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Il est convenu de faire commencer le Moyen Age au Vè siècle et de le faire " mourir " à la Renaissance (cf.

Moyen
Age mal connu mal aimé ? - Citadelle N°1).

Il serait vain de vouloir couvrir dans le détail mille ans d'histoire. Le Moyen Age reste pour beaucoup une période
trouble, se résumant souvent aux beaux siècles (XIè, XIIè et XIIIè siècles), époque que l'on préfère garder en
mémoire occultant les siècles de barbarie qui la précèdent ou ceux marqués par la guerre de Cent ans qui la suivent.
Chaque époque a ses grandeurs et ses misères.
Les repères chronologiques qui suivent tenteront d'établir un pont entre le passé et le présent, incitant le lecteur à
vouloir en savoir d'avantage sur cette variété infinie de périodes dont il trouvera ici des événements significatifs (les
développements feront l'objet d'articles ultérieurs...).

Pour ne retenir qu'un débat d'historiens : les espagnols font débuter le Moyen Age en 711 ; en Italie la Renaissance
commence au XIVè siècle avec le célèbrissime Quattrocento et la période médiévale se termine en Angleterre deux
siècles plus tard ! (soit avant le règne élisabethen, au XVIè siècle). On se souvient que Jacques Le Goff écrivait, il
n'y a pas si longtemps, dans Pour un autre Moyen Age :

" La longue durée pertinente de notre histoire me paraît ce long Moyen Age qui a duré depuis le IIè ou IIIè siècle
de notre ère pour mourir lentement sous les coups de le révolution industrielle [...] entre le XIXè siècle et nos
jours ".

On se rend compte à quel point fixer des limites est compliqué surtout quand il s'agira d'évoquer la littérature
médiévale qui se nourrit d'auteurs comme saint Augustin (cf. Saint Augustin d'Hippone, repères bibliographiques,

Citadelle n°2), Isidore de Séville ou bien encore Grégoire le Grand.

L'Empire romain d'Occident disparaît en septembre 476, quand à Rome le Skire Odoacre (cf. La dernière journée
de Romulus Augustule, petit Empereur déchu - Citadelle N°1) dépose le jeune Empereur Romulus Augustule et
l'exile en Campanie. Cet événement marque la fin de l'Antiquité et la période qui s'ouvre s'en distingue radicalement
tant dans sa territorialité, que dans ses organisations politique, rurale et religieuse.

La notion d'Europe prend sa source au Moyen Age, pourtant ce mot n'apparaît que très rarement chez les écrivains
médiévaux qui semblent lui préfèrer " Chrétienté " ou Occident. En effet, la dilatation du territoire fortement
morcelé, sa "septentrionalisation" et sa séparation du monde méditerranéen (de l'Orient, de l'Asie et de l'Afrique),
seront l'un des faits marquants de ces mille ans. L'Empire d'Occident commencera à trouver une certaine unité sous
le règne de Charlemagne, ce " roi, père, chef de l'Europe ".

" L'entrée " dans le Moyen Age de certains peuples dépend souvent de la date de leur conversion au christianisme
(Saxe, Bohème, Scandinavie, Hongrie, Pologne, Pays Baltes , Russie - cf. Les origines de la Russie : l'Etat de Kiev -
Citadelle n°2).

D'un point de vue social, on observe, dans un premier temps, un repli des individus sur eux-mêmes. Après la rupture
définitive, ce fameux "tournant" de l'an mil, on note la constitution lente et progressive d'un autre système politique
économique et social, même si les disparités entre les diverses contrées sont une évidence et que mentalités et
institutions auront bien du mal à se dégager de " l'idée " mythique de la notion d'Empire . Certains d'ailleurs s'y
brûleront les ailes et Charles Quint, pour ne citer que lui, n'en n'est pas l'un des moindres.

