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SUPPLÉMENTS DU LIVRET DES CONTES D’HOFFMANN

Ces textes complètent le numéro 235 de L’Avant-Scène Opéra


N° 1 B Scène et Couplets de la Muse N° 1 D Mélodrame et Musique de scène
(Offenbach) (Guiraud II)
(Le texte de ce numéro correspond à celui du N° 1A.) (Le texte de ce numéro correspond à celui du N° 1C.)

N° 1 C Scène et Couplets de la Muse N° 1 bis Monologue de Luther


(Guiraud I) (création de 1881)
LA MUSE
La vérité, dit-on, sortait d’un puits ; la Muse, Luther, les garçons de la Taverne.
Si vous le permettez, sortira d’un tonneau, LUTHER (entrant suivi de ses garçons)
S’en remettant du soin de trouver son excuse Allons ! mes enfants, préparez cette salle ! Le pre-
À tous les gens de bien qui ne boivent pas d’eau. mier acte de Don Juan va finir et nous allons recevoir,
La Muse ? direz-vous… quelle Muse ?… une folle dans un moment, M. Hoffmann et ses joyeux amis.
Qui s’est enamourée, au seuil d’un cabaret, (à un de ses garçons) Toi, Fritz, à tes casseroles!… Le
D’un ingrat que les yeux d’une beauté frivole souper pour dix heures précises, après la représenta-
Vont asservir encore à leur perfide attrait !… tion. Il est à remarquer que, quand le souper se fait
attendre, ces messieurs cassent la vaisselle !… Affaire
Couplets d’habitude !…
(Les garçons éclairent et préparent la salle. Luther s’ap-
Oui, j’aime cet Hoffmann dont j’ai séché les larmes, proche d’un garçon qui a ouvert la petite porte de droite
Alors que dans la vie, océan inconnu, et qui écoute.)
S’élançant au hasard, sans boussole et sans armes, Qu’est-ce que tu écoutes, toi?… Tu te permets d’écou-
Il y brisait son âme et son cœur ingénu !… ter la musique de Mozart!… À tes chopes, drôle! à tes
Déjà je m’asseyais à son foyer solitaire, chopes! (Il le pousse par l’épaule. À part)
Quand cette femme encor vient s’offrir à ses yeux C’est un prince russe qui fit ouvrir cette porte de
Et troubler d’une ardeur décevante, stérile communication entre le théâtre et ma taverne, pour
Cette âme où s’éveillait l’amour fécond des cieux ! n’avoir qu’un pas à faire de sa maîtresse à ma cave.
Depuis ce temps-là, tous mes garçons veulent se
*** faire ténors !… Je mettrai un verrou.
Elle est sur la scène ; un peuple l’acclame… (Il va pour fermer la porte et s’arrête.) Oh ! oh ! Voilà
Monsieur le conseiller Lindorf qui nous arrive en
(Le texte qui suit correspond à celui du numéro 1A.) droite ligne des coulisses. Qu’a-t-il donc ?… il
paraît agité. (Lindorf entre en scène suivi d’Andrès.)

COMMENTAIRE
PAR JEAN-CHRISTOPHE KECK
N° 1B - Scène et Couplet de la Muse (Offenbach) l’Apothéose finale en un nouvel air de la Muse
qui viendrait remplacer le numéro originelle-
La seule version définitive et entièrement ment composé par Offenbach.
rédigée par la main d’Offenbach que l’on
connaisse de ce numéro (une esquisse pour N° 1bis – Monologue de Luther (création de
chant et piano) a la particularité d’être notée un 1881)
ton plus bas. C’est certainement Guiraud qui N° 2B – Dialogue (création de 1881)
décida d’une ascension tonale, lorsqu’il instru- N° 2C – Récitatif de Lindorf (Guiraud)
menta cette pièce. Afin de respecter au mieux
les volontés d’Offenbach, notre édition en pro- Le soir de la création, le récitatif composé par
pose aussi une version orchestrée, en Ré majeur, Offenbach et orchestré par Guiraud est dans un
le ton souhaité par Offenbach. premier temps supprimé et remplacé par un
simple dialogue entre Lindorf et Andrès. Lors-
N° 1C – Scène et Couplets de la Muse (Guiraud I) qu’il entreprend le remplacement des scènes
N° 1D – Mélodrame et musique de scène parlées par des récitatifs destinés à la diffusion
(Guiraud II) de l’œuvre à l’étranger, Guiraud, au lieu de réin-
troduire simplement ce numéro en ses lieux et
Lors des répétitions et après la mort d’Offen- place, décide d’en réaliser une version conden-
bach, Guiraud, pour des raisons encore obs- sée.
cures, décida de transformer la musique de
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N° 2 B Dialogue LUTHER (à un garçon)
(création de 1881) Deux bouteilles pour Monsieur le conseiller Lin-
dorf !… (aux autres garçons)
Lindorf, Andrès, Luther. Par ici, vous autres ! (Il sort avec ses garçons.)
LINDORF (entrant précipitamment et poussant Andrès LINDORF
devant lui) Dis-moi !… à Milan, d’où elle vient…
Le conseiller Lindorf, morbleu !… Tu ne connais ANDRÈS
pas le conseiller Lindorf ?… Oui.
ANDRÈS LINDORF
Non !… Elle a fait tourner bien des têtes, n’est-ce pas ?
LINDORF ANDRÈS
Tu ne l’as pas vu offrir des pastilles à ta divine maî- Dame !
tresse, là, tout à l’heure, derrière un portant de cou-
LINDORF
lisse ?
Est-ce qu’on peut lui résister ?…
ANDRÈS
ANDRÈS
Non !
Non !…
LINDORF
LINDORF
Des pastilles qu’elle a daigné trouver exquises ?…
Une voix de rossignol !…
ANDRÈS
ANDRÈS
Non !
Oui.
LINDORF
LINDORF
Eh bien ! c’est moi !
Et des yeux !…
ANDRÈS
ANDRÈS
Qui ?
Ah !…
LINDORF
LINDORF
C’est moi qui suis Lindorf !
Aussi tendres que le cœur, sans doute ?
ANDRÈS
ANDRÈS
Ah !…
Oui.
LINDORF (l’imitant)
LINDORF
Ah !…
Crois-tu qu’elle aime quelqu’un ?…
LUTHER (intervenant, à Andrès) (Andrès, sans répondre, fait glisser son pouce sur son
Mais, mon ami, tout le monde connaît le conseiller index.)
Lindorf !… J’ai dans ma cave un vin qui porte son Hein ?…
nom !… (même geste d’Andrès)
LINDORF (sans écouter Luther) Plaît-il ?…
Adorable Stella !… Le regard qu’elle m’a jeté en me (Andrès se frappe la paume de la main avec le pouce.)
disant : « Elles sont exquises !… » m’a brûlé le Ah ! très bien !… (lui donnant de l’argent)
sang !… Tiens ! voilà dix thalers. Aime-t-elle quelqu’un ?
ANDRÈS (riant) ANDRÈS
Hi ! Oui.
LUTHER (très gracieux) LINDORF
Alors ce ne sera pas trop de deux bouteilles pour Enfer !… n’importe !… Son nom ?
rafraîchir Monsieur le conseiller ?… ANDRÈS (avec indignation)
LINDORF Oh !…
Tout ce que tu voudras, mon ami !… va ! va !… (Il fait de nouveau glisser son pouce sur son index.)

