses forces.
geoyait au maghreb (2) ; son bord inférieur
n'était pas loin d'affleurer la ligne molle de
l'horizon. Bientôt il la toucha : baiser ardent du
Soleil mourant à la Terre prête à s'endormir.
— Sonne ! dft Agib.
— Pas encore; l'instant du coucher, c'est Dans la salle spéciale où se trouvaient réunies
celui où la moitié du disque est sous l'horizon ; les houris de la dernière caravane, dix-huit
. alors le centre de l'astre se couche. mains s'emparèrent des dix-huit gâteaux qui
— Le centre n'est pas marque ; comment leur étaient offerts, dix-huit jeunes bouches aux
apprécies-tu cet instant rigoureux ? lèvres fardées sur des dents éclatantes mordirent
— Avec cet anneau. les pâtisseries, et une houri s'écria :
Il montrait un anneau de bronze, traversé — C'est mon tour !
d'un fil très fin suivant un diamètre horizontal, Elle montrait, au bout de ses doigts aux
et porté à l'extrémité d'une alidade, dont l'autre ongles rosis, un magnifique diamant qui jetait
bout était muni d'un œilleton, simple trou dans des feux multicolores sous l'éclat des lampes. Le
un disque mince de métal. grand eunuque la prit par la main et l'entraîna
en disant à ses compagnes :
(2) Occident. — Demain, dix-sept gâteaux et une émeraude.

CHAPITRE V

DEUXIÈME LEÇON

QUATRE FOIS QUATRE


NOMBRE DE LA LUNE ET DE LA GÉOMANCIE

La seconde élue s'appelait Fatima, et son Le prince rejoignit Douban au début de


sourire ardent avait embrasé les sens d'Agib. Ils .l'après-niidi :
se séparèrent très tard dans la matinée ; quand — Tu peux marquer un second point actif,
Fatima pénétra dans le harem, Zobeïdeh, qui plus actif, peut-être, que le premier...
guettait, lui sauta au cou, et les deux nouvelles — Il n'est point de degrés, répliqua le Sage
s'isolèrent en des caresses tendres, qui leur per- placidement ; c'est actif ou passif, impair ou
mirent de s'évader de l'atmosphère jalouse dont pair, un point ou deux points, un bouton d'or
on les entourait. ou deux boutons d'argent sur mon éventail.
Ce disant, il avait extrait de son tiroir deux dès maintenant ; toutefois, si je n'y avais point
boutons d'or ; il piqua le premier sur la seconde songé, c'est que le nombre seize ne me semble
ligne de la première Mère, le second sur la pre- pas régner sur tout le thème ; il n'y a place que
mière ligne de la seconde Fille (fig. 2). pour quinze figures sur ton éventail.
— Dommage, dit Agib, que tous les boutons —- La seizième se dérobe, parce que, au-dessus
soient identiques ; j'aurais aimé ce second plus du Juge, suprême échelon, il n'y a plus qu'Allah
gros que le premier, ou bien orné d'un diamant. qui ne saurait se mettre à notre merci ; il se
— Ne plaisante pas avec les rites ; observe trouve dans, le thème, puisqu'il est partout,
plutôt ce que je fais. mais invisible, inexprimé ; il est présent par sa
— J'ai bien vu et bien compris. puissance souveraine, qui a daigné inspirer le
— Dis-moi donc ce que j'aurai formé au consultant à chacun des seize tirages, et qui
quatrième point ? daigne inspirer l'interprétateur quand il doit .
— La première Mère complète, et le début dégager la réponse du Juge.
des quatre Filles. — Je m'excuse, mon cher Douban ; mais

PIG. 2. — Le second point (b) dans les Afères et les Filles.