L'omniprésence du christianisme constitue la clef voûte d'une approche rationnelle du Moyen Age. Il est le
fédérateur de la civilisation médiévale . Dès le VIè siècle, le christianisme est le support de l'architecture, de l'ordre
médiéval et de sa pensée. Tout le savoir se réfugie dans l'Eglise. Or tout savoir confère un pouvoir et l'Eglise
cumulera les deux et veillera à entretenir ce rapport dialectique qui ne peut que renforcer son omnipotence.

D'un point de vue linguistique, la chose est encore malaisée à cerner. On sait que la plupart des langues européennes
(hormis le finois, le hongrois et le basque) ont un ancêtre commun : l'indo-européen, langue que l'on reconstitue
peu à peu. Le problème de l'apparition de la langue médiévale n'est pas simple car le pays ne possède pas une langue
nationale unique, car constituées de nombreux dialectes. La littérature écrite apparaît grâce à différents apports
dues aux diverses invasions.

La romanisation triomphe encore malgré l'effondrement de l'Empire ; le latin reste la langue de référence. On le
parle en Gaule depuis la colonisation romaine, même s'il devient moins " correct " que le latin classique de Cicéron,
de César ou de Virgile. Cette langue parlée, Cicéron l'appelait justement sermo cotidianus, "langue de tous les
jours" : d'ailleurs qui d'autre à Rome, loin de la férule du penseur, parlait " un latin digne des catilinaires " ? Ainsi le
latin classique se transcrit en s'altérant petit à petit. Et même s'il évolue assez rapidement pour aboutir avec divers
apports à la langue française, il ne faut pas oublier que la littérature médiévale restera marquée par un latin de
tradition écrite religieuse et savante, source d'une production littéraire vivante et abondante, et ce, jusqu'au XIVè
siècle, voire même encore au XVIIè siècle (poèmes, chroniques, épopées…). C'est la langue savante internationale
grâce à laquelle les intellectuels, littéraires et scientifiques, s'intercomprendront.

On oublie souvent que le Moyen Age est une période d'échanges nombreux, d'intenses circulations :
- les hommes, nobles et guerriers, voyagent et se battent parfois très loin, cf. les Croisades)
- les idées, clercs, intellectuels et moines, voyagent aussi et font leurs études ou leur apprentissage dans des
universités ou monastères lointains
- les biens circulent grâce aux grandes Foires du nord de la France et au commerce maritime.

Les assauts des dialectes barbares allant de pair avec la vulgarisation du latin que l'on baptise bas-latin (ou latin
vulgaire, de vulgus " le peuple " par opposition au latin littéraire), donneront naissance à la lingua romana rustica,
reconnue au Concile de Tours en 813 et dont l'emploi sera recommandé dans les discours laïques. Mais c'est une
langue romane instable qui doit toujours " ferrailler " avec des substrats celtes ou germaniques, connaissant le pire
sous le règne de Clovis.
Toutes les langues romanes présentent certes des points communs les unes avec les autres, pourtant certains pays
ressentiront les invasions germaniques de façon plus ou moins forte et les différences en témoigneront. A noter que
l'Espagne conservera trace dans son vocabulaire de la domination arabe qu'elle connut de 711 à 1492.

En résumé, les différents dialectes qui font la langue médiévale se regroupent en deux catégories :

la langue d'oïl, parlée dans le nord de la France, avec ses nombreux dialectes : picard,
champenois, bourguignon, wallon, francien (d'Ile de France, ancêtre du français moderne),
lorrain, orléanais, anglo-normand. Ce vacte ensemble constitue l'ancien français.
La langue d'oc, parlée dans le sud de la France (sud de la Loire), avec elle aussi de nombreux
dialectes : gascon, provençal, limousin... (cf. prochain numéro de Citadelle : Introduction à la
poésie des Troubadours).

Il est convenu de séparer le Moyen Age en trois périodes radicalement différentes :

instauration : haut Moyen Age, du Vè au Xè siècle.


épanouissement : on situe traditionnellement le cœur du Moyen Age du XIè au XIIIè siècle.
crise et déliquescence de la féodalité en Occident, aux XIVè et Xvè siècles, bas Moyen Age.