N° 7B – Romance et Couplets (Guiraud) trio supprimé, Hoffmann doit attendre plus de


la moitié de l’acte avant de chanter un air véri-
Lors des dernières répétitions à l’Opéra- table. Il fut alors convenu que la Romance « Ah !
Comique, Talazac, le créateur du personnage vivre deux » serait déplacée en début d’acte et
d’Hoffmann, vit son rôle amputé de nombreuses intégrée au No 7. Il semble que cette décision ait
pages, dont certains de ses airs les plus brillants. été entérinée par Guiraud après la mort d’Of-
Le Trio des yeux fut sûrement un des premiers fenbach. Le texte du second couplet nouveau
morceaux à être retiré de la partition. Dans ce provient d’une version primitive du livret que
numéro figure un air destiné à mettre le ténor Barbier avait offerte au compositeur Hector
en valeur : « Ange du ciel, est-ce bien toi ». Ce Salomon.

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LINDORF Le conseiller Lindorf !… Ne crains rien et me suis.
Comment, encore ! (lui donnant de l’argent) N’as-tu pas pour maîtresse
Tiens, Arabe !… dix et dix font vingt. Son nom ?… La Stella, cette enchanteresse ?
ANDRÈS (lui montrant une lettre qu’il tient à la main) ANDRÈS
Là… Oui.
LINDORF (lisant la suscription de la lettre) LINDORF
Hoffmann !… J’en étais sûr !… Je ne te demande Qui vient de Milan…
pas cette lettre, tu ne me la donnerais pas. ANDRÈS
ANDRÈS Oui.
Non. LINDORF
LINDORF Traînant sur ses pas
Mais tu me la vendrais peut-être avec plaisir ? Nombre d’amoureux, n’est-ce pas ?
ANDRÈS ANDRÈS
Oui. Oui.
LINDORF (lui offrant de l’argent) LINDORF
Dix thalers pour la lettre ? C’est à l’un d’eux, je gage,
ANDRÈS Que tu portes ce message ?
Non. ANDRÈS
LINDORF Oui.
Vingt ?… LINDORF
ANDRÈS Je te l’achète.
Non ! ANDRÈS
LINDORF (levant sa canne) Bon.
Trente !… LINDORF
ANDRÈS Dix thalers !
Oui ! (Il prend l’argent et donne la lettre.) ANDRÈS
LINDORF Non !
Il me ruine, ce gredin-là !… Va-t’en au diable ! LINDORF
ANDRÈS Vingt ! Trente !…
Oui. (Il sort.) (Andrès ne répond pas. À part)
Parlons-lui sa langue.
LINDORF (seul)
(levant sa canne)
Voyons si la maîtresse est aussi monosyllabique que
Quarante !
le valet. Ce que je fais n’est pas délicat, mais je suis
habitué à ces façons d’agir. D’ailleurs, j’ai payé la ANDRÈS
lettre ; donc elle est à moi. Oui !…
(Il ouvre la lettre et en tire une petite clef.) LINDORF (lui donnant de l’argent et prenant la lettre)
Tiens ! une clef ! Tiens, Arabe !… Donne, et va-t’en au diable ! va-t’en
(lisant) « Cher Hoffmann, te souviendras-tu de au diable !
m’avoir aimée ? Me pardonneras-tu ce que je t’ai fait ANDRÈS
souffrir ? Voici la clef de ma loge. » – Ah ! ah ! je suis Oui ! oui !
plus heureux que je ne croyais. – « Je t’attends dans
LINDORF
deux heures, après la représentation. Tu peux te
Voyons ; pour Hoffmann…
venger ; je t’aime. Stella. » – Oh ! les femmes ! les
femmes !… Celle-ci a rencontré au début de sa vie
(Le texte qui suit correspond à celui du N° 2A.)
un de ces cœurs simples qui se donnent tout entiers
et elle en a fait bon marché. Aujourd’hui que ce naïf
N° 7 B Romance et Couplets (Guiraud)
amoureux est devenu le conteur Hoffmann et le
plus grand ivrogne de toute l’Allemagne, il lui
Hoffmann, seul.
prend envie de goûter du nouveau et elle vient le
chercher jusque dans la taverne de maître HOFFMANN
Luther !… Eh bien, non !… cela ne sera pas ! Allons ! courage et confiance !
Je deviens un puits de science !
Il faut tourner selon le vent.
N° 2 C Récitatif et Couplets de Lindorf Pour mériter celle que j’aime,
(Guiraud) Je saurai trouver en moi-même
L’étoffe d’un savant !
Lindorf, Andrès. Elle est là ! si j’osais !
(Il soulève tout doucement la portière de droite.)
LINDORF (entrant, suivi d’Andrès)
C’est elle !… Elle sommeille !… Qu’elle est belle !…
Le conseiller Lindorf, morbleu ! C’est moi qui suis

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Romance NICKLAUSSE
Quoi ? D’un regard… par la fenêtre ?
Ah ! vivre deux !… N’avoir qu’une même espérance, HOFFMANN
Un même souvenir ! Il suffit d’un regard pour embrasser les cieux !
Partager le bonheur, partager la souffrance,
NICKLAUSSE
Partager l’avenir !…
Quelle chaleur ! Au moins sait-elle que tu l’aimes ?
Laisse, laisse ma flamme
Verser en toi le jour ! HOFFMANN
Laisse éclore ton âme Non !
Aux rayons de l’Amour ! NICKLAUSSE
Foyer divin !… Soleil dont l’ardeur nous pénètre Écris-lui !
Et nous vient embraser !… HOFFMANN
Ineffable désir où l’on sent tout son être Je n’ose pas.
Se fondre en un baiser.
NICKLAUSSE
Laisse, laisse ma flamme, etc.
Pauvre agneau ! Parle-lui !
NICKLAUSSE (paraissant au fond)
HOFFMANN
Pardieu !… j’étais bien sûr de te trouver ici !
Les dangers sont les mêmes.
(Le texte de ce numéro correspond à celui du N° 7A.) NICKLAUSSE
Alors, chante, morbleu, pour sortir d’un tel pas !
N° 7 C Scène, Romance et Cabalette HOFFMANN
Monsieur Spalanzani n’aime pas la musique.
Hoffmann, Nicklausse. NICKLAUSSE
NICKLAUSSE (paraissant au fond) Oui je sais, oui je sais. Tout pour la physique !
Pardieu !… j’étais bien sûr de te trouver ici ! Eh bien ! Je n’ai pas peur,
HOFFMANN (laissant brusquement retomber la portière) C’est moi qui de ce jeune cœur
Chut ! Sonderai le mystère et chanterai pour toi.
NICKLAUSSE HOFFMANN
Pourquoi ?… C’est là que respire Es-tu fou ?
La belle Olympia ?… Va, mon enfant, admire ! NICKLAUSSE
HOFFMANN Non, non !
C’est un ange ! Oui, je l’adore ! HOFFMANN
NICKLAUSSE Veux-tu te taire ?
Attends à la connaître mieux ! NICKLAUSSE
HOFFMANN J’ai le droit de chanter. [Sois sans peur
L’âme qu’on aime est aisée à connaître ! Je chante assez bien ce me semble
Pour peindre comme il faut

