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Québec français

Bilan critique des méthodes actuelles d’enseignement du


français et orientations nouvelles
Gerardo Alvarez

Jean Barbeau
Number 35, October 1979

URI: https://id.erudit.org/iderudit/56489ac

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Publisher(s)
Les Publications Québec français

ISSN
0316-2052 (print)
1923-5119 (digital)

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Alvarez, G. (1979). Bilan critique des méthodes actuelles d’enseignement du
français et orientations nouvelles. Québec français, (35), 62–67.

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LANGUE SECONDE

BILAN CRITIQUE DES MÉTHODES ACTUELLES


D'ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS
ET ORIENTATIONS NOUVELLES
1. La discussion sur le thème S/7an
critique des méthodes actuelles d'ensei-
gnement du français et orientations nouvelles
semble devoir s'ouvrir par la constatation
d'un consensus: tout le monde s'accorde à
critiquer la méthodologie d'inspiration beha-
vioriste et structuraliste qui a régné pendant
les années cinquante et soixante. En effet, les
MAO — méthodes audio-orales — mais aussi
partiellement les MAV — méthodes audio-
visuelles — sont en général mises au pilori l'i.» m i m , m u »
sous l'inculpation de fausse promesse. Elles
ont démontré ne pas aboutir à l'objectif
qu'elles annonçaient: rendre l'élève capable
de communiquer avec les interlocuteurs
autochtones dans les situations courantes de
la vie quotidienne. D'une façon plus générale, —
i - irr r-.'..:, i?Po w"» v^LÇr.i.V'ie
la critique porte sur l'aspect mécaniste de J? i4 £ •£$? PAS UMÊ sSit-w*"-
cette méthodologie qui privilégiait la répé- Je ;VJ£. ••>••'••• \ •? ..,-.., Î\IM'—'•<
tition et la mémorisation d'un corpus fermé
d'énoncés, menant ainsi à l'internalisation
d'un certain nombre de formes linguistiques
qui étaient censées correspondre à autant de
stimuli externes.

2. Malheureusement — ou heureusement
— cette dénonciation presque unanime n'est
pas suivie d'un consensus similaire sur une
méthodologie de rechange. Aucune perspec-
tive unificatrice ne semble pointer à l'horizon,
et nombre de professeurs se plaignent d'une
sorte de «vide pédagogique» qu'aucune
théorie actuelle ne semble pouvoir combler
entièrement. Un linguiste américain, H.
Douglas Brown, caractérise ce vide par une
image : The theoretical rug has been pulled
out from under our feet\ On a enlevé en effet ne sait où donner de la tête au milieu de tant structuro-behavioriste n'atteint pas l'objectif
aux professeurs de langues étrangères le de sollicitations différentes. Pour essayer de tant claironné de la communication dans les
tapis théorique sur lequel ils s'étaient mettre un peu d'ordre dans cette diversité et situations de la vie quotidienne, c'est qu'il y
confortablement installés, du temps où pour faciliter la discussion, il est cependant avait erreur sur les moyens de procéder. La
régnait une «linguistique appliquée» sûre possible de distinguer des lignes générales et manipulation à satiété de quelques structures
d'elle-même et dominatrice. Si le fait de savoir des tendances dominantes. Mais qu'il soit fondamentales, le sur-apprentissage d'un
son malheur partagé par beaucoup d'autres entendu que cette tentative pour situer les certain nombre d'énoncés, n'assuraient pas
peut consoler quelqu'un, les professeurs de tendances les unes par rapport aux autres n'a leur réemploi dans une conversation sponta-
langues étrangères trouveraient du réconfort rien de définitif. Au contraire, il est con- née. En pédagogie de la langue maternelle,
en apprenant qu'en ce qui concerne l'ensei- cevable qu'après avoir servi pour orienter l'introduction des exercices structuraux et la
gnement de la langue maternelle la situation quelque peu les discussions, cette «carte du manipulation des formes ne semblent pas non
n'est guère différente. tendre» pédagogique doive être rejetée plus avoir donné satisfaction aux maîtres de
comme trop schématique voire simpliste. Ce français. Cette méthodologie développait
sera la preuve que la discussion en ateliers a dans le meilleur des cas une compétence
3. Un moment de dispersion. Ainsi porté ses fruits. linguistique et non une compétence commu-
assistons-nous à l'heure actuelle — et les nicative. Les théoriciens signalent alors fort
contributions pour le thème I le montrent 4. La tendance «communicativiste». La pertinemment que posséder une langue, c'est
clairement — à une situation d'éclatement première tendance, de loin majoritaire en ce non seulement en connaître les structures,
théorique. Une pluralité d'approches diverses moment, est celle que l'on peut appeler mais c'est savoir les employer dans les
se présentent au professeur, qui bien souvent «communicativiste». Si la pédagogie diverses situations de communication. Les