Trois moments qui constituent une péréquation incontournable pour qui veut s'immerger dans ces quelques mille
ans...

- LE HAUT MOYEN AGE -


Il couvre à lui seul une période aussi longue que les deux suivantes réunies. Il s'étend du Vè au Xè siècle et voit
s'opérer la fusion entre barbares et romains, tandis que les invasions commencées au IIIè siècle (connues sous le
terme générique de secondes invasions) se poursuivent. Il est utile de préciser que le mot barbare désigne tout
d'abord ce qui n'est ni grec ni romain et sera durant toute cette période appliqué aux peuples qui envahissent
l'Occident à partir du IIIè siècle avec, bien sûr, un sens péjoratif.
Toutefois les hordes barbares nous ont laissé, via en particulier leurs tumuli, des traces indéniables de leur savoir-
faire en matière de ferronnerie, d'orfèvrerie, bref une maîtrise incontestable dans le domaine du travail des métaux :
c'est ce que l'on appelle l'âge de l'orfèvrerie et de la sculpture plate.

La société rurale est autarcique. Les particularismes se marquent, les territoires se morcellent, les liens personnels se
resserrent et échappent à tout pouvoir central : on " s'abrite " auprès de celui qui Protèe.
Après la dislocation de l'Empire Romain d'Occident, sont apparues dans les structures politico-socio-économiques,
des prémices qui annoncent déjà la société féodale (cf. plus loin). Les échanges étant en voie de disparition, la terre
devient la première référence. Inquiète des assauts récurrents des Barbares, la classe possédante se retire dans ses
vastes domaines secondaires qu'elle ne manquera pas de faire fortifier.

Les Francs ne forment alors pas une peuplade unie, ils sont divisés entre les Saliens au nord de la Gaule et ceux que
l'on appelait Ripuaires ou Francs du Rhin.
Childéric Ier, roi des Francs Saliens, meurt en 481 à Tournai en Gaule. Fils de Mérovée qui , dit-on, descendait d'un
serpent de mer, il régne sur les tribus franques fixées en Belgique par les Romains au début du IVè. Son fils Clovis
lui succède et devient roi à l'âge de quinze ans. Grâce à sa détermination farouche, ce personnage entreprend la
conquête de la Gaule (la Burgondie (Bourgogne) et de la Septimanie (vallée de la Garonne et Languedoc) des
Wisigoths).
Grand conquérant, habile stratège, il se convertira après sa grande victoire à Tolbiac (vainqueur des Alamans en
496, près de Trèves, non loin de Cologne).Ne résistant plus aux suppliques de Clotilde, sa femme (princesse
burgonde, figure féminine emblématique de cette période troublée), il tient alors la promesse qu'il avait faite :

" Dieu de Clotilde, j'invoque ton secours ! Si tu m'accordes la victoire sur mes ennemis, je croirai en toi. "

C'est, dit-on, le jour de Noël 496 qu'il recevra le baptême (devenant Ludovicus, c'est-à-dire Louis en latin) et les
saintes huiles des mains de l'évêque de Reims, Rémi. Il devient alors roi des Francs et roi catholique (seuls les
bretons refusèrent de la reconnaître pour roi). Désormais autant que les circonstances pourront s'y prêter, L'Eglise
fera les rois de France. Seul monarque catholique d'Occident, il gagne le soutien des évêques de Gaule et il choisit
pour capitale Paris :

" Paris est une reine brillante par-dessus les villes, ville royale, siège et tête de l'empire des Gaules. "
(Clovis, Lettre-patente, octobre 500)

Il y fait construire l'église Saint-Pierre et Saint-Paul, qui deviendra l'abbaye Sainte-Geneviève dans laquelle il sera
enterré avec la reine, son épouse.