N° 7C – Scène, Romance et Cabalette cette pièce, opéra une transposition un ton plus
haut de la seconde partie de l’ensemble, ainsi
Offenbach aurait-il un moment envisagé de que différentes modifications mélodiques.
faire chanter à Nicklausse une cavatine suivie
d’une cabalette, dans la plus pure tradition bel- Dialogues (création de 1881)
cantiste ? Tout porte à le croire puisque les Scène B (Guiraud) et
paroles de Nicklausse, dans le petit récitatif qui Air de Coppélius (Vienne 1905)
succède à la première romance « Ô rêve de joie »,
sont tout à fait explicites : « On peut trouver, Pour bâtir ce récitatif, Guiraud reprend la par-
pour éveiller son cœur, une chanson nouvelle ». tition coupée du Trio des yeux et en présente
Sans compter que du point de vue musical, les une version abrégée en ne conservant que les
deux numéros s’enchaînent parfaitement. passages traités par Offenbach en arioso. Il
retouche son orchestration et pratique quelques
N° 8B – Trio des yeux (Offenbach) petits aménagements. Il conserve quasiment
tout le récitatif d’introduction, ne garde que les
La seule version entièrement rédigée de la 12 premières mesures de la section « Je me
main d’Offenbach que nous connaissions de ce nomme Coppélius », qu’il enchaîne avec le
Trio est une version pour chant et piano, avec la thème « Chacun de ces lorgnons rend noir
partie d’Hoffmann écrite en clef de Fa. C’est cer- comme le jais ». Puis, par une habile modulation,
tainement Guiraud qui, au moment d’orchestrer il retrouve le ton original de la phrase « Ah pour-

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Les tourments de ton cœur.] NICKLAUSSE
Une guitare ? Bon ! C’est trop fort.
HOFFMANN HOFFMANN
Je tremble ! Va, langue de vipère,
Chante, chante, elle dort.
Romance NICKLAUSSE
[NICKLAUSSE Au diable !
O rêve de joie et d’amour…
Te donner mon âme et ma vie, Coppélius entre tout doucement par la porte de gauche ;
T’adorer jusqu’au dernier jour, il a un sac sur l’épaule et des baromètres à la main.
C’est le seul bien que j’envie COPPÉLIUS
Si j’étais payé de retour. C’est moi, Coppélius, doucement, prenons garde.
Tu verrais… (apercevant Hoffmann) Quelqu’un !
Que verrais-tu mon amie ?
Tu verrais mon âme ravie (Le texte qui suit correspond à celui du numéro 8A.)
Comme une reine dans sa cour.
Tu serais de mes vœux suivie, Dialogue (création de 1881)
O rêve de joie et d’amour !]
Hoffmann, Nicklausse, Coppélius.
Les mêmes.
COPPÉLIUS
NICKLAUSSE C’est moi, Coppélius !… à nous deux, mon vieux
Est-ce bien cela ? Spalanzani !… Je doute que ma visite lui fasse
Que dit-elle ? grand plaisir.
HOFFMANN (apercevant Hoffmann) Quelqu’un !…
Rien ! NICKLAUSSE (se retournant)
NICKLAUSSE Hein ?…
Rien ? COPPÉLIUS
HOFFMANN Ce Monsieur paraît bien absorbé dans sa contem-
Elle semble rêver. plation.
NICKLAUSSE (regardant par-dessus l’épaule d’Hoffmann)
Ah, tu rêves ! Ah ! ah !… notre Olympia !…
On peut trouver pour éveiller son cœur NICKLAUSSE (à part)
Une chanson nouvelle. Leur Olympia ?…
COPPÉLIUS
Cabalette Eh ! jeune homme !… Monsieur !…
NICKLAUSSE (s’avançant)
NICKLAUSSE (chantant et s’accompagnant) Inutile !…
Voyez-la sous son éventail,
COPPÉLIUS
Tourner, baisser, lever la tête,
Ah !…
Ouvrir ses yeux d’émail,
Et dire d’un air bête : NICKLAUSSE
Oui, oui, oui, oui, halte là, Voilà le seul moyen de vous faire entendre.
C’est la belle Olympia ! (Il frappe sur l’épaule d’Hoffmann.)
HOFFMANN (se retournant)
Je sais des horloges de bois Plaît-il ?…
D’où sort un petit coq en cuivre NICKLAUSSE (riant)
Qui chante par trois fois, Vous voyez !…
Tend l’aile et semble vivre.
COPPÉLIUS (saluant)
Kokoriko, ce coq-là,
Monsieur !… Belle fille, n’est-ce pas ? Belle fille tout
Me rappelle Olympia.
à fait !…

N° 8 B Récitatif et Trio des yeux HOFFMANN (avec humeur)


(Offenbach) Monsieur, je…
COPPÉLIUS
Les mêmes, puis Coppélius. Vous ne regardiez pas Olympia, la fille de mon ami
NICKLAUSSE Spalanzani ?
Elle ne rêve plus, j’espère ! HOFFMANN
HOFFMANN Votre ami, dites-vous ?…
Pas un mouvement… COPPÉLIUS

