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012 _ Les Actes de Lecture n°98 _ juin 2007 _ [lu] 

Les femmes qui lisent sont dangereu- Entrer dans l’écrit avec la littérature de
ses, Les femmes et la lecture dans l’art oc- jeunesse. Laurence Pasa, Serge Ragano et
cidental. Laure Adler & Stephan Bollmann, Jacques Fijalkow, ESF, éditeur (collection
Paris : Flammarion, 2006, 150 p., 29€ Pédagogies/Recherche), 2006, 174 p., 22€

Ce livre est constitué de trois parties. Cet ouvrage, en deux parties, est composé de
Un premier texte de Laure Adler retrace l’histoire neuf contributions (constituant chacune un
de la présence des lectrices dans l’iconographie chapitre) : d’une part les pratiques plutôt hors
artistique de l’Occident en relation avec l’évolu- scolaires, d’autre part les pratiques scolaires. La
tion du statut de la femme au fil des siècles. nature hétérogène des textes permet une en-
trée sélective.
Le second texte de Stephan Bollmann est une
histoire illustrée de la lecture du XIIIè au XXIè siè- La littérature de jeunesse, telle qu’on a l’habi-
cle. Cette analyse montre comment la nature de tude de la concevoir (albums, romans, poésie et
la lecture anticipe et reflète en même temps ce théâtre, presse et documentaires), n’est pas au
changement de statut. centre de tous les articles, certains s’intéressant
davantage aux usages des livres qu’à leur na-
Les deux autres tiers du livre sont consacrés à la
ture. L’étendue du public (de la petite enfance
présentation et aux commentaires de 68 pein-
à l’état de jeune adulte) et des lieux de vie (de
tures, gravures, dessins et quelques photogra-
la maison à la cité en passant par l’école ou la
phies, de femmes en train de lire. Ces commen-
bibliothèque), la diversité des travaux (fran-
taires sont fins, détaillés, documentés, jamais
çais mais aussi canadiens, américains) et des
indigestes.
objets de travail (l’enseignement, la bibliothè-
Le « beau livre » s’adresse à l’œil, au sens de l’es- que, le lien entre les deux) font que le projet de
thétique et à l’intelligence de celui ou celle qui cet ouvrage reste difficilement cernable. Plus
peut y insuffler la culture acquise dans ses lectu- large, aussi bien du côté des lecteurs que des
res, lors de ses voyages, à travers ses rencontres. lieux de lecture, la première partie confortera
les lecteurs de cette revue sur certains points :
Le «beau livre» fleurit généralement au moment
nécessité des relectures pour les tout petits,
des fêtes. Les gondoles qu’il avait colonisées sont
importance des usages sociaux de l’écrit pour
ensuite désertées pour rejoindre le petit coin de
développer des techniques1, nécessité des liens
librairie qui lui est habituellement consacré.
entre lieux scolaires et hors scolaires pour dé-
Les femmes qui lisent sont dangereuses n’a pas velopper et entraîner la pratique de lecture. On
le caractère éphémère du beau livre habituel : renverra les nouveaux lecteurs ou les lecteurs
sa bibliographie convoque et donne envie de occasionnels à tous les travaux de l’AFL sur les
retourner lire Alberto Manguel, Michelle Perrot, Classes-Lecture ou les Villes-Lecture.
Roland Barthes et autres auteurs chers à nos pré-
Dans la seconde partie, l’école est au cœur des
occupations. Ce bel objet insuffle lui-même tou-
propos, davantage centrée sur le travail des tex-
tes les informations nécessaires à la réjouissance
tes que sur les dispositifs de lecture autonome.
esthétique et intellectuelle. La qualité des textes,
Ainsi, en maternelle, Bernard Devanne met l’ac-
leur densité culturelle, la multiplicité des réseaux
cent sur la lecture inférentielle, intertextuelle,
tissés, invitent à venir et revenir encore y poser les
interactive, le débat entre enfants et le lien entre
yeux et la curiosité  Thierry OPILLARD
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les diverses expériences de lecture et les équilibrées » (Balanced-approach) » et puis,


expériences de vie. On aimerait que ça soit sans crier gare, cette phrase : « Ainsi ce qui
toujours si simple. pourrait apparaître comme un progrès n’est
Le panorama de l’enseignement aux États- peut-être que la marque d’un retour en ar-
Unis est interpellant tant il nous rappelle rière. » Aux Etats-Unis, comme en France,
notre propre histoire. Balayage rapide sous le prétexte de ne laisser aucun en-
d’une époque où les enfants apprenaient fant sur le bord du chemin (No Child Left
à lire sur des unités non signifiantes. Réac- Behind), les États cherchent à imposer une Langue, lecture et école au Japon.