Fort de sa victoire à Tolbiac, il n'aura de cesse de vouloir conquérir toute la Gaule : il tuera de ses propres mains le
roi des Wisigoths Alaric à la bataille de Vouillé (507). La victoire de Soissons achèvera d'étendre son règne.
Il aura fondé la dynastie Mérovingienne qui régnera plus de trois siècles (448-771). L'héritage dynastique par
filiation date de cette époque. Et si ces rois achèvent progressivement la conquête de la Gaule, selon la coutume
franque, le royaume est divisé à la mort du roi entre ses héritiers et ce ne sont que guerres fratricides qui affaiblissent
toujours un peu plus l'autorité royale.

Les années 511 à 561 marquent le règne des fils de Clovis : Clotaire Ier devient le seul roi en 558, mais bien vite ses
quatre fils se partagent ses Etats à sa mort en 561.

Les contacts avec les Romains ont contraint les Barbares à fixer leurs lois par écrit :

les Wisigoths avaient le code d'Euric,


les Lombards, la loi Gombette, toutes deux nettement influencées par le droit romain.
La loi salique, monument législatif de l'ordre des Francs Saliens, fait alors son apparition. Le
court extrait des Mutilations et des Maléfices rappelle les grandes lignes de ce code de procédure
judiciaire et pénal, qui est pour l'essentiel un tableau des amendes compensatrices de crimes :

" Si quelqu'un enlève la main ou le pied d'un autre, lui arrache un œil ou lui coupe le nez, la composition est de dix
sous".

Cette loi sera ensuite appliquée aux femmes afin de les écarter de la succession dynastique tant qu'il restera des
héritiers mâles, puis étendue à la succession de la couronne de France comme en 1316 quand Louis X le Hutin
meurt, laissant un fils posthume qui ne vécut que quatre jours. Ces pratiques également ont été "récupérées" par
l'inquisition à partir de 1229 pour faire "avouer" les hérétiques récalcitrants.

Quand un jury est indécis, il a recours à l'ordalie (en germ. Urteil " jugement "), épreuve judiciaire ou jugement de
Dieu, qui illustre justement ce mélange d'héritage "barbare" et d'intervention divine : symbiose entre la justice d'ici-
bas et celle de l'au-delà. Pour résumer cette épreuve, on a coutume de plonger le bras du suspect dans une cuve d'eau
bouillante : la guérison rapide de la plaie de ce dernier est la preuve évidente et suffisante de son innocence, " car
Dieu ne peut laisser punir les innocents ! ". L'ordalie par le feu, quant à elle, consiste pour le supplicié à tenir le plus
longtemps possible un barre de fer rougie par un feu purificateur ! Là encore, si les stigmates se révèlent légers,
l'accusé est alors reconnu innocent. Dans la cas contraire, il doit subir le châtiment ultime en étant poignardé ou
pendu. Il peut avoir la tête tranchée ou périr encore étouffé, la tête emprisonnée dans un sac de bure, si et seulement
s'il a la chance d'être d'origine sociale "supérieure".

La notion de wehrgeld (de l'allemand wehren " empêcher de " ; et geld " argent "), ou amende payée est une sorte de
compensation pécuniaire visant à réparer une faute commise contre l'ordre établi. Elle intègre la législation bien
que son origine soit incontestablement barbare. Elle aura cependant pour but de briser le cycle des vengeances
personnelles héritées du système romain.

Après l'Egypte, le monachisme fait son apparition en Occident au début du Vè siècle, connaissant un véritable essor
aux VIIè et VIIIè siècles. Face aux guerres nombreuses, aux incertitudes des temps, la vie monastique offre le salut
de l'âme et une certaine sécurité matérielle. En 537, au Mont Cassin (Italie), où en 529 il avait fondé un monastère,
Benoît de Nursie rédige une règle pour ses disciples : ascèse, discipline intérieure, abnégation, humilité (vertu
fondamentale, mesure de la perfection), obéissance inconditionnelle, silence total au réfectoire, pendant la sieste, la
lecture et la prière, en évitant tout ce qui pourrait provoquer le rire. Les points de repères sont les heures canoniques
: prime, tierce, sixte, none, vêpres et complies. La lecture tenait une place fort importante, on rapporte même que
près de 150 psaumes étaient ainsi lus, si bien qu'à la fin de la semaine, ils avaient lu le psautier en entier.