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Oui, Monsieur, c’est moi qui lui vends des baro- COPPÉLIUS (accroupi)
mètres ; (saluant) Coppélius, fabricant de baro- Non, Monsieur ! Des yeux véritables, des yeux
mètres, thermomètres, hygromètres. – Monsieur vivants comme ceux de la nature, verts, noirs, bleus,
n’aurait pas besoin d’un baromètre ?… tristes, gais, perçants et clairs !… Chacun de ces
HOFFMANN verres a une âme qui colore, transforme, anime ou
Non, merci !… flétrit les objets !…
NICKLAUSSE HOFFMANN (entre ses dents)
Il ne se soucie pas de savoir le temps qu’il fait. Charlatan !…
COPPÉLIUS COPPÉLIUS (avec flegme)
Oui, je comprends. – Heureux les amoureux, n’est- Pardon!… Opticien. – Tenez! ce lorgnon, par exemple;
ce pas ?… La pluie ou le soleil leur est tout un. une pièce rare!… trois ducats!… Essayez!…
(Il présente un lorgnon à Hoffmann.)
HOFFMANN
Vous dites !… HOFFMANN
Pardieu, je veux savoir… (Il prend le lorgnon.)
COPPÉLIUS
Achetez-moi donc un petit baromètre !… NICKLAUSSE
Qu’est-ce qu’on voit là-dedans ?…
HOFFMANN
Eh ! morbleu !… COPPÉLIUS
Tout ce qu’on veut.
NICKLAUSSE (à part)
Il y tient. HOFFMANN (soulevant la portière de droite et regardant
avec le lorgnon)
COPPÉLIUS
Ciel !…
Préférez-vous l’optique!… J’ai des yeux, de beaux yeux!…
COPPÉLIUS (remettant les lunettes dans le sac)
HOFFMANN (avec colère)
Oui, n’est-ce pas ? L’enfant est plus belle encore ?…
Ah !…
Hein ! Comme ses yeux s’animent ! Comme ses
COPPÉLIUS (vidant à terre son sac rempli de lunettes, de joues se colorent ! Comme son front resplendit !…
lorgnettes et de lorgnons) (se relevant) Trois ducats !…
Voyez ! de beaux yeux ! de jolis yeux !…
HOFFMANN (dans l’extase)
NICKLAUSSE Olympia !…
Des lunettes ?…

quoi me ravir cette image de bonheur et flamme à Olympia, Guiraud prit le parti de
d’amour » sur laquelle il clôt la première partie conserver dans le présent numéro la mélodie de
de ce récitatif. cette Romance jouée par la flûte. Hoffmann,
Vingt-quatre ans plus tard, c’est par une accompagnant cette mélodie, se contente de
modulation non moins habile qu’est inséré, au chanter les paroles du second couplet « Ah !
milieu de cette scène, l’Air de Coppélius. Pour comprends-tu, dis-moi » d’abord sur une note
cet air, Gunsbourg (puisqu’il semble que ce soit unique avant de rejoindre la mélodie originelle.
à lui que nous devons cette modification) se sert Les rôles des instruments d’accompagnement
de la chanson de Dapertutto, pour laquelle il sont aussi redistribués : le cor est remplacé par
demande à Pierre Barbier, le fils de Jules, la rédac- les premiers violons et les violoncelles par les
tion d’un texte nouveau. altos. Ainsi, Guiraud transforme une redite trop
flagrante en une belle évocation musicale.
N° 9bis B – Chanson d’Olympia et Scène (1877)
N° 11B – Scène (Guiraud)
Cet air, composé, semble-t-il, vers 1877 pour le N° 19B – Chanson (juin 1880)
soprano lyrique Marie Heilbronn, est la pre-
mière version de la Chanson d’Olympia. La tessi- L’atmosphère de cet air est totalement diffé-
ture plus basse et le caractère moins léger que rente de la version définitive. D’une facture
celui de la version définitive nous éclairent assez étrange, l’introduction est construite par
quant à la conception originelle du rôle. l’alternance de mesures à 6/8 et de mesures à
7/8. Ce rythme volontairement déséquilibré crée
N° 10B – Scène et Romance (Guiraud) un certain malaise. De même, les syncopes
répondant aux traits fuyants des basses font
Lors des modifications apportées par Guiraud véritablement penser au serpent qui se faufile
à la partition d’Offenbach, il fut décidé que la dans la pierraille avec la rapidité de l’éclair.
Romance « Ah ! vivre deux » serait chantée par Après un silence, Dapertutto entonne son cou-
Hoffmann en début d’acte. Ne pouvant laisser à plet. La première phrase est on ne peut plus
Hoffmann la seule Scène pour déclarer sa expressive. Un grand calme se dégage de la

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COPPÉLIUS (allant faire retomber la portière) Éclaire, ou flétrit
Trois ducats !… Les objets.
HOFFMANN
Ah ! pourquoi me ravir cette apparition divine ?… Air (Vienne 1905)
NICKLAUSSE
J’ai des yeux, de vrais yeux,
Il veut ses trois ducats !…
Des yeux vivants, des yeux de flamme,
HOFFMANN Des yeux merveilleux
Eh bien ! donne-les !… Qui vont jusqu’au fond de l’âme
NICKLAUSSE Et qui même dans bien des cas
C’est juste !… privilège de l’amitié ! C’est lui qui En peuvent prêter une à ceux qui n’en ont pas.
regarde et c’est moi qui paie. J’ai des yeux, de vrais yeux vivants, des yeux de flamme.
(donnant de l’argent à Coppélius) J’ai des yeux, de beaux yeux !
Monsieur… Oui ! Veux-tu voir le cœur d’une femme ?
COPPÉLIUS S’il est pur ou s’il est infâme !
Monsieur !… Ou bien préfères-tu le voir
(à part) Le voir tout blanc quand il est noir ?
Eh ! eh !… quel est l’amoureux Prends et tu verras
qui n’a pas sa paire de lunettes ?… Ce que tu voudras.
Prenez mes yeux, mes yeux vivants, mes yeux de flamme,
Scène B (Guiraud), Mes yeux qui percent l’âme.
et Air de Coppélius (Vienne 1905) Prenez mes yeux !

Hoffmann, Nicklausse, Coppélius. Récitatif (Guiraud) (suite)


COPPÉLIUS HOFFMANN
C’est moi, Coppélius!… doucement, prenons garde! Dis-tu vrai ?
(apercevant Hoffmann) Quelqu’un…
COPPÉLIUS (lui présentant un lorgnon)
NICKLAUSSE (se retournant) Voyez !
Hein !…
HOFFMANN
COPPÉLIUS Donne !
Qu’est-ce donc que ce monsieur regarde ?
COPPÉLIUS
(regardant par-dessus l’épaule d’Hoffmann)
Trois ducats !
Notre Olympia !… fort bien…
HOFFMANN (soulevant la portière et regardant)
NICKLAUSSE (à part)
Dieu puissant ! quelle grâce rayonne
Leur Olympia ?
Sur son front !
COPPÉLIUS (à Hoffmann)
COPPÉLIUS
Jeune homme,
Trois ducats.
(élevant la voix)
Eh ! Monsieur ! HOFFMANN
(voyant qu’Hoffmann ne répond pas, lui frappant sur Cher ange, est-ce bien toi ?
l’épaule) COPPÉLIUS (faisant retomber la portière)
Il n’entend rien ! Trois ducats !
Monsieur ! HOFFMANN
HOFFMANN Ah ! pourquoi me ravir cette image
Plaît-il ? De bonheur et d’amour ?
COPPÉLIUS (Nicklausse donne les ducats à Coppélius.)
Je me nomme
Coppélius, un ami
De Monsieur Spalanzani. N° 9 bis B Chanson d’Olympia et Scène (1877)
(Hoffmann le salue.) Les mêmes.
Voyez ces baromètres
OLYMPIA
Hygromètres,
Les oiseaux dans la charmille…
Thermomètres,
Au rabais, mais au comptant.
(Le texte de ce numéro est le même que celui du
Voyez, vous en serez content.
n° 9bis, à l’exception du chœur final supplémentaire)
(vidant à terre son sac rempli de lorgnons, lunettes et
lorgnettes) LE CHŒUR
Chacun de ces lorgnons rend noir comme le jais, Quel effet !
Ou blanc comme l’hermine, C’est parfait !
Assombrit, L’oreille en est surprise !
Illumine, Comme elle vocalise !