— Parfait. Mais je suis surpris que tu ne cette explication me semble une subtilité quelque
m'aies pas encore demandé le pourquoi de ce peu artificielle, pour trouver à tout prix le
rythme quaternaire ; or, il est essentiel ; remar- nombre seize, même là où il n'est pas.
. que bien, Agib : on tire quatre fois quatre — Ne parle pas comme un incroyant, Agib.
points, seize points en tout, bien séparés en N'importe quel mathématicien exercé aurait pu
quatre tranches de quatre, puisque chaque déduire des quatre Mères seize figures au lieu de
tranche compose une des quatre Mères ; nous quinze, s'il l'eût souhaité ; le mécanisme a été
verrons bientôt qu'il existe seize Figures géo- choisi pour respecter l'invisibilité sacrée d'Allah.
mantiques fondamentales ; dans le grand rite Regarde comme tout cela est simple : le tirage
que nous appliquons à ta question, nous avons des points forme directement les quatre Mères et
seize h-ouris, et nous les séparons bien en quatre les quatre Filles, comme tu l'as déjà pressenti
tranches distinctes, puisque nous les choisissons en posant les deux premiers points ; à partir de /
- à l'intervalle de quatre jours et quart, ce qui en là, le mécanisme achemine les Figures vers, la
-, désigne quatre en cinq jours, et ramène pour la synthèse ; il ne peut pas avoir d'autre but ; il
cinquième la même heure que pour la première ; doit donc procéder par synthèses successives,
dans le petit rite, que je t'ai proposé déjà maintes c'est-à-dire que :
fois sans que ton impatience l'accepte, on tire a) au premier échelon, chaque Nièce sera la
un point à chaque quarte du jour, en sorte que synthèse de deux Mères ou de deux Filles, ce qui
la première tranche de quatre points est propre donnera quatre Nièces à partir des huit Figures
à un jour, et que le cinquième point se tire, directes ;
comme dans le grand rite, à la même heure que b) au second échelon, chaque Témoin sera la
le premier. Ainsi, tu le vois, le nombre quatre synthèse de deux Nièces, ce qui formera deux
et son carré seize règnent souverainement sur Témoins à partir des quatre Nièces ;
le thème géomantique. Ne sens-tu pas qu'il c) au troisième échelon, le Juge sera la syn-
importe d'en connaître la raison profonde ? thèse des deux Témoins, et il sera unique puis-
— Je n'y avais point songé, mais je le sens qu'il n'y a que deux Témoins.
f Et c'est ainsi que nous sommes conduits à la tirage est dicté par la Lune, principe femelle des
quinzième figure incluse, cellè du juge, mais vivants qui peuplent la Terre.
en-deça et aux pieds de la seizième, celle d'Allah. Or, le rythme de la Lune est régi par le
— J'insiste donc, Douban : à la poursuite de nombre quatre :
cette synthèse, tout mathématicien s'arrête à la a) la Lune change de tonalité influentielle,
quinzième figure, qu'il le veuille ou non. - dans le ciel, quand elle change de navamsa ; or,
— Il s'y arrête grâce à la voie de synthèse son pas quotidien est de quatre navamsas par
qu'il a choisie. Il est facile d'imaginer cette jour, ce qui est un manazil (1).
autre voie : des douze premières figures, Mères, b) le Zodiaque, tu le sais, se divise en
Filles, Nièces, on peut déduire trois Témoins, en 108 navamsas ; à raison de quatre par jour, la
les assemblant par quatre ; puis des trois Lune en ferait le tour en 27 jours exactement ;
Témoins on peut déduire le Juge ; cela eût fait or, ce tour s'accomplit en 27 jours et quart ;
seize ; il eût suffi de le vouloir. Mais c'eût été cette rectification n'infirme en rien ce que j'ai
s'engager dans la voie de l'erreur; il fallait dit ; en 27 jours et quart, la lune décrirait
aboutir à quinze pour deux raisons qui n'en sont 109 navamsas au lieu de 108 ; mais le nombre 109
qu'une : celle de respecter l'invisibilité d'Allah, est le générateur de la roue magique 108, qui
imposée à tous ceux qui sont encore sur la attribue à chaque navamsa son nombre cosmi- ,
Terre, en l'attente de son paradis ; celle d'ob- que ; le 109e est escamoté ; c'est ce que symbo-
tenir le nombre cinq de la Connaissance, qui. lisait l'ouroboros magique des Egyptiens, qui
assure la présence arithmologique d'Allah, — la comportait bien 109 vertèbres, mais dont la
présence d'Hermès-Trismégiste, diraient les dernière, extrémité de la queue, s'escamotait
Grecs et les Egyptiens — qui donc permet dans la gueule du serpent, signifiant que le
l'interprétation du thème par la Géomancie. générateur 109 est occulte ; d'ailleurs, le rythme :
Et c'est une des raisons, mon enfant, qui me de 27 jours un quart introduit encore le nombre
font préférer le grand rite de dix-neuf jours au quatre, de deux manières : d'une part, en évo-
petit rite de quatre jours : il introduit le nombre quant la quarte du jour, et rappelant que la
cinq dès le tirage, puisqu'il faut cinq jours pour Lune, parcourant quatre navamsas par jour,
tirer chaque tranche de quatre points, chaque parcourt un navamsa en la quarte du jour ;
Mère ; il introduit, en outre, le nombre 19, qui d'autre part, en imposant, pour jouir des nom-
est luni-solaire, qui donc réunit la Terre au Ciel bres entiers, le calcul suivant : si un tour de
et favorise leurs communications. Zodiaque dure 27 jours et quart, il faut quatre
— La clarté se fait en mon esprit, et je suis tours pour un nombre entier de jours, et en effet
bien d'accord que le nombre quatre et son carré quatre tours durent 109 jours.
seize règnent souverainement sur cet art c) au cours de la lunaison, la Lune présente
divinatoire. J'aurai donc le plus grand plaisir à quatre phases : la néoménie, où elle est entière-
entendre de ta bouche les raisons profondes de ment invisible ; le premier quartier, où elle est
cette maîtrise. en dichotomie, éclairée sur sa moitié occidentale;
— Ces raisons sont à la fois célestes et ter- la pleine lune, où tout son disque est lumineux ;
restres, comme l'impose le principe absolu de et le dernier quartier, dichotomie orientale.
dualité ; sans cette dualité, la relation entre ciel d) en arithmologie,. la Lune a le nombre de
et terre ne serait pas réalisée, et le processus l'argent 47 ; or c'est le quart du nombre zodia-
imaginé ne saurait être divinatoire ; il serait cal, qui est 188, total des nombres de l'escorte
passe-temps, et non maiicie. solaire, Soleil + Vénus + Mercure, or + cuivre
Les raisons célestes sont propres à la Lune. + vif argent, 79 + 29 + 80 == 188 ; en sorte
La Géomancie est essentiellement lunaire, puis- qu'il faut les quatre lunes, 4 fois 47 ou 188,
qu elle interroge le ciel « par les choses de la pour équilibrer l'escorte solaire.
Terre », et que la plus haute chose de la Terre As-tu bien compris, Agib, que la Lune est
c est la Lune, simple annexe de notre Globe, soumise au rythme quaternaire par tous les
véritable antenne du Globe projetée vers aspects de sa personnalité ?
l'énigme du ciel pour le sonder. Tu as déjà — J'ai bien compris, sauf ce qui a trait à son
observé que tout est femelle dans le sensitif du arithmologie. J'ignore ces nombres des métaux.
consultant : ses douze maisons sont occupées par -
les Mères, les Filles et les Nièces ; il n'y a ni (i) « H o s t e l l e r i e l u n a i r e » chez les A r a b e s , v a l a n t i dé-
Pères, ni Fils, ni Neveux ; cela tient à ce que le c a n 1/3 ou 13°,33.
sont irrévélés, et les hommes ne les n o n ; ceci, u n c e r t a i n n o m b r e de fois, s u c c e s s i v e -
c o n n a î t r o n t q u ' à l'ère du Verseau ; je ne v e u x m e n t . C ' e s t le c a s d ' u n c a v a l i e r q u i s e r a i t p a r t i
pas insister sur cette question spéciale, qui à l ' a v e n t u r e et qui, à c h a q u e fois q u e la r o u t e se
s e r a i t o b s c u r e p o u r toi, et -qui n o u s e n t r a î n e r a i t d i v i s e e n u n e b i f u r c a t i o n , se d e m a n d e r a i t s'il
t r o p l o i n h o r s d e n o t r e s u j e t , c a r il e x i s t e d ' a u - doit choisir celle de d r o i t e o u celle d e g a u c h e ;