Le moine irlandais saint Colomban (540-615) part évangéliser le continent en 590. Il se fixe à Luxeuil (Vosges) d'où
il dirige plusieurs communautés et rédige sa règle particulièrement rude (piété et ascétisme). Il oblige les moines à
apprendre le latin ce qui permet ainsi un renouveau de la culture intellectuelle. Expulsé pour avoir critiqué la reine
Brunehaut, il part en Italie où il meurt en 615. La rigueur de sa règle sera tempérée par des emprunts à la règle
bénédictine, règle que suivront tous les ordres jusqu'au XIIIè siècle. Les communautés joueront un rôle de premier
plan grâce à leur autonomie, essentiellement par la production agricole. En l'an 600, on compte 200 monastères qui
suivent des règles bien précises : les moines doivent savoir lire et commenter le psautier, l'office devant être
psalmodié (cf. supra). On leur commande d'effectuer également de nombreuses copies de manuscrits. A noter que le
"concept de proporiété intellectuelle n'existe pas car on copie en rajoutant, corrigeant, interprétant, glosant (les
commentaires introduits dans le texte original sont très frequents). On transpose souvent à son goût sans qu'il y ait
pour cela la moindre intention de plagiat (notion inconnue).

[A lire certains manuscrits, on s'aperçoit qu'il n'est pas rare de trouver des choses tout à fait savoureuses. Tout ce qui
passaient dans la tête du moine-copiste se retrouve inscrit sur le parchemin, "négligences" dûes à la fatigue et la
distraction passagères.(NDLR)]

Outre les diverses recherches qui ont contribué à rendre à un auteur "son" oeuvre, une tentative très prometteuse a
été mise en place à l'université de Rennes : il s'agit de "débusquer" les textes apocryphes grâce à la rytmicité du
texte.

Denys Le Petit, moine d'origine scythe, publie à Rome en 526 une table pascale destinée à fixer pour les années
[532-626] la date du dimanche de Pâques. Adoptant pour cela le comput alexandrin qui la fixe entre le 22 mars et
le 25 avril. C'est ainsi que fut mis en place une ère commençant à la naissance du Christ : l'ère chrétienne.

Vers 593, Grégoire de Tours, premier historiographe, meurt en laissant son Histoire des Francs.

Selon la tradition, par une nuit du mois de Ramadan, en l'an 610 de l'ère chrétienne, c'est dans une grotte au mont
Hîra, près de la Mecque, que l'ange Gabriel invite Muhammad (né vers 570) à transmettre aux hommes la parole de
Dieu. Devant l'hostilité des commerçants mecquois, il doit fuir la ville avec sa famille pour un exil volontaire à
Yatrib (Médine ou Médina el Nabi " la ville du prophète "). Cette fuite, ou hégire, marque le début de l'ère
musulmane.

La mort du prophète en 632 (sans avoir désigné de successeur), n'interrompra cependant pas l'expansion de la
nouvelle religion monothéiste (le désert de l'Arabie est peuplé de tribus nomades polythéistes) qu'il a prêchée,
l'Islam. En un siècle, les Arabes vont considérablement étendre leur autorité sur d'immenses territoires, de l'Espagne
aux régions voisines de l'Inde et de la Chine (apogée en 750). Les territoires musulmans obéissent à un calife (632-
661 : règne des quatre premiers), souverain religieux et politique, établit à la Mecque puis à Damas (capitale de la
dynastie Omeyyade de 661 à 750). Pourtant en 750, une nouvelle dynastie apparaît, celle des Abbassides, souhaitant
détrôner la précédente. De cette querelle de succession débouche une division et il existe alors deux califats : l'un à
Bagdad (nouvelle capitale des Abbassides) et l'autre à Cordoue (Espagne), qui par la suite se fragmenteront en
royaumes ou émirats autonomes. (développement dans un prochain numéro de Citadelle).