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ligne de chant doublée à l’unisson par l’accom- N° 20B – Chanson de Giulietta (version de 1879)
pagnement (comme dans la majeure partie de et Scène
l’air), et ponctuée par un trait sensuel des
basses, rappelant les mesures qui précèdent la Les Contes d’Hoffmann représentent réelle-
célèbre Barcarolle. À l’évocation des « flammes ment le testament spirituel d’Offenbach. Outre
sans nombre », la ligne devient ascendante, le fait qu’il lègue au monde une œuvre où s’épa-
ponctuée de fusées et sauts d’octaves bondis- nouit la quintessence même de son génie, ce qui
sants. Le refrain se compose de longues phrases est inhabituel dans une production aussi proli-
expressives en forme de vagues montantes et fique, on retrouve des réminiscences de thèmes
descendantes. Par un fait étrange, les premières musicaux composés tout au long de sa vie. Ainsi,
notes font indubitablement penser au célèbre au fil des actes, on peut entendre des échos du
« Scintille, diamant » : Papillon (1860), des Fées du Rhin (1864), de Fan-
tasio (1872) et même d’une mélodie de jeunesse
Dapertutto
# 6 E Q . E e E Q. E # E E extraite des Voix mystérieuses : Barcarolle
? # 8 e ll
l=============== l =l (1852), sur un poème de Théophile Gautier qui
É -blou - is ses re - gards et l’at - inspira aussi Berlioz. Toutes ces œuvres aimées

# Q E _Q E Q E
du compositeur furent unanimement ovation-
? #
l========== l = nées à travers Les Contes d’Hoffmann.
Il semble qu’Offenbach ait demandé à Barbier
- ti - - re dans l’om - bre.
d’écrire des vers sur la musique déjà composée,
puisque la majeure partie de la Barcarolle de
Exemple 39 1852 est réutilisée sans aucune modification.
Comme pour les deux versions de la Chanson
N° 19C – Chanson (Vienne 1905) d’Olympia, on saisit nettement la différence de
« poids » vocal et de possibilités techniques entre
C’est à Vienne, en 1905, que fut entendue Marie Heilbronn et Adèle Isaac, ainsi que les
pour la première fois cette nouvelle version de capacités d’adaptation du compositeur face à
la Chanson de Dapertutto. Il semble que c’est ses différentes interprètes.
aux talents conjugués de Raoul Gunsbourg et En ce qui concerne la scène qui suit la Chanson
d’André Bloch (élève de Guiraud) que nous de Giulietta, cette version plus ancienne fut
devons la musique qui vint fleurir les vers de écrite alors qu’Offenbach destinait le rôle
Pierre Barbier. La version originale de ce numéro d’Hoffmann à un baryton. Comme pour la ver-
ayant été transférée, après adaptation, au pre- sion définitive, le compositeur reprend la Chan-
mier acte, pour servir le rôle de Coppélius, il fal- son et en fait un duetto.
lut trouver une musique nouvelle pour Daper-
tutto. Essayant de ne pas trop s’éloigner de
l’esprit du compositeur, Gunsbourg décida N° 20C – Chanson de Giulietta (Guiraud)
d’emprunter le thème principal de l’Ouverture
du Voyage dans la Lune, opéra-féerie d’Offen- Nombreuses sont les causes qui ont amené les
bach contemporain du début de la composition protagonistes à opérer plusieurs coupures dans
des Contes d’Hoffmann. L’orchestration de l’opéra d’Offenbach à la veille de sa création : les
Bloch, bien que très réussie, apporte un instru- problèmes de mise en scène, la durée de la
ment nouveau qu’Offenbach n’utilisa quasi- pièce, etc. Mais il est certain que la nécessité
ment jamais (ou bien à des fins comiques) : les d’alléger l’énorme charge qui pesait sur les
timbres. épaules d’Adèle Isaac, la créatrice du quadruple
À l’unisson avec le basson et les violoncelles, rôle féminin, a été un des principaux arguments.
Dapertutto chante le motif du Voyage dans la Guiraud essaya tout d’abord d’édulcorer ses
Lune. Cette phrase pleine de noblesse était interventions, avant de supprimer carrément
confiée à l’origine au cor solo : toute une partie de l’acte de Giulietta. Quand il
en vint à l’orchestration de son air, c’est très cer-
p Dapertutto tainement en accord avec la chanteuse qu’il
# # # # 43 ΠQ Q Q H.
l===============
? q Q l H. l l =l
décida de baisser celui-ci d’un demi-ton et sur-
tout de supprimer l’ensemble des vocalises, ô
Scin - - til - - le di - a - mant,
combien acrobatiques, qui parsemaient les deux
# # # Q ΠQ Q Q Q Q q Q H. Q couplets de la Chanson.
? # l
l=============== l l l=
mi - roir où se prend l’a -lou - et - te !

Exemple 40

8
Il ne lui manque rien ! De mon père aisément il s’est fait le complice !…
Elle est très bien ! Allons ! Les pleurs sont superflus !
Je l’ai promis ; je ne chanterai plus !
N° 10 B Scène et Romance (Guiraud) (Elle se laisse tomber sur le fauteuil.)

(Le texte de ce numéro correspond à celui du n° 18A; N° 19 B Chanson (juin 1880)


