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Śrīmad 2
Śrīmad 2
CHANT 1
CHAPITRE 17
Châtiment et grâce
pour Kali
VERSET 1
sūta uvāca
tatra go-mithunaṁ rājā
hanyamānam anāthavat
daṇḍa-hastaṁ ca vṛṣalaṁ
dadṛśe nṛpa-lāñchanam
TRADUCTION
Le premier trait qui caractérise l'âge de Kali est que des śūdras dégradés, à savoir
des hommes privés de toute culture brahmanique aussi bien que de l'initiation
spirituelle, revêtiront l'apparence dé dirigeants ou de rois, mais sans posséder les
qualités de kṣatriyas. Ceux-ci mettront à mort d'innocentes bêtes, et plus volontiers
encore les vaches et les boeufs, laissés sans protection par leurs maîtres, c'est-à-dire
les vaiśyas, ou la communauté marchande, à qui incombe cette responsabilité.
La Bhagavad-gītā (18.44) enseigne en effet que les activités du vaiśya sont
l'agriculture, la protection de la vache et le commerce. Cependant, dans l'âge de
Kali, les vaiśyas, désormais dégradés, s'affaireront davantage à approvisionner les
abattoirs qu'à protéger la vache et le boeuf. Tandis que les kṣatriyas doivent veiller
à la protection des citoyens de l'Etat, les vaiśyas doivent assurer le bien-être
d'animaux tels la vache et le boeuf, et les utiliser pour la production des céréales, ce
à quoi contribue le boeuf, et du lait, que donne abondamment la vache. Pour ces
fonctions qu'ils ont, on désigne d'ailleurs le boeuf et la vache comme père et mère
de l'homme, à qui il faut donner toute protection plutôt que de les mettre à mort. Or,
dans l'âge de Kali, des śūdras occuperont les postes administratifs, et ces nobles
animaux se verront privés de la protection des vaiśyas, et massacrés dans des
abattoirs entretenus par des dirigeants śūdras.
VERSET 2
vṛṣaṁ mṛṇāla-dhavalaṁ
mehantam iva bibhyatam
vepamānaṁ padaikena
sīdantaṁ śūdra-tāḍitam
TRADUCTION
Le boeuf, aussi blanc qu'un lotus immaculé, laissait paraître une profonde
terreur devant le śūdra qui le harcelait de coups, terreur telle que, debout sur
une seule patte, il tremblait et urinait.
TENEUR ET PORTEE
Le second trait propre à l'âge de Kali se trouve ici illustré: les principes de la
spiritualité, par nature immaculés —telle la blanche fleur du lotus—, seront
assaillis par les śūdras dénués de culture qui peuplent cet âge. Même les
descendants de brāhmaṇas et de kṣatriyas s'en prendront comme des śūdras aux
principes religieux car dans le kali-yuga, il leur manque la culture de la sagesse
védique. Et quant aux hommes de vertu, ils se verront tourmentés par ces êtres
déchus. Les hommes de cet âge se dresseront contre tout principe de vie spirituelle,
et feront parallèlement apparaître mille sectes et fausses doctrines destinés à faire
périr le boeuf sans tache de la religion. On proclamera l'Etat séculier, c'est-à-dire
sujet à aucun principe religieux, ce qui entraînera une indifférence totale quant à la
spiritualité; alors les citoyens des différentes nations se croiront libres d'agir sans
aucune marque de respect pour les sādhu, les śāstra et le guru.
Le fait que le boeuf ne se tenait plus que sur une seule patte signifie que les
principes de la religion diminueront graduellement, jusqu'à être privé de tout
support tangible; et même le fragment qu'il pourrait en rester se verra soumis à tant
de contraintes qu'il sera tremblant, et en proie à une chute imminente.
VERSET 3
TRADUCTION
La vache, pour les principes spirituels qu'on peut puiser en elle, s'avère des
plus bénéfiques, mais la voilà appauvrie, sans même un veau, et ruée de coups
aux pattes par un śūdra. Affligée, des larmes emplissent ses yeux; ainsi
affaiblie, elle cherche ardemment quelque herbe dans le pré.
TENEUR ET PORTEE
Le troisième trait marquant de l'âge de Kali se manifeste dans l'affliction de la
vache. Lorsqu'on la trait, on puise en elle les principes de la religion, car son lait a
ceci de particulier qu'il représente, sous forme liquide, la substance même des
principes de la spiritualité. Aussi les grands ṛṣis et munis ne se nourrissaient-ils que
de lait. Śrīla Śukadeva Gosvāmī , par exemple, se rendait chez un chef de famille à
l'heure de la traite, et obtenait de lui un peu de lait pour sa subsistance. Il y a encore
à peine cinquante ans, personne n'aurait refusé un ou deux litres de lait à un sādhu,
et chaque maître de maison donnait cette substance précieuse aussi largement que si
c'eût été de l'eau. Pour un sanātaniste (tenant des préceptes védiques), il en va du
devoir de tout chef de famille d'inclure parmi ses biens des vaches et des boeufs,
non pas pour le simple fait d'obtenir du lait à boire, mais surtout pour les princi pes
spirituels qui leur sont inhérents. Ces mêmes sanatanistes révèrent la vache selon
les codes de la spiritualité, et respectent les brāhmaṇas. Le lait de vache est en
outre un des éléments indispensables à l'exécution des sacrifices par le feu, par quoi
le grhastha connaît une existence paisible.
Il est certes agréable de voir une vache avec son veau, mais il faut également savoir
que la présence à ses côtés de son petit donne grande satisfaction à la mère et que
par suite, elle donnera autant de lait que possible. Mais dans le kali-yuga, on sépare
les veaux de leur mère aussitôt que possible, à des fins que nous ne voudrions pas
mentionner dans ces pages du Śrīmad-Bhāgavatam. La vache est là, les larmes aux
yeux, et un śūdra la trait par des moyens artificiels; et lorsqu'elle ne donne plus de
lait, il l'envoie à l'abattoir. Ce sont, sachons-le, des actes hautement répréhensibles,
responsables de tous les troubles que connaît aujourd'hui la société moderne.
L'humain n'a pas idée des malheurs qu'il provoque au nom du progrès économique.
L'influence de Kali gardera ces hommes plongés dans les ténèbres de l'ignorance, et
tous leurs efforts en vue d'obtenir paix et prospérité resteront vains s'ils ne veillent
pas en même temps à ce que vaches et boeufs soient en tout comblés. Peut-être les
insensés ne connaissent-ils pas le principe selon lequel le bonheur des hommes ne
peut être atteint qu'à travers celui de la vache et du boeuf, mais il n'en demeure pas
moins qu'il s'agit là d'une loi de la nature. Prenons à coeur ces instructions
authentiques du Śrīmad-Bhāgavatam, et adoptons les principes qui procureront le
plus haut bonheur à tous les hommes.
VERSET 4
TRADUCTION
Assis sur un char couvert d'or repoussé, et solidement armé de son arc et de
ses flèches, Mahārāja Parīkṣit s'adresse au śūdra, ce bas personnage, d'une
voie profonde et tonnante comme un ciel d'orage.
TENEUR ET PORTEE
VERSET 5
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 17
Châtiment et grâce
pour Kali.
VERSET 6
TRADUCTION
"Comment, vil, oses-tu frapper une innocente vache dans un lieu solitaire,
profitant de ce que Kṛṣṇa et Arjuna, qui porte l'arc Gāṇḍīva, ont maintemant
quitté cette planète? Ton comportement est tout à fait répréhensible, et te
mérite la mort.
TENEUR ET PORTEE
Dans une civilisation d'où Dieu Se trouve manifestement banni, et où l'on ne trouve
aucun guerrier dévoué au Seigneur comme le fut Arjuna, les représentants de l'âge
de Kali profiteront de cette absence d'ordre pour organiser le massacre d'innocentes
bêtes en des lieux retirés, abattoirs et autres. Ces assassins méritent simplement
d'être condamnés à mort sur l'ordre d'un roi vertueux. Pour un roi de cette qualité,
et c'était bien la position de Mahārāja Parīkṣit, celui qui s'en prend à la vie d'un
animal loin de tous regards mérite la peine de mort au même titre qu'un meurtrier
coupable d'avoir secrètement mis à mort un enfant innocent.
VERSET 7
tvaṁ vā mṛṇāla-dhavalaḥ
pādair nyūnaḥ padā caran
vṛṣa-rūpeṇa kiṁ kaścid
devo naḥ parikhedayan
TRADUCTION
Puis, s'adressant au boeuf: "Et toi, qui es-tu ? Un boeuf, blanc comme le lotus,
ou un deva? Je vois qu'il te manque trois pattes, et que tu te déplaces sur la
seule qu'il te reste. Serais-tu quelque deva venu nous affliger sous la forme
d'un bœuf ?
TENEUR ET PORTEE
Au moins jusqu'au règne de Mahārāja Parīkṣit, nul n'aurait pu imaginer voir une
vache et un boeuf dans une condition aussi misérable. Aussi Mahārāja Parīkṣit se
montra-t-il fort étonné devant la scène horrible qui se déroulait devant lui. Il
demanda donc au boeuf s'il n'était pas quelque deva ayant volontairement accepté
cette condition pitoyable à seule fin d'indiquer le futur de la vache et du boeuf.
VERSET 8
na jātu kauravendrāṇāṁ
dordaṇḍa-parirambhite
bhū-tale ’nupatanty asmin
vinā te prāṇināṁ śucaḥ
TRADUCTION
"Pour la première fois dans ce royaume dûment protégé par la force des rois
Kurus, je te vois affligé, les yeux baignés de larmes. Jusqu'à ce jour, nul être à
la surface de la terre n'a pleuré par la négligence des kṣatriyas.
TENEUR ET PORTEE
mā saurabheyātra śuco
vyetu te vṛṣalād bhayam
mā rodīr amba bhadraṁ te
khalānāṁ mayi śāstari
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Dans l'univers matériel, la société accorde toute protection à la vie des humains,
mais aucune loi ne protège les descendantes des surabhis, qui contribuent pourtant
au bien des hommes en leur fournissant le lait, cet aliment miracle. A l'opposé,
Mahārāja Parīkṣit ou les Pāṇḍavas avaient pleinement conscience de l'importance
de la vache et du boeuf, et ils étaient prêts à châtier comme il convient, même par la
mort, quiconque s'attaquerait à la vie de ceux-ci. Il y a bien eu dans l'histoire
quelques efforts entrepris pour la protection de la vache et du boeuf, mais en
l'absence de dirigeants vertueux et de lois appropriées, ces efforts n'eurent jamais
d'aboutissement. La gent humaine devrait donc reconnaître l'importance de ces
animaux et, suivant l'exemple de Mahārāja Parīkṣit, leur accorder toute protection.
Car cette protection de la vache et de la culture brahmanique aura pour effet de
satisfaire le Seigneur, qui Lui-même leur porte un intérêt particulier (go-brāhmaṇa-
hitāya). En retour, Celui-ci nous conférera la paix véritable.
VERSETS 10-11
TRADUCTION
"O toi qui est chaste, la gloire, la longévité et l'assurance d'une noble
renaissance s'évanouissent pour le roi égaré dont les sujets sont terrifiés par
des mécréants. Il va certes du premier devoir du roi de soulager avant tout
ceux qui souffrent; par suite, je dois faire périr cet homme des plus déchus.
car il fait montre de violence envers d'autres êtres vivants.
TENEUR ET PORTEE
Lorsqu'un animal sauvage sème le trouble dans un village ou une ville quelconque,
les forces de l'ordre font le nécessaire pour qu'il soit mis à mort. De même est-ce le
devoir du gouvernement de mettre à mort, et sur-le-champ, tout élément nuisible à
la société, —voleurs, brigands ou meurtriers ... Et le même châtiment doit frapper
ceux qui s'attaquent aux animaux, car ceux-ci appartiennent également au nombre
des prajās. Ce mot désigne en effet tout être, humain ou animal, qui a pris
naissance au sein d'un pays. Tout être vivant jouit du droit primordial de poursuivre
son existence sous la protection du roi, ou du dirigeant, de l'Etat où il a vu le jour.
Ainsi, les animaux de la jungle sont aussi les sujets du roi, et de ce fait ont le droit
de vivre; que dire dès lors d'animaux domestiques comme la vache et le bœuf !
Tout être qui terrifie ceux qui l'entourent est certes le plus déchu d'entre les sujets
d'un roi, qui doit aussitôt mettre à mort un élément aussi perturbateur. Au même
titre qu'un animal sauvage doit périr s'il sème le trouble dans un village et terrifie
ses habitants, tout homme qui sans raison s'en prend à la vie des animaux, sauvages
ou domestiques, ou jette la frayeur parmi eux, doit être châtié sur-le-champ. Tout
être vivant, quelle que soit sa forme, est un fils du Seigneur Suprême, ainsi le veut
Sa loi; et nul n'a le droit d'attenter à la vie d'un autre à moins que les lois naturelles
ne l'ordonnent. Notons, à cet effet, que le tigre peut tuer un animal plus faible que
lui pour assurer sa subsistance, mais qu'un homme ne peut faire de même. La loi de
Dieu permet qu'un être vivant subsiste en se nourrissant d'une autre espèce vivante.
Ainsi, les végétariens doivent également tuer pour se nourrir. Mais chacun doit se
nourrir exclusivement des espèces vivantes que lui attribuent les lois divines.
L'Īśopaniṣad enseigne à cet effet qu'on doit vivre selon les directives du Seigneur,
et non de manière indépendante, selon sa fantaisie. L'homme, pour sa part, peut se
nourrir de divers aliments végétaux, de fruits et céréales, ainsi que de produits
laitiers; tel est l'ordre établi par Dieu, et il n'est nul besoin pour lui de se nourrir de
chair animale, si ce n'est dans certains cas exceptionnels.
Les rois ou dirigeants illusionnés, même si l'on dit parfois d'eux qu'ils sont de
grands philosophes et érudits, permettent le maintien d'abattoirs sous leur règne,
ignorant que la torture de pauvres bêtes entraînera pour eux les conditions les plus
infernales. Les chefs d'Etat doivent toujours se montrer alertes en ce qui concerne
la sauvegarde des prajās, hommes ou bêtes, et s'assurer de ce qu'aucun d'eux, en
aucun lieu de son royaume, n'est harcelé par quiconque. Dès qu'un être se montre
violent, il doit s'emparer de lui et le mettre à mort, ainsi que l'a fait Mahārāja
Parīkṣit.
Alors que nous commentons ce verset particulier, nous avons devant les yeux les
dires d'un grand homme politique récemment décédé. Ces mots sont ceux de son
testament, et dévoilent son piètre savoir des lois de Dieu, celles même auxquelles
Mahārāja Parīkṣit fait allusion. Voici ce qu'il dit: "Je ne crois en aucun cérémonial,
ni à la nécessité de s'y soumettre, ne serait-ce que dans la forme; ce ne serait là que
de l'hypocrisie, ni plus ni moins qu'une tentative pour se tromper soi-même ou pour
égarer autrui... La chose n'évoque en moi aucun sentiment religieux."
Si l'on compare cette assertion d'un grand homme politique moderne avec celle de
Mahārāja Parīkṣit, on ne peut qu'en remarquer le contraste. Mahārāja Parīkṣit était
aussi vertueux qu'on puisse l'être en ce qui concerne les codes scripturaires, quand
notre politicien, lui, ne parle que sur la base de ses croyances et sentiments
personnels. Après tout, tout homme en ce monde, si grand fût-il, demeure une âme
conditionnée, pieds et poings liés par la nature matérielle; et pourtant, il en est
d'assez insensés pour se croire libres d'agir selon leur caprice. La conclusion à tirer
de tout ceci est que les hommes vivant sous le règne de Mahārāja Parīkṣit se
trouvaient heureux, et les animaux parfaitement protégés, justement parce que la
tête de l'Etat n'était pas "capricieuse", ni dotée d'un maigre savoir concernant les
lois de Dieu. Les incroyants privés d'intelligence cherchent à nier l'existence du
Seigneur et à proclamer l'Etat séculier, de façon à vivre plus "librement", au prix de
leur précieuse vie humaine. La forme humaine doit tout spécialement servir à
approfondir la science de Dieu, mais des êtres insensés, et plus encore dans l'âge de
Kali, plutôt que de développer cette science, font toutes sortes de propagande
contre la religion aussi bien que contre l'existence de Dieu, et cela, en dépit du fait
qu'ils sont toujours liés par ces lois, qui prennent forme de naissance, de maladie,
de vieillesse et de mort.
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 17
Châtiment et grâce
pour Kali.
VERSET 12
TRADUCTION
Mahārāja Parīkṣit, s'adressant au boeuf: "O fils de Surabhi, qui t'a privé de
trois de tes pattes? Dans les Etats dirigés par des rois obéissant aux lois du
Seigneur Suprême, Śrī Kṛṣṇa, on ne trouve aucun être aussi malheureux que
tu ne l'es aujourd'hui.
TENEUR ET PORTEE
Les rois, ou dirigeants de tous les Etats doivent connaître les codes énoncés par Śrī
Kṛṣṇa, tels qu'on les trouve généralement dans la Bhagavad-gītā et le Śrīmad-
Bhāgavatam, et agir en conséquence, de manière à parfaire leur mission d'homme.
Le but de la vie humaine consiste à mettre un terme définitif à toutes les
souffrances inhérentes à la condition matérielle, et celui qui adhère aux
enseignements de par Śrī Kṛṣṇa peut s'acquitter de cette tâche sans difficulté
aucune. Ces codes, la Bhagavad-gītā les offre à notre compréhension sous forme de
synthèse, tandis que le Śrīmad-Bhāgavatam les expose en détail.
Dans un Etat gouverné selon les enseignements de Kṛṣṇa, on ne trouve personne
qui soit malheureux. A l'opposé, dès que ces codes sont rejetés, les pattes du boeuf
symbolique de la religion commencent d'être coupées une à une, à la suite de quoi
s'anime le cortège de toutes les souffrances. Au moment où Kṛṣṇa Se trouvait
personnellement présent sur Terre, on observait Ses enseignements sans la moindre
hésitation; mais il faut savoir qu'en Son absence, ces codes nous sont présentés
dans les pages du Śrīmad-Bhāgavatam, justement pour la gouverne de tous ceux
qui exercent une influence déterminante au sein de la société.
VERSET 13
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
VERSET 14
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
VERSET 15
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Mahārāja Parīkṣit défie même ces devas de venir torturer les innocents en son
royaume. Cela signifie qu'un chef d'Etat doit, à l'exemple de Mahārāja Parīkṣit,
montrer suffisamment de puissance et de détermination pour châtier les plus
violents offenseurs. Et tel doit être son mot d'ordre: quiconque enfreint les lois
divines devra être châtié.
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 17
Châtiment et grâce
pour Kali.
VERSET 16
TRADUCTION
"Le devoir ultime du roi régnant consiste à accorder toute protection à ceux
de ses sujets qui respectent les lois, mais aussi à châtier tous ceux qui
s'écartent des prescriptions scripturaires même en temps normal, en dehors de
toute circonstance exceptionnelle."
TENEUR ET PORTEE
VERSET 17
dharma uvāca
etad vaḥ pāṇḍaveyānāṁ
yuktam ārtābhayaṁ vacaḥ
yeṣāṁ guṇa-gaṇaiḥ kṛṣṇo
dautyādau bhagavān kṛtaḥ
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Les fermes assertions ainsi que les défis lancés par Mahārāja Parīkṣit n'ont rien
d'exagérés en regard de sa puissance réelle. Ainsi, lorsqu'il affirme que même les
habitants des cieux ne pourront échapper à la rigueur de son gouvernement s'ils
enfreignent les principes de la spiritualité, ce n'est pas par prétention; le dévot du
Seigneur jouit, par la grâce de Dieu, d'une puissance égale, et parfois même
supérieure, à la Sienne, et toute promesse faite par un bhakta, si difficile soit-elle à
respecter en des circonstances ordinaires, se voit remplie par cette même grâce du
Seigneur. Ainsi, le service de dévotion pur et sans mélange des Pāṇḍavas, ainsi que
leur abandon total au Seigneur, firent que Celui-ci accepta de devenir tantôt leur
conducteur de char, tantôt leur messager, ou leur porteur de lettres, et ainsi de suite.