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homogène. L'élève sera ainsi amené à Une portion probablement aussi importante
comprendre sinon à utiliser les différentes sinon plus est faite de connaissance du
variétés de la langue française. Pour pouvoir monde, de facteurs caractériels, bref de
communiquer, l'élève doit donc être capable prérequis psycho-socio-culturels dont nous
d'adapter son message à la situation dans ignorons presque tout à l'heure actuelle
laquelle il se trouve, au statut des inter- même en ce qui concerne l'utilisation de la
locuteurs et à la variété sociale (et régionale ?) langue maternelle.
de la langue utilisée dans cette sorte
Nous savons tous que si vers l'âge de 7-8
d'échanges.
ans tous les enfants normaux ont acquis une
Si ces observations semblent impeccables compétence linguistique assez proche de
du point de vue de la théorie linguistique, celle de l'adulte — en ce qui concerne les
pourquoi laissent-elles l'impression d'une mécanismes essentiels de leur langue —
«fuite en avant», d'une course après des nombre d'individus peuvent arriver à l'âge de
chimères? C'est sans doute que ces propo- 40 ou 50 ans sans savoir faire autre chose que
sitions, pour attrayantes qu'elles soient, — et balbutier en sourdine quelques mots
elles sont probablement non seulement indistincts dans la situation «exprimer des
attrayantes mais fort justifiées dans l'ensei- condoléances» ou «demander un rendez-
gnement de la langue maternelle — risquent vous à une femme». Développer chez les
de poser une exigence trop élevée quand il enfants, grâce au travail scolaire, une
s'agit de l'enseignement d'une langue étran- compétence de communication adéquate
gère. dans leur langue maternelle constitue déjà un
problème majeur, du fait du poids des
facteurs extra-scolaires dans l'acquisition de
modèles linguistiques de référence sont donc 5. En effet, des questions fort insidieuses cette compétence. On peut donc s'interroger
tous plus ou moins inadéquats car s'ils peuvent être posées à l'endroit de cette sur la faisabilité d'un projet visant à déve-
décrivent bien la langue, ils n'étudient pas capacité de communiquer. Pour commencer, lopper chez l'étudiant étranger, en situation
l'usage de la langue dans les circonstances on ignore sur quoi repose cette compétence scolaire, une compétence de communication
diverses des échanges langagiers 2 . de communication et quels en sont les lui permettant de s'engager dans des con-
Pour pouvoir atteindre cette compétence facteurs déterminants. On ne sait pas versations avec des autochtones avec une
de communication, il faut donc selon cette comment on l'enseigne, si tant est qu'on parfaite adéquation aux mille détails de la
tendance laisser de côté les drills mécaniques peut enseigner la compétence de communi- situation communicative, qui n'est jamais
— où une réponse donnée correspond de cation, surtout en langue étrangère. Peut-être deux fois la même. La plupart des apprenants
façon bi-univoque à un stimulus — et faut-il affirmer qu'il ne saurait s'agir d'en- étrangers se contenteraient de beaucoup
introduire le plus tôt possible des situations seigner la compétence de communication en moins!
de communication véritable. Laisser davan- L2, l'élève ayant acquis cette compétence
tage de place à l'expression libre des élèves, dans la langue maternelle. Le professeur
sans être victimes de cette hantise de l'erreur prendrait donc appui sur le transfert d'une 6. Cette exigence est d'autant plus forte
qui caractérisait les méthodes structuralistes ; compétence qu'il ne peut prétendre que, selon certains, le locuteur étranger
laisser dès le début le plus de jeu possible à la enseigner. devrait savoir utiliser les diverses variétés
créativité des élèves ; tels sont les slogans de Il semble effectivement que la connais- sociales (et régionales?) de la langue qu'il
cette tendance dominante. sance et la maîtrise des mécanismes linguis- apprend. Ce qui l'obligerait, par exemple, à
Plus encore, le développement d'une tiques n'entrent que pour une faible part dans être capable de dire non seulement une
compétence de communication implique cette capacité à utiliser les expressions phrase comme «C'est un homme extra-
aussi, selon certains, que l'enseignement du adéquates dans la situation précise, en tenant ordinaire», mais aussi, dans une variété plus
français ne se fonde plus sur un modèle compte de variables, telles que le moment, familière, « Ce type est épatant ! », et pourquoi
unique — une langue française supposée l'heure, le cadre, le statut des individus, etc. pas sur la même lancée « Ce mec, il est bath ! ».
Il semble que ce soit là l'aboutissement
extrême de la tendance à exiger de l'apprenant
étranger un comportement similaire à celui
du locuteur natif. Aboutissement aussi d'une
tendance « communicativiste» à outrance qui
finit par postuler des objectifs irréalistes pour
l'enseignement des langues étrangères,
notamment si celui-ci se déroule — comme
c'est le cas le plus général — en situation
scolaire, dans le pays de l'apprenant, au
milieu d'un groupe-classe avec lequel l'enfant
communique en langue maternelle, avec un
enseignant de la même origine linguistique,
sans oublier le poids du cadre extérieur à
l'école.