t r e s c o m b i n a i s o n s d o n n a n t ce n o m b r e q u a d r u p l e à l a p r e m i è r e f o u r c h e , il c h o i s i t , s a n s s a v o i r ,
de la Luné, par exemple Mars + Saturne + e n t r e d e u x d e s t i n a t i o n s ; à l a s e c o n d e , il c h o i s i t
M e r c u r e , o u f e r + p l o m b + vif a r g e n t , 2 6 + 28 e n t r e d e u x nouvelles, d o n c e n t r e q u a t r e en
+ 8 0 — 188. J e n ' a i v o u l u q u e t e d o n n e r u n t o u t ; p u i s e n t r e h u i t ; p u i s e n t r e seize, e t ainsi
' a r g u m e n t d e p l u s , d a n s le d o m a i n e d e n o s coti- d e s u i t e , i n d é f i n i m e n t . Ce q u i r e v i e n t à d i r e q u e ,
n a i s s a n c e s les plus secrètes, i n t e r d i t e s a u corn. s ' i l d o i t s ' a r r ê t e r a p r è s l a p r e m i è r e f o u r c h e , il
m u n des h o m m e s . était parti p o u r d e u x destinations possibles, et
— Ce q u a t r i è m e a r g u m e n t é t a i t s u p e r f l u p o u r n ' e n a t t e i n t q u ' u n e ; q u e m ê m e m e n t , s'il d o i t
m e c o n v a i n c r e q u e le n o m b r e q u a t r e r è g n e d a n s s ' a r r ê t e r a p r è s l a s e c o n d e f o u r c h e , il é t a i t p a r t i
le ciel d u t h è m e g é o m a n t i q u e . M a i s le n o m b r e p o u r q u a t r e d e s t i n a t i o n s possibles, et n ' e n a t t e i n -
seize ? dra qu'une.
— Il y a s e p t p l a n è t e s , c e q u i i m p o s e d e l e s — J e te suis difficilement, D o u b a n .
répartir circulairement sur l'heptagramme, donf — Voici d o n c u n c r o q u i s (fig, 3) q u e je l i m i t e à
les s o m m e t s s o n t d i s t a n t s d ' u n a r c d e 3 6 0 / 7 q u a t r e c h o i x successifs. A u p o i n t zéro de d é p a r t ,
= 5 1 ° e n v i r o n . Or, à p a r t i r de la n é o m é n i e , la
L u n e m e t q u a t r e j o u r s p o u r p r e n d r e 51 d e g r é s
d ' a v a n c e s u r l e S o l e i l ; e l l e p a r c o u r t 16 n a v a m -
s a s , e n 16 q u a r t e s d e j o u r .
E n o u t r e , e n 109 j o u r s , la L u n e f a i t q u a t r e
t o u r s d u Z o d i a q u e , m a i s elle n e d é r o u l e p a s
q u a t r e l u n a i s o n s ; elle n ' e n d é r o u l e q u e t r o i s e t
t r o i s - q u a r t s , soit q u i n z e p h a s e s a u lieu de seize :
v o i l à l ' e x p l i c a t i o n céleste des q u i n z e figures d u
t h è m e , a u lieu de seize, d o n t je v i e n s de t ' e x p l i -
q u e r le m é c a n i s m e .
— D o u b a n , t o u t e s ces lumières m ' e n c h a n t e n t ,
et je c o m p r e n d s que, dans tes m é d i t a t i o n s qui
t e r a p p r o c h e n t d ' A l l a h si p r o f o n d é m e n t , t u
puisses être plus h e u r e u x q u ' u n s u l t a n dans son
Fia. 3. — Les seize destinations après quatre
bifuTcati{)ns.
w p a l a i s o u s o n h a r e m . Si u n s u l t a n p o u v a i t a c q u é -
r i r t a s c i e n c e , n e s e r a i t - i l p a s le p l u s h e u r e u x
des h o m m e s ? le voyageur doit opter entre 1 et 2 ; admettons
— Il le s e r a i t ; m a i s j e n ' a i j a m a i s a p p r i s qu'il choisisse 1 ; au point 1, deuxième ques-
q u ' A l l a h ait p e r m i s à a u c u n h o m m e d ' ê t r e à la tion : 3 ou 4 ? admettons qu'il se dirige vers 4 ;
fois u n p u i s s a n t s u l t a n e t u n m a g e p r o f o n d . au point 4, troisième choix : 9 ou 10 ? disons 9 ;
P e u t - ê t r e f a u t - i l c h o i s i r . . . o u b i e n se c o n t e n t e r enfin, au point 9, quatrième décision : 19 ou 20 ?
d'être un sultan superficiellement instruit des Il prend sa gauche et aboutit à 20. Tu vois bien
c h o s e s d u ciel. que d'autres choix l'auraient conduit ailleurs,
— Ne me décourage pas, Sage t r o p sage. E t et que si 16 cavaliers, partis ensemble, s'étaient
d i s - m o i m a i n t e n a n t p o u r q u o i le n o m b r e q u a t r e constamment séparés en groupes égaux à chaque
g o u v e r n e é g a l e m e n t la G é o m a n c i e , s u r le p l a n bifurcation, il y en aurait 8 à chacune des
terrestre. 2 étapes 1 et 2, puis 4 à chacune-des 4 étapes .3,
— S u r le p l a n t e r r e s t r e , l a c h o s e e s t b i e n p l u s 4, 5, 6, puis 2 à chacune des 8 étapes 7, 8, 9, 10,
simple. D é p o u i l l e la G é o m a n c i e de s o n c ô t é 11, 12, 13, 14, et enfin un seul à chacune des
m a g i q u e , qui exige des rites et la mise en har- 16 étapes portant les numéros de 15 à 30. Ceci
m o n i e d u c i e l a v e c le c o n s u l t a n t ; n ' e n r e t i e n s revient à dire que s'il était parti seul et s'était
q u e le m é c a n i s m e t e r r e - à - t e r r e . A q u o i s e limité d'avance à 4 étapes, notre cavalier avait
résume-t-il ? A d e m a n d e r à l'oracle de répondre le choix confus entre 16 destinations différentes ;
p a r i m p a i r ou pair, p a r pile o u face, p a r oui o u ses choix successifs lui ont fait suivre le chemin
fen trait gras) 1 — 4 — 9 — 20, et l'ont conduit — Dans le tirage de tes houris, poursuivit
à l'étape no 20. Douban, tu as choisi, en imitant Aboul Hassan,
— Maintenant, j'ai compris. les quatre gemmes saphir, diamant, émeraude,
—r On pourrait de toute évidenct, prolonger rubis, qui correspondent respectivement aux
indéfiniment ce schéma, qui donnerait successi- planètes intérieures Soleil, Lune, Mercure, Vé-
vement 32 destinations avec 5 étapes, 64 desti- nus, donc à l'arc trigone Lion-Cancer-Gémeaux-
nations avec 6 étapes, et ainsi de suite. C'est la Taureau sur le Zodiaque, et à l'arc trigone cor-
progression géométrique de raison 2, que Platon respondant XI — X — IX — VIII sur le senti-
appelait la série des doubles, et qui est 2, 4, 8, tif. Mais ta patience doit être épuisée, et j'arrête
16, 32, 64... en doublant toujours. Divinement, là ma leçon. '
on peut la poursuivre sans limite ; humaine- — Je serais, en effet, incapable de continuer
ment, il faut bien se limiter. Or, on se limite à . ce soir.
4 étapes, parce que toute évolution, ainsi lancée C'est bien ce soir à minuit que mes houris
sur la progression géométrique, parcourt le tirent le troisième point ?
cycle des quatre éléments FEU, EAU, AIR, — Oui, avec l'émeraude.
T E R R E , et puis recommence un second cycle — Comment verras-tu qu'il est exactement
identique ; ce sont les quatre éléments qui minuit, le Soleil étant couché ?
imposent la coupure après quatre tirages ; cette — En observant le passage au méridien de
coupure arrête la figure de la première Mère. l'étoile qui lui est opposite.
Après cela, on passe à l'échelon au-dessus, et — Aucune difficulté ne t'arrête, Douban. Et
on fait 4 fois 4 tirages identiques, qui arrêtent si le ciel était couvert ?
les figures des 4 Mères, chacune affectée à l'un — Il reste la ressource des clepsydres, dont
des quatre éléments. je surveille le réglage avec une attention con-
— Et pourquoi, demanda Agib, s'arrête-t-on là? stante.
— Parce qu'après ce point il faudrait tripler — Tu es bien le lien entre le ciel et le royaume
çt non doubler, le Zodiaque et le sensitif ne de mon père ; je te bénis, Douban, et je remercie
comprenant que 12 signes ou 12 maisons. Il est Allah de nous avoir donné un savant tel que toi.
impossible de briser le rythme de la série des Quand je pense que j'ai failli trancher ta tête,
doubles, et de passer à la série des triples, car ce j'ai honte de moi.
serait changer le rythme même de l'évolution. — Ces choses-là ne s'accomplissent, sourit
Aux trois arcs trigones des 12 signes, ou des Douban, que lorsqu'Allah le permet ; et s'il le
12 maisons, qui comprennent chacun la série permet un jour, c'est que sans doute je l'aurai
complète des quatre éléments, doivent corres- mérité.
pondre les trois « espèces » de figures : les Mères Agib ne put se retenir d'embrasser le vieillard.
au premier, les Filles au second, les Nièces au Puis il partit pour une promenade à cheval, et
dernier. il se grisa de vitesse, en attendant la troisième
— Je vois maintenant toutes ces choses très houri que le ciel ne lui enverrait qu'après
clairement. minuit.