Le fait pour le Seigneur d'accomplir ces actes pour Son dévot Lui est toujours
source d'une profonde satisfaction, car Il éprouve ce désir de servir les
purs bhaktas, dont l'existence tout entière n'a d'autre objet que de Le servir dans un
sentiment d'amour et de dévotion absolu. Mahārāja Parīkṣit, petit-fils d'Arjuna —le
célèbre ami et serviteur du Seigneur—, était un pur bhakta au même titre que ses
ancêtres, aussi le Seigneur fût-Il toujours auprès de Lui, même lorsque, encore dans
le sein de sa mère et impuissant, il fut attaqué par le
radiant brahmāstra d'Aśvatthāmā. Le bhakta, donc, se trouve toujours sous la pro-
tection du Seigneur, de sorte que la promesse faite par Mahārāja Parīkṣit de
protéger ses sujets ne peut être tenue pour vide de sens. La religion en personne
accepta cette vérité, et remercia le roi d'ainsi se montrer à la hauteur de sa digne
position.
VERSET 18
na vayaṁ kleśa-bījāni
yataḥ syuḥ puruṣarṣabha
puruṣaṁ taṁ vijānīmo
vākya-bheda-vimohitāḥ
TRADUCTION
O meilleur des hommes, il nous est très difficile d'identifier de façon exacte le
malfaiteur qui a causé nos souffrances, car nous nous trouvons confus devant
les opinions divergentes de différents théoriciens et philosophes.
TENEUR ET PORTEE
VERSET 19
kecid vikalpa-vasanā
āhur ātmānam ātmanaḥ
daivam anye ’pare karma
svabhāvam apare prabhum
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Des philosophes tel Jaimini, dont nous avons déjà mentionné le nom, et ses
successeurs, voudraient établir que l'action et ses fruits représentent la cause
première de nos moindres joies et peines; et, toujours selon eux, même s'il existe
quelque puissance supérieure, dotée de pouvoirs surnaturels, à savoir des devas ou
un Dieu unique, Celui-ci, ou ceux-ci, agissent également sous l'influence de cette
loi, puisqu'ils accordent à tous les êtres les fruits attendus de leurs actions. Et
comme l'action ne saurait être considérée indépendamment de son auteur, l'agissant
devient pour eux le seul responsable de son bonheur ou de son malheur. Or,
la Bhagavad-gītā (VI.5) souligne le fait que le mental, lorsque libre de toute
affection matérielle, peut arracher l'être aux souffrances sous-jacentes à la matière,
qu'il faut donc prendre garde de ne pas laisser le mental s'engluer dans la matière si
l'on désire demeurer à l'écart des maux qui lui font cortège. Ainsi le mental peut-il
devenir un ami ou un ennemi en regard des joies et des peines qui nous échoient.
Les athées, pour leur part, comme ceux qui adhèrent à la philosophie du sāṅkhya,
postulent qu'en la nature matérielle gît la cause de toutes les causes. Selon eux, la
combinaison des éléments matériels est seule responsable de nos joies et peines, et
la désintégration de la matière correspondrait à l'affranchissement de ses griffes.
Gautama et Kaṇāda se représentent ainsi les combinaisons atomiques comme la
cause ultime, quand un impersonnaliste tel Aṣṭāvakra voit, lui, cette origine
première de tout ce qui est dans la radiance spirituelle du Brahman. Toutefois, le
Seigneur en personne enseigne dans la Bhagavad-gītā (XIV.27) qu'Il est le
fondement du Brahman impersonnel, aussi est-ce Lui, la Personne Souveraine, qui
en dernière analyse représente le principe même de toutes causes. Ce que vient
également corroborer la Brahma-saṁhitā (V.1), où Śrī Kṛṣṇa est décrit comme la
cause première de toutes les causes.
VERSET 20
apratarkyād anirdeśyād
iti keṣv api niścayaḥ
atrānurūpaṁ rājarṣe
vimṛśa sva-manīṣayā
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 17
Châtiment et grâce
pour Kali.
VERSET 21
sūta uvāca
evaṁ dharme pravadati
sa samrāḍ dvija-sattamāḥ
samāhitena manasā
vikhedaḥ paryacaṣṭa tam
TRADUCTION
VERSET 22
rājovāca
dharmaṁ bravīṣi dharma-jña
dharmo ’si vṛṣa-rūpa-dhṛk
yad adharma-kṛtaḥ sthānaṁ
sūcakasyāpi tad bhavet
TRADUCTION
Le roi dit:
O toi qui as pris la forme d'un boeuf et connais en vérité les principes de la
religion, tu affirmes que la destinée de celui qui enfreint le code de la
spiritualité sera également celle de celui qui l'accuse. Tu ne peux donc être que
la religion en personne.
TENEUR ET PORTEE
La pensée profonde d'un bhakta est que nul n'est seul responsable des bienfaits ou
des méfaits qu'il peut accomplir, puisque ceux-ci doivent toujours s'accompagner
de la sanction du Seigneur; aussi ne tient-il personne pour l'unique responsable de
ses actes. Dans un cas comme dans l'autre, dans le gain ou dans la perte, il accepte
d'emblée sa condition comme un don de Dieu, comme une manifestation de Sa
grâce. D'une part, on a aucun mal à reconnaître la volonté de Dieu dans le gain,
alors qu'on se laisse le plus souvent envahir par le doute devant la perte ou
l'adversité: comment le Seigneur peut-Il Se montrer si dur envers Son dévot, et le
soumettre à de telles difficultés? Jésus-Christ, par exemple, sembla bien soumis aux
plus grandes difficultés lorsqu'il fut crucifié par des ignorants, mais jamais il ne
montra de colère envers ses bourreaux. Voilà comment un bhakta accepte toute
chose, favorable ou défavorable; c'est pourquoi à ses yeux, l'accusateur est un
pécheur au même titre que l'auteur du méfait. Ainsi, voyant partout la grâce du
Seigneur, le bhakta peut tolérer toutes les adversités qui lui échoient, et Mahārāja
Parīkṣit nota ce trait propre aux bhaktas dans le boeuf qui se trouvait devant lui, et
il comprit que ce boeuf n'était autre que la religion en personne. Bref,
le bhakta n'éprouve aucune souffrance, car pour lui, qui voit Dieu en toute chose,
ce qu'on nomme la souffrance est une autre manifestation de la grâce du Seigneur.
La vache et le boeuf ne portèrent plainte devant le roi à aucun moment pour les
tortures que leur infligeait le perfide Kali, quand le commun des hommes s'en
prend toujours aux dirigeants. Et c'est précisément cette attitude remarquable du
boeuf qui amena le roi à en conclure qu'il ne pouvait être que la religion en
personne, puisque aucun autre n'aurait pu saisir avec autant de finesse les subtilités
liées aux principes de la spiritualité.
VERSET 23
athavā deva-māyāyā
nūnaṁ gatir agocarā
cetaso vacasaś cāpi
bhūtānām iti niścayaḥ
TRADUCTION
D'autre part, il ressort que les énergies du Seigneur sont inconcevables, et que
nul n'est en mesure d'en saisir la portée, ni par la spéculation intellectuelle, ni
en jouant avec les mots.
TENEUR ET PORTEE
VERSET 24
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
L'énergie illusoire, ou la nature matérielle, n'a d'emprise sur l'être distinct que dans
la mesure où celui-ci cède à l'attrait trompeur de māyā. Tout comme des phalènes
captivées par le brillant éclat de la flamme qui les fera périr, les âmes
conditionnées, toujours fascinées par l'énergie illusoire, s'y précipitent comme dans
un brasier; et les Ecritures védiques veulent alerter l'âme conditionnée contre ce
danger afin qu'elle ne tombe pas en proie à l'illusion mais cherche plutôt à s'en
affranchir. Ces mêmes Vedas enjoignent de ne pas sombrer dans les ténèbres de
l'ignorance, mais bien plutôt de s'élever vers la lumière. En outre, Śrī Kṛṣṇa en
personne nous prévient: la puissance de l'énergie matérielle est telle qu'on ne peut
la vaincre, mais celui qui s'abandonne totalement au Seigneur peut aisément le
faire. Mais là encore, l'abandon aux pieds pareils-au-lotus du Seigneur n'est pas des
plus faciles; il ne devient possible que pour ceux qui ont cultivé le savoir spirituel
selon les principes de l'austérité, de la pureté, de la compassion et de la véracité.
Ces quatre principes, marque d'une civilisation évoluée, comptaient parmi les traits
remarquables de l'âge de Satya. Dans cette ère, chaque homme était pratiquement
un brāhmaṇa qualeié de l'ordre le plus élevé, et selon les divisions naturelles de la
société, ils appartenaient tous au rang des paramahaṁsas, ou les plus hauts des
adhérents à l'ordre du renoncement. Leur fondement culturel même les empêcherait
d'être victimes, fût-ce dans les plus minces proportions, de l'énergie illusoire; leur
force de caractère les rendait capables d'échapper aux griffes de māyā.
Peu à peu, cependant, au fur et à mesure que les principes de base de la culture
brâhmanique —l'austérité, la pureté, la compassion et la véracité, se détériorèrent,
et dans les proportions où grandissaient l'orgueil, l'attachement outré pour la femme
et le désir de s'enivrer, l'humanité s'éloigna de plus en plus de la voie du salut, du
sentier qui conduit à la félicité spirituelle. Avec la progression de l'âge de Kali,
l'homme devient de plus en plus orgueilleux, attaché aux femmes et victime de
pratiques enivrantes. Sous l'influence de cet âge, même le pauvre s'enorgueillit du
peu qu'il possède; la femme s'habille le plus souvent de manière à vaincre le coeur
des hommes, et la masse des gens se livrent par trop à l'enivrement sous toutes ses
formes —l'alcool, le tabac, le thé, etc. Toutes ces habitudes, nées de soi-disant
progrès de la civilisation, sont à l'origine de toutes les pratiques irréligieuses, si
bien qu'on ne peut espérer mettre un frein à la dépravation, à la corruption et au
népotisme, comme le souhaitent les dirigeants. Ces maux de la société ne peuvent
être enrayés en créant simplement de nouvelles lois ou en insistant sur la vigilance
policière; il faut attaquer l'infection à sa racine, dans le mental, au moyen du
remède approprié, à savoir le soutien des principes inhérents à la culture
brahmapique —l'austérité, la pureté, la compassion et la véracité. La civilisation
moderne, fondée sur le développement économique, engendre un climat inattendu
de pauvreté et de pénurie, qui menace les biens des consommateurs. Or, si.. les
dirigeants et les hommes influente de la société font preuve de compassion envers
les masses égarées, et consdorent la moitié de leurs richesses pour qu'elles soient
éduquées dans la conscience de Dieu, ou la sagesse du Bhāgavatam, l'âge de Kali
verra certes vaincus tous ses efforts pour empiéger les âmes conditionnées et en
faire ses victimes. Nous devons toujours garder à l'esprit que la vanité de soi, ou
l'infatuation de ses propres qualités, l'attachement indu à la femme, ou l'entretien de
rapports trop étroits avec elle, et l'intoxication sous toutes ses formes, écartera
l'humanité du sentier de la paix réelle, et ce, en dépit des cris de l'homme réclamant
la paix dans le monde. L'enseignement des principes du Bhāgavatam amènera
d'emblée tous les hommes à pratiquer l'austérité, la pureté interne comme externe,
la compassion envers les âmes souffrantes et la véracité dans les affaires de chaque
jour. Tel est le moyen de combler les manques de la société humaine, si
manifestement saillants à l'heure actuelle.
VERSET 25
TRADUCTION
Tu n'es plus soutenu que par une patte, qui représente ta véracité, et tant bien
que mal, tu te traînes ça et là. Mais la discorde en personne [Kali], gonflée par
l’essor de la fourberie, s’efforce également de te retirer l’usage de cette patte.
TENEUR ET PORTEE
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 17
Châtiment et grâce
pour Kali
VERSET 26
TRADUCTION
TRADUCTION
Maintenant, la chaste [la Terre], délaissée dans son infortune par le Seigneur
Suprême, pleure son futur, des larmes aux yeux, car les hommes les plus bas la
gouverneront et l'exploiteront en se faisant passer pour des dirigeants.
TENEUR ET PORTEE
Le rôle du kṣatriya, l'homme qualifié pour protéger ceux qui souffrent, est de
diriger l'État. Des hommes de niveau inférieur, et sans formation, ou dénués de la
noble ambition de veiller à la protection des âmes souffrantes, ne peuvent être
intrônisés à la tête de l'Etat. Dans l'âge de Kali, malheureusement, des hommes de
cet ordre, ignorant tout de la protection des malheureux, sont élevés au poste de
dirigeants par des votes populaires, et plutôt que d'assurer leur rôle de protecteur,
ces êtres déchus créent une situation pratiquement intolérable pour tous. Ces
"dirigeants" nagent dans l'illégalité, et voient à leur propre intérêt au prix du bien-
être de leurs concitoyens; et c'est pourquoi notre chaste mère la Terre pleurait en
songeant à la condition pitoyable de ses fils, hommes et animaux. Car tel est bien le
futur qu'elle entrevoyait en cet âge de Kali, où l'irréligion est appelée à prévaloir de
façon manifeste. Et en l'absence d'un roi qualifié pour enrayer les tendances irréli -
gieuses des hommes dans leur masse, une diffusion systématique des ensei-
gnements du Śrīmad-Bhāgavatam, visant l'éducation du peuple, aura pour effet
d'éclaircir l'atmosphère polluée par la dépravation, la corruption, le chantage et
d'autres maux qui souillent cet âge.
VERSET 28
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Comme nous l'avons déjà expliqué, la personne de Kali se trouve représentée par
celui qui se livre délibérément à diverses activités coupables, prohibées par les
Ecritures révélées. L'âge où nous vivons se marquera certes de tous les signes
propres à Kali, mais ceci ne laisse aucunement entendre que les dirigeants de la
société, chefs d'Etat, érudits et hommes d'intelligence, ou plus que tout autre, les
dévots du Seigneur, doivent rester sur leur position et se montrer indifférents
devant les effets de l'âge noir. En effet, ce n'est pas parce que la mousson entraînera
à coup sûr des pluies violentes que l'on ne doit pas se prémunir contre l'averse. De
même, il va du devoir de tous ceux qui exercent une influence dominante dans la
société d'adopter toutes les mesures nécessaires contre l'activité de Kali, ou des
personnes influencées par cet âge. Et Mahārāja Parīkṣit représente à cet égard un
chef d'Etat modèle, car il se montra aussitôt prêt à pourfendre la personne de Kali
de son sabre tranchant. Les dirigeants ne doivent pas simplement voter des lois qui
visent à enrayer la corruption; ils doivent encore être prêts, glaive en main, à faire
périr tous ceux qui, selon les śāstras authentiques, sèment la corruption. Les
dirigeants ne peuvent espérer mener à bien leur campagne contre la corruption, ou
l'alcoolisme par exemple, s'ils accordent dans un même temps des autorisations
permettant d'exploiter cafés et buvettes, ou autres commerces aux activités néfastes.
Ils doivent d'emblée fermer toutes ces maisons et imposer de sévères châtiments, la
mort même, à ceux qui se livreront à toute activité favorisant l'intoxication, ou
l'enivrement, sous l'une ou l'autre de ses formes. Voilà le moyen de mettre un frein
aux activités de Kali; et Mahārāja Parīkṣit, ici qualifié de mahā-ratha, nous en offre
le meilleur exemple.
VERSET 29
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
La vêture royale de Kali n'était qu'un artifice. Tel vêtement sied tout à fait à un roi,
à un kṣatriya, mais qu'un homme de niveau inférieur s'en couvre trompeusement, et
son identité réelle se verra dévoilée dès qu'un kṣatriya qualifié comme Mahārāja
Parīkṣit le mettra au défi. Un véritable kṣatriya ne se rend jamais; il relève le défi
de tout kṣatriya rival, et combat jusqu'à la victoire ou à la mort. Jamais il
n'abandonne la partie. Dans l'âge de Kali, toutefois, tant de simulateurs jouent les
dirigeants ou les chefs d'Etat, et en empruntent l'allure, mais qu'un vrai kṣatriya les
défie, et voilà mise à nu leur identité réelle. Par suite, sitôt que la personne de Kali,
trompeusement vêtue d'habits royaux, réalisa son incapacité à affronter Mahārāja
Parīkṣit au combat, il quitta son costume et se prosterna devant lui tel un
subordonné.
VERSET 30
TRADUCTION
Mahārāja Parīkṣit, digne de recevoir la soumission d'autrui et dont les exploits
méritent d'être chantés dans l'histoire, ne mit pas à mort le pauvre Kali,
prosterné et tout abandonné à ses pieds; mais il sourit avec compassion,
faisant preuve de bienveillance envers le misérable.
TENEUR ET PORTEE
Même un kṣatriya ordinaire ne peut tuer celui qui se soumet à sa personne, que dire
dès lors de Mahārāja Parīkṣit, par nature compatissant et bienveillant envers les
misérables. S'il sourit, c'est parce que Kali a quitté son costume, et dévoilé son
identité d'homme déchu; il songe en lui-même que nul, s'il souhaite le mettre à
mort, ne peut échapper à son glaive tranchant, mais que par ironie, le misérable
Kali, de rang inférieur, put échapper à la mort par l'abandon opportun qu'il fit à ses
pieds. La gloire et la bienveillance de Mahārāja Parīkṣit devaient être chantées au
cours de l'histoire: il fut un empereur bon et compatissant, qualifié et digne de
recevoir la soumission même de ses ennemis. Ainsi la personne de Kali fût-elle
sauvée par la Providence.
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 17
Châtiment et grâce
pour Kali
VERSET 31
rājovāca
na te guḍākeśa-yaśo-dharāṇāṁ
baddhāñjaler vai bhayam asti kiñcit
na vartitavyaṁ bhavatā kathañcana
kṣetre madīye tvam a dharma-bandhuḥ
TRADUCTION
Le roi dit:
Nous avons hérité de la gloire d'Arjuna, et puisque te voilà ainsi soumis, les
mains jointes, tu n'as absolument rien à craindre pour ta vie. Cependant,
comme tu as fait de l'irréligion ton amie, tu ne peux demeurer nulle part en
mon royaume.
TENEUR ET PORTEE
Kali, qui se fait l'ami de l'irréligion dans toutes ses formes, peut être excusé s'il
s'abandonne, mais en aucune circonstance peut-on lui permettre d'élire domicile en
quelque lieu que ce soit d'un Etat voulant le bien de ses citoyens. Les Pāṇḍavas
représentaient dans leurs fonctions le Seigneur Suprême, Śrī Kṛṣṇa, lequel Se fit, à
toutes fins pratiques, l'artisan de la Bataille de Kurukṣetra. Mais Il n'était en cela
animé d'aucun motif personnel; Il désirait seulement qu'un roi modèle comme
Mahārāja Yudhiṣṭhira et ses descendants, dont Mahārāja Parīkṣit, gouverne le
monde. Aussi, un roi responsable de la qualité de Mahārāja Parīkṣit ne peut-il
permettre à l'ami de l'irréligion de grandir en son royaume, au prix de la gloire sans
tache des Pāṇḍavas. Voilà l'unique façon de balayer la corruption d'un Etat: il faut
en bannir les amis de l'irréligion.
VERSET 32
TRADUCTION
Si nous laissons Kali, l'irréligion en personne, parader sous les traits d'un
homme-dieu, d'un souverain, le cortège de ses méfaits, à savoir la convoitise, la
duplicité, la malhonnêteté, l'incivilité, la fourberie, l'infortune, la tromperie, la
discorde et la vanité, le suivra certes partout.
TENEUR ET PORTEE
VERSET 33
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Tout lieu, ou contrée, où l'on reconnaît la suprématie du Seigneur et Lui offre des
sacrifices, prend nom brahmāvarta. Il existe divers pays en différentes parties du
monde, et les rites des sacrifices visant la satisfaction du Seigneur Suprême peuvent
varier pour chacun d'entre eux; le Śrīmad-Bhāgavatam met toutefois en lumière le
coeur même de ces sacrifices, et c'est la véracité. Cette véracité représente le
principe fondamental de la spiritualité, et le but ultime de toute religion consiste à
satisfaire le Seigneur. Or, dans l'âge de Kali, le sacrifice universel est le saṅkīrtana-
yajña. Telle est la pensée des sages hautement qualifiés qui savent répandre les
pratiques du yajña. Le Seigneur Caitanya enseigna la pratique de
ce yajña particulier, et ce verset du Śrīmad-Bhāgavatam nous laisse entendre qu'on
peut accomplir ce sacrifice, le saṅkīrtana-yajña, en tout lieu, de manière à
repousser l'influence de Kali et à sauver l'humanité des effets de l'âge sombre.