7. Entendons-nous bien. Il semble tout à


fait légitime — aussi bien en langue
maternelle qu'en langue seconde — d'adopter
une attitude ouverte face aux diverses
variétés d'une langue jusqu'ici faussement
homogénéisée. Ces diverses variétés sont, en
effet, destinées à acquérir droit de cité dans
l'enseignement du français aussi bien langue
maternelle que langue étrangère: pour ne
prendre qu'un exemple, il est absurde de
vouloir ignorer la variété québécoise de
français et de vouloir exiger des petits
Québécois des prononciations parisiennes.
Dans le même sens il est absurde de vouloir
enseigner aux immigrants au Québec un
français soi-disant international alors que

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dans le monde du travail ils vont se trouver de production, en revanche, peut être unique devrait-il satisfaire aux exigences des
aux prises avec la variété (ou plutôt les car c'est de son propre discours qu'il s'agit et gardiens plus ou moins avoués de la
variétés) québécoise de français. il en assume l'entière responsabilité. « normativité» pour lesquels il n'est bon bec
Il est tout à fait légitime en conséquence de que s'exprimant en un français impeccable —
vouloir sensibiliser l'élève à l'existence de 8. Les compétences restreintes. Une ce que soit dit en passant des millions
diverses variétés de la langue qu'il étudie, position légèrement en retrait par rapport à d'autochtones ne font pas.
pour qu'il sache les apprécier et les recon- celle que nous venons de décrire est occupée Mais les objections que connaît la tendance
naître sans préjugés ni complexes si c'est sa par les approches qui acceptent la réalité de fonctionnelle ne viennent pas seulement des
langue maternelle, pour qu'il puisse com- l'étrangeté. En effet, on peut affirmer avec zélateurs de la normativité. Apparaît aussi le
prendre ses interlocuteurs éventuels, si c'est Selinker 3 que l'étranger parlera toujours une rôle de la motivation et de la satisfaction
une langue étrangère. interlangue, qui représente par rapport à la personnelle des apprenants (ou la satisfaction
langue cible un système approximatif, en personnelle des professeurs?): à s'enfermer
Mais pourquoi faut-il que l'élève apprenne à expansion sans doute, mais qui n'égalera trop rigidement dans des limites fonction-
s'exprimer dans diverses variétés? Exa- presque jamais le système du locuteur natif. nelles ne risque-t-on pas de décevoir les
minons de plus près cette question. En langue apprenants qui peuvent s'estimer brimés
maternelle, l'élève maîtrise parfaitement lors Dans cette optique — et sans qu'elles
dérivent nécessairement des postulats de dans leurs aspirations communicatives,
de son entrée à l'école le sociolecte du milieu expressives, ou tout simplement culturelles?
dans lequel il a grandi. Dans cette langue l'« interlangue» — l'on assiste à des recherches
sur des paliers limités, provisoires, minimaux Mauvaise querelle, pourrait-on répondre, car
vernaculaire il est capable de communiquer le succès de cette approche suppose que
librement; son expression est spontanée et de communication permettant à l'étranger de
se «tirer d'affaire» dans une situation de professeurs et élèves soient conscients — et
presque illimitée. On ne peut donc affirmer acceptent — que cet apprentissage ne
que l'enfant ne connaît pas sa langue. Il ne la travail, d'installation, de séjour d'études en
pays étranger, etc. C'est le domaine de la constitue qu'un premier pas, un seuil, au-delà
connaît que trop parfaitement, si on entend duquel toutes les avenues sont autorisées,
par sa langue son sociolecte vernaculaire. plupart des tendances fonctionnelles, parmi
lesquelles on peut citer notamment les dans la mesure du temps disponible, de la
L'école a pour tâche, elle, de lui faire acquérir persévérance des apprenants et de leur
cette même souplesse, cette même spon- recherches parrainées par le Conseil de
l'Europe sur l'apprentissage des langues par motivation profonde... ou de leur désir du
tanéité dans les variétés standards de la moment!
langue, sans provoquer chez lui des blocages les adultes, et plus particulièrement les
psychologiques dus à ce passage d'une tentatives de définition de «niveaux-seuils» Ajoutons, pour clore ce chapitre, que ces
variété de langue à l'autre. Comment y pour les diverses langues européennes. tendances fonctionnelles connaissent aussi
parvenir? C'est toute la question dont un certain succès en langue maternelle —
discutent actuellement un peu partout les 9. Cherchant à développer une compétence quoique peut-être dépourvues de l'aspect
professeurs de langue maternelle. Et le de communication limitée, suffisante pour «minimaliste» —. On voit ainsi introduire
problème est d'autant plus complexe qu'il se faire passer le message ou pour le com- dans la classe de français langue maternelle
situe en aval de toute sorte de dimensions prendre, les pratiques fonctionnelles se des exercices de communication du type
pâycho-sociologiques, comme l'apparte- veulent une réponse aux besoins réels des «remplir un télégramme», «envoyer un
nance de l'enfant à un groupe socio-culturel apprenants quant à l'utilisation que ceux-ci mandat» ou «lire un journal».