tion : « Nous obligeons les enfants à regarder seule méthode de lecture exigeant les ap- Actes du colloque international
fixement le vide, le silence et la mort [...] le prentissages techniques et se détournant « Japonais/Langue-S et enseigne-
papier des abécédaires sent le moisi, [...] un des œuvres de littérature. ment de la lecture ». 15-17 mai
effluve soporifique semble émaner des pages, Enfin, les enquêtes de Jacqueline et Jac- 2003 – Université de Toulouse-le
plongeant toutes leurs facultés dans la lé- ques Fijalkow montrent l’efficacité d’un Mirail. Sous la direction de Philippe Ga-
thargie. » p.92 Développement alors d’une enseignement qui s’appuie sur la littéra- lan et Jacques Fijalkow, Arles : Éditions
tout autre approche : le « langage entier » ture de jeunesse (réseaux, débats, relectu- Philippe Piquiers, 2006, 405 p., 20€
(whole langage) qui intègre l’apprentissa- res, observation réfléchie de la langue...)
ge dans l’expérience sociale, et transforme et sur l’écriture. Ils s’inscrivent dans le L’ouvrage se divise en quatre grandes par-
l’apprentissage en un apprentissage lin- droit fil des programmes. ties pourvues chacune de quatre ou cinq
guistique qui tient compte de l’intention On sort de cette lecture conforté dans des articles.
de l’auteur et de ses choix linguistiques : positions qui ont été l’avancée de ces der- w La langue et son système d’écriture expose
« Le langage écrit est d’abord perçu dans sa nières années, mais sans armes pour les la nature multiforme des systèmes d’écri-
totalité, à partir du discours et du contexte derniers reculs enregistrés ces derniers ture du japonais, dans sa dimension histo-
qui le génèrent. » p.96. Les séances d’ensei- mois qui, comme aux États-Unis, semblent rique et rapidement évolutive depuis l’aug-
gnement s’organisent autour de protoco- avoir imposé un équilibre qui rend la ren- mentation exponentielle de la puissance
les que nous défendons dans ces colonnes contre avec des textes d’auteurs bien in- des ordinateurs.
(émissions d’hypothèses, vérifications, certaine dans les premières années, sinon
anticipations, retours au texte, cercles de w L’institution scolaire et l’enseignement de
pour écouter des histoires. Mais là n’est la lecture fait état de l’organisation du sys-
lecture, productions d’écrit) tandis que pas le problème  Yvanne CHENOUF
sont repris les apports des grands courants tème scolaire, des problèmes qui lui sont
littéraires : théorie de la réception, lecture posés actuellement, des compétences en
interprétative, critique, etc... Cette appro- lecture, du collège et de l’historique des
che, qui commence avec succès dans la 1. (Christine Barré de Mignac et Nicole Robine) Souvent sont inté-
méthodes.
toute petite enfance, élargit considéra- grées sous le terme de littéracie diverses productions écrites allant de
la presse à l’ordinateur, et sous pratiques de lecture des actes aussi w Pédagogie et enseignement de la lecture
blement l’offre éditoriale : « On va ainsi divers que celui qui consiste à lire son horoscope ou un bouquin de
science-fiction.
pointe divers aspects : les manuels, les mé-
trouver des livres pour les non lecteurs et thodes, les kana, les kanji, avant et à l’école
les lecteurs débutants (...) des ouvrages qui obligatoire.
font la transition entre les albums faciles à w Histoire et pratiques de la lecture décrit les
lire et les livres à chapitres plus longs et plus représentations passées de la lecture au Ja-
complexes, des livres qui alimentent la curio- pon et les études, jusqu’à celle dénommée
sité des enfants pour l’histoire ou le monde PISA-2000, qui dévoilent, en contradiction
naturel, et enfin des œuvres qui reflètent la avec le discours officiel, l’état réel des pra-
diversité des enfants et de leurs expériences tiques actuelles.