VERSET 34
TRADUCTION
Dans tous les sacrifices, même ceux où sont parfois invoqués les devas, on
invoque également le Seigneur Souverain, car II est l'Ame Suprême en chaque
être, et Se trouve, comme l'air, à l'intérieur comme à l'extérieur de tout ce qui
est. C'est Lui seul, en fait, qui accorde tout bienfait à l'adorateur.
TENEUR ET PORTEE
Même si l'on rend un culte aux devas, comme Indra ou Candra, et qu'on leur offre
des oblations sacrificielles, il faut savoir que c'est le Seigneur Suprême qui accorde
les fruits du sacrifice, qu'Il est en outre le seul à pouvoir combler de bienfaits
l'auteur du sacrifice. Car les devas, même si on les adore, ne peuvent rien sans la
sanction du Seigneur, puisque c'est Lui l'Ame Suprême au cœur de tous les êtres,
animés et inanimés.
Le fait est que le Seigneur Souverain est unique, et sans égal. Il n'existe aucun Dieu
hors du Seigneur Lui-même. Par nature, Il vit éternellement au-delà de la création
matérielle. Mais on n'en trouve pas moins de nombreux adorateurs des devas —le
Soleil, la Lune, Indra... Ces derniers ne sont toutefois que des agents du Seigneur
Suprême en ce monde. Ils sont, pour ainsi dire, des manifestations indirectes de Sa
Personne, et incarnent certains de Ses Attributs. Un véritable savant, ou
un bhakta érudit, connaît bien la position de chaque être, et c'est pourquoi il adore
directement l'Etre Souverain, sans se laisser divertir par aucune de Ses
manifestations qualitatives en ce monde. Par contre, ceux dont le savoir laisse
davantage à désirer, se tournent vers ces devas, et leur culte manque de solennité
par son irrégularité.
VERSET 35
sūta uvāca
parīkṣitaivam ādiṣṭaḥ
sa kalir jāta-vepathuḥ
tam udyatāsim āhedaṁ
daṇḍa-pāṇim ivodyatam
TRADUCTION
L'empereur était prêt à tuer Kali sur-le-champ s'il s'opposait à son ordre. Sans quoi
il n'avait aucune objection à lui laisser poursuivre son existence. Kali, pour sa part,
après s'être efforcé d'échapper au châtiment par divers moyens, décida qu'il devait
s'abandonner au roi, aussi commença-t-il à trembler pour sa vie. Un roi, ou un chef
d'Etat, doit avoir le courage de s'opposer à Kali même s'il doit pour cela agir
comme s'il devenait lui-même Yamarāja, le prince de la mort; et chacun doit obéir
aux ordres du roi s'il ne veut pas mettre sa vie en péril. Voilà comment dominer les
agents de Kali qui perturbent la vie paisible des citoyens d'un Etat.
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 17
Châtiment et grâce
pour Kali
VERSET 36
kalir uvāca
yatra kva vātha vatsyāmi
sārva-bhauma tavājñayā
lakṣaye tatra tatrāpi
tvām ātteṣu-śarāsanam
TRADUCTION
"O Majesté, où que j'aille vivre sous votre règne, je vous verrai armé de votre
arc et de vos flèches.
TENEUR ET PORTEE
Kali saisissait bien que Mahārāja Parīkṣit était l'empereur de toutes les terres du
monde, et que partout où il irait, il reverrait le roi animé du même sentiment à son
égard. Le destin de Kali était de mal agir, et celui de Mahārāja Parīkṣit de réduire à
l'impuissance tout fauteur de trouble, et Kali plus que tout autre. Il eut donc mieux
valu pour ce dernier de périr sur-le-champ aux mains du roi plutôt que d'être abattu
ailleurs. Mais tout compte fait, il s'était abandonné au roi, et c'était maintenant à
celui-ci de juger des mesures à prendre.
VERSET 37
tan me dharma-bhṛtāṁ śreṣṭha
sthānaṁ nirdeṣṭum arhasi
yatraiva niyato vatsya
ātiṣṭhaṁs te ’nuśāsanam
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
VERSET 38
sūta uvāca
abhyarthitas tadā tasmai
sthānāni kalaye dadau
dyūtaṁ pānaṁ striyaḥ sūnā
yatrādharmaś catur-vidhaḥ
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Śrīla Jīva Gosvāmī souligne que le fait d'ingurgiter des boissons enivrantes hors du
cadre prévu par les Ecritures —parmi lesquels le sautrāmaṇī-yajña—, de s'unir à
une femme hors des liens du mariage, ou de se livrer à l'abattage des animaux
contre les préceptes scripturaires, constitue autant de pratiques irréligieuses.
Les Vedas tracent deux voies de conduite, l'une pour les pravṛttas, ceux qui
poursuivent la jouissance matérielle, et l'autre pour les nivṛttas, ceux qui cherchent
à s'affranchir des chaînes de la matière. Aux pravṛttas, les Ecritures enjoignent de
régler leurs actes de manière à s'approcher graduellement du sentier de la libération.
C'est ainsi qu'aux hommes vivant dans la plus basse ignorance, et s'adonnant aux
boissons alcoolisées, aux femmes et à la chair animale, on recommande parfois de
boire dans le cadre du sautrāmaṇī-yajña, de se marier et de manger de la chair
animale selon certains rites sacrificiels. Comprenons toutefois que ces prescriptions
védiques ne s'adressent qu'à une certaine classe d'hommes, et certes pas à tous.
D'autre part, parce qu'elles figurent parmi les enseignements des Vedas, on ne peut
tenir ces pratiques pour relevant de l'adharma, de l'irréligion, lorsque s'y livrent
les pravṛttas à qui elles sont permises. Le bonheur des uns fait, dit-on, le malheur
des autres; et de même, les activités prescrites pour les hommes qui subissent
l'influence de l'ignorance peuvent être des plus néfastes pour celui que gouverne
la vertu. Śrīla Jīva Gosvāmī Prabhu précise donc que les injonctions scripturaires
destinées aux hommes de basse classe ne doivent jamais être interprétées comme
irréligieuses. Mais le fait est que les pratiques ainsi recommandées sont en elles-
mêmes contraires au dharma, en sorte qu'il ne faut jamais les encourager. Or, les
injonctions scripturaires ne visent pas à encourager ces adharmas, mais bien plutôt
à les rectifier pour qu'ils rejoignent graduellement la voie du dharma. Il va du
devoir de tout chef d'Etat, marchant sur les traces de Mahārāja Parīkṣit, de veiller à
ce que les principes de la spiritualité —austérité, pureté, compassion et véracité—
soient établis dans son territoire et à ce que les principes de l'irréligion —la vanité,
les unions charnelles illicites, ou la prostitution, l'enivrement et la duplicité—
soient enrayés par tous les moyens. Et faisant contre mauvaise fortune bon coeur,
on pourra reléguer la personne de Kali en des lieux, s'il en est, où on se livre aux
jeux de hasard, à la boisson, à la prostitution et à l'abattage des animaux. Quant à
ceux qui chérissent ces habitudes impies, leur situation peut être régularisée à l'aide
des préceptes scripturaires destinés à restreindre de telles activités, qu'aucun Etat ne
doit jamais encourager. En d'autres mots, l'Etat doit mettre un frein catégorique à
toute forme de jeux, d'enivrement, de prostitution et de duplicité. Et pour enrayer la
corruption sous toutes ces formes auprès de la majorité, l'on peut introduire les
principes de la spiritualité de la manière suivante:
1. L'austérité: instituer au moins deux jours de jeûne par mois. Ne serait-ce que d'un
point de vue économique, cette pratique permet à l'Etat d'épargner des tonnes
d'aliments, sans compter qu'elle agirait de façon très favorable sur la santé générale
des citoyens.
VERSET 39
punaś ca yācamānāya
jāta-rūpam adāt prabhuḥ
tato ’nṛtaṁ madaṁ kāmaṁ
rajo vairaṁ ca pañcamam
TRADUCTION
Kali désirait davantage, et devant ses supplications, le roi lui permit de vivre là
où il y a de l'or. Car partout où l'on trouve de l'or on trouve également la
duplicité, l'enivrement, la concupiscence, l'envie et enfin l'inimitié.
TENEUR ET PORTEE
Mahārāja Parīkṣit avait bien permis à Kali de vivre en quatre endroits, mais le
sombre personnage ne pouvait en trouver aucun car sous le règne de l'empereur de
tels endroits n'existaient pas. Aussi Kali pria-t-il le roi de lui concéder un lieu où il
puisse poursuivre ses tristes desseins. Mahārāja Parīkṣit lui accorda alors de vivre
en tout endroit où il y a de l'or, car là où ge trouve l'or se trouvent également les
quatre fléaux mentionnés dans notre verset, avec par-dessus tout l'inimitié. Et c'est
ainsi que Kali entreprit d'étalonner ses oeuvres autour de l'or. Car, le Śrīmad-
Bhāgavatam enseigne que l'or, où qu'on le garde, encourage la duplicité,
l'enivrement, la prostitution, l'envie et l'inimitié. Même un système d'échange
monétaire basé sur l'or s'avère mauvais; un tel système repose en effet sur la
duplicité, puisque les billets de banque en circulation ne correspondent pas aux
réserves d'or qui doivent les justifier. En d'autres mots, on imprime davantage de
monnaie qu'il n'y a en vérité d'or dans les coffres de l'Etat et cette inflation
artificielle des valeurs monétaires par les dirigeants encourage la prostitution
économique. En raison du peu de valeur de la monnaie, les prix des objets de
consommation augmentent inutilement. Mais il est un principe d'économie selon
lequel le mauvais argent fait fuir le bon argent. Nous devrions remplacer dans nos
échanges le papier monnaie par des pièces d'or, car ceci aura pour effet de mettre
un terme à la prostitution de l'or. On peut en outre permettre aux femmes de porter
des parures d'or moyennant un certain contrôle, et l'accent devra être mis dans ce
cas sur la quantité, et non sur la qualité. Voilà qui apaisera la concupiscence, l'envie
et l'inimitié. Si on introduit l'or comme monnaie courante, sous forme de pièces, la
tendance du métal précieux à entraîner la duplicité, la prostitution et ainsi de suite
cessera automatiquement, et avec elle disparaîtra le besoin de ministère pour la pro-
tection des moeurs, d'ailleurs lui-même corrompu et fondé sur la duplicité.
VERSET 40
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
L'âge de Kali a donc commencé avec la normalisation de l'or. Pour cette raison, la
duplicité, l'enivrement, l'abattage des animaux et la prostitution sont aujourd'hui
répandus partout dans le monde, et les hommes sains d'esprit montrent un vif désir
d'évincer toute corruption de la surface du globe. Le moyen d'y parvenir a déjà été
élaboré, et il n'en tient qu'à tous d'en tirer parti.
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 17
Châtiment et grâce
pour Kali.
VERSET 41
athaitāni na seveta
bubhūṣuḥ puruṣaḥ kvacit
viśeṣato dharma-śīlo
rājā loka-patir guruḥ
TRADUCTION
Par suite, quiconque aspire et marche vers le bien absolu, plus particuliè-
rement les rois, les hommes de religion, les dirigeants, les brāhmaṇas et
les sannyāsīs, doivent éviter par tous les moyens de venir au contact des prati-
ques irréligieuses que nous avons mentionnées.
TENEUR ET PORTEE
VERSET 42
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
A vrai dire, en le confinant à des lieux précis, Mahārāja Parīkṣit s'est joué de Kali.
En présence de Kali, de dharma (sous la forme d'un boeuf) et de la terre (sous la
forme d'une vache), l'empereur put juger de l'état général de son royaume, aussi
prit-il sur-le-champ les mesures nécessaires pour restaurer les pattes manquantes du
boeuf de la religion —celle de l'austérité, de la pureté et de la compassion.
Considérant par ailleurs le bien commun de tous les habitants de la terre, il conclut
que les réserves d'or devaient être employées en vue de favoriser l'équilibre de la
société. L'or, on le sait, s'assimile à une véritable centrale génératrice de duplicité,
de toxicomanie, de prostitution, d'inimitié et de violence. Mais s'il est utilisé sous la
direction d'un roi qualifié, d'un véritable dirigeant, d'un brāhmaṇa ou
d’un sannyāsī, le même or peut servir à la restauration des trois pattes manquantes
du boeuf de la religion.
Ainsi, comme le fit son aïeul Arjuna, Mahārāja Parīkṣit recueillit tout l'or destiné à
satisfaire aux tendances illicites suscitées par Kali, et suivant les instructions
du Śrīmad-Bhāgavatam, il employa cette richesse à l'accomplissement
du saṅkīrtana-yajña. Comme nous l'avons déjà suggéré, les biens de chacun
devraient être divisés en trois parts: la moitié pour le service du Seigneur, un quart
pour les membres de la famille, et le dernier quart pour ses besoins personnels.
Utiliser la première moitié de ses biens pour le service du Seigneur, ou pour la
diffusion du savoir spirituel dans la société par le saṅkīrtana-yajña, révèle la
compassion humaine dans sa portée maximale. Les hommes en ce monde vivent
généralement dans l'ignorance de ce qui touche au savoir spirituel, et plus
spécifiquement du service de dévotion offert au Seigneur; par suite, la diffusion
systématique de la connaissance absolue qui s'attache au service de dévotion
représente-t-elle la plus haute forme de compassion qu'on puisse manifester en ce
monde. Pour peu que l'on enseigne à chacun comment sacrifier pour le service du
Seigneur la moitié de ses économies, on verra certes d'emblée réapparaître
l'austérité, la pureté et la compassion, restaurant par là sans plus de mal les trois
pattes manquantes du boeuf de la religion. Or, si l'on propage à suffisance les
principes de la religion —austérité, pureté, compassion et véracité—, notre mère la
terre s'en trouvera naturellement comblée, et il y aura fort peu de chance que Kali
puisse s'infiltrer dans une structure sociale aussi bien protégée.
VERSETS 43-44
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Le long sacrifice entrepris par les sages de Naimiṣāraṇya a commencé peu après le
décès de Mahārāja Parīkṣit. Il devait se poursuivre pendant mille années, et il
s'avère qu'au début, certains des contemporains de Baladeva, le frère aîné de Śrī
Kṛṣṇa, aient visité l'arène sacrificielle. Selon des autorités en grammaire, on peut
utiliser le présent de l'indicatif pour relater des événements qui se sont déroulés
dans un passé récent. C'est dans ce sens que l'assertion de notre verset concernant le
règne de Mahārāja Parīkṣit se trouve formulée au présent. Cette même forme peut
encore être utilisée dans le cas d'action continue. Et certes, la voie empruntée par
Mahārāja Parīkṣit demeure applicable aujourd'hui car la société peut être améliorée,
à condition que les dirigeants concernés soient profondément déterminés à apporter
cette transformation. Pourvu que nous soyons prêts à réagir selon l'exemple de
Mahārāja Parīkṣit, nous pouvons encore purifier la société de toutes les activités
immorales qu'y a introduites la personne de Kali. L'empereur permit bien à Kali de
résider en certains lieux, mais ce dernier n'en put trouver aucun dans le monde car
Mahārāja Parīkṣit veillait strictement à ce que le jeu, les boissons enivrantes, la
prostitution et l'abattage des animaux n'aient aucune place dans son royaume. Nos
dirigeants actuels voudraient bien bannir la corruption de leurs Etats respectifs,
mais dans leur sottise ils ignorent tout des mesures à prendre pour y parvenir. Ils
octroient des permis pour tenir des maisons de jeux, des débits de boissons et de
drogues diverses, des maisons closes, des hôtels où l'on encourage la prostitution et
des cinémas; ils laissent s'infiltrer la duplicité dans tous les rapports, même dans les
leurs propres, et ils prétendent toujours vouloir évincer la corruption de l'Etat ! Ce
qu'ils veulent, c'est le royaume de Dieu, mais sans conscience de Dieu. Mais
comment peut-on concilier ces deux attitudes contradictoires? Pour mettre un terme
à la corruption, il faut d'abord organiser la société de manière à lui faire accepter les
principes de la spiritualité, à savoir l'austérité, la pureté, la compassion et la
véracité; et pour que les conditions deviennent favorables à cette évolution, il faut
enrayer tout jeu de hasard, l'enivrement ou l'intoxication sous toutes ses formes, la
prostitution et la tromperie. Telles sont quelques-unes des leçons pratiques que l'on
peut tirer des pages du Śrīmad-Bhāgavatam.
VERSET 45
ittham-bhūtānubhāvo ’yam
abhimanyu-suto nṛpaḥ
yasya pālayataḥ kṣauṇīṁ
yūyaṁ satrāya dīkṣitāḥ
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 18
VERSET 1
sūta uvāca
yo vai drauṇy-astra-vipluṣṭo
na mātur udare mṛtaḥ
anugrahād bhagavataḥ
kṛṣṇasyādbhuta-karmaṇaḥ
TRADUCTION
VERSET 2
brahma-kopotthitād yas tu
takṣakāt prāṇa-viplavāt
na sammumohorubhayād
bhagavaty arpitāśayaḥ
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
VERSET 3
TRADUCTION
Et après avoir quitté tous ceux qui formaient son entourage, le roi s'aban-
donna au fils de Vyāsa [Śukadeva Gosvāmī], se fit son disciple, et put ainsi
réaliser la position réelle du Seigneur Suprême. Il quitta enfin son corps
matériel sur la rive du Gange.
TENEUR ET PORTEE
Le mot ajita revêt ici un caractère particulier. Par ce nom, Ajita, signifiant
l'Invincible, on désigne le Seigneur Suprême, Śrī Kṛṣṇa, qui manifeste cette qualité
à tous égards. En effet, nul ne connaît Sa position réelle. Invincible, Il l'est
également de par Son savoir. Nous avons également entendu parler de Son dhāma,
de Sa demeure éternelle, Goloka Vṛndāvana, que de nombreux érudits ont d'ailleurs
également interprété de différentes manières. Mais par la grâce d'un maître spirituel
de la qualité de Śukadeva Gosvāmī, à qui le roi s'abandonna tout entier en disciple
des plus humbles, il devient possible de comprendre la nature profonde du
Seigneur, ainsi que de Son royaume éternel, et de tout Son entourage spirituel.
L'empereur, donc, conscient de la position spirituelle et absolue du Seigneur,
conscient également de la méthode sublime qui permet d'approcher
Son dhāma immatériel, se voyait confiant quant à sa destinée ultime. Et cela suffit
pour l'inspirer à abandonner toute chose matérielle, son propre corps même, et sans
la moindre difficulté ou le plus petit attachement. La Bhagavad-gītā (11.59)
enseigne: paraṁ dṛṣṭvā nivartate—on peut renoncer à tout attachement matériel
lorsqu'on apprend à voir le paraṁ, la qualité supérieure des choses. A la lumière de
la Bhagavad-gītā, nous comprenons que l'énergie spirituelle du Seigneur est
supérieure à Son énergie matérielle; et par la grâce d'un maître spirituel authentique
comme Śukadeva Gosvāmī, il devient tout à fait possible de connaître tout ce qui a
trait à cette énergie supérieure en quoi le Seigneur manifeste Son Nom, Ses
Attributs, Ses Divertissements, Son Entourage ainsi que la variété spirituelle. A
moins de pénétrer profondément cette énergie supérieure, éternelle, du Seigneur, il
n'est guère possible d'abandonner l'énergie matérielle, malgré toutes les théories
qu'on peut élaborer sur la nature réelle de la Vérité Absolue. Par la grâce de Śrī
Kṛṣṇa, Mahārāja Parīkṣit fut en mesure de recevoir la miséricorde d'un personnage
comme Śukadeva Gosvāmī, et c'est ainsi qu'il put connaître la position véritable du
Seigneur infaillible. Il s'avère fort ardu de découvrir le Seigneur uniquement par les
Textes védiques mais la chose devient tout à fait aisée si seulement on obtient la
miséricorde d'un bhakta libéré tel Śukadeva Gosvāmī.
VERSET 4
nottamaśloka-vārtānāṁ
juṣatāṁ tat-kathāmṛtam
syāt sambhramo ’nta-kāle ’pi
smaratāṁ tat-padāmbujam
TRADUCTION
S'il en est ainsi, c'est que l'homme qui a modelé son existence autour des
gloires spirituelles et absolues du Seigneur Suprême, chantées par les hymnes
védiques, et qui s'y absorbe sans fin par le souvenir des pieds pareils-au-lotus
du Seigneur, ne court aucun risque de s'égarer, fût-ce au dernier instant de sa
vie.