qui le détermine et avec lequel l'individu peut feront de la langue cible. Leur moindre mérite
développer un fort sentiment d'identification. en effet n'est pas d'avoir mis en vedette la
11. Une remise en question. A l'opposé
notion de besoins langagiers et d'avoir insisté
des tendances visant à privilégier le dévelop-
La proposition faite à l'école d'amener sur la nécessaire adéquation des programmes
pement d'une compétence communicative —
l'enfant à utiliser les diverses variétés de sa aux expectatives des divers publics. Cela ne
minimale, partielle ou totale —, se trouve une
langue maternelle risque ainsi de soulever veut pas dire que cette adéquation soit chose
autre ligne de pensée qui, quoique minoritaire
des problèmes assez délicats qui sont loin facile, ni que la possibilité soit toujours offerte
en ce moment, semble destinée à gagner du
d'être résolus. Il en va de même pour de connaître les besoins des apprenants, car
terrain. Dans ce cas, la critique des MAO et
l'enseignement des langues étrangères. Cet leur mode d'existence échappe aux analyses
des MAV ne se fonde plus sur l'inefficacité de
objectif — avoué ou sous-entendu — de actuelles. Ces besoins, pour le dire d'une
celles-ci pour atteindre l'objectif visé, mais
vouloir égaler le modèle autochtone vise au façon imagée, étant muets et insaisissables
sur la mise en cause de l'objectif lui-même.
fond à annuler ce qui n'est pas annulable: la quelqu'un doit toujours parler en leur nom. La
C'est chez les uns le refus du «communi-
condition d'étranger. Tout se passe en effet notion de besoin se trouve ainsi mobilisée
cativisme» des méthodes structurales et
comme si le locuteur étranger devait dissi- pour justifier les pratiques les plus diver-
audio-visuelles, qui prenait d'ailleurs son
muler sa condition de tel, comme s'il devait gentes, souvent avec l'alibi de la propre
point de départ dans une notion de commu-
gommer ce péché originel de l'étrangeté en expression des besoins par l'apprenant «lui-
nication qui est toujours restée assez floue.
produisant des phrases d'un niveau aussi même». Comme si celui-ci n'était pas le lieu
Chez les autres c'est le refus de «l'utili-
familier ou aussi populaire que celles d'un de rencontre de toutes sortes de pressions
tarisme» de cette notion, qui résulte en une
locuteur natif. C'est non seulement la psycho- idéologiques et sociales, aussi bien pour les
insistance obsessionnelle sur « la nécessité
logie du locuteur étranger qui est ainsi violée. besoins matériels que pour les besoins
d'amener les élèves à "manipuler" les langues
Cette conception fait fi aussi du problème intellectuels. Demandez à un habitant d'un
au niveau de l'expression élémentaire de la
assez complexe des réactions des autoch- bidonville latino-américain quel est son
vie quotidienne» et qui entre en conflit avec
tones face aux productions langagières besoin matériel le plus urgent: ne soyez pas
les objectifs généraux de l'éducation. Les
familières ou populaires de la part d'un étonné s'il vous répond que c'est un poste de
tenants de cette tendance mettront donc
étranger, qui généralement ne maîtrise pas télévision I
l'accent sur le besoin d'accorder l'ensei-
toutes les nuances allophoniques et proso- gnement des langues étrangères aux orien-
diques qui accompagnent ces variétés de tations de la pédagogie générale, mettant
langue. 10. Le fait même de vouloir répondre aux
besoins langagiers les plus urgents, fût-ce à ainsi en exergue les objectifs de formation
En l'absence de vérifications de cette sorte, un niveau modeste, soulève cependant intellectuelle que l'étude de la langue —
une position pédagogique réaliste consis- nombre de critiques de la part des partisans maternelle ou étrangère — devrait viser
terait à recommander pour la communication intransigeants de la connaissance totale de la prioritairement. Chez certains, surtout en
avec les autochtones : langue. A enseigner ainsi une compétence didactique du français langue maternelle, il
s'agira de faire une place aux fonctions
a) un modèle de décodage suffisamment réduite, ne risque-t-on pas — avancent-ils —
d'expression et de création, négligées dans
large (au plan phonologique, aussi bien d'enseigner un français «estropié» par les
les méthodes structuralistes au profit de la
que lexical et syntaxique) pour pouvoir exigences de la réduction? Ou encore un
seule fonction communicative.
comprendre les divers interlocuteurs; « français pour estropiés » ? D'autant plus que
b) un modèle d'encodage unique, homogène, quelques théoriciens proposent de s'appuyer,
permettant une expression acceptable. lorsque cela est rentable, sur les formes Cette approche «intellectualiste» — pour
En d'autres termes, le modèle de réception agrammaticales produites spontanément lui donner une étiquette commode — qui
de l'étudiant étranger gagne à être diversifié, dans les systèmes intermédiaires créés par rappelle les propositions pédagogiques de la
car il n'est pas dans son pouvoir de contrôler les apprenants 4 . Mais la question contraire psychologie cognitive, s'accompagne souvent
le discours de ses interlocuteurs. Son modèle est pertinente aussi: pourquoi l'étranger d'une revalorisation de l'écrit, aussi bien sous

