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La persecution de Nicomedie dans la
version latine de l’Historia ecclesiastica
de Eusebe par Rufin de Concordia
Maurizio BUORA * - Ergün LAFLI **
Rhaute Adriatique (fig. 1) : il avait des liens avec Rome et la Terre Sainte (ou il avait vécu) et des relations
ufin de Concordia est l’une des figures les plus éminentes du christianisme primitif d’Aquilée et de la
personnelles et épistolaires avec beaucoup d’autres personnalités éminentes de son temps, parmi lesquel-
les nous citons saint Jérôme. Né peut-être à Concordia vers l’an 340, il fut baptisé à Aquilée à l’âge de 30
ans. En 372 ou 375 il alla à Alexandrie, en Egypte, où il fréquenta sa célèbre école théologique pendant
huit ans, puis il a déménagé à Jérusalem, où il fonda un monastère sur le Mont des Oliviers. Enfin en 397,
il retourna en Italie, à Rome1. Dans la dernière décennie du IVème siècle il fût souvent la cible de féroces
polémiques à propos des théories d’Origène, dont il avait été disciple. En particulier, il fût attaqué par son
ami depuis longtemps, Jérôme, qui avait vécu avec lui dans la même ville d’Aquilée. Celui-ci l’accusa d’im-
perfection et d’avoir spécifiquement altéré la pensée d’Origène.
Fig. 1: Tyrannius Rufinus (après une gravure par Frederick Bloemaert, 1614-1690).
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** Prof. Dr. Dokuz Eylül Üniversitesi, Edebiyat Fakültesi, Arkeoloji Bölümü, e-mail: elafli@yahoo.ca
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À la fin du IVe siècle, en Occident, seulement quelques auteurs chrétiens connaissaient la langue grecque
- et cette situation se serait perpétué pendant près de mille ans - tandis qu’en Orient, ignorer le latin était
presque une habitude. Les Grecs, jusqu’à la fin du IVe siècle, ne connessaient pas la culture latine2.
Ceci a sans doute endommagé le dialogue entre les théologiens des deux réalités ecclésiastiques (de l’est
et de l’ouest), à une époque où l’élaboration théologique de chaque partie était très fructueuse, ce qui
explique le besoin de traduire. Le IVe siècle fût caractérisé, au moins en Italie, par une très large série de
traductions auxquelles se sont consacrés de nombreux auteurs. En cela, ils étaient favoris sans doute ceux
qui avaient passé beaucoup de temps dans les endroits où on parlait et écrivait en grec: Rufin pouvait se
vanter d’une expérience importante à cet égard. Les traductions concernaient des textes fondamentaux,
tels que ceux de l’Ancien et du Nouveau Testament, et d’importants auteurs de son temps. Vers la fin du
quatrième siècle Rufin se retira à Aquilée. L’évêque de cette ville, Chromace, lui demanda, en l’an 402,
de traduire l’Histoire de l’église d’Eusèbe de Césarée, à laquelle Rufin fit suivre en deux livres un récit de
l’histoire moderne. jusqu’à son jour3.
Dans la preface de son Historia – c’est ainsi qu’il appelait sa prosecution de l’oeuvre de Eusèbe - il écrit qu’il
avait été dans l’Est depuis si longtemps qu’il avait presque oublié le latin.
2 Crouzel 1987, 32-34.
3 Beatrice 2001.
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A quo ego opere cum excusare vellem, utpote inferior et impar, et qui in tam multis annis usum Latini ser-
monis amiserim
Dans la même préface, nous trouvons une référence à certains détails locaux du territoire d’Aquilée, parfois
inclus avec leur nom spécifique. Il y a par exemple en fait une citation claire des claustra Alpium Iuliarum,
une expression déjà utilisée par Ammien Marcellin4 et peut-être aussi pour cette raison note à Rufin, pour
indiquer les différentes sections de murs qui entouraient les vallées des Alpes orientales à l’est d’Aquilée,
longs environ 130 km, en défense contre d’éventuels envahisseurs venant de l’Est5. Le terme, peut-être, était
couramment utilisé dans la région? Dans le même passage, Rufin parle d’un pestifer morbus, terme que de
nombreux commentateurs ont compris dans sa valeur allégorique, mais qui pourrait aussi indiquer, selon un
autre niveau de lecture, une véritable peste bovine qui se sèrait répandue dans le nord-est de l’Italie à l’arrivée
des Goths6.
Tempore quo, diruptis Italiae claustris, ab Alarico duce Gothorum, se pestifer morbus infudit, et agros, ar-
menta, viros large lateque vastavit.
Rufin dit clairement que ce morbus s’étendait aux champs, aux animaux et aux hommes. Bien qu’il n’y ait
aucune preuve d’un passage direct d’une infection du bétail domestique à l’homme, on ne peut nier l’exi-
stence d’une peste bovine dans la campagne d’Aquilée à la fin du quatrième et peut-être encore au début du
cinquième siècle7.
La liste des traductions faites par Rufin, authentiques, perdues et douteuses, est très large et elle se trouve
dans le volume de la patrologie latine qui lui est dédié. Dans celui-ci, cependant, ne figure pas la version de
l’histoire universelle d’Eusèbe de Césarée, publiée par Theodor Mommsen et aujourd’hui objet de plusieurs
études.