TENEUR ET PORTEE
VERSET 5
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Kali, nous l'avons déjà expliqué, était apparu sur Terre depuis longtemps, et il
cherchait la possibilité de répandre son influence partout à travers le monde. Mais
en présence de Mahārāja Parīkṣit, il ne pouvait parvenir à ses fins comme il l'avait
souhaité. Voilà un bon gouvernement. Toute sorte d'éléments perturbateurs, à
l'exemple de Kali, chercheront toujours à étendre leur action néfaste; mais il va du
devoir de l'Etat compétent d'empêcher leurs méfaits par tous les moyens. Ainsi,
bien qu'il ait désigné à Kali plusieurs endroits où il puisse vivre, Mahārāja Parīkṣit
ne lui donna aucune chance de gagner la faveur de ses sujets.
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 18
VERSET 6
TRADUCTION
Dès l'instant où le Seigneur Suprême, Śrī Kṛṣṇa, quitta ce monde, Kali, qui
favorise tous les principes de l'irréligion, apparut sur terre.
TENEUR ET PORTEE
Le Seigneur, Son Saint Nom, et Ses Attributs... ne font qu'Un. Kali ne pouvait
s'introduire sur terre à cause de la présence du Seigneur Suprême et si nous veillons
à ce que le Saint Nom et les Attributs de la Personne Souveraine soient chantés
sans fin, Kali n'aura aucune possibilité de se manifester là où de telles activités sont
accomplies. Tel est le moyen de chasser Kali de ce monde. L'homme moderne a
grandement fait progresser la science matérielle, ce qui lui permit d'inventer
nombre d'appareils sophistiqués, comme la radio, qui peut transmettre des sons
dans l'air. Mais si, plutôt que de diffuse des sons malsains visant la seule
satisfaction des sens, l'Etat veille à la propagation de sons spirituels à travers le
chant des Saints Noms, de la Renommée et des Actes du Seigneur, tels qu'ils sont
authentiquement dépeints dans la Bhagavad-gītā et le Śrīmad-Bhāgavatam, alors
certes, le climat favorable qui sera ainsi créé favorisera le rétablissement des
principes de la spiritualité dans le monde et les chefs d'Etat si profondément
désireux de chasser la corruption de cette Terre verront ainsi leurs vaillants efforts
couronnés de succès. Aucune chose n'est mauvaise si elle est dûment utilisée pour
le service du Seigneur.
VERSET 7
Mahārāja Parīkṣit était réaliste, comme les abeilles qui savent extraire
l'essence seule [d'une fleur]. Il savait parfaitement qu'en cet âge de Kali, toute
oeuvre salutaire produit sur-le-champ de bons fruits, quand les activités
funestes doivent d'abord être accomplies pour qu'on en perçoive les effets.
Aussi n'envia-t-il jamais Kali.
TENEUR ET PORTEE
On nomme aussi l'âge de Kali l'ère de la déchéance. Dans cet âge, vu la condition
lamentable dans laquelle ont chu les hommes, le Seigneur Suprême leur accorde
une faveur particulière. On y devient coupable de péché que si la faute est commise
en action. Dans les autres âges, le simple fait de penser à une activité coupable en
entraînait toutes les suites. Dans l'âge où nous vivons, cette règle est inversée et l'on
obtient le résultat des actes de vertu rien qu'en pensant à ceux-ci.
Le roi Parīkṣit, que la grâce du Seigneur avait comblé d'une haute érudition et d'une
expérience profonde, n'enviait Kali d'aucune manière, car il était déterminé de ne
lui laisser aucune chance de se livrer à des actes coupables. Il protégeait ainsi ses
sujets des attaques pernicieuses de l'âge noir, tout en allouant à Kali certains lieux
précis où il puisse vivre à son gré. Comme nous le verrons à la fin du Śrīmad-
Bhāgavatam, en dépit de tous les méfaits de Kali, il est un avantage appréciable
dans cet âge, et c'est qu'on y peut atteindre le salut par le simple chant du Saint
Nom du Seigneur. C'est pourquoi Mahārāja Parīkṣit organisa la propagation du
chant des Saints Noms du Seigneur, de manière à sauver ses sujets des griffes de
Kali. C'est d'ailleurs uniquement pour cet avantage qu'offre l'âge néfaste que parfois
certains grands sages étendent leur bénédiction sur cet âge. Les Vedas enseignent
également qu'en discourant sur les Actes de Śrī Kṛṣṇa, on peut échapper à tous les
inconvénients que présente l'âge noir. Le début du Śrīmad-Bhāgavatam confirme
également que le Seigneur Suprême Se laisse emprisonner dans le coeur de celui
qui entend ou chante le récit du Bhāgavatam. Tels sont quelques-uns des avantages
uniques propres à l'âge de Kali, et Maharaja Pariksit les utilisait tous; fidèle à sa
foi vaiṣṇava, il ne pensa aucun mal de Kali.
VERSET 8
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Quiconque ne voue pas sa vie au Seigneur fait pour ainsi dire preuve d'insouciance
et d'inintelligence. Et si, à l'inverse, son intelligence n'est pas rigoureusement
développée, nul ne peut devenir un bhakta. Or, les abhaktas deviennent victimes de
l'influence de Kali. Et la proclamation de décrets ou l'organisation de commissions
d'enquêtes contre la corruption, que favorisent d'ailleurs eux-mêmes les chefs d'Etat
et les commerçants, ne suffiront pas à enrayer les méfaits de Kali, à savoir le jeu,
l'enivrement, la prostitution et l'abattage des animaux, qui sont à la base de toutes
les formes de corruption. Nous ne pouvons créer un climat plus sain pour la société
que si nous sommes prêts à appliquer les mesures adoptées par Mahārāja Parīkṣit,
soit la propagation du service de dévotion parmi la masse des hommes.
VERSET 9
TRADUCTION
O sages, comme vous m'en avez prié, je vous ai pratiquement tout dépeint des
récits concernant Śrī Kṛṣṇa en relation avec l'histoire du vertueux roi,
Mahārāja Parīkṣit.
TENEUR ET PORTEE
VERSET 10
TRADUCTION
Ceux qui désirent atteindre à la perfection totale de l'existence doivent prêter
une oreille soumise aux propos qui se rapportent aux Divertissements et aux
Attributs spirituels et absolus du Seigneur Suprême, qui toujours agit
merveilleusement.
TENEUR ET PORTEE
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 18
VERSET 11
ṛṣaya ūcuḥ
sūta jīva samāḥ saumya
śāśvatīr viśadaṁ yaśaḥ
yas tvaṁ śaṁsasi kṛṣṇasya
martyānām amṛtaṁ hi naḥ
TRADUCTION
VERSET 12
TRADUCTION
Nous avons tout juste entamé ce sacrifice par le feu dans un but intéressé, et
sans certitude aucune quant à ses fruits, vu l'imperfection qui entache notre
entreprise. La fumée a noirci nos corps, mais nous nous trouvons pro-
fondément satisfaits grâce au nectar des pieds pareils-au-lotus du Seigneur
Suprême, Govinda, dont tu as bien voulu nous abreuver.
TENEUR ET PORTEE
Au-dessus du feu sacrificiel animé par les sages de Naimiṣāraṇya flottaient certes
beaucoup de fumée et de doutes en raison des failles multiples qui s'étaient glissées
dans leur entreprise. La première de ces failles réside dans le fait que l'âge de Kali
se caractérise par un manque absolu de brāhmaṇas expérimentés qui puissent
mener à bien de telles cérémonies. Or, la moindre faute commise au cours de ces
sacrifices entraîne l'échec complet et les résultats en seront aussi incertains que
ceux d'une moisson. En effet, les meilleurs labours dépendent toujours de pluies
providentielles, et de ce fait laissent toujours le cultivateur dans l'incertitude quant à
la récolte. Et certes, les sacrifices accomplis dans l'âge de Kali obéissent, quels
qu'ils soient, à la même règle. Les brāhmaṇas avides et sans scrupule du kali-
yuga induisent le public innocent à s'engager dans l'accomplissement de sacrifices
ostentatoires et douteux, en prenant bien garde de ne pas leur révéler l'ensei-
gnement des Ecritures selon lequel il n'est d'autres sacrifices fructueux dans cet âge
que le chant collectif des Saints Noms du Seigneur. Sūta Gosvāmī se conformait à
cette directive en louant les Noms et Gloires sublimes du Seigneur devant
l'assemblée des sages, qui tous pouvaient percevoir de manière tangible les effets
de l'écoute des Divertissements spirituels et absolus de Kṛṣṇa. Effets tout aussi
concrets pour l'âme que les effets ressentis par le corps lorsqu'on le nourrit. Ainsi
s'opère la réalisation spirituelle.
Les sages de Naimiṣāraṇya souffraient de la fumée s'échappant du feu sacrificiel, et
nourrissaient de sérieux doutes quant à l'issue de leur entreprise; mais l'écoute des
propos émanant d'une âme réalisée comme Sūta Gosvāmī les comblait pleinement.
Le Brahma-vaivarta Purāṇa rapporte que Viṣṇu dit à Śiva que dans l'âge de Kali,
l'homme connaîtra mille soucis à oeuvrer en vain dans le cadre de l'action
intéressée et de la spéculation intellectuelle, alors que s'il adopte la pratique du
service de dévotion, aucune énergie ne sera perdue, mais le résultat en sera assuré.
En d'autres mots, aucune entreprise, qu'elle vise la réalisation spirituelle ou le bien
matériel, ne peut être fructueuse si elle ne s'inscrit dans le cadre du service
dévotionnel offert au Seigneur.
VERSET 13
tulayāma lavenāpi
na svargaṁ nāpunar-bhavam
bhagavat-saṅgi-saṅgasya
martyānāṁ kim utāśiṣaḥ
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
On ne peut comparer deux objets que dans la mesure où il existe entre eux certaines
similitudes. Or, la compagnie d'un pur bhakta ne se compare à aucun bien matériel.
Les hommes par trop assoiffés de bonheur matériel aspirent pour leur part à
atteindre les planètes édéniques —la Lune, Vénus, Indraloka, etc.—, et ceux qui
ont approfondi les voies de la spéculation philosophique recherchent, eux, la
libération hors des chaînes de la matière. Car, lorsqu'on devient déçu par toute
forme d'enrichissement matériel, on se prend à convoiter la contrepartie des plaisirs
de ce monde, à savoir la libération, qu'on nomme apunar-bhava —
l'affranchissement du cycle des naissances répétées. Un pur dévot du Seigneur,
cependant, ne désire ni le bonheur de vivre dans le royaume édénique, ni la
libération hors des chaînes de la matière. En effet, les plaisirs qu'offrent les planètes
édéniques ne sont à ses yeux que fantasmagorie, et parce qu'il est déjà affranchi de
tout concept matériel relatif au bonheur et au malheur, il se trouve déjà, bien
qu'encore en ce monde, libéré de la matière. Cela signifie que les
purs bhaktas connaissent une existence axée sur l'Absolu pour être absorbés dans le
service d'amour sublime offert au Seigneur, dans l'univers matériel ou dans le
monde spirituel. De même qu'un membre du gouvernement demeure le même aussi
bien au bureau qu'au foyer ou ailleurs, le bhakta n'a rien à voir avec la matière, et il
ne vit que pour le service d'amour absolu offert au Seigneur. Et puisqu'il n'a aucun
intérêt pour les choses de ce monde, quel plaisir pourrait-t-il tirer de bienfaits
matériels, comme la royauté ou toute autre forme de pouvoir, qui s'évanouissent
avec la destruction du corps. A l'opposé, le service de dévotion est éternel; parce
que spirituel, il ne connaît pas de fin. Ainsi, les atouts du pur bhakta diffèrent en
tout des valeurs matérielles et il serait vain de vouloir les comparer. Selon cet ordre
de pensée, la présence de Sūta Gosvāmī, pur dévot du Seigneur, représentait un
bienfait unique pour les ṛṣis de Naimiṣāraṇya, plongés dans leurs rituels intéressés.
Le contact en ce monde avec les bas matérialistes, qu'on nomme yoṣit-saṅgī ou
hommes profondément attachés à la matière à travers la femme et tout ce qui
l'entoure est certes proscrit, car il conditionne l'être en chassant loin de lui les
bienfaits de la vie et de la prospérité. A l'opposé se trouve le bhāgavata-saṅgī, ou
celui qui vit au contact du Nom, de la Forme, des Attributs et des autres traits
spirituels du Seigneur; sa compagnie est tout à fait désirable, louable, digne
d'adoration même, et il faut y reconnaître le but ultime de l'existence.
VERSET 14
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Śiva et Brahmā comptent parmi les chefs des bhaktas, et ils possèdent tous les
pouvoirs yogiques. Ainsi, Śiva put boire un océan de poison dont une seule goutte
aurait suffi à foudroyer un être ordinaire. Et Brahms pour sa part put engendrer tant
de puissants bhaktas, dont Śiva lui-même. Aussi les qualifie-t-on d'īśvaras, de
maîtres de l'univers. Mais leur pouvoir n'est pas suprême. Le maître absolu est
Govinda, Śrī Kṛṣṇa. Il est la Transcendance et Ses Attributs spirituels et absolus ne
peuvent être mesurés même par d'aussi puissants īśvaras que Śiva et Brahmā. C'est
pour cette raison que Kṛṣṇa représente l'unique refuge des plus grands parmi tous
les êtres. Brahms appartient lui aussi aux êtres distincts, mais de tous, il est le plus
grand. Or si telle est sa puissance, pourquoi se sent-il si fortement attiré par les
propos sublimes liés à la Personne de Kṛṣṇa? C'est que Ce dernier est la source de
tous les doux sentiments spirituels. Chacun aspire à goûter un bonheur quelconque
dans tout ce qu'il fait. Celui toutefois qui s'absorbe dans le service d'amour absolu
du Seigneur baigne dans un flot sans fin de riches émotions. Le Seigneur est
illimité, et Son Nom, Ses Attributs, Ses Divertissements et tout ce qui L'entoure
jouit de la même qualité. Ceux qui s'y délectent peuvent donc le faire sans fin, et
sans jamais se sentir rassasiés. Ce que confirme le Padma Purāṇa: "Le Seigneur
Souverain, la Vérité Suprême et Absolue, on L'appelle aussi Rāma, car Il prodigue
à tous les yogis une joie spirituelle sans limite."
Ces propos sublimes ne connaissent donc pas de fin. Toute activité matérielle est
soumise à la loi de saturation, mais ce phénomène est inexistant sur le plan
spirituel. Sūta Gosvāmī désirait poursuivre le récit des Divertissements de Śrī
Kṛṣṇa devant les sages de Naimiṣāraṇya, et les ṛṣis se montraient eux-mêmes
désireux de les entendre de lui sans fin. Parce que le Seigneur et Ses Attributs
transcendent la matière, les propos liés à Sa Personne suscitent un intérêt accru
dans un auditoire purifié.
VERSET 15
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 18
VERSET 16
TRADUCTION
O Sūta Gosvāmī, veuille dépeindre ces propos qui touchent au Seigneur, et par
quoi Mahārāja Parīkṣit, fermement établi au niveau de l'intelligence
libératrice, écouta l'enseignement du fils de Vyāsa [Śrīla Śukadeva], et attei-
gnit les pieds pareils-au-lotus de Celui qui est le refuge de Garuḍa, monarque
de la gent ailée.
TENEUR ET PORTEE
Il est une certaine controverse parmi les postulants qui empruntent la voie de la
libération, et qui sépare les spiritualistes en deux camps: les impersonnalistes et les
dévots du Seigneur. Ces derniers adorent la Forme spirituelle et absolue du
Seigneur quand les premiers méditent sur l'éclat irradiant qui en émane, et qu'on
nomme le brahmajyoti. Notre verset indique que Mahārāja Parīkṣit atteignit les
pieds pareils-au-lotus du Seigneur grâce au savoir reçu du fils de Vyāsadeva, Śrīla
Śukadeva Gosvāmī. Celui-ci, comme il le reconnaîtra lui-même, figurait à l'origine
au nombre des impersonnalistes, mais il devint plus tard attiré par les
Divertissements sublimes du Seigneur, et se fit ainsi bhakta (S.B., 2.1.9). Un
tel bhakta, au savoir parfait, se qualifie de mahā-bhāgavatas, de bhakta de premier
ordre. On qualifie les dévots du Seigneur de prākṛta, madhyamas, ou de mahā-
bhāgavatas, selon leur niveau de réalisation. Le prākṛta-bhakta, au niveau le plus
bas, rend son culte dans le temple, sans connaissance précise du Seigneur et de Ses
dévots. Le bhakta dit madhyama, au niveau intermédiaire, distingue clairement
entre le Seigneur, Ses dévots, les néophytes et les abhaktas. Le mahā-bhāgavata,
le bhakta de premier ordre, voit pour sa part toute chose en relation avec le
Seigneur, et perçoit Sa divine présence en tout. Par suite, il n'établit aucune
distinction particulière entre bhaktas et abhaktas. Mahārāja Parīkṣit, initié par
le mahā-bhāgavata qu'était Śukadeva Gosvāmī, en avait lui-même acquis les
qualités, si bien qu'il avait pu se montrer bienveillant à l'égard de Kali, et combien
plus à l'égard des autres êtres.
VERSET 17
TRADUCTION
Ainsi, puisses-tu narrer pour nous les récits qui s'attachent au Sans-limite,
récits purificateurs et suprêmes, tels qu'ils furent énoncés devant Mahārāja
Parīkṣit. Imprégnés de bhakti, ils sont très chers aux purs bhaktas.
TENEUR ET PORTEE
Ces récits énoncés devant Mahārāja Parīkṣit, et si chers aux purs bhaktas, sont ceux
du Śrīmad-Bhāgavatam. Cet Ecrit est plein de narrations concernant les Activités
du Seigneur Suprême et Illimité, en sorte qu'il contient la science du bhakti-yoga,
du service de dévotion offert au Seigneur. Il est donc para, ou suprême, car bien
qu'enrichi des connaissances propres aux diverses branches du savoir, et plus
précisément de la religion, il est couronné du service de dévotion.
VERSET 18
sūta uvāca
aho vayaṁ janma-bhṛto ’dya hāsma
vṛddhānuvṛttyāpi viloma-jātāḥ
dauṣkulyam ādhiṁ vidhunoti śīghraṁ
mahattamānām abhidhāna-yogaḥ
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Sūta Gosvāmī n'était pas issu d'une famille de brāhmaṇa; il était de souche mixte,
né d'une famille basse et inculte. Mais au contact des hauts enseignements de Śrī
Śukadeva Gosvāmī, qu'il élucida par la suite devant les grands ṛṣis de
Naimiṣāraṇya, toutes imperfections liées à ses origines inférieures furent certes
balayées. Śrī Caitanya Mahāprabhu appliqua ce même principe en accord avec la
tradition védique, et par Son contact divin, éleva au niveau du service de dévotion
nombre d'êtres diminués par leur naissance ou leurs actes, et les établit dans la
position d'ācāryas, d'autorités en matière spirituelle. Il expliqua clairement que tout
homme, qu'il soit brāhmaṇa ou śūdra par la naissance, chef de famille ou sage
errant selon les divisions sociales, peut, s'il est versé dans la science de Kṛṣṇa, être
accepté comme ācārya ou guru, comme maître spirituel.
Sūta Gosvāmī apprit la science de Kṛṣṇa auprès de grands ṛṣis et autorités en
matière spirituelle, comme Śukadeva, Vyāsadeva, etc., et il se qualifia tant que
même les sages de Naimiṣāraṇya lui exprimèrent leur profond désir d'entendre de
ses lèvres cette même science de Kṛṣṇa sous la forme du Śrīmad-Bhāgavatam.