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l'aspect lecture que sous l'aspect écriture. comme principal acteur du processus méthodes, et qui d'un manuel à l'autre se
L'apprentissage des langues est vu dans cette cognitif. Il ne s'agit plus de l'intériorisation ressemblaient comme des frères (les
optique non comme une simple manipulation d'un certain nombre de concepts présentés dialogues, non les auteurs!).
d'éléments linguistiques, ni comme une par le maître ou se dégageant inéluctablement
réponse aux besoins de la vie professionnelle d'un texte choisi d'une anthologie, pédagogie
ou de la communication quotidienne, mais dans laquelle l'élève devait fatalement arriver 14. La compétence de lecture en L2. Ces
comme une aventure intellectuelle qui doit à retrouver un ensemble de notions déjà dernières observations — et non seulement
mener l'apprenant à une compréhension plus signalées, dans la page des réponses, par le un esprit de symétrie — nous amènent à situer
large du monde qui l'entoure, en particulier le présentateur érudit. Cette conception forma- une autre tendance qui se manifeste dans
monde des signes et des images, le monde tive se situe par contre dans le cadre d'une l'enseignement du français langue étrangère.
comme ensemble de significations. pédagogie de la découverte, où l'apprenant C'est celle dont l'objectif est la formation
doit élaborer lui-même la conceptualisation professionnelle de l'apprenant grâce à la
12. Cette conception cognitive de l'ensei- du texte. fréquentation des textes écrits de caractère
gnement des langues étrangères semble se informationnel. Visant souvent elle aussi une
manifester en Europe avec moins de force 13. Dans le même sens, postuler une compétence réduite, cette tendance est à
qu'en Amérique, et elle n'est pas sans susciter revalorisation de l'écrit ne constitue nullement distinguer des approches fonctionnelles déjà
dans le vieux continent toute sorte de — par une sorte de fatalité — un appel au mentionnées en ceci qu'elle vise non la
réticences de la part des praticiens et des retour aux méthodologies d'avant-guerre. communication «face à face» avec un
théoriciens qui n'y voient qu'un retour en Derrière la similarité des étiquettes, il faut étranger, mais l'accès plus ou moins direct à
arrière, un échantillon de plus de cette « mode surveiller le changement de contenus. L'écrit, la lecture des textes en langue étrangère.
rétro» qui agite les esprits des nostalgiques ou plutôt les écrits, dont on demande
des années 20. Pour certains, l'on serait en aujourd'hui la reconnaissance pédagogique Qu'on l'appelle «fonctionnelle», «instru-
train de convoquer les mêmes arguments qui ne garde qu'une parenté lointaine avec l'écrit mentale» ou «pour objectifs spécifiques»,
étaient mobilisés pour justifier l'enseignement qui faisait la priorité de la méthodologie l'essentiel est qu'elle s'adresse à des clientèles
du latin. Les expressions «formation de traditionnelle. Ce n'est guère ici la place pour qui n'auront pas à s'engager dans une
l'esprit», «richesse intellectuelle» évoquent aborder l'étude des caractéristiques du texte communication interpersonnelle avec des
en effet des fantômes familiers qui traînent écrit qui s'impose aujourd'hui. Qu'il suffise autochtones sur les sujets de la vie quoti-
toujours quelque part dans les recoins d'une seule remarque: le texte écrit actuel dienne. Elle se démarque donc des tendances
oubliés. « Mettre l'accent sur l'accès à l'écrit », n'est plus présente comme un paradigme «communicativistes» et consiste essentiel-
ne voilà-t-il pas un objectif des années 20 ? Eh achevé de mise en œuvre de la fonction lement en un travail sur les textes. Par son
bien, il semblerait qu'il s'agit là de jugements esthétique du langage; mais comme un objet caractère utilitaire, l'approche visant la
prématurés. intellectuel socio-historiquement daté et qui compétence de lecture en langue étrangère
Critiquer l'aspect utilitariste des approches garde les traces et les souillures de ses peut être l'objet des mêmes réserves que les
fondées sur la communication dans la vie conditions de production. A la limite, le texte approches fonctionnelles mentionnées pré-
quotidienne et leur préférer une pédagogie écrit doit rendre des comptes non quant à sa cédemment, avec en plus l'objection supplé-
qui valorise ce qu'il y a d'intellection dans le qualité esthétique, mais plutôt quant à mentaire de l'absence d'une méthodologie
processus d'apprentissage ne veut pas l'authenticité de sa genèse. Nous assistons spécifique pour l'enseignement de la lecture
nécessairement dire retour à des modèles de ainsi actuellement à une récusation quasi en langue étrangère. C'est là en effet un
formation culturelle que tout le monde générale des matériaux construits ou décor- domaine peu étudié jusqu'à présent et dans
s'accorde à déclarer périmés. D'autant plus tiqués par les auteurs de méthodes, pour leur lequel la plupart des propositions péda-
que l'on trouve ce même appel à l'intellection préférer des textes produits dans des gogiques s'appuient sur des extrapolations
des processus impliqués dans l'apprentissage situations langagières véritables. En langue des recherches sur la lecture en langue
d'une langue, parmi les tenants des approches maternelle les élèves s'insurgent contre maternelle (lecture globale, balayage, écré-
communicatives, notamment chez ceux qui l'étude des «morceaux choisis» («choisis» mage, etc.). Bien souvent la seule métho-
estiment que les explications sur le fonction- par qui, si ce n'est par l'auteur de l'anthologie, dologie utilisée consiste en une confiance
nement de la langue cible peuvent jouer un selon sa propre gri Ile de lecture) et demandent faite à la capacité de transfert des capacités
rôle positif dans le développement de la à lire les ouvrages originels. En pédagogie du de lecture acquises en langue maternelle.
compétence de communication. La formation français langue étrangère on voit souvent le Cela ne suffit sans doute point pour fonder
intellectuelle prônée par la pédagogie actuelle texte journalistique remplacer les éternels une pédagogie, et dans ce domaine la
est basée sur le rôle de l'apprenant lui-même dialogues inventés par les auteurs des recherche devient des plus urgentes.

