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Annabelle Gauberti, associée fondatrice du cabinet d’avocats en droit de la musique à Paris, Crefovi, fait un point précis sur les adaptations musicales, les arrangements, les samplings et tout ce qu’il faut faire (ou ne pas faire…). Car tout au long de la journée, on entend quand
même beaucoup de bêtises. “Oui si ça dure moins de 6 secondes j’ai le droit” (Non, vous êtes le maillon faible). “Si je garde tout pareil je peux” (Non, vous êtes le maillon faible)…Je ne parle même pas des clearances de samples et autres. Donc dans cet article, vous apprendrez tout, je
dis bien TOUT, sur ce que vous ne devez pas faire. Et il y a beaucoup de choses à savoir dans ce domaine….
QU’EST-CE QUI NE VA PAS AVEC LES ADAPTATIONS MUSICALES DE CHANSONS FRANÇAISES ET LES DROITS QUI EN DECOULENT?
Auteur-compositeur talentueux, avez-vous déjà été tenté d’adapter et d’arranger cette chanson française charmante, qui joue à cet instant à la radio locale, dans un lieu exotique?
Et bien, si vous avez déjà contemplé cette option, je suggère que vous y pensiez à deux fois et que vous vous prépariez à faire des pieds et des mains pour rendre cette adaptation et cet arrangement d’une chanson française une experience financièrement gratifiante et réussie.
Une adaptation et un arrangement doivent être distingués du sampling qui, en musique, est l’acte de prendre une portion, ou un sample, d’un enregistrement sonore et de le réutiliser comme un instrument, ou un enregistrement sonore, dans une chanson ou une œuvre différente.
Par exemple, le sampling est la technique qui a entrainé le groove de Barry White, « It’s ectasy when you lay down next to me (http://youtu.be/415ucpBDiNo) » au sommet du hit parade en tant que partie de la chanson « Rock DJ (http://youtu.be/DcGcT4gkDF8) » de Robbie Williams
(2).
Pour en revenir aux adaptations et arrangements, je suggère que, avant que vous vous lanciez dans des heures et des jours de travail, pour traduire, adapter les paroles d’une chanson étrangère, et arranger une superbe partition musicale pour votre nouvelle adaptation, vous ayez
couvert tous les aspects juridiques.
En particulier, il convient de se rapprocher de tous les ayants-droits de la chanson que vous souhaitez adapter et arranger (c’est à dire l’œuvre primaire) et obtenir le consentement écrit préalable à la création de l’œuvre dérivée, c’est à dire l’adaptation et l’arrangement de l’œuvre
primaire. Afin d’atteindre cet objectif, il faut que vous contactiez :
- l’auteur-compositeur de la chanson primaire, qui détient le droit moral et, parfois, une partie des droits d’auteur, en fonction de l’accord qu’il a passé avec son éditeur musical ;
- l’éditeur musical, qui est d’habitude le propriétaire exclusif des droits d’auteur sur la chanson primaire, qui ont été assigné par l’auteur-compositeur original à l’éditeur musical, dans le cadre de l’accord auteur-compositeur/éditeur, et
- dans le cas où vous avez l’intention d’utiliser l’enregistrement original (le « Master ») sur lequel était enregistré la chanson primaire de l’auteur-compositeur interprète original, la maison de disques qui est propriétaire du Master primaire.
Obtenir l’autorisation de tous les ayants-droits sur la chanson primaire, pour l’utilisation de cette chanson pour la création du nouvel arrangement musical et de l’adaptation, peut être un processus long, parfois même mission impossible. Alors que des désaccords sur le type
d’adaptations créatives peuvent se former, une des difficultés majeures auxquelles vous allez probablement être confrontées, durant les négociations avec l’auteur compositeur original et son éditeur, sera centrée sur le partage des droits relatifs à l’œuvre dérivée.
Il semblerait qu’il y ait des différences importantes, entre pays, sur ce que l’expression «partage équilibré des droits », entre les ayants-droits de l’œuvre primaire et les ayants-droits de l’adaptation et de l’arrangement, signifie. Alors que je comprends qu’il est usuel, au Japon, pour
les adaptateurs-arrangeurs d’obtenir 50% de droits sur les chansons qu’ils ont adaptées et arrangées, la pratique commune, en France est… un pourcentage de 10% pour l’adaptateur-arrangeur, alors que les 90% restants vont à l’éditeur de l’auteur-compositeur original (3).
Quelle est la motivation d’un auteur-compositeur d’adapter et d’arranger une chanson française, enregistrée à la SACEM, s’il n’obtiendra que 10% des droits sur l’œuvre nouvelle issue de l’arrangement et de l’adaptation ?
Pendant que vous y réflechissez, je souhaite soulever un autre point: sur quels droits un adaptateur-arrangeur d’une chanson française recevrait-il une part de 10%? La réponse est mentionnée dans les statuts de la SACEM.
(http://virginieberger.com/wp-content/uploads/2012/02/artist-copy.jpg)
Les droits d’exécution publique (provenant de concerts et autres performances publiques) sont statutaires, ce qui signifie que leur partage est prévu par les statuts de la SACEM et ne peut être modifié par les parties. Conformément aux dispositions des articles 66 et 70 des
statuts de la SACEM, l’adaptateur de l’œuvre originale et éditée, contenant de la musique et des paroles, recevra 2/12 des droits d’exécution publique, alors que l’arrangeur de cette même œuvre originale et éditée, contenant de la musique et des paroles, recevra 1/12.