Ainsi bénéficia-t-il de la compagnie d'âmes aussi magnanimes aussi bien dans son
apprentissage par l'écoute que dans sa prédication. Nous devons apprendre la
science spirituelle, la science de Kṛṣṇa, d'autorités en la matière, et lorsqu'elle est
assimilée, la qualité de notre prédication s'en trouve accrue. Or, Sūta
Gosvāmī possédait ces deux atouts, aussi peut-on affirmer sans l'ombre d'un doute
qu'il était parfaitement débarrassé de toute disgrâce liée à sa basse naissance
comme de toute angoisse. Car, ce verset le prouve de façon concluante, Śrīla
Śukadeva Gosvāmī ne refusa nullement d'enseigner Sūta Gosvāmī dans la science
de l'Absolu sous prétexte qu'il était de souche inférieure, non plus que les sages de
Naimiṣāraṇya ne refusèrent d'être enseignés par lui. Cela signifie que déjà dans les
temps passés, il y a des milliers d'années, une basse naissance ne représentait pas
une barrière à la réception ou à la transmission de la science spirituelle. Il y a à
peine cent ans que prévaut le régime des castes dans la société hindoue. Outré par
sa rigidité inconsidérée, il est une véritable mutilation de l'institution des varnas:
phénomène dû seulement à l'accroissement, dans les couches sociales supérieures,
du nombre des dvija-bandhus, des représentants non-qualifiés de ces groupes. Śrī
Caitanya rétablit quant à Lui le système védique originel, et éleva Haridāsa
Ṭhākura au rang de nāmācārya, de maître en matière de prédication des gloires du
Saint Nom de Kṛṣṇa, bien que Sa Sainte Grâce avait choisi d'apparaître dans une
famille de musulmans. Telle est la puissance des purs dévots du Seigneur. On
attribue aux eaux du Gange une grande pureté, et toute personne qui s'y baigne
bénéficie de ce pouvoir purificateur. Mais les grands bhaktas peuvent purifier une
âme déchue qui poserait seulement son regard sur eux; que dire dès lors de celui
qui obtient de vivre à leur contact ? Śrī Caitanya Mahāprabhu souhaitait purifier
l'atmosphère polluée de la terre entière, et pour ce faire dépêcha des prédicateurs
qualifiés dans tous les coins du monde. Les Indiens plus particulièrement doivent
prendre à coeur cette mission, et la répandre avec science, se livrant par là à la plus
haute forme d'oeuvre humanitaire. Il vaut en effet infiniment mieux se qualifier
pour cette tâche —la propagation des Saints Noms du Seigneur— que de se livrer à
quelque prétendue philanthropie stéréotypée comme ouvrir des hôpitaux ou d'autres
établissements similaires. Car le mal intérieur qui frappe les générations actuelles
est beaucoup plus grave que de simples affections pathologiques. Il s'avère donc
important, juste et approprié, que des personnes qualifiées entreprennent sans tarder
de prêcher le Śrīmad-Bhāgavatam par toute la terre. Les mots mahattamānām
abhidhāna signifient également un dictionnaire des grands bhaktas, ou un Ecrit
émaillé des paroles d'âmes magnanimes. De tels recueils, réunissant les
enseignements d'illustres bhaktas, comme ceux du Seigneur, se trouvent dans
les Vedas et leurs compléments, notamment le Śrīmad-Bhāgavatam.
VERSET 19
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
VERSET 20
etāvatālaṁ nanu sūcitena
guṇair asāmyānatiśāyanasya
hitvetarān prārthayato vibhūtir
yasyāṅghri-reṇuṁ juṣate ’nabhīpsoḥ
TRADUCTION
Il a maintenant été certifié qu'Il est sans limite [le Seigneur Suprême] et que
nul ne peut se comparer à Lui. Aussi, nul n'est donc vraiment en mesure de
décrire Ses Attributs comme il convient. Les grands bhaktas eux-mêmes, ne
peuvent, par leurs prières, s'attirer les faveurs de la déesse de la fortune. Celle-
ci s'attache au service du Seigneur, mais Lui ne désire en rien être servi de la
sorte.
TENEUR ET PORTEE
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 18
VERSET 21
athāpi yat-pāda-nakhāvasṛṣṭaṁ
jagad viriñcopahṛtārhaṇāmbhaḥ
seśaṁ punāty anyatamo mukundāt
ko nāma loke bhagavat-padārthaḥ
TRADUCTION
On compte quatre lignées de bhaktas qui vouent leur culte au Seigneur, dont les
trois principales sont la Brahmā-sampradāya, la Rudra-sampradāya et la Śrī-
sampradāya, respectivement issues de Brahmā, de Śiva et de Lakṣmī en personne.
Quant à la quatrième lignée, il s'agit de la Kumāra-sampradāya, issue de Sanat-
kumāra. Or ces quatre sampradāyas originelles continuent scrupuleusement de
pratiquer le service sublime offert au Seigneur et de proclamer ainsi la suprématie
absolue de Śrī Kṛṣṇa, Mukunda, que personne ne surpasse ni même n'égale.
VERSET 22
TENEUR ET PORTEE
VERSET 23
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
La Vérité Suprême et Absolue est sans limite, et aucun être distinct ne peut
connaître le Seigneur sans limite avec ses moyens limités. Le Seigneur est à la fois
personnel et impersonnel, aussi bien d'ailleurs que localisé. Dans son aspect
impersonnel, Il est le Brahman qui tout pénètre; par Son aspect localisé, Il est
présent dans le coeur de chaque être sous la forme de l'Ame Suprême; et dans Son
aspect personnel, suprême, Il fait l'objet du service d'amour absolu de Ses
compagnons fortunés, les purs bhaktas. Tout comme les oiseaux ne peuvent, dans
leur vol, dépasser une certaine altitude, les grands bhaktas, même très érudits, ne
peuvent percevoir qu'en partie les Divertissements du Seigneur dans Ses diverses
Formes. Aussi Śrīla Sūta Gosvāmī s'exprime-t-il justement lorsqu'il affirme ne
pouvoir décrire les Divertissements du Seigneur que dans la mesure où il les a
réalisés. En vérité, seul le Seigneur en personne peut Se dépeindre tel qu'Il est; Ses
dévots érudits peuvent certes également Le décrire, mais seulement dans la mesure
où Celui-ci leur donne le pouvoir de le faire.
VERSETS 24-25
ekadā dhanur udyamya
vicaran mṛgayāṁ vane
mṛgān anugataḥ śrāntaḥ
kṣudhitas tṛṣito bhṛśam
jalāśayam acakṣāṇaḥ
praviveśa tam āśramam
dadarśa munim āsīnaṁ
śāntaṁ mīlita-locanam
TRADUCTION
Un jour que Mahārāja Parīkṣit chassait dans la forêt, solidement armé de son
arc et de ses flèches, il éprouva une fatigue extrême, et se sentit pris par la faim
et par la soif alors qu'il suivait des cerfs. Cherchant un point d'eau, il pénétra
dans l'ermitage du célèbre Śamīka ṛṣi, et vit le sage assis là, en parfait silence
et les yeux clos.
TENEUR ET PORTEE
Le Seigneur Suprême fait montre d'une telle bonté à l'égard de Ses purs dévots
qu'en temps voulu, Il les rappelle à Lui, créant pour cela un concours de
circonstances favorables et propices pour le bhakta. Ainsi de Mahārāja Parīkṣit; pur
dévot du Seigneur, il n'avait aucune raison de connaître une fatigue extrême, ni de
souffrir de la faim ou de la soif, car un dévot du Seigneur n'est jamais troublé par
les exigences du corps. Mais par le désir du Seigneur, même un tel bhakta peut en
apparence être épuisé et assoiffé, à seule fin que soit créée une situation favorable
qui lui permette de renoncer à toute activité de ce monde. Car il faut abandonner
tout attachement ou lien qui nous retienne à la matière avant de pouvoir retourner
vers Dieu, vers notre demeure originelle. C'est pourquoi même si un bhakta se
trouve profondément absorbé dans les affaires de ce monde, le Seigneur créera une
situation favorisant le détachement total chez Son dévot. Jamais le Seigneur
Suprême n'oublie Son pur dévot, même si ce dernier se trouve engagé dans des
activités apparemment matérielles, et c'est pourquoi il arrive parfois qu'Il crée une
situation mystérieuse où le bhakta se voit obligé de renoncer aux choses de ce
monde. Alors que certains y voient une source de frustration, et lui prêtent une
influence négative, le bhakta, lui, peut y saisir un signal du Seigneur. Śrī Kṛṣṇa
destinait Mahārāja Parīkṣit à devenir l'instrument de révélation du Śrīmad-
Bhāgavatam, tout comme Il avait destiné son aïeul Arjuna à recevoir pour le bien
du monde entier le message de la Bhagavad-gītā. N'eut été l'illusion d'Arjuna,
aveuglé, selon la volonté du Seigneur, par ses attaches familiales, Kṛṣṇa n'aurait pas
eu l'occasion d'énoncer la Bhagavad-gītā pour le bien de tous. Et de même, s'Il
n'avait pas causé la fatigue, la faim et la soif de Mahārāja Parīkṣit en des
circonstances particulières, le Śrīmad-Bhāgavatam n'aurait pu être énoncé par Śrīla
Śukadeva Gosvāmī, l'autorité première de cet Ecrit. Ceci sert donc de prélude au
récit des circonstances qui conduisirent à l'énonciation du Śrīmad-
Bhāgavatam pour le bien de tous. Ce prélude commence donc par les mots "Un
jour" ...
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 18
VERSET 26
pratiruddhendriya-prāṇa-
mano-buddhim upāratam
sthāna-trayāt paraṁ prāptaṁ
brahma-bhūtam avikriyam
TRADUCTION
VERSET 27
viprakīrṇa-jaṭācchannaṁ
rauraveṇājinena ca
viśuṣyat-tālur udakaṁ
tathā-bhūtam ayācata
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
VERSET 28
alabdha-tṛṇa-bhūmy-ādir
asamprāptārghya-sūnṛtaḥ
avajñātam ivātmānaṁ
manyamānaś cukopa ha
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Les lois de réception sont telles, selon les codes védiques, que même un ennemi,
lorsqu'on le reçoit chez soi, doit se voir offrir tous les respects, si bien qu'il n'ait
aucune chance de comprendre qu'il se trouve chez un antagoniste. Lorsque Śrī
Kṛṣṇa Se rendit, accompagné d'Arjuna et de Bhīma, chez leur ennemi Jarāsandha
dans la province de Magadha, leurs respectables personnes furent reçues
royalement par le roi Jarāsandha. L'un d'eux, à savoir Bhīma, devait même
combattre contre J Jarāsandha, mais cela n'empêcha en rien qu'ils soient reçus selon
les convenances. Le soir, ils s'asseyaient tous ensemble comme des amis, comme
des invités ordinaires, et le jour, ils combattaient violemment, mettant leur vie en
danger. Telles sont les lois qui régissent l'art de recevoir, et selon lesquelles même
l'homme le plus pauvre, qui n'a rien à offrir à son invité, doit au moins lui présenter
une natte de paille où il puisse s'asseoir, une coupe d'eau qu'il puisse boire et de
douces paroles de bienvenue; il s'agit là d'une obligation. Par suite, la réception
d'un hôte, qu'il soit ami ou ennemi, n'a pas à entraîner la moindre dépense; c'est une
simple question de bienséance.
VERSET 29
abhūta-pūrvaḥ sahasā
kṣut-tṛḍbhyām arditātmanaḥ
brāhmaṇaṁ praty abhūd brahman
matsaro manyur eva ca
TRADUCTION
Ainsi, ô brāhmaṇas, le roi se mit en colère, et devint envieux du
sage brāhmaṇa, comme cela ne s'était jamais fait, poussé par les circonstances
qui avaient suscité en lui une faim et une soif excessives.
TENEUR ET PORTEE
Il était sans aucun doute unique pour un roi comme Mahārāja Parīkṣit, d'éprouver
de l'envie et de se mettre en colère, et à plus forte raison contre un sage brāhmaṇa.
Le roi savait fort bien que les brāhmaṇas et les sages, comme d'ailleurs les enfants,
les femmes et les vieillards, ne peuvent en aucun cas être châtiés par le roi. Et
inversement, même si l'empereur se rend coupable d'une faute grave, jamais il ne
doit être vu comme un malfaiteur. Mais dans le cas qui nous occupe, Mahārāja
Parīkṣit, exceptionnellement, se mit en colère et montra de l'envie envers le sage. Et
bien qu'il semble que c'était en raison de sa faim et de sa soif, c'est en vérité la
volonté du Seigneur qui est à l'origine de ces événements. Le roi avait raison de
punir son sujet pour l'avoir si froidement reçu, ou même négligé, mais parce que le
coupable était ici un sage, un brāhmaṇa, le cas était tout à fait sans précédent. Tout
comme le Seigneur n'est jamais envieux de personne, de même Son dévot. La seule
raison juste pour laquelle Mahārāja Parīkṣit ait pu se mettre en colère et concevoir
de l'envie à l'endroit du sage réside donc dans le fait que le Seigneur l'avait ainsi
voulu.
VERSET 30
sa tu brahma-ṛṣer aṁse
gatāsum uragaṁ ruṣā
vinirgacchan dhanuṣ-koṭyā
nidhāya puram āgataḥ
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Donnant donnant: voilà comment le roi traita le sage, bien qu'il n'ait jamais
auparavant commis d'actes aussi déraisonnables. Au moment de quitter les lieux, le
roi trouva, par la volonté du Seigneur, un serpent mort gisant sur le sol, et songeant
à la froide réception que lui avait réservé le sage, il se dit qu'il méritait d'être
récompensé selon les mêmes critères, aussi lui offrit-il, en guise de guirlande, cette
carcasse de serpent. Dans des circonstances ordinaires, un tel geste n'aurait rien eu
d'étonnant, mais dans le cas particulier de Mahārāja Parīkṣit, d'autant plus qu'il
avait à faire à un sage brāhmaṇa, l'acte était certes exceptionnel, et il ne pouvait
avoir été accompli que par la volonté du Seigneur.
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 18
VERSET 31
TRADUCTION
Dévot du Seigneur, le roi n'approuvait pas son propre geste envers le sage, aussi se
prit-il à considérer la position de ce dernier: se trouvait-il réellement dans une
extase méditative, ou faisait-il seulement semblant de l'être pour ne pas avoir à
accueillir le roi, un kṣatriya, donc d'un statut inférieur au sien. Un tel repentir naît
dans le coeur d'une âme vertueuse sitôt qu'elle commet la moindre faute.
Cependant, il ne faudrait pas croire ici que les pensées du roi soient justifiées par
une faute réelle dont il se serait rendu coupable. Śrīla Viśvanātha Cakravartī
Ṭhākura ainsi que Śrīla Jīva Gosvāmī s'en portent tous deux garants: le geste du roi
n'était en rien le fruit de quelques fautes passées. Il s'agissait plutôt d'un plan du
Seigneur destiné à produire une apparence de revers dans la vie de l'empereur, et
ce, à seule fin de le rappeler à Lui, en Son royaume. Selon Śrīla Viśvanātha
Cakravartī, il s'agissait définitivement d'un dessein de Kṛṣṇa, dont la volonté a créé
pour le roi une telle situation. Et Son dessein était le suivant: que Mahārāja Parīkṣit
soit maudit, sous l'influence de Kali, par le fils inexpérimenté du brāhmaṇa, qu'il
quitte alors ses attaches profondes et son foyer pour toujours, et qu'il puisse ainsi
entrer au contact de Śrīla Śukadeva Gosvāmī, lequel devait lui présenter ce grand
ouvrage qu'est le Śrīmad-Bhāgavatam, et qu'on tient pour l'avatāra littéraire du
Seigneur.
Cette manifestation littéraire de Kṛṣṇa procure de nombreux renseignements
fascinants concernant les Divertissements spirituels et absolus du Seigneur, ainsi
par exemple du rāsa-līlā, qu'Il échangea avec les jeunes gopis purement spirituelles
de Vrajabhūmi. Ce Divertissement précis revêt d'ailleurs une signification toute
spéciale, car quiconque en entend le récit comme il convient ne peut que se
détourner de tout désir charnel en ce monde pour s'engager sur le sentier du service
d'amour sublime et absolu qu'on offre au Seigneur. Pour conclure, si un
pur Vedas se trouve confronté à une quelconque situation de malheur en ce monde,
ce n'est que pour favoriser son élévation à un niveau spirituel plus élevé, pour son
bien donc. En plaçant, par exemple, Arjuna ou les Pāṇḍavas dans une situation
difficile, apparemment créée par les intrigues de leurs demi-frères, Kṛṣṇa dessina le
prélude à la Bataille de Kurukṣetra, qui devait lui permettre de Se manifester sous
la forme sonore des enseignements de la Bhagavad-gītā. Et de même, en plaçant le
roi Parīkṣit, autre dévot du Seigneur, dans une situation pour le moins fâcheuse, le
Seigneur poursuivait le dessein de créer les circonstances qui devaient permettre la
manifestation du Śrīmad-Bhāgavatam. L'affliction présumée du roi devant la faim
et la soif ne pouvait d'ailleurs qu'être illusoire car il avait dû affronter bien d'autres
maux, quand par exemple il se trouvait encore dans le sein de sa mère, où la chaleur
irradiante du brahmāstra lancé sur lui par Aśvatthāmā ne l'avait pas incommodé.
Aussi, la douleur affichée par le roi ne manquait-elle pas d'étonner, tel qu'indiqué
précédemment, par son caractère sans précédent. Les bhaktas tel Mahārāja Parīkṣit
possèdent assez de force pour tolérer les revers occasionnels que la volonté du
Seigneur peut leur faire éprouver, et jamais ils n'en ressentent le moindre trouble. Il
faut donc comprendre ici, pour le cas qui nous occupe, que l'ensemble de la
situation a été planifiée par le Seigneur.
VERSET 32
TRADUCTION
Le sage avait un fils d'une grande puissance brahmanique, et c'est alors qu'il
jouait avec de jeunes garçons sans maturité qu'il apprit le tort que l'empereur
avait infligé à son père. Il s'exclame alors:
TENEUR ET PORTEE
VERSET 33
TRADUCTION
"Voyez l'offense de ces dirigeants contre leurs maîtres! Dressés comme des
corbeaux et des chiens de garde, ils se soulèvent contre les principes qui
régissent leur position de serviteurs.
TENEUR ET PORTEE
Ici, Śṛṅgi, fils qualifié d'un grand brāhmaṇa, se voit doté de tous les pouvoirs
brahmaniques, tant par la naissance que par sa formation. Mais du fait de
l'inexpérience propre à son jeune âge, il fait pourtant preuve d'un manque de
culture. Sous l'influence de Kali, le voici qui s'enorgueillit de sa puissance
brahmanique et juge à tort Mahārāja Parīkṣit en le comparant à un corbeau et à un
chien de garde. Les rois sont certes les gardiens de l'Etat, en ce qu'ils scrutent d'un
œil vigilant les frontières du royaume pour en assurer la protection et la défense;
mais comparer le roi à un chien de garde dénote un grand manque d'éducation.
Ainsi les pouvoirs brahmaniques commencèrent-ils de se perdre, en sorte qu'on
commença de mettre l'accent sur les droits conférés par la naissance, sans tenir
aucun compte de la culture de l'individu. Avec l'âge de Kali commença donc la
chute des brāhmaṇas. Et comme ceux-ci sont à la tête de l'ordre social, tous les
autres membres ont également perdu de leur vigueur, si bien qu'on ne trouve plus
aujourd'hui que de prétendus brāhmaṇas et kṣatriyas, dénués de puissance réelle. Et
le père de Śṛṅgi, comme nous l'apprendrons dans ces pages, déplora grandement le
fait que la culture brahmanique commence ainsi à se détériorer.
VERSET 34
brāhmaṇaiḥ kṣatra-bandhur hi
gṛha-pālo nirūpitaḥ
sa kathaṁ tad-gṛhe dvāḥ-sthaḥ
sabhāṇḍaṁ bhoktum arhati
TRADUCTION
"Il a été établi que les descendants de familles royales sont comme des chiens
de garde faits pour rester au seuil de la maison. Sur quelles bases peuvent-ils
se permettre de pénétrer dans la demeure et de prétendre manger dans la
même assiette que le maître?
TENEUR ET PORTEE
VERSET 35
TRADUCTION
"Après que Śrī Kṛṣṇa, le Seigneur Suprême, maître souverain de tous les
êtres, ait quitté ce monde, les dissidents en profitèrent pour répandre leur
règne en l'absence de notre divin protecteur. Aussi devrai-je moi-même les
châtier; voyez seulement ma puissance."
TENEUR ET PORTEE
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 18
VERSET 36
ity uktvā roṣa-tāmrākṣo
vayasyān ṛṣi-bālakaḥ
kauśiky-āpa upaspṛśya
vāg-vajraṁ visasarja ha
TRADUCTION
Alors qu'il parlait ainsi à ses compagnons de jeu, le fils du ṛṣi, les yeux rougis
par la colère, toucha selon le rite l'eau de la rivière Kauśika, puis lança des
paroles fulgurantes.
TENEUR ET PORTEE
Comme l'indique ce verset, l'incident au cours duquel fut maudit Mahārāja Parīkṣit
laissait paraître un certain manque de maturité. En cette occasion, Śṛṅgi, le fils
du ṛṣi, voulait simplement faire valoir son audace aux yeux de ses compagnons de
jeu, qui étaient tous aussi irresponsables que lui. Tout homme possédant le moindre
jugement l'aurait empêché de causer un si grand tort, qui devait entraîner de
nombreuses souffrances pour l'humanité. En condamnant à mort un roi de la valeur
de Mahārāja Parīkṣit seulement pour exhiber ses pouvoirs bramaniques, le fils
inaverti du brāhmaṇa commit une grave erreur.