TABLEAU DES TENDANCES ACTUELLES

Point de départ:
Critique des méthodologies
structuralistes behavioristes
M.A.Q. — M.A.V.

critique de l'objectif

Développement Recherche d'une Recherche d'une


Tendance cognitive d'une compé- compétence de compétence de
ou « intellectualiste» : tence de lec- comm. restreinte, comm. égaie à celle
étude du phén. du langage ture en L2 fonctionnelle de l'autochtone

Octobre 1979 Québec français 65


15. Les diverses situations d'enseignement. affaire à des étudiants qui ne quittent pas leur m SE-ULC cHa<,e.
Il pourrait se dégager jusqu'ici l'impression, pays et qui n'ont donc guère besoin de ETrtot c £ 4 u i n /«/•
Cr*ie.j'rtt*r*l*rttî£ •rE'eesie^'Eirce
fausse, que les méthodologies diverses pour «communiquer — oralement — avec les jVÎQu'ârtrllHTg-
l'enseignement des langues s'affrontent dans -/v/it/rÀ c ' é c o c e . . ^ Oti£ (9)i r m'xoN ou
autochtones — dans les diverses situations de Ftpec c / t i r i t o .
un champ théorique idéal, et que les la vie quotidienne», alors que d'autres C îfS TQO£ ONTCC\
professeurs n'ont que l'embarras du choix, travaillent en pays francophone avec des n i n e s/» rMrKN € r
comme dans un libre service pédagogique. étudiants qui sont aux prises avec la commu- G>oe Su ttflrtrVi Htm,
Or il n'en est rien. En fait, il n'y a pas un pu
nication orale quotidienne. Toute discussion
enseignement du français: il y a des sur les qualités des diverses méthodes est o*~
enseignements et des méthodes diverses qui donc largement stérile et hors de propos.
sont le résultat de la diversité des situations.
Le Thème II de ce congrès est précisément 16. Dans la même perspective, il semble
consacré à l'étude et à la discussion de ces normal qu'avec des enfants en situation
diverses situations, et cela nous permet de scolaire l'on ait tendance à privilégier une
nous contenter ici de quelques distinctions approche formative ou mentaliste et que l'on
fondamentales pour mieux préciser le jeu des manifeste une certaine méfiance vis-à-vis des
tendances pédagogiques. approches fonctionnelles. En revanche, avec
Les distinctions les plus importantes des adultes, en situation non scolaire, il
seraient au moins les suivantes: semble normal que l'on ait tendance à viser Des réticences similaires se manifestent, à
a) le français est enseigné en tant que: des objectifs plus pragmatiques, voire utili- propos de l'introduction des pratiques fonc-
langue maternelle, langue véhiculaire, taires, comme l'insertion immédiate dans le tionnelles dans la classe de français langue
langue étrangère; monde du travail. maternelle. Si certains y voient la façon de
b) l'apprentissage se fait en situation scolaire Cependant, une certaine confusion résulte contribuer à améliorer l'expression des élèves
ou non-scolaire; du fait que des outils théoriques ou des — ce qui va de pair avec les vœux des
c) les apprenants sont : des enfants, de pratiques pédagogiques, issus d'une situation étudiants, si nous croyons une enquête
jeunes adolescents ou des adultes; donnée, acquièrent tout à coup — souvent menée en Belgique, — d'autres prononcent
d) les apprenants appartiennent à une contre le désir de leurs auteurs — des de sérieuses m ises en garde contre tout excès
catégorie socio-économiquement élevée tendances hégémoniques et montrent des dans un enseignement mécanique et stéréo-