Eusèbe et Origène
Un aspect qui liait profondément Rufin à Eusèbe c’était le respect, on pourrait dire presque la dévotion, à
Origène et à son travail. Nous le voyons à partir du sixième livre de l’Histoire eusébienne, essentiellement
consacré à Origène, et du texte de Rufin, “En défense d’Origène”, malheureusement pas préservé. De Jérome
et de Rufin lui-même nous savons qu’Eusèbe avait plusieurs copies des œuvres d’Origène transcrites 8. Eusèbe
connaissait personnellement beaucoup de disciples d’Origène auxquels il avait pu parler. Donc, il pourrait fa-
cilement écrire avec Pamphile une défense d’Origène dans 6 livres, dont nous possédons seulement le I dans
la traduction de Rufin. Dans VI livre de son Histoire ecclésiastique Eusèbe offre de nombreux détails sur la vie
d’Origène, se référant à sa défense pour plus de détails
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censurable, mais Rufin a profité de l’occasion pour en faire un martyr tout court, alors qu’il était seulement
coupable de lèse majesté.
Dans le chapitre suivant (VI), Rufin dan sa traduction supprime quelques particuliers, comme la description
détaillée du haut niveau social, chez l’entourage de l’empereur, des martyrs de Nicomédie - c’est-à-dire le
cercle dont Dorotheus était le chef - et ce qui concernait la manière du martyre. On peut voir un exemple
de variatio faite par Rufin, c’est-à-dire l’élimination de l’introduction au chap. VIII, 1-4 quand il s’agit de Do-
rotheus. Il souligne également le comportement du martyr qui est peint par lui comme firmus in fide. La
même attitude se retrouve chez le martyr Pierre, qui n’est pas seulement appelé au nom du saint romain le
plus célèbre. L’histoire de Pierre, un disciple de Dorotheus et Gorgonius, est dramatisée, avec beaucoup de
dialogue qui manque complètement dans la source eusébienne.
Le rapport eusebien est moins précis que celui de Lactance, qui était alors à Nicomédie. De cela nous appre-
nons que le 23 février de l’année 303 la grande église de Nicomedia, avec les livres des écritures sacrées qui
étaient dedans, aurait été détruite par l’ordre des empereurs, bien que l’édit qui a permis ceci ait été édité
seulement le lendemain.
La date exacte de la publication de l’édit pourrait peut-être varier dans les diverses parties de l’empire. Par
conséquent, nous ne savons pas quel est le début exact de la persécution: selon Eusèbe, l’édit aurait conduit
à la démolition des églises et à la destruction par le feu des livres sacrés. De plus, plusieurs fonctionnaires
impériaux auraient etè dégradés et «les serviteurs», ou ceux - de statut libre - qui vivaient dans la maison
imperial et servaient ici, s’ils continuaient à rester chrétiens, devraient être détenu. Comme on le sait, le ténor
du premier édit a été suivi par d’autres. Par le deuxième édit l’empereur ordonne d’emprisonner les chefs des
églises, sans leur donner la possibilité de sacrifier aux dieux. Certains commentateurs ont estimé que cette
mesure avait été prise, peut-être, quelques mois plus tard, à la suite des rébellions de Mélitène et de Syrie,
contre le premier édit.
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Chromace, activité très appréciée par le même Rufin13. Certains ont douté de son activité de constructeur 14,
tandis que d’autres en sont absolument sûrs15. Pourtant bous voyons à Nicomédie de nombreuses églises, par
conséquent, et très grandes. Il est tout à fait clair que c’est un anachronisme à l’égard de Nicomédie, mais cela
avait du sens par rapport à la situation récente d’Aquilée.
Un autre caractère, certainement basé sur les théories de Chromace et par lui transmis à ceux qui lui étaient
proches, concerne la fin de l’histoire, marquée par sa propre moralité.
Dans tout le monde et en particulier à Nicomédie, - Rufin nous dit - la paix et la tranquillité sont ruiné par la
corruption du clergé, qui est suivie par la juste punition divine, exercée au moyen de Dioclétien et de Galère.
Ce sont les moments cruciaux d’un grand drame, dans lequel nous voyons quelques acteurs en tant que pro-
tagonistes, nous percevons les discours qui viennent d’être mentionnés et seulement à la fin des vicissitudes
l’église triomphera.
13 Dans la preface à la traduction des Homélies sur Josué d’Origène Rufin qualifie Chromace comme “Bèséléel de son temps” c’est à dire un constru-
cteur à la manière de Salomon (Sotinel 2005, 217).
14 Sotinel 2005, 222: “l’oeuvre èdilitaire de Chromace apparaît donc relativament modeste”.
15 Cuscito 2008; Piussi 2008.
16 Atti del convegno internazionale di studi Rufino di Concordia e il suo tempo, Antichità Altoadriatiche 31, Udine.
17 Storia ed esegesi in Rufino di Concordia, Antichità Altoadriatiche 39.
18 Mommsen 1909, CCLI.
19 Thélamon 1981.
20 Christensen 1989.
21 Robbe 2016, passim.
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