VERSET 37
iti laṅghita-maryādaṁ
takṣakaḥ saptame ’hani
daṅkṣyati sma kulāṅgāraṁ
codito me tata-druham
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
VERSET 38
TRADUCTION
Puis, lorsque le jeune garçon retourna à l'ermitage, et qu'il vit son père un
serpent posé sur ses épaules, il en conçut une profonde affliction et fondit en
larmes.
TENEUR ET PORTEE
En lui-même, le jeune garçon ne se sentait pas heureux d'avoir commis une si grave
erreur, et il chercha à soulager son coeur en pleurant. Ainsi, après avoir pénétré
dans l'ermitage et y avoir vu son père dans la condition où il se trouvait, il versa de
chaudes larmes dans l'espoir d'être affranchi de sa douleur, mais il était trop tard, et
le père regretta qu'un tel incident se soit produit; c'est ce qu'il ressortira des versets
qui suivent.
VERSET 39
sa vā āṅgiraso brahman
śrutvā suta-vilāpanam
unmīlya śanakair netre
dṛṣṭvā cāṁse mṛtoragam
TRADUCTION
VERSET 40
TRADUCTION
Il jette par terre le serpent mort et s'enquiert auprès de son fils de la raison de
ses pleurs: quelqu'un lui aurait-il fait du mal ? En réponse, le fils lui relate
tous les événements qui sont survenus.
TENEUR ET PORTEE
Le père n'attacha pas une grande importance au fait qu'on ait déposé une carcasse
de serpent sur ses épaules, et il se contenta de jeter le cadavre par terre. En vérité, il
n'y avait guère eu d'offense sérieuse de la part de Mahārāja Parīkṣit, mais le fils
insensé y vit un sérieux outrage et, sous l'influence de Kali, maudit le roi, mettant
ainsi fin à un heureux chapitre de l'histoire de l'humanité.
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 18
VERSET 41
TRADUCTION
VERSET 42
TRADUCTION
"O mon fils, ton intelligence n'est pas encore développée, et la maturité te fait
défaut; aussi ignores-tu que le roi, le meilleur des hommes, vaut tout autant
que le Seigneur Suprême, et que jamais on ne doit le placer sur un pied
d'égalité avec les autres hommes. Sous la protection qu'il leur accorde grâce à
sa puissance inégalable, les citoyens de l'Etat vivent dans la prospérité
complète.
VERSET 43
alakṣyamāṇe nara-deva-nāmni
rathāṅga-pāṇāv ayam aṅga lokaḥ
tadā hi caura-pracuro vinaṅkṣyaty
arakṣyamāṇo ’vivarūthavat kṣaṇāt
TRADUCTION
"Sache, mon fils, que le Seigneur, qui brandit une roue de char, Se trouve
représenté par l'ordre monarchique, et que lorsque ce régime se trouve aboli,
le monde entier s'emplit de malfaiteurs qui dès lors s'attaquent aux citoyens
laissés sans protection, comme des brebis dispersées.
TENEUR ET PORTEE
VERSET 44
TRADUCTION
"Ainsi, la monarchie abolie, et les biens du peuple pillés par des malfaiteurs de
toutes sortes, des dérèglements graves viendront perturber la société. Les
hommes se feront violence, s'entre-tueront même, s'empareront des femmes et
des bêtes; et nous devrons porter le poids de toutes ces fautes.
TENEUR ET PORTEE
Le mot naḥ (nous) est ici lourd de sens. Car, c'est au nom de la communauté entière
des brāhmaṇas que le sage assume la responsabilité de l'abolition de la monarchie,
et la mise au pouvoir de soi-disant démocrates, qui pillent le plus souvent les biens
de leurs concitoyens. Ces malfaiteurs s'emparent de l'appareil administratif sans se
sentir le moins du monde responsables de voir à la prospérité de leurs électeurs.
Tous cherchent à s'emparer du poste de dirigeant pour satisfaire leurs ambitions
personnelles, de sorte qu'à la place d'un roi unique, s'élèvent de nombreuses têtes
irresponsables qui accablent d'impôts les citoyens de l'Etat. Et notre verset prédit
qu'en l'absence d'un gouvernement monarchique qualifié, chaque homme deviendra
cause de trouble pour les autres, que ce soit par l'usurpation des biens, des animaux
ou des femmes, ou par la violence.
VERSET 45
TRADUCTION
"Les hommes dans leur masse choiront alors systématiquement des voies de la
civilisation évolutive organisée en varṇas et āśramās, selon les occupations et
les qualités de chacun en regard des normes établies par les Vedas pour le
genre humain. Par suite, ils s'absorberont davantage dans la poursuite des
richesses en vue de la satisfaction des sens, ce qui aura pour effet d'engendrer
une population indésirable, composée d'hommes ne valant guère mieux que
chiens ou singes.
TENEUR ET PORTEE
Le mode de vie védique se trouve désigné par le nom d'ārya, qui indique une
civilisation à caractère évolutif; et les āryas sont ceux qui parfont leur existence
dans le cadre de la civilisation védique, laquelle vise le retour à Dieu, en Son
royaume, où il n'existe ni naissance, ni maladie, ni vieillesse, ni mort.
Les Vedas exhortent tous les hommes à quitter les ténèbres de l'univers matériel
pour s'élever vers la lumière du monde spirituel, situé bien au-delà de notre vision
matérielle et hors des limites du monde que nous habitons. L'institution
des varṇas et āśramās a été scientifiquement conçue par le Seigneur et les
grands ṛṣis, Ses représentants, en fonction des qualités de chacun. La voie ainsi
tracée pour le juste comportement de tous les hommes fournit donc tous les
enseignements requis pour la conduite de son existence aussi bien matérielle que
spirituelle. Le mode de vie védique n'autorise aucun homme à se comporter tel un
singe ou un chien, à seule fin d'assouvir ses sens ou d'embrasser la philosophie de
Mammon, en se livrant corps et âme à l'accroissement de ses biens. Une civilisation
ainsi dégradée se trouve être le fruit d'un gouvernement athée, ou privé de roi, d'un
gouvernement populaire, créé par le peuple, et pour le peuple. Et nul ne devrait
décrier la mauvaise administration d'un gouvernement qu'il a lui-même élu.
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 18
VERSET 46
dharma-pālo nara-patiḥ
sa tu samrāḍ bṛhac-chravāḥ
sākṣān mahā-bhāgavato
rājarṣir haya-medhayāṭ
kṣut-tṛṭ-śrama-yuto dīno
naivāsmac chāpam arhati
TRADUCTION
Après avoir fait ressortir les principes généraux s'attachant à la position de roi, et
affirmé que l'empereur ne peut pas malfaire, et que par suite il ne doit jamais être
condamné, le sage Śamīka voulait parler plus spécifiquement de Mahārāja Parīkṣit.
Aussi trouve-t-on dans ce verset une description sommaire des qualités de
l'empereur, qui, même d'un point de vue purement administratif, s'avérait être un
dirigeant hautement célébré pour la façon dont il gouvernait en se conformant aux
principes religieux propres à la royauté. Les śāstras nous révèlent les devoirs de
tous les varṇas et āśramās, et la Bhagavad-gītā (18.43) mentionne précisément les
qualités du kṣatriya, présentes dans leur entier en la personne de l'empereur. Mais
au premier chef, au-delà de ses attributs royaux, Mahārāja Parīkṣit était un grand
dévot du Seigneur, une âme réalisée. Or, si un roi d'une telle noblesse éprouve
quelque fatigue ou lassitude, souffrant de la faim ou de la soif, et qu'il demande
pour lui-même un peu d'eau, il ne convient nullement de le frapper de malédiction.
Ainsi, Śamīka ṛṣi admet que selon toutes considérations, c'est fort injustement que
son fils a maudit Mahārāja Parīkṣit, et permis ainsi à la personne de Kali de
s'insinuer dans les divisions établies au sein de la société pour en troubler l'ordre. Et
bien que l'ensemble des brāhmaṇas n'ait rien eu à voir avec l'incident qui nous
concerne, en voyant que le geste puéril de son fils aurait des répercussions sur
l'atmosphère générale du monde, Śamīka ṛṣi assuma, au nom de la communauté
des brāhmaṇas qu'il représentait, l'entière responsabilité de la détérioration de
l'ordre juste établi dans la société.
VERSET 47
apāpeṣu sva-bhṛtyeṣu
bālenāpakva-buddhinā
pāpaṁ kṛtaṁ tad bhagavān
sarvātmā kṣantum arhati
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
VERSET 48
tiraskṛtā vipralabdhāḥ
śaptāḥ kṣiptā hatā api
nāsya tat pratikurvanti
tad-bhaktāḥ prabhavo ’pi hi
TRADUCTION
Telle est l'indulgence des dévots du Seigneur que même s'ils sont diffamés,
trompés, maudits, rejetés ou mis à mort, jamais ils ne cherchent à
contrecarrer de telles adversités.
TENEUR ET PORTEE
Le ṛṣi Śamīka savait bien que le Seigneur n'accorde pas Son pardon à celui qui a
commis une offense aux pieds d'un de Ses dévots. En pareil cas, le Seigneur ne peut
que recommander de prendre refuge auprès du bhakta ainsi offensé. Le
sage brāhmaṇa songeait donc que si Mahārāja Parīkṣit renvoyait sa malédiction à
son fils, alors celui-ci pourrait être sauvé. Mais il savait également qu'un
pur bhakta se montre indifférent devant les avantages et les revers de l'existence; et
qu'ainsi, jamais il ne cherche à agir contre ceux qui le diffament, le maudissent, le
méprisent, etc. Car le bhakta n'attache aucune importance à ces attaques
personnelles. Par contre, que ces mêmes gestes soient portés vers le Seigneur ou
Ses dévots, et le bhakta réagira avec véhémence. Mais dans le cas de Mahārāja
Parīkṣit, il s'agissait d'une atteinte à sa propre personne, aussi Śamīka ṛṣi savait-il
que le roi ne ferait rien pour contrecarrer la malédiction proférée contre lui. Il en
conclut donc qu'il n'était d'autre recours que d'en appeler au Seigneur pour que Ce
dernier prenne en considération l'immaturité de son fils.
VERSET 49
iti putra-kṛtāghena
so ’nutapto mahā-muniḥ
svayaṁ viprakṛto rājñā
naivāghaṁ tad acintayat
TRADUCTION
Le sage ne tint donc pas pour sérieuse l'offense du roi, et il regretta la faute
commise par son propre fils.
TENEUR ET PORTEE
Les faits ont maintenant été élucidés. L'offense de Mahārāja Parīkṣit, qui avait posé
un serpent mort sur le cou du sage, n'était pas du tout grave, au contraire de celle de
Śṛṅgi, qui en retour frappa le roi de malédiction. Mais cette offense, bien que
sérieuse, n'avait été commise que par un enfant irréfléchi. Aussi, bien qu'il ne soit
pas possible de neutraliser une telle faute, il pouvait être excusé par le Seigneur
Suprême. Mahārāja Parīkṣit, pour sa part, n'attachait guère d'importance à la
malédiction proférée contre lui par le brāhmaṇa insensé. Au contraire, il profita
pleinement de cette situation malencontreuse, et par la magnanime volonté du
Seigneur, il attint, à travers la grâce de Śrīla Śukadeva Gosvāmī, la plus haute
perfection de l'existence. En vérité, tout s'était déroulé selon le désir du Seigneur, et
Mahārāja Parīkṣit, le ṛṣi Śamīka et son fils Śṛṅgi servirent tous d'instruments dans
l'accomplissement de Ses désirs. Aucun d'eux ne fut donc mis en difficulté en
termes karmiques, puisque tout fut accompli pour le bénéfice de Yajñā, le Seigneur
Suprême.
VERSET 50
TRADUCTION
D'une façon générale, les spiritualistes, même s'ils se trouvent impliqués par
d'autres dans les activités duelles de l'univers matériel, ne s'en affligent ni ne
s'en réjouissent, car ils se situent sur le plan spirituel.
TENEUR ET PORTEE
Śrīmad-Bhāgavatam
CHANT 1
CHAPITRE 19
L'apparition de Śukadeva Gosvāmī
VERSET 1
sūta uvāca
mahī-patis tv atha tat-karma garhyaṁ
vicintayann ātma-kṛtaṁ sudurmanāḥ
aho mayā nīcam anārya-vat kṛtaṁ
nirāgasi brahmaṇi gūḍha-tejasi
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
VERSET 2
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Selon les codes du Seigneur Suprême, les brāhmaṇas et les vaches doivent
recevoir toute protection. Lui-même Se montre d'ailleurs enclin à combler
les brāhmaṇas et les vaches à chaque fois que l'occasion s'en présente.
Mahārāja Parīkṣit avait connaissance de ces sages principes, aussi en conclut-
il que son outrage au puissant brāhmaṇa serait certes puni par les lois de Dieu,
et qu'il devait donc s'attendre, dans un futur très rapproché, à rencontrer
quelques difficultés majeures. Par suite, il désira que la calamité imminente
s'abatte sur lui directement, sans que les membres de sa famille aient à en
souffrir. En effet, la mauvaise conduite d'un homme a des répercussions sur
toute sa famille, et c'est pour cette raison que Mahārāja Parīkṣit désirait subir
pour lui seul son châtiment. Il avait la certitude qu'une calamité allait
s'abattre sur lui et les siens, et il voulait en porter seul le poids, sans aucun
détour. Il escomptait que ses souffrances personnelles l'amène à s'abstenir
dans le futur de toute nouvelle ineptie, et que la faute dont il s'était rendu
coupable soit ainsi rachetée de manière à ce que ses descendants n'aient pas à
en souffrir. Voilà comment pense un bhakta responsable. En contrepartie, les
membres de la famille d'un bhakta partagent également les fruits du service
qu'il offre au Seigneur. Ceci fut démontré par Mahārāja Prahlāda, qui sauva
son père démoniaque par la force de sa propre dévotion. En fait, le plus grand
bienfait, ou bénédiction, que puisse accorder le Seigneur à une famille c'est d'y
faire naître un bhakta.
VERSET 3
TRADUCTION
"Barbare et pécheur que je suis pour avoir, par inintelligence, agi contre la
culture brahmanique, la conscience divine et la protection de la vache. Je
souhaite que mon royaume, avec ses forces et ses richesses soit aussitôt
consumé par le feu de la colère du brāhmaṇa, en sorte que dans le futur je
n'aie plus jamais une conduite aussi funeste."
TENEUR ET PORTEE
VERSET 4
TRADUCTION
Alors qu'il se repent ainsi, le roi reçoit la nouvelle de sa mort imminente, qui
sera causée par la morsure d'un serpent ailé, tel que l'a dit le fils du sage. Mais
il la reçoit fort bien, car il y voit l'occasion de se détacher totalement des
choses de ce monde.
TENEUR ET PORTEE
VERSET 5
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
VERSET 6
yā vai lasac-chrī-tulasī-vimiśra-
kṛṣṇāṅghri-reṇv-abhyadhikāmbu-netrī
punāti lokān ubhayatra seśān
kas tāṁ na seveta mariṣyamāṇaḥ
TRADUCTION
Cette rivière [sur les rives de laquelle s'assit l'empereur pour jeûner] porte
dans son lit une eau des plus propices à laquelle se mêle la poussière des pieds
pareils-au-lotus du Seigneur et des feuilles de tulasī. Ainsi, elle sanctifie les
trois mondes, à l'intérieur comme à l'extérieur, et même Śiva, ainsi que les
autres devas. Par suite, quiconque est destiné à la mort doit prendre refuge
auprès d'elle.
TENEUR ET PORTEE
Dès qu'il reçut la nouvelle de sa mort dans les sept jours à venir, Mahārāja
Parīkṣit se retira de la vie de famille et se rendit sur les rives sacrées de la
Yamunā. On dit généralement qu'il prit refuge des rives du Gange, mais Śrīla
Jīva Gosvāmī précise qu'il s'agissait de la Yamunā, ce qui est d'ailleurs plus
justifiable compte tenu de la position géographique d’Hastināpura, la capitale
de Mahārāja Parīkṣit, qui se situe à proximité de la présente ville de Delhi, où
coule la Yamunā. Or, il était normal pour le roi de prendre refuge auprès de la
Yamunā, puisqu'elle coulait pratiquement aux portes de son palais. Et notons
qu'en termes de sanctification, la Yamunā se trouve plus directement liée à
Kṛṣṇa que le Gange. Le Seigneur l'a en effet sanctifiée dès le début de Ses
Divertissements absolus en ce monde, lorsque Son père Vasudeva dut la
traverser pour conduire bébé Kṛṣṇa en lieu sûr, à Gokula, sur la rive opposée
à celle où se trouve Mathurā. Le Seigneur tomba alors dans ses eaux, qui
reçurent ainsi la poussière sanctifiante de Ses pieds pareils-au-lotus. Or, notre
verset mentionne précisément que Mahārāja Parīkṣit prit particulièrement
refuge de cette rivière qui coule merveilleusement, emportant la poussière des
pieds pareils-au-lotus de Śrī Kṛṣṇa et des feuilles de tulasī. Et de fait, les pieds
pareils-au-lotus de Śrī Kṛṣṇa sont toujours décorés de feuilles de tulasī, de
sorte qu'aussitôt qu'ils entrèrent au contact des eaux du Gange et de la
Yamunā, celles-ci devinrent sanctifiées. Mais encore une fois, le Seigneur eut
davantage de contact avec la Yamunā qu'avec le Gange. Selon le Varāha
Purāṇa, cité par Śrīla Jīva Gosvāmī, il n'existe aucune différence entre les
eaux du Gange et celles de la Yamunā; mais lorsque les eaux du Gange voient
leur pouvoir sanctificateur multiplié par cent, elles deviennent la Yamunā.
Selon le même ordre d'idées, les Ecritures nous enseignent que mille Noms de
Viṣṇu valent un Nom de Rāma, et qu'il faut trois Noms de Rāma pour égaler
un Nom de Kṛṣṇa.
VERSET 7
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
VERSET 8
TRADUCTION
Tous les grands maîtres à penser, accompagnés de leurs disciples, et avec eux
les sages capables, par leur présence, de sanctifier même les lieux saints,
arrivent alors sous prétexte d'un pèlerinage.
TENEUR ET PORTEE
Lorsque Mahārāja Parīkṣit s'installa sur les rives du Gange, la nouvelle en fut
répandue dans toutes les directions de l'univers, et les sages à l'esprit profond,
conscients de l'importance des événements qui allaient se dérouler, se
rendirent tous sur les lieux, prétextant un pèlerinage. A la vérité, ils venaient
rencontrer Mahārāja Parīkṣit, et non se baigner au lieu saint, car tous avaient
qualité pour sanctifier même les lieux les plus sacrés. Les hommes du commun
se rendent aux lieux de pèlerinage pour se purifier de toutes leurs fautes, et ces
endroits deviennent ainsi encombrés par les fautes qu'ils y laissent. Mais
lorsque de grands sages s'y rendent, leur présence même sanctifie ces lieux. Il
est donc aisé de comprendre que les sages venus rencontrer Mahārāja Parīkṣit
n'étaient donc aucunement poussés par le désir de se purifier en ce lieu comme
le feraient des hommes ordinaires; bien plutôt, prétextant un bain en ces
endroits sacrés, ils vinrent rencontrer l'empereur, car ils pouvaient
comprendre qu'à la faveur du jeûne de sept jours qu'avait entrepris le roi,
Śukadeva Gosvāmī lui transmettrait le Śrīmad-Bhāgavatam, et tous désiraient
tirer parti de cet événement unique.
VERSETS 9-10
TRADUCTION
Pour cette occasion, arrivent de toutes les parties de l'univers les sages Atri,
Cyavana, Śaradvān, Ariṣṭanemi, Bhṛgu, Vasiṣṭha, Parāśara, Viśvāmitra,
Aṅgirā, Paraśurāma, Utathya, Indrapramada, Idhmavāhu, Medhātithi,
Devala, Ārṣṭiṣeṇa, Bhāradvāja, Gautama, Pippalāda, Maitreya, Aurva,
Kavaṣa, Kumbhayoni, Dvaipāyana et l'illustre Nārada.
