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Alin Tat
Augustin chez Guillaume de Saint-Thierry. Le cas de De contemplando Deo
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Jacques Hourlier, „Introduction” in Guillaume de Saint-Thierry, La contemplation de Dieu, Paris, 1977, p.
40.
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Jacques Hourlier, „Introduction” in Guillaume de Saint-Thierry, La contemplation de Dieu, Paris, 1977, p.
40.
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Nous procédons en quatre étapes, en évaluant, point par point, les influences
subies dans les thèmes suivants : 1. la doctrine de la Trinité, 2. le dynamisme de l’amour
en l’homme, 3. les vertus des païens, 4. traces diverses. En identifiant les passages ou
l’abbé de Saint-Thierry est le plus proche d’Augustin, nous avons aussi l’occasion de
revisiter quelques idées formulées par l’évêque d’Hippone.
La Trinité
L’amour
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affection, dis-je, qui s’appelle en nous l’amour, et se corrompt trop souvent dans l’âme
créée par toi et pour toi ; pour toi seul, il est créé avec nous et implanté en nous.”(CD 8,
1-7)3
Les expressions desiderare desiderium et amare amorem, employées pour
caractériser le dynamisme de la vie spirituelle, sont aussi d’origine
augustinienne : „Seigneur, je suis certain, certes, de par ta grâce, d’avoir en moi le désir
de te désirer et l’amour de t’aimer de tout mon cœur et de toute mon âme. Jusque-là tu
m’as fait progresser, jusqu’à désirer te désirer et aimer t’aimer. Mai quand j’aime ainsi,
ce que j’aime je ne le sais. Qu’est-ce en effet qu’qimer l’amour, désirer le désir ? C’est
par l’amour que nous aimons, si nous aimons quelque chose ; c’est par le désir que nous
désirons tout ce que nous désirons.”(CD 4, 20-25)4
Guillaume définit, d’ailleurs, l’amour en termes proprement augustiniens : „C’est
la véhémence de cette bonne volonté que l’on appelle en nous l’amour, par lequel nous
aimons ce que nous devons aimer, c’est-à-dire toi-même. L’amour en effet n’est rien
d’autre que la volonté véhémente et bien ordonnée.”(CD 11, 18-21)5
Sur la vertus des païens, il y a au moins un passage, mais très claire et suffisant,
dans lequel Guillaume se montre de nouveau disciple de S. Augustin. Il emploie la thèse
de celui-ci, selon laquelle les vertus sans la charité théologale ne sont que des vertus
apparentes, ce qui s’applique aux prétendus modèles païens : „beaucoup cultivent la
justice de leur affection, alors qu’ils en sont loin dans l’effet : ils l’approuvent et ils
l’aiment en elle-même, mais ils ne l’exercent pas en eux-même. Ceux-là t’aiment-ils
vraiment, ô Dieu, vraie justice, ceux-là t’aiment-ils vraiment ? Les philosophes de ce
monde l’ont cultivée autrefois, et par l’affection de l’amour, et par l’efficacité de l’action
(…) Cependant, ils sont convaincu de n’avoir pas aimé la justice, eux qui ne t’ont pas
aimé, toi en qui se trouve la fontaine et l’origine de la vraie justice, à qui elle retourne
comme à sa fin.”(CD 12, 3-12)
3
Cf. S. Augustin, Confessiones XIII, 6, 33.
4
Cf. S. Augustin, De Trinitate VIII, 8, 12 ; IX, 2, 2 ; Confessiones II, 1,1.
5
Cf. S. Augustin, De Trinitate XV, 21, 41.
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Pour spécifier la vertu chrétienne, Guillaume cite deux autres ouvrages
augustiniens, De libero arbitrio et Retractationes : „illuminé par sa vérité et son amour, il
(le Christ) use bien, pour le bien, de toutes choses, de celles qui peuvent servir au bien, et
de celles qui portent au mal, et de celles qui tiennent le milieu entre les unes et les autres :
ce qui est le propre de la vertu chrétienne. La vertu en effet, comme on l’a déjà dit avant
nous, est le bon usage de la volonté libre et l’acte de la vertu, c’est le bon usage de ces
choses dont nous pourrions aussi mal user.”(CD 12, 33-39)6
6
Cf. S. Augustin, De libero arbitrio II, 19, 50 ; Retractationes I, 9, 6.
7
Cf. S. Augustin, Confessiones IV, 4, 9.
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déglutis sans doute, quelle qu’elle puisse être, dans l’espoir de la vie éternelle.”(CD 12,
58-67)8
Une autre expression augustinienne, regula verbi veritatis – qui provient cette fois
du traité De doctrina christiana – se trouve dans le passage suivant : „Hélas, Seigneur,
combien il est précipité, combien téméraire, combien présomptueux, combien il est
étranger à la règle du verbe de vérité et de ta sagesse, pour le cœur immonde, de vouloir
voir Dieu !”(CD 2, 2-6)9
Pour conclure, il est intéressant de noter que Guillaume cite ou se réfère assez
clairement à plusieurs ouvrages augustiniens, dont les plus fréquentes sont De Trinitate
avec 8 références et Confessiones avec 5 références, mais il y a aussi Contra academicos,
De doctrina christiana, De libero arbitrio, De vera religione et quelques autres. Tout cela
prouve une connaissance intime de l’œuvre de l’évêque d’Hippone basée, sûrement, sur
une admiration génératrice d’émulation spirituelle de la part de Guillaume de Saint-
Thierry.
Bibliographie
8
Cf. S. Augustin, Confessiones X, 40, 65.
9
Cf. S. Augustin, De doctrina christiana 7.
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