(professionnels, scientifiques, etc.) ou à aptitudes à occuper tout l'espace pédago- typé des « techniques d'expression » et contre
des secteurs sociaux moins favorisés gique, ce qui conduit à maintes réserves et la recherche à tout prix de l'efficacité
(travailleurs migrants et leurs familles) ; mises en garde. On a vu appliquer à des fonctionnelle 5 .
e) pour le français langue étrangère, l'ap- adultes des méthodes conçues pour les
prentissage a lieu dans un pays franco- enfants ou les jeunes adolescents. On 17. Des lignes de force convergentes. A la
phone (ce qui implique une certaine assiste maintenant à l'exemple contraire, diversité des situations correspond donc —
immersion dans un circuit de commu- celui des tentatives pour appliquer aux quoique d'une façon non mécanique — une
nications en français), ou dans le pays de enfants des modèles d'enseignement ou diversité d'approches méthodologiques. Mais
l'apprenant (ce qui implique souvent d'analyse théorique créés pour les adultes. par delà la diversité, il est possible de dégager
l'absence presque totale de contact avec Pour prendre un exemple précis: bien parmi toutes les nouvelles tendances des
la langue orale). des professeurs se demandent s'il est lignes de force convergentes, dont les
légitime d'inclure les enfants en situation principales seraient celles-ci :
Ces distinctions de base, qu'il serait bon de scolaire parmi les publics visés dans l'utili-
sation de l'instrument de référence appelé — Premièrement, un refus généralisé du
garder toujours en mémoire, permettent
«Un niveau-seuil», qui comme tout le monde cours monolithique, de la méthode univer-
d'éviter les contre-sens, les malentendus et
le sait a été élaboré dans le cadre de la selle, traçant taxativement les étapes à
les dialogues de sourds. Ainsi, par exemple,
formation des adultes et pour répondre à parcourir par tous les publics. Ce refus se
certaines polémiques entre diverses approches
leurs besoins spécifiques. traduit par des slogans du type «la fin
fonctionnelles viennent du fait que les uns ont
des dogmatismes» ou «pour une péda-
gogie libérée». Corollairement, nous
trouvons une aspiration généralisée à la
flexibilité, à la diversité dans l'utilisation
des matériels et dans les procédures, bref
une «pédagogie pluraliste». Cette exi-
gence nouvelle provoque un intérêt de plus
en plus grand pour les systèmes modu-
laires et pour les matériaux pédagogiques
eux-mêmes modulaires.
L'observation de la réalité pédagogique
nous obligerait peut-être à nuancer
quelque peu ces affirmations. 11 s'en faut de
beaucoup que cette flexibilité tant
souhaitée soit effectivement entrée dans
les mœurs scolaires, et la mort du manuel
dont on nous annonçait l'imminence n'est
sans doute pas pour demain. Le discours
pédagogique et le discours politique ont
ceci de commun qu'ils décrivent souvent
une situation que ceux qui ont à la vivre
quotidiennement ne reconnaissent pas.
— Deuxièmement, un refus plus ou moins
généralisé de l'utilisation d'un modèle de
langue monolithique, homogénéisé arti-
ficiellement ; refus d'une normativité étroite
qui agit comme un véritable organisme
répressif et freine le développement des
mécanismes d'expression des apprenants.
Comme corollaire, l'école doit s'ouvrir à
une pluralité de normes et accepter et
même souvent faire pratiquer diverses