CHAPITRE VI

TROISIÈME LEÇON
LES MODALITÉS DU TIRAGE DES POINTS
— Décidément, vous êtes toutes jolies, les — Quel est ton nom ?
nouvelles ! — Badoure.
Agib contemplait la troisième houri désignée — Ce n'est pas un nom de nos pays.
par le sort ; elle était devant lui, souriante, inti- — Je suis née dans un lointain Orient, proche
midée, et l'émeraude tremblait un peu sur sa de la Chine.
gorge impeccable — Tes yeux légèrement bridés me le révèlent.
Agib la trouvait moins séduisante que Fatima, placent dans le carré de droite, d'autres dans
moins sensuelle, mais son exotisme piquait sa celui de gauche ; les autres se répandent hors des
curiosité. deux carrés, et ils ne comptent pas. Tu dénom-
— Encore un bouton d'or 1 se dit-il à lui- bres alors ceux qui sont restés dans chaque
même. Si je continue ainsi, toutes mes figures carré ; si leur nombre est impair, c'est un point
géomantiques setont les mêmes... mais Douban actif ; s'il est pair, c'est un point passif. Tu as
m'a bien recommandé de n'avoir aucun égard ainsi tiré, ensemble, les deux premiers points ;
pour des considérations de ce genre. cela est très important, comme tu le verras par
Le lendemain matin, il se sentait un peu déçu. la suite.
Badoure l'avait moins charmé qu'il ne l'avait — Mais quel est le premier, et quel est le
escompté. Il s'empressa de le confier à Douban. second ?
— Si tu avais des boutons d'or impur, très — Le premier est celui du carré 1 de droite
mêlé d'argent, je te dirais de les choisir pour si tu as versé les galets avec la main droite ; il est
mon troisième point. Mais tu m'as déjà fait celui du carré 2 de gauche si tu les as versés de
connaître qu'il n'est pas de nuances dans les la main gauche. Ainsi, tu ne répètes que 8 fois
boutons... l'opération ; et ceci est très important pour la
— D'autant plus qu'il n'est pas question du signification des Figures, comme tu le .verras
plaisir que tu as pu goûter, mais du choix que quand je t'en révélerai le langage.
tu as fait. — Ce procédé me paraît vulgaire, Douban.
. — C'est juste. Le rite avant tout. Que vas-tu — En effet, il n'est pas digne d'un prince, ni
m'apprendre aujourd'hui ? même d'un géomancien attaché au service d'un
" - Les divers* modes de tirage des points. modeste émir ; il est pratiqué par les charlatans
C'est une leçon facile, qui te reposera de celle des places publiques. Voici un second mode, qui
d'hier, assez ardue. est arithmologiquc : tu prends deux dés cubi-
— Je t'écoute. ques, aux faces numérotées de 1 à 6 points ; un
— Le mode le plus rudimentaire est celui-ci ; de la main droite, l'autre de la gauche, et tu les
tu prends un « carré », boîte en bois à couvercle, jettes ensemble sur le tapis, toujours pour la
que tu remplis de sable fin, bien tassé, et uni ; même raison qu'il est bon d'opérer par couple
tu te munis soit de petits cailloux, soit de fèves de deux points ; alors le premier point est tou-
sèches ; tu les jettes dans le couvercle, large- jours celui de la main droite, main de l'action.
ment, de façon qu'une bonne moitié se répande — Mais s'ils roulent, on peut avoir quelque
au dehors ; tu dénombres alors les cailloux rete- peine à reconnaître celui qu'a jeté la main droite?
nus dans le couvercle ; si leur nombre est impair, — Ils sont colorés ; le dé de la main droite
tu as tiré un point actif (#) ; pair, un point est bleu, couleur du Soleil, principe actif ; celui
passif (t<) ; et tu figures le point tiré en enfon- de la gauche est rouge, couleur de Vénus, prin-
çant dans le sable de la boîte un ou deux cailloux. cipe passif. Abou Mohamed avait deux dés
Si tu n'as pas de boîte sous la main, tu peux d'ivoire dont les points étaient de saphir pour
te servir d'un morceau de tapis carré, de même l'actif, de rubis pour le passif.
dimension ; et si tu n'as même pas de tapis, tu — C'est plus noble, en effet, que tes fèves
traces de ton mieux un carré sur le sol ; c'est dans un panier.
moins bien que le couvercle ; car un caillou peut •— Voici un troisième mode, encore plus prin-
tomber à cheval sur le bord du tapis ou sur le cier, et surtout capable de fournir des indications
trait qui dessine le carré ; tout caillou à cheval plus subtiles ; tu le connais d'ailleurs, c'est celui
est considéré comme hors du carré ; mais c'est que j'ai toujours employé pour toi.
conventionnel, donc arbitraire. Cette opération — Oui ; deux dés à douze faces, portant les
doit être répétée seize fois de suite. douze signes zodiacaux ; l'un d'or, l'actif je
Tu peux aussi tracer sur le sol deux carrés pense...
accolés ; tu les numérotes : 1 à ta droite, la ,Lnain — En effet.
droite étant celle de l'action, 2 à ta gauche, la — L'autre d'argent ; et les signes dessinés
main gauche étant celle du destin imposé ; alter- par une chaîne de pierres minuscules, véritable
nativement, de la droite et de la gauche, tu poussière de gemmes.
prends une poignée de galets, sans les compter, — As-tu remarqué le choix de ces gemmes ?
et tu les verses sur le sol, au-dessus du côté — A la vérité non ; elles sont si petites...
commun aux deux carrée ; certains galets se — Les signes de FEU sont en rubis ; ceux
d'EAU en topaze ; ceux d'AIR en saphir ; ceux possible dans la symétrie d'un dé à six faces, le
de TERRE en oligiste. centre; ainsi la Lune est enfermée dans le dé,
— Je ne comprends pas, dit Agib ; tu m'as prisonnière, incapable de s'exprimer, de se mani-
toujours dit que le saphir correspond au Soleil, fester ; or, n'est-elle pas la planète primordiale
et voici qu'il est un signe d'air, alors que son de la Géomancie ?
signe est de feu, le Lion ; de même pour le rubis, — Le Ciel t'est plus familier, Douban, que le
qui est à Vénus, et que tu attribues ici aux signes palais de mon père.
de feu. 1— Au contraire, dans le dé à douze faces,
— Les pierres intel viennent par leurs cou- c'est le Nombre d'or qui est au centre, mais il est
leurs ; dans leurs correspondances planétaires, en même temps sur les faces, puisque ce sont
elles ont les couleurs des planètes ; le Soleil est des pentagones, sur les arêtes, puisque l'angle
bleu, Vénus est rouge ; dans leurs correspon- de deux faces est lié au nombre d'or, et sur
dances zodiacales, elles ont les couleurs des élé- les sommets, puisqu'il y en a vingt, quatre fois
ments ; le feu est rouge, l'eau jaune, l'air bleu, cinq ; il est dedans et dehors à la fois, comme
la te'rre noire. l'esprit dans notre cerveau, dans nos yeux, et
— Et quels points indiquent les dés ? sur nos lèvres. Tu vois, mon fils, comme Allah
— Feu et Air sont actifs, un point ; Terre et est grand et puissant !
Eau sont passifs, deux points. — Je sens confusément sa grandeur et sa
— Je t'avoue qu'une chose m'échappe ; pour- puissance ; toi, tu les connais, et tu sembles les
quoi compliquer ainsi le jeu, puisque tout se mesurer, Douban.
ramène à pair ou impair ? Avec les dés cubiques, — Elles échappent à nos mesures ; nous les
tu as 3 faces paires et 3 impaires ; avec les dés contemplons, simplement, et c'est la plus grande
zodiacaux, tu en as le double ; si tu jouais à pile joie permise aux créatures. Allah s'offre à nous
ou face avec un sequin d'or et un d'argent, tu par le Nombre et par la Forme ; en apprenant
obtiendrais exactement les mêmes résultats. l'arithmétique et la géométrie, nous avons l'im-
— En apparence, et même en vérité, si tu te pression d'approcher Allah, de voir son paradis
places sur le plan matériel. Mais nous sommes, avant même de quitter la Terre, dont les misères
sur le plan magique. La pièce plate ne donne pas ne nous apparaissent plus. Mais j'ai encore une
la nature, qui est à trois dimensions ; le cube la chose à te dire sur les dimensions qu'il faut
donne, et ses six faces sont en correspondance donner aux dés.
avec le Cosmos ; le dodécaèdre va plus loin, il — Cela importe donc ?
atteint au plan de la Connaissance, car il est — Oui ; les miens sont un peu trop gros.
polyèdre d'or, avec ses faces pentagonales ; le — Pourtant, tes oracles...
Nombre d'or l'habite, et là où ce Nombre révéla- — Mes oracles seraient meilleurs avec les dés
teur est occulté, la puissance magique est tou- aux justes mesures ; on approche de la vérité
jours incluse. J'attache beaucoup moins de prix comme d'une lampe : un peu trop loin, on est
aux tirages faits avec les dé.Lcubiques ; certes, moins éclairé, mais on l'est tout de' même, on
ils correspondent aux planètes... n'est pas dans la nuit. Ainsi, quand tu calcules la
— De quelle manière ? interrompit Agib. circonférence d'après son diamètre, tu n'as
— Pose un dé sur le tapis, oriente-le vers le jamais la vérité, mais tu t'en approches davan-
Sud ; sur la verticale, sa face supérieure est à tage avec le nombre d'Archimède qu'avec celui
Jupiter, maître du Ciel, sa face inférieure à de la' Pyramide, et davantage avec le Nombre du