seuls les vers entre crochets sont coupés.)
DAPERTUTTO
N° 11 B Scène (Guiraud) Répands tes feux dans l’air,
Diamant d’où ruisselle
(Le texte de ce numéro correspond à celui du Une ardente étincelle
N° 11A ; les vers entre crochets sont remplacés par Plus vive que l’éclair.
l’unique réplique que voici :) De tes flammes sans nombre
Fascine Giulietta
Dont l’œil te convoita.
HOFFMANN
Éblouis ses regards et l’attire dans l’ombre.
Nicklausse, je suis aimé d’elle, aimé, Dieu puissant.
Attire-la, ô diamant, dans l’ombre.
Le miroir éclatant
Dialogue (création de 1881)
Sans relâche tournoie
et N° 16 bis – Musique de scène (Guiraud)
Et fait tomber sa proie
Au piège qu’on lui tend.
Hoffmann, Antonia.
L’alouette ou la femme
HOFFMANN (redescendant en scène) À cet appât vainqueur
Ne plus chanter !… voilà son arrêt !… Que lui dire ? Vont de l’aile ou du cœur,
que faire ?… – Je ne veux pas l’épouvanter !… L’une y laisse la vie
L’amour seul peut obtenir d’elle un pareil sacrifice. Et l’autre y perd son âme.
ANTONIA (paraissant à la porte de sa chambre) Attire-la, ô diamant, dans l’ombre.
Eh bien ?… Tu as vu mon père ?… Que t’a-t-il dit ?… Éblouis ses regards
HOFFMANN (lui prenant les mains) Et l’attire dans l’ombre.
Ne me demande rien !… Plus tard tu sauras tout !…
Ce que je peux te dire, Antonia, c’est que, pour N° 19 C Chanson (Vienne 1905)
m’appartenir, il faut que tu renonces à tes rêves d’ar-
DAPERTUTTO
tiste !… Plus de théâtre ! plus de chant ! plus de
Scintille, diamant, miroir où se prend l’alouette !
gloire !… Auras-tu ce courage ?…
Scintille, diamant ! Fascine, attire-la !
ANTONIA L’alouette ou la femme
Mon Dieu ! À cet appât vainqueur
HOFFMANN Vont de l’aile ou du cœur ;
Tu hésites ?… L’une y laisse la vie
ANTONIA et l’autre y perd son âme !
Mais… toi-même ?… Scintille, diamant !… etc.
HOFFMANN
N° 20 B Chanson de Giulietta (1879)
C’est Antonia que j’aime, et non sa voix !
ANTONIA (Le texte de ce numéro est le même que celui de la
C’est bien ! dispose de moi ! Chanson de Giulietta se trouvant dans le N° 20 A,
HOFFMANN à l’exception du duo final supplémentaire que
Tu me jures ?… voici :)
ANTONIA
Oui ! Les mêmes.
HOFFMANN GIULIETTA
Chère Antonia !… Ce sera trop peu de toute ma vie Donne-moi donc son âme !
pour m’acquitter envers toi !… – Ton père peut Qu’il réponde à ma flamme
revenir d’un moment à l’autre ; je ne veux pas qu’il Et qu’il m’aime toujours.
me retrouve ici. – À demain ! HOFFMANN
ANTONIA Toujours.
À demain !… (Hoffmann sort.) GIULIETTA
Verse-nous ton ivresse.
Musique de scène GIULIETTA ET HOFFMANN
Éternelle jeunesse
Voilà donc où devaient aboutir mes espérances !… Des fidèles amours.
Quel est ce secret qu’on ne veut pas me dire ?… Est-
ce qu’on défend aux oiseaux de chanter ?…
9
N° 20 C Chanson de Giulietta et Scène C’est pour Hoffmann, à ce qu’il semble,
(Guiraud) Que nous sommes abandonnés.
(Rires ironiques.)
(Le texte de ce numéro correspond à celui du HOFFMANN (presque parlé)
N° 20A ; les vers entre crochets sont placés au Monsieur !
milieu de l’air, entre les deux couplets.)
GIULIETTA (à Hoffmann)
Silence !
Scène E (Guiraud)
(avec intention)
Perte du reflet (Vienne 1905)
Il a ma clef.
Septuor avec chœurs (Monte-Carlo 1904)
(bas à Hoffmann.)
Je t’aime !
Les mêmes, Schlemil, Dapertutto, Pitichinaccio, Nick-
lausse, quelques Invités. PITICHINACCIO (à Schlemil)
Tuons-le.
Récitatif (Guiraud) SCHLEMIL
GIULIETTA (vivement) Patience.
Schlemil !
(Schlemil entre suivi de Nicklausse, Dapertutto, Pitichi- Perte du reflet (Vienne 1905)
naccio et quelques autres invités.)
SCHLEMIL DAPERTUTTO (s’approchant d’Hoffmann, sarcastique)
J’en étais sûr ! Ensemble ! Comme vous êtes pâle !
(Il remonte, s’adressant aux invités.) HOFFMANN
Venez, Messieurs, venez, Moi !

Scène E (Guiraud) ANNEXE AU QUATRIÈME ACTE


Perte du reflet (Vienne 1905)
Septuor avec chœurs (Monte-Carlo 1904) Ensemble

Pour construire son récitatif, Guiraud reprend Dans un envoi à Offenbach, Barbier men-
toute la première partie de la première musique tionne sur un fragment de la partition manus-
de scène, entendue lors de la Pantomime. crite des Fées du Rhin : « J’ai supposé que la par-
Bien qu’il soit fort probable que « la Perte du tie de ténor était destinée à Schlemil […] ». En
reflet » fût écrite par Raoul Gunsbourg, c’est à effet, le librettiste, ayant biffé le texte originel,
Vienne, en 1905, qu’apparaît pour la première compose de nouveaux vers destinés à Giulietta,
fois cette page. Comme Guiraud, Gunsbourg se Hoffmann, Schlemil, Nicklausse et aux chœurs.
sert tout d’abord de la musique de scène com- Ce projet fut sûrement très vite abandonné puis-
posée pour la Pantomime. Le fragment suivant qu’aucun livret n’en témoigne. Il est donc diffi-
est emprunté au volet central du duo précédent cile de situer la place exacte à laquelle Offen-
Hoffmann-Giulietta : « Ne repousse pas ma bach souhaitait insérer cet ensemble.
prière». Comme dans le cas du septuor apocryphe, ce
Le livret imprimé spécialement en 1904 pour grand concertato n’apporte strictement rien à
les représentations des Contes d’Hoffmann à l’action. Il sert simplement de prétexte pour pré-
Monte-Carlo laisse apparaître un nouveau sep- senter un grand ensemble où les artistes peu-
tuor avec chœurs qui est en fait composé de six vent briller librement dans un exercice d’écri-
parties solistes et d’une septième ligne tenue ture contrapuntique sophistiquée. Mais la
par le chœur. Il est quasiment certain que cette musique est superbe et la résurrection récente
pièce est totalement apocryphe, écrite par de ce grand-opéra romantique nous permet de
Gunsbourg sur les vers de Pierre Barbier et l’entendre dans son contexte originel. Il s’agit
orchestrée par André Bloch, élève de Guiraud. d’un long fragment du finale de l’acte III.
Ce septuor est typique du grand concertato
d’opéra. Il n’apporte rien à l’action mais permet Intermède symphonique (Guiraud)
à tous les protagonistes de l’acte de se retrouver
dans un ensemble grandiose où chacun rivalise Comme pour les Suites de Carmen et de L’Ar-
de brillance et de vaillance, dans un tissu contra- lésienne, Guiraud écrit un intermède sympho-
puntique de plus en plus enchevêtré. nique à partir des préludes et de certains inter-
ludes des Contes d’Hoffmann, permettant de
présenter cette fresque en concert. Il réexpose
d’abord le prélude du premier acte dans son
intégralité, puis enchaîne l’entracte qui
annonce l’acte II. Celui-ci est à son tour donné

