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Jeu Jeu

« Théâtre/public/perception »
Christian Dutil

Numéro 31, 1984

URI: id.erudit.org/iderudit/29310ac

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Publisher(s)

Cahiers de théâtre Jeu inc.

ISSN 0382-0335 (print)


1923-2578 (digital)

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Christian Dutil "« Théâtre/public/perception »." Jeu 31 (1984):


154–156.

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certain débat, complexe, qui détermine de cette recherche sur l'inanalysé de ses
et traverse cette époque et déborde de propres f o n d e m e n t s et ménageait
beaucoup son seul cas. Avec Mallarmé, comme seule sortie possible de sa
il en accomplit cependant le programme propre impasse une tentative d'« expli-
dans ce qu'il aura eu de plus aigu et de cation » de l'inachèvement chronique de
plus exigeant. En effet, ce «débat» allait l'oeuvre par son rabat sur l'improducti-
atteindre tout ce qui logeait sous quel- vité de l'homme. Ainsi, par son allure de
que détermination d'art que ce soit, et, démonstration accomplie, le geste de la
au-delà de la question de l'art, allait mar- conclusion qui convoque entre autres
quer les différents champs de l'activité raisons les d i f f i c i l e s r a p p o r t s aux
humaine: des ébranlements décisifs al- femmes et à l'argent du «yogic Debus-
laient gagner les notions de sujet et sy», laisse non seulement les questions
d'histoire, pour n'en nommer que deux. en suspens mais en rend l'analyse en-
core plus urgente; laquelle, il faut bien le
Avec l'étude d'Orledge, tout se passe préciser, sans être le propos de ce livre,
comme si déjà la manière de poser le ne saurait toutefois être menée sans que
problème (Debussy versus le théâtre, ou l'on prenne nécessairement appui sur ce
pourquoi Debussy, après Pelléas, n'a ja- d o c u m e n t r e m a r q u a b l e de Robert
mais réussi à vaincre son impuissance Orledge.
face à la scène?) entraînait un renonce-
ment à l'analyse, ou tout au moins son lucie normandin
différé, lequel faisait buter la conclusion

«théâtre/public/perception »

une mémoire sociologique inestimable ment en évidence ce profil: c'est une


fraction privilégiée de la population qui
Ouvrage d'Anne-Marie Gourdon, Paris, Éditions du fréquente les théâtres.
Centre national de la recherche scientifique, 1982,
256 p., ill.
Mais contrairement aux autres travaux,
On commence à peine à lever le voile sur l'ouvrage ne s'arrête pas là. Il donne la
le partenaire essentiel qu'est le public au parole au public pour connaître ses mo-
t h é â t r e . Qui est-il? D'où v i e n t - i l ? tivations, ses aspirations, ses opinions
Comment perçoit-il le spectacle théâ- face au fait théâtral et analyser ses réac-
tral? Autant de questions dont seul le tions à l'égard de spectacles particuliers.
spectateur a les réponses.
Pour y parvenir, Anne-Marie Gourdon
Dans la dernière décennie, quelques en- s'est livré à une série d'enquêtes auprès
quêtes se sont attachées à sortir de des publics de théâtres parisiens choisis
l'ombre le public en interrogeant son pour leur caractère représentatif de di-
identité. Elles ont révélé l'homogénéité verses tendances du théâtre en France:
des publics des théâtres: public jeune, le Théâtre National Populaire au Palais
niveau d'instruction élevé, classes de Chaillot, l'Espace Pierre Cardin, la
moyennes et supérieures de la société. Comédie-Française, le Théâtre du Soleil
Théâtre, public, perception met claire- à la Cartoucherie de Vincennes... L'ex-
154
posé que fait l'auteur de sa méthode
d'enquêtes (questionnaires et tableaux
annexés) est un modèle de clarté. Qui-
conque voudrait entreprendre une re-
cherche équivalente aurait là un mode
d'emploi fort utile.