Hermès, maître de la Terre assoiffée de contacts Triangle harmonique qu'avec celui d'Archi-
avec le ciel ; sur la méridienne, sa face méridio- mède (1). De même si tu veux réaliser la propor-
nale est au Soleil, roi de l'été, sa face septentrio- tion du Nombre d'or, tu en es assez proche avec
nale à Saturne, roi de l'hiver ; enfin, sur l'ortho- le rapport de 8 à 5, plus proche avec celui
méridienne, sa face orientale est à Mars, maître de 8 + 5 à 8, ou de 13 à 8, plus proche encore
du jour naissant, et sa face occidentale à Vénus,
maîtresse de la nuit naissante ; il est donc pré-
férable de graver, sur les dés cubiques, les signes (i) N o m b r e de l a P y r a m i d e 7r : = —
V <p
== 3,144... ;
planétaires au lieu des points habituels. Mais 21 .
ces dés, même ainsi gravés, ne sont pas habités n o m b r e d ' A r c h i m è d e : 7t = —1 = 3,1428 ; n o m b r e d u -
par l'esprit ; la loi du septénaire attribue à la t r i a n g l e h a r m o n i q u e : 7r = 1,2 9 2 . = 3,7416... D a n s ces
septième planète, qui est la Lune, la seule zone f o r m u l e s y e s t le n o m b r e d ' o r .
a v e c c e l u i d e 13 + 8 à 13 o u d e 21 à 13, e t a i n s i ment. Mais, tant que nous y sommes, permets-
de suite ; t u n ' y p a r v i e n s j a m a i s mais t u ne dois, moi aussi de choisit la matière.
rien négliger p o u r t ' e n a p p r o c h e r a u t a n t qu'il — Si l'or et l'argent ne te conviennent pas
t'est permis. entièrement, le prix de la matière la plus rare ne
— Q u e l l e e s t d o n c la d i m e n s i o n c o n v e n a b l e saurait m'arrêter.
a u x dés ? — Merci, Agib. Mais je te demande des
— Il f a u t la r a t t a c h e r à celle de la Terre, matières moins précieuses que les métaux nobles:
p u i s q u e l a G é o m a n c i e e s t l a d i v i n a t i o n p a r les de l'ivoire pour le dé actif, de l'ébène pour le dé
c h o s e s de la T e r r e . Les E g y p t i e n s o n t o u v e r t passif.
cette voie en a d o p t a n t , p o u r leur coudée sacrée, — Tu es vraiment facile à contenter, mon
la dix-millionnième partie du r a y o n polaire du bon maître. Mais puis-je connaître les raisons de
G l o b e (1). ce choix ?
— P o u r q u o i la d i x - m i l l i o n n i è m e ? — Dans les matières inertes, l'or et l'argent
— P o u r a v o i r u n e c o u d é e à la m e s u r e de sont bien choisis ; mais, pour la géomancie, il
l ' h o m m e . O n d i v i s e p a r 10, p a r 1 0 0 , p a r 1 . 0 0 0 , vaut mieux choisir les matières qui ont vécu,
, et ainsi de s u i t e , p a r c e q u e la p r o g r e s s i o n d u dans le règne animal pour le dé actif, dans le
n o m b r e 10 e s t g é n é r a t r i c e d e t o u t e s l e s r o u e s règne végétal pour le dé passif. Elles doivent
m a g i q u e s (2) ; e t l ' o n s ' a r r ê t e d è s q u e l ' o n a t t e i n t aussi être dures, pour l'usage que l'on en fait ;
u n e v a l e u r à l'échelle h u m a i n e ; la m i l l i o n n i è m e le règne animal nous offre donc. uniquement
p a r t i e est b e a u c o u p t r o p g r a n d e , c'est la h a u t e u r les os- ; et les os des dents sont les plus imprégnés
d ' u n a r b r e p a r e x e m p l e (3) ; l a d i x - m i l l i o n n i è m e de vie, parce que, durant toute l'existence de
c o n v i e n t , et c'est la c o u d é e sacrée. Mais elle est l'animal, ils ont été dans le souffle de sa bouche,
t r o p g r a n d e p o u r u n c u b e ; les E g y p t i e n s m a t é - qui est.la vie ; entre tous les animaux, je choisis
r i a l i s a i e n t la c o u d é e s a c r é e s u r les d o u z e a r ê t e s le plus sage, l'éléphant ; il se trouve que l'ivoire
d'un cube d e p o r p h y r e ; ce c u b e n ' e s t p a s m a - de ses dents est le plus beau des os que l'on
n i a b l e d a n s les g e s t e s q u o t i d i e n s d ' u n h u m a i n (4). puisse souhaiter ; heureuse coïncidence, à moins
Si d o n c l ' o n v e u t f a i r e u n d é , o n p o u s s e r a que cette qualité ne cache une secrète intention
plus loin la s u b d i v i s i o n : 1 d i x i è m e de c o u d é e d'Allah. Quant au bois, je choisis le plus dur, et
s a c r é e ; m a i s s'il s ' a g i t d ' u n d é q u e l ' o n d e s t i n e aussi le plus sombre, par opposition à la blan-
à la g é o m a n c i e , o n a d o p t e r a la division g é o m a n - cheur de l'ivoire.
t i q u e , p a r 2, 4 , 8, 16 ; d o n c o n p r e n d r a u n d é d e — Tu auras ces dés, s'écria le prince avec
1 seizième de coudée. Cette m e s u r e sera celle enthousiasme, avant la fin de la lunaison ! Tu
du diamètre de la sphère dans laquelle est en donneras toi-même l'exacte mesure.
découpé le d o d é c a è d r e , p u i s q u ' i l f a u t a s s i m i l e r — Merci, mon fils.
le G l o b e t e r r e s t r e à u n e s p h è r e (5). Agib se retira... mais soudain il revint, rou-
— Je crois c o m p r e n d r e , D o u b a n , q u e t u serais vrit brusquement la porte.
heureux d ' a v o i r de n o u v e a u x dés à c e t t e d i m e n - — Douban, je ne te comprends pas ! Tu viens
sion. J e vais les demander à notre meilleur de m'expliquer toute la valeur magique de ces
orfèvre. dés, et nous ne les employons pas avec mes
— Agib, tu cherchais l'autre jour une récom- houris ! .
pense p o u r moi ; t u l'as t r o u v é e t o u t naturelle- Il avait l'air fâché, presque hostile, après tant
de gentillesse.
— C'est un autre rite, Agib. Les dés s'em-
(i) Cela fait, en millimètres, 636,6912, soit 636,7. ploient à tous usages, comme les flèches que les
(2) Voir les Roues Magiques, en particulier dans la
Leçon de Platon, dans les Tables Françaises 1946 guerriers lancent aussi bien sur des hommes que
(note 8, l'ouroboros magique), dans la Magie des sur des cerfs ou des oiseaux, ou des arbres quand
Nombres (série Frondaisons). ils s'exercent ; mais tu préféreras le poignard à
(3) C'est 6m367. la flèche si tu es aux prises avec l'ennemi, tu lui
(4) Ces cubes mesurent 0,258 mètres cubes, ce qui, préféreras le burin si tu veux graver dans le '
pour la densité 2,7 correspond au poids d'environ 700 bois, bien que !a flèche puisse le faire. Il est
kilos. Le cube d'un dixième de coudée pèserait 700 toujours bon d'adapter, quand cela est possible,
grammes.
(5) En millimètres : 39,8 (soit 40 millimètres prati- le mode de tirage à la question que l'on pose.
quement). — On peut encore diviser par 2 et adopter Un khalife voulant savoir s'il devait partir en
20 millimètres, guerre, invita ses deux meilleurs officiers à orga-
niser un concours d'archers ; chacun d'eux prit de jour ; et comme il s'agit du temps que tu dois
seize hommes, vêtus de bleu pour un camp, de consacrer aux houris, l'esprit matériel de ta
rouge pour l'autre ; deux à deux, les archers se question est à la base de chaque point que tu
mesurèrent sur des cibles ; si le rouge battait le tires, mieux encore que l'esprit de guerre ne
bleu, le khalife marquait un point actif ; dans le réside dans un concours d'archers, car la guerre
cas contraire, un point passif ; l'oracle conseilla demande d'autres vertus que l'adresse à l'arc,
la guerre, qui fut gagnée. Je pourrais aussi te et d'autres armes que la flèche. >
citer le cas d'un pèlerin qui vivait tant bien que — Je savais bien, mon cher Douban, que tu
mal d'oracles donnés sur la place publique, et avais tout imaginé aussi parfait que possible ;
qui se faisait parfois chasser durement des mais il m'est bien agréable d'apprendre et de
douars où il s'arrêtait; il se posait donc, en comprendre tous les chemins subtils par les-
route, la question suivante : donneraÍ-je des quels passe ton esprit.
oracles dans le prochain douar ? et il pointait Le mage sourit avec bonté.
les seize premiers humains isolés qu'il ren- — Cette leçon est assez longue, dit-il. Je n'ai
contrait ; un homme, actif, une femme, pas épuisé ce sujet, et j'aurai un jour à te dire
passif. comment le signe zodiacal, étant autre chose
— Ce procédé, dit Agib, me paraît vulgaire qu'un simple point pair ou impair, permet de
et i n f é r i e u r . . nuancer l'interprétation de la voie du point.
— Tu en juges fort bien ; c'était un médiocre C'est l'heure de la prière, Agib ; permets-moi de
géomancien. Mais le conèours d'archers était te quitter.
bien mieux harmonisé aux forces cosmiques ; Le jeune prince posa ses lèvres sur l'épaule de
et le tirage des houris, que nous imitons d'Aboul son maître, et bondit au dehors, d'une détente
Hassan, l'est d'une façon remarquable, car il joyeuse, comme un cerf qui vient, d'apercevoir
mêle les rythmes QUATRE et CINQ, comme je te une biche. Il était ravi d'avoir une nuit libre,
l'ai expliqué, en sorte que l'Esprit de la Connais- de n'avoir pas à dire oui ou non devant une
sance, qui habite les dés sur le pentagone, anime houri unique, désignée par un rubis dans un
aussi l'oracle rythmé sur l'espace de cinq quartes gâteau de maïs.