avec un accent plus particulier pour les thè-
mes interculturels. » p.97. Il est rapidement Quelques remarques sur les articles les
signalé que les « deux démarches » se re- plus proches de nos centres d’intérêt :
l Les 100 premiers titres de livres vendus repré-
joignent : « Ce compromis entre innovation sentent 30% des ventes totales. Les Bienveillan- Dans l’avant-propos, on trouve une pré-
et tradition pédagogique, entre signification tes, le roman de Jonathan Littell a été vendu à
680 000 exemplaires et Témoignages de Nicolas
sentation du japonais écrit où il est beau-
et structure de la langue va définir ce que Sarkozy à 335 000. coup insisté sur son caractère essentielle-
les Américains nomment les « démarches ment phonétique. La langue japonaise est
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écrite avec deux types de signes, les kanas bique et idéographique pour l’une, logo- xes, dont le langage. Et, dans la conclusion,
et les kanjis. graphique et alphabétique pour l’autre. cela tourne à la lamentation que notre lan-
Les kanas sont des signes de nature pho- Analyser un objet complexe, ses compo- gue ne soit pas si transparente que l’alle-
nographique qui codent les 46 syllabes santes, ne dit rien de son utilisation : le jeu mand ou l’espagnol. Les pays utilisant ces
quasiment suffisantes à la prononcia- d’échecs décrit dans ses règles une liste langues ont-ils plus de grands écrivains,
tion japonaise. Ces 46 syllabes peuvent des différents déplacements de ses pièces de grands scientifiques, de grands phi-
s’écrire suivant deux familles différentes et des relations qui régissent celles-ci entre losophes que les pays utilisant le fran-
de kanas, les hiraganas ou les katakanas elles. Pour autant, le comportement intel- çais et l’anglais, langues dites opaques ?
(moins complexes visuellement, compor- lectuel qui y est associé, quand on n’ânon- Les enfants deviennent-ils plus vite lec-
tant moins de traits), qui codent chacune ne pas le jeu, n’a rien à voir avec une quel- teurs ? La proportion de leur population
les mêmes 46 syllabes. conque suite des déplacements ou suite lectrice est-elle plus grande ? Ont-ils
de réactions aux actions d’un adversaire. Il moins d’illettrés ? Non.
Les kanjis, « importés » de l’écriture chinoi-
se depuis environ 1 500 ans, sont des signes est à décrire en termes d’occupations spa- À aucun endroit de l’article n’est suggérée
de nature sémiographique. On distingue 4 tiales, de scénarii possibles, de probabilités, l’idée que l’expertise en lecture pourrait
grandes catégories : les pictogrammes, les de stratégies. Et l’on sait que ce comporte- être en rapport avec l’appartenance à des
idéogrammes, les composites des deux pre- ment complexe de joueur d’échecs peut classes socio-culturelles, à un quelconque
miers et les caractères phonétiques dont il s’apprendre directement, dès le départ, statut ou pouvoir dans la société. L’aspect
est dit qu’ils composent 90% des kanjis. dans des situations-problèmes conser- sociopolitique du rapport à l’écrit est com-
vant toutes les dimensions du jeu. Mais, on plètement laissé de côté, particulièrement
À lire ces informations, le japonais serait convoque là la pédagogie. celui se rapportant à l’effet de l’occupation
donc une langue essentiellement pho- américaine après la seconde guerre mon-
nétique : on se gardera bien de contester L’auteur, lui, convoque les historiens, les
psychologues, les linguistes, les psycholin- diale. La seule allusion, s’appuyant pru-
ceci et on aurait tendance à l’accepter demment sur d’autres auteurs, qui pourrait
guistes et autres spécialistes d’imageries
de la part d’auteurs qui ont un tel niveau
cérébrales. Sauf les pédagogues. Peut-être en tenir lieu est celle-ci, p.21 : « Les travaux
d’expertise.