10
DAPERTUTTO (lui présentant un miroir) NICKLAUSSE ET LE CHŒUR
Voyez plutôt ! Hélas ! son cœur s’enflamme encore !
HOFFMANN (stupéfait, en regardant le miroir) Par elle il s’est laissé griser.
Ciel ! L’amour le brûle et le dévore.
Rien ne pourra l’apaiser.
NICKLAUSSE (à Hoffmann)
La perfide qu’il adore
Quoi ?
Prend les cœurs pour les briser.
HOFFMANN (avec une sorte d’effroi) Fuis la belle au front d’aurore,
Mon reflet ! Car on meurt de son baiser.
(courant à deux grandes glaces alternativement)
J’ai perdu mon reflet ! Annexe au Quatrième acte
(d’une voix échauffée)
Mon reflet ! Ensemble
NICKLAUSSE (en montrant Giulietta ironiquement)
Pour madame. Hoffmann, Schlemil, Nicklausse, Giulietta, les Invités.
TOUS (moins Hoffmann et Nicklausse, en riant, d’une LES INVITES
voix étouffée) Sur les ondes immobiles
Ha ! ha ! ha ! voyez son effroi ! Emportés doucement
NICKLAUSSE Voguons tranquilles !
Ah ! viens, fuyons ces lieux où tu perdras ton âme. Sur le sable de la grève
Et sur le flot dormant
HOFFMANN (éperdu)
Phoebé se lève
Non ! non ! je l’aime. Laisse-moi !
Nous sourit doucement.
Ah ! Divin rêve !
Septuor avec chœurs (Monte-Carlo 1904)
Viens m’attendre sur la grève
(1)***
Viens me donner le bonheur
HOFFMANN Viens m’attendre sur la grève
Hélas ! mon cœur s’égare encore, Beauté de mon cœur !
Mes sens se laissent embraser,
HOFFMANN
Maudit l’amour qui me dévore,
O divin rêve
Ma raison ne peut s’apaiser.
Doux rayon de bonheur,
Sous ce front clair comme une aurore
brille encor dans mon cœur !
L’enfer même vient me griser.
Je sens en moi
Je la hais et je l’adore
ton feu vainqueur !
Je veux mourir de son baiser.
Le jour se lève !
GIULIETTA Divin bonheur,
Mon bel Hoffmann, je vous adore, Doux rayon,
Mais n’ai point l’âme à refuser Ta chaleur
Ce diamant aux feux d’aurore A pénétré mon cœur !
Qui ne me coûte qu’un baiser.
SCHLEMIL
Car je suis femme et j’adore
O sombre rêve,
Ce qui me fait plus belle encore
Jeu cruel du sort moqueur !
Pour vous griser.
Larmes sans trêve !
Poète, il faut vous apaiser.
Fol amour !
DAPERTUTTO ET PITICHINACCIO Mirage trompeur !
Pauvre Hoffmann, l’amour encore O vain bonheur !
Vainement vient t’embraser ; Espoir menteur
Ta belle au regard d’aurore qui pour jamais
Nous a vendu son baiser. brisas mon cœur
Car la coquette s’adore ; C’était un rêve !
Un bijou qui peut encore Destin fatal
L’embellir et nous griser et moqueur !
Vaut bien pour elle un baiser. Je sens frémir mon cœur !
SCHLEMIL (en touchant la garde de son épée) NICKLAUSSE
Ce poète que j’abhorre Fatale ivresse
Aurait bientôt son baiser amour menteur !
Sans ce fer clair et sonore Les prestiges
Dont je sais fort bien user. d’un nouveau rêve
Un fol amour te dévore ? vont-ils surprendre
Je suis là pour t’apaiser. son cœur ?
Tu prétends que l’on t’adore, Songe trompeur !
C’est bon, nous allons causer. À cet amour

11
Va-t-il livrer son cœur ? GIULIETTA (poussant un cri)
Épargnez son cœur ! Ah !
Tourment, douleur ! LES INVITES
GIULIETTA Le misérable ! Qu’à t’il donc fait ?
C’est l’aube du bonheur GIULIETTA (parlé, dans un dernier râle)
Qui pour toi se lève. Hoffmann !…
À ce rayon livre ton cœur !
HOFFMANN (parlé, reprenant ses esprits)
Ce n’est qu’un rêve !
Giulietta !
La joie est brève !
L’heure qui s’achève DAPERTUTTO (ricanant)
verse dans notre cœur Pauvre Giulietta ! Morte !
Et l’ivresse et la douleur ! LES INVITES (riant)
Il l’a tuée !
N° 22 bis Finale : dénouement alternatif Ah ! ah ! ah !
(Keck) (Les sbires emportent Hoffmann. Dapertutto éclate de
rire.)
DAPERTUTTO
Il est temps que l’enfer s’en mêle ! (Rideau.)
NICKLAUSSE
Annexes au Cinquième acte
Hoffmann !
HOFFMANN Dialogue et chanson (livret de censure)
Où donc est-elle ?
LES INVITES Hoffmann, Lindorf, Luther, Nicklausse, les Étudiants.
Ah ! ah ! ah ! HOFFMANN (debout)
HOFFMANN (courant de groupe en groupe) Voilà, mes amis, quelle fut l’histoire de mes trois
Ne crois pas m’échapper ! amours !
LES INVITES (tendant son verre) À boire ! (14)
Ah ! Ah ! Ah ! (Luther remplit son verre ; il le vide d’un trait et se laisse
tomber sur un escabeau, la tête entre les mains. Accla-
DAPERTUTTO
mations dans la coulisse : Stella ! Stella !)
De Giulietta je n’ai plus besoin à présent !…
(Dapertutto place sa main gauche devant le visage LINDORF (à part)
d’Hoffmann qui reste pétrifié. De la main droite, il lui Il n’est plus à craindre, à moi la belle !
tend son épée.) (Il sort par le fond sans attirer l’attention d’Hoffmann et
Tiens ! prends mon épée ! Elle t’est familière ! de ses amis.)
HOFFMANN LUTHER (qui a ouvert la petite porte de droite)
Ah ! Giulietta ! Messieurs, grand succès !…. On acclame notre
(Dapertutto pousse Giulietta sur l’épée d’Hoffmann) prima donna !

dans son intégralité, sans aucun changement retrouvés (la partition de copiste de la création
d’orchestration. Sans transition, l’entracte pré- complétée et annotée par Guiraud) montrent
cédant l’acte IV (la Barcarolle) se fait entendre, les nombreux tâtonnements de l’orchestrateur,
cette fois dans une version réorchestrée par Gui- cherchant à sauver à tout prix cette musique
raud. coupée avec l’acte de Giulietta.