CHAPITRE VII

QUATRIÈME LEÇON

LE MONTAGE DU THÈME GÉOMANTIQUE

Un frisson de joie passa sur le harem somno- frôlé le rêve de devenir la favorite, dévorait des
lent. Comme des fleurs languissantes qu'un sucreries « pour nourrir l'enfant qu'elle portait
soudain coup de vent agite et vivifie, toutes les dans son sein » ; enceinte d'Agib, elle priait
houris se dressèrent sur leurs coussins et tour- Allah, cinq fois par jour, de lui donner un mâle.
nèrent leurs regards ardents vers la porte orien- Le prince s'étendit à demi sur son divan, et
tale : elle venait de s'ouvrir, et Agib s'avançait. ses yeux parcoururent lentement la galerie des
Comme il était beau leur jeune prince ! Quelle visages lumineux tendus vers lui. Ils s'arrêtèrent
séduction répandait son sourire, altier dans le sur Zobeïdeh et Fatima, qui semblaient blotties
regard, gourmand et presque quémandeur sur l'une contre l'autre, dans un coin, à l'abri des
les lèvres ardentes ! Il y avait tout près d'une méchancetés et des jalousies.
demi-lune qu'Agib n'avait pas visité son harem , — Dansez, dit-il doucement.
les femmes s'ennuyaient ; Schemselnihar, « le Elles se levèrent ; on fit le cercle autour
Soleil du Jour » , qui avait charmé le prince et d'elles ; les musiciennes modulèrent leurs airs les
plus langoureux que rythmaient les tambourins Et il lui tendit la topaze, ce qui signifiait qu'il
et les battements de mains de celles qui ne emmenait Zobeïdeh.
jouaient d'aucun instrument. Le prince suivait — Seigneur, répliqua Fatima avec un cri de
leurs évolutions suggestives d'un œil ardent ; désespoir qui ne pouvait que flatter Agib, per-
Fatima était lascive et mêlait sa danse de gestes mets-moi de te dire que, faisant le contraire de
audacieux ; Zobeïdeh était chaste, pudique, ce qu'a dicté le sort, tu fais aussi le contraire de
réservée, et semblait mettre dans sa danse l'es- ce que tu avais promis à tes humbles esclaves...
prit de la prière, comme le font les birmanes, à De nouveau la peur serra toutes les gorges.
ce que l'on raconte. Ce contraste amusait Agib, — Continue ton discours, s'il n'est pas fini,
et le laissait hésitant. articula le prince d'une voix qui ne trompa
— je passerai la nuit avec une des deux, se aucune des anciennes.
dit-il ; mais laquelle ? Fatima est plus volup- — Il est un moyen, dit Fatima, de te moquer
tueuse, mais cela est banal ; toutes le sont ou du sort et de tenir quand même ta promesse ;
cherchent à le paraître ; Zobeïdeh est presque emmène-nous l'une et l'autre ; pourquoi nous
chaste, et cela est plus piquant ; mais elle ne séparer ? on nous appelle déjà, dans ton harem,
l'est que devant ses compagnes, si j'ai bonne les inséparables...
mémoire... la nuit de mardi dernier n'a point Agib se leva, hautain, impassible, s'efforçant
manqué d'ardeur... à cet air princier qu'il faut acquérir à tout prix
Et tout à coup l'idée lui vint de les tirer au si l'on veut en imposer aux peuples.
sort ; non pas à la courte paille, jeu indigne d'un . — Je suivrai ton conseil, dit-il, parce qu'il
sultan, mais avec une gemme. est agréable à ma fantaisie de ce soir ; et demain
Donne-moi la plus belle topaze de ce coffre, — je trancherai-ta tête, parce que tu m'as donné
dit-il, au grand eunuque. un conseil que je ne te demandais pas. Allons.
Toutes les femmes frémirent. Agib cacha ses Il s'en alla dignement, suivi de Zobeïdeh
deux mains sous sa djellabah et en ressortit ses bouleversée par la condamnation de sa com-
deux poings fermés. pagne, et de Fatima qui, crâne et souriante, dit
— Prenez chacune un de mes poings, dit-il aux à l'oreille de Zobeïdeh, mais assez fort pour avoir
deux danseuses ; celle qui aura la topaze la gar- la chance d'être entendue d'Agib : « Mourir
dera ; l'autre me suivra. après une nuit avec lui et toi, je ne pouvais
Déjà Zobeïdeh avançait sa main, quand rêver meilleur destin ! »
Fatima la saisit au poignet, arrêtant son geste. Dans la chambre du prince, Zobeïdeh s'était
— Seigneur, dit-elle, pourquoi nous tirer au jetée à ses pieds :
sort ? n'est-ce pas abdiquer ta liberté, le plus — Je n'imagine pas de joie plus grande, Sei-
précieux des apanages des princes, que de t'en gneur, que de rouler ma tête contre tes genoux...
remettre à un sort aveugle ? — J'en imagine une plus grande, dit Fatima,
Un grand silence se fit ; l'audace de Fatima celle de voir dans tes yeux d'aigle la lueur
fit planer un muet effroi sur toutes les femmes fulgurante du désir...
qui la regardaient ; ignorait-elle, donc, cette — Et moi, une plus grande encore, celle de
« nouvelle », qu'Agib pouvait faire tomber sa se sentir broyée dans tes bras, jusqu'à s'éva-
tête d'un seul geste, d'un seul regard adressé au nouir...
chef des eunuques ? ou bien se sentait-elle si — Alors, s'écria Fatima, j'imagine la joie
assurée du pouvoir de ses charmes qu'elle se suprême, celle d'ajouter à votre volupté quand
crût tout permis ? vous défaillerez dans les bras l'un de l'autre.
— J'ai donné un ordre, répondit Agib dure- Et Zobeïdeh, sincèrement éprise, fut si ardente
ment ; il me plaît de consulter le sort, et puis en sa chasteté mise en déroute, et Fatima,
d'en faire à ma tête. lubriquement rusée, fut si ingénieuse en ses
Il sentait bien qu'il mentait, mais il ne voulut caresses savantes, que le prince dut les quitter
pas s'attarder à ce trouble nouveau. Il ouvrit le au matin sans avoir cédé au sommeil. Fatima
poing sur lequel s'était posée, légère comme une resta étendue sur la couche saccagée, les yeux
patte de colombe, la main de Zobeïdeh ; car mi-clos, sans faire la moindre allusion à sa
c'était celui-là qui contenait la topaze. condamnation ; Zobeïdeh, au contraire, se leva,
— je ferai le contraire de ce que dicte le sort, se jeta aux genoux d'Agib qui allait franchir la
dit-il en manière de réponse à la critique de porte.
Fatima. — Seigneur, fais grâce à Fatima
— Mon harem doit me craindre. miques. Elle avait tort, elle blasphémait, si elle
Pitié ! elle ne savait pas ; elle désirait tant songeait à la Géomancie ; j'en doute, d'ailleurs,
être aimée de toi ! car elle l'ignore.
— Le verdict d'un tirage au sort peut être — Elle n'ignorait pas que je les tire au sort,
bravé ; celui d'un prince ne peut pas l'être. l'une après l'autre ; et, ce matin, quand ta trom-
Agib était déjà dehors. Fatima gronda sa pette nous a annoncé le tirage du rubis, c'était
compagne : . pendant une détente de nos jeux, et j'ai vu une
— Pourquoi t'être humiliée ? Nous n'avons lueur ironique passer dans son regard. Je me
qu'un moyen, nous autres, d'être aussi grandes sens humilié, je te l'avoue, quand je constate
que les sultans aux yeux d'Allah ; c'est de mou- que ma volonté s'efface devant des rites ou des
rir de les avoir défiés, et de sourire à la mort. oracles.
Déjà le grand eunuque était là. Il jeta un voile — Ne confonds pas ta volonté et les impul-
noir sur le visage de Fatima et l'emmena. sions de tes désirs ou de tes caprices ; la volonté
Zobeïdeh, glacée d'épouvante, n'eut même pas . est réfléchie, et s'efforce de choisir la meilleure
le temps d'embrasser son amie ; elle était encore voie ; le désir est instinctif, et risque de nous
debout, immobile, statue vivante de l'effroi, lancer sur la plus mauvaise.
quand elle entendit un coup sourd dans la — J'ai bien envie, répliqua le prince, d'ar-
pièce voisine : la tête de Fatima roulait sur le rêter là cette interminable Géomancie...
tapis, sans qu'un cri ait déchiré l'air matinal. Et comme Douban restait silencieux :
— Tu me désapprouves ? Tu ne me donnes
pas un conseil ?
— Je ne dois pas te conseiller, car c'est toi, .
toi seul, qui formes les points de l'oracle; l'échec
Agib était tourmenté par le doute. Au lever
d'une consultation géomantique est un des cas
du jour, encore en pleine orgie sensuelle, il avait
prévus et normaux ; parfois, c'est le Ciel qui
entendu le coup de trompette de Douban, et il
refuse de répondre, je te l'ai déjà dit ; d'autres
l'avait trouvé pénible et ridicule ; il avait évo-
fois, c'est le consultant qui renonce avant d'être
qué les houris saisissant avidement les gâteaux,
au but ; il arrive même que ce soit le Ciel lui-
l'une d'elles s'écriant : « J'ai le rubis »... Il y
même qui interrompe l'oracle ; j'en connais deux
pensait maintenant avec lucidité. C'est celle-là,
exemples curieux.
et non une autre, qu'on lui proposerait, la nuit
Douban savait que le prince, comme Schariar,
revenue ; et le choix qu'il en ferait dicterait le
adorait les contes, et qu'un récit amené au bon
quatrième point ; et la première Mère serait
moment pouvait apaiser son esprit.
enfin dessinée ; et sa conduite future dépendrait
— Dis-moi ces deux exemples, consentit Agib.
de la Figure qu'elle formerait... Fatima n'avait-
— Un jour, le sultan de Casgar tirait les dés
elle pas raison ? Laisser ainsi le sort aveugle
disposer de nous, substituer à notre volonté libre sous les yeux de son géomancien, homme sage et
réputé. Soudain son singe familier bondit sur le
celle de forces obscures qui sont peut-être véri-
tapis, s'empara d'un dé en or, qui venait de
diques, mais peut-être sottement imaginaires,
rouler, et l'emporta ; il grimpa dans un arbre
n'est-ce pas déchoir, abdiquer les droits du isolé et refusa d'en descendre, quoi qu'on lui
sultan ?...
présentât pour le tenter ; on finit par s'emparer
Il regretta d'avoir supprimé Fatima ; il l'au- de l'animal, mais le dé avait disparu ; on fouilla
rait volontiers écoutée plus longtemps, en tête à l'arbre, branche à branche, puis le sol tout alen-
tête, sur ce sujet ; pourquoi cette écervelée tour ; on abattit l'arbre, on le découpa en menus
avait-elle soulevé ce tourment en plein harem ?.,. morceaux qu'on brûla, et on fouilla les cendres ;
Il s'en ouvrirait à Douban.
on finit par tuer le singe et lui vider le ventre ;
le dé n'a jamais été retrouvé. Le Géomancien en
a conclu que le Ciel ne voulait pas être interrogé
sur la question qu'avait posée le Sultan, et ce
Il le fit sur un ton courroucé, qui bouleversa dernier eut la sagesse d'y renoncer.
le Géomancien. — J'aurais persévéré, dit Agib, par ta faute.
Cette Fatima, dit le Mage, avait peut-être Douban le regarda, ab-asourai.
raison pour le jeu que tu as imaginé, ce tirage au — Par ta faute, puisque tu déclares ne pas
sort dénué de toute participation des forces-cos- devoir me donner de conseils en ces occasions,
ce en quoi tu n'imites pas le Géomancien de ce
Sultan... Raconte vite ton second exemple.
— Il est plus étonnant encore. Un marabout Les points tirés, il faut composer le thème
qui errait de ville en ville voulut consulter géomantique sur l'éventail. Tu sais déjà com-
l'oracle ; il n'avait rien que des fèves séchées ; il ment se forment les Mères, et tu as deviné
traça sur le sable deux carrés accolés et tira comment se forment les Filles. Il importe de
rituellement les seize points. Au seizième, un traiter cette question algébriquement ; je t'ai
serpent surgit de l'herbe, passa près du jeu et, appris assez d'algèbre, mon enfant, en tes
d'un mouvement de la queue, rejeta dans le jeunes années, pour que tu suives ce dévelop-
dernier carré une fève qui était tombée en pement sans difficulté :
dehors. Cela changeait grandement la réponse, J'appelle :
car la quatrième Mère était une Figure heu- a b c d les 4 points de la première Mère ;
reuse qui s'appelle La Joie, et le coup de queue e f g h ceux de la seconde ;
du serpent en faisait une Figure funeste qui i j k l ceux de la troisième ;
s'appelle La Prison. m n o p ceux de la quatrième.
— Voilà qui était fort embarrassant, dit Agib.
— Pas pour le marabout qui avait expé- Chaque lettre vaut 1 ou 2, ce qui est en algèbre
rience et sagesse. Il se dit d'abord : le Ciel a le maximum de simplicité.
Douban avait écrit ces lettres sur une feuille
corrigé un geste de moi, qui devait être mal
harmonisé avec les forces cosmiques. Puis il de parchemin.
s'avisa que le raisonnement attribuait au Ciel — Veux-tu écrire, à la suite, les points des
Filles ?
lui-même le geste maladroit, tardivement recti-
fié ; et enfin il comprit : la figure La Prison — Volontiers, dit Agib ; c'est sans la moindre
difficulté.
signifie empêchement, obstacle, entrave; le Ciel ne
Et il écrivit :
corrigeait pas ; il lui fermait la porte au nez :
« Empêchement, refus de te répondre. » Et le a e i m pour la première Fille ;
marabout n'alla pas plus loin ; il ne forma ni les b f j n pour la seconde ;
Filles ni les Nièces ; il ramassa ses fèves et c g k o pour la troisième ;
repartit. d h 1 p pour la quatrième.
— Ce fait est troublant ; mais quel enseigne- — Fort bien, dit Douban. Et voici, mainte-
ment en tires-tu pour la question qui me tour- nant, comment tu formes les Nièces.
mente ?
Le vieillard posa ses deux mains sur les épaules
du jeune prince, l'enveloppa d'un regard plein
de tendresse et de bonté, et proféra ces mots :
— Tu as pris la décision de consulter l'oracle
avec ton vénéré père et ton humble serviteur ;
. décision à trois ; une femme écervelée te lance
une boutade, et tu remets tout en question. Que
penser de cela ? Ou bien cette boutade a été
dictée par le dépit d'une houri désireuse de
t'attirer, ou bien elle l'a été par le Ciel qui s'est
servi de cette femme pour te frapper ; il faut
donc savoir si tu as affaire au dépit d'une petite
sotte ou à un avis du Ciel.
— Voilà bien la question, Douban. Mais FIG. 4. — F o r m a t i o n des N i è c e s
comment savoir ? p a r couplage des Mères, puis des Filles.