Malgré un apaisement sous Charlemagne qui constitue un Empire brillant mais de courte durée, ces cinq siècles
(Vè au Xè) constituent incontestablement un déclin en Europe Occidentale, alors que celui d'Orient perdure avec ses
fastes. Son apogée est indéniablement l'issue des intrigues et des victoires de ses père et grand-père, tous deux
maires du palais, et dont l'autorité se substitua à l'autorité légale existante.
Petit-fils de Charles Martel et fils de Pépin dit " le Bref ", Carolus Magnus règne de 768 à 814, tout d'abord avec
son frère Carloman, puis reste seul sur le trône à la mort de ce dernier en 771. Il n'a alors de cesse d'agrandir le
royaume, persévérant dans la ligne indiquée par son père. Ses victoires sont telles qu'elles contribueront largement à
en faire un personnage de légende (La Chanson de Roland, vers 1100). En l'an 800, il est proclamé empereur
d'Occident et couronné par le pape Léon III. Il fait d'Aix-la-Chapelle sa capitale et favorise la multiplication de
chantiers entre la Seine et le Rhin : la chapelle palatine d'Aix sera une imitation parfaite des modèles byzantins alors
que son architecte Eudes de Metz est un Franc. La plume et le pinceau des peintres et miniaturistes (grecs et
irlandais se côtoient) sont alors sans égaux.

A la tête d'un Empire immense qu'il structure aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur, Charlemagne nomme des
magistrats inspecteurs, les fameux missi dominici. Ces " espions ", envoyés du maître, disposent d'un pouvoir très
étendu.

Par goût personnel, autant que pour l'intérêt de son peuple, il s'emploie à relever le niveau intellectuel et moral de
son Empire en favorisant lettres et sciences : c'est ce que l'on appelle la renaissance carolingienne. Profitant de la
paix, favorable au développement d'échanges régionaux et internationaux, il encourage les grands esprits de son
temps et ordonne la création d'écoles au sein des monastères. Pour les enfants, il préconise un enseignement
élémentaire, avec apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul. On doit aux clercs de cette époque un
programme d'études en deux cycles, ou arts libéraux, que tout le Moyen Age conservera :

Trivium : grammaire, rhétorique et latin,


Quadrivium : arithmétique, géométrie, astronomie et musique.
L'écriture cursive, devenue illisible, est alors remplacée par la minuscule caroline. Le latin devient la langue
savante mais une langue morte dont les parlers régionaux romans vont progressivement s'écarter. Au VIIIè siècle
(aux environs de 770), le chant grégorien (du nom du pape Grégoire le Grand, peut-être à tort ?) remplace le chant
liturgique romain. Il est noté en neumes (du grec pneûma, " souffle "), ancien signe de notation musicale.

Tous ces efforts sont loin d'être négligeables, mais cette renaissance ne tarde pas à s'éteindre à cause d'une économie
trop contractée. Louis le Pieux hérite d'un Empire certes immense mais ô combien fragile et en moins d'un siècle,
l'effort des carolingiens aura échoué. Pourtant, le IXè siècle connut malgré tout une expansion démographique, non
élucidée á ce jour !
Les discordes des descendants de Charlemagne favorisent de nouvelles invasions qui vont déferler sur l'Europe et
ruiner en moins de trente ans l'Empire carolingien :

Les Arabes ou Sarrasins sont en Corse, en Sardaigne sur les rives nord de la Méditerranée, ils
pillent Rome en 846 et déferlent dans le sillon rhodanien franchissant l'Elbe.
Les Slaves pénètrent dans les territoires germaniques : les Magyars ou Hongrois, cavaliers
Eurasiens venus de l`Oural occupent vers 900 la plaine de Hongrie . On notera d'ailleurs avec
intérêt que ce sont des communautés en mouvement, des sociétés " semi-nomades " : traits
essentiels de ces sociétés médiévales.