TENEUR ET PORTEE
Cyavana: Grand sage, un des six fils de Bhṛgu Muni. Il naquit de façon
prématurée lorsque sa mère, enceinte de lui, fut kidnappée.
Bhṛgu: Alors que Brahmājī accomplissait un grand sacrifice pour Varuṇa,
Maharṣi Bhṛgu naquit du feu sacrificiel. Grand sage, il eut pour épouse très
chère Pulomā. Il pouvait voyager dans l'espace comme Durvāsā, Nārada et
d'autres, et il avait l'habitude de visiter les différentes planètes de l'univers. Il
fut un de ceux qui essayèrent d'empêcher la Bataille de Kurukṣetra. Il
instruisit Bhāradvāja Muni sur les mouvements des astres, et composa
la Bhṛgu-saṁhitā, célèbre traité d'astrologie. Il expliqua comment l'air, le feu,
l'eau et la terre procèdent de l'éther, et aussi la façon dont l'air agit à
l'intérieur de l'estomac et règle l'activité des intestins. Grand philosophe, il
établit par la logique la nature éternelle de l'âme (Mahābhārata). Il fut
également un anthropologue de haut renom, et il avait déjà élucidé la théorie
de l'évolution en des temps fort reculés. Il fut également un rigoureux artisan
de l'institution du varṇāśrama, avec ses divisions sociales et ses étapes
spirituelles. Il convertit enfin en brāhmaṇa le roi kṣatriya Vītahavya.
Vasiṣṭha: Voir p.388. (Śrīmad-Bhāgavatam 1.9.6.)
Parāśara: Petit-fils de Vasiṣṭha Muni et père de Vyāsadeva, il est le fils de
Maharṣi Śakti, et sa mère qui se nommait Adṛśyatī, le porta quand elle n'avait
que douze ans. Et c'est à l'intérieur du ventre de sa mère qu'il apprit les Vedas.
Son père fut tué par un asura, Kalmāṣapāda, et pour le venger, dès l'instant où
il en apprit la nouvelle de sa mère, il voulut anéantir le monde entier; mais son
grand-père Vasiṣṭha l'en empêcha. Il entreprit alors un yajña destiné à faire
périr les rākṣasas, mais Maharṣi Pulastya contrecarra ses plans. Attiré par
Satyavatī, qui devait plus tard devenir l'épouse de Mahārāja Śāntanu, il
conçut en son sein Vyāsadeva, et par sa bénédiction, le corps de Satyavatī
devint odorant à des kilomètres à la ronde. Il était également présent au
moment où Bhīṣma quitta son corps. Il fut le maître spirituel de Mahārāja
Janaka et un grand dévot de Śiva. Il est l'auteur de plusieurs Ecrits védiques
et traités sociologiques.
Gādhi-suta, ou Viśvāmitra: Grand sage rompu à l'austérité et aux pouvoirs
surnaturels, il est connu sous ce nom de Gādhi-suta en tant que fils de Gādhi,
puissant roi de la province de Kanyākubja (une partie de l'Uttara Pradesh).
Né kṣatriya, il devint néanmoins brāhmaṇa sans changer de corps par la force
de ses accomplissements de haute valeur. Il eut un jour maille à partir avec
Vasiṣṭha Muni alors qu'il remplissait encore les fonctions de roi kṣatriya, et il
accomplit un grand sacrifice avec l'aide de Maṭaṅga Muni de manière à
pouvoir vaincre les fils de Vasiṣṭha. Il devint par la suite un grand yogi, mais
incapable de contrôler ses sens, il devint le père de Śakuntalā, la reine à la
beauté célèbre dont nous parlent les récits historiques. Mais revenons à
l'incident qui l'opposa à Vasiṣṭha Muni. Encore kṣatriya donc, Viśvāmitra
visita un jour l'ermitage de Vasiṣṭha Muni, qui lui offrit une réception royale.
Viśvāmitra demanda alors à Vasiṣṭha de lui faire don de sa vache Nandinī, à
quoi le muni se refusa. Viśvāmitra entreprit donc de s'emparer de la vache, et
une querelle éclata entre le sage et le roi. Vivamitra fut finalement vaincu par
la puissance brahmanique de Vasiṣṭha, à la suite de quoi le roi résolut de
devenir brāhmaṇa. Avant de devenir brāhmaṇa, cependant, il se livra à de
rudes austérités sur les rives de la Kauśika. Il fut également du nombre de
ceux qui cherchaient à empêcher la Bataille de Kurukṣetra.
Aṅgirā: Un des six fils issus du mental de Brahmā, et père de Bṛhaspati, le
grand prêtre érudit des devas sur les planètes édéniques. Il naquit de la
semence de Bṛhaspati donnée aux cendres d'un feu. Utathya et Saṁvarta
furent également ses fils. On dit qu'il vit encore, accomplissant des austérités
et chantant les Saints Noms du Seigneur au lieu connu sous le nom
d'Alokānanda, sur les rives du Gange.
Paraśurāma: Voir p.388. (Śrīmad-Bhāgavatam 1.9.6.)
Utathya: Un des trois fils de Maharṣi Aṅgirā, il fut également le maître
spirituel de Mahārāja Mandhātā. Il épousa Bhadrā, fille de Soma (le deva de la
Lune). Un jour, Varuṇa, le deva de l'eau, enleva son épouse, et pour lui faire
payer son offense, il but toutes les eaux du monde.
Medhātithi: Vieux sage des temps anciens, membre de l'assemblée du roi des
cieux, Indradeva. Son fils fut Kaṇva Muni, qui éleva Śakuntalā dans la forêt. Il
fut promu aux planètes édéniques pour avoir strictement observé les principes
du vānaprastha.
Devala: Grande autorité en matière spirituelle, comme le sont Nārada Muni et
Vyāsadeva. On trouve d'ailleurs son respectable nom dans la liste de sages
qu'Arjuna donne dans la Bhagavad-gītā pour prouver que Śrī Kṛṣṇa est Dieu,
la Personne Suprême. Il rencontra Maharaja Yudhisthira après la Bataille de
Kuruksetra et il se trouve également être le frère aîné de Dhaumya, le prêtre
des Pāṇḍavas. A la manière des kṣatriyas, il permit à sa fille de choisir son
propre époux au cours d'un svayaṁvara et tous les fils non encore mariés
des ṛṣis furent invités à la cérémonie. Selon certains, il s'agit d'un personnage
différent d'Asita Devala.
Bhāradvāja: Voir p. 387-388. (Śrīmad-Bhāgavatam 1.9.6.)
Gautama: Un des sept grands sages de l'univers. Śaradvān Gautama fut l'un
de ses fils, et les membres de la Gautama-gotra (dynastie) sont, jusqu'à nos
jours, du nombre de ses descendants par le sang ou par les liens de la
succession disciplique. En général, les brāhmaṇas qui se réclament de la
Gautama-gotra lui sont liés par le sang, quand les kṣatriyas et
les vaiśyas revendiquant les mêmes origines lui sont tous liés à travers la
succession disciplique. Il fut l'époux de la fameuse Ahalyā, qui fut transformée
en pierre lorsque Indradeva, le roi des cieux, abusa d'elle. Ahalyā fut plus tard
délivrée de sa condition par Sri Rāmacandra. Gautama est l'aïeul de
Kṛpācārya, un des héros de la Bataille de Kurukṣetra.
Maitreya: Grand ṛṣis d'antan, il fut le maître spirituel de Vidura, et une
grande autorité en matière de religion. Il conseilla à Dhṛtarāṣṭra de rester en
bonne relation avec les Pāṇḍavas, mais Duryodhana n'était pas d'accord avec
un tel avis, et fut ainsi frappé de malédiction par lui. Il rencontra Vyāsadeva et
échangea avec lui des propos sur la religion.
Dvaipāyana: Voir Badarayana, p.387. (Śrīmad-Bhāgavatam 1.9.6.)
Nārada Muni: Voir p.386. (Śrīmad-Bhāgavatam 1.9.6.)
VERSET 11
anye ca devarṣi-brahmarṣi-varyā
rājarṣi-varyā aruṇādayaś ca
nānārṣeya-pravarān sametān
abhyarcya rājā śirasā vavande
TRADUCTION
VERSET 12
TRADUCTION
Lorsque tous les sages et les autres personnages réunis pour l'occasion sont
confortablement assis, le roi, debout devant eux les mains jointes, leur fait part
de sa décision de jeûner jusqu'à ce que vienne la mort.
TENEUR ET PORTEE
Bien que le roi eut déjà déterminé de jeûner sur les rives du Gange jusqu'à
l'heure de sa mort, il soumit humblement sa décision aux grandes autorités en
matière spirituelle afin de connaître leur opinion. Ainsi, toute décision, aussi
importante ou arrêtée qu'elle puisse être, doit être confirmée auprès d'une
autorité en la matière; ce geste conférera toute perfection à l'oeuvre entre-
prise. C'est donc dire que les rois gouvernant la terre à cette époque n'avaient
rien de dictateurs irresponsables puisqu'ils s'en tenaient scrupuleusement aux
justes décisions des saints et des sages, prises en accord avec les préceptes
védiques. Et Mahārāja Parīkṣit, en roi modèle, observa ce principe jusqu'aux
derniers jours de sa vie.
VERSET 13
rājovāca
aho vayaṁ dhanyatamā nṛpāṇāṁ
mahattamānugrahaṇīya-śīlāḥ
rājñāṁ kulaṁ brāhmaṇa-pāda-śaucād
dūrād visṛṣṭaṁ bata garhya-karma
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
D'après les principes de la religion, les excréments, l'urine, les eaux usées et
autres substances impures doivent être jetés au loin. Salles de bains, urinoirs
et toilettes à même les habitations peuvent s'avérer très pratiques, et ajouter
au confort de la vie moderne, mais ils doivent en fait se situer à une distance
appréciable de tous lieux habités. Notre verset souligne ce principe en
décrivant la manière dont ceux qui marchent d'un pas ferme vers leur
demeure originelle, le royaume de Dieu, considèrent les représentants de
l'ordre royal. Car, comme l'enseigna Śrī Caitanya Mahāprabhu, pour celui
qui désire retourner à Dieu, le fait d'entrer au contact intime d'un matérialiste
attaché à l'argent et aux biens de ce monde, ou d'un représentant de l'ordre
royal, présente un danger plus grand que de boire la ciguë. En d'autres mots,
le spiritualiste ne vit généralement pas au contact d'hommes par trop férus des
charmes externes de la création de Dieu. Car, son haut savoir en matière de
réalisation spirituelle lui donne de comprendre que les merveilles de l'univers
matériel ne sont que de faibles reflets de la réalité, présente dans le royaume
de Dieu. Aussi n'est-il guère attiré par l'opulence des rois ou quelque autre
bien de ce monde.
Dans le cas de Mahārāja Parīkṣit, cependant, la situation se présentait
différemment. Les apparences pouvaient laisser croire que le roi avait été
condamné à mort par le fils inexpérimenté d'un brāhmaṇa, mais la vérité est
qu'il fut rappelé par le Seigneur auprès de Lui. Les autres spiritualistes, les
grands sages et yogis réunis ensemble à l'occasion du jeûne de Mahārāja
Parīkṣit, éprouvaient un grand désir d'être en sa présence au moment où il
allait retourner à Dieu. Et Mahārāja Parīkṣit, quant à lui, pouvait également
comprendre que tous ces grands sages faisaient preuve de bonté à l'égard de
ses ancêtres, les Pāṇḍavas, pour le service de dévotion qu'ils offraient au
Seigneur. Aussi leur est-il reconnaissant d'être venus à lui aux derniers jours
de sa vie, et il attribue leur présence à la grandeur de ses aïeux. Il se sent fier
d'être le descendant d'aussi grands bhaktas. Or, un tel sentiment de fierté à
l'égard du Seigneur et de Ses dévots ne peut en aucun cas être assimilé à
l'orgueil suscité par la prospérité matérielle. Le premier élan appartient au
réel, quand le second est illusoire, et relève de la pure vanité.
VERSET 14
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Bien que Mahārāja Parīkṣit fut issu d'une famille de grands bhaktas, les
Pāṇḍavas, et malgré la solide formation spirituelle qu'il avait reçu —
formation destinée à faire naître en lui un attachement indéfectible, absolu,
pour la compagnie du Seigneur—, la fascination exercée par l'existence
matérielle, et particulièrement au sein de la famille, se montre si puissante que
Mahārāja Parīkṣit lui-même dut en être détaché par un plan du Seigneur, soit
par la malédiction du fils d'un brāhmaṇa. Comprenons toutefois qu'une action
aussi directe n'est entreprise par le Seigneur que dans le cas d'un bhakta hors
du commun, appelé à remplir une mission particulière pour Lui. Ce que
Mahārāja Parīkṣit put comprendre en voyant présent devant lui les plus hauts
spiritualistes de l'univers. Le Seigneur vit auprès de Ses dévots, aussi la
présence des grands saints indiquait-elle également celle du Seigneur. Jamais
le Seigneur ne Se manifeste à un être désavoué par Lui, mais Mahārāja
Parīkṣit pouvait très bien voir que par la malédiction du brāhmaṇa le Seigneur
lui était apparu. Il percevait cette épreuve comme une situation favorable, en
ce qu'elle lui permettait de se détacher des charmes de la vie familiale devant
la menace de la mort cruelle. Aussi est-ce comme une marque de la faveur du
Seigneur Suprême qu'il accueillit la présence des grands ṛṣis.
VERSET 15
TRADUCTION
O brāhmaṇas, veuillez voir en moi une âme tout entière soumise, et que mère
Gange, qui représente le Seigneur, me tienne égaiement pour telle, car j'ai déjà
étreint en mon coeur les pieds pareils-au-lotus du Seigneur. Que le serpent
ailé, ou quelque autre création magique du brāhmaṇa, me morde aussitôt; mon
seul désir est que vous continuiez de chanter les gloires de Viṣṇu.
TENEUR ET PORTEE
Sitôt que l'on s'est tout entier donné aux pieds pareils-au-lotus du Seigneur
Suprême, on cesse de craindre la mort. De plus, l'atmosphère créée par la
présence des grands dévots du Seigneur sur les rives du Gange ainsi que
l'abandon complet du roi aux pieds pareils-au-lotus du Seigneur, suffisait pour
garantir le retour de Mahārāja Parīkṣit en sa demeure originelle, dans le
royaume absolu. Ainsi devint-il libre de toute appréhension face à la mort.
VERSET 16
TRADUCTION
Et, réitérant mon hommage à vous tous, ô brāhmaṇas, je prie pour que s'il me
faut renaître en cet univers matériel, je puisse concevoir un attachement
indéfectible pour le Seigneur, Śrī Kṛṣṇa, aux puissances infinies, que je puisse
également obtenir la compagnie de Ses dévots et entretenir une relation
amicale avec tous les êtres.
TENEUR ET PORTEE
Mahārāja Parīkṣit explique ici que le dévot du Seigneur est le seul être parfait
car, eût-il de nombreux ennemis, il n'est lui-même l'ennemi de personne. Par
ailleurs, bien qu'il ne nourrisse envers eux aucune animosité, il n'aime pas
vivre au contact d'abhaktas, mais recherche plutôt la compagnie des autres
dévots du Seigneur. Ce qui est tout à fait naturel: les oiseaux de même espèce
vivent ensemble; qui se ressemble s'assemble. Et, par-dessus tout, la
préoccupation première du bhakta est de connaître un attachement parfait
pour Śrī Kṛṣṇa, le père de tous les êtres. De même qu'un fils fidèle à son père
montre des sentiments amicaux à l'égard de ses frères, le dévot du Seigneur, en
fils fidèle du père suprême, Śrī Kṛṣṇa, voit tous les êtres selon le lien qui les
unit au père suprême. Or, Celui-ci S'efforce de ramener à une condition plus
saine ceux parmi Ses fils qui se montrent rebelles envers Lui, en sorte qu'ils
reconnaissent en Lui le père suprême. Mahārāja Parīkṣit s'acheminait certes
vers le royaume absolu, mais il pria pour que même s'il devait revenir en ce
monde, ce soit dans les conditions de vie les plus parfaites. Le pur bhakta ne
désire pas même la compagnie d'un aussi grand personnage que Brahmā; il lui
préfère celle d'êtres insignifiants qui soient des dévots du Seigneur.
VERSET 17
TRADUCTION
Après avoir pris soin de confier la charge du royaume à son fils, Mahārāja
Parīkṣit, parfaitement maître de lui-même, s'assoit, face au nord, sur une natte
de paille avec les racines tournées vers l'est, et le siège lui-même posé sur la
rive méridionale du Gange.
TENEUR ET PORTEE
Gaṅgā (le Gange) est célébrée comme l'épouse de l'océan. On tient par ailleurs
une natte d'herbe kuśa pour sanctifiée si la paille qui la compose a été
arrachée avec la racine; en outre, il est propice d'orienter ces racines vers l'est.
Et le fait de s'y asseoir face au nord favorise encore davantage la réussite
spirituelle. De plus, avant de quitter le foyer familial, Mahārāja Parīkṣit remit
à son fils la charge de gouverner le royaume. Toutes les conditions favorables
se trouvaient donc ainsi réunies.
VERSET 18
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Au moins jusqu'à l'époque de Mahārāja Parīkṣit, les communications
interplanétaires existaient, et la nouvelle du jeûne de Mahārāja Parīkṣit,
devant se poursuivre jusqu'à ce que la mort vienne le prendre, et en vue
d'obtenir le salut, parvint jusqu'aux planètes supérieures, où vivent les intel-
ligents devas. Ceux-ci jouissent d'une plus grande prospérité que les humains,
habitants de la Terre, mais tous obéissent aux ordres du Seigneur Suprême;
aucun habitant des sphères édéniques n'est un athée, un incroyant. Aussi
tout bhakta vivant à la surface de la terre reçoit-il leurs louanges; dans le cas
de Mahārāja Parīkṣit particulièrement, ils se montrèrent littéralement char-
més, et pour lui témoigner leur estime, jettèrent en pluie des fleurs sur la terre
et jouèrent de leurs tambours célestes. La nature du pur bhakta est telle qu'il
se réjouit lorsqu'il voit une âme retourner à Dieu. Et les devas sont toujours si
satisfaits des dévots du Seigneur qu'ils les assistent à tous égards au moyen de
leurs pouvoirs adhidaiviques, ce qui a pour effet d'attirer sur eux les faveurs
du Seigneur. Ainsi existe-t-il une chaîne invisible de coopération parfaite entre
le Seigneur, les devas et les bhaktas vivant sur terre.
VERSET 19
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
La beauté naturelle d'un être vivant se trouve mise en valeur lorsqu'il s'élève
au niveau du service de dévotion. Mahārāja Parīkṣit était animé d'un
attachement profond pour le Seigneur, Śrī Kṛṣṇa, et en voyant cela, les
grands sages réunis pour l'occasion se montrèrent des plus satisfaits; aussi lui
exprimèrent-ils leur approbation par ces mots: "Très bien". De tels sages se
sentent naturellement portés à faire du bien aux hommes dans leur masse, et
lorsqu'ils voient un personnage comme Mahārāja Parīkṣit, élevé dans le
service de dévotion, leur joie ne connaît plus de limite, et ils lui offrent toutes
les bénédictions qui sont en leur pouvoir. Le service de dévotion offert au
Seigneur revêt un caractère tellement propice que tous les devas, les sages, et
jusqu'au Seigneur Lui-même, deviennent comblés, en sorte que
le bhakta désireux de parfaire son existence voit toutes choses rendues
favorables pour lui, et tout mauvais présage disparaître de sa voie. Le fait,
pour Mahārāja Parīkṣit, de rencontrer tous ces grands sages avant sa mort
était certes des plus propices, et on peut ici comprendre que la prétendue
malédiction du fils du brāhmaṇa s'était, pour le bhakta qu'il était, transformée
en bénédiction.
VERSET 20
TRADUCTION
"O meilleur des saints rois, pour vous, empereur de la dynastie Pāṇḍu, et
strict représentant de la lignée de Śrī Kṛṣṇa, il n'y a rien d'étonnant à ce que
vous quittiez votre trône paré des heaumes de nombreux rois, en vue d'obtenir
la compagnie éternelle du Seigneur Suprême.
TENEUR ET PORTEE
Le sot politicien qui obtient un poste au sein du gouvernement croit que cette
situation temporaire représente le plus haut bienfait matériel qu'il ait obtenu
de toute sa vie; aussi s'accroche-t-il à ce poste jusqu'au dernier instant de son
existence, ignorant que le véritable bien suprême réside dans le fait de devenir
un compagnon libéré du Seigneur en Son royaume éternel. Et le but de la vie
humaine consiste précisément à poursuivre ce dessein, à faire retour vers Dieu,
en sa demeure originelle. Le Seigneur en personne affirme d'ailleurs à maintes
reprises dans la Bhagavad-gītā que c'est en parvenant avec succès à retourner
à Dieu, en Son royaume éternel, que l'on atteint le plus grand bienfait.