— Si c'est le Ciel, il interrompra la consulta-


tion lui-même, par un événement analogue au La première résulte de l'accouplement des
vol du dé par le singe, ou au coup de queue du deux premières Mères ; cet accouplement se
serpent. fait par addition, point par point ; le premier
Agib réfléchit un instant et répondit enfin : point est donc a - e ; écris toi-même les sui-
— Tu as raison. Je continuerai. vants :
Et la leçon commença. Agib écrivit (Fig. 4) :
(a + e) (b + f) (c + g) (d h) règle qui assure le contact entre Terre et Ciel,
pour la première Nièce. la passation de l'Une à l'Autre.
— Tu n'as plus qu'à continuer de même, en Veux-tu former le premier Témoin ?
couplant les deux dernières Mères pour la Agib en forma les quatre points sans hésiter
seconde Nièce, les deux premières Filles pour la (Fig. 5) :
troisième, les deux dernières Filles pour la qua- 1er point a. + e + / + m
trième. 2e — b + / + / + n
Agib continua son tableau : 3e - c + g + k + o
(a + e ) (b + t J (c + g ) (d + h) 4e — d + h + l + p
pour la première Nièce. — Que remarques-tu ?
(i + m) (f + n) (k + o) (1 + p) — Cela revient à totaliser ensemble les
pour la seconde. quatre Mères.
(a + b) (e + f) (i + j) (m + n)
pour la troisième.
(c + d) (g + h) (k + l) (o + p)
pour la quatrième.
— Ne manque pas d'observer, dit Douban,
que les deux premières Nièces, résultant des
Mères, sont relatives au Passé, tandis que les
deux dernières, issues des Filles, se rapportent
au Futur. Par « Nièces », il faut entendre les
filles des Filles.
. — C'est étrange, répondit Agib ; pourquoi ne .
pas dire les Petites-Filles ?
FIG. 5. — Formation des Témoins
— Réfléchis ; tes enfants seront tes fils ; à par couplage des Nièces ; puis formation du Juge.
leur tour, chacun de leurs enfants sera le fils
d'un de tes fils et le neveu de tous les autres. Si
tu as dix fils et que chacun de tes fils en ait — Bravo ; c'est donc bien le Témoin du
autant, chacun de tes fils aura quatre-vingt-dix . Passé ; on l'appelle justement le Père du Juge.
neveux contre dix fils seulement ; c'est bien la Forme le second Témoin.
génération des neveux, après celle des fils. Agib écrivit :
— Tu expliques tout, docte et sage Douban. 1er point a + b + c + d
— Observe encore que les deux premières 2e — e + / + g + h
Nièces associent les mêmes quartes de jour dans 3e — i + j + k + /
le petit rite (a + e; midi de lundi et midi de 4e — m+ n + 0 + p
mardi, par exemple) ; au contraire, les deux
dernières associent deux quartes successives. et il commenta lui-même ;
Dans le grand rite de cinq quartes que nous — Il totalise les quatre Filles, d'où son nom
suivons pour toi, les deux premières Nièces asso- de Témoin du Futur. Ne m'as-tu pas dit qu'on
cient les points tirés à la même quarte à cinq l'appelle aussi la Mère du Juge ? Pourquoi ?
jours d'intervalle (lundi midi et samedi midi), — Pour un Père, sa descendance lointaine est
et les deux dernières associent deux quartes dans ses filles ; s'il n'a pas eu de mâles dans ses
successives. C'est donc la même règle, qui est enfants, ses filles peuvent lui en donner à la
dictée par la loi d'évolution ; la progression est seconde génération.
quatre fois plus rapide pour les deux dernières Il ne reste plus qu'à former le juge. C'est
Nièces que pour les deux premières. encore la même règle qui s'applique : le juge
Le sensitif, le thème de la Terre, si tu préfères, accouple les deux Témoins.
est maintenant formé. Il nous reste à former le Agib écrivit patiemment les quatre points du
Ciel, qui est le Tribunal. juge, tels qu'on les trouve sur la figure. Quand
Les deux Témoins se déduisent des quatre il eut terminé :
Nièces, comme celles-ci se déduisaient des huit — Ce travail était inutile en soi, dit Douban ;
Mères et Filles ; et c'est le maintien de cette je te l'ai laissé accomplir pour que tu voies mieux
les choses : les deux Témoins répètent chacun — Un magistrat intègre avait demandé à mon
les seize points de la Géomancie, qui se trouvent père s'il ne deviendrait pas vizir du khalife.
réunis dans les quatre Mères et aussi dans les L'oracle refusa de répondre ; le lendemain, le
quatre Filles ; donc le Juge rassemble le double khalife mourait.
des seize points ; le nombre de ses points est — Allah est donc bien dans ces signes à la
nécessairement pair ; ceci te montre qu'une fois enfantins et mystérieux ?
Figure à nombre impair de points ne peut pas — Il est partout où notre piété sait le prier de
être juge; si tu en trouvais une en dressant un se trouver. Voici les signes tirés.
thème géomantique, tu serais averti qu'une
erreur se serait glissée dans ton pointage. Première Mère : Vierge.
— Je sais maintenant monter un thème ; il Lion.
me tarde de le faire pratiquement ; ce sera long Sagittaire.
pour le mien. Ne peux-tu me tirer seize points, Taureau.
par simple jeu ? Deuxième Mère : Bélier.
— Je préfère te les dicter, car il ne faut pas Lion. ,
jouer avec les dés consacrés, et je n'en ai pas Taureau.
d'autres.
— Tes dés sont consacrés ? demanda le Capricorne.
prince, étonné. Troisième Mère : Vierge.
— Bien sûr. Je ne t'ai pas encore tout dit. Gémeaux.
Sans la Magie, la Géomancie n'est qu'un diver- Scorpion.
tissement. Scorpion.
— Mais s'il n'y a point de dés, comme dans
l'oracle que je poursuis avec tant de patience ? Quatrième Mère : Lion.
— J'ai prié Allah comme il convenait, avant Lion.
de commencer le grand rite. Cancer.
— Tu me révèles les choses par bribes. Capricorne.
— Non point par bribes, mon fils ; je les dose
et les révèle dans la mesure et dans l'ordre où Prends un éventail et ces boutons ; forme ces
je dois t'en instruire. figures à loisir, et apporte-moi ton travail
J'ai d'ailleurs une autre raison de te dicter demain.
les points au lieu' de les tirer au hasard ; tu Agib, enchanté de faire un exercice enfin com-
n'apprendras le sens des Figures qu'à la pro- plet, emporta ces accessoires comme une proie.
chaine Lune, quand ton tirage sera terminé ; je Puis il se divertit à des jeux violents qui le pas-
veux donc choisir un thème qui a refusé la sionnaient.
réponse du Ciel ; ainsi je n'aurai pas à te déce-
voir en refusant de l'interpréter.
Douban fouilla dans ses manuscrits et retira Nota. — A ce point, nous conseillons au lecteur de
un parchemin jauni. monter le thème proposé, à titre d'exercice, avant
— C'est bien celui-ci que je voulais, dit-il. . d'aborder le chapitre suivant. Comme contrôle, le
— Quelle était la question ? lecteur trouvera ce thème à la figure 6, page 37.
CHAPITRE VIII