parce que certains d’entre eux seraient à sur les lecteurs aveugles tendent à prouver
Cependant, il est précisé que ces 90% de même de montrer qu’à observer des alpha- qu’un texte japonais pourrait théoriquement
caractères phonétiques sont « des caractè- bétisés, on ne peut conclure qu’à l’inéluc- s’écrire en kanas. La culture japonaise n’en
res formés d’un élément phonétique et d’un tabilité du comportement alphabétique. valorise pas moins les kanjis, marque d’une
élément donnant une indication souvent très Peut-être certains d’entre eux pourraient érudition plutôt associée aux hommes mûrs
vague sur le champ sémantique auquel il ap- suggérer d’observer des enfants ayant ap- et âgés. À l’inverse, les hiraganas convien-
partient : poisson+ri=poisson dont le nom se pris à lire suivant la voie directe, impossibles draient mieux à la douceur des jeunes fem-
prononce ri, la carpe ». Pourquoi ces kanjis enfants n’entrant pas dans les grilles d’ob- mes tandis que les katakanas reflèteraient
seraient-ils plus phonétiques que séman- servation de qui cherche de la conscience la modernité des jeunes hommes. Certains
tiques ? Pourquoi la perception de ces phonologique là où il n’y en aurait pas... n’hésitent même pas à dire que l’organisation
deux signes côte à côte ne donnerait-elle hiérarchique du Japon repose sur la connais-
pas directement le sens de « carpe » ? Même si l’existence de différentes théories sance des kanjis et que, sans elle, la plupart
Ce chiffre de 90% est aussitôt contredit
est suggérée, la conception dominante de des Japonais se considèrent dans l’impossi-
dans le premier article, celui de Jean-Pierre
l’article est largement phonocentriste. Elle bilité de faire la preuve de leur niveau élevé
Jaffré, p.23, qui cite différents auteurs : 80%,
l’est au point qu’on sent poindre le regret de culture. » On appréciera le haut niveau
d’une orthographe pas assez «transpa- d’analyse sociologique... Mais ajoutons les
61%, 33%... Y aurait-il différentes concep- rente» pour le français qui mériterait bien deux phrases qui suivent immédiatement :
tions en jeu derrière ces chiffres... ? quelques simplifications : exemple p.27 « Ce phénomène existe également en France
L’article de Jean-Pierre Jaffré, La mixité « Ainsi, les aléas de l’histoire multiplient les où ses défenseurs considèrent volontiers la
orthographique : le cas du japonais et du allographies (sang vs cent) là où deux lettres surnorme orthographique comme un nec plus
français, est long, 23 pages, documenté, 81 peuvent suffire (encre vs ancre) ». Sauf qu’il ultra culturel. Quoi qu’il en soit, même si
notes de bas de page. C’est la description faut bien écrire aussi « il sent », « je sens », les représentations sociales diffèrent quelque
et la nature comparées des écrits japonais « sangs », « cents » et « sans », et que, pour peu, il semble bien que l’on puisse parler
et français ; ces langues ne sont pas mono- exprimer la complexité, le cerveau, lui- d’une « orthographe » du japonais. » Elles
valentes mais mixtes, logographique, sylla- même complexe, se dote d’outils comple-
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valent leur pesant d’anti-intellectualisme seignement analytique à partir des textes, method, assimilée à la méthode globale, qui
pour l’une et d’occidentalo-centrisme pour pour revenir, dès le départ des Américains est la manière de présenter les kanas un
l’autre, car, qui douterait que le japonais et jusqu’à maintenant, à un enseignement peu moins rébarbative que leur appren-
puisse avoir une orthographe ? synthétique et phonologique. Il ouvre des tissage mécanique et empilatoire. Tous les
L’auteur a la plus grande difficulté pour perspectives intéressantes à la fin de son problèmes viendraient de là, de ces phra-
suggérer que les observations diverses et article, notamment sur la nécessité perçue ses, qui focalisent trop les enfants sur l’axe
parfois contradictoires du traitement des de compléter ce qui se fait (mais est-ce syntagmatique, sur le sens, au détriment de
kanjis pourraient être (p.35) « une consé- compatible ?) avec « partir des activités de l’attention portée aux mots, à l’axe paradig-
quence des méthodes d’enseignement ». Mais lecture et d’écriture de la vie quotidienne », matique, et à la construction progressive
pour le français, aucun doute n’est permis, « mener de front l’étude des compétences lin- de la phrase par accumulation du matériau.
la doxa des stades logographique-alpha- guistiques et celle des éléments qui constituent Les difficultés et leurs causes ainsi révélées,
bétique-orthographique est réaffirmée, la langue écrite », « apprendre à lire au tra- il y a donc des parts de marché à saisir...