Prahlāda Mahārāja adressait lui-même cette prière à Śrī Nṛsiṁha: "O
Seigneur, j'ai grande crainte des sentiers de l'existence matérielle, mais je
n'éprouve pas la moindre peur en présence de Ta Forme féroce et terrifiante
de Nṛsiṁhadeva. Cette existence matérielle semble parfois une lourde meule
qui nous broie de sa masse. Déchus, nous sommes emportés dans un tourbillon
infernal de vagues, les hauts et les bas de cette existence; voilà donc, ô
Seigneur, que je dépose à Tes pieds pareils-au-lotus cette prière: rappelle-moi
en Ton royaume éternel comme l'un de Tes serviteurs, car là réside la
libération ultime hors de l'existence matérielle, dont j'ai une expérience très
amère. Dans toutes les espèces vivantes où j'ai dû prendre naissance, contraint
par les suites de mes propres activités, j'ai connu l'amertume sous deux formes
particulières: la séparation d'avec ceux que j'aimais et la rencontre d'éléments
indésirables. Or, les remèdes que j'ai appliqué à mes souffrances se sont avérés
être plus dangereux encore que les maux eux-mêmes. Ainsi suis-je ballotté
d'un point à un autre, vie après vie, et je Te prie de m'accorder refuge à Tes
pieds pareils-au-lotus."
Les rois Pāṇḍavas, plus saints que nombre d'hommes en ce monde,
connaissent les fruits amers de l'existence matérielle, en sorte qu'ils ne se lais-
sent jamais captiver par le chatoiement du trône impérial qu'ils occupent. Ils
attendent toujours d'être appelés par le Seigneur pour vivre auprès de Lui à
tout jamais. Et Mahārāja Parīkṣit était le digne petit-fils de Mahārāja
Yudhiṣṭhira. Ce dernier renonça en temps voulu à l'attrait du trône impérial,
qu'il confia au soin de son petit-fils; et de même, Mahārāja Parīkṣit renonça à
son tour, le moment venu, à la charge du gouvernement qu'il remit dans les
mains de son fils Janamejaya. Telle fut la voie empruntée par tous les rois de
la dynastie, qui tous étaient de stricts adhérents à la lignée de Śrī Kṛṣṇa. En
bref, les dévots du Seigneur ne se laissent jamais charmer par l'éclat miroitant
de l'existence matérielle, et ils vivent, sans aucun parti pris, détachés des objets
de fascination propres à l'énergie matérielle illusoire.
VERSET 21
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
VERSET 22
TRADUCTION
Tous les propos des nobles sages étaient fort doux à entendre, chargés de
signification, et présentés en accord avec la vérité pure. Après les avoir
entendus, Mahārāja Parīkṣit louangea les grands sages, désireux qu'il était
d'entendre le récit des Actes de Śrī Kṛṣṇa, le Seigneur Suprême.
VERSET 23
TRADUCTION
"O sages magnanimes, qui de toutes les parties de l'univers, avez eu l'immense
bonté de venir en ce lieu, vous valez tout autant que la personnification même
du savoir suprême, qui habite la planète située au-delà des trois mondes
[Satyaloka]. Aussi êtes-vous naturellement portés vers le bien d'autrui; de fait,
vous ne poursuivez nul autre intérêt, que ce soit dans cette vie ou dans l'autre.
TENEUR ET PORTEE
Six perfections, à savoir beauté, richesse, puissance, renommée, sagesse et
renoncement, appartiennent originellement en propre à la Personne Suprême
et Absolue. Les êtres distincts, fragments et parties intégrantes de l'Etre
Suprême, peuvent également posséder tous ces attributs matériels, mais
seulement de façon partielle, dans une proportion maximale de soixante-dix-
huit pour cent par rapport au Seigneur. Dans l'univers matériel, cependant,
ces attributs de l'être distinct se manifestent à un degré moindre, voilés qu'ils
sont par l'énergie matérielle, à la manière du soleil que vient parfois voiler un
nuage. La puissance ainsi voilée des rayons solaires apparaît très faible par
rapport à leur éclat originel, et de même, les attributs de l'être distinct venu en
ce monde perdent-ils leur couleur originelle pour s'éteindre presque
entièrement.
On divise les planètes en trois systèmes de niveaux différents: les mondes
inférieurs, intermédiaires et supérieurs. La Terre et ses habitants humains se
situe au début des mondes intermédiaires, alors que Brahmā et ses pairs vivent
sur les planètes supérieures, dont la plus élevée est Satyaloka. Les habitants de
cette dernière maîtrisent parfaitement la sagesse védique, de sorte que pour
eux, le nuage mystique de l'énergie matérielle se dissipe; on les désigne pour
cette raison du nom de Vedas personnifiés. Pleinement éveillés au savoir et
matériel et spirituel, ils ne poursuivent aucun intérêt personnel, que ce soit
dans les mondes matériel ou spirituel. On peut pratiquement les qualifier
de bhaktas sans désir, car il n'ont rien à poursuivre dans l'univers matériel, et
ils trouvent en eux-mêmes leur plénitude dans le monde spirituel. Pourquoi
dès lors, viennent-ils ici-bas, se demandera-t-on ? La réponse est qu'ils
descendent sur différentes planètes de cet univers sur l'ordre du Seigneur,
pour y remplir le rôle de messies, et y libérer les âmes déchues. Sur terre, ils
apparaissent en différents lieux et, en diverses circonstances, sous divers
climats, ils font le bien des hommes. Mais hormis leur mission—arracher à
l'influence illusoire de l'énergie matérielle les âmes conditionnées croupissant
dans l'existence matérielle—, ils n'ont rien à faire en ce monde.
VERSET 24
TRADUCTION
"O brāhmaṇas, je vous soumets maintenant, à vous tous qui êtes dignes de foi,
cette question: quel est mon devoir immédiat? Veuillez, après mûres
considérations, me révéler le devoir ultime de chacun en toutes circonstances,
et plus particulièrement juste avant de mourir."
TENEUR ET PORTEE
VERSET 25
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Le mot bhagavān est parfois utilisé pour désigner un grand dévot du Seigneur,
et c'est ainsi qu'on le trouve ici appliqué à Śukadeva Gosvāmī. De telles âmes
libérées sont désintéressées des affaires de ce monde, car elles se trouvent
comblées en elles-mêmes par leurs fructueuses pratiques du service de
dévotion. Ainsi que nous l'avons expliqué précédemment, Śukadeva Gosvāmī
n'accepta jamais de maître spirituel dans les formes, non plus qu'il ne se
soumit aux divers rites purificatoires; son illustre père, Vyāsadeva, avait agi
comme son maître spirituel naturel, car il avait entendu de lui le Śrīmad-
Bhāgavatam, après quoi il s'était trouvé parfaitement comblé, si bien qu'il
n'eut à dépendre d'aucune formalité rituelle. Celle-ci s'avère indispensable
pour ceux qui n'ont pas encore atteint la libération parfaite, mais Śrī
Śukadeva Gosvāmī avait déjà atteint ce niveau par la grâce de son père. Jeune
homme, il aurait dû être convenablement vêtu, mais désintéressé qu'il était des
conventions sociales, il allait nu, et se voyait raillé par la populace; curieux,
des femmes et des enfants l'entouraient, comme ils l'auraient fait d'un fou
rejeté de la société. Ainsi donc parut-il sur la scène, alors qu'il voyageait à son
gré par toute la terre. Il semble que devant les questions de Mahārāja Parīkṣit,
les nobles sages ne convenaient pas d'une décision unanime quant aux mesures
à adopter. Encore une fois, il existe, en vue de la réalisation spirituelle, de
nombreuses voies, tracées selon les diverses influences matérielles agissant sur
les êtres. Mais le but ultime de l'existence consiste à atteindre la plus haute
perfection du service de dévotion offert au Seigneur. Tout comme des
médecins peuvent parfois être en désaccord, les sages réunis en cette occasion
partageaient des opinions diverses, et c'est à ce moment que l'illustre et
puissant fils de Vyāsadeva apparut sur la scène.
VERSET 26
TRADUCTION
Il n'a que seize ans. Ses jambes, ses cuisses, ses mains, ses bras, ses épaules, son
front et les autres parties de son corps sont tous délicats. Ses yeux, grands et
merveilleux; son nez et ses oreilles, très relevés; son visage, fascinant; et son
cou joliment dessiné en forme de conque.
TENEUR ET PORTEE
VERSET 27
nigūḍha-jatruṁ pṛthu-tuṅga-vakṣasam
āvarta-nābhiṁ vali-valgūdaraṁ ca
dig-ambaraṁ vaktra-vikīrṇa-keśaṁ
pralamba-bāhuṁ svamarottamābham
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
Ces traits corporels particuliers sont ceux d'un personnage qui se distingue de
la masse des hommes. Tous les traits corporels de Śukadeva Gosvāmī énoncés
dans ces versets sont bien peu communs, et sont attribués, selon la science
physionomique, à un noble personnage. Sa carnation rappelait celle de Kṛṣṇa,
suprême entre les dieux, devas et autres êtres.
VERSET 28
śyāmaṁ sadāpīvya-vayo-’ṅga-lakṣmyā
strīṇāṁ mano-jñaṁ rucira-smitena
pratyutthitās te munayaḥ svāsanebhyas
tal-lakṣaṇa-jñā api gūḍha-varcasam
TRADUCTION
VERSET 29
sa viṣṇu-rāto ’tithaya āgatāya
tasmai saparyāṁ śirasājahāra
tato nivṛttā hy abudhāḥ striyo ’rbhakā
mahāsane sopaviveśa pūjitaḥ
TRADUCTION
Mahārāja Parīkṣit, aussi connu sous le nom de Viṣṇurāta [qui toujours jouit
de la protection de Viṣṇu], se prosterne alors pour recevoir cet hôte de
marque, le plus grand, Śukadeva Gosvāmī. Aussitôt, les ignorantes femmes et
les enfants cessent de le suivre. Śukadeva Gosvāmī, honoré de tous, monte sur
son siège élevé.
TENEUR ET PORTEE
VERSET 30
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
VERSET 31
TRADUCTION
Le sage Śrī Śukadeva Gosvāmī est donc assis, parfaitement paisible, et son
intelligence prête à répondre à toute question sans la moindre hésitation.
L'illustre bhakta, Mahārāja Parīkṣit, s'approche de lui et à nouveau présente
ses respects en se prosternant. Puis, les mains jointes, il s'enquiert auprès de
lui avec de douces et bienséantes paroles.
TENEUR ET PORTEE
VERSET 32
parīkṣid uvāca
aho adya vayaṁ brahman
sat-sevyāḥ kṣatra-bandhavaḥ
kṛpayātithi-rūpeṇa
bhavadbhis tīrthakāḥ kṛtāḥ
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
VERSET 33
TRADUCTION
Le seul souvenir de ta personne sanctifie aussitôt nos foyers. Et combien plus
encore de te voir, de te toucher, de baigner tes pieds pareils-au-lotus, de
t'offrir un siège en notre demeure, ou quelque autre service personnel !
TENEUR ET PORTEE
L'importance des saints lieux de pèlerinage est due à la présence des saints et
grands sages qui s'y trouvent. On dit que les pécheurs laissent leurs fautes
dans les saints pèlerinages qu'ils visitent; mais la présence de saints en ces
lieux purifie l'amas de fautes ainsi accumulées, en sorte que par la grâce de ces
saints et bhaktas, les lieux de pèlerinage conservent leur caractère sanctifié. Et
de même, si ces saints pénètrent dans la demeure de matérialistes, les fautes
accumulées par ces êtres avides des plaisirs de ce monde s'en trouveront certes
neutralisées grâce à leur présence sanctifiante. En conclusion, les
saints bhaktas ne poursuivent aucun intérêt personnel lorsqu'ils visitent les
chefs de famille; leur seul but est de sanctifier leur demeure. Ceux-ci doivent
donc se montrer reconnaissants envers de tels sages lorsqu'ils se présentent à
leur porte. Le chef de famille qui manque d'égard envers ces divins guides de
la société se rend coupable d'une grave offense. C'est d'ailleurs pourquoi les
Ecritures enjoignent au maître de maison qui ne se prosternerait pas aussitôt
devant un tel saint de jeûner tout au long du jour de manière à neutraliser
cette offense majeure.
VERSET 34
sānnidhyāt te mahā-yogin
pātakāni mahānty api
sadyo naśyanti vai puṁsāṁ
viṣṇor iva suretarāḥ
TRADUCTION
TENEUR ET PORTEE
On compte deux classes d'hommes: les athées et les dévots du Seigneur. Ces
derniers, en raison de leurs attributs divins, sont qualifiés de devas, ou asuras,
quand les athées prennent le nom d'asuras. Ceux-ci ne peuvent rester en
présence de Viṣṇu, le Seigneur Suprême; ils s'évertuent constamment à
détruire le Seigneur, mais le fait est qu'aussitôt qu'Il apparaît, les mécréants se
trouvent vaincus sans plus que ce soit par Son Nom, Sa Forme, Ses Attributs,
Ses Divertissements ou Son Entourage infiniment varié, tous spirituels et
absolus. Il est un dicton populaire selon lequel les spectres fuient à l'écoute du
Saint Nom du Seigneur. De même, le spectre de nos actes coupables se dissipe
aussitôt qu'apparaissent saints et bhaktas. Telle est la version de tous les Ecrits
védiques. Il est donc recommandé de ne rechercher la compagnie que de
saints bhaktas, de telle sorte que les spectres et asuras matérialistes ne puissent
exercer sur nous leur influence sinistre.
VERSET 35
TRADUCTION
Śrī Kṛṣṇa, le Seigneur Suprême, si cher aux fils du roi Pāṇḍu, ses illustres
cousins, m'a également accepté comme un de Ses proches, à seule fin de leur
être agréable.
TENEUR ET PORTEE
Un pur dévot du Seigneur, Lui portant une adoration exclusive, sert ses
intérêts familiaux plus habilement qu'un autre, grandement attaché aux
préoccupations illusoires engendrées par la famille. La généralité des hommes
se trouve dans cette seconde catégorie, et l'élan économique de la société
humaine se trouve tout entier stimulé par l'influence de l'affection pour la
famille. Ces êtres égarés ignorent totalement qu'on peut mieux servir sa
famille en devenant dévot du Seigneur. Celui-ci accorde en effet une protection
particulière aux descendants et aux membres de la famille d'un bhakta,
fussent-ils eux-mêmes abhaktas. Mahārāja Prahlāda, par exemple, était un
grand dévot du Seigneur, et son père, Hiraṇyakaśipu, un grand athée, ennemi
déclaré du Seigneur. Mais en dépit de sa nature, Hiraṇyakaśipu se vit
accorder le salut, du simple fait qu'il était le père de Mahārāja Prahlāda. Telle
est la bonté du Seigneur qu'Il accorde toute protection aux membres de la
famille de Ses dévots, si bien que le bhakta n'a pas à se soucier de ses intérêts
familiaux, même s'il doit parfois délaisser certains de ses proches pour pouvoir
s'engager dans le service de dévotion. Mahārāja Yudhiṣṭhira et ses frères
étaient les fils de Kuntī, la tante paternelle de Śrī Kṛṣṇa, et Mahārāja Parīkṣit
reconnaît que si Kṛṣṇa l'a pris sous Sa tutelle, c'est en raison du fait qu'il était
l'unique petit-fils des nobles Pāṇḍavas.
VERSET 36
anyathā te ’vyakta-gater
darśanaṁ naḥ kathaṁ nṛṇām
nitarāṁ mriyamāṇānāṁ
saṁsiddhasya vanīyasaḥ
TRADUCTION
Sinon à moins d'avoir été inspiré par Śrī Kṛṣṇa, comment aurais-tu choisi de
te manifester en ce lieu, toi dont les errements restent inconnus des hommes
du commun, et à plus forte raison de notre personne, au seuil de la mort ?
TENEUR ET PORTEE
Le sage magnanime qu'était Śukadeva Gosvāmī fut sans aucun doute inspiré
par Śrī Kṛṣṇa à se manifester aux yeux de Mahārāja Parīkṣit, cet autre grand
dévot du Seigneur, à seule fin de l'instruire dans les enseignements du Śrīmad-
Bhāgavatam. L'on ne peut en effet atteindre le coeur du service de dévotion
que par la grâce du maître spirituel et du Seigneur Suprême. Le maître
spirituel est le représentant visible du Seigneur, et il doit nous permettre
d'atteindre à la perfection ultime. Et nul, s'il n'est autorisé par le Seigneur, ne
peut devenir maître spirituel. Or, Śrīla Śukadeva Gosvāmī est un maître
spirituel authentique, et c'est à ce titre qu'il fut inspiré par le Seigneur afin
qu'il apparaisse devant Mahārāja Parīkṣit en vue de lui transmettre le
message du Śrīmad-Bhāgavatam. Celui à qui le Seigneur montre Sa faveur en
envoyant auprès de lui son représentant authentique obtient par là la
possibilité d'atteindre le but ultime, soit de retourner à Dieu, en sa demeure
originelle. Sitôt qu'un bhakta rencontre un représentant véritable du Seigneur,
il peut être assuré de retourner à Dieu au moment de quitter son corps
présent. La sincérité du bhakta joue toutefois un rôle d'importance. Le
Seigneur Se trouve dans le coeur de chaque être, et connaît ainsi parfaitement
les élans de chacun; et dès qu'Il perçoit dans une âme un ardent désir de
retourner vers Lui, Il dépêche sur-le-champ Son représentant qualifié auprès
d'elle. C'est grâce à une telle sincérité que le bhakta obtient du Seigneur la
certitude qu'il pourra retourner à Lui. En conclusion, celui qui obtient aide et
assistance d'un maître spritiuel authentique bénéficie de l'assistance directe du
Seigneur Lui-même.
VERSET 37
TRADUCTION
Tu es le maître spirituel de grands saints et bhaktas. Je te prie de m'indiquer,
pour tous les hommes, et surtout pour celui qui va mourir, le sentier de la
perfection.
TENEUR ET PORTEE
VERSET 38
TRADUCTION
Veuille également me faire savoir ce qui, pour l'homme, doit constituer l'objet
de son écoute, de son chant, de son souvenir et de son adoration, ainsi que les
pratiques qu'il doit éviter. Daigne m'expliquer tout ceci.
VERSET 39
TRADUCTION
Car, ô puissant brāhmaṇa, tu ne passes que bien peu de temps avec les chefs de
famille; c'est même à peine si tu demeures parmi eux le temps de traire une
vache.
TENEUR ET PORTEE
Les sages et les saints établis dans l'ordre du renoncement se rendent parfois à
la demeure d'un gṛhastha tôt le matin, à l'heure de la traite, pour demander
un peu de lait dont ils puissent se nourrir. Un demi-litre de lait fraîchement
recueilli du pis de la vache contient toutes les valeurs nutritives requises pour
l'homme. Ainsi, saints et sages des temps passés ne se nourrissaient-ils que de
lait. Même les plus pauvres parmi les chefs de famille avaient la garde d'une
dizaine de vaches au moins, qui chacune donnait de quinze à vingt litres de
lait, si bien que nul n'hésitait à se départir de quelques litres pour les sages
errants. Il va en fait du devoir d'un chef de famille de maintenir les saints et
les sages comme ses propres enfants.
Une âme magnanime comme Śukadeva Gosvāmī ne restait donc guère plus de
cinq minutes, le matin, dans un foyer. Ce qui revient à dire que d'aussi grands
saints ne sont que rarement vus chez les gṛhasthas; c'est pourquoi Mahārāja
Parīkṣit pria Śukadeva Gosvāmī de répondre à ses questions aussi rapidement
que possible. Et de même, tout maître de maison devrait être assez intelligent
pour obtenir quelques informations sur la spiritualité des sages bhaktas qui
pourraient le visiter. Jamais il ne devrait se montrer sot au point de demander
à un tel sage ce qui est disponible sur la place publique. Voilà donc les
échanges que doivent avoir les saints et les hommes de famille.
VERSET 40
sūta uvāca
evam ābhāṣitaḥ pṛṣṭaḥ
sa rājñā ślakṣṇayā girā
pratyabhāṣata dharma-jño
bhagavān bādarāyaṇiḥ
TRADUCTION