Les Vikings ou Normands déferlent eux aussi sur l'Europe : les conséquences de ces invasions sont de loin les plus
importantes. Venant de Scandinavie, ces marins redoutables manient leurs fameux drakkars avec une habileté
consommée ( il est fort probable qu'ils aient découverts le Groenland, "le pays vert" aux alentours de l'an mil, ainsi
que les territoires de l'extrême nord américain, les côtes du Labrador). Mus par de vraisemblables raisons de
surpopulation, les Vikings de Norvège abordent au sens "corsaire "du terme l'Ecosse et l'Irlande. Ceux de Suède ou
Varègues entrent profondément dans la plaine russe et menacent Constantinople. Au sud, ceux du Danemark
abordent les côtes allemandes de France et d'Espagne. Au IXè siècle, en moins de quarante ans, ils remontent quatre
fois la Seine jusqu'à Paris (siège en 845).
D'autres pénètrent en Bourgogne et au cœur du Massif Central, Charles le Simple cède la province baptisée depuis
" Normandie " au Viking Rollon (Traité de Saint-Clair-sur-Epte en 911)…sous cependant certaines conditions : le
chef Viking Rollon doit se convertir au christianisme et faire serment de fidélité à Charles le Simple.

Toutes ces nouvelles données démographiques et politiques hâtent la constitution de nouveaux royaumes en France
et en Allemagne, seule l'Eglise parvient à sauver quelques bribes de civilisation antique.

Le Xè siècle, ou siècle de Fer, de décadence, est bien sûr lui aussi une époque trouble, mais pourtant pas
entièrement catastrophique : on fonde en 910 l'Abbaye de Cluny, de nombreuses écoles fleurissent dans les cités
épiscopales telles que Laon, Reims ou Liège. La vie intellectuelle n'est donc pas à négliger car on n'a jamais cessé
d'écrire. Les premiers textes, ou fragments qui ne soient plus en latin apparaissent vers le VIIIè siècle :

une parodie de la Loi salique (deuxième moitié du VIIIè siècle)


la Formule de Soissons (vers 780)
l'Enigme de Vérone (vers 800, en italien archaïque)
les Serments de Strasbourg (842 en français et en allemand)
la Chanson de saint Faron ou Chanson de Chlotaire (seconde moitié du Xè)
la Séquence ou Cantilène de sainte Eulalie (vers 880, premier poème connu et conservé en ancien
français)
les fragments du Sermon sur le livre de Jonas (vers 900 : feuille en partie tachygraphiée au texte
alternant entre ancien français et latin)
les formules campaniennes (milieu du Xè siècle en italein archaïque)
l'Aube de Fleury (seconde moitié du Xè siècle : ce court poème saluant le lever du soleil dont la
langue reste encore une énigme)
la Passion de Jésus-Christ ou Passion de Clermont (dont on ne possède qu'une seule copie,
exécutée par quatre mains différentes)
la Vie de saint Léger (Leodegarius est un saint mérovingien authentique).
Les deux derniers textes cités sont conservés dans le ms. de Clermont (seconde moitié du Xè siècle).

Durant la période carolingienne, et sous le règne de Charles le Chauve (843-877), on assiste à la mise en place de la
structure de la société médiévale occidentale qui perdurera jusqu'au XVè siècle, avec la féodalité (mot apparu au
XVIIIè siècle !), la vassalité et la chevalerie.