martelée, au point qu’on en vient à se de- vers d’activités chargées de sens et riches sur De manière générale, beaucoup d’auteurs
mander si, face à si peu d’opposition, à si le plan linguistique » et « introduire plus tôt ont des difficultés à sortir du paradigme
peu de voix qui peuvent se faire entendre, les kanjis ». Ces perspectives brossent en phonocentriste : étude de la langue, d’où
ce n’est pas l’auteur lui-même qui doute et creux l’état de l’enseignement actuel. on déduit une manière d’apprendre, qui
martèle pour bien s’auto-convaincre. Cette vision1 est contredite par l’article donne des enfants formés d’une certaine
Anne-Marie Christin, dans L’écriture ja- final de Christian Galan, Le(s) discours sur façon, qu’on observe pour en conclure à
ponaise au regard de l’alphabet, fait immé- l’illettrisme dans le Japon contemporain, qui la « nature » phonologique de l’apprentis-
diatement après entendre un autre son de montre que les Japonais n’auraient jamais sage. On tourne en rond, un peu comme en
cloche. Elle montre que, depuis l’invention vraiment remis en cause la méthode syn- Occident...  Thierry Opillard
de l’imprimerie, notre écriture tend de thétique dans les pratiques, depuis la fin
plus en plus massivement à fonctionner du 19ème siècle, parce que la volonté des
comme un système sémiotique qui per- dirigeants est d’affirmer l’absence de l’il-
met de traiter l’écrit idéographiquement. lettrisme, de ne pas chercher à le mesurer,
Ainsi donc, limiter l’alphabet à une fonc- d’affirmer la qualité du système éducatif et
tion de transcription phonétique, relève au final de montrer une supériorité de la
d’une méconnaissance de l’histoire de no- « race japonaise ».
tre écriture et de l’utilisation qu’en font les Kiyoshi Amano, dans Problèmes pratiques
experts lecteurs et producteurs de textes, de l’enseignement de la lecture au Japon, pré-
d’une méconnaissance de comment de sente les difficultés des enfants japonais,
jeunes enfants peuvent apprendre seuls somme toute comparables aux autres pays
à lire sans passer par du déchiffrement, et systèmes d’écriture : au début «ça va
d’une méconnaissance de comment des bien», on a l’impression qu’ils lisent (alors
enseignants peuvent enseigner l’utilisa- qu’ils déchiffrent) et quand les textes, le
tion directe de l’écrit comme une matière sens, la complexité arrivent, on constate
visuelle porteuse de sens. que les enfants (on ne dit pas lesquels et
Hisayoshi Shutô, dans Panorama des mé- pourquoi) restent sur le carreau.
thodes d’enseignement de la lecture utilisées Yasuhiko Tsukada, dans Les manuels sco- 1. Les Actes de Lecture ont déjà publié des articles sur les écritures
chinoises et japonaises, articles qui ont contribué à affiner une percep-
dans les écoles japonaises, présente les diffé- laires et les méthodes d’apprentissage de la tion peut-être trop idéographiques que nous pouvions avoir d’elles.
L’article de Christian Galan contredit aussi l’article des AL n°27 de juin
rentes étapes de l’évolution des méthodes lecture dans les écoles élémentaires japonaises, 1989 écrit par Marie-Christine Collard intitulé L’enseignement de la lec-
ture au Japon, qui constitue une bonne base pour se donner les 80%
autorisées et publiées depuis 1872, année rappelle d’abord comment on apprend à d’informations nécessaires à la lecture de cet ouvrage : il présente la
de l’établissement du système éducatif lire au Japon : les syllabaires de kanas qui mixité de la langue japonaise qui comprend les deux syllabaires (les
kanas) et des caractères chinois (les kanjis). Selon les observations
moderne. Il nous décrit un mouvement permettent de déchiffrer tout ce qui est de Marie-Christine Collard en 1988, l’apprentissage des syllabaires est
un déchiffrage à voix haute qui n’aura d’utilité dans la lecture que pour
de balancier : on serait passé de l’ensei- écrit ainsi, puis les kanjis, qui émaillent déchiffrer des mots d’origine étrangère, pour repérer les mots gramma-
ticaux et pour chercher dans le dictionnaire (organisé par rapport à ces
gnement strictement synthétique à partir l’écrit de manière partielle ou intense sui- syllabaires). La lecture proprement dite est « centrée » dès le début de
l’apprentissage sur le sens du kanji et sur rien d’autre ; le maître insiste
des syllabaires, en passant, après guerre vant le niveau conceptuel de ce qu’on a à non pas sur l’identification de l’idéogramme mais sur sa signification, les
pendant l’occupation américaine, par l’en- lire. L’article consiste à incriminer la sentence enfants apprenant à comprendre des signes graphiques, à leur attribuer
du sens, dans une démarche partant de textes complexes.

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