66 Québec français Octobre 1979


qu'il ne suffit pas d'arriver devant sa classe
avec un journal ou un dépliant pour que
ceux-ci deviennent tout de suite un matériau
verbal adéquat. Toute une préparation péda-
gogique préalable semble nécessaire, et on
est sans doute sur la voie de créer une
pédagogie du texte authentique destinée à
se développer beaucoup plus dans les
années à venir.

18. Conclusion. D'autres lignes de force


peuvent encore être dégagées qui auraient
mérité probablement une place dans ce bilan :
la tendance à considérer le langage non
seulement comme un instrument de commu-
nication mais comme un lieu de rencontre de
diverses fonctions, notamment ludique et
poétique; la tendance à ouvrir la voie au
monde de l'imaginaire ; l'accent mis sur le jeu
subtil existant entre lecture et écriture, et bien
d'autres propositions qui annoncent des
voies de recherche pleines de promesses
pour l'avenir.
Pour l'instant nous pouvons conclure en
disant que si le monde de l'enseignement du
français doit aujourd'hui se résigner à
l'absence d'une doctrine unique ou uni-
variétés de la langue. Davantage de place — Troisièmement, un refus assez généralisé ficatrice qui s'imposerait à tous (ou se réjouir
est alors laissée à l'expression spontanée du didactisme fondé sur l'autorité du de cette absence), cela résulte en un
des élèves pour permettre ainsi le dévelop- maître et autres spécialistes : auteurs foisonnement d'idées et de tendances
pement de la compétence communicative d'anthologies, compilateurs, présentateurs diverses qui laissent le champ ouvert à la
et expressive des apprenants. L'accep- et érudits divers qui connaîtraient toutes discussion et aux échanges de vues. Et dans
tation de l'expression libre implique certes les réponses et dont les élèves n'auraient cette discussion actuelle chacun a son mot à
une reconsidération de l'attitude de l'école qu'à suivre la baguette pédagogique dire. Libéré d'une méthodologie supposément
face à la faute, qui n'est plus considérée magique. Et par voie de conséquence, «scientifique», le professeur de langues
comme un stigmate, mais comme un une aspiration à la pédagogie de la semble avoir récupéré la parole. Eh bien!
ingrédient normal du processus d'appren- découverte, centrée sur l'activité propre usons-en, de cette parole enfin reconquise.
tissage. de l'apprenant et faisant appel à son
intelligence et à sa capacité créatrice. Gerardo ALVAREZ
La situation dans ce sens n'est pas de
Université Laval
tout repos pour l'école, et se produit en fait Dans ce terrain aussi, il faudrait sans
une dialectique délicate entre la liberté à doute avoir une vue assez nuancée, si
assurer à l'apprenant et les impératifs de l'on veut ajuster le domaine des affir-
la fonction scolaire. Cette contradiction mations théoriques à celui des pratiques N.B. Ce texte a fait l'objet d'un exposé au
est surtout évidente lorsqu'il s'agit de la pédagogiques réelles. Comme dans le IVe congrès mondial de la Fédération
didactique de la langue maternelle. Car s'il cas de certains régimes politiques qui ne Internationale des Professeurs de
est vrai qu'il convient de partir de la langue tolèrent que pour mieux sévir, il n'est Français tenu à Bruxelles, en août 1978.
réelle de l'enfant, sans le traumatiser ni le pas sûr que cet appel à la participation
pénaliser du fait qu'il utilise un sociolecte des élèves ne constitue pas une nouvelle
non standard, ou une variété locale moins astuce pour imposer des choix déjà
prestigieuse, il n'en est pas moins vrai que arrêtés par le professeur ou par l'institution
l'école se doit d'amener l'élève à la scolaire. Ainsi, l'enquête belge déjà men- * Je tiens à remercier Daniel Coste pour sa
maîtrise des normes des dialectes de tionnée nous signale que bien souvent les lecture critique de ce rapport et pour les
prestige (— à moins de refuser le jeu de la élèves se méfient du professeur, en qui nombreuses améliorations qu'il a sug-
société telle qu'elle est, ce qui semble un ils voient parfois un hypocrite qui ne leur gérées. Je remercie également les parti-
jeu facile d'enseignants en mal de révo- demande leur opinion que pour mieux leur cipants au Congrès, aux contributions
lution: on essaie de faire sa petite imposer la voie qu'il a déjà décidée desquels j'ai emprunté idées et citations.
révolution dans la langue, pour s'excuser lui-même. Ces apports n'enlèvent cependant pas ma
de ne pas pouvoir ou de ne pas vouloir la responsabilité entière quant au contenu de
faire dans la société. On s'amuse tout — Quatrièmement, une certaine distance à ce rapport.
compte fait à mettre verbalement la /l'égard des produits didactiques, toujours
1
Brown, H. Douglas. «CognitivePruningand
charrue devant les bœufs —). C'est plus ou moins artificiels, dosés en L2 selon Second Language Acquisition», The
pourquoi bien des pédagogues émettent une progression qui tend à éviter la Modem Language Journal, vol. 51, no 1,
des réserves devant un certain culte de production d'erreurs ; choisis en L1 comme 1972.
«l'expression spontanée». Un homme modèles de langue à admirer et à imiter. 2
politique disait que les idées qui nous Voir ROULET, Eddy. « L'apport des sciences
Ce qui provoque, comme corollaire, une du langage...». — Études de linguistique
viennent spontanément à la tête sont les demande généralisée pour l'utilisation de
idées de la classe dominante. Dans le cas appliquée, n ° 2 1 , janvier-mars 1976.
textes authentiques et variés, susceptibles 3
SELINKER, Larry. « Interlanguage», IRAL,
du langage de l'enfant, les expressions de mettre l'apprenant en face des méca-
qui lui viennent spontanément sont soit vol. X, n° 3, 1972, pp. 209-231.
nismes d'expression et d'argumentation 4
celles de sa langue dominante — son qui font ou peuvent faire partie de leur Voir par exemple VALDAM (A). — « L'étude
sociolecte vernaculaire —, soit « les clichés vie quotidienne: documents de presse, des systèmes approximatifs de communi-
et formules banales avec tout ce qu'elles textes de publicité, règlements divers, cation». — In: Bulletin FIPF, no 10-11,
charrient de pensées toutes faites et circulaires, tracts, affiches, etc. 1974-1975.
d'idées reçues»6. Arriver à la maîtrise 5
Voir «Enseigner le français en France
courante de la langue standard par
Cependant, si tout le monde s'accorde aujourd'hui», AFEF, 1976.
l'expression spontanée des élèves? Un 6
pari difficile pour l'école! plus ou moins à recommander l'usage péda- AFEF: «Enseigner le français en France
gogique du texte authentique, il est évident aujourd'hui».

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