ANNEXE AU CINQUIÈME ACTE Musique de scène et Duo (Guiraud)

Romance (Guiraud) Comme pour le numéro précédent, ce duo


provient de l’acte de Venise inopinément sup-
Il s’agit de la Romance que chante Hoffmann primé lors de la création, le 10 février 1881. Mal-
dans l’acte de Venise « Ô Dieu, de quelle gré quatre mesures de trémolos destinées à
ivresse ». Ce dernier ayant été supprimé à la introduire ce numéro par un mélodrame, le duo
création, Guiraud transforma cet air en Invoca- commence vraiment à brûle-pourpoint au
tion à la Muse et le plaça au cœur de l’Épilogue. moment où Hoffmann s’écrie « Dans ton
« Ô ma bien-aimée » devient « Ô ma Muse cœur ? », devenant maintenant « Laisse-moi ! ».
aimée » et Hoffmann d’hériter d’un Si bémol Le texte est évidemment adapté au nouveau
tenu. Les derniers documents récemment contexte.

12
HOFFMANN (se relevant) NICKLAUSSE (à part)
Qui ? Olympia ? Antonia ? Giulietta ? Il est à moi !
(saisissant une bouteille) Vipère !…. STELLA
NICKLAUSSE (lui arrêtant le bras et reprenant la bouteille) C’est bien !… partons !… Hoffmann, tu peux faire
Pardon! ne cassons pas les bouteilles!…. Le drame risée de mon amour ; mais tu regretteras ma
est fini, Hoffmann; il ne s’agit pas de recommencer. beauté !](15)
(Hoffmann se laisse retomber sur son escabeau.) HOFFMANN
Oui, Messieurs, Olympia, Antonia, Giulietta ne sont Non, je préfère Kleinzach !
qu’une seule et même femme, ou pour mieux dire, un
[ANDRÈS (faisant signe à Lindorf)
corps composé, dont notre ami, excellent chimiste,
Psst !….
vous a présenté les trois éléments, jeune fille, artiste et
(Stella sort fièrement après un dernier geste de colère.
courtisane. En le recomposant, vous obtiendrez la
Andrès l’accompagne.)] (15)
Stella, un modèle de genre, car elle vient de chanter
Lindorf va pour suivre Stella ; Hoffmann lui saisit le bras
Mozart avec beaucoup d’âme, en se demandant toute
et l’arrête.)
la soirée comment elle pourrait recouvrer sa première
pureté et l’estime du monde, sans compromettre les HOFFMANN
ducats du conseiller Lindorf qui la courtise et la fan- Cher Lindorf !
taisie qui la ramène vers Hoffmann dont elle espère À vous le dernier couplet !
sans doute quelque surprise amoureuse.
(Il fait le geste de bâtonner.) Chanson
depuis qu’elle en a fait un ivrogne.
(Stella paraît à la petite porte de droite. Elle est suivie Pour le cœur de Phryné que doublait un bissac,
d’Andrès.) LES ÉTUDIANTS
Si vous en doutez, la voici elle-même qui va vous … que doublait un bissac,
confirmer ce que j’avance. HOFFMANN
D’amour et de ducats, il faisait un mic-mac !
Les mêmes, Stella et Andrès.
LES ÉTUDIANTS
HOFFMANN (se relevant) … il faisait un mic-mac !
Elle !
HOFFMANN
ANDRÈS (montrant Hoffmann à Stella) Et pour en être le cornac,
Lui ! De sa bourse il faisait fric-frac.
LINDORF (réapparaissant au fond et apercevant Stella) Fric-frac ! fric-frac !
Corbleu ! Voilà Kleinzach !
STELLA (allant droit à Hoffmann, après un moment LES ÉTUDIANTS
d’hésitation et lui souriant) Fric-frac ! fric-frac !
Eh bien, Hoffmann, vous vous faites attendre ! Voilà Kleinzach !
HOFFMANN (avec un égarement croissant)
Que veux-tu ? Quel est ton nom ? Olympia ?… bri- (Le rideau tombe.)
sée !… Antonia ?… morte !… Giulietta ?…
(montrant Lindorf) Regardez tous !… Au diable !… Romance (Guiraud)
ANDRÈS
Où ? HOFFMANN (dans l’extase)
O Dieu !… De quelle ivresse embrases-tu mon âme ?
STELLA
Comme un concert divin ta voix m’a pénétré
Es-tu fou ?
D’un feu doux et brûlant mon être est dévoré !
HOFFMANN Tes regards dans les miens ont épanché leur flamme
Non, je suis ivre ! Comme des astres radieux,
ANDRÈS Et je sens, Muse bien-aimée,
Oh ! Passer ton haleine embaumée
NICKLAUSSE (railleur, à Stella) Sur mes lèvres et sur mes yeux !
Madame, vous arrivez trop tard. L’amour éteint ne (L’apparition s’est effacée peu à peu et le tonneau a
se rallume pas ! repris son premier aspect.)
STELLA
Trop tard !
Musique de scène et Duo (Guiraud)
ANDRÈS
Là ! Hoffmann, Stella.
[LINDORF (lui offrant galamment la main)
Musique de Scène
Si j’osais…
HOFFMANN (riant) HOFFMANN (après un silence)
Va ! va ! tu peux tout oser !… Qui êtes-vous ?… Olympia ?… brisée… Antonia ?

13
morte !… Giulietta ?… Il n’y a donc plus de Klein- HOFFMANN
zach dans le monde pour vous offrir des millions ? Adieu ! je ne veux pas te suivre !
STELLA Fantôme ! Spectre du passé !
Es-tu fou ? Subtil poison dont je fus ivre,
Mon cœur est à jamais glacé !
HOFFMANN
Non !… je cesse de l’être ! STELLA
Je suis à toi !
STELLA
N’as-tu pas reçu ma lettre ?… HOFFMANN
(Andrès sort vivement. Stella se démasque.) Non, laisse-moi !
Ne me reconnais-tu pas ? STELLA
HOFFMANN (lentement) Mon amour t’implore !
Oui !… je te reconnais, Stella !… Vois pleurer mes yeux !
Je t’apporte encore
Duo Le bonheur des cieux !
STELLA (voulant lui prendre la main) HOFFMANN
Hoffmann !… Tu comptes en vain sur tes charmes !
Je ne peux plus croire à tes larmes !
HOFFMANN
C’en est fait ! loin de moi !
Laisse-moi !…
STELLA
STELLA
Tout mon cœur est à toi !
Cher Hoffmann !… C’est moi qui t’en supplie !…
Mon amour t’implore !
Hoffmann, comble mes vœux !
Vois pleurer mes yeux !
HOFFMANN Je t’apporte encore
Laisse-moi !… Le bonheur des cieux !
STELLA HOFFMANN
Ton amour, oui, sagesse ou folie, Ton amour dévore !
Je l’attends ! je le veux ! Il promet les cieux,
Je te reviens ! je veux te suivre ! Et l’enfer encore
Que ton cœur éteint et glacé Fait pleurer tes yeux.
Se ranime encore et s’enivre
Des flammes du passé !

14

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