Pour chaque théâtre, l'ouvrage établit


des divergences d'appréciation, de goût
et d'attente, en fonction de l'âge, de la
profession et du diplôme du spectateur.
À ce niveau, les résultats dégagés ne
renversent guère nos idées préconçues:
que les j e u n e s s p e c t a t e u r s de la
Comédie-Française acceptent plus vo-
lontiers que les plus âgés le répertoire
contemporain, que, dans ce même
théâtre, les spectateurs les plus instruits
accordent plus d'importance à l'auteur
dans le choix d'une pièce, etc. On s'y teurs de chaque théâtre relativement
attendait, mais l'établissement «scienti- aux auteurs, aux spectacles et aux lieux
fique » de ces vérités leur confère tout de de représentation. Ces données sont
même un poids que n'ont pas les trop précieuses aux théâtres concernés qui
fréquentes extrapolations en matière de peuvent en tenir compte pour fixer leurs
public de théâtre. orientations. Toutefois, elles doivent
être utilisées avec circonspection, puis-
Plus percutant est l'exposé des diffé- que le public ne peut réclamer des
rences d'un théâtre à un autre, entre les choses dont il ignore l'existence. L'au-
opinions émanant de public du même teur ne fait pas une large place à l'ana-
âge, de la même profession, du même lyse de la réaction du public aux élé-
niveau d'instruction. Par exemple, que ments d'un spectacle qui bousculent ses
les quelques ouvriers présents à la habitudes. Jointes aux attentes expri-
Comédie-Française souhaitent des au- mées des spectateurs, des indications à
teurs classiques français alors que les ce sujet auraient situé les théâtres sur la
ouvriers du Théâtre du Soleil deman- marge de liberté dont ils disposent avant
dent un théâtre de lutte de classes et de de risquer la désertion.
revendications sociales, voilà qui n'avait
pas été relevé à ce jour, faute d'enquêtes L'auteur détermine ensuite l'utilisation
assez vastes pour permettre la compa- polysémique que font les spectateurs de
raison. Cette constatation conduit l'au- certains concepts (théâtre populaire,
teur à poser le problème de l'idéologie participation, création collective...) et
différente de publics apparemment ho- resitue leurs opinions par rapport aux
mogènes et à proposer pertinemment théories des spécialistes. Puis, est abor-
qu'il convient d'affiner le concept de dée la question complexe de la percep-
classe sociale afin qu'il demeure opéra- tion de certains spectacles de théâtre,
toire pour différencier les aspirations du par l'analyse de la signification de cha-
public. que oeuvre dans ses rapports avec le
récepteur. À partir des divers types de
L'ouvrage dégage, par ailleurs, les goûts jugements émis par le public (de goût,
et les voeux majoritaires des specta- d'ordre symbolique, d'ordre pratique,
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etc.), une hypothèse générale de la per- société laisse supposer des modifica-
ception est construite. Selon celle-ci, tions depuis. Le public du Théâtre du
contrairement aux affirmations des so- Soleil qui, aujourd'hui, s'extasie devant
ciologues, la perception artistique ne re- des pièces de Shakespeare où l'esthé-
lève pas seulement des codes culturels tisme prime, est-il toujours le même?
appris et des compétences artistiques Seuls des mécanismes permanents d'é-
du spectateur; elle dépend également coute du public pourraient rendre
de son affectivité. Voilà un constat ras- compte des variations dans sa composi-
surant pour l'humanité du théâtre! tion et dans sa mentalité. Plus il se fera
de travaux à long terme sur le public,
En fournissant toutes ces données, plus les résultats seront intéressants. À
Anne-Marie Gourdon marque une étape quand l'entreprise d'une étude de cette
vers la connaissance du public. Son ou- envergure chez le public des théâtres au
vrage est une mémoire sociologique Québec?
inestimable du théâtre des années
soixante-dix, années où ont été menées christian dutil
les enquêtes. L'évolution constante de la

«jeux dramatiques et pédagogie»

quand la france ne se veut pas trop laires sont peut-être bien différents,
envahissante mais il n'en demeure pas moins qu'on y
rencontre, d'un côté comme de l'autre
Ouvrage réalisé sous la direction de Richard Mo-
nod, Paris, Éditions Edilig, Collection des Cahiers de de l'Atlantique, des attitudes de résis-
l'Éducation permanente, 1983, 160 p. tance au changement qui se ressem-
blent fortement.
Richard Monod, qui supervise le travail
de la Formation de recherche Jeux dra- Jeux dramatiques et pédagogie est pré-
matiques et Pédagogie de Paris III, a bien sentement un des éléments de réflexion
raison lorsqu'il précise, dans son intro- qui intervient, en France, dans le grand
duction à l'ouvrage, que «ce livre aurait débat des réformes mises à l'étude par
pu s'appeler le dossier tricolore du jeu l'Éducation nationale, depuis l'automne
dramatique. Bleu-blanc-rouge, par tradi- 1981. Le groupe de Richard Monod a
tion républicaine, avec ce qu'il y a d'irré- tenu six séminaires sur la question du
ductiblement français dans nos dé- jeu dramatique à l'école et le livre qu'il
marches (je vois d'ici le sourire de nos nous présente rapporte l'essentiel de
partenaires étrangers! ) », car il y a lieu de ces séminaires, tenus entre décembre
sourire plusieurs fois à la lecture de cette 1981 et juin 1982. Son champ d'interven-
mosaïque de textes sur le théâtre et le tion demeure l'éducation et devrait d'a-
jeu dramatique (dont l'équivalence ici bord intéresser les personnes oeuvrant
serait plus près de l'expression dramati- dans ce milieu, mais je crois que toute
que). Mais comprenons-nous bien, il ne personne dont le travail touche à l'ani-
s'agit surtout pas de mettre de côté ce mation théâtrale, entre autres, trouvera
volume sous prétexte qu'il serait «trop» intérêt à cette lecture. En effet, le som-
français. Au contraire, les systèmes sco- maire propose diverses avenues venant
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