On divise alors la société en trois ordres ou en trois estats du monde. Cette division est à la base de toute une
réflexion politique, économique et théologique.

les "bellatores", ceux qui se battent pour la paix sociale et la défense des faibles (à l'origine la
noblesse a une fonction guerrière).
les "oratores", ceux qui prient pour le salut de la communauté.
les "laboratores", ceux qui travaillent pour entretenir les deux ordres précédents.
Cette division du monde repose sur une loi naturelle mais aussi divine. On se plaît à penser que la société terrestre
est la réplique de la société céleste : la hiérarchie sur terre reproduit celle du ciel. On s'inspire de la Hiérarchie
céleste de Denys l'Aréopagite dont on retient les trois ordres ou cœurs angéliques suivant :

les Séraphins, les Chérubins, les Trônes


les Dominations, les Vertus, les Puissances
les Archanges, les Anges, les Principautés

Le but étant de se rapprocher au plus près du modèle divin, chacun aura une fonction bien précise dans la société
(métier, tâche ou office), déterminée et voulu par Dieu. Si chacun l'accomplit avec conscience et à sa place, alors la
société terrestre pourra prospérer. On n'occupe pas une place indue. On ne saurait toucher à cet ordre sans encourir
une action d'impiété. C'est cette image tripartite qui s'imposera à partir du XIè dans divers ouvrages : Les Estats du
Monde, Miroirs du Monde, poèmes qui passent en revue les différentes classes de la société.(Mais ceci fera l'objet
d'un prochain article).

Cette société féodale naît progressivement, elle va remplacer l'ancienne société romaine, après une longue anarchie.

Si la féodalité fera étroitement dépendre le vassal de son suzerain (on verra le mot ami prendre alors un sens tout
fait particulier NDLR), il n'en est pas de même pour la femme. Elles se retrouvent nombreuses à la tête de fiefs
faisant montre de très grandes qualités dont l'administration du château. Dans les cuisines elle s'assure de
l'approvisionnement du garde-manger, on la retrouve au jardin, elle veille à l'entretien des vêtements... Et ce, surtout,
quand elles se retrouvent seules en temps de guerre ou de croisade. Mais leur combativité et leur habileté en
stratégie politique en amènent plus d'une à partir avec le seigneur. L'estime que la Chrétienté a pour son courage et
sa valeur renvoit à la mythique de la Vierge Marie ou de Marie-Madeleine, ce qui contribue largement à en faire Un
Personnage. Incontournable des ces mille ans d'histoire, elle n'est plus simplement le "Démiurge du Foyer", même
si elle est de condition modeste : sainte Geneviève, Jeanne Hachette et surtout Jeanne d'Arc (cf. Dans les prisons du
Château de Beaurevoir, Citadelle N°3). Elles savent insuffler un patriotisme naissant et deviennent des symboles de
référence et la liste est loin d'être exhaustive !

La condition de la femme du peuple est liée à celle de son compagnon. Et la plupart du temps, sauf si ce dernier est
riche, elle exercera un métier : étuvière, oublière, patissière et même "miresse" à l'image d'une certaine Hersent qui
aurait accompagné saint Louis en Orient. Existence faite de travaux pénibles, de nombreuses difficultés, il s'agit
alors plus de survie que de vie.

La littérature chrétienne, quant à elle, privilégiera deux fonctions : la mère, à l'image de la nativité : saint Augustin
d'Hippone dans ses Confessions, nous en donne un retentissant exemple évoquant sa mère, sainte Monique, avec des
accents qui ne trompent pas.

Les Vierges Martyres deviennent les héroïnes d'un important courant littéraire. Toutefois, l'image de le femme se
transformera au cours du Moyen Age devenant comme la belle Aude un être quasiment inaccessible, stéréotypé et
sans grand relief ou bien encore une de ces gourmandes et bavardes dont les Fabliaux se moqueront.

Pour conclure,on pourrait reprendre ce que disait justement Christian Amalvi dans Le Goût du Moyen Age :
" « La vision d'un haut Moyen Age barbare communément admise depuis les Récits des temps mérovingiens
d'Augustin Thierry est aujourd'hui sérieusement mise à mal par les travaux de Pierre Riché sur les Ecoles de
l'enseignement dans le haut Moyen Age qui ont pour conséquence que l'on ne peut plus désormais, sous peine de
profond ridicule, qualifier cette longue époque d'obscure et de sauvage.» (NDRL)

M. Paris

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