CINQUIÈME LEÇON

LA PART DE FORTUNE
ET LA CORRESPONDANCE ENTRE LES CASES
ET LES MAISONS

Agib avait festoyé à la table de son père, qui seul, Agib sourit à la pensée que Douban serait
l'avait questionné sur l'exécution d'une de ses surpris quand il lui dirait : « Quatrième point,
houris. deux boutons d'argent ». Mais il fallait bien que
— Elle m'avait donné un conseil. que je ne le destin se décidât à mêler les points !
lui demandais pas, devant tout le sérail. Sur cette réflexion philosophique, il composa
— C'était impardonnable, en effet ; je ne « le thème du magistrat» et trouva ceci (1)
saurais te blâmer. (Fig. 6).
— Loin de me blâmer, mon père, il faut te — Et voilà mon grimoire, se dit-il. Comment
réjouir de mon courage, car elle était belle et peut-on tirer de ces points la réponse d'un
ardente, et je me faisais une joie de cette acqui- oracle ? Je me demande si j'y parviendrai
sition, qui avait coûté soixante sequins. J'avais jamais...
le cœur serré en donnant l'ordre. Il remarqua que la même figure se répétait ;
— Tu es un homme, mon fils ! par exemple, une sur la deuxième Mère et sur la
Et Noureddin Ali avait commandé un festin quatrième ; une autre sur la troisième Fille, la
somptueux. seconde et la quatrième Nièces ; une troisième
Peu après minuit, Agib, seul dans sa chambre, sur la première et la troisième Nièces ; une
commençait à disposer les boutons sur l'éventail, quatrième sur la quatrième Fille et le Juge ;
quand le grand eunuque se présenta. une cinquième, enfin, sur les deux Témoins.
— Seigneur, je te conduis la gagnante du Mais il ne put, évidemment, aller plus loin ; il
rubis. devait attendre les leçons à venir ; et il s'endor-
Agib se retourna, la dévisagea ; elle n'était mit, hanté par cette question essentielle : en
pas mal, évidemment ; son Pourvoyeur faisait quoi ce thème refusait-il la réponse de l'oracle ?
toujours bien les choses ; mais le prince était A midi, il entendit la trompette de Douban.
fatigué de la nuit précédente, un peu ému, mal- — Ah ! voilà le cycle qui recommence... midi,
gré tout, de la mort de Fatima, un peu alourdi comme pour le premier point ; une de mes
par le repas plantureux ; et puis, il commençait colombes est en train de guetter un saphir.
tout juste la composition de son thème, qui Malgré lui, il souriait un peu de ce rite, et
l'intéressait. n'eût été le soin avec lequel son vieux ii maître
— Tu es très gentille, dit-il à la houri sans
demander son nom.
Elle baissa pudiquement les yeux ; il posa ses (1) Toute explication ne contiendrait que des redites
de ce que le lecteur sait déjà. Nous l'invitons à con-
lèvres calmes sur ses joues, car il voulait racheter fronter ce qu'il aurait fait avec ce résultat et à rectifier,
sa dureté envers Fatima, et il dit avec douceur : éventuellement, les erreurs qu'il aurait pu commettre.
— Tu fais partie de mon harem, et j'aurai A partir de ce point, le lecteur peut déjà s'exercer, avec
n'importe quels dés, à ces montages. — Nous plaçons
plaisir à t'y retrouver. dès maintenant la Part de Fortune EB, dont Doubaa
Le grand eunuque comprit, s'inclina et va lui indiquer le calcul. Nous faisons de même pour
emmena la colombe tremblante. Quand il fut les Maisons du Sensitif.
s u r v e i l l a i t l ' h e u r e de son c o u p de t r o m p e t t e , il — Le géomancien non initié croit que la pre-
a u r a i t eu d u mal à p r e n d r e la chose au s é r i e u x . mière Mère correspond à la Maison 1 de l'horos-
Après le déjeuner, il m o n t r a son t h è m e à cope, la seconde à la Maison II, et ainsi de suite,
Douban. la première Fille à la Maison V, la première
— Explique-moi pourquoi cet oracle ne Nièce à la Maison IX, jusqu'à la dernière Nièce
r é p o n d pas. qu'il attribue à la Maison XII. C'est une erreur
capitale qui ôte toute signification au thème
géomantique. Je vais te donner la règle secrète,
qui exige ton serment de ne la révéler à per-
sonne.
— J'en fais le serment devant Allah qui
m'écoute et qui me juge.
— Dans l'horoscope du consultant, la Part de
Fortune se situe dans une Maison déterminée ;
tu le sais.
— En effet.
— Pour ce magistrat, elle était en troisième
Maison. Or, le thème géomantique a, lui aussi,
une Part de Fortune ; nous allons la chercher ;
nous allons la trouver dans la deuxième Fille ;
ceci fait, voici la règle : la deuxième Fille corres-
pond à la troisième Maison de l'horoscope.
Dans la forme générale, la règle s'exprime
ainsi : la Case qui contient la Part de Fortune
géomantique coïncide avec la Maison de l'horos-
cope qui contient la Part de Fortune astrologique.
Je dis « la Case » quand je parle du thème
géomantique, et « la Maison » quand je parle de
l'horoscope,, afin d'éviter toute confusion de
langage. As-tu bien compris ?
— J'ai parfaitement compris ; si ce magistrat
avait eu sa Part de Fortune en douzième Maison,
cette douzième Maison viendrait en correspon-
FIG. 6. — L e M a g i s t r a t a s p i r a n t - v i z i r . . danc.e avec la deuxième Fille.
( P o u r -f a c i l i t e r l a lecture u l t é r i e u r e de ce thème, — Parfait ; et s'il l'avait eue en sixième Mai-
n o u s i n d i q u o n s le t i r a g e zodiacal e t les n o m s des
f û j u r e s en p a s s a t i o n , qui s o n t expliqués plus loin.) son, comme la deuxième Fille est la sixième Case
du thème géomantique, alors seulement l'attri-
%bution des Cases aux Maisons serait celle qu'a-
— Pas aujourd'hui, mon fils ; je dois d'abord doptent les géomanciens ignorants.
t'instruire de la Part de Fortune; demain, je — En somme., ils ont tout de même une
t'expliquerai la Voie du point, et alors tu verras chance sur douze de bien monter le thème ?
que le Ciel refuse de répondre, parce que le — Mes compliments, mon fils ; tu m'as
thème ne donne pas le passage entre la Terre et devancé dans cette remarque ; s'ils ont cette
le Ciel. chance, leur oracle a de la valeur, et c'est ce qui
— Soit, dit Agib résigné. assure, malgré tout, leur crédit auprès des
— Le thème n'est pas encore entièrement petites gens. Bien entendu, l'attribution des
monté, reprit le Mage ; il y manque la Part de Maisons se fait en tournant 'de Case en Case ; la
Fortune ; c'est l'élément capital, parce qu'il met III étant dans la deuxième Fille, la IV dans la
en correspondance le thème géomantique et troisième, la V dans la quatrième, puis la VI
l'horoscope de nativité du consultant ; il est dans la première Nièce, etc. Tu vois, en particu-
donc la clé qui attribue ce thème à la personna- lier, que la Maison X du Fatal tombe en Case 1,
lité du consultant. Sans cette clé, ce thème géo- dans la première Mère, et la Maison 1 de l'Ascen-
mantique est impersonnel ; il n'a pas de sens. dant en Case 4, dans la quatrième Mère.
— Je comprends l'importance de cette clé. — Je vois tout cela sans la moindre obscurité.

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