Les droits de reproduction mécanique sur les droits d’exécution publique (aussi appelés droits mécaniques complémentaires, et provenant de la diffusion télévisuelle, radiophonique, ainsi que de la diffusion sur internet de sites tels que Dailymotion, YouTube et Vimeo) sont aussi
statutaires et règlementés par les statuts de la SACEM. Selon l’article 76 des statuts de la SACEM, l’adaptateur de l’œuvre originale et éditée, contenant de la musique et des paroles, recevra 12,50% des droits mécaniques sur les droits d’exécution publique, alors que l’arrangeur de
la même œuvre originale et éditée, contenant de la musique et des paroles, recevra 6,25%.
Il est important de noter que les partages sur les droits de reproduction mécanique sur les droits d’exécution publique ne s’appliquent qu’aux diffusions télévisuelles et radiophoniques, étant donné que je comprends, après avoir parlé avec le département juridique de la
SACEM, que la SACEM a maintenant passé un accord avec Google, le propriétaire de YouTube, selon lequel Google payera 3 euros à chaque fois qu’une vidéo est vue au moins 50 000 fois sur YouTube.
Les seuls droits, qui sont librement déterminés par les parties, sont les droits de reproduction mécaniques, c’est à dire les droits perçus sur la vente de CDs, cassettes, les téléchargements internet et tout autre type de support multimédia.
En conséquence, le partage de 10% pour les arrangeurs et les adaptateurs de chansons françaises enregistrées à la SACEM, s’appliquera seulement en relation avec les droits de reproduction mécanique, étant donné que les droits d’exécution publique et les droits de reproduction
mécanique sur les droits d’exécution publique sont tous deux déterminés statutairement par la SACEM.
(http://virginieberger.com/wp-content/uploads/2012/08/enjoy-the-silence.jpg)
Il est important de noter, toutefois, que les droits de synchronisation, c’est à dire les droits dérivés de l’utilisation de chansons dans des programmes télévisuels, les publicités, la home vidéo, les films, et tous les autres projets visuels (4), sont aussi déterminés librement par les parties
et sont normalement mis au même niveau que les droits de reproduction mécanique. Les droits de synchro représentant une source potentielle de revenus très conséquente, pour les ayants-droits, voici encore un domaine dans lequel l’adaptateur-arrangeur sera perdant, puisqu’il ne peut
prétendre qu’à 10% de ces droits de synchro.
Pour conclure sur les partages de droits, l’adaptateur-arrangeur d’une chanson française doit obtenir l’autorisation de l’auteur-compositeur et de l’éditeur de l’œuvre primaire et, en particulier, clarifier et se mettre d’accord sur le niveau des droits de reproduction mécanique et
des droits de synchro, notamment en signant un contrat d’adaptation et d’arrangement avec les ayants-droits de la chanson originale.
Une fois que les autorisations sont obtenues, vous pouvez adapter et arranger une nouvelle version!
Une fois que vous vous êtes mis d’accord sur le niveau des droits de reproduction mécanique et de synchro, avec les ayants-droits de la chanson originale, et, si vous voulez aussi utiliser le Master de l’œuvre originale, après avoir obtenu l’autorisation du propriétaire du Master, qui est
normalement le label de musique, d’utiliser ce Master pour la création de la chanson adaptée, alors vous pouvez… commencer à travailler!
Après avoir crée de superbes adaptation et arrangement, créant une version étrangère de cette chanson française originale, vous devrez enregistrer l’œuvre dérivée tant avec la SACEM qu’avec la société de gestion collective de droits du pays dans lequel vous et votre éditeur
êtes basés.
Par exemple, si un auteur-compositeur britannique adapte et arrange une version anglaise d’une chanson française, enregistrée à la SACEM, il devrait enregistrer l’adaptation anglaise tant avec la SACEM qu’avec la société de gestion de droits anglaise PRS
(http://www.prsformusic.com) . Sur les bulletins d’enregistrement de la SACEM et de PRS, il devra mentionner qu’il a obtenu l’autorisation de tous les ayants-droits de la chanson originale. La SACEM collectera les droits, sur l’adaptation anglaise, en France, alors que PRS collectera les
droits sur la version anglaise, dans le reste du monde.
Pour conclure, je recommande fortement à un auteur-compositeur de faire une évaluation initiale des coûts/avantages de l’adaptation et de l’arrangement d’une chanson française enregistrée à la SACEM, avant même de commencer à travailler sur la création d’une
adaptation et d’un arrangement.
Alors qu’elle pourrait devenir un hit, tel que « My way », l’adaptation anglaise de «Comme d’habitude », elle demandera beaucoup de sueur, temps et énergie pour obtenir toutes les autorisations nécessaires, s’accorder sur le partage des droits de reproduction mécanique et de synchro, et
pour ensuite créer une adaptation réussie, sachant que les récompenses financières seront maigres, dans le meilleur des cas.
Il semble juste de dire qu’il existe peu d’incitations à la création d’un hit international, en partant d’une chanson française, étant donné que l’auteur-compositeur français original et son éditeur toucheront 90% des droits mondiaux de reproduction mécanique et de synchro sur la version
anglaise, alors que l’arrangeur-adaptateur anglais devra se satisfaire des 10% restant!
2 «Crossover, the wacky world of sampling », Dominic King.Gérer le juridique avant la création de l’œuvre musicale dérivée
3 Le partage des droits peut être encore plus féroce dans le domaine du sampling. Selon Dominic King, dans son article « The wacky world of sampling », Richard Ashcroft, leader du groupe The Verve, a écrit une chanson basée sur l’arrangement de Andrew Loog Oldham Orchestra
de la chanson « The last time », écrit par les Rolling Stones. Des négociations de dernières minutes furent entamées avec les représentants des compositeurs originaux, Mick Jagger et Keith Richards, qui n’aboutirent pas: M Ashcroft a été obligé de renoncer à sa part d’auteur-
compositeur sur cette chanson, sur laquelle Jagger/Richards et leurs éditeurs ont obtenu 100% des droits.
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